Mémoires pour servir à l'Histoire de mon temps (Tome 4)
Le prince Esterhazy, qui a vu lord Palmerston aujourd'hui, a mis en avant le défaut d'instructions de sa cour, pour éviter de se prononcer sur tous les nouveaux projets qui lui étaient soumis, et particulièrement sur l'envoi d'un corps autrichien en Syrie; mais évidemment, il est convaincu que le plan du cabinet russe sera approuvé par le cabinet de Vienne.
La restitution de la flotte ottomane est maintenant confondue avec la question générale. Lord Palmerston renonce à l'en détacher.
Lord Palmerston, à qui j'ai demandé où aurait lieu la signature de la convention qu'il venait de m'analyser, m'a répondu: «Je n'y avais pas songé, mais à Londres si l'on veut.»
Agréez, etc.
H. SÉBASTIANI.
28° Le général Sébastiani au maréchal Soult.
Londres, 3 octobre 1839.
Monsieur le maréchal,
Le cabinet anglais n'adhère point aux propositions du cabinet impérial présentées par M. le baron de Brünnow. Lord Palmerston a déclaré ce matin à l'envoyé russe que la France ne pouvait consentir pour sa part à l'exclusion des flottes alliées de la mer de Marmara dans l'éventualité de l'entrée des forces russes dans le Bosphore, et que l'Angleterre ne voulait point se détacher de la France avec laquelle elle avait marché avec une parfaite union depuis l'origine de la négociation.
Cela posé, au lieu de la convention originairement présentée par le cabinet impérial, lord Palmerston propose un acte entre les cinq puissances, par lequel elles régleraient leur part d'action dans la crise actuelle des affaires d'Orient, mais sans privilège acquis au pavillon russe à l'exclusion des pavillons français, anglais et autrichien. La Russie, en cas de résistance de Méhémet-Ali aux conditions qui lui seront proposées, s'engagerait à se servir de ses troupes en Asie Mineure, mais en deçà du Taurus. L'indépendance et l'intégrité de l'empire ottoman dans la dynastie régnante seraient stipulées pour le plus long espace de temps possible; enfin la clôture des détroits deviendrait un principe de droit public européen.
Telle est l'importante modification apportée aux propositions russes par le cabinet britannique…
De l'acte européen que je viens d'analyser, passant aux conditions mêmes de l'arrangement à intervenir entre le sultan et le pacha, lord Palmerston, pressé à la fois et par mon argumentation et par le désir que je crois sincère de faire acte de déférence envers la France, lord Palmerston a consenti, après une longue discussion, à ajouter à l'investiture héréditaire de l'Égypte en faveur de Méhémet-Ali, la possession également héréditaire du pachalik d'Acre. La ville seule d'Acre demeurerait à la Porte et la frontière partirait du glacis de la place dans la direction du lac Tabarié. La Porte recouvrerait tout le reste de la Syrie, y compris les villes saintes, considération d'un poids énorme aux yeux du cabinet anglais. Cette seconde concession, Monsieur le maréchal, repose, je dois le dire, sur la donnée que le gouvernement du Roi, une fois d'accord avec ses alliés sur les limites territoriales de l'arrangement, acceptera sa part d'action pour y contraindre Méhémet-Ali en cas de refus.
Cette nouvelle situation est le résultat de nos efforts persévérants pour ramener le cabinet anglais au point de vue de la France sur la question d'Orient. Sans doute, le retour n'est point aussi complet que nous pourrions le désirer; mais il y a un immense pas de fait; je crains, je l'avoue, que ce ne soit le dernier.
J'ai demandé comment le baron de Brünnow avait reçu l'annonce d'une aussi grave modification dans les premières dispositions du cabinet britannique. Lord Palmerston m'a dit qu'il avait pris les propositions nouvelles ad referendum. Son désappointement a dû être vif.
