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Mémoires d'une contemporaine. Tome 3: Souvenirs d'une femme sur les principaux personnages de la République, du Consulat, de l'Empire, etc...

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CHAPITRE XC.

Séjour à Florence.—Rentrée dans la carrière dramatique.—Portrait de la princesse Élisa.—M. de Châteauneuf.

J'étais arrivée à Florence à l'époque peut-être la plus belle de notre histoire moderne: c'était le temps où, Napoléon se donnant pour titre à un empire fondé par le génie, la sanction de la victoire refaisait au profit de la France la monarchie et la domination européennes de Charlemagne. Ce sceptre, qu'il avait arraché, à Saint-Cloud, des mains d'une révolution devenue bavarde et menaçant de tomber dans les futilités du Bas-Empire; cette royauté, qu'il avait enlevée aux factions, il semblait n'en avoir usurpé les droits que pour en agrandir les devoirs. Napoléon avait voulu être empereur des Français, mais pour que la France fût la reine du monde. On l'a beaucoup blâmé d'avoir jeté toute sa famille sur les trônes abattus par la valeur de nos vieilles bandes, et relevés par l'égoïsme de ses décrets impériaux. J'ai vu quelques partisans sincères des principes de 1789, quelques amis plus rares des dynasties proscrites, gémir ou plaisanter, suivant l'humeur différente qu'on leur connaît, sur cette manie royale qui s'était emparée d'un citoyen ou d'un bourgeois. Je sais tout ce que le malheur a fait trouver de fort ou de joli contre les souverainetés impériales; mais ce n'en fut pas moins un grand et magnifique spectacle que celui de tous ces satellites autour de l'étoile d'un grand homme; que toutes ces royautés du continent, en quelque sorte commanditées par la France, qui trouvait ainsi de l'emploi pour tous les talens, des cadres pour toutes les capacités qu'une révolution avait enfantées dans son sein. Je n'entends pas beaucoup la politique; mais il me semble que les légitimités auront, sous ce rapport, quelque chose à envier aux usurpations. Du reste, moi qui ai beaucoup plus senti que pensé, on me pardonnera de faire plus de peintures que de réflexions; de retracer avec toutes les illusions dont elle brillait la domination française en Italie; de parcourir toutes les cours des princes de la famille de Napoléon, celles de Florence, de Milan, de Naples, que la victoire avait établies, que la législation avait régularisées, et qui avaient presque l'air d'être antiques par la grâce des manières, la religion de l'étiquette, et l'illustration historique des noms d'un autre régime.

Avant de parler de la princesse Élisa, à qui Napoléon avait donné comme dot royale le gouvernement de la Toscane, et de laquelle j'allais bientôt être rapprochée, je dois raconter ce que je devins après le départ de Florence de Camilla.

Ney occupait toujours ma pensée; je savais que je lui ferais plaisir si je pouvais lui écrire: J'ai mis un terme à ma vie errante. Je résolus donc de chercher tous les moyens de me fixer convenablement à Florence: je comptais sur un accès facile auprès de la grande-duchesse, par mes anciennes relations avec Lucien, par son propre souvenir, et surtout par la confidence de mon intimité d'un moment avec Napoléon. Je n'avais pas tort d'espérer de l'indulgence; la suite de ces Mémoires prouvera que je ne m'étais point trompée. Un directeur italien (Bianchi) me sollicita vivement pour un engagement de trois représentations à Livourne. La cour de la grande-duchesse était alors à Pise. J'acceptai les propositions, et je me rendis à mon poste, après avoir écrit à Ney et à Regnaud de Saint-Jean-d'Angely, pour leur faire part de mon projet et de mes espérances, les engageant à les favoriser de leur crédit et de leurs recommandations; car il est bon de dire que rien ne se faisait dans les cours de tous les princes de la famille de Napoléon, sans que l'Empereur en fût instruit, et sans que la nomination aux plus petits emplois eût été soumise à son visa suzerain. Mais depuis les fêtes du couronnement et les scènes de Milan, la protection impériale était ce qui m'inquiétait le moins, tant je me croyais sûre, au besoin, de l'obtenir.

J'avais aussi une lettre pour M. de Châteauneuf, alors chambellan de la grande-duchesse, et chargé de la haute direction du Théâtre-Français. Dès le premier abord, nous nous déplûmes, et je ne suis jamais revenue sur l'impression de la première entrevue. Quand, plus tard, il eut pénétré tout l'intérêt que me portait la souveraine, il se crut obligé de m'adresser de temps en temps quelques mots de bienveillance et de flatterie; mais on voyait qu'ils lui coûtaient comme un effort, que sa vanité souffrait de sa politesse, et qu'il fallait toute la résignation d'un vieux courtisan pour qu'il se condamnât à me sourire.

Avant de me présenter à M. de Châteauneuf, pour faire partie de la troupe placée sous sa direction, j'avais demandé à la grande-duchesse une audience particulière, et dès cette première visite j'entrevis toute la bonté dont elle devait me donner, pendant quatre années, des preuves si nombreuses.

Élisa n'était point belle; petite, fluette, et presque grêle, elle avait cependant dans toute sa personne de ces agrémens qui, avec de l'esprit et de l'imagination, composent une femme séduisante. La tournure la plus distinguée lui donnait l'air d'être bien faite, parce que dans tous ses mouvemens la grâce s'unissait à la dignité. Ses pieds eussent été cités, par leur forme mignonne, dans tous les salons: qu'on juge de leur réputation dans un palais. Quand des pieds comme ceux-là descendent d'un trône, cela doit être un prodige et une acclamation de chaque jour. Pour ses mains, elles valaient celles de son frère, de ce frère qui n'était pas insensible à leur éloge. Les plus beaux yeux noirs animaient sa physionomie, et elle savait en tirer un merveilleux parti pour commander ou pour plaire. En somme, Élisa eût été bien pour une femme ordinaire; elle était mieux encore pour une altesse, et je crois que beaucoup de souveraines légitimes se seraient reconnues à sa démarche et à ses manières toutes royales.

J'ai pu voir de près et apprécier presque toutes les personnes de cette famille, dont le chef avait fait de tous les membres une dynastie nouvelle pour tous les trônes. Aucun peut-être n'avait plus de ressemblance avec Napoléon que sa soeur Élisa: un esprit vif, prompt, pénétrant, une imagination ardente, une élévation incroyable de sentimens, une ame fortement trempée, l'instinct de la grandeur et le courage de l'adversité. Aucun non plus ne sentait davantage la gloire de lui appartenir; elle croyait en lui, pour ainsi dire, et son attachement aimait à exhaler l'enthousiasme dont elle était pénétrée.

Élisa voulut bien me reconnaître et se rappeler m'avoir entendue chez Lucien lire des vers. En contractant les habitudes du commandement, elle en avait pris la noblesse sans en retenir la fierté dédaigneuse; elle possédait cet art charmant de rendre le pouvoir populaire par la grâce; elle savait écouter aussi bien qu'elle parlait. Je l'observais avec cette attention que les femmes possèdent, et, malgré la facilité du tête-à-tête, je crus m'apercevoir qu'il entrait un peu de méditation et d'apprêt dans toute sa personne; qu'elle éprouvait un secret plaisir à mettre dans sa tenue et dans ses discours quelque chose de ce Napoléon dont elle était fière d'être la soeur, parlant par saccades, jetant comme à bâtons rompus des pensées soudaines et saillantes.

