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Lois psychologiques de l'évolution des peuples

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LIVRE V

LA DISSOCIATION DU CARACTÈRE DES RACES ET LEUR DÉCADENCE

 

CHAPITRE PREMIER

COMMENT LES CIVILISATIONS PALISSENT ET S'ÉTEIGNENT

 

Dissolution des espèces psychologiques. - Comment des dispositions héréditaires qui avaient demandé des siècles pour se former peuvent être rapidement perdues. - Il faut toujours un temps très long à un peuple pour s'élever à un haut degré de civilisation et parfois un temps très court pour en descendre. - Le principal facteur de la décadence d'un peuple est l'abaissement de son caractère. - Le mécanisme de la dissolution des civilisations a jusqu'ici été le même pour tous les peuples. - Symptômes de décadence que présentent quelques peuples latins. - Développement de l'égoïsme. - Diminution de l'initiative et de la volonté. - Abaissement du caractère et de la moralité. - La jeunesse actuelle. - Influence probable du socialisme. - Ses dangers et sa force. - Comment il ramènera les civilisations qui le subiront à des formes d'évolution tout à fait barbares. - Peuples où il pourra triompher.

 

Pas plus que les espèces anatomiques, les espèces psychologiques ne sont éternelles. Les conditions de milieux qui maintiennent la fixité de leurs caractères ne subsistent pas toujours. Si ces milieux viennent à se modifier, les éléments de constitution mentale, maintenus par leur influence, finissent par subir des transformations régressives qui les conduisent à disparaître. Suivant des lois physiologiques, aussi applicables aux cellules cérébrales qu'aux autres cellules du corps, et qui s'observent chez tous les êtres, les organes mettent infiniment moins de temps à disparaître qu'il ne leur en a fallu pour se former. Tout organe qui ne fonctionne pas cesse bientôt de pouvoir fonctionner. L'œil des poissons qui vivent dans les lacs des cavernes s'atrophie à la longue, et cette atrophie finit par devenir héréditaire. A ne considérer même que la courte durée d'une vie individuelle, un organe qui a demandé peut-être des milliers de siècles pour se former par de lentes adaptations et accumulations héréditaires, arrive à s'atrophier fort rapidement, lorsqu'il cesse d'être mis en action.

La constitution mentale des êtres ne saurait échapper à ces lois physiologiques. La cellule cérébrale qui n'est plus exercée cesse, elle aussi, de fonctionner, et des dispositions mentales qui avaient demandé des siècles pour se former peuvent être promptement perdues. Le courage, l'initiative, l'énergie, l'esprit d'entreprise et diverses qualités de caractère fort longues à acquérir peuvent s'effacer assez rapidement quand elles n'ont plus l'occasion de s'exercer. Ainsi s'explique qu'il faille toujours à un peuple un temps très long pour s'élever à un haut degré de culture, et parfois un temps très court pour tomber dans le gouffre de la décadence.

Quand on examine les causes qui ont conduit successivement à la ruine les peuples divers dont nous entretient l'histoire, qu'il s'agisse des Perses, des Romains, ou de tout autre, on voit que le facteur fondamental de leur chute fut toujours un changement de leur constitution mentale résultant de l'abaissement de leur caractère. Je n'en vois pas un seul qui ait disparu par suite de l'abaissement de son intelligence.

Pour toutes les civilisations passées, le mécanisme de la dissolution a été identique, et identique à ce point que c'est à se demander, comme l'a fait un poète, si l'histoire, qui a tant de livres, n'aurait pas qu'une seule page. Arrivé à ce degré de civilisation et de puissance où, étant sûr de ne plus être attaqué par ses voisins, un peuple commence à jouir des bienfaits de la paix et du bien-être que procurent les richesses, les vertus militaires se perdent, l'excès de civilisation crée de nouveaux besoins, l'égoïsme se développe. N'ayant d'autre idéal que la jouissance hâtive de biens rapidement acquis, les citoyens abandonnent la gestion des affaires publiques à l'Etat et perdent bientôt toutes les qualités qui avaient fait leur grandeur. Alors des voisins barbares ou demi-barbares, ayant des besoins très faibles mais un idéal très fort, envahissent le peuple trop civilisé, puis forment une nouvelle civilisation avec les débris de celle qu'ils ont renversée. C'est ainsi que, malgré l'organisation formidable des Romains et des Perses, les Barbares détruisirent l'empire des premiers et les Arabes celui des seconds. Ce n'étaient pas certes les qualités de l'intelligence qui manquaient aux peuples envahis. A ce point de vue aucune comparaison n'était possible entre les conquérants et les vaincus. Ce fut quand elle portait déjà en elle des germes de prochaine décadence, c'est-à-dire sous les premiers empereurs, que Rome compta le plus de beaux esprits, d'artistes, de littérateurs et de savants. Presque toutes les œuvres qui ont fait sa grandeur remontent à cette époque de son histoire. Mais elle avait perdu cet élément fondamental qu'aucun développement de l'intelligence ne saurait remplacer : le caractère 19. Les Romains des vieux âges avaient des besoins très faibles et un idéal très fort. Cet idéal - la grandeur de Rome - dominait absolument leurs âmes, et chaque citoyen était prêt à y sacrifier sa famille, sa fortune et sa vie. Lorsque Rome fut devenue le pôle de l'univers, la plus riche cité du monde, elle fut envahie par des étrangers venus de toutes parts et auxquels elle finit par donner les droits de citoyen. Ne demandant qu'à jouir de son luxe, ils s'intéressaient fort peu à sa gloire. La grande cité devint alors un immense caravansérail, mais ce ne fut plus Rome. Elle semblait bien vivante encore, mais son âme était morte depuis longtemps.

 Des causes analogues de décadence menacent nos civilisations raffinées, mais il s'en ajoute d'autres dues à l'évolution produite dans les esprits par les découvertes scientifiques modernes. La science a renouvelé nos idées et ôté toute autorité à nos conceptions religieuses et sociales. Elle a montré à l'homme la faible place qu'il occupe dans l'univers et l'absolue indifférence de la nature pour lui. Il a vu que ce qu'il appelait liberté n'était que l'ignorance des causes qui l'asservissent, et que, dans l'engrenage des nécessités qui les mènent, la condition naturelle de tous les êtres est d'être asservis. Il a constaté que la nature ignorait ce que nous appelons la pitié, et que tous les progrès réalisés par elle ne l'avaient été que par une sélection impitoyable amenant sans cesse l'écrasement des faibles au profit des forts.

Toutes ces conceptions glaciales et rigides, si contraires à ce que disaient les vieilles croyances qui ont enchanté nos pères, ont produit d'inquiétants conflits dans les âmes. Dans des cerveaux ordinaires, ils ont engendré cet état d'anarchie des idées qui semble la caractéristique de l'homme moderne. Chez la jeunesse artiste et lettrée, ces mêmes conflits ont abouti à une sorte d'indifférence morne, destructive de toute volonté, à une incapacité complète de s'enthousiasmer pour une cause quelconque, et à un culte exclusif d'intérêts immédiats et personnels.

