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Livre d'amours, auquel est relatee la grant amour et façon par laquelle Pamphille peut jouir de Galathee et le moyen qu'en fist la maquerelle

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[P]amphile tolle manus te frustra nampe fatigas
Nil valet iste labor quod petis esse nequit.

Pamphille reculle tes mains
De tes atouchemens villains
Cure n'ay c'est chose certaine
Je m'esbahy que tu ne craings
Estre veu des voisins prochains
Et oultre plus rien tu ne attains
Car en effet tu pers ta peine
La fin de ton labeur est vaine
Rien ne vault en vain ton corps peine
Ce que tu quiers estre ne peult
Car je doubte honte vilaine
Et puis renommee prochaine
De mal dire tousjours soubdaine
Et pour peu de chose on la meult

Pamphile tolle manus male nunc offendis amicam.
Jamque redibit avus pamphile tolle manus.

Oste tes mains je t'en prie
Pamphille car ton amye
Tu offenses malement
La vieille presentement
Reviendra n'en doubte mie
Ne monstre point ta folie
Conduy toy par courtoysie
Sans villain atouchement
Oste tes mains je t'en prie
Pamphille car ton amie
Tu offences malement

Je crains honte et vilennie
Pour estre en ta compaignie
Gouvernon nous sagement
La vieille en escoutement
Est/ pourtant s'as broillerie
Oste tes mains je t'en prie
Pamphille car ton amie
Tu offenses mallement
La vieille presentement
Reviendra n'en doubte mie

Comme elle se laisse manier et faint que ce soit par foiblesse disant

Heu michi quam parvas habet omnis femina vires.
Quam leviter nostras vincit utrasque manus.

Helas tant a force petite
Toute femme tant il m'a viste
Vaincues les mains toutes deux
Rompue je suis et destruite
Trop est ung homme vertueux
Et puis le couraige amoureux
Qui en soy n'a point de raison
Le fait bouillant et challoureux
Et luy acroist force a foison

Pamphile nostra tuo cum pectore pectora ledis
Plangere clamando me cogit ipse dolor

Pamphille je vueil que me laisses
Je te pry ton oeuvre deffine
Car sçaiches que avec ta poictrine
La mienne grandement tu blesses
Tu me foulles trop et depresses
Se tu ne te veulx tost reffraindre
Ceste douleur par tes presses
Me contraint de crier et plaindre.

Desine clamabo quid agis male detegor a te
Perfida me miseram quando redibit avus

Delaisse moy ou je crieray
Car plus je n'en endureray
Que faiz tu/ trop honteusement
Me descoeuvres je te diray
Laisse moy ou j'appelleray
Noz voisins tout presentement
Par dieu je feray du tourment
A la vieille bien largement
Si tost que sera revenue
Car je congnois certainement
Et apperçoy visiblement
Que par elle je suis deceue

Surge precor nostras audit vicinia lites
Que tibi me credidit non bene fecit avus

Je te pry sour toy et t'en voyses
Noz voisins sans aucune doubte
Oyent noz debas et noz noyses
Car ilz sont tousjours en escoute
C'est la chose que plus je doubte
Et si la vieille ne a pas fait
Bien/ je te le dy somme toute
Elle est cause de ce mal fait

Ulterius tecum me non locus iste tenebit
Nec me decipiet ut modo fecit avus

Oultre jamais se lieu icy
Ne me tiendra avec toy
Que je puisse fouyr ainsi
Que a ceste heure icy je apperçoy
Et si je te jure ma foy
Que la vieille d'or enavant
Ne me mainera avec soy
Ainsi qu'elle a fait maintenant

De ce fait tu seras victeur
Pour ceste heure je suis trop fresle
Pour convaincre tel abateur
Nonobstant que je me rebelle
Je treuve plus que moy rebelle
Pamphille je suis convaincue
Mais toute amour point ne le celle
Entre nous deux est corrompue

Comme pamphille tout lassé de se jouer a gallathee dit qu'il se fault reposer et la resconforte.

