Mémoires du duc de Rovigo, pour servir à l'histoire de l'empereur Napoléon, Tome 1
NOTES
[1: Le général Reynier était chef d'état-major de l'armée du Rhin; il n'était pas connu du général Bonaparte, qui n'en avait entendu parler que depuis l'arrivée d'Augereau au commandement de l'armée du Rhin, et qui avait demandé au Directoire d'en retirer le général Reynier.]
[2: Le même qui depuis a commandé à Corfou et à la Martinique.]
[3: Les autres convois étaient composés et organisés de même.]
[4: Officier du génie qui avait perdu une jambe à l'armée de Sambre-et-Meuse; il perdit un bras au siége d'Acre en Syrie, et mourut regretté de l'armée et du général Bonaparte, qui ne cessait d'en parler, quand il voulait comparer le zèle de quelqu'un à quelque chose d'extraordinaire.]
[5: Ils en partirent aussitôt que notre flotte mit à la voile, et allèrent rejoindre l'amiral Nelson à Syracuse.]
[6: Il existe une distance assez grande, toute remplie de ruines et de décombres, entre l'enceinte de la ville et les maisons habitées.]
[7: En Égypte les récoltes de chaque village sont mises en commun, par tas, autour du village; chacun y prend le grain dont il a besoin; on n'y connaît pas les granges ni les greniers, et à peine empêche-t-on les oiseaux et les volailles de s'en gorger, parce que les enfans que l'on aposte pour les chasser sont le plus souvent à jouer ou à dormir.]
[8: Les mamelouks ne connaissaient point l'arme de l'infanterie, et regardaient comme déshonorant de combattre autrement qu'à cheval. Ils étaient excellens cavaliers, mais d'une ignorance complète sur tout ce qui concernait l'art de la guerre et la composition des armées.]
[9: Le mirage est un effet produit par l'ardeur du soleil, qui condense les vapeurs que la terre exhale, et les empêche de s'élever; elles forment un nuage qui tout le jour couvre la surface de la terre, et ressemble à une mer calme vue de loin. La nuit, elles tombent en rosées abondantes, en sorte qu'après le coucher du soleil on découvre de plus loin que pendant la chaleur du jour.]
[10: Gizé est un gros bourg situé sur la rive gauche du Nil, en face de l'île de Roda, qui est entre le Caire et la rive gauche. Ce bourg est clos par une bonne muraille qui se termine aux deux extrémités par le bord du fleuve.]
[11: Après que les Anglais furent maîtres d'Alexandrie, deux ans plus tard, ils firent sonder les passes du port, et ils trouvèrent que celle du milieu avait dans sa moindre profondeur cinq brasses d'eau. Si notre escadre n'avait pas perdu un mois sans chercher à s'en assurer, elle se serait sauvée et aurait été d'un grand poids dans les destinées de l'avenir.]
[12: Il est remarquable que ce vaisseau anglais était ce même Bellérophon, qui, constamment armé depuis ce temps, semblait destiné à poursuivre les débris de l'expédition d'Égypte jusque dans son auteur. C'est le même qui reçut l'Empereur seize ans après: il y avait encore à bord des matelots de cette époque, parce que ce vaisseau n'avait pas été désarmé pendant la paix d'Amiens.]
[13: La meilleure huile de rose d'Égypte se fait à Faouë.]
[14: Le medin ou parat est une petite pièce d'argent fortement allié avec du cuivre, et qui vaut deux liards; elle est ronde et large comme un très petit pain à cacheter, et en même temps si mince qu'on ne s'expose pas à les compter au vent, qui les disperserait.]
[15: Cheik, homme de la loi.]
[16: Bâtiment du Nil.]
[17: Le petit garçon entra dans l'escadron des mamelouks après l'évacuation de l'Égypte, et il fut tué le jour de la révolte de Madrid, le 2 mai 1808. Le capucin s'attacha à l'administration de l'armée.]
[18: On l'a sans doute appelé ainsi, parce que, dans cet endroit, le fleuve est si étroit qu'on a pu autrefois en arrêter la navigation par une chaîne tendue d'un bord à l'autre. Là, le Nil est d'une profondeur extrême: les gens du pays nous disaient naïvement qu'on n'en trouvait pas le fond.]