Commentant cette très juste réflexion d'un écrivain moderne que le « sens du relatif domine la pensée contemporaine », un ministre de l'instruction publique proclamait avec une satisfaction évidente dans un discours récent que « la substitution des idées relatives aux notions abstraites dans tous les ordres de la connaissance humaine est la plus grande conquête de la science ».La conquête déclarée nouvelle est en réalité bien vieille. Il y a de longs siècles que la philosophie de l'Inde l'avait accomplie. Ne nous félicitons pas trop de ce qu'elle tend aujourd'hui à se répandre. Le vrai danger pour les sociétés modernes tient précisément à ce que les hommes ont perdu toute confiance dans la valeur des principes sur lesquels elles reposent. Je ne sais pas si l'on pourrait citer depuis l'origine du monde une seule civilisation, une seule institution, une seule croyance qui aient réussi à se maintenir en s'appuyant sur des principes considérés comme n'ayant qu'une valeur relative. Et si l'avenir semble appartenir à ces doctrines socialistes que condamne la raison, c'est justement parce que ce sont les seules dont les apôtres parlent au nom de vérités qu'ils proclament absolues. Les foules se tourneront toujours vers ceux qui lui parleront de vérités absolues et dédaigneront les autres. Pour être homme d'Etat, il faut savoir pénétrer dans l'âme de la multitude, comprendre ses rêves et abandonner les abstractions philosophiques. Les choses ne changent guère. Seules les idées qu'on s'en fait peuvent changer beaucoup. C'est sur ces idées-là qu'il faut savoir agir.

Sans doute nous ne pouvons connaître du monde réel que des apparences, de simples états de conscience dont la valeur est évidemment relative. Mais quand nous nous plaçons au point de vue social nous pouvons dire que pour un âge donné et pour une société donnée, il y a des conditions d'existence, des lois morales, des institutions qui ont une valeur absolue, puis que cette société ne saurait subsister sans elles. Dès que leur valeur est contestée et que le doute se répand dans les esprits, la société est condamnée à bientôt mourir.

Ce sont là des vérités que l'on peut enseigner hardiment, car elles ne sont pas de celles qu'aucune science puisse contester. Un langage contraire ne peut qu'engendrer les plus désastreuses conséquences. Le nihilisme philosophique, que des voix autorisées propagent aujourd'hui dans de faibles esprits, les fait immédiatement conclure à l'injustice absolue de notre ordre social, à l'absurdité de toutes les hiérarchies, leur inspire la haine de tout ce qui existe et les mène directement au socialisme et à l'anarchisme. Les hommes d'Etat modernes sont trop persuadés de l'influence des institutions et trop peu de l'influence des idées. La science leur montre pourtant que les premières sont toujours filles des secondes et n'ont jamais pu subsister sans s'appuyer sur elles. Les idées représentent les ressorts invisibles des choses. Quand elles ont disparu, les supports secrets des institutions et des civilisations sont brisés. Ce fut toujours pour un peuple une heure redoutable que celle où ses vieilles idées sont descendues dans la sombre nécropole où reposent les Dieux morts.

Laissant maintenant de côté les causes pour étudier les effets, nous devons reconnaître qu'une visible décadence menace sérieusement la vitalité de la plupart des grandes nations européennes, et notamment de celles dites latines et qui le sont bien en réalité, sinon par le sang, du moins parles traditions et l'éducation. Elles perdent chaque jour leur initiative, leur énergie, leur volonté et leur aptitude à agir. La satisfaction de besoins matériels toujours croissants tend à devenir leur unique idéal. La famille se dissocie, les ressorts sociaux se détendent. Le mécontentement et le malaise s'étendent à toutes les classes, des plus riches aux plus pauvres. Semblable au navire ayant perdu sa boussole et errant à l'aventure au gré des vents, l'homme moderne erre au gré du hasard dans les espaces que les dieux peuplaient jadis et que la science a rendus déserts. Il a perdu la foi et du même coup l'espérance. Devenues impressionnables et mobiles à l'excès, les foules, qu'aucune barrière ne retient plus, semblent condamnées à osciller sans cesse de la plus furieuse anarchie au plus pesant despotisme. On les soulève avec des mots, mais leurs divinités d'un seul jour sont bientôt leurs victimes. En apparence elles semblent souhaiter la liberté avec ardeur ; en réalité elles la repoussent toujours et demandent sans cesse à l'Etat de leur forger des chaînes. Elles obéissent aveuglément aux plus obscurs sectaires, aux plus bornés despotes. Les rhéteurs qui croient guider les masses, et le plus souvent qui les suivent, confondent l'impatience et la nervosité faisant sans cesse changer de maître avec le véritable esprit d'indépendance, empêchant de supporter aucun maître. L'Etat, quel que soit le régime nominal, est la divinité vers laquelle se tournent tous les partis. C'est à lui qu'on demande une réglementation et une protection chaque jour plus lourdes, enveloppant les moindres actes de la vie des formalités les plus byzantines et les plus tyranniques. La jeunesse renonce de plus en plus aux carrières demandant du jugement, de l'initiative, de l'énergie, des efforts personnels et de la volonté. Les moindres responsabilités l'épouvantent. Le médiocre horizon des fonctions salariées par l'Etat lui suffit. Les commerçants ignorent les chemins des colonies et celles-ci ne sont peuplées que par des fonctionnaires 20. L'énergie et l'action sont remplacées chez les hommes d'Etat par des discussions personnelles effroyablement vides, chez les foules par des enthousiasmes ou des colères d'un jour, chez les lettrés par une sorte de sentimentalisme larmoyant, impuissant et vague, et de pâles dissertations sur les misères de l'existence. Un égoïsme sans bornes se développe partout. L'individu finit par n'avoir plus d'autre préoccupation que lui-même. Les consciences capitulent, la moralité générale s'abaisse et graduellement s'éteint 21.

L'homme perd tout empire sur lui-même. Il ne sait plus se dominer ; et qui ne sait se dominer est condamné bientôt à être dominé par d'autres.

Changer tout cela serait une lourde tâche. Il faudrait changer tout d'abord notre lamentable éducation latine. Elle dépouille de toute initiative et de toute énergie ceux à qui l'hérédité en aurait laissé encore. Elle éteint toute lueur d'indépendance intellectuelle en donnant pour seul idéal à la jeunesse d'odieux concours qui, ne demandant que des efforts de mémoire, ont pour résultat final de placer à la tête de toutes les carrières les cerveaux que leur aptitude servile à l'imitation rend précisément les plus incapables d'individualité et d'efforts personnels. « Je tâche de couler du fer dans l'âme des enfants » disait un instituteur anglais à Guizot qui visitait les écoles de la Grande-Bretagne. Où sont chez les nations latines les instituteurs et les programmes qui puissent réaliser un tel rêve ? Le régime militaire le réalisera peut-être. Il est en tous cas le seul éducateur qui le puisse réaliser. Pour les peuples qui s'affaissent, une des principales condition de relèvement est l'organisation d'un service militaire universel très dur et la menace permanente de guerres désastreuses.