[N]os quoque paulisper requiescere convenit ambos
Dum facto cursu non anelat equus

Ung petit reposer convient
Tous deux le cheval est lassé
Tant que grosse allaine luy vient
Du grant travail qu'il a passé
Moreau est rompu et cassé
Trop a pené pour une pose
Le boyart a fort tracassé
Il est saison qu'il se repose

Quid male dilecto respectum luminis offers.
Cur que lavas lachrymis/ flebilis ora tuis

Pour quoy offres tu yeux divers
A celuy que tu aymes mieulx
Pour quoy doyvent ilz estre offers
Envers luy si tresmerveilleux
Pour quoy aussi laves tes yeux
De larmes et gemissement
Pour ung passe temps gratieux
Ou il n'y a qu'esbatement

Sum reus ex toto modo quaslibet accipe penas
Et major meritis pena sit ista meis

Vela pren que je suis coulpable
De tout ainsi que l'entendras
Prens tez peines que tu vouldras
Si fault que soie condamnable
Et soit la peine plus grevable
Plus orgueilleuse plus despite
Cent mille foys que le merite
Je seray de tout recevable

Et quecunque voles patiens ad verbera presto
Sic peccasse tamen non mea culpa fuit

Je ne l'ay fait que pour m'esbatre
S'il y a mal tu sçaiz que c'est
Mais encore suis je tout prest
D'endurer se tu me veulx batre
Se ung coup n'est assez/ baille quatre
J'endureray tout ce soucy
Mais pour la verité debatre
Pas ne suis cause de cecy

Et modo judicium si vis veniamus ad equum
Aut modo sim liber aut ratione reus.

Mais courtoisement se tu veulx
Venon a equal jugement
Et regardon entre nous deux
Qui a failly plus grandement
Affin qu'on voye franchement
Se coulpable seray trouvé
Ou que demeure nettement
Quitte du peché approuvé

Ardentes oculi caro candida vultus erilis.

Premierement les yeulx ardans
Qui par plusieurs fois ont esté
Dessus ma face regardans
Et puis la chair de grant beaulté
Blanche comme rose d'esté
Le plaisant et noble viaire
Plain de toute formosité
Si beau qu'on ne sçauroit mieulx faire

Verbula complexus basia grata jocus.

En apres les doulx parlemens
Les petiz caquez gratieux
Les baisiers les embrassemens
Et puis les agreables jeux
Les adjournemens des doulx yeulx
Le bel acueil les plaisans signes
Cent mille souspirs amoureux
Et plus de cinq cens mille mynes.

Fomentum sceleris michi principiumque dedere
Institit ortator hiis michi rebus amor

Toutes ces choses devant mises
Ont esté le commencement
Des choses que j'ay entreprinses
Et se j'ay failly nullement
Combien que de l'inventement
Amours ayt esté orateur
Et tousjours a l'escroissement
S'est demonstré mediateur

Hiis furor intumuit rabies que libidinis arsit.
Hortantur que michi facta nephanda sequi.

Par ce point fureur de couraige
S'est enflee oultre mesure
Et oultre plus la dure raige
Du tresbruslant feu de luxure
En ceste merveilleuse arseure
Se j'ay commis quelque malfait
S'a esté par leur espointure
Et non pas de mon propre fait

Iste meos sensus subvertit pessimus error
Per quam nostra tibi gratia surda fuit.

Cest erreur qui est tresmauvais
A subverti entierement
Mes sens tant en diz comme en faiz
Et m'a troublé l'entendement
Par quoy vers toy totallement
Nostre grace sourde a esté
Sans me vouloir amendement
Donner en ma necessité

De quibus accusor merito culpabilis esses
Fons hujus fuerat materiesque mali

A bien verité adviser
Tu es plus coulpable que moy
De ce qu'on me veult accuser
Puis que la cause vient de toy
Tu es la fontaine de quoy
Sourt se mal la matiere aussi
Ainsi tu es comme je croy
Plus que moy cause de cecy

Tam gravis ira duos non convenit inter amantes.
Sed si forte venit sit tamen illa brevis

Entre deux amans ne fault point
Que ire greve longuement dure
Mais la rapaiser de tout point
S'elle s'i treuve d'aventure
Aucuneffois quelque murmure
Pour petit de chose se lieve
Et l'ung contre l'autre murmure
Mais ce doit estre chose brefve