[19: Le pacha qui gouverne aujourd'hui l'Égypte a été occupé d'un projet qui ferait honneur au gouvernement le plus civilisé d'Europe. Il a fait venir d'Italie de jeunes ingénieurs qui avaient fait leurs cours à l'école fondée par Napoléon à Modène, et les a envoyés reconnaître la cataracte qui sépare l'Égypte de l'Éthiopie, et celle qui, cent cinquante lieues plus haut, sépare l'Éthiopie du royaume de Sennaar. Son but était de savoir si l'on pouvait faire disparaître ces cataractes et rendre le fleuve navigable. Le rapport des ingénieurs a été tout-à-fait favorable. L'énormité de la dépense a seule obligé le pacha à ajourner l'exécution de son projet, parce que, dans ce moment-là, il faisait recreuser le canal qui porte les eaux du Nil à Alexandrie, et que la plus grande partie de ses finances était absorbée par d'autres dépenses. S'il peut revenir un jour à cette pensée, et qu'elle s'exécute par lui ou ses successeurs, le Sennaar sera mis en communication avec la Méditerranée par une bonne route de navigation. Ce pays, qui est, comme l'Égypte, une vallée du Nil composée de terre d'alluvion, est fertile en coton et en plantes médicinales; il fournit en outre de la poudre d'or et des bois de construction magnifiques dont les montagnes sont couvertes; ce qui se comprend, parce qu'il pleut beaucoup dans le Sennaar, tandis qu'il ne pleut pas en Égypte. Un pareil projet, s'il s'exécute jamais, doublera la puissance du pacha et de l'Égypte.]
[20: Lettre adressée par le général Bonaparte au général Kléber, en partant d'Égypte pour retourner en France.
«Vous trouverez ci-joint, général, un ordre pour prendre le commandement en chef de l'armée. La crainte que la croisière anglaise ne reparaisse d'un moment à l'autre, me fait précipiter mon voyage de deux ou trois jours. J'emmène avec moi les généraux Berthier, Andréossy, Murat, Lannes et Marmont, et les citoyens Monge et Berthollet.
«Vous trouverez ci-joints les papiers anglais et de Francfort jusqu'au 10 juin. Vous y verrez que nous avons perdu l'Italie, que Mantoue, Turin et Tortone sont bloquées. J'ai lieu d'espérer que la première tiendra jusqu'à la fin de novembre. J'ai l'espérance, si la fortune me sourit, d'arriver en Europe avant le commencement d'octobre.
«Vous trouverez ci-joint un chiffre pour correspondre avec le gouvernement, et un autre chiffre pour correspondre avec moi.
«Je vous prie de faire partir, dans le courant d'octobre, Junot, ainsi que mes domestiques et tous les effets que j'ai laissés au Caire. Cependant je ne trouverais pas mauvais que vous engageassiez à votre service ceux de mes domestiques qui vous conviendraient.
«L'intention du gouvernement est que le général Desaix parte pour l'Europe dans le courant de novembre, à moins d'événemens majeurs.
«La commission des arts passera en France sur un parlementaire que vous demanderez à cet effet, conformément au cartel d'échange, dans le courant de novembre, immédiatement après qu'elle aura achevé sa mission. Elle est maintenant occupée à voir la Haute-Égypte; cependant ceux des membres que vous jugerez pouvoir vous être utiles, vous les mettrez en réquisition sans difficulté.
«L'effendi fait prisonnier à Aboukir est parti pour se rendre à Damiette. Je vous ai écrit de l'envoyer en Chypre; il est porteur, pour le grand-visir, d'une lettre dont vous trouverez ci-jointe la copie.
«L'arrivée de notre escadre de Brest à Toulon, et de l'escadre espagnole à Carthagène, ne laisse plus de doute sur la possibilité de faire passer en Égypte les fusils, les sabres, les pistolets, les fers coulés dont vous pourriez avoir besoin, et dont j'ai l'état le plus exact, avec une quantité de recrues suffisante pour réparer les pertes des deux campagnes.