C'est à cet abaissement général du caractère, à l'impuissance des citoyens à se gouverner eux-mêmes, et à leur égoïste indifférence qu'est due surtout la difficulté qu'éprouvent la plupart des peuples latins à vivre sous des lois libérales aussi éloignées du despotisme que de l'anarchie. Que de telles lois soient peu sympathiques aux foules, on le comprend aisément, car le césarisme leur promet, sinon la liberté dont elles ne se soucient guère, au moins une égalité très grande dans la servitude. Que ce soit, au contraire, des couches éclairées que les institutions républicaines aient le plus de peine à se faire accepter, voilà ce qu'on ne comprendrait pas si l'on ne se rendait compte du poids des influences ancestrales. N'est-ce pas avec de telles institutions que toutes les supériorités, celle de l'intelligence surtout, ont le plus de chance de pouvoir se manifester ? On pourrait même dire que le seul inconvénient réel de ces institutions, pour les égalitaires à tout prix, est de permettre la formation d'aristocraties intellectuelles puissantes. Le plus oppressif des régimes, aussi bien pour le caractère que pour l'intelligence, est au contraire le césarisme sous ses diverses formes. Il n'a pour lui que d'amener facilement l'égalité dans la bassesse, l'humilité dans la servitude. Il est très adapté aux besoins inférieurs des peuples en décadence, et c'est pourquoi, dès qu'ils le peuvent, ils y reviennent toujours. Le premier panache venu d'un général quelconque les y ramène. Quand un peuple en est là, son heure est venue, les temps sont accomplis pour lui.

Il subit actuellement une évolution manifeste, ce césarisme des vieux âges que l'histoire a toujours vu apparaître dans les civilisations à leur extrême aurore et à leur extrême décadence. Nous le voyons renaître aujourd'hui sous le nom de socialisme. Cette nouvelle expression de l'absolutisme de l'Etat sera sûrement la plus dure des formes du césarisme, parce qu'étant impersonnelle, elle échappera à tous les motifs de crainte qui retiennent les pires tyrans.

Le socialisme paraît être aujourd'hui le plus grave des dangers qui menacent les peuples européens. Il achèvera sans doute une décadence que bien des causes préparent, et marquera peut-être la fin des civilisations de l'Occident.

Pour comprendre ses dangers et sa force, il ne faut pas envisager les enseignements qu'il répand, mais bien les dévouements qu'il inspire. Le socialisme constituera bientôt la croyance nouvelle de cette foule immense de déshérités auxquels les conditions économiques de la civilisation actuelle créent fatalement une existence souvent très dure. Il sera la religion nouvelle qui peuplera les deux vides. Cette religion remplacera, pour tous les êtres qui ne sauraient supporter la misère sans illusion, les lumineux paradis que leur faisaient jadis entrevoir les vitraux de leurs églises. Cette grande entité religieuse de demain voit s'accroître chaque jour la foule de ses croyants. Elle aura bientôt ses martyrs. Et alors elle deviendra un de ces credo religieux qui soulèvent les peuples et dont la puissance sur les âmes est absolue.

Que les dogmes du socialisme conduisent à un régime de bas esclavage qui détruira toute initiative et toute indépendance dans les âmes pliées sous son empire, cela est évident, sans doute, mais seulement pour les psychologues connaissant les conditions d'existence des hommes. De telles prévisions sont inaccessibles aux foules. Il faut d'autres arguments pour les persuader, et ces arguments n'ont jamais été tirés du domaine de la raison.

Que les dogmes nouveaux que nous voyons naître soient contraires au plus élémentaire bon sens, cela est évident encore. Mais les dogmes religieux qui nous ont conduits pendant tant de siècles n'étaient-ils pas, eux aussi, contraires au bon sens, et cela les a-t-il empêchés de courber les plus lumineux génies sous leurs lois ? En matière de croyances, l'homme n'écoute que la voix inconsciente de ses sentiments. Ils forment un obscur domaine d'où la raison a toujours été exclue.

Donc et par le fait seul de la constitution mentale qu'un long passé leur a créée, les peuples de l'Europe vont être obligés de subir la redoutable phase du socialisme. Il marquera une des dernières étapes de la décadence. En ramenant la civilisation à des formes d'évolution tout à fait inférieures, il rendra faciles les invasions destructrices qui nous menacent.

En dehors de la Russie, dont les populations sont au point de vue psychologique beaucoup plus asiatiques qu'européennes, on ne voit guère en Europe que l'Angleterre dont la race possède une énergie assez grande, des croyances assez stables, un caractère assez indépendant pour se soustraire pendant quelque temps encore à la religion nouvelle que nous voyons éclore. L'Allemagne moderne, malgré de trompeuses apparences de prospérité, en sera sans doute la première victime, à en juger par le succès des diverses sectes qui y pullulent. Le socialisme qui la ruinera sera sans doute revêtu de formules scientifiques rigides, bonnes tout au plus pour une société idéale que l'humanité ne produira jamais, mais ce dernier fils de la raison pure sera plus intolérant et plus redoutable que tous ses aînés. Aucun peuple n'est aussi bien préparé que l'Allemagne à le subir. Aucun n'a plus perdu aujourd'hui l'initiative, l'indépendance et l'habitude de se gouverner 22.

Quant à la Russie, elle est trop récemment et trop incomplètement sortie du régime du mir, c'est-à-dire du communisme primitif, la plus parfaite forme du socialisme, pour songer à retourner à cette étape inférieure d'évolution. Elle a d'autres destinées. C'est elle sans doute qui fournira un jour l'irrésistible flot de barbares destiné à détruire les vieilles civilisations de l'occident, dont les luttes économiques et le socialisme auront préparé la fin.

Mais cette heure n'est pas venue encore. Quelques étapes nous en séparent. Le socialisme sera un régime trop oppressif pour pouvoir durer. Il fera regretter l'âge de Tibère et de Caligula et ramènera cet âge. On se demande quelquefois comment les Romains du temps des empereurs supportaient si facilement les férocités furieuses de tels despotes. C'est qu'eux aussi avaient passé par les luttes sociales, les guerres civiles, les proscriptions et y avaient perdu leur caractère. Ils en étaient arrivés à considérer ces tyrans comme leurs derniers instruments de salut. On leur passa tout parce qu'on ne savait comment les remplacer. On ne les remplaça pas en effet. Après eux, ce fut l'écrasement final sous le pied des barbares, la fin du monde. L'histoire tourne toujours dans le même cercle.

 

CHAPITRE II

CONCLUSIONS GÉNÉRALES

 

Nous avons déjà fait observer, dans l'Introduction de cet ouvrage, qu'il n'était qu'un court résumé, une sorte de synthèse des volumes que nous avons consacrés à l'histoire des civilisations. Chacun des chapitres qui le composent doit être considéré comme la conclusion de travaux antérieurs. Il est donc bien difficile de condenser encore des idées déjà si condensées. Je vais essayer cependant, pour les lecteurs dont le temps est précieux, de présenter sous forme de propositions très brèves les principes fondamentaux qui représentent la philosophie de cet ouvrage.

- Une race possède des caractères psychologiques presque aussi fixes que ses caractères physiques. Comme l'espèce anatomique, l'espèce psychologique ne se transforme qu'après des accumulations d'âges.

- Aux caractères psychologiques fixes et héréditaires, dont l'association forme la constitution mentale d'une race, s'ajoutent, comme chez toutes les espèces anatomiques, des éléments accessoires créés par diverses modifications des milieux. Renouvelés sans cesse, ils permettent à la race une variabilité apparente assez étendue.

