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Livre d'amours, auquel est relatee la grant amour et façon par laquelle Pamphille peut jouir de Galathee et le moyen qu'en fist la maquerelle

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The Project Gutenberg eBook of Livre d'amours, auquel est relatee la grant amour et façon par laquelle Pamphille peut jouir de Galathee et le moyen qu'en fist la maquerelle

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Title: Livre d'amours, auquel est relatee la grant amour et façon par laquelle Pamphille peut jouir de Galathee et le moyen qu'en fist la maquerelle

Author: Anonymous

Release date: June 26, 2009 [eBook #29251]
Most recently updated: January 5, 2021

Language: French

Credits: Produced by Laurent Vogel and the Online Distributed
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produced from images generously made available by the
Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at
http://gallica.bnf.fr)

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LIVRE D'AMOURS, AUQUEL EST RELATEE LA GRANT AMOUR ET FAÇON PAR LAQUELLE PAMPHILLE PEUT JOUIR DE GALATHEE ET LE MOYEN QU'EN FIST LA MAQUERELLE ***
page de titre
Livre d'amours: ouquel est relatee
La grant amour: et façon par laquelle
Pamphille peut: jouyr de galathee
Et le moyen: qu'en fist la maquerelle

première page
Le dieu d'amours qui par amour loial
Voulut aymer du monde la plus belle
Tant par amours que son palais royal
Prendre voulut et eslire avec elle
Par sa bonté infinie eternelle
Acroisse bruit au puissant roy de france
Charles huittiesme pour lequel en substance
De pamphille et galathee saige
Traicté d'amours j'ay les faitz a plaisance
Pour passer temps car sans quelque doubtance
Siege d'amours gist en noble couraige

Qui aime bien n'est jamais desloyal
Mais doulx bening et gracieux a celle
Qu'il veult aimer sans penser a nul mal
La vraye amour doit tousjours estre telle
Qui veult aymer dame ou damoiselle
De pamphille maintienne l'ordonnance
Et compasse ses faitz par attrempance
Sans se monstrer instabile et vollaige
Soit doulx parlant en termes d'ellegance
Si trouvera comme en toute naissance
Siege d'amours gist en noble couraige

Les haultz princes ont a pié et cheval
Servi amours et tenu leur querelle
Joustes faisant par tout amont aval
Tournes plaisans a la mode nouvelle
Mais pamphille par une maquerelle
L'assault gaigna: sans frapper a oultrance
Sans se tuer et sans rompre la lance
Galathee sumist en son servaige
Et si monstra que venus par puissance
Luy secourut et qu'en telle aliance
Siege d'amour gist en noble couraige

Prince puissant mon chief mon asseurance
Mon seul escu et ma seulle esperance
Prenez a gré ce trespetit ouvraige
Cest passe temps une resjouyssance
Et si voit on dedans que en ceste dance
Siege d'amours gist en noble couraige

Comme pamphille amoureux de galathee commence ses complaintes de tant qu'il ayme et ne l'ose declairer et dit

[V]ulneror et clausum porto sub pectore tellum
Crescit et assidue plaga dolorque michi

D'ung glaive agu suis vulneré
Et porte dessoubz ma poitrine
Le glaive qui m'a vulneré
Duquel n'ose monstrer le signe
La playe croist et ne decline
Point la douleur en moy enclose
Tel est batu qui plourer ne ose

Et ferientis adhuc non audeo dicere nomen.

J'ay sus une mon cueur assis
Je ne sçay se g'y perviendray
Mais se une fois en grace suis
Je feray ce que je vouldray
C'est hault lieu mais g'y pretendray
Si voit on ce que je doy craindre
A trop embrasser pou estraindre

Je ne sçay s'elle m'ayme ou non
Mais je croy qu'elle m'aimera
Et si n'ose dire son nom
Par moy point on ne le sçaura
Je pense que elle accordera
A moy/ mais en tel differance
Moult remaint de ce que fol pense

Nec sunt aspectus/ plaga videre suos

Ma plaie croist en toutes pars
Et ne veult pas tant seulement
Laisser qu'on voye ses regars
Pour me donner guarissement
Mais encore finablement
Se je parvien a mon entente
Je n'y pers que la longue attente

Unde futura meis majora pericula dampnis

Pourtant donc que je n'ose dire
Ma douleur je suis en doubtance
Que l'ung dangier l'aultre ne tire
Et que je n'en aye habundance
J'ay de mon salut esperance
J'espoir reconfort a mon dueil
Mais ung mal jamais ne vient seul

Spero salutis opem nec medicina dabit.

L'esperance que j'ay d'avoir
Salut me donne aulcun confort
Mais si fault il faire debvoir
Au residu c'est du plusfort
Espoir est mon seul reconfort
Touteffois disent les subtilz
Qu'esperance paist les chetifz

Les considerations que pamphille fait devant que aler parler a galathee et les moyens qu'il doit tenir et dit

Quam prius ipse viam meliorem carpere possum

Quelle voye doy je donc prendre
Pour la meilleure a parvenir
A ce lieu ou je vueil pretendre
Je ne sçay quel chemin tenir
Car bien y vouldroye venir
Par bon moyen se je sçavoye
Mais dangier est tousjours par voye

Heu michi quid faciam non bene certus eo

Helas doncques que doy je faire
Je craing dangier le mal parlant
Mon tresgrant ennemy contraire
Qu'il ne me rencontre en alant
En montant ou en devallant
Se je y voys c'est en ceste doubte
Mal asseur va qui ne voit goute

Conqueror est que mee justissima causa querelle
Cum sit consilii copia nulla michi

Pourtant doncques je me complains
A parmoy car en ma querelle
J'ay tresjuste cause de plains
Quant il n'y a celluy ne celle
Qui de conseil une estincelle
Me presente/ ou ayt presenté
Plainte n'est pas cry de santé

Sed quia multa nocent opus est michi querere multa

Mais pourtant qu'en telle entreprinse
Plusieurs choses peuent encourir
Qui seroyent cause de reprise
Plusieurs moyens doy enquerir
Et le plus utille querir
Par art secret se ainsi peult estre
Souvent ayde l'art a son maistre

Si mea plaga suos denudet in ordine vultus
Quis sit et unde venit armaque quis posint

S'il fault que je quiere advocas
Pour leur dire par ordonnance
Toute ma douleur et mon cas
Qui elle est dont vient sa naissance
Qui cause aussi ma douleance
Je craingz conseillers desloyaulx
Tel se dit amy qui est faulx

Perdet et ipsa sue fortassis spem medicine
Spes reficit donum fallit et ipsa suum.

Ainsi donc se la congnoissance
De ma plaie je determine
Perdre je pourray l'esperance
Que j'ay d'en avoir medicine
Or est esperance si fine
Que son seigneur souvent repaist
Et le deçoit quant il luy plaist

Si tegat ex toto faciem motusque doloris
Et nunquam querat plaga salutis opem.

D'aultre part s'il fault que je cueuvre
Du tout ma face et ma couleur
Sans que aulcunement je descueuvre
Les mouvemens de ma douleur
Sans querir moyen de valeur
Pour avoir aidance du mire
Je fais doubte qu'il ne me empire

Forsitan evenient pejora prioribus istis.
Et me continget protinus inde mori

Par trop secret mon cas tenir
En grant continuation
Il me pourroit: pire venir
Que devant en conclusion
Tellement par succession
De temps que mourir en pourroye
Doubter doit qui a double voie

Estimo monstrari melius nam conditus ignis
Defficit et subito perditur ipse calor

Toutesfois a la verité
Le mieulx comme je puis entendre
Est que mon mal manifesté
Soit a quelque ung sans plus attendre
Car le feu condict en la cendre
Par trop estre couvert perit
Souvent cueur ploure et bouche rit

Ergo loquar veneri/ venus est mors/ vitaque nostra.
Ducunturque suis omnia consiliis

Pourtant parleray je a venus
Des amans princesse et amye
A qui nous sommes tous tenus
C'est nostre mort et nostre vie
C'est celle qui tout seigneurie
Duyt et conseille toute chose
Mon mal fault que je luy expose.

Comme Pamphillus salue la deesse venus et l'incite d'ouyr ses prieres.

[U]nica spes vite nostre venus inclita salve
Que facis imperio cuncta subire tuo

Salut a toy venus haulte princesse
Nostre salut nostre espoir nostre adresse
Qui tous humains peulz regir et conduire
Tu peulz par droit comme dame et maistresse
Tout gouverner et par ta grant noblesse
Toutes choses submettre a ton empire.
Le seul espoir tu es de nostre vie
Et des plus grans requiers estre servie
Comme droit est car tu es souveraine
Throsne d'honneur de beaulté la fontaine
Medecine des povres langoreux
Et pour ce cas chascun jour de sepmaine
Salut te doit tout loyal amoureux.

Quam timet alta ducum seruitque potentia regum.
Supplicibus votis tu pia parce meis

Tu es celle chastellaine une fois
Que sert et craint la puissance des roys
Des ducz aussi qui te rendent hommaige
Les plus vaillans a tout leurs grans arrois
Comme je voy clerement et congnois
Par chascun jour viennent a ton seruaige
Tu es celle qui sans quelque rigueur
Les ostes hors de peine et de langueur
Si vien a toy pour faire mon devoir
Te suppliant que vueilles recevoir
Les simples veux qu'il fault que je te face.
Car pour certain je puis veoir et sçavoir
Si n'est par toy que je n'auray point grace

Ne sis dura michi precibus que resistere noli

Ne me soyes point de dure maniere
Ne resister a ma simple priere
Vueilles aussi en ma necessité
Esperance j'ay en toy singuliere
Fay donc cella qu'il fault que je requiere
Pouoir en as et seulle auctorité
Tu le me peulz doulcement accorder
Pas grans choses ne te vien demander

Sed fac quod posco non ego magna peto
Dixi non magna misero michi magna videntur.
Sed tamen ista dare non tibi difficile est

Non pas grandes quant au regart de toy
Mais tresgrandes quant au regart de moy
Qui suis dolent langoureux et debille
Pour mon salut a toy recourir doy
Car ce donner ne t'est point difficille

Anno dic tantum jam jamque beatus habebor
Et sic evenient prospera cuncta michi

Dy seullement pamphille je te octroie
Tes demandes et je croy fermement
Que plus joyeulx n'y a que je seroye
Et bien euré dessoubz le firmament
Par ton octroy viendront prospereement
Tous mes desirs comme dire te voys
Et desclarer du tout mon pensement
Plaise toy donc a escouter ma voix

Comme pamphille descript devant venus la beaulté de celle dont il estoit amoureux et les causes qui le retardent de parler a elle.