Lord Palmerston me paraît se flatter que nous amènerons la Russie à adhérer à l'acte européen qu'il propose. Je ne vois pas les données sur lesquelles il base cette confiance; mais quoi qu'on fasse à Saint-Pétersbourg, il n'en est pas moins de la dernière importance d'avoir arrêté ici tout arrangement en dehors de la France, et ramené le cabinet anglais à son premier sentiment du besoin de notre alliance.
Veuillez agréer, etc.
H. SÉBASTIANI.
29° Le général Sébastiani au maréchal Soult.
Londres, 10 octobre 1839.
Monsieur le maréchal,
J'ai donné lecture à lord Palmerston de la dernière dépêche de Votre Excellence. Il avait été déjà directement préparé par M. Bulwer à la nouvelle que la concession du pachalik d'Acre n'était pas jugée suffisante par le gouvernement du Roi. Cette nouvelle l'a rejeté de suite dans son ancien système d'argumentation. Je n'ai laissé aucune de ses objections sans réponse; mais j'ai pu facilement me convaincre aujourd'hui que ce serait une tâche presque sans espoir d'essayer d'obtenir quelque chose de plus que celle dernière concession. Lord Palmerston m'a fait valoir le sacrifice fait à l'espoir de renouer ses premiers liens avec la France, et il m'a donné clairement à entendre que, si le cabinet anglais se trouvait déçu dans cette tentative, il serait nécessairement forcé de chercher ailleurs l'appui qu'il ne trouverait pas en nous.
Rien ne se fera ici avant qu'on connaisse d'une manière positive et formelle les dernières déterminations du gouvernement du Roi… Mon impression est que le cabinet anglais reviendra aux premières propositions de la Russie, si les dernières concessions sont repoussées.
Le baron de Brünnow s'embarque le 13 pour Rotterdam.
Veuillez agréer, etc.
H. SÉBASTIANI.
30° Le maréchal Soult au général Sébastiani.
Paris, le 9 décembre 1839.
La nouvelle que vous me donnez du prochain retour à Londres de M. de Brünnow, muni de pleins pouvoirs pour signer une convention qui réglerait sur un pied d'égalité les rapports de protection des puissances à l'égard de la Porte, a excité, comme vous pouvez le croire, la plus sérieuse attention du gouvernement du Roi. Nous attendons impatiemment les détails. S'ils sont tels, en effet, que doit le faire supposer le langage de lord Palmerston, si par conséquent ils emportent, de la part de la Russie, une renonciation effective à la position exceptionnelle qu'elle s'attribuait à Constantinople, si l'addition d'aucune clause secrète ou indirecte ne vient paralyser d'un autre côté les concessions que semble faire le cabinet de Saint-Pétersbourg, je n'ai pas besoin de vous dire que la détermination de ce cabinet, quel qu'en puisse avoir été le motif, nous causera une très-vive satisfaction. Elle nous donnera en effet gain de cause sur le point qui nous a paru constamment le plus important dans la question d'Orient; elle nous amènera un résultat que nous avions déjà eu en vue et que depuis quelque temps nous désespérions d'obtenir. Vous savez en effet que, dès le principe de la négociation, nous nous sommes attachés à en faire sortir l'annulation du protectorat exclusif exercé par la Russie sur le sultan, et que nous avions signalé ce but à nos alliés comme celui qu'on devait s'efforcer d'atteindre par tous les moyens. Nous avons dit et répété sans cesse que c'était surtout à Constantinople qu'il fallait garantir l'indépendance de la Porte, que le noeud de la difficulté était là. Ce n'est pas notre faute si, en s'opiniâtrant trop longtemps à le voir là où il n'était pas, dans la question, relativement secondaire pour l'Europe, des rapports du sultan avec le vice-roi, on a multiplié les complications et les embarras au point de les rendre presque insolubles. Il est enfin permis d'espérer qu'on va entrer dans la bonne voie; certes, ce n'est pas nous qui y mettrons obstacle; et je vous le répète, si les propositions de la Russie sont telles qu'on vous l'a dit, si elles ne contiennent rien de plus, rien au moins qui en altère la portée, je suis prêt à vous envoyer l'autorisation d'y accéder formellement. Je vais plus loin: le gouvernement du Roi, reconnaissant avec sa loyauté ordinaire qu'une convention conclue sur de telles bases changerait notablement l'état des choses, y trouverait un motif suffisant pour se livrer à un nouvel examen de l'ensemble de la question d'Orient, même dans les parties sur lesquelles chacune des puissances semblait avoir trop absolument arrêté son opinion pour qu'il fût possible de prolonger la discussion.