- La constitution mentale d'une race représente non seulement la synthèse des êtres vivants qui la composent, mais surtout celle de tous les ancêtres qui ont contribué à la former. Ce ne sont pas les vivants, mais les morts, qui jouent le rôle prépondérant dans l'existence d'un peuple. Ils sont les créateurs de sa morale et des mobiles inconscients de sa conduite.

- Les différences anatomiques très grandes qui séparent les diverses races humaines s'accompagnent de différences psychologiques non moins considérables. Quand on ne compare entre elles que les moyennes de chaque race, les différences mentales paraissent souvent assez faibles. Elles deviennent immenses aussitôt qu'on fait porter la comparaison sur les éléments les plus élevés de chaque race. On constate alors que ce qui différencie surtout les races supérieures des races inférieures, c'est que les premières possèdent un certain nombre de cerveaux très développés, alors que les autres n'en possèdent pas.

- Les individus qui composent les races inférieures présentent entre eux une égalité manifeste. A mesure que les races s'élèvent sur l'échelle de la civilisation, leurs membres tendent à se différencier de plus en plus. L'effet inévitable de la civilisation est de différencier les individus et les races. Ce n'est donc pas vers l'égalité que marchent les peuples, mais vers une inégalité croissante.

- La vie d'un peuple et toutes les manifestations de sa civilisation sont le simple reflet de son âme, les signes visibles d'une chose invisible, mais très réelle. Les événements extérieurs ne sont que la surface apparente de la trame cachée qui les détermine.

- Ce n'est pas le hasard, ni les circonstances extérieures, ni surtout les institutions politiques qui jouent le rôle fondamental dans l'histoire d'un peuple. C'est surtout son caractère qui crée sa destinée.

- Les divers éléments de la civilisation d'un peuple n'étant que les signes extérieurs de sa constitution mentale, l'expression de certains modes de sentir et de penser spéciaux à ce peuple, ne sauraient se transmettre sans changement à des peuples de constitution mentale différente. Ce qui peut se transmettre, ce sont seulement des formes extérieures, superficielles et sans importance.

- Les différences profondes qui existent entre la constitution mentale des divers peuples ont pour conséquence de leur faire percevoir le monde extérieur de façons très dissemblables. Il en résulte qu'ils sentent, raisonnent et agissent de façons fort différentes et se trouvent par conséquent en dissentiment sur toutes les questions dès qu'ils sont en contact. La plupart des guerres qui remplissent l'histoire sont nées de ces dissentiments. Guerres de conquêtes, guerres de religions, guerres de dynasties, ont toujours été en réalité des guerres de races.

- Une agglomération d'hommes d'origines différentes n'arrive à former une race, c'est-à-dire à posséder une âme collective, que lorsque, par des croisements répétés pendant des siècles et une existence semblable dans des milieux identiques, elle a acquis des sentiments communs, des intérêts communs, des croyances communes.

- Chez les peuples civilisés, il n'y a plus guère de races naturelles, mais seulement des races artificielles créées par des conditions historiques.

- Les changements de milieux n'agissent profondément que sur les races nouvelles, c'est-à-dire sur les mélanges d'anciennes races dont les croisements ont dissocié les caractères ancestraux. L'hérédité seule est assez puissante pour lutter contre l'hérédité. Sur les races chez qui ces croisements ne sont pas venus détruire la fixité des caractères, les changements de milieu n'ont qu'une action purement destructive. Une race ancienne périt plutôt que de subir les transformations que nécessite l'adaptation à des milieux nouveaux.

- L'acquisition d'une âme collective solidement constituée marque pour un peuple l'apogée de sa grandeur. La dissociation de cette âme marque toujours l'heure de sa décadence. L'intervention d'éléments étrangers constitue un des plus sûrs moyens d'arriver à cette dissociation.

- Les espèces psychologiques subissent, comme les espèces anatomiques, les effets du temps. Elles sont également condamnées à vieillir et à s'éteindre. Toujours très lentes à se former, elles peuvent au contraire rapidement disparaître. Il suffit de troubler profondément le fonctionnement de leurs organes pour leur faire subir des transformations régressives dont la conséquence est une destruction souvent très prompte. Les peuples mettent de longs siècles pour acquérir une certaine constitution mentale et ils la perdent parfois en un temps très court. Le chemin ascendant qui les conduit à un haut degré de civilisation est toujours très long, la pente qui les mène à la décadence est le plus souvent fort rapide.

- A côté du caractère, on doit placer les idées comme un des facteurs principaux de l'évolution d'une civilisation. Elles n'agissent que lorsque, après une évolution très lente, elles se sont transformées en sentiments et font par conséquent partie du caractère. Elles échappent alors à l'influence du raisonnement et mettent un temps fort long à disparaître. Chaque civilisation dérive d'un petit nombre d'idées fondamentales universellement acceptées.

- Parmi les plus importantes des idées directrices d'une civilisation se trouvent les idées religieuses. C'est de la variation des croyances religieuses que sont indirectement sortis la plupart des événements historiques. L'histoire de l'humanité a toujours été parallèle à celle de ses dieux. Ces fils de nos rêves ont une telle puissance que leur nom même ne peut changer sans que le monde soit aussitôt bouleversé. La naissance de dieux nouveaux a toujours marqué l'aurore d'une civilisation nouvelle, et leur disparition a toujours marqué son déclin.

 


1 Ce temps, fort long pour nos anales, est en réalité assez court, puisqu'il ne représente que trente générations, Si un temps relativement aussi restreint suffit à fixer certains caractères, cela tient à ce que dès qu'une cause agit pendant quelques temps dans le même sens elle produit rapidement des effets très grands, Les mathématiques montrent que quand une cause persiste  en produisant le même effet, les causes croisent en progression arithmétique (1, 2, 3, 4, 5, etc.), et les effets en progression géométrique (2, 4, 8, 16, 32, etc.) les causes sont les logarithmes des effets. Dans le fameux problème du doublement des grains de blé sur les cases de l'échiquier, le numéro d'ordre des cases est le logarithme du nombre des grains de blé. De même pour la somme placée à intérêts composés, la loi de l'accroissement est telle que le nombre des années est le logarithme du capital accumulé. C'est pour des raisons de cet ordre que la plupart des phénomènes sociaux peuvent se traduire par des courbes géométriques à peu près semblables. Dans un autre travail j'étais arrivé à constater que ces courbes peuvent s'exprimer au point de vue analytique par l'équation de la parabole ou de l'hyperbole. Mon savant ami M. Cheysson pense qu'ils se traduisent mieux le plus souvent par une équation exponentielle.