[E]st mihi vicina vellem non esse puella
Si non subveniat gratia vestra michi.
Nam solet ammoto plus ledere proximus ignis
Sed si vota feret lederet ipsa minus

Dame j'ay une voysine
La plus plaisante poupine
Qui soit pour une pucelle
Ainsi comme je ymagine
Se ta grace ne se incline
A me mettre en grace d'elle
Je vouldroie tant soit belle
Que jamais n'en fust nouvelle
Car tant plus on se reculle
Du feu et moins on se brusle
Par quoy quant elle seroit
Si loing de moy qu'elle ne auroit
Mes regars en façon nulle
Sa beaulté ne me nuyroit

Est in vicinis formosior omnibus illa.
Aut me fallit amor omnibus aut superest
Hec mea trajascit certis precordia tellis
Que nunc inde quero vi removere mea

Entre toutes autres pucelles
Je croy que la plus belle soit
C'est la fleur de toutes les belles
Ou je dy que amours me deçoit
Si tost que mon oeil apperçoit
Son doulx maintien sa belle face
Tout a travers de mon cueur passe
Ung feu d'amours dont bruslé suys
Voulentiers a force l'ostasse
Mais par mon ame je ne puys

Vulneris inde nude crescit dolor omnibus horis.
Mutaturque color vis que calor que meus.
Hoc nulli dixit nec que michi vulnera fecit
Nullaque causa fuit dicere que metuit

De jour en jour croist ma douleur
Et d'heure en heure multiplie
Qui me destruit chaleur couleur
Et me trouble la fantasie
La peine qui me contrarie
A personne n'ay revellee
De peur de honte et villennie
J'ayme mieulx la tenir cellee

Dicitur et fateor me melioribus orta est.
Hinc igitur metuo dicere velle meum

Elle est doulce moriginee
Plaisante gratieuse saige
Et de plus noble ligne nee
Que moy je congnois son lignaige
Par quoy descouvrir mon couraige
Je doubte car ainsi qu'on dit
Ung franc voulloir transist de raige
Quant il fault qu'il soit escondit.

Fertur et est verum quod me scit ditior illa
Et decus et dotes copia sepe rogat
Nec michi sunt dotes decus ingens copia grandis.
Sed quo habere queo quero labore meo

On dit et aussi je confesse
Qu'elle a plus que moy de richesse
C'est une chose veritable
Or requiert noblesse noblesse
Et avoir avoir ce me blesse
Car je ne suys que ung povre diable
Qui n'ay richesse ne avoir
Et ne sçay moyen d'en avoir
Fors du labeur que je puis faire
C'est ung des poings qui me fait taire
Car honneur et richesse aussi
Demandent avoir grant douaire
Et je ne puys fournir cecy

Cum vero sit dives cujusdem nata bubulci.
Eligit e nulle quemlibet illa virum

Son pere a de beufz si grant somme
Qu'il peut pour donner a sa fille
Eslire et choisir ung homme
Le mieulx a son gré entre mille
C'est le plus riche de la ville
Conclusion par quoy je doubte
Que au long d'elle ne me reboute
Par povreté a ce besoing
J'ay bien cause de faire doubte
De peur d'estre jetté au loing

Concipit ingentes animos fiducia forme
In que modum dominum non sunt esse suum.

Toutesfois sont de ardeur esprins
Mes membres pour sa grant beaulté
Mais tout regarde et comprins
Dire n'ose ma voulenté
Fiance de formosité
Souvent conçoit les grans couraiges
Et voit on a la verité
En estre atrappez les plus saiges

Has de corde meo tamptem demere curas
Sepius obstanti tunc magis arsit amor

Toutes ces curiositez
J'ay essayé hors mon cueur mettre
Par prendre autres felicités
Mais amour ne l'a peu permettre
Ains tant que possible peut estre
La ou je me ay voulu contraindre
Le feu d'amours a fait acroistre
Et jamais ne l'ay peu estaindre.

Comme pamphille en maniere de epillogue reitere ses prieres et se plaint de venus qui ne luy respont point.

En mala nostra vides et nostra pericula nosti
Unde precor precibus mitis adesto meis

Ainsi venus tu vois les sommes
De noz maulx et perilz mortelz
En quoy a toute heure nous sommes
Se par toy n'en sommes ostés
Par quoy je requiers tes bontés
Que tu soyes doulce et benigne
Aux veux qui te sont presentés
Par moy qui devant toy me incline.

Non michi respondes non dictis porrigis aures
Non tua clara meum/ lumina lumen habent

Venus tu ne me respons point
Ne prestes l'oreille a mes ditz
Je ne sçay se tu me escondis
Ce me viendroit trop mal apoint
D'autre part je regarde ung point
C'est que tes loyaulx yeulx seullement
Sus moy qui suis si mal en point
Tourner ne veux aucunement.

Aut tu tolle tuas nostre de corde sagittas.
Aut tu sceva tuis/ vulnera pasce modis.

Au moins se noz greves douleurs
Rapaiser ne veulx et guarir
Oste tes saiettes de noz cueurs
Sans si asprement nous ferir
Ou par moyen nous secourir
Sans faire plaies si cruelles
Car assez seroit pour mourir
Se tu ne metz mesure en elles

Quis posset tanti curam tollerare laboris
Que domino flenti premia nulla daret.

Qui esse qui pourra porter
De si tresgrant labeur la cure
Se tu ne le veulx supporter
Et conforter en sa laidure
Bien est la cure forte et dure
Qui son seigneur par desconfort
Seuffre souspirer et endure
Sans luy donner aucun confort.

Justo precando tibi mihi nam dolor anxius instat
Assiduas que preces concipit ipse dolor

Justes choses je te supplie
Tu ne me dois point escondire
Et si fault que je multiplie
Mes prieres et te les dire
Par plusieurs foys/ car le martire
Que j'ay nuyt et jour me contraint
Faisant doubte qu'il ne me empire
Car tant plus gelle plus estraint.

Quant pamphille eut parlé
Devant venus en lamentant
En demandant grace et mercy
Des douleurs dont il avoit tant.
Venus en le resconfortant
Parla et dist ce qui ensuyt
Que pamphille fust escoutant
Doulcement sans faire grant bruit.

Comme venus deesse d'amours parle a pamphille et luy enseigne les moyens pour jouyr de ses amours

[N]unc venus hec inquit labor improbus omnia vincit.
Quolibet et poteris ipse labore frui.

O pamphille j'ay ouy tes clamours
Ce dist venus la deesse d'amours
Tes complaintes et lamentations
Et diz que a moy seulle tu as recours
Pour te donner allegence et secours
En tes grandes et dures passions
Tu dis avoir pené et labeuré
Et des douleurs grandement enduré
Mais il te fault encor en endurer
Et cent fois plus que jamais labeurer
Car par labeur sans aucune doubtance
Vaincre pourras et de toy procurer
Toutes choses ou tu as esperance

Et monstrare tuos animos nulli verearis.
Vix erit mille que neget una tibi

Ne doubte/ soit a femme ou fille
Dire et monstrer ta fantasie
Car a grant peine une entre mille
Tu trouveras qui te denie
Que voulentiers ne soit ta mye
Et pour tant sans estre paoureux
Ta voulenté ne celle mie
A celle dont es amoureux

Quamque precando petes prius aspera forte negabit
Venales sensus improbus emptor habet.

Peut estre de commencement
Que ung peu aspre se monstrera
Mais prie tousjours doulcement
Car en la fin se moderera
Et ton parler escoutera
Se tu es doulcement preschant
Finablement tienne sera
Rien n'eschappe a ung bon marchant

Non mare transsisset pavidus si nauta fuisset
Turgida cum primum restitit unda rati

Se tu es loyal amoureux
Ne crains point a demander grace
Ung marinier qui est paoureux
A bien grant peine la mer passe
Quant il voit le vent qui dechasse
Les vagues en mer rudement
Et l'eaue qui l'une fois est basse
L'autre grande soudainement.

Ergo tuis primum si non favet illa loquelis
Arte vel officio fac tamen ut faveat.

Et pour tant si de prime face
Elle ne obeist a ton dit
Ne cuyde pas qu'elle te chasse
Et ne te tien point escondit
Mais par art saige et bien conduit
Par obedience et service
Que lui feras ainsi qu'il duyt
Pourchasse tant qu'elle obeisse.

Comme venus monstre a pamphille que toutes choses se font par art ou service agreable.

Ars animos frangit et firmas dirruit urbes
Arte cadunt turres arte levatur onus

Art froisse les fermes couraiges
Art abat les fermes cités
Par art chaient les fors ouvraiges
Tours chasteaux en hault lieu boutez
Par art aussi sont haulz montez
Les grans fais et pesans fardeaux
Enfin art fait toutes bontés
Art aussi fait faire tous maulx

Et piscis liquidis deprenditur arte sub undis
Et pedibus siccis per mare transit homo

Par art dedans caves courans
Est prins le poisson a la rayz
Par art sont dessus l'eaue courans
Les hommes a pié sec par quoy
Pamphille considere en toy
Que devant que avoir gallathee
Et la convertir a ta loy
Il fault que par art soit temptee

Rebus et in multis ars adjuvat officiumque.
Pauper sepe suo pascitur officio

Tu vois ung povre loricart
Par artifficiel office
Devenir ung riche pinarc
Et acquerir grant benefice
Il n'est rien que avoir on ne puisse
Par art ou service agreable
En effait rien n'est plus propice
En amours que estre serviable.