La princesse me dit qu'elle parlerait à M. de Châteauneuf; que je serais attachée à la cour, et que mes relations ne lui permettaient pas de douter qu'elle ferait, en m'attachant à elle, une chose agréable même pour son frère. «Je ne vous recommande qu'une chose, ajouta-t-elle: c'est, vis-à-vis des autres personnes, de ne point vous prévaloir de mes bontés particulières. Ne vous vantez de rien; ne bravez personne: si on vous fait quelque injustice, ne vous en plaignez pas, n'en parlez qu'à moi… Vous avez de l'esprit, de l'instruction, tâchez que cela ne serve pas à vous faire des ennemis. Un peu de conduite, si cela vous est possible; à votre âge, il vous reste un bel avenir si vous savez vous faire valoir par de la considération: cela ne dépend que de vous. L'Empereur approuvera votre engagement: son approbation, la bienveillance de mes autres frères, Louis et Joseph, vous sont de sûrs garans de mon intérêt; tâchez que je puisse vous en donner d'autres preuves, et plus importantes que celle d'aujourd'hui; mais, je vous le répète, il faut plus de conduite et de décorum: dans les folies mêmes il en faut.

«—Mais ma pauvre tête n'est pas aussi bien organisée que celle de Votre
Altesse: elle n'est point toutefois aussi mauvaise qu'on le dit.

«—Ma chère, une femme vaut toujours mieux que sa réputation, et j'en suis surtout persuadée à votre égard; mais l'opinion demande des ménagemens.

«—Il me semble que celle dont Votre Altesse m'honore peut suffire, et que je n'ai rien à demander au monde, puisque la soeur bien-aimée du grand Napoléon daigne m'estimer.» Ici elle me regarde avec ces yeux pénétrans qui me rappelaient ceux de ce redoutable frère, et je baissai la tête, car je ne savais pas flatter sans rougir.

«Pensez-vous ce que vous dites? reprit-elle en posant sa main sur mon bras; êtes-vous vraie?

«—Autant qu'on peut l'être à la cour en présence de son maître.

«—Cette réponse est spirituelle et franche; soyez raisonnable le plus que vous pourrez; et, que j'avoue ou non l'intérêt que vous m'inspirez, vous serez ici contente de votre sort.»

Mon sort fut heureux en effet, et rien ne me manqua que la sagesse d'en profiter pour mon avenir.

On avait parié, parmi les artistes de la cour, que mon engagement ne recevrait pas la sanction de celui qui nommait alors les rois et les comédiens, et qui se faisait quelquefois un plaisir, pour que l'on sentît que toute force et tout pouvoir venait de lui, de raturer et de biffer des nominations auxquelles il était loin d'ailleurs d'attacher une autre importance. J'avoue que ma vanité ne sut guère tenir au plaisir d'humilier la malveillance que j'avais cru remarquer dans cette occasion; et quand la signature impériale arrive (et elle ne se fit pas attendre), j'eus grand soin de lire publiquement la lettre que Regnaud de Saint-Jean-d'Angely m'écrivit alors pour me l'annoncer. «D'abord, ma chère amie, me disait-il, l'Empereur se souvient de vous; il a signé avec bien du plaisir quelque chose pour la Fama volat de Milan: ce sont ses expressions.» La lettre de Regnaud se ressentait même de la bienveillance de l'Empereur; les termes en étaient intimes, comme ceux d'une ancienne amitié, qui non seulement ne craint plus de se compromettre, mais qui encore est certaine de faire par là sa cour au maître. Il me demandait même, par le plus gracieux post-scriptum, le sens un peu mystérieux des paroles de l'Empereur; qu'il attachait bien du prix à cette confidence. Je transcris ici la réponse que je fis à Regnaud, dont je retrouve encore le texte même dans mes papiers.

Mme SAINT-ELME, ACTRICE DE S. A. I. et R. Mme LA GRANDE-DUCHESSE DE
TOSCANE, PRINCESSE DE PIOMBINO,

À S. Exc. LE COMTE REGNAUD DE SAINT-JEAN-D'ANGELY, MINISTRE D'ÉTAT,
PRÉSIDENT DE … etc.

«MONSIEUR LE COMTE,

«La preuve de bon souvenir que je viens de recevoir par votre lettre m'est plus précieuse encore que l'approbation qu'elle m'annonce et qui me flatte tant. Vous savez que de la vanité, nous en mettons à tort et à travers; mais mon amitié, qui croit se placer toujours bien, a été trop vivement affligée de la rigueur que vous lui teniez pour n'être pas dans l'enchantement du retour de votre bienveillance. Vous voulez que je cause avec vous comme par le passé? Eh bien, laissons le commencement de la lettre à l'étiquette, et jasons d'amitié… Eh bien, oui, vous avez raison: Napoléon est aimable quand il veut l'être, et il l'a été beaucoup avec moi. Il n'a aucune des bizarreries qu'on lui attribue dans les audiences secrètes. Il a daigné causer, sourire, et il sourit gracieusement. Vous savez qu'il m'avait plus effrayée que plu: aujourd'hui il me plaît plus qu'il ne m'effraie. Tant de titres, de gloire et de grandeur amassés sur un seul homme firent encore de lui, dans le tête-à-tête, quelque chose de si extraordinaire, qu'à mon orgueil satisfait vint se joindre un peu de cette crainte que m'a toujours fait éprouver votre idole: on voit pourtant, dans ses momens les plus donnés aux passions, que jamais une femme ne lui en inspirera que pendant quelques heures… Je l'ai bien observé pendant qu'il signait ses dépêches, n'ayant pas l'air de savoir que j'étais là. Il est impossible de n'être pas maîtrisé. J'ai parlé de toutes mes impressions au grand-maréchal, et il m'a dit que je suis une aimable femme. En vérité, quand on fait à Duroc l'éloge de l'Empereur, on est sûr de son amitié et presque de sa reconnaissance. Il l'aime comme une maîtresse; il est heureux de toutes les perfections qu'on lui trouve. Quand on inspire de pareils attachemens, il faut certes qu'ils soient mérités. Du reste, on n'est pas plus aimable que Duroc: il m'a fait obtenir un don qui eût satisfait l'avarice; jugez s'il a surpassé mes espérances. Au résumé, comme homme, Napoléon m'a paru singulièrement aimable et spirituel; comme souverain, grand et magnifique.

«Maintenant laissons les grands sujets, et permettez que je vous parle un peu de moi. La grande-duchesse est aimable; elle me promet ses bontés. Cependant, ma position d'actrice me déplaît. Je voudrais être quelque chose de mieux qu'au théâtre. Il n'y a pas moyen de compter mes services militaires pour obtenir la place de lectrice. Comment faire? car voilà ce qu'il me faudrait, et je puis assurer que cela conviendrait à son altesse.

«Vous me dites de devenir intéressée, et d'amasser une fortune; mais le promettre serait contraire à ma franchise. Plus je vieillis, moins j'ai d'ordre et de raison pour l'argent. Vous, monsieur le comte, c'est pour d'autres causes. Croyez-moi, les défauts qui font plaisir sont les plus difficiles à surmonter, et vous savez que le mien fut toujours de tout donner; mais aussi savez-vous bien que je n'eus jamais celui de l'ingratitude. Jugez, d'après cela, de toute la joie du retour de votre amitié, et de toute la reconnaissance dont elle me pénètre.