Telle est, Monsieur le comte, l'impression que nous avons reçue de l'importante nouvelle que vous venez de me transmettre. Je ne dois pas vous cacher au surplus que j'ai plutôt le désir que l'espoir d'en apprendre bientôt l'entière confirmation. Je crains, je l'avouerai, que les propositions confiées à M. de Brünnow ne contiennent quelque clause insidieuse dont l'existence rendrait notre adhésion impossible, et sans doute aussi déterminerait un nouveau refus de la part du cabinet de Londres. Ce qui me confirme dans cette inquiétude, c'est l'impossibilité que j'éprouve à me rendre compte des motifs qui pourraient décider le gouvernement russe à une concession juste et raisonnable sans doute, mais pour laquelle il avait jusqu'à présent manifesté une si invincible répugnance. Si l'on voulait même supposer que sa pensée est de se mettre en mesure d'accorder, de concert avec l'Angleterre, une protection plus efficace à la Porte et d'imposer au vice-roi des conditions plus rigoureuses, cette conjecture se trouverait démentie par ce qui se passe à Constantinople. Reschid-Pacha a dit en effet à M. de Pontois que le cabinet de Saint-Pétersbourg engageait la Porte à traiter directement avec Méhémet-Ali et que M. de Tatitscheff en avait donné le conseil à Vienne à l'ambassadeur ottoman. Un semblable conseil, fort raisonnable en lui-même à notre avis, tant que la situation ne changera pas, n'en est pas moins très-extraordinaire de la part du gouvernement qui affecte de se placer dans des relations d'intimité avec l'Angleterre…. Lord Palmerston se prévaut, pour s'affermir dans ses idées, de l'adhésion qu'elles reçoivent du chancelier d'Autriche; je conçois la tactique qui le porte, lorsqu'il s'entretient avec vous, à présenter les choses sous cet aspect; mais j'ai peine à croire qu'il regarde réellement comme une adhésion les déclarations équivoques du cabinet de Vienne. L'Autriche, après avoir approuvé nos propositions, a fini par accéder en principe à celles de l'Angleterre, mais en rejetant les moyens de contrainte qui pouvaient seuls leur donner quelque réalité. Si c'est là une adhésion suffisante aux yeux de lord Palmerston, il n'est certes pas difficile à contenter, et nous serions pour le moins aussi fondés à prétendre que l'Autriche est entrée dans nos idées.
Quelques mots suffiront pour calmer les susceptibilités que lord Palmerston vous a laissé voir au sujet de la formation d'une escadre de réserve à Toulon. La nomination de M. l'amiral Rosamel n'a d'autre but que de donner éventuellement un chef supérieur à notre escadre commandée par deux officiers d'un grade égal, ce qui peut amener des inconvénients. Il n'est nullement question en ce moment d'augmenter nos forces navales, et si cela arrivait, nous ne manquerions pas d'en donner avis à nos alliés.
Les dernières nouvelles de Constantinople ont peu d'intérêt. Méhémet-Ali persiste dans toutes ses résolutions; il proteste qu'il ne renoncera pas à Adana, à moins qu'on n'en confie le gouvernement à un de ses fils: «C'est la clef de ma maison, dit-il, et je ne la remettrai qu'à un membre de ma famille.»