«Le gouvernement vous fera connaître alors ses intentions lui-même; et moi, comme homme public et comme particulier, je prendrai des mesures pour vous faire avoir fréquemment des nouvelles.
«Si, par des événemens incalculables, toutes les tentatives étaient infructueuses, et qu'au mois de mai vous n'eussiez reçu aucun secours ni nouvelles de France, et si, malgré toutes les précautions, la peste était en Égypte cette année, et vous tuait plus de quinze cents soldats, perte considérable, puisqu'elle serait en sus de celle que les événemens de la guerre vous occasionneront journellement, je pense que, dans ce cas, vous ne devez pas hasarder de soutenir la campagne, et que vous êtes autorisé à conclure la paix avec la Porte ottomane, quand même la condition principale serait l'évacuation de l'Égypte. Il faudrait seulement éloigner l'exécution de cette condition jusqu'à la paix générale.
«Vous savez apprécier aussi bien que moi combien la position de l'Égypte est importante à la France: cet empire turc, qui menace ruine de tous côtés, s'écroule aujourd'hui, et l'évacuation de l'Égypte serait un malheur d'autant plus grand, que nous verrions de nos jours cette belle province passer en des mains européennes.
«Les nouvelles des succès ou des revers qu'aura la république doivent aussi entrer puissamment dans vos calculs.
«Si la Porte répondait, avant que vous eussiez reçu de mes nouvelles de France, aux ouvertures de paix que je lui ai faites, vous devez déclarer que vous avez tous les pouvoirs que j'avais, et entamer les négociations persistant toujours dans l'assertion que j'ai avancée, que l'intention de la France n'a jamais été d'enlever l'Égypte à la Porte; demander que la Porte sorte de la coalition, et nous accorde le commerce de la mer Noire; qu'elle mette en liberté les prisonniers français, et enfin six mois de suspension d'armes, afin que, pendant ce temps-là, l'échange des ratifications puisse avoir lieu.
«Supposant que les circonstances soient telles que vous croyiez devoir conclure un traité avec la Porte, vous ferez sentir que vous ne pouvez pas le mettre à exécution qu'il ne soit ratifié; et, suivant l'usage de toutes les nations, l'intervalle entre la signature d'un traité et sa ratification doit toujours être une suspension d'hostilités.
«Vous connaissez, citoyen général, quelle est ma manière de voir sur la politique intérieure de l'Égypte: quelque chose que vous fassiez, les chrétiens seront toujours nos amis. Il faut les empêcher d'être insolens, afin que les Turcs n'aient pas contre nous le même fanatisme que contre les chrétiens, ce qui nous les rendrait irréconciliables; il faut endormir le fanatisme, afin qu'on puisse le déraciner. En captivant l'opinion des grands cheiks du Caire, on a l'opinion de toute l'Égypte; et de tous les chefs que ce peuple peut avoir, il n'y en a aucun de moins dangereux que les cheiks, qui sont peureux, ne savent pas se battre, et qui, comme tous les prêtres, inspirent le fanatisme sans être fanatiques.
«Quant aux fortifications, Alexandrie, El-Arich, voilà les clefs de l'Égypte. J'avais le projet de faire établir cet hiver des redoutes de palmiers, deux depuis Salahié à Catiëh, deux de Catiëh à El-Arich; l'une se serait trouvée à l'endroit où le général Menou a trouvé de l'eau potable.
«Le général Samson, commandant du génie, et le général Songis, commandant de l'artillerie, vous mettront chacun au fait de ce qui regarde sa partie.
«Le citoyen Poussielgue a été exclusivement chargé des finances. Je l'ai reconnu travailleur et homme de mérite. Il commence à avoir quelques renseignemens sur le chaos de l'administration de l'Égypte.
«J'avais le projet, si aucun nouvel événement ne survenait, de tâcher d'établir cet hiver un nouveau mode d'imposition, ce qui nous aurait permis de nous passer à peu près des Cophtes; cependant, avant de l'entreprendre, je vous conseille d'y réfléchir long-temps: il vaut mieux entreprendre cette opération un peu plus tard qu'un peu trop tôt.