«Si je vous suis bonne à quelque chose dans ce pays, disposez de moi in tutto e per tutto

J'ai rapporté cette lettre en entier, parce qu'elle courut dans le temps que Regnaud la communiqua dans plusieurs hauts cercles de Paris, et qu'elle a acquis ainsi une sorte d'importance historique par ses détails secrets sur Napoléon.

Malgré les recommandations de la grande-duchesse, je me laissai aller, ainsi que je viens de le dire, à cette liberté de propos, dans mes relations dramatiques, qui naît du crédit que l'on possède ou que l'on espère, enfin à la petite insolence que donnent toujours les protections. M. de Châteauneuf était notre supérieur, et je retournai le voir. M. de Châteauneuf avait été chevalier de Malte et fort bel homme. Il réunissait le double enthousiasme de l'ancien régime et du nouveau, la souplesse d'un courtisan et l'insolence d'un parvenu. Quant à sa réputation de beauté, je n'en pus guère juger, car, à cette époque, M. de Châteauneuf était âgé et goutteux. En arrivant chez lui, et ne trouvant personne dans l'antichambre ni au salon, j'entre entre deux portes, que des rideaux séparaient d'une chambre à coucher; j'appelle, et un bruit de surprise et d'embarras me fait apercevoir qu'il y aurait de l'indiscrétion à avancer davantage. Je vois poindre alors entre les rideaux une tête charmante, avec des cheveux blonds et bouclés dont toute femme eût été jalouse. J'allais m'éloigner, toute confuse d'avoir pu si maladroitement troubler une scène qui ne voulait point de témoins, quand la plus jolie voix m'arrêta en me disant: «Monsieur est indisposé aujourd'hui et ne peut recevoir; veuillez avoir la bonté de repasser;» et je m'en allai en répondant avec la plus entière sécurité: «Merci, mademoiselle.» Le lendemain, quand je revins au rendez-vous qui m'avait été indiqué, ma surprise fut extrême de retrouver la même personne en pantalon blanc et en veste courte, servant le chocolat du vieux chevalier. Un négligé si coquet, une démarche molle et féminine, me firent croire que c'était là quelque actrice nouvellement arrivée que M. de Châteauneuf formait pour les travestissemens. Je m'imaginai que M. de Châteauneuf avait trouvé à point ce talent nouveau pour me contrarier par la rivalité du même emploi; car ma prétention était de jouer les travestissemens, ou plutôt de paraître souvent au théâtre en habits d'homme. Je n'en pris pas moins M. de Châteauneuf en sincère aversion. Aussi, mandée quelques jours après à Pitti par la grande-duchesse, je m'en donnai à coeur-joie sur le pauvre chambellan, dont je lui fis le plaisant portrait, imitant, d'une grotesque façon, ses airs, ses manières, la scène que j'avais vue. La princesse rit aux larmes de l'imitation, ne me gronda point, et voulu bien ajouter qu'avec un peu de tabac au nez, ce serait à s'y méprendre.

CHAPITRE XCI.

Mon genre de vie à Florence.—M. Fauchet, préfet dans cette ville.—Nouvelles bontés d'Élisa.

J'avais au théâtre de fort médiocres appointemens, et je faisais pourtant une dépense énorme. J'étais une comédienne très grande dame, et une esclave dramatique fort indépendante. Mes camarades se creusaient la tête à rechercher et à blâmer les ressources et les secrets de cette vie dispendieuse et vagabonde. Je courais la campagne et les environs de Florence, et toutes les fêtes et toutes les réunions. Aussi je ne jouais presque jamais; et, sous le rapport de l'utilité et de la gloire théâtrale, j'étais certes alors la dernière dans Rome; mais j'assistais avec une admirable assiduité aux représentations.

Pendant quelque temps, j'avais eu une loge au niveau du parterre. Naturellement les hommes de ma connaissance se tenaient près de ma loge, et c'était une véritable assemblée et réunion particulière dans un lieu public. Souvent dans le groupe se trouvaient des officiers qui m'avaient vue au milieu de mes courses militaires, en Allemagne, en Prusse, ailleurs encore. Nous parlions gloire, campagnes, batailles; et les militaires, qui en partagent les périls, en racontent volontiers et un peu bruyamment les exploits. Cette espèce de bivac au milieu d'un théâtre n'était pas agréable à tout le monde: on s'en plaignit; et je pris une loge aux secondes, déterminée à faire à la rumeur publique la concession d'une convenable solitude. Je tombai d'un inconvénient dans un autre.

La loge nouvelle que j'avais prise se trouvait par hasard vis-à-vis celle du préfet. Je viens de dire le motif qui me l'avait fait choisir; la malignité en chercha un autre, et je renonçai lors à paraître dans la salle. J'adoptai, pour voir le spectacle, la première coulisse; mais la première coulisse était encore en face de la loge de M. le préfet: j'avais l'honneur, comme on sait, de le connaître depuis long-temps pour un homme fort spirituel, fort aimable et fort instruit. Rien de plus simple, entre spectateurs que le théâtre intéresse, que ces regards d'intelligence aux passages saillans, que cette sympathie d'approbation ou de blâme sur l'effet des scènes et le jeu des acteurs, qui s'établissent entre personnes d'intime connaissance. Cette communication des émotions du théâtre est même, pour les Français, un plaisir aussi vif que celui qu'il excite par lui-même; car si nous aimons à sentir, nous aimons presque autant à discuter, et à faire partager nos sensations. Molière, Racine et Voltaire composaient le répertoire de la troupe française de Florence, et, par la profusion de leurs chefs-d'oeuvre, devaient multiplier nécessairement entre deux amateurs de la haute littérature, comme M. le baron Fauchet et moi, ces signes de plaisir et d'admiration qui n'étaient que des rapports de goût, et que les interprétations de coulisse prenaient pour des marques d'un sentiment plus mystérieux. On était jaloux de ces hommages, que l'on ne pouvait se résoudre à supposer seulement littéraires. Nos dames, toutes mariées, toutes vertueuses, quoique actrices et habitantes de l'Italie, enrageaient de cette préférence d'une lorgnette qui ne tombait jamais que de mon côté. Une remarque que j'ai bien souvent faite, c'est que les femmes sages sont très peu disposées à croire à la sagesse des autres; qu'avec des sentimens qui les éloignent de toute idée de rien céder aux hommes, il leur est pénible cependant de n'être point l'objet de leurs attentions. On dirait enfin que leur austérité est aussi ennuyeuse que rigide, et qu'elles ont autant de regrets que de principes.