31° Le général Sébastiani au maréchal Soult.
Londres, 5 janvier 1849.
Monsieur le maréchal,
Ainsi qu'il me l'avait promis, lord Palmerston m'a donné lecture de la rédaction laissée entre ses mains par M. de Brünnow. Après l'avoir commentée et discutée dans ses détails, il s'était engagé à m'en envoyer copie aujourd'hui assez tôt pour que je pusse l'expédier ce soir à Paris et la prendre pour base du compte rendu de notre entretien. À la communication textuelle du libellé russe, lord Palmerston substitue une espèce de résumé fort incomplet, dont je vais essayer de combler les lacunes. J'ai suivi avec assez de soin la lecture d'hier pour me croire sûr de ne rien omettre d'important.
Pour donner un corps aux idées du cabinet de Saint-Pétersbourg, tout en évitant de leur imprimer un caractère officiel, la finesse de l'envoyé russe a eu recours à un expédient étrange: il les a consignées dans une dépêche officielle adressée à un autre agent de la Russie.
C'est au sujet de sa rencontre à Calais avec M. de Neumann que M. de Brünnow exprime à M. de Tatischeff la satisfaction que lui causent l'envoi de l'agent autrichien, l'accord entre les deux cours de Pétersbourg et de Vienne, dont cette mission est le gage, et l'espoir que M. de Neumann recevra les pouvoirs nécessaires pour concourir aux grands résultats que l'empereur son maître l'a chargé de poursuivre à Londres.
Vient alors le développement détaillé de la politique et du plan russes sur la question d'Orient.
La cour de Pétersbourg propose:
«Que le différend entre la Porte et le pacha soit définitivement réglé sous la garantie des puissances par un partage territorial;
«Que la part offerte au pacha avec l'investiture héréditaire soit l'Égypte et la Syrie jusqu'à la forteresse d'Acre comme limite; que la rétrocession de toutes les autres possessions détenues par Méhémet-Ali soit effectuée immédiatement;
«Qu'en cas de résistance de la part du pacha, un choix soit fait dans les diverses mesures coercitives successivement débattues dans les communications antérieures des cabinets;
«Qu'on mette à exécution immédiate et vigoureuse toutes celles qui seront de nature à hâter la solution; qu'on s'abstienne de celles qui sembleraient entamer le droit qu'on veut faire triompher;
«Qu'ainsi on envoie des forces maritimes à la hauteur d'Alexandrette, parce que leur objet évident sera d'inquiéter le flanc de l'armée d'Ibrahim; mais qu'on évite de déclarer les côtes de la Syrie en état de blocus, parce que ce serait agir comme si l'on était en hostilité avec le souverain légitime de territoires occupés momentanément par un sujet révolté;
«Que l'on dirige, qu'on protège une expédition turque sur Candie, mais qu'on ne retire pas les consuls d'Alexandrie, parce que ce serait traiter trop en souverain un pacha victorieux; ce serait d'ailleurs se priver des avantages de moyens d'influence et d'information importants à conserver, et compromettre en même temps les intérêts commerciaux des puissances;
«La partie turco-égyptienne de la question ainsi décidée, on s'occupera concurremment à Londres de la partie européenne;
«Le mode d'intervention de la Russie, au cas où elle serait appelée par la Porte, sera convenu et réglé entre les puissances;
«La Russie, dans l'éventualité de la marche d'Ibrahim sur Constantinople et de l'appel du Divan, franchira le Bosphore avec des troupes de débarquement et sera chargée de la défense de Constantinople au nom de l'Europe;
Les autres puissances pourront alors faire passer les Dardanelles à quelques bâtiments de guerre qui croiseront dans les eaux de la mer de Marmara, de Brousse à Gallipoli;
«Le nombre de ces bâtiments sera de deux à trois pour chaque pavillon:
«Une fois le but que se proposent les puissances atteint par la soumission de Méhémet-Ali, la Porte rentrera en pleine et immuable possession du droit de clôture des deux détroits à tous les pavillons européens.