Et quamvis juxta sedatur principis ira.
Servat et illesum/ corpus opesque reus

On voit souvent que le coulpable
Rabat l'ire de son seigneur
Combien qu'elle soit equitable
Par avoir blessé son honneur
Et si garde de deshonneur
Ses richesses et de dommaige
Son corps qui est le point greigneur
Par art subtil et façon saige

Et gaudet locuplex qui flere solebat egenus
Et modo vaditur eques qui solet ire pedes

On voit le riche en grant liesse
Mener joye et felicité
Qui par deffaulte de richesse
Soulloit plourer en povreté
Cellui aussi qui a esté
Mille fois a pié par les champs
Par art estre a cheval monté
Art a fait mille bons marchans

Quod donare sibi minime potuere parentes
hoc excersenti jam dabit officium

Se serviable tu te rens
Envers elle/ elle te aymera
Et ce que donner tes parens
Ne pourroient/ te donnera
Quant continuer te voirra
A service lui presenter
Trop fort orgueilleuse sera
Se tu ne la faiz contenter

Officium que tuum primum si forte recuses
Tu servire tamen este paratus ei

Se ton service elle reffuse
Depremier que a elle viendras
Ne te chaille ce n'est que ruse
Point a desdaing ne le prendras
Par ce point tu l'entretendras
En amour tant qu'en fin finalle
A ton entente parviendras
Et te aymera d'amour loyalle

Hiis poteris superare minas causantis amice
Fiet amica tibi que prius hostis erat

Par les moyens que je t'ay dis
Toutes les rigueurs de t'amye
Se saigement tu te conduys
Suppereras n'en doubtes mye
Et sera je te certiffie
Enfin de toy fort amoureuse
Celle qui te estoit ennemie
Au devant se fort rigoreuse.

Comme venus enseigne pamphille faire jeux et dire plaisantes parolles devant gallathee et frequenter les lieux ou elle frequente.

In quibus esse solet loca sepius ipsa frequenta
Sine potes pulchris pascere pasce jocis

Il te fault aussi mettre entente
A souvent les lieux frequenter
Ou voulentiers elle frequente
Et ou elle hante hanter
Devant elle rire chanter
Et la repaistre de beaux jeux
Dire beaux motz doulx caqueter
Et tenir termes gratieux

Gaudia semper amat et ludi verba juventus
Et juvenum mentes hec in amore movent

Tousjours joyes ayme jeunesse
Et parolles de jeu aussi
Amours ne veullent que liesse
Point n'y fault parler de soucy
Mais de tout jeu car par cecy
Et tenir termes beaux et gentz
Souvent se mettent a mercy
Les pensees des jeunes gens

Nec non semper ei letis te ultibus offer
Est cum letitia pulchrior omnis homo

D'abiz te convient acoustrer
Le plus mignot que tu pourras
Et devant elle te monstrer
Joyeux ou tu la trouveras
Car plus beau tu luy sembleras
De luy monstrer joyeuse face
Jamais beaulté en toy n'auras
S'il fault que tristesse te chasse

Nec nimium taceas nec verba superflua dicas
Despicit et nimio sepe puella virum

De tenir trop grant gravité
En langaige te dois garder
Aussi en superfluyté
De parolles trop habonder
Car la pucelle a regarder
L'homme trop pensant et songart
De l'aimer se peut retarder
Et ne l'appelle que busart.

Exitat et nutrit/ facundia dulcis amorem.
Multotiens animos mitigat illa feros

La chose qui plus en ce monde
Excite et nourrist amours
C'est doulce et plaisante faconde
Sans avoir langaige a rebours
Tousjours beau parler est en cours
Et si voit on les haultz couraiges
Estre moderez tous les jours
Et convaincus par beaux langaiges

Si locus est illi jocundis vocibus insta
Quod vix sperasti jam dabit illa tibi

Apres agreable service
Receu pour le commencement
Se elle se treuve en lieu propice
Dy luy quelque mot hardiement
En amours tout secretement
Car par adventure que adoncques
Auras d'elle courtoisement
Cella que avoir tu ne peuz oncques.

Non scivit interdum pudor illi promere votum.
Sed quod habere cupit hoc magis illa vocat

Il te fault entendre que honte
Ne seuffre pas aucuneffois
Une pucelle tenir conte
De ce qu'elle ayme touteffois
Se elle trouvoit bien a son choys
Lieu propice elle accorderoit
La chose que souventeffois
Au paravant neyee auroit.

Pulchrius esse putat vi perdere virginitatem.
Quam dicat de me fac modo velle tuum.

A parler a la verité
Pucelle croit chose plus belle
Perdre a force virginité
Et se tenir ung peu rebelle
Que de dire a l'homme que de elle
Il face a sa voulenté
Jamais on ne a une pucelle
Sans aucune difficulté.

Hoc nimium caveas ne sit tibi circa supellex.
Nesciat esse tuum pauperiam que tuam.

Sus toutes choses garde bien
D'avoir mauvais habillement
Se tu es povre n'en dy rien
A elle principallement
Et si garde totallement
De luy dire ta residence
Ou elle puisse aucunement
Savoir se tu as indigence

Exiguo pulchram ducit solertia vitam
Jocundo que suas ore tegit lachrimas

Le saige maine vie honneste
De si petit qu'il peut avoir
Sans que son estat magnifeste
Qu'il n'est ja mestier de sçavoir
Se tu veulx faire ton devoir
Garde toy de dire nulle heure
Que tu as souffrance d'avoir
Souvent bouche ryt que cueur pleure

Quod non esses simulare potes dictis habitu que.
Maxima sors parvo contigit ingenio

A celle fin de mieulx attaindre
Et venir a fin de ton fait
Aucuneffois tu peulz bien faindre
Estre tel que n'es pas de fait
Le dit et l'abit en effect
Aucuneffois aydent a l'homme
Et apparaist estre parfait
Tel qu'il ne vault pas qu'on le nomme

Plurima mundus habet sua que vicinia nescit.
De quibus apta sibi plura referre potest.

Le monde a plusieurs povretés
De quoy son voysin ne sçait rien
Tel a de grans necessités
Qui dit qu'il est tout plain de bien
Pour ce pamphille garde bien
De dire que soies souffreteux
Mais dy plus tost que tout est tien
Ou tu n'es point vray amoureux.

Crede quod interdum multis mendatia prosunt.
Et quandoque nocet omnia vera loqui

Croy pamphille que bien mentir
Aucuneffois est treslicite
Il ne s'en fault point repentir
On voit que a plusieurs il proffite
Verité aussi estre dicte
A toute heure n'est pas louable
En une amoureuse poursuyte
Mentir est souvent convenable.

Comme venus admonneste pamphille de estre gratieux et habandonné aux serviteurs de la maison la ou il veult estre amoureux.

Et famulos famulas que dominus sibi sepe loquentes
Allice colloquus muneribus que tuis

Aux serviteurs et serviteures
De celle que tu aimeras
Monstrer te fault a toutes heures
Begnin quant a eulx parleras
Par les dons que tu leur feras
Et beau parler a ta mignonne
Cent fois recommandé seras
Et diront bien de ta personne.

Ut semper referant de te bona verba vicissim
Et pascant dominam laudibus usque tuis.

Je te exorte estre habandonné
Aux servans sans les escondire
Car si tu leur as rien donné
A leur maistresse le yront dire
Et ta grant largesse descrire
Tes vertus et grans preminence
Si qu'en la fin sans contredire
Elle aura en toy confidence.

Dum dubio dubias mentes in pectore versat
An faciat vel non nesciat velle tuum.

Plusieurs doubtes elle fera
Premierement que se accordez
Et plusieurs fois reffusera
Devant qu'en puisses aborder.
Mais se tu sçaiz beau demander
En la fin tu en jouyras
Pourtant pense de recorder
Les beaulx motz que tu luy diras

Tunc illam multo certamine sepe fatiga
Ut cicius possis victor amore frui

Pour te cuyder rendre confus
De grans raisons alleguera
En tenant termes de refus
Mais a l'heure que ce sera
Reprouve ce qu'elle dira
Par belles raisons sophistiques
En quoy elle s'abusera
Se sagement tu les applicques

Pellitur huc animus hominum vel pellitur illuc
Sepe labore brevi dum manet in dubio.

Doubter ne doibz aulcunement
Car le vouloir d'homme doutable
Change propos incessamment
Comme inconstant et variable
Mais il te fault estre immuable
Ferme constant en ung propos
Et pourchasser comme notable
Ta proye sans avoir repos

Et placeat nobis interpres semper utriusque
Quod caute referat hoc quod uterque cupit

Je ne sçay se tu es constant
A tenir nostre enseignement
Ainsi que dit est et pourtant
Nous qui tenon le jugement
Des amans jugeron comment
Tu qui es en fleur de jeunesse
Auras pourchassé vaillamment
Au regart de nostre vieillesse

Des operations aux jeunes
Doivent jugier les anciens
Car par leurs oeuvres anciennes
De droit ilz sont praticiens
Et tous les utilles moyens
Du train d'amours ilz sçayvent bien
Pourtant disent les plus sciens
Qu'il n'est trace que de viel chien

Emula nam juvenum dijudicat acta senectus
Et simul hos prohibet litigiosa loqui

Quant les jeunes sont en debat
Et en parler litigieux
Leur ire rappaise et rafait
Souvent la doctrine des vieulx
Et leur deffent user entre eulx
De parolles litigeuses
Mais avoir termes gracieux
Et en parolles amoureuses

Incipe spe melius dedit et dabit omnia tempus.
Non timor ullus erit in quibus esse times.

