Mémoires d'une contemporaine. Tome 6: Souvenirs d'une femme sur les principaux personnages de la République, du Consulat, de l'Empire, etc...
CHAPITRE CLXVI.
Le 7 décembre 1815.—Derniers momens du maréchal Ney.—Visite à la Maternité.—La soeur Thérèse.—Le serment du cercueil.
Le moment décisif approchait, et ce procès, qui avait duré si long-temps, me semblait alors trop près de finir. Les heures, ces heures de si mortelle inquiétude, je les comptais avec regret. Je passai les journées des 5 et 6 décembre, et les deux nuits, dans toutes les alternatives de l'espérance, de la crainte et de la douleur. D. L***, attendri par le spectacle de mes larmes, avait retrouvé quelque chose d'humain; il s'occupait avec une religieuse exactitude, et presque une touchante tendresse, des soins qu'exigeait mon affreux état; il sortait, rentrait, revenait de momens en momens, répandant sur mon ame tout ce qui pouvait la soutenir et la ranimer. Tantôt je le repoussais avec horreur, tantôt je l'implorais comme un dieu tutélaire; je le rappelais en le suppliant de me rendre à la liberté; tantôt je l'accablais d'injures pour avoir osé m'en priver. Dans les accès de mon délire, je m'écriais avec désespoir: «Ne le verrai-je donc plus?
«—Vous le reverrez, mon amie; je vous l'ai promis, je vous le jure encore», répondait-il avec une expression de douleur qui me glaçait d'effroi.
«—Mais vivant, mais avant le dernier coup de la fatalité? Ô Dieu! seriez-vous donc assez barbare pour vous jouer de mon désespoir?» Et à plusieurs reprises je tombai sans force et sans voix à ses pieds.
«—Il n'est pas condamné encore, me disait-il; les hommes les plus éloquens sont ses défenseurs. Tout Paris semble assister à ce procès comme à celui d'un frère, d'un ami. Les débats font entrer la pitié dans toutes les ames. Demain la commission des maréchaux paraîtra à la barre des Pairs. Les plus puissantes intercessions, les plus vives démarches seront tentées.
«—Laissez-moi libre; que du moins je m'associe à cet intérêt universel que vous assurez qu'il inspire. Au nom du ciel, n'enchaînez point mes pas, ne paralysez point mes efforts.
«—Ils vous perdraient sans rien ajouter à ses chances de salut; vous lui raviriez un repos qui lui reste du moins dans cette pénible lutte, le repos de ses consolations légitimes.
«—Vous m'assurez, sur l'honneur, qu'il n'est point condamné encore?
«—Non, je vous le jure, pauvre et malheureuse amie!» Et je laissai encore arracher de mon coeur un sacrifice, celui de rester immobile.
Le 6 décembre, après une longue conférence où j'avais renouvelé toutes mes prières de liberté, D. L*** sortit en faisant, à voix basse, des recommandations à ses domestiques. Trois ou quatre fois il revint sur ses pas, rentra enfin chez moi sans avoir la force de parler. Je le regardais avec terreur, car il y avait aussi de l'effroi sur son visage, si impassible ordinairement. «D. L***, vous me trompez, je le vois; tout est fini, osez me le dire; peut-être cette ruse l'avez-vous employée par compassion pour mes tortures, mais vous m'avez plus que tuée. Oh! votre cruelle pitié me laisse en proie au plus affreux désespoir.
«—Je ne vous trompe point, malheureuse femme; je vous l'ai promis, vous verrez le maréchal, mais calmez-vous; car votre désespoir ne peut le sauver, et pour le revoir il faut du courage.» Mon coeur ne comprenait que trop ces paroles terribles. Je tombai à genoux, cachant ma tête sur l'ottomane, et faisant signe à D. L*** de me laisser seule; dans ce moment sa vue m'était impossible à soutenir; et, dans ce moment même, par une subite révolution de sentimens, lui seul me semblait cependant encore capable de porter quelques adoucissemens à ma déchirante agonie. Je pressais convulsivement ma tête dans mes mains; je parcourais l'appartement à grands pas; les sanglots étouffaient ma voix; il n'y avait plus dans tout mon être qu'une seule idée, qu'une seule sensation, et elle était affreuse: il est perdu! Je restai plus d'une heure dans cette crise du désespoir; enfin, une voix de femme m'en tira, en m'adressant des paroles de consolation, avec un accent de bonté qui me réveilla de ma stupeur, pour me faire apercevoir seulement alors qu'une personne de la maison était accourue à mes cris. Par un pouvoir infini de l'espérance, elle mesure ses illusions aux coups du malheur. Je vis des larmes dans les yeux de cette femme, et je crus à l'humanité; j'écoutai ses paroles: «Espérez, pauvre chère Madame; tout le monde plaint le maréchal; allez, si les juges le condamnent, il est bien certain qu'une grâce auguste viendra l'absoudre!» Cette femme était une bonne et honnête royaliste, bien ardente dans ses affections politiques, mais assez généreuse pour faire des voeux en faveur de celui qu'elle appelait un si brave Français. «Ah! mon Dieu, continuait-elle, on perdrait la tête d'un pareil événement. Tenez, tout le monde, dans la maison, ne parle que du maréchal; on raconte ses exploits; on cite, mieux que cela encore, ses traits d'humanité envers des émigrés et des proscrits… «Allez, ma chère dame, croyez que rien n'est perdu quand on porte un nom respecté même de ses ennemis.» J'écoutais… Je ne partageais pas, hélas! la confiante sécurité de Mme Brunet; mais j'avais trop besoin d'y croire pour ne pas recueillir avidement chacune de ses paroles… Hélas! quelques heures encore, et Paris, la France, attendris sur une haute infortune, allaient apprendre que cette vie toute de gloire, et d'impayables services étaient à jamais perdus pour la France, pour une noble épouse, pour de nobles enfans, pour l'amitié, inconsolables!