Toutes les têtes étaient à l'envers par jalousie de ma position, de cette position que l'on déchirait et critiquait à belles dents. Il fut décidé, en conseil féminin, qu'on se vengerait de mes prétendus succès et de mon orgueil par quelque affront. Deux pièces nouvelles étaient à l'étude; j'avais dans chacune un bout de rôle: en arrivant à la répétition, la première chose qui me frappa sur le théâtre, c'est la vue d'une grille en bois, haute de six pieds, qui interceptait le passage de la coulisse où j'avais ma place ordinaire. On m'observait, je n'eus pas de peine à deviner la malice, et j'eus le talent de ne pas paraître m'en apercevoir. Je quitte le théâtre un moment, je me rends chez M. le préfet, je lui conte la ridicule malveillance de mes camarades; il la trouve si absurde que, malgré les observations d'un chef de bureau présent à l'audience, et qu'on avait mis dans ce petit complot avec des phrases, il donne des ordres pour que cette scène eût à ne point se renouveler; et la répétition n'était pas finie, que les artistes conspirateurs avaient eu le chagrin de voir enlever la grille en question: ce fut absolument, quoique la cause fût différente, un coup d'État pareil à celui des grilles de madame de Noailles pour empêcher le passage de Louis XIV chez les filles d'honneur de la cour.

Après l'éclat d'une pareille protection, on ne voulait plus douter de la nature de mes relations avec M. le baron Fauchet: j'étais, suivant la profondeur des caquets, sa maîtresse avouée. Cela était faux, complétement faux. Parmi mes camarades, les hommes étaient plus indulgens et disaient: Laissons-la faire, chacun est dans la vie pour son compte. «Oui, répondaient les dames, laissons-la faire; elle finira par avoir toutes les ambitions, et de plein droit elle viendra nous enlever nos rôles.—Oh! pour les rôles, répliquait d'un ton aigre-doux la plus jolie de nos actrices, ce n'est pas le théâtre qui l'occupe, et le rôle qu'elle ambitionne, elle en est sûre.»

J'avais une seule amie parmi ces dames, et c'est d'elle que j'appris les propos et les menées de la plaisante persécution. Cette amie était une femme d'un ton parfait, appelée mademoiselle Auquertin, douée d'un talent distingué, et même, malgré ses quarante-neuf ans, encore d'une figure fort agréable dans les rôles de soubrette. Je riais avec elle de la méchanceté des autres, mais comme les personnes les plus bienveillantes ont de la peine à ne pas croire à une opinion générale, elle ne se laissait pas facilement persuader sur le chapitre pourtant si innocent de mes relations avec M. Fauchet.

Sur ces entrefaites, je fus mandée chez la grande-duchesse; le jour et l'heure n'étant point ceux des audiences ordinaires, j'en conçus une crainte inexplicable. Fort éloignée de penser à tous les bruits de coulisse, je mourais d'inquiétude; il n'était pourtant pas question d'autre chose. La princesse me parut ce jour-là toute singulière: elle m'adressa questions sur questions, et je répondis en général avec embarras. Soit trouble, soit faux calcul, je ne sais pourquoi je lui cachai que j'avais connu le baron Fauchet, lorsqu'il était préfet de Draguignan. Plus tard, quand elle le sut, elle me reprocha de le lui avoir caché, aimant, disait-elle, les franchises entières, et les confessions générales.

Malgré les premières et peu favorables apparences de cette entrevue, je ne puis dire qu'Élisa manquât encore de douceur et de bienveillance, même dans le reproche. Femme excellente, qui n'eut jamais pour moi que des bontés, et dont le souvenir ne se présente à mon coeur que sous le prisme d'une reconnaissance plus habile à apercevoir les qualités que les défauts! Dans cette audience, elle me recommanda de nouveau et très positivement de garder un profond silence sur l'intérêt tout particulier qu'elle me témoignait, surtout vis-à-vis du préfet. «D'ici à quelque temps, ajouta-t-elle, vous m'adresserez une demande d'augmentation d'appointemens, ou de gratification extraordinaire. Quant à cela, vous pourrez le dire; faites même que cela soit su: vous n'êtes pas bien; mais j'ai une idée, un projet pour améliorer votre position. Les difficultés seront grandes, car vous avez une tête si détestable! Vous lisez à ravir, surtout la poésie italienne; je m'occuperai de vous: laissez-moi mûrir cette affaire; mais surtout silence absolu;» et je quittai la princesse, encore plus enchantée de sa grâce et de son esprit, et déjà pénétrée d'un de ces attachemens sincères qui ne tiennent pas aux calculs de l'ambition, et qui durent aussi plus long-temps que la faveur.

À cette époque, l'Empereur volait de Paris en Allemagne pour recommencer, avec ses invincibles armées, une guerre nouvelle contre l'Autriche. La brillante affaire d'Eckmühl venait d'être suivie de celle d'Essling. Napoléon, fidèle à ses habitudes d'activité, semblait mener avec lui la Victoire en poste. Le 2 juin 1809, je reçus une lettre d'Ebersdorf, à deux lieues de Vienne, d'un officier qui servait sous les ordres du général Cervoni, avec qui j'avais été liée, et qui venait d'être tué à la prise de Ratisbonne. J'avais remis dans le temps à cet officier, que j'avais vu après le départ de Ney, une boîte et une lettre pour le maréchal, qu'il espérait pouvoir rencontrer. Cet officier m'écrivait qu'ayant appris par le général Duprat que j'étais établie à Florence, et que ne prévoyant plus comment il lui serait possible de remplir la mission dont je l'avais chargé, au milieu des chances incertaines d'une campagne, il croyait devoir profiter du départ d'une personne sûre pour me faire repasser les objets que je lui avais confiés. Ce digne militaire m'annonçait avec une touchante douleur la fin terrible mais glorieuse de notre commun ami le général Cervoni.

À la lecture de cette lettre, je sentis tout mon sang se glacer dans mes veines, et ma raison déloger de ma pauvre tête. Il me semblait que le renvoi de ce précieux dépôt était une adroite précaution pour m'annoncer la mort de Ney. Me voilà dominée par cet affreux pressentiment, ne réfléchissant pas si Ney appartenait ou non au corps d'armée de cet officier, s'il faisait même partie de l'armée destinée à cette campagne; sans songer que, dans tous les cas, la mort d'un si grand capitaine eût été honorée du deuil d'un glorieux bulletin. Incapable de rien peser, de rien sentir que l'horrible idée qui me déchirait, j'éprouvais cet impérieux besoin d'une certitude qui vous tourmente dans les plus grandes douleurs, comme si le coup qui vous tue était moins pénible que celui qui vous effraie. La cour occupait alors le Pioggio impérial, maison de plaisance peu éloignée. Je courus de suite à Pitti[9], avide de nouvelles. Ce ne fut qu'en descendant de voiture, à la grille de ce beau séjour, que je sentis l'inconvenance et peut-être l'inutilité de m'y présenter de cette manière. Indécise et accablée, je suivais l'avenue, puis hésitant encore davantage, je tournais autour de la pelouse qui tapisse l'abord du palais; mais tout à coup je crois entendre parler à sotto voce. Nous étions dans une de ces délicieuses soirées de juin, qui, en Italie, sont encore plus délicieuses. Qu'on juge de ma surprise en voyant à travers le feuillage embaumé des arbustes la grande-duchesse assise sur un banc de mousse avec deux de ses dames[10]. Un sentiment intime de la bienveillance d'Élisa me fit impétueusement avancer, pour profiter de l'occasion offerte; mais la vue des témoins, le respect dû au rang de ma protectrice, m'arrêtèrent. Je m'approchai alors du palais pour m'informer si je ne pouvais point parler à la princesse. Lorsque j'éprouve une vive agitation morale, je gesticule sans le savoir, et souvent, je me parle tout haut à moi-même. Mes exclamations firent place à un respectueux silence, quand tout à coup je me trouvai en face de la duchesse, qui, devançant ses deux dames, me dit: «Qui vous amène ici? qu'avez-vous? Quelle agitation! quelle en est donc la cause?» Je restai anéantie; car si le sentiment qui avait inspiré ma démarche était vif et sacré, je ne sentais pas moins, par les regards et le ton d'Élisa, l'imprudence que je commettais en paraissant si violemment agitée: mais elle avait tant de générosité qu'elle fut touchée de mon émotion et de mon embarras. «Restez à Pioggio, me dit-elle, j'aurai soin tout à l'heure de vous faire appeler.» Presser sa main contre mes lèvres fut toute ma réponse, et ce témoignage de tant de respect fut un élan de coeur dont la princesse devina la sincérité, car ses yeux me le dirent.