Pource pamphille hardiement
Commence par bonne esperance
A ton joyeulx commencement
Faire ne doibz quelque doubtance
Le temps te donra asseurance
Et ou tu craingz qu'elle repugne
De vouloir faire a ta plaisance
Tu ne trouveras crainte aucune

Non tibi plus dicam vinces studiosus amicam
Inceptum que viis mille patebit opus.

Plus ne t'en dy ne te diray
Mais se tu es bien studieux
Tu vaincras car je t'aideray
Mais il te fault estre soingneux
Car par nulles voyes et lieux
L'oeuvre de ton inception
Apparoistra de mieulx en mieulx
Pour venir a perfection

Comme pamphille dit que par le conseil de venus il ne luy est point amendé Ains que sa douleur est aussi grande ou plus que devant

[I]ncolumis leviter egro solatia prebet
Nec minus infirmus sentit adesse malum

On dit que ung sain legierement
Au malade donne soulas
Bien est legiere voirement
L'ayde que me donne en mon cas
Venus: car je me sens plus las
Ou autant que devant estoye
Je puys bien dire dieux helas
Je croy que jamais n'auray joye

Consilio veneris michi non dolor alleviatur
Sed meus in tristi pectore versat amor.

Le conseil de dame venus
Ne m'a point la douleur ostee
De qui mes membres sont tenus
Ains croy qu'elle soit augmentee
Et pour l'amour de galathee
Que j'ay cloz dedens ma poitrine
Incessantement tourmentee
Du feu d'amour qui point ne fine

Hactenus auxilii mihi spes fuit omnia nulla
Spes modo discessit et manet ipse dolor

Maintenant esperance avoye
En venus que totallement
Par elle conforté seroye
Mais je ne apperçoy nullement
Que j'aye aulcun allegement
Esperance s'est separee
De moy/ et m'est entierement
Toute la douleur demouree

Non miser evadam me nauta reliquit in undis
Et portum quero nec reperire queo.

Point ne esvaderay ce dangier
Car le marinier me delaisse
Es eaux ou je ne puis nagier
C'est venus la haulte deesse
Ou je cuydoye avoir adresse
En ma douleur et reconfort
Mais il fault bien que je congnoisse
Que j'ay cherchié sans trouver port

Sed modo quid faciam mea spes modo spectat ad illam
Illi me noviter convenit ire loqui

Maintenant que feray je doncques
Plus d'esperance n'ay en elle
Plus esbahy que ne fuz oncques
Je suis: pour neant je l'appelle
Aler me fault parler a celle
Pour qui ceste douleur me tient
Helas la gracieuse et belle
Voycy ou vers moy elle vient

Comme pamphille en appercevant galathee qui vient vers luy se esbahit tellement qu'il ne sçait quel propoz tenir vers elle tant se treuve entreprins et dit

Quam formosa deus nudis venit illa capillis
Quantus inesset ei nunc locus inde loqui

Qu'elle est belle beau sire dieu
Doulce gracieuse et honneste
La voycy venir en ce lieu
En beaux cheveulx toute nue teste
Quel lieu pour faire ma requeste
Luy seroit maintenant propice
Qui de faire estoit toute preste
Je ne sçay ou faire la puisse

Sed subito quanti michi nunc venere timores
Nec mea mens mecum nec mea verba manent

Je ne sçay dont ces craintes viennent
Qui me ont feru soubdainement
Et de luy declairer me tiennent
Ce qui gist en mon pensement
Plus n'ay sens ne entendement
Toutes mes parolles se changent
Ma pensee pareillement
Et mes espris de moy se estrangent

Nec michi sunt vires tripidantque manus que pedes que
Actonio nullus congruus est hatubis

J'ay toute ma force perdue
Mes piez tremblent incessemment
Tout aussi tost que je l'ay veue
A commencé leur tremblement
Des mains aussi semblablement
Et n'est habitude congrue
De luy aler dire comment
Elle me a la force tollue

Mentis in affectu sibi dicere plura pavi
Sed timor excussit dicere que volui.

Au devant que je la trouvasse
Plusieurs choses pensé avoye
Qu'il failloit que luy declairasse
Et que declairer luy pensoye
Mais je ne sçay par quelle voye
Crainte m'est venu attraper
Tant que de tout ce que vouloye
Ung mot ne sçauroit eschapper

Non sum qui fueram vix me cognoscere possum
Non bene vox sequitur sed tamen inde loquor

Plus ne suis cil que j'ay esté
A peine je me recongnois
Puis que mon esperit me est osté
Je voys et ne sçay ou je vois
Si fault il parler touteffois
Mon esperit n'a point de repoz
Je le congnois bien a ma voix
Qui ne peult suyvre mon propoz

Comme pamphille salue galathee Et est si surprins et esmeu qu'il ne tient comme point de propoz

Ulterius ville mea neptis mille salutes
Per me mandavit officium que tibi
Hec te cognoscit dictis et nomine tantum
Sed te si locus est ipsa videre cupit

Belle gracieuse et plaisante
J'ay en ceste ville une tante
Qui fort se recommande a toy
Et si te mande depar moy
Qu'elle est toute tienne servante
De te congnoistre elle se vante
De dict et de nom seulement
Mais de te voir est desirante
Se possible est aulcunement

Illic me voluere unde retinere parentes.
De quibus electis villa redundat ibi.

La me ont bien voulu retenir
Les parens d'une belle et gente
Mais il m'en a faillu venir
Car j'avoye ailleurs mon entente
Ilz me ont offert douaire et rente
Avecques la doulce pucelle
Des aultres choses plus de trente
Qu'il n'est ja mestier qu'on revelle

Hii michi cum umma spondebant dote puellam.
Pluraque: que non est cura referre modo.

Toute leur offre entierement
Refusee ay par ordonnance
Sans y donner consentement
Car en toy seule ay prins plaisance
Et n'y a au monde chevance
Argent contant ne or en masse
Que pour avoir la jouyssance
De ton amour ne refusasse

Omnia postposui tu mihi sola placuisti
Respuere pro te quicquid in orbe manet

Belle ne te vueille desplaire
Je ne parle qu'en m'esbatant
J'aymeroye mieulx a moy taire
Que de toy desplaire et pourtant
Soit ton bon plaisir consentant
A me ouyr parler en ce lieu
Ainsi que amoureux combatant
Mais ce que je dy n'est que jeu

Ludendo loquimur loquitur sic sepe juventus
Verbula ficta jocis jurgia nulla movent.

Jeunesse parle voulentiers
D'amours il est bon a sçavoir
Entre les saiges et entiers
Jeu honneste est a recepvoir
Et si ne doivent point mouvoir
Parolles de jeu nul debat
Quant on peult bien appercevoir
Qu'on ne les dit que par esbat

Sed modo dicamus cordis secreta vicissim
Dicta que preter nos nesciat alter homo

Mais pourtant belle qu'il me semble
Que voycy lieu assez decent
Que nous pouons parler ensemble
Se vostre plaisir se y consent
Car le monde est de nous absent
Oultre je ne desire point
Rien dire qui soit indecent
Et qui blasme touche ung seul point

Demus et inde fidem fieri sic postea dicam
Primitus incepi/ primitus inde loquar

Nos modo concordes debemus vera fateri
Gratior in mundo te michi nulla manet
Mais devant que nous nous metton
A rien dire plus amplement
L'ung a l'aultre foy prometton
De tout garder secretement
Touteffois au commencement
Je parleray c'est la rayson
Car j'ay parlé premierement
Et ay commencé le blason

Comme pamphille dit a galathee qu'il l'aime et l'espace du temps qu'il l'a aymee sans luy dire

[N]os modo concordes debemus vera fateri
Gratior in mundo te michi nulla manet

Maintenant nous sommes d'accord
Il ne reste que recorder
Chascun son faict/ c'est du plus fort
Pour voir se pourrons acorder
Gallathee sans me bourder
Saches que ta doulce faconde
Plus m'est plaisante a regarder
Que toutes les choses du monde

Ut te dilexi jam te pertransiit annus
Nostra nec ausus eram vota referre tibi.

Il y a ja ung an passé
Que je t'aime d'amour certaine
Et ay couru et tracassé
Pour te voir par mainte sepmaine
Mais craignant reproche vilaine
Jamais dire la cruaulté
Ne osay ne la douleur et peine
Que j'avoye pour ta beaulté

Tempore non longuo loquitur sapientia surdo
Nos que diu frustra non decet inde loqui

Je te dy mon vouloir en court
Il n'y fault point de long languaige
Tenir long procés a ung sourt
N'est point maniere d'homme saige
Je te desclaire mon couraige
Mais se tu veulx faire la sourde
Je pers mon temps et mon ouvrage
Qui me seroit chose bien lourde

Te constanter amo modo plus tibi dicere nolo.
Donec tu dices quid placet inde tibi

Je te aime tres constantement
Maintenant plus ne t'en vueil dire
Tant que tu diras plainement
Pamphille que veulx tu beau sire
Je ne te vueil point escondire
Adoncques je me enhardiray
Et la grant douleur et martire
Que j'ay chascun jour te diray

Comme galathee respont a pamphile et luy dit que plusieurs pucelles ont esté deceues par le doulx parler des amoureux

[S]ic multi multas multo temptamine fallunt.

Pamphille tu me diz aymer
Mais ce ne sont que parabolles
Beau parler jurer affermer
En amours ne sont que frivolles
Plusieurs par leurs doulces parolles
Et temptation mise en voye
Ont deceu plusieurs jeunes folles
Comme moy se je te creoye

Sic multas fallit ingeniosus amor

Je sçay bien que tous amoureux
Sont subtilz en temptation
Puis amour est ingenieux
De sa propre condition
Parquoy en la deception
D'amours sont souvent attrappés
Ceulx qui par adulation
De beau language sont frappés

Infamare tuo sermone vel arte putasti.
Quam falli nostro non dece ingenio

Je sçay bien et me tiens asseur
Que tu croys mon entendement
Changier par art et par doulceur
De ton amoureux parlement
Mais pamphille croy fermement
Que par l'art que tu peulz sçavoir
Il ne apartient aulcunement
Que je me laisse decepvoir

Quere tuis alias in cestis moribus aptas.
Quas tua falsa fides et dolus infatuet

Va pourchasser aultre que moy
A tes folles meurs convenables
Car je ne vueil ouyr de toy
Quelques regretz ou fainctes fables
Tes juremens sont decepvables
En tel cas ta foy n'y vault rien
Pourtant va querir tes semblables
Aultres que moy tu feras bien

La responce de pamphille contre ce que galathee a cy devant dit et argue que les bons ne doivent point estre pugnis pour les maulvais et dit

Et sic impediunt justos peccata malorum
Hic nocet alterius non mea culpa michi.