Lorsque madame Brunet me vit un peu calmée, elle me pria avec de touchantes instances de prendre quelque repos. Ce mot me causa un frisson de mort. «Je veillerai près de vous, chère Madame, je vous avertirai de tout; allez, si vous saviez comme M. D. L*** vous a recommandée à nous!
«—Oui, répondis-je avec d'amères larmes, pour me priver de ma liberté.
«—Oh non, ma chère dame, pour vous empêcher de vous perdre et de donner une douleur de plus à l'infortuné maréchal; il a une épouse, des enfans, voyez-vous, et cet éveil de certaines relations différentes, dans un pareil moment, pourrait… vous sentez cela; car je sais de M. D. L***, qui vous respecte et qui vous sert en véritable ami, que vous avez une belle ame.»
Il y a toujours du charme à inspirer de l'intérêt, mais les circonstances donnent des nuances diverses à cette sensation, et les expressions de la compassion de la bonne madame Brunet ne pouvaient en trouver de plus favorables; elle était d'un âge fort avancé. Je me jetai dans ses bras, y versant toutes mes douleurs, et son langage simple mais doux m'arrachait à moi-même. Je cédai à ses prières, j'aurais cru repousser les conseils d'une mère. Elle me fit avaler quelques cuillerées de bouillon, car depuis quarante-huit heures je n'avais pris aucune espèce de nourriture. Je ne pus me coucher, et je me jetai tout habillée sur mon canapé. Madame Brunet s'établit près de moi et ne voulut plus me quitter. Je la priai de me faire parler au fils du portier. «Quand Monsieur sera rentré, me disait cette excellente femme, car à présent il pourrait nous surprendre, et cela causerait de la peine à son pauvre père, qui a tant besoin de ménager M. D. L***, pour une affaire bien désagréable.
«—Comment, ce n'est donc pas un honnête homme que le père d'un brave dont vous m'avez fait l'éloge?
«—Trop honnête, ma chère dame; mais la probité n'empêche pas d'être mal avec la police.
«—D. L*** en est donc?
«—Oh mon Dieu! Madame; mais non pourtant…»
Voyant que mon ton interrogatif affligeait celle qui me prodiguait tant de soins, et n'ayant pas besoin de son aveu pour asseoir mon opinion, je la tranquillisai en paraissant m'intéresser à cette espèce de service que D. L*** avait rendu au bon-homme de portier. «Eh bien, Madame, sachez que le père Bertrand habitait Vannes à l'époque de l'affaire du fameux Cadoudal. Il y était arrivé une dame en habits de deuil, avec cet intérêt mystérieux et imposant qu'éveillent les apparences d'une haute infortune. La dame n'était accompagnée que d'un seul domestique. La chambre où elle couchait n'était séparée que par une cloison de celle de la fille de Bertrand: veillant plus tard qu'à l'ordinaire, elle entendit la dame parcourir à grands pas son appartement, prononçant des mots sans suite… «Oui, disait cette dame, j'irai porter l'effroi dans ton coeur au milieu du palais où tu te crois à l'abri de la vengeance.» D'autres paroles prouvèrent trop de qui parlait l'étrangère. Bertrand, averti par sa fille, frappa à sa porte et dit: «Madame, vous êtes découverte; mon devoir serait de vous faire arrêter, mais votre sexe, votre douleur, me retiennent. Cependant il faut vous éloigner à l'instant, et je vais vous faire conduire jusque vers un point sûr, où vous pourrez vous embarquer pour l'Angleterre.» L'étrangère, épouvantée, souscrivit à tout. Bertrand l'accompagna lui-même; mais, à quelques lieues de Vannes, il fut arrêté par des hommes déguisés en paysans. Entraîné dans le bois, il y vit une voiture arrêtée et un homme qu'on déshabillait: c'était un parti de chouans. Dans la voiture se trouvait M. de Pancemont, évêque de Vannes, qu'on affublait à la hâte avec un habit de paysan. Le pauvre Bertrand perdait la tête. Une fois entre les mains de la troupe, la dame lui jeta une bourse qu'il eut la générosité de ne pas ramasser. Au milieu des émotions de cette scène, Bertrand eut le bonheur de s'échapper. L'évêque fut ramené mourant, et, depuis ce singulier événement, ne fit que languir. Une lettre, une arme, trouvées sur le pauvre Bertrand, le firent impliquer dans cette affaire. Sous Napoléon, vous le savez, la police aimait mieux se tromper par excès de précaution que par défaut de zèle. M. D. L***, qui a toujours eu le bonheur d'avoir des amis partout, et qui pour son compte avait quelques obligations à Bertrand, le sauva des mains de l'inquisition. Comme il aurait été inquiété à Vannes, M. D. L*** le prit avec lui, sachant qu'il n'y a pas au monde un homme plus sûr et plus honnête; mais vous sentez, Madame, qu'il ne doit plus se mêler désormais en rien de ce qui touche à la politique; vous parlerez donc à son fils quand on pourra ne pas s'en douter.