Semper amans delicta pati bene debet amantis
Culpe communis fert patienter onus

L'ung amoureux de l'autre endure
Tout jeu et tout esbatement
Ainsi que droit est par nature
Sans en murmurer nullement
D'ung vouloir d'ung consentement
L'ung amoureux pour l'autre porte
Quant il luy vient aucun tourment
Et seuffre d'une mesme sorte

Cum remeabit avus tristes precor exue vultus.
Ne nos per lacrimas sentiat esse reos

Je te prie torche tes yeulx
Affin que la vieille ne voye
Que nous ayon joué les jeux
Laisse a plourer et maine joye
Je suis plus joyeux que n'estoye
Pareillement tu le dois estre
J'ay plus de bien que je n'avoie
Mon bien ne cesse de s'escroistre

Comme la vieille revient vers eulx et faint ne sçavoir rien de leur fait et demande a gallathee pour quoy elle ploure.

[A]nte fores bacuis tenuit me femina verbis.
Que macrum proprio vinceret eloquio

Devant les portes du vergier
Une femme m'a arrestee
Et n'ay oncques sceu abregier
Tant que je l'ay eue escoutee
El m'a une chose contee
Toute vaine/ mais en langaige
Elle vaincroit tant est fretee
Se cuyde je macer le saige

Cur galathea tua corrumpis lumina fletu
Nunc michi demonstres hic dolor unde venit

Qu'esse que tu as gallathee
Dy moy a quelle occasion
Tu es en ce point tourmentee
Le faiz tu par derrision
Demonstre moy sans fiction
Ta douleur ton empeschement
Se j'en ay l'exposition
G'y mettray bien amendement

Absens dum fueram dic quid tibi pamphilus egit
Tu galathea precor ordine cuncta refer

Tant comme j'ay esté absente
Dy moy que pamphille t'a fait
Je ne seroie point contente
Qu'il t'eust offensee en effait
Gallathee dy moy le fait
Tout par ordre et ne celle rien
Car se pamphille te a meffait
Croy que g'y remedieray bien

Comme gallathee respont a la vieille qu'il est licite qu'elle coeuvre son deshonneur par aucune fiction la quelle est bien congneue.

Convenit ut nostros queras quasi nescia casus
Cum res consilis facta sit ista tuo

Ha femme il est bien convenable
Que tu demandes de noz cas
Desquelz tu es la plus coulpable
Comme se ne les sceusses pas
Par ton conseil par ton pourchas
Ceste chose faicte a esté
Le moyen trouvé tu en as
Par ta cautelle et faulseté

Fructibus ista suis qui sic cognoscitur arbor
Tu que michi factis nosceris ipsa tuis

On congnoist l'arbre par ses fruiz
Et juge l'en sa qualité
Par tes malfaiz aussi je puis
Ymaginer ta pravité
Soubz umbre de bonne equité
Sans penser a quelque malice
J'ay perdue virginité
Tu as esté cause du vice

Poma nuces que michi dare non bebene disposuisti.
Cum tuus iste fuit pamphilus ante fores

Las ce ne fut pas pour nyant
Que pommes tu me prometoyes
Et des noys l'inconvenient
De ceste heure la tu sçavoies
Et mesmes pamphille veoyes
Devant la porte du vergier
Faulce femme tu ne devoies
Pas me bouter en ce dangier

Ut locus esset ad huc tua te vicina vocavit
Quo spoliata forem virginitate mea.

Ta voysine t'a appellee
Se as tu dit plaine de tout vice
Et d'avec nous t'en es allee
Affin que lieu fust plus propice
Tu as esté cause et office
Tu m'as a pamphille baillee
Et suis par ta grande malice
De virginité despoillee

O quam magna foris fecit te causa morari
Quam bene nostra suas/ ars tegit insidias.

O combien est la cause grande
Qui t'a fait dehors demeurer
Traistresse mauldicte truande
Et icy seulz nous endurer
Comme tu sçaiz bien procurer
Par ton art ung tel vassellaige
Et tes traisons coullourer
Par ton deceptueux langaige

Impleverit tuos scelus et fallacia cursus
In laqueum fugiens decidit ipse lupus.