2 « A son premier geste, écrit Taine, les Français se sont prosternés dans l'obéissance, et ils y persistent comme dans leur condition naturelle, les petits : paysans et soldats, avec une fidélité animale ; les grands : dignitaires et fonctionnaires, avec une servilité byzantine. - De la part des républicains, nulle résistance ; au contraire, c'est parmi eux qu'il a trouvé ses meilleurs instruments de règne, sénateurs, députés, conseillers d'Etat, juges, administrateurs de tout degré. Tout de suite, sous leurs prêches de liberté et d'égalité, il a démêlé leurs instincts autoritaires, leur besoin de commander, de primer, même en sous-ordre, et, par surcroît, chez la plupart d'entre eux, les appétits d'argent ou de jouissance. Entre le délégué du Comité de Salut Public et le ministre, le préfet ou sous-préfet de l'Empire, la différence est petite : c'est le même homme sous deux costumes, d'abord en carmagnole, puis en habit brodé. »

3 L'extrême faiblesse des œuvres des psychologues de profession et leur peu d'intérêt pratique tient surtout à ce qu'ils se sont confinés exclusivement dans l'étude de l'intelligence et ont laissé à peu près entièrement de côté celle du caractère. Je ne vois guère que M. Paulhan dans son interessant Essai sur les caractères et M. Ribot, dans quelques pages, malheureusement beaucoup trop brèves, qui aient marqué l'importance du caractère et constaté qu'il forme la véritable base de la constitution mentale. « L'intelligence, écrit avec raison le savant professeur du Collège de France, n'est qu'une forme accessoire de l'évolution mentale. Le type fondamental est le caractère. L'intelligence a plutôt pour effet de le détruire quand elle est trop développée ».

C'est à l'étude du caractère qu'il faudra s'attacher, comme j'essaie de le montrer ici, quand on voudra décrire la psychologie comparée des peuples. Qu'une science aussi importante, puisque l'histoire et la politique en découlent, n'ait jamais été l'objet d'aucune étude, c'est là ce qu'on comprendrait difficilement si on ne savait qu'elle ne peut s'acquérir ni dans les laboratoires, ni dans les livres, mais seulement par de longs voyages. Rien ne fait présager d'ailleurs qu'elle soit bientôt abordée par les psychologues de profession. Ils abandonnent de plus en plus aujourd'hui ce qui fut jadis leur domaine, pour se confiner dans des recherches d'anatomie et de physiologie.

4 Je dis intelligentes, sans ajouter instruites. C'est une erreur spéciale aux peuples latins de croire qu'il y ait parallélisme entre l'instruction et l'intelligence. L'instruction implique uniquement la possession d'une certaine dose de mémoire, mais ne nécessite pour être acquise aucune qualité de jugement, de réflexion, d'initiative et d'esprit d'invention. On rencontre très fréquemment des individus abondamment pourvus de diplômes quoique très bornés, mais on rencontre, aussi fréquemment, des individus fort peu instruits et possédant pourtant une intelligence élevée. Les couches supérieures de notre pyramide seraient donc formées d'éléments empruntés à toutes les classes. Toutes les professions renferment un très petit nombre d'esprits distingués. Il paraît probable cependant, en raison des lois de l'hérédité, que ce sont les classes sociales dites supérieures qui en renferment le plus et c'est sans doute en cela surtout que réside leur supériorité.

5 Dr Gustave le Bon. Recherches anatomiques et mathématiques sur les variations de volume du cerveau et sur leurs relations avec l'intelligence. In-8°, 1879. Mémoire couronné par l'Académie des sciences et par la Société d'anthropologie.

6 Tous les pays qui présentent un trop grand nombre de métis sont, pour cette seule raison, voués à une perpétuelle anarchie, à moins qu'ils ne soient dominés par une main de fer. Tel sera fatalement le cas du Brésil. Il ne compte qu'un tiers de blancs. Le reste de la population se compose de nègres et de mulâtres. Le célèbre Agassiz dit avec raison « qu'il suffît d'avoir été au Brésil pour ne pas pouvoir nier la décadence résultant des croisements qui ont eu lieu dans ce pays plus largement qu'ailleurs. Ces croisements effacent, dit-il, les meilleures qualités, soit du blanc, soit du noir, soit de l'Indien, et produisent un type indescriptible dont l'énergie physique et mentale s'est affaiblie ».

7 Je n'aborderai pas ici le cas du Japon que j'ai déjà traité ailleurs et sur lequel je reviendrai sûrement un jour. Il serait impossible d'étudier en quelques pages une question sur laquelle des hommes d'Etat éminents, malheureusement suivis par des philosophes peu éclairés, s'illusionnent si complètement. Le prestige des triomphes militaires, fussent-ils obtenus sur de simples barbares, reste encore pour bien des esprits le seul critérium du niveau d'une civilisation. Il est possible de dresser à l'européenne une armée de nègres, de leur apprendre à manier fusils et canons, on n'aura pas pour cela modifié leur infériorité mentale et tout ce qui découle de cette infériorité. Le vernis de civilisation européenne qui recouvre actuellement le Japon ne correspond nullement à l'état mental de la race. C'est un misérable habit d'emprunt que déchireront bientôt de violentes révolutions.

8 Parlant des nombreuses tentatives de traduction des Védas, un éminent indianiste, M. Barth, ajoute : « Un résultat se dégage de toutes ces études si diverses, et parfois si contradictoires, je veux dire notre impuissance à traduire ces documents au vrai sens du mot. »

9 Pour les détails techniques qui ne pourraient même pas être effleurés ici je renverrai à mon ouvrage : Les Monuments de l'Inde, un vol. in-folio illustré de 400 planches d'après mes photographies, plans et dessins (librairie Didot). Plusieurs de ces planches, réduites, ont paru dans mon ouvrage Les Civilisations dans l'Inde, in-4° de 800 pages.

10 « Tel est, écrit un fort judicieux observateur, Dupont White, le singulier génie de la France : elle n'est pas de caractère à réussir en certaines choses, essentielles ou désirables qui touchent à l'ornement ou au fond même de la civilisation sans y être soutenue et stimulée par son gouvernement. »

11 Cette prépondérance de l'initiative individuelle doit être surtout observée en Amérique. En Angleterre, elle a singulièrement baissé depuis vingt-cinq ans et l'Etat s'y montre de plus en plus envahissant.

12 L'illustre sociologiste anglais Herbert Spencer avait laissé de côté dans ses grands ouvrages l'influence du caractère des peuples sur leurs destinées, et ses belles synthèses théoriques l'avaient d'abord conduit à des conclusions fort optimistes. S'étant décidé en vieillissant à tenir compte du rôle fondamental du caractère, il a dû modifier entièrement ses conclusions premières et est arrivé finalement à leur en substituer de fort pessimistes. Nous en trouvons l'expression dans un discours récemment publié sur Tyndall et reproduit dans la Revue des Revues. En voici quelques extraits :

... « Ma foi dans les institutions libres, si forte à l'origine, s'est vue dans ces dernières années considérablement diminuée... Nous reculons vers le régime de la main de fer représenté par le despotisme bureaucratique d'une organisation socialiste, puis par le despotisme militaire qui lui succédera si toutefois ce dernier ne nous est pas brusquement apporté par quelque krach social. »

13 Chargé par la reine d'Angleterre de fixer les conditions d'un prix annuel décerné par elle au collège Wellington, le prince Albert décida qu'il serait accordé, non à l'élève le plus instruit, mais à celui dont le caractère serait jugé le plus élevé. Chez une nation latine le prix eût été certainement accordé à l'élève qui eût le mieux récité ce qu'il avait appris dans ses livres. Tout notre enseignement, y compris ce que nous qualifions d'enseignement supérieur, consiste à faire réciter à la jeunesse des leçons. Elle en conserve si bien ensuite l'habitude qu'elle continue à les réciter pendant le reste de son existence.