J'avais laissé parler Mme Brunet sans l'interrompre; je savais l'affaire de Vannes à peu près, et elle me fit du bien par ces détails, auxquels j'attachai aussitôt une espérance utile pour le moment. «Bertrand est sensible et bon, me disais-je; il n'a pas même voulu perdre une femme qui venait pour conspirer; eh bien! il m'aidera peut-être, il aura pitié de moi, moi qui veux dévouer ma vie pour sauver celle d'un héros malheureux!» Je fis promettre à Mme Brunet de m'amener Bertrand et son fils aussitôt que D. L*** serait rentré. Elle resta encore près de moi pendant un léger assoupissement, courte trêve de la fatigue et de la douleur, que j'interrompis bientôt par des cris d'horreur. Je venais d'entendre comme des soupirs d'agonie; il me semblait que j'étais inondée de sang.
Peu d'instans après, vers minuit, D. L*** arriva, avant qu'on eût encore pu calmer le délire qui m'avait saisie. La douloureuse condamnation du héros de la Moskowa venait d'être prononcée; il venait de rentrer dans sa prison, pouvant compter les heures qui lui restaient à vivre, et venait de s'endormir d'un paisible sommeil. D. L***, d'une pâleur horrible, violemment agité, cherchait à se contraindre.
«Eh bien!» lui dis-je, tenant mes yeux fixés sur les siens.
«—Rien de nouveau! répondit-il; tâchez de prendre quelque repos. Demain matin nous sortirons ensemble…» D. L*** avait prononcé ces mots avec un calme apparent qui ne m'en fit point pressentir le sens terrible. D. L*** me quitta fort tard. Je rappelai à Mme Brunet sa promesse; elle descendit aussitôt, mais revint seule, m'assurant que Bertrand viendrait le lendemain, mais que ce soir-là il était trop tard. Je me contentai d'autant mieux de cette réponse, que j'avais ressaisi un peu d'espérance à l'idée de ma sortie. Je ne me sentais ni le pouvoir ni le besoin du sommeil, et cette dernière nuit, d'une illusoire espérance, se passa à me livrer aux consolations de la bonne Mme Brunet, à écouter tout ce qu'elle voulait bien répéter de généreux, de grand; car il est des momens où tous les récits ont des charmes, toutes les voix de l'éloquence, tous les détails de l'intérêt. J'écoutais avidement une vieille et bonne femme, qui comprenait toute ma douleur, et qui n'ignorait pas la gloire de celui qui la causait. Ses traits d'héroïsme étaient venus jusqu'à elle. Mon coeur se flattait encore, et croyait voir des chances de grâce dans cet intérêt de tous entourant la gloire et l'infortune d'un seul. J'avais encore de l'or, j'en voulais offrir pour prix de cette dernière illusion. Oh! oui, j'aurais donné tout ce qui me restait au monde pour une de ces larmes d'une si touchante pitié.
La longueur d'une de ces premières nuits d'hiver finit par accorder un peu de sommeil à ma garde si dévouée. Vers six heures du matin, on frappe légèrement à la porte de la chambre. Je cours ouvrir… C'est D. L***. Il vient à moi, me prend la main, et avec une émotion que je ne lui avais jamais vue, et dont je ne l'eusse jamais cru capable, il me dit, après m'avoir forcée de m'asseoir: «Mon amie, ce moment vous deviendra la preuve que je suis fidèle à la parole donnée; l'exécution en est cruelle, mais vous et lui l'avez voulu… Mon amie… Ney est condamné. Il va périr, rien ne peut le sauver. Préparez-vous au dernier regard.»