Ton peché et grande fallace
Maintenant ont emply tes cours
Mais loup qui fuit de place en place
Es latz voit on tumber tousjours
Tu m'as joué d'ung de tes tours
Cheue suis la ou je doubtoye
Tu as cent fois plus fait qu'amours
Et de toy point ne me gardoye

Comme la vieille respont a gallathee et dit que injustement et sans cause on la blasme.

[I]ncrepor injuste procul hoc michi crimen abesto.
Qua ratione velis me satis expediam

Injustement
Presentement
On me blasme
Villainement
Ne sçay comment
Sus mon ame
Jeune femme
Belle dame
Dy moy la cause proprement
Pour qui sus moy tu dis diffame
Tant d'obprobre et injure infame
G'y remedieray promptement

Etati nostre nomen male criminis hujus
Convenit ars tanti nec studiosa mali.

Fille tu me faiz grant oultraige
De me vouloir en mon vieil aage
Ung si villain nom imposer
Jamais je n'en eu le couraige
Jamais n'en sceus art ne usaige
Jamais ne vy ung seul passaige
Comme l'en s'i peut disposer
Il te vallist mieulx reposer
Que telles choses proposer
Sus celle qui nul mal ne pense
Je ne sçay icy que gloser
Le fais tu pour me despriser
Belle qui t'a peu adviser
De me dire ceste insollence

Si qua modo concepta jocis contentio vobis
Contigit absenti que michi culpa fuit

S'en faisant icy voz beaulx jeux
Ainsi que font les amoureux
Il y a eu contention
Ou quelque noyse entre vous deux
Quelque petit mot oultraigeux
Ou quelque dit mal gratieux
Je n'en suis pas occasion
J'estoie en ma provision
Ce seroit grant abusion
De me arguer de ce meffait
La ou participation
N'ay en quelque condition
Car rien qu'en bonne intention
Vostre assemblement je n'ay fait

Sit quecunque potest nihil ad me lis utriusque
Quam monet incipiens non ego vester amor

Soit vostre noyse laide ou belle
Rien a moy il ne m'en chault quelle
Face chascun ainsi qu'il peut
Se vostre folle amour vous meut
Je ne soustien point de querelle
Saiches de verité la belle
Que mal faiz de me dire telle
Car pour quoy se le cueur te deult
Soit vostre noyse laide ou belle
Rien a moy il ne m'en chault quelle
Face chascun ainsi qu'il peut
Je ne fus oncques maquerelle
Ne jamais il n'en fut nouvelle
Chascun le peut sçavoir qui veult
Se folle amour trop vous esmeut
Point n'en doy porter la merelle
Soit vostre noyse laide ou belle
Rien a moy il ne m'en chault quelle
Face chascun ainsi qu'il peut
Se vostre folle amour vous meut
Je ne soustien point de querelle

Comme la vieille demande a pamphille pour quoy c'est pour donner a entendre qu'elle n'en sçait point la cause.

[D]ic nuper ignoti seriem michi pamphile facti
Hujus origo mali non sit operta mihi

Pamphille je te pry dy moy
De ce fait icy incongneu
Comme peut il estre advenu
De qui et la raison pour quoy
Il me le fault sçavoir de toy
Si te pry en propoz final
Que la naissance de ce mal
Qui la tient me soit descouverte
Tu sçaiz que j'ay le cueur loyal
Dy moy le motif principal
De ceste douleur si couverte

Pamphille respont a la vieille et dit qu'il n'est ja mestier que plus elle en saiche.

[A]rguor e nimia si scires ordine culpa
Est que michi meritis durior ira meis

D'une culpe argué je suys
Tres grande se tu le sçavoyes
Tant courroucé que plus ne puis
Je pers quasi toutes mes joyes
Tourmenté suys en mille voyes
De voir ceste femme plourer
En cest estat et souspirer
Car l'ire qu'el a tresdespite
Est a justement comparer
Trop plus grande que le merite

Sed decet archanum celari semper amantum
Nam dixisse nocet cum dolor omnis abest.