14 Le 53e congrès n'a ajourné l'exécution de la loi Geary (Chinese exclusion act) que parce qu'on a constaté que pour rapatrier 100,000 Chinois, il faudrait dépenser 30 millions de francs, alors que la somme inscrite au budget pour l'expulsion des ouvriers chinois n'était que de 100,000 francs.

15 L'Amérique que je viens de décrire est celle d'hier et d'aujourd'hui, mais ce ne sera sans doute pas celle de demain. Nous verrons dans un prochain chapitre que par suite de l'invasion récente d'un nombre immense d'éléments inférieurs non assimilables, elle est menacée d'une guerre civile gigantesque et d'une séparation en plusieurs Etats indépendants toujours en lutte comme ceux de l'Europe.

16 « Le gouvernement mérovingien, écrit M. Fustel de Coulanges, est pour plus des trois quarts la continuation de celui que l'Empire romain avait donné à la Gaule... Rien n'est féodal dans le gouvernement des Mérovingiens. »

17 Ces invasions étant la conséquence de certains phénomènes économiques sur lesquels nous ne pouvons rien, il est impossible de les empêcher. On pourrait cependant prendre certaines mesures qui permettraient au moins de les ralentir : service militaire obligatoire dans la légion étrangère pour tous les étrangers âgés de moins de vingt-cinq ans et ayant deux années de séjour ; taxe militaire pour ceux plus âgés ; suppression à peu près absolue de la naturalisation ; impôt du quart des revenus ou des salaires pour tous les individus d'origine étrangère,naturalisés ou non, établis en France depuis moins de cinquante ans. On pourrait considérer comme digne d'une statue, élevée par la patrie reconnaissante, le député qui aurait fait voter une telle loi.

18 L'homme et les sociétés. Leurs origines et leur histoire, t. II Évolution des sociétés.

19 « Le mal dont souffrait alors la société romaine, écrit M. Fustel de Coulanges, n'était pas la corruption des mœurs, c'était l'amollissement de la volonté et pour ainsi dire l'énervement du caractère. »

20 Dans un discours prononcé à la Chambre des députés le 27 novembre 1890 par M. Etienne, sous-secrétaire d'Etat aux colonies, je relève le très caractéristique passage suivant que j'emprunte au journal le Siècle .

« La Cochinchine comprend 1,800,000 âmes ; dans ce total, on compte 1,600 Français dont 1,200 fonctionnaires. Elle est administrée par un conseil colonial élu par ces 1,200 fonctionnaires ; elle a un député. Et vous voulez que l'anarchie ne règne pas dans ce pays ! (Exclamations et rires sur un grand nombre de bancs.)

... Eh bien, savez-vous ce que produit un pareil système. Il produit ce phénomène que votre budget réduit à 22 millions est absorbé pour 9 millions par les dépenses des fonctionnaires.

Oui, en 1877, j'ai essayé de réduire les fonctionnaires ; je les ai réduits pour 3,500,000 francs sur 9 ; j'ai pris cette mesure au mois d'octobre. Or, au mois de décembre, le cabinet dont je faisais partie disparaissait, et, au mois de mars suivant, tous les fonctionnaires licenciés ont reparu. »

21 Cet abaissement de la moralité est grave quand il s'observe dans des professions telles que la magistrature et le notariat, chez lesquelles la probité était jadis aussi générale que le courage chez les militaires. En ce qui concerne le notariat, la moralité est descendue aujourd'hui à un niveau fort bas. Les statisticiens officiels ont constaté « qu'il y a dans le notariat une proportion de 43 accusés sur 10,000 individus, alors que la moyenne pour l'ensemble de la population de la France est de un accusé pour le même nombre d'individus ». Dans un rapport du garde des sceaux au Président de la République, publié par l'Officiel le 31 janvier 1890, je trouve le passage suivant : « Les désastres qui, dès 1840, avaient commencé à jeter l'inquiétude dans le public, s'accrurent progressivement à ce point qu'en 1876 un de mes prédécesseurs dut appeler spécialement l'attention des magistrats du parquet sur la situation du notariat. Les destitutions et les catastrophes notariales se reproduisaient avec un caractère de gravité et de fréquence inaccoutumé. Le chiffre des sinistres s'élevait  successivement de 31 en 1882 ; à 41 en 1883 ; à 54 en 1884 ; à 71 en 1886, et le total des détournements commis par les notaires représentait plus de 62 millions pour la période comprise en 1880 et 1886. En 1889, enfin, 103 notaires ont dû être destitués ou contraints de céder leur étude. » Si l'on rapproche de ces faits la chute successive de nos plus grandes entreprises financières (Comptoir d'escompte, Dépôts et comptes courants, Panama, etc.), il faut bien reconnaître que les invectives des socialistes contre la moralité des classes dirigeantes ne sont pas sans fondement. Les mêmes symptômes de démoralisation profonde s'observent malheureusement chez tous les peuples latins. Le scandale des banques d'Etat italiennes où le vol se pratiquait sur une immense échelle par les hommes politiques les plus haut placés, la faillite du Portugal, la misérable situation financière de l'Espagne et de l'Italie, la décadence profonde des républiques latines de l'Amérique, prouvent que le caractère et la moralité de certains peuples ont reçu d'incurables atteintes et que leur rôle dans le monde est bien près d'être terminé.

22 Les écrivains allemands les plus éminents sont parfaitement d'accord sur ce point. Dans son livre récent sur la Question sociale, M. T. Ziegler, professeur à l'université de Strasbourg, s'exprime de la façon suivante :

« Si le Self-help est la tendance dominante de l'Angleterre, le recours à l'Etat est la caractéristique de l'Allemagne. Nous sommes un peuple mis en tutelle depuis des siècles. De plus, pendant les vingt dernières années, la forte main de Bismarck, en nous assurant la sécurité, nous a fait perdre le sentiment de la responsabilité et de l'initiative. C'est pour cela que dans les cas difficiles et ; même faciles, nous en appelons à l'aide et à la police de l'Etat et que nous abandonnons tout à son initiative. »



TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION

LES IDÉES ÉGALITAIRES MODERNES ET LES BASES PSYCHOLOGIQUES DE L'HISTOIRE


Naissance et développement de l'idée égalitaire. - Les conséquences qu'elle a produites. - Ce qu'a déjà coûté son application. - Son influence actuelle sur les foules. - Problèmes abordés dans cet ouvrage. - Recherche des facteurs principaux de l'évolution générale des peuples. - Cette évolution dérive-t-elle des institutions ? - Les éléments de chaque civilisation : institutions, arts, croyances, etc., n'auraient-ils pas certains fondements psychologiques spéciaux à chaque peuple ? - Les hasards de l'histoire et les lois permanentes.