J'allai m'asseoir dans un des bosquets voisins du palais. À onze heures du soir, une des femmes de la grande-duchesse vint me prendre, et m'introduisit dans un cabinet où elle me dit d'attendre quelques instans. Une petite demi-heure de répit vint heureusement me calmer, mais en remplaçant l'inquiétude par l'impatience, car je n'ai jamais su attendre. Enfin, je fus appelée. Élisa s'aperçut aisément de l'ennui que j'avais éprouvé; elle daigna s'en excuser avec une adorable bonté. «Votre Altesse concevra sans peine mon impatience, j'allais avoir le bonheur de l'approcher.» Une flatterie, quelle qu'elle soit, trouve toujours le chemin du coeur des princes. Élisa sourit, me fit asseoir au pied de son lit, et m'interrogea promptement sur le motif de ce trouble extraordinaire qui m'avait précipitée sur ses pas. Je lui racontai ma terreur panique à cette lettre que j'avais reçue de l'armée; je lui confiai le nom de l'objet cher et sacré qui la rendait si légitime, et je me laissai aller à cette effusion de coeur et à cette abondance de détails qui accompagnent toujours l'aveu des grandes passions et le souvenir de celui qui les excite. Élisa sentait trop vivement elle-même pour ne pas prêter une extrême attention à mes épanchemens romanesques. Son oeil noir suivait sur ma physionomie en quelque sorte les traces de toutes les impressions que je lui peignais. Malgré l'intérêt du récit, elle m'interrompit avec bienveillance pour me rassurer par l'affirmation positive que Ney ne faisait pas partie de l'armée dont j'avais reçu des nouvelles. Puis elle me demandait de continuer, de tout lui dire, de tout lui conter; elle riait aux larmes quand je lui avouais que mon idolâtrie pour Ney s'était encore accrue depuis qu'il m'avait signifié sa volonté de n'être plus suivi à l'armée. Elle ne revenait pas de ce qu'elle appelait mon héroïsme, mon désintéressement d'amour-propre, ce sacrifice de toutes les petites passions de femme à la plus grande de leurs passions; elle me disait que j'étais folle, et j'en convenais.

«Et Moreau, ajoutait-elle, l'aimiez-vous?

«—Oui, mais pas d'amour.

«—Cela est bien différent.

«—Ah! Votre Altesse a bien raison: que de nuances il y a dans notre coeur!

«—Mais je voudrais bien savoir quelles diverses concessions vous faites à chaque nuance.» Je lui expliquai avec une franchise et une convenance égales comment j'entendais l'amour amical et l'amour passionné, et ce que chacun de ces sentimens obtenait de mon coeur. Elle trouvait que tout cela était parfaitement distingué, et surtout bien senti. Élisa était spirituelle et charmante quand elle voulait, et elle le voulut ce soir-là. Elle entremêla avec goût son approbation de nouveaux conseils sur ma conduite à Florence, et de quelques réprimandes sur ma légèreté. Elle voulut savoir quelles étaient mes relations, mes amis dans cette ville.

«Et M. Fauchet surtout, qu'en faites-vous? Qu'en pensez-vous? Croyez-vous qu'il ait pour l'Empereur une admiration sincère, et pour sa dynastie du dévouement? Je crains qu'il ne soit resté un peu républicain.

«—Que Votre Altesse se rassure et se détrompe. Je ne sais pas jusqu'où ont été les opinions républicaines du citoyen Fauchet, mais quant aux sentimens actuels de M. Fauchet, baron de l'empire; j'en puis répondre. «C'est d'abord, un homme d'excellentes manières, qui vise au bon ton de l'ancien régime, et la prétention au bon ton est déjà un gage monarchique. Puis il a de l'esprit, beaucoup d'esprit, et le gouvernement de l'Empereur est fait surtout pour être compris et admiré par les gens de cette trempe, qu'on ne néglige pas. Puis nous avons encore les dignités, les cordons, la baronnie, tous liens d'affection par lesquels j'ai la certitude que M. Fauchet est religieusement enchaîné au char de la victoire et du génie.

«—Allons, ma chère, vous avez mieux deviné que moi; je suis entièrement convaincue, et j'aime ces convictions-là.»

Comme je voyais à Florence beaucoup d'officiers, la princesse me demanda encore ce que nous faisions, ce que nous disions dans toutes ces sociétés d'hommes, et surtout de militaires.

«—Nous parlons de folies, mais plus souvent encore de gloire.

«—Très bien, très bien; et tous ces militaires aiment l'Empereur?

«—Comme le Français chérit toujours le héros qui le conduit à la victoire, et le souverain qui ennoblit la patrie.»

Cette réponse, que m'inspira le souvenir de Ney autant que l'élan de la reconnaissance et le désir de me rendre agréable, me valut des éloges dont la vivacité put me convaincre de la haute opinion, de l'ardente amitié que la princesse portait à son frère, et du prix qu'elle attachait à le voir l'idole de ceux dont il était le maître. En me retirant, j'emportai la certitude d'une faveur plus flatteuse encore pour mon amour-propre que pour mon intérêt.

On pense bien que ces diverses occasions d'intimité avec la souveraine ne m'avaient pas, malgré ses recommandations expresses, disposée à la modestie dans mes rapports dramatiques, soit avec le chambellan-directeur, soit avec mes camarades. Plus on blâmait ma prodigalité, plus je trouvais de plaisir à multiplier mes dépenses, pour humilier les chefs d'emplois. Mes appointemens étaient fort médiocres, comme je l'ai dit; je les laissais toucher, et encore avec une certaine publicité, à mes couturières et à mes marchandes de modes. La malignité des coulisses s'épuisait en conjectures sur la source de tant de luxe étalé. Ma liaison avec le préfet était alors en jeu, et j'étais sa maîtresse avec appointemens. Mais on abandonnait cette version, que démentaient les habitudes du préfet, homme aimable, dont l'amour-propre ne devait pas descendre à une maîtresse payée. Quoique belle encore, la sagacité féminine ne trouvait pas que je le fusse assez pour justifier une tendresse si dispendieuse, et se rejetait, pour expliquer mon aisance, sur une utilité politique et des services secrets qui étaient encore moins honorables. Mon aimable soubrette, j'entends celle de la comédie, s'évertuait à me faire prendre au sérieux tous ces propos, toutes ces injurieuses suppositions. Sachant que la princesse tenait à ce que la source de mon aisance, sur laquelle elle m'avait recommandé d'être tranquille, fût ignorée, je montrais la plus intrépide indifférence sur toutes ces folles opinions de l'envie, se débattant entre le désir de m'humilier et la crainte de voir tourner contre elle-même ses efforts. J'affectais par bravade de grands airs mystérieux. Je mis une grande assiduité dans ma correspondance avec M. Fauchet; et l'huissier de son cabinet, en sa qualité de parent d'un femme du théâtre, ne manquait pas d'ébruiter l'activité de ce commerce épistolaire. Ces lettres, quoique très fréquentes, étaient encore assez longues; M. Fauchet n'y répondait jamais que verbalement et quand nous nous rencontrions: elles l'amusaient par une facilité de folies qu'alors ma gaieté me fournissait abondamment, et qui étaient aussi éloignées d'une coupable galanterie que d'un lâche espionnage politique. M. Fauchet existe encore, et j'en puis hardiment appeler à son témoignage. S'il m'est arrivé quelquefois, étourdie par l'encens que l'on prodigue aux femmes qui ont quelque esprit, de me laisser aller à l'expression de mes opinions, je ne me suis jamais cru le droit ni le pouvoir de conseiller les gouvernans, ou de les aider par d'indignes rapports politiques.