Ha ha galathee je regarde
Que tu prens excusation
Et aux oeuvres des mauvais garde/
Pour me donner objection
Bien voy que l'operation
Et la coulpe d'aultruy me nuyt
Les maulvais sont occasion
De tollir aux justes leur fruyt

Sed tamen ascultet me gratia vestra benigne
Et liceat domine dicere pauca mee.

Mais galathee nonobstant
Je vous prie que prenez espace
De reposer en me escoutant
Ung peu de vostre bonne grace
Sans que je die ne que face
Chose en quoy soit trouvé blasme
Si non qu'on me donne l'audace
De parler ung peu a ma dame

Inde deum celi testorum quoque numina terre
Non loquor ista tibi fraude vel ingenio

Galathee donne moy lieu
De te dire ma voulenté
Du ciel je tesmoigne le dieu
Et de terre la deité
Que par quelque infidelité
Mal engin ou abusement
Ne sera par moy recité
Quelque petit mot seulement

Nec manet in mundo modo te michi gratior ulla.
Carnis et nullum mens animusque videt

J'ay dit qu'il n'y a celle au monde
Qui tant me plaise que tu fais
Je le dy pour la fois seconde
Ainsi que j'ay dy une fois
Tant chierement je voy tes fais
Que cueur voulenté et couraige
Et tous mes espris sont refais
Quant je voy ton biau personnaige

Sed loquor inde casum tua mens puerilis et etas.
Quid nocet aut prodest noscere nescit adhuc

Mais je parle a toy vainement
Car trop es encor jeune et tendre
Pour congnoistre si promptement
Le bien a quoy je vueil pretendre
Ton aage ne peult pas comprendre
Tant est encor jeune et petite
Si ce que je te donne entendre
Porte dommaige ou s'il profite

Junior antiqua quamvis sit acutior etas
Nam cum multa senes plura vident

Touteffois jeunesse est habille
Pour plus ung cas tost concepvoir
Que vieillesse qui est debille
Combien qu'elle ait plus de sçavoir
On peult souvent apparcevoir
Que les jeunes ingenieulx
Peuent la congnoissance avoir
De plus de choses que les vieulx

Et quamuis juvenis fac ut cognoscere possis
Quis sim que mea res quisve meus sit amor.

Combien doncques que jeune soyes
Montre toy antique en prudance
Et que tu congnoisses et voyes
La fin ou parvenir je pense
Et que par certaine science
Me congnoisse et qui je suis
L'amour aussi grande et immense
Dont je te ayme tant que je puis

Cunctarum rerum prudentia ducitur usu.
Usus et ars docuit quod sapit omnis amor

De toutes choses par usaige
Peult on la verité congnoistre
Pourtant le proverbe du saige
Nous dit que l'usaige rent maistre
Tout ce qui en amour peult estre
Est sceu par usaige et par art
Pourtant la belle tu dois mettre
A me congnoistre ton regart

Ire venire loqui nec non dare verba vicissim
Esse simul tantum deprecor vt liceat.

Aler venir secretement
Parler ensemble honnestement
N'est point cause de vilennie
Et pourtant belle je te prie
Que ce permettes seulement
Estre pouons licitement
Ensemble amoureurement
Sans estre reprins car m'amie
Aler venir secretement
Parler ensemble honnestement
N'est point cause de vilennie

Non nisi colloquio cognoscimus intima cordis.
Ipsa referre potes quid placet inde tibi

Du dedans du cueur clerement
La congnoissance proprement
Premier par parolle est baillie
Pource dy moy je te supplie
Qu'il t'en plaist/ car certainement
Aler venir secretement
Parler ensemble honnestement
N'est point cause de vilennie
Et pourtant belle je te prie
Que ce permettes seulement

Comme galathee acorde a pamphile escouter ce que il vouldra dire qui est la premiere cause de sa deception

[I]re venire loqui tibi nec cuiquam prohibebo.
Quisquis ubique vias ire viator habet

Aller et parler ne pourroye
A toy ne a aultres deffendre
Car chascun viateur peult prendre
Ainsi que bon luy semble voye
Tu ditz que trop rude seroye
Se ton parler ne vueil entendre
Aler et parler ne pourroye
A toy ne a aultre deffendre

Quant mille fois j'escouteroye
La fin a quoy tu veulx pretendre
Si ne me ferois tu pas rendre
A ton plaisir mais chose vraye
Aler et parler ne pourroye
A toy ne a aultre deffendre
Car chascun viateur peut prendre
Ainsi que bon luy semble voye

Convenit est et honor ut det responsa patenti.
Et quoscunque videt queque puella nocet

Chose convenable et decente
Est a toute jeune pucelle
Sans que a mal faire se consente
De parler quant on parle a elle
De respondre quant on l'appelle
Voulentiers: chascun saluer
Sans se monstrer fiere et rebelle
On ne la peult redarguer

Hoc concedo satis tibi tu vel quilibet alter
Ut veniat salvo semper honore meo

Pource pamphille je concede
Que toy ou aultre parle a moy
Fors que le parler ne procede
Que en honneur: car d'aultre ou de toy
Le parler escouter ne doy
Se je apperçoy que en deshonneur
Vueille touchier je ne sçay quoy
Mais assés en termes de honneur

A stultare licet et reddere verba puellis
Convenit ista tamen ut moderanter agant

Chose licite est escouter
Et rendre responce aux pucelles
Touteffois ilz doyvent doubter
Qu'on ne touche point l'honneur d'elles
Par moyen en parolles belles
Respondre a ce qu'on parlera
Car porteurs de faulces nouvelles
Sont prestz d'ouyr ce que on dira

Verbula si dederis ludendo verbula reddam
Sed si forte nocent hec tibi non patiar.

Pource pamphille en t'esbatant
Se tu ditz parolles plaisantes
Je rendray autant pour autant
Toutes parolles esbatantes
Mais se tu dictz choses nuysantes
Jamais ne te le permettroye
Se ce sont parolles cuisantes
Pour rien ne les escouteroye

Nos simul esse petis solos simul esse recuso
Quere locum publicum non tibi sola loquar

Que soyons seul a seul ensemble
Tu demandes: certainement
Ce n'est pas honneur ce me semble
Mieulx vault parler publiquement
Qu'il ne fait solitairement
Dont il peult venir villennie
Se faire le veulx aultrement
Point ne te presteray l'ouye

Nam loca sola nocent infamia nascitur inde

Par ce pamphille se tu veulx
Que devant tous en general
Ensemble nous parlon nous deux
Je l'offre de cueur liberal
Car le monde est si desloial
S'il voit gens ensemble parler
Que plustost y pense le mal
Que le bien pour le flajoller

Tutius inde loqaar plebe videntur tibi

Et pource quant les gens seront
Presens qui de joyeuseté
Ensemble parler nous verront
Je parleray plus a seurté
Car je sçay qu'en communité
Tousjours y a quelque envieux
Et a grande difficulté
On se peult garder de tant de yeulx

Comme pamphille remercye galathee de ce qu'elle lui permet parler a elle puys en fin lui demande ung baiser faignant n'oser ce faire.

[N]on michi parva modo sed munera magna dedisti.
Nempe michi tantum sufficit alloquium

Gallathee ma doulce amye
Humblement je te remercye
De ce que m'as habandonné
Tu ne m'as pas icy donné
Peu de chose par courtoisie
Seullement me prester l'ouye
En quoy soit ma parolle ouye
Je suys haultement gardonné
Gallathee ma doulce amye
Humblement je te remercie
De ce que m'as habandonné

Du demeurant ne me soucye
Puis que parler en compaignie
Je puys dieu me y a amené
Jamais ne fuz mieulx assigné
Pour faire mon oeuvre acomplye
Gallathee ma doulce amye
Humblement je te remercie
De ce que m'as habandonné
Tu ne m'as pas icy donné
Peu de chose par courtoisie

Hiis meritis dignas nequeo tibi reddere grates.
Equari meritis non valet hoc meritum.

Je ne puis graces assés dignes
Te rendre a si grant merite
Trop grandement a moy te inclines
Louenge n'est assez licite
Qui devant toy puisse estre dicte
Pour ce merite equaliser
Ma bouche seroit trop petite
Pour suffisamment le priser

Sed fortassis adhuc venient tempus que dies que
Quo se monstrabit si quis amicus erit.

Mais par adventure le temps
Et les jours viendront qu'on voirra
S'il vient ainsi comme je entens
Qui est vray amy et sera
Qui est amy se monstrera
Ung jour qui vient ce ay je esperance
Et que chascun dire pourra
J'ay prins amours a ma plaisance.

Nec tibi displiceat non audeo dicere plura
Quamvis te peterem pauca libenter adhuc.

Jamais ne fuz si a mon aise
Que je le suys c'est chose vraye
Gallathee ne te desplaise
J'ay cella que je demandoie
Plus rien demander n'oseroie
Combien qu'il y ait quelque chose
Que voulentiers demanderoie
Elle est petite mais je n'ose

Nos alternatim complexus basia tactus
Ut dare possimus cum locus affuerit

Si me le fault il exposer
C'est s'il te plaisoit de ta grace
Que l'ung l'autre peussions baiser
Quant temps nous viendroit et espace
Car de baiser ta doulce face
Et accoller ton beau corps gent
Me seroit trop plus grande grace
Que avoir l'or du monde et l'argent

Comme gallathee accorde que pamphille la baise et accolle seullement et pour couvrir son cas luy deffent que autre chose ne luy demande

Quamvis illicitum complexus nutrit amorem
Et fallunt dominam basia sepe suam.