LIVRE PREMIER

LES CARACTÈRES PSYCHOLOGIQUES DES RACES


CHAPITRE PREMIER

L'AME DES RACES


Comment les naturalistes classent les espèces. - Application à l'homme de leurs méthodes. - Côté défectueux des classifications actuelles des races humaines. - Fondements d'une classification psychologique. - Les types moyens des races. - Comment l'observation permet de les constituer. - Facteurs physiologiques qui déterminent le type moyen d'une race. - L'influence des ancêtres et celle des parents immédiats. - Fonds psychologique commun que possèdent tous les individus d une race. - Immense influence des générations éteintes sur les générations actuelles. - Raisons mathématiques de cette influence. - Comment l'âme collective s'est étendue de la famille au village, à la cité et à la province. - Avantages et dangers de la conception de la cité. - Circonstances dans lesquelles la formation de l'âme collective est impossible. - Exemple de l'Italie. - Comment les races naturelles ont fait place aux races historiques.


CHAPITRE II

LIMITES DE VARIABILITÉ DU CARACTÈRE DES RACES


La variabilité du caractère des races, et non sa fixité, constitue la règle apparente. - Raisons de cette apparence. - Invariabilité des caractères fondamentaux et variabilité des caractères secondaires. - Assimilation des caractères psychologiques aux caractères irréductibles et aux caractères modifiables des espèces animales. - Le milieu, les circonstances, l'éducation agissent seulement sur les caractères psychologiques accessoires. - Les possibilités de caractère. - Exemples fournis par diverses époques. - Les hommes de la Terreur. Ce qu'ils fussent devenus à d'autres époques. - Comment malgré les révolutions persistent les caractères nationaux. Exemples divers. - Conclusion.


CHAPITRE III

HIÉRARCHIE PSYCHOLOGIQUE DES RACES


La classification psychologique repose, comme les classifications anatomique, sur la constatation d'un petit nombre de caractères irréductibles et fondamentaux., - Classification psychologique des races humaines. - Les races primitives. - Les races inférieures. - Les races moyennes. - Les races supérieures. - Éléments psychologiques dont le groupement permet cette classification. - Éléments qui possèdent le plus d'importance. - Le caractère. - La moralité. - Les qualités intellectuelles sont modifiables par l'éducation. - Les qualités du caractère sont irréductibles et constituent l'élément invariable de chaque peuple. - Leur rôle dans l'histoire. - Pourquoi des races différentes ne sauraient se comprendre et s'influencer. - Raisons de l'impossibilité de faire accepter une civilisation supérieure par un peuple inférieur.


CHAPITRE IV

DIFFÉRENCIATION PROGRESSIVE DES INDIVIDUS ET DES RACES


L'inégalité entre les divers individus d'une race est d'autant plus grande que cette race est plus élevée. - Égalité mentale de tous. les individus des races inférieures. - Ce ne sont pas les moyennes des peuples mais leurs couches supérieures qu'il faut comparer pour apprécier les différences qui séparent les races. - Les progrès de la civilisation tendent à différencier de plus en plus les individus et les races. - Conséquences de cette différenciation. - Raisons psychologiques qui l'empêchent de devenir trop considérable. - Les divers individus des races supérieures sont très différenciés au point de vue de l'intelligence et très peu au point de vue du caractère. - Comment l'hérédité tend à ramener constamment les supériorités individuelles au type moyen de la race. - Observations anatomiques confirmant la différenciation psychologique progressive des races, des individus et des sexes.


CHAPITRE V

FORMATION DES RACES HISTORIQUES


Comment se sont formées les races historiques. - Conditions qui permettent à des races diverses de fusionner pour former une race unique. - Influence du nombre des individus mis en présence, de l'inégalité de leurs caractères, des milieux, etc. - Résultats des croisements. - Raisons de la grande infériorité des métis. - Mobilité des caractères psychologiques nouveaux créés par les croisements. - Comment ces caractères arrivent à se fixer. - Les périodes critiques de l'histoire. - Les croisements constituent un facteur essentiel de formation de races nouvelles, et en même temps un puissant facteur de dissolution des civilisations. - Importance du régime des castes. - Influence des milieux. - Ils ne peuvent agir que sur les races nouvelles en voie de formation dont les croisements ont dissocié les caractères ancestraux. - Sur les races anciennes les milieux sont sans action. - Exemples divers. - La plupart des races historiques de l'Europe sont encore en voie de formation. - Conséquences politiques et sociales. - Pourquoi la période de formation des races historiques sera bientôt passée.



LIVRE II

COMMENT LES CARACTÈRES PSYCHOLOGIQUES DES RACES SE MANIFESTENT DANS LES DIVERS ÉLÉMENTS DE LEURS CIVILISATIONS


CHAPITRE PREMIER

LES DIVERS ÉLÉMENTS D'UNE CIVILISATION COMME MANIFESTATION EXTÉRIEURE DE L'AME D'UN PEUPLE


Les éléments dont une civilisation se compose sont les manifestations extérieures de l'âme des peuples qui les ont créés. - L'importance de ces divers éléments varie d'un peuple à un autre. - Les arts, la littérature, les institutions, etc., jouent, suivant les peuples, le rôle fondamental. - Exemples fournis dans l'antiquité par les Egyptiens, les Grecs et les Romains. - Les divers éléments d'une civilisation peuvent avoir une évolution indépendante de la marche générale de cette civilisation. - Exemples fournis par les arts. - Ce qu'ils traduisent. - Impossibilité de trouver dans un seul élément d'une civilisation la mesure du niveau de cette civilisation. -Éléments qui assurent la supériorité à un peuple. - Des éléments philosophiquement fort inférieurs peuvent être, socialement, très supérieurs.


CHAPITRE II

COMMENT SE TRANSFORMENT LES INSTITUTIONS, LES RELIGIONS ET LES LANGUES


Les races supérieures ne peuvent, pas plus que les races inférieures, transformer brusquement les éléments de leur civilisation. - Contradictions présentées par les peuples qui ont changé leurs religions, leurs langues et leurs arts. - Le cas du Japon. - En quoi ces changements ne sont qu'apparents. - Transformations profondes subies par le Bouddhisme, le Brahmanisme, l'Islamisme et le Christianisme, suivant les races qui les ont adoptés. - Variations que subissent les institutions et les langues suivant la race qui les adopte. - Comment les mots considérés comme se correspondant dans des langues différentes représentent des idées et des modes de penser très dissemblables. - Impossibilité, pour cette raison, de traduire certaines langues. - Pourquoi, dans les livres d'histoire, la civilisation d'un peuple paraît parfois subir des changements profonds. - Limites de l'influence réciproque des diverses civilisations.


CHAPITRE III

COMMENT SE TRANSFORMENT LES ARTS


Application des principes précédemment exposés à l'étude de l'évolution des arts chez les peuples orientaux. - L'Égypte. - Idées religieuses d'où ses arts dérivent. - Ce que devinrent ses arts transportés chez des races différentes : Éthiopiens, Grecs et Perses. - Infériorité primitive de l'art grec. - Lenteur de son évolution. - Adoption et évolution en Perse de l'art grec, de l'art égyptien et de l'art assyrien. - Les transformations subies par les arts dépendent de la race, et nullement des croyances religieuses. - Exemples fournis par les grandes transformations subies par l'art arabe suivant les races qui ont adopté l'Islamisme. - Application de nos principes à la recherche des origines et de l'évolution des arts de l'Inde. - L'Inde et la Grèce ont puisé aux mêmes sources, mais en raison de la diversité des races elles sont arrivées à des arts n'ayant aucune parenté. - Transformations immenses que l'architecture a subies dans l'Inde suivant les races qui l'habitent, et malgré la similitude des croyances.