Mais touteffois au vray parler
Secret d'amans se doit celler
Et soit devant ou soit derriere
Il ne se doit point reveller
A personne ne ventiller
Tant soit personne familiere
Car quant la douleur est allee
S'on a la chose revellee
Il nuyst et si est dangereux
Si doit tousjours estre cellee
La conduite des amoureux

Tantum lenire rixas tibi convenit ire
Quod superest inter nos decet esse duos

Suffise toy tant seullement
La noise appaiser doulcement
Et ne te mesle du debat
Entre nous deux l'appointement
Se fera tout soudainement
Ce n'est que maniere d'esbat
Quelque chose que amoureux noysent
Ce n'est rien tousjours se rapaisent
De leur estat il se fault taire
Ce n'est que demie paix a faire
Que d'amis courroucez ensemble
Se l'une heure les fait retraire
A l'esquart l'autre les rassemble

Comme gallathee dit qu'elle apperçoit bien la cautelle de la vieille.

[P]amphile dic illi nostros quasi nescia casus
Res ut percipiat qualiter ista venit

Pamphille dy luy hardiement
Comme tout va tu feras bien
Il semble qu'el n'en saiche rien
Et si sçait tout entierement
Je voy et congnois clerement
Qu'el demande ce qu'elle sçait
Et si cuyde certainement
En son mauldit entendement
Abuser les gens tellement
Que personne ne l'apperçoit

Quod tibi consuluit a te quasi nescia querit
Ut videatur in hoc non nocuisse michi

Cella que la faulse truande
T'a conseillé faire vers moy
A cest heure elle te demande
Et par sa malice tresgrande
Dresse ses parolles a toy
Et luy semble que croyre doy
De verité et bonne foy
Que point ne me ayt esté nuysante
En cestui cas et j'apperçoy
Devant mes yeulx et bien le voy
Que par son art et faulse loy
Elle m'a esté decevante

Artibus immineris michi dema plura dedisti
Sed tamen indiciis res patet ista suis

Par ars innumbrables
Chemins desvoiables
Plusieurs m'as donnés
Signes decevables
A toy atrayables
Plusieurs me as signés
Mais tu congnois bien
Que n'y as fait rien
Fors tant seullement
Par l'enseignement
De la macquerelle
Je voy clerement
Et notoirement
La malice d'elle

Sic piscis curvum captus jam percipit hamum
Sic avis humana capta videt laquea.

En ceste saison
Le petit poisson
Apres qu'il est prins
Congnoist l'ameçon
L'oyseau le buysson
Ou il est surprins
Tout en cas semblable
La veille dampnable
Par qui suis deceue
Est de moy congneue
Monstré m'a son art
La faulceté venue
Mais il est trop tart

Comme galathee se desconforte et dit qu'elle ne oseroit retourner chiez ses parens

Et modo quid faciam fugiam captiva per orbem
Hostia jure michi claudet uterque parens

Las que feray je desormais
Captive m'en iray en fuyte
Parmy le monde a tout jamais
Helas ce m'est ung entremés
Le pire que jeu oncquesmais
A ceste fois suis je destruitte
Les faitz sont clers et apparens
Que a tout jamais tous mes parens
L'huys de leur maison me clorront.
Et jamais bien ne me feront
Et aussi ne doivent ilz faire
Trop vilenés pour moy seront
Jamais ne me recueilleront
Helas ou me puis je retraire

Meciar hac illac oculis vagantibus orbem
Leta tamen misere spes michi nulla venit

Je semeray parmy le monde
Desa dela par toutes pars
En gettant comme vagabonde
En qui toute douleur profonde
Plus qu'en aultre femme du monde
Par tout instabiles regars
Touteffois en ma desplaisance
Aulcune joyeuse esperance
Ne me vient ne aulcun confort
En lieu de joye desconfort
En lieu de plaisir desplaisir
Heureuse feusse se la mort
Prendre me venist et saisir

Comme pamphille reconforte galathee disant qu'on ne se doit point courrousser de une chose qui ne se sçauroit reparer

[U]t graviter doleat non pertinet ad sapientem.
Cum dolor ad dominum premia nulla refert.