Combien que le baiser nourrisse
Amour illicite et infame
Et qu'il soit fontaine de vice
Et de vitupere a sa dame
Touteffois sans penser a blasme
Pamphille se lieu vient apoint
Je cuyde bien que je suis femme
De ne vous escondire point

Hoc patiar solum sed tu nichil amplius addas
Nam cuiquam sine te talia non paterer.

Pour ung baiser tant seullement
Contente suys de l'accorder
Fors que ce soit secretement
Qu'on ne nous puisse regarder
Mais garde de plus demander
Car jamais ne me accorderoie
Que autre me venist aborder
Pour baiser je ne daigneroie

Sed modo de templo venient uterque parentes.
Est michi ne causer convenit ire domum

A dieu te dy car je contemple
Que tantost mon pere et ma mere
Sont prestz de revenir du temple
Je m'en voys je crains vitupere
Car s'il advenoit que mon pere
Fust arrivé a la maison
Il me batroit c'est chose clere
Je m'en vois il en est saison.

Tempora sat veniant pariter quibus ambo loquimur
Et memor alterius quisque sit interea

Icy trop longuement je attens
Je m'en voys il m'en fault aller
Mais il viendra assés de temps
Que pourrons ensemble parler
Entrebaiser et accoller
Comme dit est mais nonobstant
Vueille soy tousjours recoller
Chascun l'ung de l'autre entretant.

Comme pamphille apres le depart de gallathee loue son beau commencement et fait plusieurs considerations pour la perfection de son oeuvre.

Letior in toto me non est nec fuit orbe
Figitur in rippis anchora nostra suis

Or doy je bien dieu mercier
Et fortune pareillement
Je ne me doy point soucyer
J'ay fait ung beau commencement
Je croy que soubz le firmament
N'y ayt plus joyeux que je suys
Puys que une fois dire je puys
Que j'ay ataché a son port
Mon ancre est fichie sus le bort
A peine pourroit eschapper
Oncques més si grant resconfort
En mon cueur ne se vint frapper

Me subito nimium deus et fortuna beavit
Nam dives redeo qui miser ante fui

Or me ont bien tost dieu et fortune
Fait venir a heure opportune
Pour mes requestes obtenir
Je croy qu'il n'est personne aucune
Dessoubz le siecle de la lune
Qui mieulx y eust sceu parvenir
Bien en haste suys devenu
Riche qui povre suis venu
Et m'en retourne maintenant
Bieneureux je suys obtenant
Mon desir qui en grant tristesse
Naguaires estoie en venant
Et je m'en revois en liesse

Illius et frustra quod sim memor illa rogavit
Quam te mente mea nec labor excuteret

Helas c'estoit bien pour nyant
Qu'elle m'a prié que je fusse
D'elle memor/ il m'en souvient
Plus que dire peu ne luy eusse
Car il n'est labeur que je peusse
En tout ce monde icy porter
Par lequel bonnement je sceusse
Hors de mon couraige l'oster

Non mecum sentit nec ut desidero noscit
Sum velut ipse sui sit memor illa mei

Mais la povre fille ne sçait
Pas la grant amour de nature
Dont je l'aime ne ne conçoit
Pas le mal que pour elle endure
Qui sans termination dure
Si prie dieu qu'elle soit de moy
Aussi souvenante en droicture
Comme je le serai de soy

Pluribus expedior et adhuc me plura cohercent.
De quibus ipse meum nescio consilium.

J'ay essayé plusieurs moyens
Ains que venir en consequence
Si que des plus conveniens
J'ay trouvee l'experience
Mais il y a grant difference
Les ungs des autres sont meilleurs
Et pourtant m'en fault il plusieurs
Que jamais querir et trouver
Pour essayer et esprouver
Se a bonne fin je perviendray
Mais a la verité prouver
Je ne sçay quel train je tiendray.

Si studiosus eam verbis que iocis que frequentes
Auferet assuetas garrula fama vias

S'il fault que je soye studieux
A faire plaisances et jeux
Devant elle on en parlera
Et y aura quelque envieux
Qui me trouvera sus les lieux
Souvent et en murmurera
Par ce point la elle pourra
Encontre moy se courroucer
Et a tout amour renoncer
Si suys esbahi que je face
Et ne sçay quel chemin penser
Pour tousjours maintenir sa grace

Firmet amiciciam si nulla frequentia nostram
Non bene firmus adhuc forsan alibit amor

D'autre part s'il fault que je laisse
A luy monstrer signe d'amer
Je faiz doubte qu'elle ne cesse
Sans voulloir le fait confermer
Bien aise est a deffermer
L'ancre qui ne tient comme point
Et comme je puis estimer
De noz amours est en ce point

Perpetuo crescit: lignis crescentibus ignis
Detrahe ligna foco protinus ignis abest

Tant plus on met au feu de bois
Tant plus croist c'est chose congneue
Mais ostez le bois une fois
Le feu a sa force perdue
Amour aussi se continue
Par longue frequentation
Pareillement se diminue
Par absence et dillation.

Solicitus tantis curis tantis que periculis
Detrahor in quantis nescio mente modis

Ainsi donc en sollicitant
Si grans dangiers et adventures
Des passions je seuffre tant
Que jamais n'en fut de si dures
Je voy cent mille conjectures
Opposites aux deux cartiers
L'une fois il me semblent seures
L'autre je y treuve des dangiers

Hac in re nullam: modo cerno prosperitatem.
Non habet et tutum mens mea consilium

Pour ceste cause en ceste chose
Plaine de grant difficulté
Je ne juge point ne suppose
Qu'il y ait de prosperité
Et en ceste duplicité
Ma pensee ne peut trouver
Bon conseil de securité
Pour mieulx a son port arriver

Obstat et interdum satis. fortuna virorum
Propositum que suo: non scivit esse loco

Aussi fortune la diverse
Souventeffois les destinees
Des hommes varie et renverse
Et ne peuent estre menees
Ou les dieux les ont ordonnees
Car fortune sans nul repos
Par ses malices obstinees
Chascun jour change leur propos

Sic multis nocuit multos tamen illa beavit
Vivit in hoc mundo taliter omnis homo.

Aussi en divers changemens
Elle a aux ungs esté grevable
Leur a donné de grans tourmens
Aux autres a esté aydable
En son fait n'y a rien estable
Mais vella en quoy je me fonde
Que soubz fortune variable
Tout homme est vivant en ce monde

Comme pamphille prie dieu qu'il luy vueille supporter son labeur et dit qu'il n'y a en ce monde confidence que en soy mesme et en dieu.

Providet et tribuit deus et labor omnia nobis.
Proficit absque deo nullus in orbe labor

Parfaictement croire devon
Que dieu avec labeur nous donne
Toute chose que nous avon
En ce monde soit malle ou bonne
Dieu a son appetit ordonne
Et le labeur en aucun lieu
Ne peut proffiter a personne
Si ce n'est par l'ayde de dieu

Sit deus ergo mei custos/ rector que laboris
Omne guberent opus/ propositum que meum

Pourtant je pry dieu humblement
Que mon oeuvre vueille tenir
En si bon propoz tellement
Que a bonne fin puisse venir
Vueille moy tousjours subvenir
Et estre de mes faiz recteur
Les garder conduyre et tenir
En bon estat le createur.

Non meus interpres fiunt frater que nepos que
Nam nullus leviter invenit unde fidem

En tel cas j'ay ma confidence
En dieu seul non pas a mon frere
Car souvent y a diffidence
De pere a filz de filz a pere
Par tant pour fouyr vitupere
Il n'y a frere ne nepveu
Il n'y a ne pere ne mere
Qui de mon estat ayt rien veu

Jura fidem que nepos nescit servare nepoti.
Nec frater fratri/ cum furor ille venit

Maintenant n'y a point de foy
Entre frere et frere on le voit
Maintenant chascun est pour soy
Et souvent l'ung l'autre deçoit
En plusieurs lieux on l'apperçoit
Que ung frere a l'autre dit injure
Ou quelque opprobre s'il le sçait
Pour une petite murmure.

Causa pusilla nocet: sapiens nocentia vitat.
Ergo nos aliam convenit ira viam.

Peu de cause pour ce nuysance
Le saige voulentiers evite
Choses nuysantes a puissance
Qui viennent de cause petite
Pourtant esse chose licite
De proceder qu'on ne nous voye
Secretement car la mauldicte
Envie est tousjours par voye.

Comme pamphille propose de aller veoir une vieille de la ville et en faire sa courtiere d'amours.

Hic prope degit avus subtillis et ingeniosa.
Artibus et veneris apta ministra satis.

Je sçay bien que assez pres d'icy
Est une vieille maleureuse
Laquelle vit en grant soucy
Et en povreté douloreuse
Mais subtille et ingenieuse
Fine mauvaise et cautelleuse
Pour servir aux ars de luxure
C'est le mieulx que je me adventure
De luy aller dire mon cas
Elle m'y vauldra deux advocas
Car elle a ce mestier aprins
Tout consideré et comprins
Je ne puys mieulx en cest office
Commettre sans estre reprins
Pour me faire utille service

Postpositis curis ad eam vestigia tandam
Et sibi consilium notificabo meum

Toutes cures mises arriere
Je la feray d'amours courtiere
Et me yray adresser a elle
C'est une droicte messaigere
Une maistresse langaigere
Pour attrapper une pucelle
En elle seulle me fieray
Mon conseil luy notiffieray
En la requerant humblement
Que employer son entendement
Veille ainsi qu'il appartiendra
Pour moy et que de son payement
A chose qui soit ne tiendra

Comme pamphille salue la vieille et la persuade de louenges avant que luy dire son cas

Fama tue laudis nullum que tue bonitatis
Causaque/ miserunt me tibi consilii

Belle mere je vien a toy
Pour les grans louenges de quoy
On te loue en ceste cité
J'ay aucunes choses en moy
Pour qui avoir recours je doy
A toy seulle pour la bonté
Sagesse foy et loyaulté
De qui tout le monde te fame
En la cité plus que autre femme
C'est ce qui devers toy me amaine
Car je sçay que tu es certaine
Juste secrete et honnourable
Autant ou plus que femme humaine
Pourtant soyes moy secourable

Que loquor ascultet pietas et gratia vestra
Alter et assensu nescit absque meo.