LIVRE III

L'HISTOIRE DES PEUPLES COMME CONSEQUENCE DE LEUR CARACTÈRE


CHAPITRE PREMIER

COMMENT LES INSTITUTIONS DÉRIVENT DE L'AME DES PEUPLES


L'histoire d'un peuple dérive toujours de sa constitution mentale. - Exemples divers. - Comment les institutions politiques de la France dérivent de l'âme de la race. - Leur invariabilité réelle sous leur variabilité apparente. - Nos partis politiques les plus divers poursuivent, sous des noms différents, des buts politiques identiques. - Leur idéal est toujours la centralisation et la destruction de l'initiative individuelle au profit de l'Etat. - Comment la Révolution française n'a fait qu'exécuter le programme de l'ancienne monarchie. - Opposition de l'idéal de la race anglo-saxonne à l'idéal latin. - L'initiative du citoyen substituée à l'initiative de l'Etat. - Les institutions des peuples dérivent toujours de leur caractère.


CHAPITRE II

APPLICATION DES PRINCIPES PRÉCÉDENTS A L'ÉTUDE COMPARÉE DE L'ÉVOLUTION DES ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE ET DES RÉPUBLIQUES HISPANO-AMÉRICAINES


Le caractère anglais.-Comment l'âme américaine s'est formée. - Dureté de la sélection créée par les conditions d'existence. - Disparition forcée des éléments inférieurs. - Les nègres et les Chinois. - Raisons de la prospérité des Etats-Unis et de la décadence des Républiques hispano-américaines malgré des institutions politiques identiques. - L'anarchie forcée des Républiques hispano-américaines comme conséquence de l'infériorité des caractères de la race.


CHAPITRE III

COMMENT L'ALTÉRATION DE L'AME DES RACES MODIFIE L'ÉVOLUTION HISTORIQUE DES PEUPLES


L'influence d'éléments étrangers transforme aussitôt l'âme d'une race, et par conséquent sa civilisation. - Exemple des Romains. - La civilisation romaine ne fut pas détruite par les invasions militaires, mais par les invasions pacifiques des Barbares. - Les Barbares ne songèrent jamais à détruire l'Empire. - Leurs invasions n'eurent pas le caractère de conquêtes. - Les premiers chefs Francs se considérèrent toujours comme des fonctionnaires au service de l'Empire romain. - Ils respectèrent toujours la civilisation romaine et ne songèrent qu'à la continuer. - Ce n'est qu'à partir du VIIe siècle que les chefs barbares de la Gaule cessèrent de considérer l'empereur comme leur chef. - La transformation complète de la civilisation romaine ne fut pas la conséquence d'une destruction, mais de l'adoption d'une civilisation ancienne par une race nouvelle. - Les invasions modernes aux Etats-Unis. - Luttes civiles et séparation en Etats indépendants et rivaux qu'elles préparent. - Les invasions des étrangers en France et leurs conséquences.



LIVRE IV

COMMENT SE MODIFIENT LES CARACTÈRES PSYCHOLOGIQUES DES RACES


CHAPITRE PREMIER

LE ROLE DES IDEES DANS LA VIE DES PEUPLES


Les idées directrices de chaque civilisation sont toujours en très petit nombre. - Lenteur extrême de leur naissance et de leur disparition. - Les idées n'agissent sur la conduite qu'après s'être transformées en sentiments. - Elles font alors partie du caractère. - C'est grâce à la lenteur de l'évolution des idées que les civilisations possèdent une certaine fixité. - Comment s'établissent les idées. - L'action du raisonnement est totalement nulle. - Influence de l'affirmation et du prestige. - Rôle des convaincus et des apôtres. - Déformation qu'éprouvent les idées en descendant dans les foules. - L'idée universellement admise agit bientôt sur tous les éléments de la civilisation. - C'est grâce à la communauté des idées que les hommes de chaque âge ont une somme de conceptions moyennes qui les rend fort semblables dans leurs pensées et leurs œuvres. - Le joug de la coutume et de l'opinion. - Il ne diminue qu'aux âges critiques de l'histoire où les vieilles idées ont perdu de leur influence et ne sont pas encore remplacées. - Cet âge critique est le seul où la discussion des opinions puisse être tolérée. - Les dogmes ne se maintiennent qu'à la condition de n'être pas discutés. - Les peuples ne peuvent changer leurs idées et leurs dogmes sans être aussitôt obligés de changer de civilisation.


CHAPITRE II

LE ROLE DES CROYANCES RELIGIEUSES DANS L'ÉVOLUTION DES CIVILISATIONS


Influence prépondérante des idées religieuses. - Elles ont toujours constitué l'élément le plus important de la vie des peuples. - La plupart des événements historiques, ainsi que les institutions politiques et sociales, dérivent des idées religieuses. - Avec une idée religieuse nouvelle naît toujours une civilisation nouvelle. - Puissance de l'idéal religieux. - Son influence sur le caractère. - Il tourne toutes les facultés vers un même but. - L'histoire politique artistique et littéraire des peuples est fille de leurs croyances. - Le moindre changement dans l'état des croyances d'un peuple a pour conséquence toute une série de transformations dans son existence. - Exemples divers.


CHAPITRE III

LE ROLE DES GRANDS HOMMES DANS L'HISTOIRE DES PEUPLES


Les grands progrès de chaque civilisation ont toujours été réalisés par une petite élite d'esprits supérieurs. - Nature de leur rôle. - Ils synthétisent tous les efforts d'une race. - Exemples fournis par les grandes découvertes. - Rôle politique des grands hommes. - Ils incarnent l'idéal dominant de leur race. - Influence des grands hallucinés. - Les inventeurs de génie transforment une civilisation. - Les fanatiques et les hallucinés font l'histoire.



LIVRE V

LA DISSOCIATION DU CARACTÈRE DES RACES ET LEUR DÉCADENCE


CHAPITRE PREMIER

COMMENT LES CIVILISATIONS PALISSENT ET S'ÉTEIGNENT


Dissolution des espèces psychologiques. - Comment des dispositions héréditaires qui avaient demandé des siècles pour se former peuvent être rapidement perdues. - Il faut toujours un temps très long à un peuple pour s'élever à un haut degré de civilisation et parfois un temps très court pour en descendre. - Le principal facteur de la décadence d'un peuple est l'abaissement de son caractère. - Le mécanisme de la dissolution des civilisations a jusqu'ici été le même pour tous les peuples. - Symptômes de décadence que présentent quelques peuples latins. - Développement de l'égoïsme. - Diminution de l'initiative et de la volonté. - Abaissement du caractère et de la moralité. - La jeunesse actuelle. - Influence probable du socialisme. - Ses dangers et sa force. - Comment il ramènera les civilisations qui le subiront à des formes d'évolution tout à fait barbares. - Peuples où il pourra triompher.


CHAPITRE II

CONCLUSIONS GÉNÉRALES


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