Vers le mois d'avril, la cour vint établir sa résidence à Pise, ville antique, pleine de souvenirs, comme toutes les villes de l'Italie, de monumens; où le climat est peut-être plus doux et plus égal qu'à Florence même, sans aucune de ces alternatives du froid et du chaud, qui, quoique bien doucement, s'y produisent quelquefois. La grande-duchesse, qui savait goûter la vie, après avoir présidé aux affaires, venait à Pise se délasser de la grandeur dans les plaisirs de l'intimité. Quelque temps, après l'établissement de la cour dans cette résidence, je me promenais seule en suivant le superbe quai de l'Arno, qui traverse Pise. Je m'étais reposée à l'extrémité, sur le revers d'un chemin bordé d'arbres et de jardins délicieux. Je fus distraite de mes rêveries par le bruit d'un élégant et rapide carich, conduit par un des postillons de la duchesse. «Est-ce que la princesse vient de ce côté?» Cet homme me répondit: «Son Altesse prend en ce moment du lait chez un chevrier de la campagne; ses ordres sont d'aller l'attendre au détour du chemin, à un quart de lieue d'ici.»

Dès que l'équipage eût fendu l'air, je me dirigeai du côté où la cabane du chevrier m'avait été indiquée. La curiosité a de l'ardeur et de l'instinct. Au milieu des habitations, mon imagination crut découvrir celle que je cherchais, à son air plus élégant, quoique plus sauvage. On la voyait poindre à peine au milieu des dômes de l'aubépine en fleurs et des lilas odorans. J'allais franchir le rempart embaumé, lorsqu'une réflexion me retint: on peut savoir que j'ai parlé aux gens de la duchesse, et une rencontre qui ne sera plus l'effet du hasard sera traitée comme une indiscrétion de la curiosité. Je m'arrêtai tout court à cette pensée; mais je crus pouvoir, par capitulation avec moi-même, m'asseoir auprès des buissons, l'oreille dressée et l'oeil aux aguets. Au bout d'une demi-heure, j'entendis comme un bruissement de rameaux, et je distinguai le son de voix d'Élisa. Elle paraissait lire des passages d'un bulletin de la grande armée. J'entendis, distinctement les phrases suivantes: «Cent pièces de canon, quarante drapeaux, cinquante mille prisonniers, trois mille voitures; l'ennemi fuit épouvanté; l'avant-garde a passé Ulm. Dans quelques jours, l'Empereur sera à Vienne.»

Il y avait presque une joie virile dans l'accent d'Élisa, en prononçant ces phrases, et pour ainsi dire un orgueil fraternel de la victoire. Une voix d'homme répondit aux exclamations admiratives d'Élisa par des flatteries, en bon français, mais avec une prononciation italienne. Ma curiosité redoublait d'instans en instans; je retenais ma respiration, de peur que le souffle arrêtât le moindre mot. Immobile, je trouvais presque un sens au mouvement du feuillage; je jugeai que, dans une délicieuse soirée du printemps, on voulait en prolonger les heures. Les intérêts de la politique et les émotions de la gloire furent remplacés par une causerie plus intime et moins grave. C'étaient de ces riens charmans qui, en succédant aux grandes affaires, paraissent mieux encore, et je m'aperçus que celui qui causait avec la duchesse réussissait à les faire valoir. L'oeil ne secondait point l'ouïe, malheureusement pour la complète intelligence de cette scène; mais à l'oreille arrivaient suffisamment de ces mots qu'on achève avec un peu d'habitude et de pénétration. Celle dont la dignité eût pu s'offenser des hommages d'un sujet, aimait cependant à les recevoir comme des preuves de dévouement, et comme une espérance de cette affection sincère si rare dans les cours. L'altesse avait de la réserve, et la femme de l'émotion: combat plein de délicatesse et d'intérêt qui fait qu'une souveraine résiste à ce qui pourrait lui plaire. La conversation était longue; car celle même qui la réprimait trouvait un secret plaisir à ne pas l'abréger. Je l'entendis cependant, après quelques momens de silence, dire d'un ton ferme, quoique doux: «Quant à l'amour, n'en parlons pas; mais une véritable amitié me serait bien chère. Mon âge et mon rang, Cerami, m'interdisent de croire au premier de ces sentimens; mais j'attacherais du prix à recevoir des marques honorables de l'autre[11].»

Je crus qu'on allait sortir de mon côté, et je m'éloignai doucement pour esquiver la première surprise; mais on passa derrière l'enclos, et j'aperçus la princesse à une certaines distance, appuyée sur le bras du comte Cerami, qui tenait un livre et des papiers à la main. Un valet de pied suivait, accompagné d'un paysan qui portait une énorme corbeille de fleurs. Je m'élançai dans le chemin de traverse, et arrivai à l'endroit où la voiture de la princesse attendait. Du plus loin qu'Élisa m'aperçut, elle me fit signe d'avancer, et dit en riant au comte Cerami: «Elle est comme Chérubin, on la trouve partout.» Puis, se tournant vers le paysan de sa suite, elle ajouta: «Accompagnez madame, et portez ces fleurs chez elle:—Que Votre Altesse est bonne! mais qu'elle ajoute une grâce à tant de grâces; qu'elle daigne joindre au présent un bulletin de l'armée: je tresserai, en le lisant, des couronnes aux vainqueurs.» Alors elle regarda le comte Cerami, qui m'en offrit un: c'était celui du 24 avril 1809, daté du quartier général de Ratisbonne. La duchesse me donna l'ordre de venir le lendemain au palais, et elle monta lestement dans son élégante voiture, qu'elle conduisait elle-même sous la surveillance du comte Cerami. En un instant ils disparurent. Je me rendis chez moi avec le paysan chargé de la corbeille; et, depuis ce jour, j'eus chaque matin ma fourniture de fleurs.

Le lendemain, je me rendis au palais. Je lui parlai d'abord du bulletin en termes qui la disposèrent très favorablement; mais, quelques instans après, quittant ce texte militaire pour en choisir un plus délicat, elle me demanda comment j'avais été présente à la conversation du bosquet. J'expliquai tant bien que mal un hasard si combiné. «Vous écoutiez donc? me dit Élisa avec quelque humeur.