«Des vaisseaux de guerre français paraîtront indubitablement cet hiver à Alexandrie, Bourlos ou Damiette. Faites construire une bonne tour à Bourlos; tâchez de réunir cinq ou six cents mamelouks, que, lorsque les vaisseaux français seront arrivés, vous ferez en un jour arrêter au Caire et dans les autres provinces, et embarquer pour la France. Au défaut de mamelouks, des otages d'Arabes, des cheiks-belets, qui, pour une raison quelconque, se trouveraient arrêtés, peuvent y suppléer. Ces individus, arrivés en France, y seront retenus un ou deux ans, verront la grandeur de la nation, prendront quelques idées de nos moeurs et de notre langue, et, de retour en Égypte, y formeront autant de partisans.
«J'avais déjà demandé plusieurs fois une troupe de comédiens; je prendrai un soin particulier de vous en envoyer. Cet article est très important pour l'armée, et pour commencer à changer les moeurs du pays.
«La place importante que vous allez occuper en chef va vous mettre à même enfin de déployer les talens que la nature vous a donnés. L'intérêt de ce qui se passe ici est vif, et les résultats en seront immenses pour le commerce, pour la civilisation; ce sera l'époque d'où dateront de grandes révolutions.
«Accoutumé à voir la récompense des peines et des travaux de la vie dans l'opinion de la postérité, j'abandonne avec le plus grand regret l'Égypte. L'intérêt de la patrie, sa gloire, l'obéissance, les événemens extraordinaires qui viennent de se passer, me décident seuls à passer au milieu des escadres ennemies pour me rendre en Europe. Je serai d'esprit et de coeur avec vous; vos succès me seront aussi chers que ceux où je me trouverai en personne; et je regarderai comme mal employés tous les jours de ma vie où je ne ferai pas quelque chose pour l'armée dont je vous laisse le commandement, et pour consolider le magnifique établissement dont les fondemens viennent d'être jetés.
«L'armée que je vous confie est toute composée de mes enfans; j'ai eu dans tous les temps, même au milieu de mes plus grandes peines, des marques de leur attachement. Entretenez-les dans ces sentimens; vous le devez à l'estime toute particulière que j'ai pour vous, et à l'attachement vrai que je leur porte.
«BONAPARTE.»]
[21: Le premier qui y fut envoyé fut le chef de bataillon Morand, du quatre-vingt-huitième régiment; il était déjà distingué dans l'armée à cette époque, et annonçait devoir être un jour ce qu'il est effectivement devenu depuis, un des lieutenans-généraux les plus distingués de l'armée de l'Empereur.]
[22: Cet émigré est venu depuis demander du service à l'Empereur, et sert aujourd'hui dans l'armée du roi de France.]
[23: Par la suite, cette vivandière est devenue la protectrice des établissemens chrétiens de la Syrie, qui lui ont dû de grands services.
Sous le consulat, on s'est servi d'elle, et on lui a donné les moyens de soutenir son crédit.]
[24: Il avait lieu de se tourmenter, car il se rappelait bien ce qu'il avait écrit au Directoire après le départ du général Bonaparte. On m'a de plus assuré qu'à la mort de Kléber, le général Menou avait trouvé dans ses papiers une lettre du général Moreau, qui ne laissait aucune équivoque sur les intelligences de Kléber et de ce général pour ruiner la puissance du premier consul; mais je ne puis le croire, parce que la mort de Kléber est survenue trop tôt pour que cette intelligence ait pu s'établir.]
[25: J'ai vu depuis des officiers de la marine anglaise qui m'ont assuré que les deux frégates avaient bien été aperçues, mais que l'amiral les avait prises pour celles de son escadre, attendu qu'elles gouvernaient sur lui, et qu'il savait que nous n'en avions qu'une dans toute la Méditerranée; encore était-elle dans Toulon. Il était bien loin d'imaginer que celles qu'il discernait eussent le général Bonaparte à bord.]