Si te prie par amitié
Que escoutes ce que vueil dire
Et ayes de moy pitié
Car la douleur et martire
Que nuyt et jour mon cueur tire
Est si grant que dire n'ose
Si fault il que te l'expose
Mais je te prie humblement
Qu'on n'en saiche aucune chose
Tenon l'ay secretement

Diligo vicinam tibi/ quam noscis galatheam
Ipsa suis dictis me nisi fallor amat

J'ay une voisine prochaine
Que j'aime d'amour souveraine
Gallathee tu la congnois
Je suys chascun jour de sepmaine
Pour elle en douleur et en peine
Tu le peulz entendre a ma voix
Elle m'aime bien touteffois
Veu cella que j'ay apperceu
Ou par ses dictz je suys deceu
Tu la congnois et peuz sçavoir
Se femme est pour me decevoir
Si te pry dy m'en verité
Et vrayement je feray devoir
De payer a ta voulenté

Non loquor ut vellem nam mille pericula vtto.
Quicquid in orbe nocet solicitus timeo

Plus emplement
Mon pensement
Te diroye
Et mon tourment
Totallement
Monstreroye
Se je osoye
Mais par voye
Sont les dangiers incessamment
Je crains ce que ja ne vouldroie
Voir et aussi que je ne voie
Ce que je crains totallement

Ex minimo crescit sed non cito fama quiescit.
Quamvis mentitur crescit eundo tamen.

Il ne fault que ung peu de fumee
Pour acroistre la renommee
De la personne ou luy tollir
Or est gallathee famee
De tout le monde et renommee
Je crains a vers elle faillir
Car je luy pourroye abollir
Plus tost son bon nom que hausser
Car ceulx qui veullent mal penser
Donnent plus tost le mal entendre
Pour la renommee abaisser
D'autruy que la voulloir deffendre.

Parva nocent miseris miseros mala multa secuntur
Res que laborque michi spe manet in dubia

Petites choses sont nuysables
Aux miserables.
Le vireton aux maleureux
Mille maulx et choses grevables
Sont doubtables
Et suyvantes les douloureux
Donc pour eulx
Suys paoureux
Et peine qui m'est angoisseuse
Tient mes besongnes en tous lieux
En esperance dubieuse

Tu mala nostra vides tua vox erit inter utrunque
Deprecor ut nostrum crimen eundo tegas

Bonne mere tu vois noz maulx
Je ne t'en vueil plus exposer
Tu sçaiz que c'est de telz travaux
Que nous souffrons sans reposer
Plaise toy donc interposer
Ta voix entre moy et la belle
Tant que puisses tourner vers elle
Ma voye et mon appointement
Mais je te pry rien n'en revelle
Tien nostre cas secretement.

Comme la faulse vieille respont a pamphille que plus grant que luy aime gallathee qui ne la peut avoir et que si n'est par le moyen d'elle a peine on l'aura et ce fait pour avoir des dons

Alter amat quod amas: et quod petis hoc petit alter
Sed tamen assensum non habet inde meum.

Pamphille tu es amoureux
De celle que autre ayme que toy
Vous demandez avoir tous deux
Ce que ung seul n'aura que par moy
Tu es fort feru je le voy
De gallathee la joyeuse
Je ne sçay s'elle est amoureuse
De toy mais je suys fort en doubte
Que non car a peine se boute
En amour d'aucun parsonnaige
Et si ne croy point somme toute
Qu'elle ayt en homme son couraige

Est nimis ille probus et honesta conjuge dignus
Sed michi displicuit quod dare disposuit

Ung autre que toy l'aime bien
Qui me pria que son moyen
Envers elle je pourchassasse
Mais en effait il n'y fist rien
Car il n'est pas homme de bien
Assez pour avoir ceste grace
Cent foys me pria que j'allasse
Voir se la trouveroye a point
Mais il me desplaisoit d'ung point
C'estoit de faire grant promesse
De donner tresors et richesse
A elle assez mais de ma part
Qui devoye faire l'adresse
Il n'avoit que ung peu de regart

Promisit veteres cum pellicio michi pelles
Sit sibi velle meum munus ademit opus.

Bien appert que villain estoit
Quant pour faire ceste façon
Tant seullement me promettoit
Je ne sçay quel vieil pelliçon
J'entendy bien ceste leçon
Autant que femme de la ville
Et qu'il me reputtoit bien ville
De villain don me presenter
En effait oncques si abille
Il ne fut d'en sçavoir gouster.

Si datur ad tempus dat et affert commoda munus
Jus leges que suo destruit imperio.

Je suis assés saige et entens
Que quant on donne a la personne
Cella qu'on donne c'est a temps
Car c'est raison qu'on le guerdonne
Le don que aucuneffois on donne
Peut porter proffit ou dommaige
Et n'est loy ne droit ne usaige
Sus quoy le don par son empire
Ne ayt preference et avantaige
Et qu'il ne les puisse destruire

Quam petis ut credo per me nisi nullus habebit.
Nam nimis imperio subjacet illa meo.

J'ay des necessités bien grandes
Chascun le voit visiblement
Mais la celle que tu demandes
Homme n'aura aucunement
Si non par mon consentement
Car plus que a femme de ce monde
Elle est a mon commandement
C'est la raison ou je me fonde

Insuper ipsa sui sum dux et conscia facti
Et facit illa meis viam consiliis

En oultre plus je suis compaigne
Et conducteure de son fait
Tout cella que je luy enseigne
Sans contredit elle le fait
Et si ne fait rien en effait
Que par mon conseil et doctrine
Et si me ayme de cueur parfait
Plus qu'elle ne fait autre voysine

Non loquar ipsa diu tibi/ nam me previt altera cura.
Carpat quisque vias et sibi querat opem.

A toy je ne parleray plus
Longuement j'ay ailleurs affaire
Et face chascun au surplus
Cella qu'il voirra bon de faire
Ainsi qu'il luy est necessaire
Chascun sçait sa necessité
A dieu ne te vueille desplaire
Pamphille dieu te doint santé.

Comme pamphille apperçoit bien que la vielle ne luy veult point faire son moyen s'il ne marchande a elle et veult sçavoir combien

Hoc mihi perstat opus nec me previt altera cura.
Hanc michi si dederis omnia prestiteris

Tu dis avoir a besoingnier
Ailleurs que icy et aultre part
Mais s'il te plaisoit de soignier
A mon fait et avoir regart
La ou je pense tost et tart
Sans aultre cure ne soucy
Tu me donroyes par ton art
Tous les biens de ce monde icy

Convenit externos mercari sepe labores
Emptus et ut capiat premia digna labor.

Toute peine requiert salaire
Je le congnois c'est verité
Point ne vueil aler au contraire
Et pourtant de necessité
Et mieulx tenir fidelité
De marchander et convenir
Marchié fait en bonne equité
Sans difference doit tenir

Nulla partem tuum frustabor crede laborem.
Nunc quibus indigeo si michi provideas.

De ce dont je suis indigent
S'il fault que par toy pourveu soye
J'ay des biens de l'or de l'argent
N'espargne ne or ne monnoye
Ne doubte que je ne te paye
Sans te frustrer car c'est raison
Et que je ne mette en ta voye
Tout ce qui est en ma maison

Deprecor hoc unum me credis dic inde nullum
Et quodcunque mihi dixeris ipse dabo.

Mais je te pry dy moy combien
De moy tu demandes avoir
Pour me vouloir faire ce bien
S'il te plaist je le vueil sçavoir
Ce que vouldras de mon avoir
Dy moy je le te donneray
Voulentiers sans te decepvoir
Mais dy moy ce que je payeray

Comme la vieille dit qu'elle ne veult point de attente en ce marchié Mais avant que commencer ouvraige voir de quoy sans promesse

[P]lura volunt et plura petunt quibus instat egestas.

Plusieurs choses avoir vouldroyent
Ceulx qui sont en mandicité
Que voulentiers demanderoyent
S'ilz sçavoient sans faulceté
Qu'on ne feist point difficulté
D'oubtemperer a leur demande
Mais te dire ma povreté
Je n'ose car elle est trop grande

Quantis indigeo tanta referre pudet.

De dire honteuse seroye
Toutes mes miserabletés
Car au vray parler ne pourroye
Dire toutes mes povretés
Car j'ay tant de necessités
Qu'il n'y a se croy creature
Es quattre prochaines cités
Qui tant que je fais en endure

Divitias multas habui dum floruit etas
Commoda nulla facit ars que labor que meus.

Tant que j'ay fleury en jeunesse
J'ay eu des biens par habondance
Chascun prenoit en moy plaisance
Et me venoit toute richesse
Present me tourne a grant tristesse
De estre povre car sans doubtance
Tant que j'ay fleury en jeunesse
J'ay eu des biens par habondance
Mon art maintenant en vieillesse
Ne me donne point de substance
Mon labeur me laisse en souffrance
Et touteffois comme princesse
Tant que j'ay fleury en jeunesse
J'ay eu des biens par habondance
Chascun prenoit en moy plaisance
Et me venoit toute richesse

Si modo nostra tibi prodesse juvamina sentis.
Deprecor ut pateat hinc michi nostra manus

Pource pamphille se tu sens
Que te puisse estre profitable
Et ayder comme je consens
Monstre toy large et honnorable
Monstre dequoy soyes veritable
Je te prie baille content
Car ung tien/ est si agreable
Qu'il n'y a rien au monde tant

Comme pamphille luy donne de premier une quantité d'argent sans regarder combien a celle fin qu'elle voise faire son pont vers galathee.