Il n'appartient aulcunement
Au saige de trop grefvement
Se courrousser car on sçait bien
Que le courroux prins largement
A son seigneur donne tourment
Et ne luy peult faire nul bien
Le courroux est de telle sorte
Que a son seigneur nul bien n'apporte
Saige est donc qui courroux evite
Et fol est qui se desconforte
Car le courroux n'est point licite

Hoc moderanter habe/ reparari quod nequit arte
Quod male persuasit immoderatus amor

Belle seuffre modereement
Sans te tourmenter tellement
Ce qui ne se peult reparer
Par art quelcanque ou aultrement
Qui n'y peult metre amendement
C'est bien force de l'endurer
Se amour immoderee a fait
Que soyons venuz a ce fait
C'est son droit tribut et sa rente
Celuy est fol qui se tourmente
De ce que amours dit par arrest
Comme premiere presidente
Du jugement quant il luy plaist

Comme finablement la vieille leur conseille qu'ilz se marient ensemble et vivent en paix par bonne amour

[C]onvenit ad nostros modus et prudentia casus
Quodque sequi deceat querere consilium

Puis que la chose ainsi advient
Maniere saige et prudente
A voz cas acquerir convient
Et bon conseil il appartient
Car c'est de luy dont tout bien vient
Qui le croit en la consequence
Vous estes en fleur de jouvence
Et en vertu de corpulence
En haulteur de vostre beaulté
Et si croy en ma conscience
Que aymez l'ung l'aultre en loyaulté

Mordet enim graviter discordia pectus amantis
Et fovet in bellis vulnera ceca suis

Acordés vous et gardez que discorde
Aveuglee ne vous greve ou morde
Comme elle fait les cueurs des amoureux
Et les lie d'une trop dure corde
Vivez en paix et en bonne concorde
Se vous voulez en ce monde estre eureux
Es batailles discorde par ses voyes
Aveuglees nourrit les grandes plaies
Si est saige qui s'en peult abstenir
Qui ayme paix quiert plaisances et joyes
Cris et douleurs sont de discort les proies
Celluy saige est qui s'en peult abstenir

Que bene vos foveat placidem concedite pacem
Pax animam nutrit pace levatur honor

Ensemble paix entretenés
Qui plaisantement vous nourrisse
L'ung l'aultre en paix maintenés
Amour l'ung a l'aultre donnés
Evitez noise car c'est vice
La paix est de l'ame nourrice
Paix leve honner et le surmonte
Noise tout honneur appetisse
Et ne peult engendrer que honte

Hec tua sit conjunx et sit tuus iste maritus
Per me felices oste mei memores

Affin que vous evitez blasme
Et que le monde ne vous blasme
Pamphille puis que ainsi advient
Galathee sera ta femme
Et obligeras corps et ame
A bien l'aimer et sans diffame
En ce point faire vous convient
Par mon moyen ainsi serez
Vivans ensemble honnestement
Mais ayez memoire de moy
L'ung avec l'aultre demourez
Aymés l'ung l'autre et honnerez
Ainsi que avez promis la foy

Ce present traicté d'amours intitullé pamphille fut achevé de imprimer le .xxiii. jour de juillet Mil CCCC quatre vingz quatorze pour anthoine verard marchant libraire demourant a paris sus le pont nostre dame a l'ymage saint jehan l'evangeliste ou au palais au premier pilier devant la chapelle ou l'en chante la messe de messeigneurs les presidens

marque d'imprimeur

ANTHOINE VERAD HUMBLEMENT TE RECORDE
CE QU'IL A IL TIENT DE TOI PAR DON
POUR PROVOCQUER TA GRAND MISERICORDE
DE TOUS PECHEURS FAIRE GRACE ET PARDON

NOTES DU TRANSCRIPTEUR

L'orthographe et la ponctuation sont conformes à l'original. On a cependant résolu les abréviations par signes conventionnels, différencié les lettres i/j, u/v, et introduit accents, cédilles et apostrophes selon l'usage habituel.

On a corrigé dans le texte français environ 40 cas de lettres interverties ou de substitutions entre lettres de formes semblables, y compris la correction suivante:

  • Il > Je (Je crains ce que ja ne vouldroie)

A défaut d'un moyen efficace de transcription électronique, on a eu la présomption de résoudre également les nombreuses abréviations du texte latin. On n'a cependant effectué aucune correction dans le latin, et conservé y compris les coquilles les plus manifestes. On a laissé comme un mot séparé la particule enclitique -que conformément à l'original.

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