[26: Ces détails m'ont été donnés pendant mon administration publique.]
[27: Un des officiers de l'armée dont j'ai entendu le général Bonaparte se louer le plus à l'occasion du 18 brumaire, est le général Sébastiani; colonel à cette époque du neuvième régiment de dragons, il comptait sous ses ordres mille cavaliers qui tous avaient servi en Italie. Le général Bonaparte lui fit part de son projet, avant de sonder les autres colonels de la garnison. Non content de se prêter à ses vues, Sébastiani se chargea de lui amener une foule d'officiers que le Directoire laissait dans le dénûment.
Au signal donné, Sébastiani brûla le premier son vaisseau en distribuant à ses dragons dix mille cartouches à balles qui étaient déposées chez lui, et qui ne pouvaient être délivrées que sur un ordre du commandant de Paris. Il fit monter son régiment à cheval, et le conduisit dans la rue de la Victoire pour servir d'escorte au général Bonaparte, qui partait pour Saint-Cloud. Celui-ci passa dans les rangs des dragons et voulut leur adresser quelques paroles. «Nous ne demandons pas d'explication, lui répliquèrent ces braves. Nous savons que vous ne voulez que le bien de la France. Comptez sur nous.» L'exemple de ce régiment servit à décider les autres.
Dans la suite, la calomnie s'attacha au général Sébastiani et voulut le perdre dans l'esprit de son souverain, mais celui-ci répondit sans cesse: «Je n'oublierai jamais le 18 brumaire, il m'a fait connaître mes amis.»]
[28: On a prétendu que ce fait était faux. J'ai même entendu dire à des compatriotes du député qu'on en chargea qu'il était incapable de se porter à un tel excès.
L'opinion contraire était néanmoins si bien établie, qu'il fut obligé de se retirer à Livourne, d'où il en appela à l'équité du premier consul. «Vous savez mieux que personne, lui dit-il dans sa lettre, combien l'accusation dont je me plains est peu fondée.»
Le premier consul ne lui répondit pas; mais je ne lui ai jamais entendu dire qu'il eût remarqué le geste qu'on attribue à ce député. Toutefois, j'ai vu le grenadier honoré pour son dévoûment et gratifié d'une pension qu'il n'a perdue qu'en 1815.]
[29: Georges Cadoudal était né à Auray près de Lorient. Il avait été ecclésiastique avant la révolution et peu estimé dans la prêtrise. Hypocrite dangereux, incapable d'obéissance, ambitieux à l'excès, il ne détestait pas moins les nobles que les républicains. Napoléon avait dit avec raison que c'était une bête féroce. Du reste, il était doué d'un grand courage moral et physique et ne manquait pas d'une certaine capacité. Au total il méritait de mieux finir qu'il n'a fait.]
[30: La deuxième division du général Desaix, celle du général Monnier, avait été dirigée la veille sur Castel-Seriolo, à la droite de l'armée.]
[31: Il n'avait que deux cents hussards du premier régiment.]
[32: Le général Berthier a fait faire le tableau de cette bataille. Le peintre, officier de l'armée, est sans nul doute un homme de grand talent; mais il a obéi aux règles de son art, il a transporté la charge sur le flanc droit de la colonne, tandis que c'est sur le flanc gauche qu'elle a eu lieu. Cela ne fait rien au mérite du tableau; ce n'est que dans l'intérêt de la vérité historique que je fais cette observation.]
[33: Suchet commandait quelques bataillons sur le Var, avec lesquels il avait couvert la Provence pendant le siége de Gênes.]
[34: J'y rencontrai le général autrichien Saint-Julien, qui se rendait d'Italie à Paris, sous l'escorte d'un aide-de-camp de Masséna.]
[35: Le général Clarke était issu d'une famille irlandaise réfugiée en France avec les Stuarts. Il entra de bonne heure dans la maison du duc d'Orléans en qualité de secrétaire, ce qui lui valut le grade de capitaine de remplacement au régiment de colonel-général des hussards, qui appartenait au duc.