Hinc tibi nostra manus et cetera nostra patebunt.
Sic que sub imperio copia nostra tuo.

Tien vela de commencement
A celle fin que il te apparesse
Et que congnoisse clerement
Que ung vray amant aime largesse
Mais aussi monstre toy maistresse
De faire cest appointement
Tous noz biens et nostre richesse
Seront a ton commendement

Multum grata michi modo nos concordia junxit.
Pactaque sollicitet inter utrumque fides

Moult m'est ce concord agreable
Et que je te puis contenter
Aussi monstre toy serviable
Et va mon cas soliciter
Se tu peulz une fois traicter
L'appointement d'elle et de moy
Je pourrai dire sans doubter
Que tu seras femme de foy

Hinc precor vigilet solercia nostra labor que
Et ratione sua rem bene provideant

Pourtant je te pry que tu veilles
Si convenablement que en vain
Et pour neant ne te travailles
Et que ton labeur ne soit vain
Tu sçais que pour faire bon pain
Le bon fournier ou la fourniere
Regarde a faire bon levain
Faire dois en ceste maniere

Principium finem que simul prudentia spectet
Rerum finis habet crimen et omne decus.

Tu sçais que prudence regarde
La fin et le commencement
Et pourtant je te pry pren garde
A besongnier prudentement
Car la fin et consonnement
De toutes choses par honneur
Se bien viennent pareillement
Se mal viennent le deshonneur

Verbi principium fidem quoque respice verbi.
Ut melius possis premeditata loqui

La fin de ce que vouldras dire
Et le commencement aussi
Regarde pour le mieulx eslire
Avant que tu partes d'icy
Tu le dois faire par ainsi
De parvenir a ton attente
Tu n'auraz que ung peu de soucy
Car tu portes parler sans crainte

Comme la vieille voit galathee assise a la porte de son pere et faignant la vieille de ne la veoir point se va mettre au pres d'elle et apar soy parler et dire des biens de pamphille Si que la fille le peult ouyr

Hac manet in villa nimium formosa juventus.
Crescit et in cunctis moribus ipsa bonis.

Dieu qu'il demeure en ceste ville
Ung filz plain de belle jeunesse
Gracieulx doulx honneste habille
C'est des jouvenceaux la noblesse
Heure n'est au jour qu'il ne croisse
En vertus et en bonnes meurs
C'est une parfaicte liesse
De le voir entre les greigneurs

Non fuit in nostro melior nec dulcior evo
Suscipit ipse meam tam bene pauperiam.

Je suis vieille mais en mon aage
Je n'oy parler du semblable
Doulx courtois gracieux et saige
Compacient et amiable
Que je l'ay trouvé pitoyable
De l'heure que a luy suis venue
Et de vouloir tant honnorable
Il a ma povreté receue

Precellit cunctos omni bonitate coevos.
Pamphilus et socios laudibus exuperat

Il precelle en toute bonté
Ceulx de son aage et en beaulté
Pamphille porte l'excellence
De doulceur et de loyaulté
Sans aulcune desloiaulté
Il a sus tous la preference
C'est l'honneur de ses compaignons
C'est la fleur des gentilz mignons
C'est des humains le plus humain
C'est des aultres le souverain
Ses vertus sont inestimables
En son fait n'y a rien villain
Mais toutes choses honnorables

Est stulto stultus est miti mitis ut agnus
Stultitie sapiens jure resistit homo.

Il fait le fol avec les folz
Et le saige avecques les saiges
Il fait le doulx avec les doulx
Plus que ung aigneau en tous ouvrages
En luy n'y a que doulx languaiges
Jamais ne partit de sa bouche
Parolle d'aultres personnaiges
Qui tant soit peu deshonneur touche

Non manet ac tante pubes probitatis in urbe
Quas acquirit opes non vorat ingluvies

En ceste cité pour ceste heure
A bien pamphille regarder
Je ne sache point qu'il demeure
Si digne enfant de collauder
Prudent a saigement garder
Ses biens qu'il acquiert largement
Sans les despendre a gourmender
Ou les dissiper folement

Est nimis ille probus bona nam fuit ejus origo
Arbore de dulci dulcia poma cadunt.

Il est de fort bonne nature
Et aussi naturellement
Il est de bonne geniture
Qui est ung beau commencement
D'ung arbre doulx communement
Chayent pommes doulces et bonnes
Le bon enfant semblablement
Engendre de justes personnes

Premonstrat signis prolem natura frequenter.
Sepe solet similis filius esse patri

On congnoist coustumierement
Par les oeuvres que ung enfant fait
Quel fut de luy l'engendrement
Et s'il y eut aulcun forfait
Car souvent en dit ou en fait
Le filz est semblable a son pere
Mais pamphille monstre en effait
Que engendré fut sans vitupere

Comme apres ce que la vieille a dictes toutes ces louenges de pamphille elle se tourne vers galathee en faisant une admiration et faindre ne l'avoir point veue

En juxta portam video stantem galatheam
Queque locuta fui forsitan audierit.

Comment dieux voicy galathee
Aupres de ceste porte assise
D'elle j'ay esté escoutee
A ceste heure je m'en advise
Au fort en ce que je devise
De pamphille le triumphant
Avoir ne puis quelque reprise
Car c'est ung gracieulx enfant

Hic non esse modo galatheam certe putabam.
sed tamen ipsa nimis/ vera locuta fui

Galathee certainement
Pas icy je ne te cuydoye
Si pres de moy presentement
Que de pamphille je parloye
Touteffois ce que j'en disoye
Aussi vray est que l'evangille
Et bref dire je ne sçauroye
Toutes les vertus de pamphille

Pamphilus ac certe cunctos precellit in urbe
Egregie vitam providet ille suas

En toutes vertus et bonté
Il precelle certainement
Tous les ceulx de ceste cité
Tant est de beau gouvernement
Il se pourvoie noblement
Sans faire aulcune vilennie
Bref c'est ung resjouissement
Que contempler sa belle vie

Illi semper honor et laus et gloria crescit
Et merito nullus invidet inde sibi

Tousjours luy croist honneur et gloire
Non sans cause c'est bien raison
Toute la cite fait memoire
Du grant honneur de sa maison
Qui de richesses a foison
Est plantureusement fournie
Et ne donne quelque achoison
Qu'on doive avoir sur luy envie

Est nimium locuplex et non tamen inde superbit
Illius et nullum copia crimen habet.

Il a richesses a planté
Et n'en est point plus orgueilleux
Mais tousjours en humilité
Se monstre doulx et gracieulx
Son fait n'est en rien vicieux
Mais a tout le monde agreable
Je ne croy pas que soubz les cieulx
Peult estre trouvé le semblable

Esset vt ipse tuus vellem galatea maritus
Hanc eandem velles rem bene si saperes.

Galathee ma gente fille
Plust a dieu et la belle dame
Que ce beau gracieulx pamphille
Fust ton mari et toy sa femme
Car je cuide et croy sus mon ame
Se bien son estat congnoissoies
Et comme chascun le reclame
Toy mesmes le desireroyes

Velle meum dixi sed non tamen ille rogavit.
Vos simul esse meum judicat arbitrium

J'ay dit que vous fussiez ensemble
Mariez beaucop je desire
Grant prouffit seroit ce me semble
Nompas qu'il le me face dire
Je ne te vouldroye pas nuyre
Galathee tu le sçais bien
Mais plus que a fille de l'empire
Je desireroye ton bien

Et genus et probitat et forma decens utriusque
Mecum concendunt vos simul esse duos.

Je arbitre que le mariage
De vous deux seroit convenable
Car la preudommie et lignaige
De tous deux est assés semblable
Oultre plus la forme honnorable
De voz corps gracieulx et gens
Monstre ceste chose traictable
Autant que fut onc de deux gens

Nostra modo vacuis deducimus ocia verbis.
Res tamen interdum grandia parva movet
E minima magnus scintilla nascitur ignis
Et generat parvum grandia principium

Cela que nous dison icy
C'est temps perdu: mais touteffois
Mariage ce font ainsi
Par peu de chose aulcuneffois
Ung grant feu peut faire en ung bois
Une bien petite estincelle
Commencer convient une fois
En toute chose naturelle

Mens mea concepit harum primordia rerum.
Atque loqui nostris cepimus inde jocis.

Jamais jour ne me apperceu
Que pamphille eu le couraige
De soy marier mais conceu
J'ay apar moy ce mariage
Puis quant j'ay veu ton personnaige
Et que la chose vient a lieu
J'en ay commencé le langaige
Mais tout cela ce n'est que jeu

Sed si rebus in hiis mea mens animus que movetur
Si placet an potius desplicet inde loqui.

Touteffois galathee dy moy
S'il te desplaist aulcunement
De ce que j'ay fait devant toy
A cest heure ce parlement
Car je te jure mon serment
Que tu es du monde la fille
Que j'ayme plus parfaictement
Mais aussi bien fais je pamphille

Deprecor ut dicas/ quod dixeris ipsa tacebo.
Si celare velis sine referre loquar.

Je te pry dy moy s'il te plaist
Entre nous deux secretement
Quelle ton oppinion est
De cecy parle seurement
Se tenir le vueil celeement
Voulentiers je le celeray
Se parler veulx publicquement
Pareillement je parleray

Dic michi ne dubita sculeum depone timorem
Hic venit a sola ruscicitate timor

Dy moy tout belle je te prie
Se pamphille vouloit te avoir
Le vouldrois tu point/ ne crains mie
A me faire cecy sçavoir
Pas ne vien pour te decepvoir
Se tu es en difficulté
Se te crainte te font mouvoir
Folie et rusticité

Comme galathee respont a la vieille et luy dit que les persuasions qu'elle fait ne sont que flateries et pour avoir aulcuns dons

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