Je ne répondis pas un mot; ma raison, ma vie étaient comme suspendues. Je regardais sans voir, mais j'agissais pour partir, j'agissais convulsivement; je sentais un besoin d'air, un besoin de larmes. Un si cruel désespoir n'en pouvait connaître le bienfait… D. L*** avait fait sortir Mme Brunet; il me prit la main… Je reculai en frissonnant, mais je ne la retirai pas.
«Ah! partons, par pitié! m'écriai-je.
«—Pauvre et chère amie! vous me faites tant de mal, je souffre tant de vos peines, que je tremble de les aggraver…» Ici je fis un mouvement qui épouvanta D. L***.
«—Quoi! m'écriai-je de nouveau; barbare! serait-il trop tard? M'auriez-vous si atrocement jouée! Quoi! il serait tombé sans m'avoir vue?… Mort! en emportant l'idée que j'aie pu manquer aux promesses de nos beaux jours?… Mort! en me croyant infidèle à son infortune?… D. L***, si vous m'avez privée de son dernier regard, arrachez-moi la vie, ou tremblez pour la vôtre…»
À ces derniers mots, je m'étais élancée vers la porte… Effrayé, il me dit: «Le maréchal respire encore, vous le verrez… Mais j'exige un serment, un serment sans lequel je vous retiens ici aujourd'hui, et… dans moins de deux heures, tout sera fini… Partons…, partons…, soumettez-moi vos sermens, je souscris à tout.» Je le prononçai, ce serment exigé, et D.. L*** me connaissait trop pour n'être pas certain que ma promesse de ne jamais le faire connaître sous son véritable nom serait sacrée.
Un fiacre nous attendait. D. L*** m'y fit monter; puis parla à l'homme qui était sur le siége. J'étais tombée comme anéantie sur la banquette de devant. Mes genoux se choquaient à blesser mes mains jointes étendues devant moi; je voulais parler, je ne pouvais articuler un mot. D. L*** était lui-même horriblement agité. Je ne voyais rien; mais sur le pont Louis XV, l'air plus vif qui me frappait le visage me fit lever les yeux, et j'éprouvai un mouvement de joie en pensant aux amis intrépides qui restaient au maréchal pour le sauver. On l'enlèvera, il ne périra point, me répétai-je bien bas, en croyant aller à la plaine de Grenelle. Hélas! j'oubliais que mes paroles pouvaient éveiller une affreuse prudence. Il m'était réservé, avant le moment funeste, de passer par toutes les alternatives de l'espérance et du désespoir. La voiture prit par la rue du Bac… «Où me conduisez-vous?
«—Laissez-vous guider, pauvre amie.» Nous entrâmes par la petite rue du Bac et par la rue Notre-Dame-des-Champs; D. L*** fit arrêter au bout, tout près du mur; il était alors plus de huit heures. Personne ne se trouvait là… Oh! que j'étais loin de pressentir le spectacle d'effroi et de douleur qui allait m'accabler! Mon coeur s'oppressait à ne pouvoir respirer, et je priai D. L*** de me faire descendre. «Plus tard, me dit-il, en fixant toujours ses regards vers la grille du Luxembourg.
Tout à coup il s'empare fortement de mes mains; et pâle, défiguré, me clouant à ma place: «Vous allez voir passer le maréchal, dit-il; c'est ici le lieu du dernier regard… N'oubliez jamais que vous m'en devez le déchirant bonheur.
«—Je le jure! pourvu que vous ayez enfin pitié de moi… Mais laissez… laissez… descendre…; le voilà!» tels furent mes cris d'agonie.