Dans la révolution, il se plia aux principes politiques de ce prince. Devenu par l'ordre du tableau lieutenant-colonel du deuxième régiment de cavalerie, il fut employé sous M. de Custine à l'armée du Rhin, et fit en cette qualité la première retraite de Mayence à Weissembourg. Après le départ de ce général, qui avait été appelé au commandement du Nord, les représentant du peuple élevèrent Clarke aux fonctions de chef d'état-major; mais ces proconsuls, qui chaque jour prenaient les déterminations les plus bizarres, le destituèrent presqu'aussitôt, et le renvoyèrent à vingt lieues des frontières. La révolution qui avait constitué le Directoire le réhabilita. Clarke fut mis à la tête du bureau topographique de la guerre. Il en dirigeait le travail, et n'ignorait rien de ce qui concernait les dispositions militaires de la république.
Le Directoire, ayant pris ombrage du général Bonaparte, envoya Clarke en Italie, sous prétexte de chercher à ouvrir des communications avec Vienne. Son objet n'était pas de le faire accréditer, mais d'avoir au quartier-général un agent sûr, qui lui rendît compte des dispositions politiques du général en chef.
En conséquence, Clarke passa les monts, et fut momentanément remplacé au bureau topographique par le général Dupont, avec lequel il correspondait. (Je parlerai plus tard de cette correspondance que j'ai eue dans les mains.) Le général Bonaparte ne se méprit pas sur la mission de cet officier. Il mit son secrétaire en campagne, et ne tarda pas à acquérir la preuve de ce qu'il n'avait fait que soupçonner. Il manda l'émissaire, et le fit expliquer. Clarke ne chercha pas à dissimuler; il avoua tout, et engagea au général de l'armée d'Italie la foi qu'il avait déjà promise au Directoire. Il ne se crut pas néanmoins obligé de renoncer aux rapports qu'il faisait passer à Paris. Il continua de correspondre avec Dupont, auquel il se garda bien de confier la manière dont il avait été accueilli, et lui transmit régulièrement des notes sur les vues et les projets du général en chef. Le Directoire, cependant, ne fut pas long-temps dupe de l'artifice. Le 18 fructidor eut lieu, et Clarke fut destitué. Généreux pour l'observateur en disgrâce, le général Bonaparte le couvrit de sa puissance, et le garda en Italie jusqu'au moment où il repassa les monts. Il l'avait sauvé des rigueurs du Directoire après les négociations de Campo-Formio, il le sauva de l'indigence après les événemens de Saint-Cloud. Le 18 brumaire consommé, il le tira d'une petite terre où il vivait près de Strasbourg, et l'appela par le télégraphe auprès de sa personne. Il lui rendit son bureau topographique, le logea, l'établit aux Tuileries, et l'employa dans toutes les circonstances qui pouvaient flatter son ambition. Il le nomma plus tard ambassadeur, le fit gouverneur de Vienne, de Berlin, ministre de la guerre, duc; enfin, à son mariage, il le dota de sa cassette. Voilà ce que Clarke reçut à ma connaissance de la munificence de Napoléon. La suite de ces Mémoires nous dira ce qu'il fit au jour du danger pour son bienfaiteur.]
[36: «Sa Majesté n'a consenti à ne plus occuper l'île de Malte qu'à la condition expresse de son indépendance de la France, ainsi que de la Grande-Bretagne. Le seul moyen d'y parvenir est de la placer sous la garantie ou protection de quelque puissance en état de la maintenir. Sa Majesté ne persistera point à vouloir entretenir garnison anglaise dans cette île, jusqu'à l'établissement du gouvernement de l'ordre de Saint-Jean. Elle sera prête au contraire à l'évacuer dans le délai qui sera fixé pour les mesures de ce genre en Europe, pourvu que l'empereur de Russie, comme protecteur de l'ordre, ou toute autre puissance reconnue par les parties contractantes, se charge efficacement de la défense et de la sûreté de Malte.»
«HAWKESBURY.»]
[37: Plusieurs jeunes gens perdus par la fréquentation de la mauvaise compagnie se virent conduits à l'échafaud.]