«—Oui, j'écoutais; mais je supposais pas que ce fût Votre Altesse que j'entendais.»

Le mécontentement d'un moment se dissipa, par la conviction que devait facilement inspirer à la grande-duchesse mon caractère. Loin d'être plus réservée avec moi, elle me montra, au contraire, à partir de ce jour, plus de confiance et d'abandon; et je jugeai, par la longueur de la conversation, que l'intimité des princes s'acquiert par un certain mélange d'adroites flatteries et de vérités délicates, par ce que j'appellerais une demi-franchise, disant assez pour éclairer, et pas assez pour déplaire.

CHAPITRE XCII.

Gouvernement de la Toscane.—Cour de la grande-duchesse.—Anecdotes sur le grand-duc Léopold.

De toutes les parties de l'Italie attelées au char du grand empire, la Toscane était peut-être celle où les souvenirs offraient le plus de résistance à la nouvelle domination. Quand le pays, occupé et évacué ensuite par les Français, retomba un moment, en 1799, sous le pouvoir de ses anciennes moeurs et de ses anciens maîtres, les réactions avaient été terribles et empreintes de cette cruauté italienne qui s'allie si singulièrement avec l'indolence et la faiblesse. Des commissions permanentes avaient condamné les partisans des Français: on avait égorgé et proscrit avec toute la fureur d'une mode. Les plus jolies femmes, ces Toscanes si douces, s'étaient fait remarquer dans ces représailles devenues des fêtes. On les avait vues à Pise se rendre à l'exécution des condamnés, danser autour du poteau comme à un bal, n'interrompant cette bacchanale des discordes civiles que pour jeter aux victimes des pommes, des citrons et des oranges. J'ai entendu raconter des scènes horribles de vengeance particulière, des raffinemens d'une cruauté qui semblait voluptueuse; mais par bonheur, dans les révolutions il se rencontre toujours quelques uns de ces beaux traits qui suffisent pour absoudre l'humanité; en voici un qui ferait oublier tous les crimes vulgaires par l'exemple d'un courage et d'une vertu presque célestes:

Les débiteurs, qui, dans tous les pays, sont toujours au premier rang de ceux qui ont des vengeances à exercer, n'avaient pas eu de peine à faire étendre sur les Juifs, toujours détestés du peuple, n'importe où ils résident, la rage de proscription et de meurtre qui avaient frappé les partisans des Français. Déjà une troupe grossière et affamée de sang s'acheminait vers le quartier des malheureux Juifs pour les livrer à l'extermination.

Un saint prêtre, un prélat révéré, M. Santi, évêque de Savona, court dans les rues déjà envahies par la populace, revêtu du surplis, armé seulement de la crosse d'or des apôtres; il se précipite au milieu de la foule, l'exhorte, la conjure au nom de l'Évangile qui pardonne. On le presse, on le repousse, on le renverse. Il se relève avec calme, un crucifix à la main, effraie après avoir supplié, et, comme inspiré par le Dieu dont il porte l'image, ramène les furieux à l'humanité par la terreur sainte dont il les écrase, et sauve ainsi ceux que le double fanatisme de la haine religieuse et de la cupidité frénétique allait immoler.

Au retour du gouvernement français, tous les proscrits rentrèrent; une administration ferme fit rentrer sous le joug un peuple qui a tout ce qu'il faut pour écraser des vaincus, mais rien de ce qui peut résister à des vainqueurs. De même que cela avait été en Toscane une émulation de représailles en notre absence, de même ce fut comme un concours de soumission et de souplesse à notre retour. On accoupla dans les fonctions publiques les amis et les ennemis, les proscrits et les proscripteurs et l'on vit d'anciens bourreaux rendre la justice avec un exemplaire esprit de conciliation. Un Haldi, qui avait eu la palme des vengeances, sut encore conquérir, avec une mobilité dont on ne pourrait trouver le modèle qu'en Italie, la couronne des réparations vis-à-vis de la puissance nouvelle. La formation de la cour ressembla à une levée en masse de nobles seigneurs, de grandes dames, d'hommes riches et de femmes jolies, de notabilités de toute espèce. On fit une conscription de courtisans, et la vanité fut en quelque sorte chargée de créer en Toscane un patriotisme français.

L'organisation administrative devint la même que dans le reste de l'empire. Un préfet, un commissaire général de police, un commandant militaire supérieur, formaient les pivots de ce système simple et fort. Les rangs secondaires avaient servi de cadre aux ambitions locales, et les Italiens y étaient même en plus grand nombre que les Français. Les premiers dominaient dans les tribunaux, et les seconds dans la gendarmerie. De toutes les dynasties impériales, celle de la Toscane était celle qui avait fait la plus large part à la nationalité dans la distribution des emplois publics. Aumôniers et dames d'honneur, chambellans et chapelains, écuyers et pages avaient été exclusivement choisis parmi les familles historiques et héréditairement en possession des richesses, du pouvoir et de la servilité. Les disputes de l'étiquette avaient remplacé les discussions factieuses; le cérémonial, les bals, les fêtes, les plaisirs, ces moyens de conciliation toujours plus puissans qu'on ne le croit, avaient étourdi les vieux ressentimens, et formé autour de la soeur de Napoléon une atmosphère de dévouement et de souplesse. Tout en façonnant la Toscane à la législation bienfaisante de nos codes, à l'uniformité moins douce de nos douanes et de notre recrutement militaire, on avait laissé une certaine latitude aux souvenirs et surtout aux moeurs. Dans les actes publics la langue française n'était admise que de moitié avec la langue de l'Arioste. La grande-duchesse, qui avait beaucoup de tact et qui désirait populariser la domination napoléonienne, mettait une certaine affectation à témoigner son respect pour l'idiome toscan en l'employant de préférence.

L'ivresse d'une cour facile et brillante, que l'on ne pouvait guère comparer qu'aux licences de ce bon régent, comme l'appelait Voltaire, ce levier politique des plaisirs n'agissait guère cependant que sur les classes supérieures, toujours et partout plus favorables aux innovations et à l'influence de l'étranger. Mais le fond d'une nation n'est pas aussi malléable. Le peuple, qui tient plus en quelque sorte à la terre qu'il habite et à l'air qu'il respire, n'a pas cette heureuse facilité des courtisans, et oppose toujours bien plus de résistance au joug. La mémoire des Médicis et de Léopold, le souvenir de leur administration paternelle, enchaînaient encore l'imagination pourtant mobile des Toscans; et la gloire des armes, moins séduisante pour eux que celle des arts, ne les avait point disposés en faveur de Napoléon. Souvent dans mes courses, moi, tout enivrée de la gloire de l'empire, interrogeant des paysans et des hommes du peuple, je recevais de ces réponses pleines de souvenirs antiques, de ces réminiscences d'un pouvoir tombé qui survit à l'oubli et à sa chute par des bienfaits. Voici deux anecdotes qu'on me pardonnera bien de rapporter, car tout ce que l'on a entendu de la bouche du peuple mérite une véritable vénération; et certes on peut me rendre une justice, c'est que, quelles que soient mes préoccupations de coeur ou mes intérêts de position, j'ai toujours du respect pour la vertu et une place pour tous les nobles souvenirs. Les beaux traits de la puissance légitime ont peut-être encore plus de prix sous une plume qui avait à se défendre des influences de l'usurpation. Des actions généreuses me plaisent, n'importe d'où elles viennent, et l'amie d'Élisa ne peut résister au bonheur de retracer deux anecdotes de l'administration de Léopold, recueillies à une distance si peu suspecte.