Ney descendait de voiture à la porte extérieure du Luxembourg; l'expression de son visage était de ce calme sans ostentation qu'il eut toujours sur les champs de bataille, en face des ennemis de la France, et il y avait quelque chose de plus doux. J'étais anéantie et glacée… Il regarda à droite et à gauche… Il cherchait le regard promis… Il le rencontra… Il dut entendre mes sanglots… Je tendis les bras vers lui, son regard me remercia… Puis il baissa légèrement la tête, comme s'il eût craint de communiquer, par un regard d'adieu, la contagion des proscrits aux coeurs fidèles et dévoués. À ce moment, je découvris le peloton… Je m'élançai par un mouvement convulsif… D. L*** me retint fortement. À l'instant même nous entendîmes le galop d'un cheval: «C'est sa grâce!» disait D. L*** avec un accent qui l'honore à mes yeux; et ayant eu plus de force contre la douleur que pour la joie, je tombai anéantie sur le bras qui avait peine à me soutenir… Ce n'était point la grâce… c'était le dernier ordre pour l'exécution… Je n'entendis plus qu'une détonation sourde; le froid de la mort engourdissait mes membres, j'étais immobile; mon ame seule était vivante… Oui, elle seule, et je compris son immortalité à l'excès de ma douleur…
D. L***, qui avait des intelligences partout, me conduisait alors à la Maternité, où il avait su me ménager la compatissante pitié d'une des Soeurs, qui m'avait placée dans une petite chambre… Bientôt le silence des vastes salles de l'hospice fut interrompu par des cris d'effroi; les femmes fuyaient comme devant un objet d'épouvante. «Hélas! nous disait la Soeur, c'est un objet d'éternelle pitié…» On venait d'apporter les restes sanglans du héros…
Dans l'excès du malheur, le sort m'avait donc ménagé une dernière faveur! La soeur Thérèse n'avait pris l'habit que pour suivre la plus noble des vocations, celle de secourir et de prier. Elle avait perdu un frère à la bataille de Montereau. Thérèse me pressait sur son coeur. Elle ne me consolait point; elle pleurait avec moi le héros tombé sans combattre… Pieuse et compatissante créature, elle me promit le bonheur de voir les restes, «qu'on croirait, disait-elle, endormis sur des trophées…» C'est entre ses mains que j'ai renouvelé mon serment à D. L***; il put emporter la certitude de mon inviolable silence. Soeur Thérèse me fit quitter une partie de mes vêtemens, pour m'habiller comme elle. Je revis ce qui restait de mortel de Michel Ney. Gamot…, qui oserait peindre les déchiremens de ton ame si belle? Quelle éloquence rendrait le désespoir déchirant qui, près du cercueil du héros, marquait la place que bientôt tu occuperais toi-même dans un tombeau?… Il n'est plus!… Le voilà étendu percé de balles… Et ce n'est point ici un champ de bataille. Ses restes mortels ne sont pas couverts des insignes de sa glorieuse carrière… Ici il y a des larmes… des sanglots. Quel coeur français en refuserait à une pareille infortune?
Adossée contre le mur en face du corps mutilé, je le regardais; je comptais les blessures. Je me sentis tout à coup, par cette cruelle contemplation, animée d'un délire féroce… Ah! sont-ce bien des larmes que tu demandes, murmurai-je?… Non, non, le noble sang qui coula toujours pour la France, ce sang demande… «des prières et des larmes!» me dit la douce voix de soeur Thérèse et cette voix si compatissante alla droit à mon coeur. Son visage, couvert de larmes, parlait si éloquemment le langage de la douleur, que la mienne s'y confondit… Elle chercha à détourner ma vue des restes glacés du héros; ses efforts étaient d'une adorable charité. Je posai ma tête affaiblie contre son coeur; mes pleurs, retenus long-temps dans mes yeux brûlans, s'échappèrent. J'étais à genoux près de l'humble et pieuse fille; son doux visage offrait le plus beau modèle d'une piété divine, de celle qui ne porte pas seulement sur ses lèvres la prière d'une ame religieuse, mais qui l'élève du fond du coeur au trône d'un Dieu qui pardonne. De grosses larmes coulaient aussi sur sa paupière; elle prit mes mains, et les unissant aux siennes, son rosaire se trouva dessus comme pour les enlacer. J'inclinai ma tête brûlante sur le signe révéré de notre salut devant les restes du héros, et du fond de mon ame s'échappa le voeu de ne vivre que dans une religion qui me laissait l'espoir d'obtenir des prières pour son ame immortelle, qu'escortent cent mille Français sauvés par son courage; une si glorieuse carrière, une si déplorable fin s'inscriront mieux qu'ici dans les plus éloquentes pages de l'histoire. On la redira d'âge en âge la terrible catastrophe d'une si haute infortune. Oh! pourquoi l'éternité n'a-t-elle pas quelques momens de clémence? Oh! si la tombe relâchait quelques instans sa proie… Ney, ombre illustre, avec quel regard assuré j'oserais dire mes souffrances à tes mânes sanglantes! J'ai accompli aux jours de deuil la promesse faite dans les jours de bonheur, le serment du cercueil est gravé dans mon ame; Ida, en y restant fidèle, en redisant tes nobles qualités, a pu espérer le pardon de ses erreurs…
Douze années ont passé sur la tombe du grand capitaine, et douze années de larmes auraient dû épuiser ma vie; mais la source s'en renouvelle par la puissance du souvenir et la religion du regret. Mes actions les plus indifférentes, la Providence se plaît encore à en faire autant d'hommages à une impérissable mémoire: par un rapprochement de pieuses circonstances que mon coeur n'a point cherchées, mais qui devient une des joies de mon éternelle douleur, c'est aujourd'hui, 7 décembre, que Michel Ney succomba, et c'est aujourd'hui, 7 décembre, qu'à mon retour du salut et des prières que je viens de déposer sur sa tombe; je trouve chez moi, sous le tableau qui reproduit des traits chéris, les dernières feuilles de mes mémoires, pour les corriger et les livrer à la bienveillance publique.