[38: Cet aide-de-camp arriva heureusement à Alexandrie, mais après la mort de Kléber.]
[39: Paris, le 11 ventose an IX de la république française.
«Le chef de brigade Savary partira en toute diligence pour se rendre à Lorient; il remettra la lettre du ministre de la marine au préfet maritime. Il restera dans cette ville jusqu'à ce que l'Argonaute, l'Union et une des trois frégates soient partis pour Rochefort. Il verra tous les jours le préfet maritime et le contre-amiral Ledoux pour en presser le départ, après quoi il se rendra à Rochefort, où il restera jusqu'après le départ de l'escadre. Dans l'un et l'autre port, il m'écrira tous les soirs pour me faire connaître l'état des approvisionnemens et de l'armement, quel aura été le vent et l'état des croisières.
«Lorsque l'état des croisières sera douteux, il se mettra lui-même en mer, ou ira sur des caps pour connaître lui-même la force et le nombre des vaisseaux.
«Toutes les fois qu'il y aura un événement extraordinaire, il pourra m'expédier un courrier.
«À la seconde dépêche qu'il m'écrira de Lorient, il me fera connaître l'état de situation de tous les vaisseaux en construction, et ce qu'il faudra pour l'activer.
«En arrivant au port, il aura toujours soin de faire une visite au préfet maritime, au commandant de la place, au sous-préfet et au maire.
«Dans tous les lieux où il séjournera, il prendra des notes sur les principaux fonctionnaires publics et sur l'état de l'esprit public.
«Avant de partir, il verra le ministre de la marine.»
Signé, BONAPARTE.]
[40: Il avait servi à l'armée de Sambre-et-Meuse et est mort à la Guadeloupe.]
[41: Cet événement amena, comme je l'ai déjà dit, le changement du ministère en Angleterre. Rien n'avait pu vaincre les répugnances de M. Pitt à se rapprocher de ce qu'il persistait à appeler la révolution française: aussi se retira-t-il du ministère; mais il fit nommer à sa place M. Addington, qui était sa créature et ne devait se conduire que d'après ses directions. M. Pitt ne renonçait pas à l'espérance de renouer une coalition, et il fut y travailler dans l'ombre de sa retraite. Il avait surtout besoin de quelques mois de repos pour se mettre en rapport avec les ministres des puissances qui avaient été successivement placées dans la nécessité de faire la paix avec la France. Il fondait ses espérances principales sur la Russie, et ce fut la paix conclue entre la France et cette puissance qui le força de consentir à la paix de l'Angleterre et de la France: aussi mit-il un soin infini à obtenir une copie du traité conclu entre Paul et le premier consul; il se la procura d'abord à Paris par des infidélités, et ensuite par des moyens semblables à Pétersbourg. Ce fut lorsque la confrontation de ces deux pièces ne lui eut plus permis de douter qu'on ne le trompait pas, qu'il traça de nouveaux plans pour l'avenir.]
[42: D'après cette convention, la colonie était remise aux troupes envoyées de la métropole pour l'occuper, et Toussaint et les siens devaient se retirer chacun chez eux pour y vivre en paix sous les ordres des généraux qui allaient être nommés pour commander dans les contrées où se trouvaient leurs demeures.
La même convention stipulait que les troupes noires seraient conservées pour le service de la colonie, et continueraient à garder leurs armes, qui étaient les fusils que leurs chefs avaient pris dans les arsenaux du Cap et du Port-au-Prince, au moment où les Européens avaient dû évacuer ces points.
Il fut de même convenu que ces troupes entreraient en garnison avec les blanches, et seraient en tous points traitées comme elles.]
[43: Morte depuis princesse Borghèse.]
[44: Madame Bernadotte était soeur de madame Joseph Bonaparte.]
[45: Il vécut dix ans dans la disgrâce avant d'être réemployé et fut tué à la bataille de Leipsick.]
[46: Les médecins avaient ordonné cet exercice au premier consul. Il avait alors une petite meute de chasse, mais qui n'avait rien de semblable à ce qu'on voit aujourd'hui.]
[47: Ancien instituteur de l'empereur Alexandre.]