Ce prince admirable, qui rachetait en quelque sorte par ses bontés le despotisme qu'il était chargé d'exercer en Toscane, trouvait une douce consolation à son propre pouvoir dans l'usage qu'il s'efforçait de lui donner. Il aimait à se mêler, déguisé, aux amusemens ou aux travaux de la population. Les prisons n'avaient pas de plus vigilant inspecteur; et le droit de faire grâce, le plus beau des priviléges de la royauté, il ne le déléguait pas à des commis, et se le réservait comme une des consolations de la couronne.

Un jour que Léopold visitait, dans ses vues de pardon et de bienfaisance, les prisons de Livourne, il interrogea un à un tous les locataires du bagne sur les motifs de leur séjour. À entendre ces innocens forçats, aucun n'était coupable, tous avaient succombé sous les dénonciations de la haine, sous la puissance d'une inimitié terrible, de complicité avec quelque erreur de la justice, et tous attendaient et méritaient une grâce de leur équitable souverain. Le grand-duc aperçoit au milieu du groupe empressé sur ses pas un galérien moins impatient, se séparant même de ses compagnons pressés autour de leur maître. Léopold n'en est que plus empressé de lui faire les mêmes questions qu'aux autres. Maestro, répond le forçat presque pudibond, sono stato condannato perchè sono un bravo ladro. Donnez bien vite la liberté à ce scélérat, s'écria le spirituel et généreux souverain: avec lui tant d'honnêtes gens sont en trop mauvaise compagnie. Admirable alliance de la bonté et de l'esprit, qui a quelque chose de français, et qui faisait appeler Léopold le Henri IV de la Toscane!

La justice est toujours ce qu'il y a de plus précieux et aussi ce qu'il y a de plus rare pour les peuples. Le bon Léopold le savait bien, et tâchait de procurer à ses sujets ce bienfait si difficile, en stimulant le zèle de ses délégués négligens. Il y avait un juge fort singulier du pays, qui, au lieu d'aller à l'audience ne sortait de son lit que pour dîner, et y rentrait pour se reposer de cette fatigue peu judiciaire. Impossible non seulement de le rencontrer à son tribunal, mais encore à son domicile. Sa vieille servante, huissier dressé à cet effet, renvoyait avec une religieuse exactitude les pauvres solliciteurs. Monsieur est sorti, Monsieur est malade, Monsieur dort, étaient tout ce que l'on pouvait obtenir d'elle. Le mécontentement public était à son comble, et l'écho en arriva jusqu'à Léopold: il s'achemine vers le tribunal à l'heure, hélas! inutile de l'audience, n'y trouve pas, bien entendu, son magistrat paresseux, mais s'informe de sa demeure et y court. Même accueil au souverain, que l'incognito assimile à la foule des plaideurs ordinaires; même défense opiniâtre de la porte, même réponse de la servante, qui se retranche sur le sommeil de son maître et qui proteste qu'elle sera renvoyée si elle laisse entrer. Brusque malgré lui, et indiscret par vertu, le prince passe outre aux protestations et aux résistances. La consigne est violée, la porte presque prise d'assaut. L'honnête et paresseux L'Hôpital reposait dans une chambre obscure, les rideaux fermés comme un de ces vertueux chanoines dépeints par Boileau dans le Lutrin. Le juge, endormi, se lève sur son séant, un arrêt à la bouche contre l'insolent qui violet le sanctuaire de la magistrature, un de ces arrêts dont il était pourtant si avare. Léopold se moque de toutes les menaces, et animé d'autant de courage que d'indignation, pousse le juge ébahi à bas de son siége… de sommeil, et lui crie: Vous avez beau vous débattre, le grand-duc connaît votre conduite scandaleuse, il ne vous reste plus qu'à vous habiller promptement pour venir vous justifier. Le juge, étourdi, se réveille enfin et reconnaît son maître dans l'étranger, tombe à ses genoux en implorant son pardon. «Gracieux prince, je suis réellement retenu au lit par une grave indisposition; j'y fouillais les papiers d'une immense procédure: c'est ce maudit Barthole qui m'a endormi; mais je n'y serai pas repris, je ne le lirai plus, grâce! grâce!…—Relevez-vous, monsieur, vous avez cessé d'être juge.» Et là-dessus Léopold se retira avec toute la fermeté et toute la dignité royales. Un magistrat plus éveillé vint immédiatement prendre possession de la place, et mettre à jour le monceau de dossiers dont son prédécesseur avait fait litière. Mais élevant l'héroïsme du trône jusqu'à l'indulgence, le bon Léopold envoya, en même temps qu'un nouveau juge pour contenter ses sujets, une pension à l'ex-magistrat pour le bénir.

FIN DU TROISIÈME VOLUME.

NOTES

[1: La princesse Élisa.]

[2: Le grand maréchal m'avait remis, avec un sac de sequins, deux ordonnances sur le trésor, qui me furent acquittées dix-huit mois après par M. Mollien.]

[3: Le général de division Godinot, qui se tua en Espagne à la suite d'une attaque de nerfs, maladie à laquelle il était fort sujet.]

[4: Le général Delzons, qui fit plus tard des prodiges de valeur en Russie, à la Moscowa, périt bien jeune encore dans la cruelle retraite de cette guerre des élémens, des distances et des frimas.]

[5: Le chirurgien en chef, le brave baron Larrey.]

[6: Rideaux de gaze claire qui ferment en Italie les lits comme des boîtes.]

[7: Chargé d'affaires, qui fit d'admirables efforts pour sauver la ville du pillage.]

[8: La lâcheté oisive ou la haine calculée a cherché si souvent à se venger de la gloire de nos braves sur le champ de bataille, par la satire de leurs manières et le contraste de leur langage ou de leur style trivial avec les hautes positions conquises par leur épée, que j'éprouve l'irrésistible plaisir de citer ces lettres d'un simple sergent de nos phalanges immortelles: elles prouveront qu'en fait d'honneur nos soldats savaient aussi bien l'exprimer que leurs devanciers du vieux temps; et que ces héros, qui troquèrent si soudainement le sac et le fourniment contre l'épaulette de général ou le sceptre de roi, étaient encore quelquefois aussi forts sur l'orthographe que les colonels musqués, qui avaient au moins le temps de l'apprendre au milieu des loisirs d'une garnison.]

[9: Qu'il ne faut point confondre avec Pinti, le premier ayant toujours été la demeure des souverains. Le second est un fort beau palais aussi, situé près de la porte et de la rue de ce nom, à Florence, où le gouvernement français avait établi la préfecture.]

[10: Les comtesses Torigiani et Médici (Catherine), dames pour accompagner.]

[11: Le comte Cerami était un des hommes les plus brillans de la cour de Florence, instruite et spirituel. La grande-duchesse le combla de bienfaits. La voix publique, toujours prompte à supposer, le désigna comme un favori. Il fut peu reconnaissant aux jours de l'adversité, ce qui malheureusement appuierait les conjectures de la malveillance; car, en fait de favoris des princes, ceux qui ont le plus obtenu sont ceux d'ordinaire qui se souviennent le moins.]

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