Soeur Thérèse, vous n'êtes point là pour recevoir les sanglots qui s'échappent d'un coeur dont toutes les blessures se rouvrent! vous n'êtes point là pour demander grâce en faveur d'une vie d'erreurs, au nom de tout ce que vous avez vu de souffrances et de tout ce que tous verriez encore de larmes! Je suis seule avec tout le poids de mes douleurs rajeunies. Mais de là-haut il me regarde, il m'entend peut-être: Michel Ney reconnaît que j'ai tenu toutes mes promesses, et que mes jours sont devenus une longue et fidèle prière sur son tombeau!
FIN DU SIXIÈME VOLUME.
NOTE DE L'AUTEUR.
La seule histoire complète du Procès du maréchal Ney, que l'on publia dans le temps, est due à un écrivain courageux; elle est terminée par le texte du jugement et la note qui le suit. Ces deux pièces complètent en quelque sorte l'histoire de la catastrophe du 7 décembre 1815.
«À onze heures et demie du soir l'audience publique a été rouverte.
«M. le président a dit: Appelez à haute voix les défenseurs.
«Les défenseurs étaient absens[6].
«On n'a pas fait venir l'accusé.
«M. le chancelier, président, a prononcé l'arrêt suivant:
«Vu par la chambre l'acte d'accusation dressé le 16 novembre dernier par MM. les commissaires du Roi, nommés par ordonnances de S. M. des 11 et 12 dudit mois, contre Michel Ney, maréchal de France, duc d'Elchingen, prince de la Moskowa, ex-pair de France, né à Sar-Louis, département de la Moselle, âge de quarante-six ans, taille d'un mètre soixante-treize centimètres, cheveux châtains-clairs, front haut, sourcils blonds, yeux bleus, nez moyen, bouche moyenne, barbe blonde-foncée, menton prononcé, visage long, teint clair; demeurant à Paris.
«Duquel acte d'accusation la teneur suit (suit la teneur de l'acte d'accusation);
«L'ordonnance de prise de corps rendue le 17 dudit mois de novembre contre ledit maréchal Ney;
«Le procès-verbal de signification tant de l'acte d'accusation que de la susdite ordonnance de prise de corps faite audit maréchal Ney, accusé, le 18 dudit mois, et de remise de sa personne en la maison de justice du département de la Seine;
«Ouï les témoins cités à la requête du ministère public en leur déposition orale;
«Ouï également les témoins cités à la requête de l'accusé;
«Ouï le ministère public en ses conclusions motivées, et tendantes à ce que l'accusé soit déclaré coupable du crime qui lui est imputé, et condamné à la peine que la loi prononce pour le cas dont il s'agit;
«Ouï les défenseurs de l'accusé en leurs plaidoieries;
«Ouï également l'accusé en ses moyens de défense;
«La chambre, après en avoir délibéré, attendu qu'il résulte de l'instruction et des débats, que le maréchal Ney, prince de la Moskowa, est convaincu d'avoir, dans la nuit du 13 au 14 mars 1815, accueilli des émissaires de l'usurpateur; d'avoir, ledit jour 14 mars 1815, lu sur la place publique de Lons-le-Saulnier, département du Jura, à la tête de son armée, une proclamation tendant à l'exciter à la rébellion et à la désertion à l'ennemi; d'avoir immédiatement donné l'ordre à ses troupes de se réunir à l'usurpateur, et d'avoir lui-même à leur tête effectué cette réunion;
«D'avoir ainsi commis un crime de haute trahison et d'attentat à la sûreté de l'État, dont le but était de détruire ou de changer le gouvernement et l'ordre légitime de successibilité au trône;
«Le déclare coupable des crimes prévus par les articles 77, 87, 88 et 102 du Code pénal, et par les articles 1er et 5 du titre 1er de la loi du 21 brumaire an 5, et encore par l'art. 1er du titre 3 de la même loi;
«En conséquence, faisant application desdits articles, lesquels sont ainsi conçus, savoir:
«L'article 77: «Sera également puni de mort quiconque aura pratiqué des manoeuvres ou entretenu des intelligences avec les ennemis de l'État, à l'effet de faciliter leur entrée sur le territoire et dépendances du royaume de France, ou de leur livrer des villes, forteresses, places, postes, ports, magasins, arsenaux, vaisseaux ou bâtimens, appartenant à la France; ou de fournir aux ennemis des secours en soldats, hommes, argent, vivres, armes ou munitions; ou de seconder les progrès de leurs armes sur les possessions ou contre les forces françaises de terre ou de mer, soit en ébranlant la fidélité des officiers, soldats, matelots ou autres envers le Roi et l'État, soit de toute autre manière;»
«L'article 87: «L'attentat ou le complot contre la vie et la personne des membres de la famille royale;
«L'attentat ou le complot dont le but sera:
«Soit de détruire ou changer le gouvernement ou l'ordre de successibilité au trône;
«Soit d'exciter les citoyens ou habitans à s'armer contre l'autorité royale, seront punis de la peine de mort;»
«L'article 88: «Il y a attentat dès qu'un acte est commis ou commencé pour parvenir à l'exécution de ces crimes, quoiqu'ils n'aient pas été consommés;»
«L'article 102: «Seront punis comme coupables des crimes et complots mentionnés dans la présente section, tous ceux qui, soit par discours tenus dans des lieux ou réunions publics, soit par placards affichés, soit par des écrits imprimés, auront excité directement les citoyens ou habitans à les commettre;
«Néanmoins, dans le cas où lesdites provocations n'auraient été suivies d'aucun effet, leurs auteurs seront simplement punis du bannissement;»
«L'article 1er de la loi du 21 brumaire an 5: «Tout militaire ou autre individu attaché à l'armée et à sa suite, qui passera à l'ennemi sans une autorisation par écrit de ses chefs, sera puni de mort;»
«L'article 5: «Tout militaire ou autre individu attaché à l'armée ou à sa suite, qui sera convaincu d'avoir excité ses camarades à passer chez l'ennemi, sera réputé chef de complot, et puni de mort, quand même la désertion n'aurait point eu lieu;»
«L'article 1er, titre III: «Tout militaire ou autre individu, attaché à l'armée ou à sa suite, convaincu de trahison, sera puni de mort;»
«Condamne Michel Ney, maréchal de France, duc d'Elchingen, prince de la Moskowa, ex-pair de France, à la peine de mort; le condamne pareillement aux frais du procès;
«Ordonne que l'exécution aura lieu dans la forme prescrite par le décret du 12 mai 1793, et ce, à la diligence des commissaires du Roi;
«Et, conformément à la faculté accordée par l'ordonnance de Sa Majesté, en date du 12 novembre dernier, sera le présent arrêt prononcé publiquement, hors la présence de l'accusé, et en présence de ses conseils, ou eux appelés, et lu et notifié à l'accusé par le secrétaire-archiviste de la chambre des pairs, faisant les fonctions de greffier, à la diligence des commissaires du Roi.
Après le jugement, M. le procureur général a requis que, conformément à la loi du 24 ventôse, an 12, le condamné fût dégradé de la Légion-d'Honneur.
M. le président a prononcé que le maréchal Ney avait manqué à l'honneur, et a déclaré, au nom de la Légion-d'Honneur, qu'il avait cessé d'en être membre.
«Le présent arrêt sera imprimé et affiché à la diligence de MM. les commissaires du Roi.
«Fait et prononcé en chambre des pairs, à Paris, le 6 décembre 1815, en séance publique.»
* * * * *
«Le 7 décembre, à trois heures du matin, la garde du maréchal avait été remise à M. le maréchal de camp comte de Rochechouart, commandant de la place de Paris, qui avait été chargé par M. le lieutenant général Despinois, commandant la première division, d'après les ordres de MM. les commissaires du roi, d'assurer l'exécution de l'arrêt de la cour.
«À trois heures et demie, M. le chevalier Cauchy, secrétaire-archiviste de la Chambre des Pairs, remplissant les fonctions de greffier, s'est présenté dans la prison du maréchal, qui dormait profondément, pour lui lire son arrêt. Lorsque M. le chevalier Cauchy en vint à la lecture des titres et qualités du maréchal; celui-ci l'interrompit en lui disant: «Dites Michel Ney, et un peu de poussière…»
«Le maréchal entendit la lecture de l'arrêt avec le plus grand calme.
«Sur l'observation qui lui fut faite qu'il était le maître de faire ses adieux à sa femme et à ses enfans, il demanda qu'on leur écrivît de venir entre six et sept heures du matin. «J'espère, ajouta-t-il, que votre lettre n'annoncera point à la maréchale que son mari est condamné: c'est à moi à lui apprendre quel est mon sort.»
«M. Cauchy s'est alors retiré, et le maréchal se jeta tout habillé sur son lit. Il ne tarda pas à s'endormir.
«À quatre heures et demie du matin, il fut réveillé par l'arrivée de la maréchale accompagnée de ses enfans et de madame Gamot, sa soeur. Cette femme infortunée, en entrant dans la chambre de son mari, tomba roide sur le plancher; le maréchal, aidé de ses gardes, la releva; à un long évanouissement succédèrent des pleurs et des sanglots. Madame Gamot, à genoux devant le maréchal, n'était pas dans un état moins déplorable que sa soeur. Les enfans, sombres et silencieux, n'ont pas pleuré; l'aîné est âgé de onze à douze ans. Le maréchal leur a parlé assez long-temps, mais à voix basse. Tout à coup il s'est levé, et a engagé sa famille à se retirer.
«Resté seul avec ses gardes, il s'est promené dans sa chambre. Un de ses gardes, grenadier de Laroche-Jacquelin, lui a dit: «Maréchal, au point où vous en êtes, ne devriez-vous pas penser à Dieu? C'est toujours une bonne chose que de se réconcilier avec Dieu.» Le maréchal s'arrêta, le regarda; et, après un moment de silence, il lui dit: «Vous avez raison; oui, vous avez raison: il faut mourir en honnête homme et en chrétien: je désire voir M. le curé de Saint-Sulpice.» Ce brave grenadier ne se le fit pas dire deux fois; l'ordre fut donné, et le curé de Saint-Sulpice ne tarda pas à être introduit dans la chambre du maréchal. Il resta enfermé trois quarts d'heure avec lui. Lorsqu'il se retira, le maréchal lui témoigna le désir de le revoir à ses derniers momens. Ce vertueux ecclésiastique lui tint parole. À huit heures et demie il était de retour. À neuf heures le maréchal, averti que le moment était arrivé, a descendu d'un air ferme et tranquille, au milieu de deux lignes de militaires, les degrés de l'escalier du palais du Luxembourg. Une voiture l'attendait à la porte du jardin; M. le curé de Saint-Sulpice y est monté avec lui, et le maréchal lui a dit: «Montez le premier, monsieur le curé; je serai plus vite que vous là-haut.» Arrivé à la grille qui donne du côté de l'Observatoire, le maréchal a mis pied à terre et s'est allé placer plus loin, en face des vétérans commandés pour l'exécution de l'arrêt.
«Sur la proposition faite au maréchal de lui bander les yeux et de se mettre à genoux, il a répondu: «Ignorez-vous que depuis vingt-cinq ans j'ai l'habitude de regarder en face la balle et le boulet?» Il a ajouté: «Je proteste devant Dieu et la patrie, contre le jugement qui me condamne. J'en appelle aux hommes, à la postérité, à Dieu: Vive la France!»
«Les vétérans ayant reçu l'ordre de tirer, le maréchal leur a crié, en mettant la main sur son coeur: «Soldats, hâtez-vous et tirez là.» Les vétérans ont fait feu.
«Ainsi périt, le 7 décembre 1815, et dans sa quarante-septième année, un guerrier dont les exploits retentirent pendant vingt-cinq ans dans toute l'Europe. Sa mort n'effacera point sa vie; et l'histoire conservera soigneusement le souvenir des hauts faits qui l'ont illustrée.»
FIN DE LA NOTE.
NOTES
[1: Tancrède, tragédie de Voltaire.]
[2: Le pouvoir ténébreux.]
[3: Non pas la noble et courageuse épouse que la postérité classera parmi les modèles d'amour conjugal; mais celle qui fut compromise dans les troubles de 1816, à Lyon, dont l'époux fut conduit au château d'If, et qui alla plus tard, avec son épouse et ses enfans, chercher une patrie au delà des mers.]
[4: La cassette dont je parle ici resta entre les mains de D. L*** jusqu'au mois de juillet 1825. Je laisserai de côté tous les ennuis, toutes les tracasseries que me suscita l'orgueil blessé et la haine enfin déclarée de D. L***, après le fatal 7 décembre 1815; mais ayant vainement tout employé pour me décider, je me garderai de dire tout ce qu'il fit pour me forcer à la récompense; il lui plut de rappeler son long attachement, ce qui n'était tout simplement qu'une lâche spéculation, sûr moyen de contribuer à sa fortune politique. Je me dois de déclarer que, lorsque j'eus traité de la publication de mes Mémoires avec M. Ladvocat, mon premier soin fut de rembourser l'argent que D. L*** m'avait offert en 1815; et, quoiqu'il eût reçu de moi, long-temps avant, des sommes bien plus considérables, je lui ai porté, le 9 juillet 1825, 1325 francs en espèces, à son domicile, rue de la Paix! Par un trait digne de D. L***, après avoir reçu mon argent, il m'a encore retenu ma cassette jusqu'au mois d'octobre, et ne me l'a rendue qu'ouverte, me forçant de lui donner connaissance des papiers, et déchirant toutes les lettres où il était désigné par son nom, me faisant des menaces bien inutiles, car il me reste une terrible preuve si je voulais me venger: 1799 m'en laisse un infaillible moyen; mais que D. L*** soit tranquille: le 7 décembre 1815 est son égide contre ma juste indignation, et l'inviolable garant de mon silence.]
[5: Mme la maréchale Ney écrivit au duc d'Orléans, alors en Angleterre, pour le supplier d'intéresser une grande puissance en faveur de son époux; le prince répondit de la manière la plus honorable à cet appel fait à la générosité de son caractère. J'ai vu une copie de la lettre au régent, en 1817, entre les mains du duc de Kent, frère du roi d'Angleterre.]
[6: À six heures et demie ils s'étaient rendus dans la salle servant de prison au maréchal; celui-ci, voyant leur profonde affliction, leur dit, après les avoir embrassés: «Calmez-vous, mes chers amis; nous allons nous quitter, mais nous nous reverrons là-haut.»]