«Ce droit sera également et formellement consacré en principe dans la convention à intervenir à Londres, préalablement à toute action en Orient.
«On est sûr de l'accord de l'Autriche, de l'Angleterre et même de la
Prusse, sur tous les points ci-dessus mentionnés; on espère que la
France ne voudra pas s'isoler des autres puissances et unira son
action à la leur.
«C'est à tous les cabinets que s'adressent les idées de l'empereur; c'est un intérêt européen qu'il a à coeur de consacrer, etc…»
Telle est en substance, Monsieur le maréchal (et, je le répète, je crois ma mémoire fidèle), cette dépêche confidentielle, le seul document écrit qu'il y ait encore sur la négociation suivie par M. de Brünnow.
Le temps me manque pour entrer dans quelques développements. Je dois cependant consigner ici une information qui ne sera pas sans intérêt pour Votre Excellence. Hier, arrivé au paragraphe relatif à la part à faire à Méhémet-Ali, c'est-à-dire à la cession de la Syrie jusqu'à Saint-Jean d'Acre, lord Palmerston, interrompant sa lecture, m'a dit: «J'ai vivement combattu cette idée dans mes entretiens avec M. de Brünnow; elle compromettrait le principe: l'Égypte seule et le désert pour frontière, voilà le vrai. J'ai ramené M. de Brünnow et je suis sûr de l'adhésion des deux autres.»
Veuillez agréer, etc.
H. SÉBASTIANI.
32° Le général Sébastiani au maréchal Soult.
Londres, 10 janvier 1840.
Monsieur le maréchal,
Je n'avais pas cru, d'après les termes où m'avait placé la dernière communication de lord Palmerston, devoir montrer d'empressement à lui faire connaître la substance de la première de vos dépêches; l'arrivée de la seconde, qui m'a paru contenir à la fois le complément et le correctif que demandaient les circonstances présentes, m'a fourni une occasion naturelle de chercher un entretien dont elles, toutes deux successivement, font l'objet, et dont je vais avoir l'honneur de vous rapporter les traits principaux.
À l'avertissement plein de sens et de modération que donnait encore une fois Votre Excellence à son alliée sur le véritable but que cherche la Russie, lord Palmerston a répondu: «Mais je n'ai jamais pensé à abandonner l'alliance et surtout à la sacrifier à la Russie. Il y a seulement entente entre la Russie et nous sur une question spéciale, celle d'Orient; sur toutes les autres questions, l'alliance subsiste; et encore quand je dis entente entre la Russie et nous, je m'exprime mal; c'est entre nous et toutes les puissances qu'il faut dire.»
Je lui ai alors donné connaissance des informations parvenues au gouvernement du Roi sur les intentions présumables du pacha concernant la possession de l'Arabie et des lieux saints. Lord Palmerston les a accueillies avec satisfaction.
Veuillez agréer, etc.
H. SÉBASTIANI.
33° Le maréchal Soult au général Sébastiani.
Paris, 20 janvier 1840.
Je désirerais, Monsieur le comte, que vous me fissiez connaître le langage tenu par le corps diplomatique, et particulièrement par les ambassades d'Autriche et de Russie, sur la dernière phase de la mission confiée à M. de Brünnow; les informations que vous me donnerez à cet égard nous mettraient à même de mieux comprendre la portée de cet incident.
Je dois vous dire aussi que, dans la grave situation où paraît se trouver en ce moment le ministère de Sa Majesté Britannique, je regrette quelquefois de ne pas trouver dans votre correspondance, sur l'état intérieur du pays que vous habitez, des détails et surtout des appréciations auxquelles votre esprit judicieux donnerait tant de prix.
Vous verrez par l'extrait ci-joint que les agents russes ne tiennent pas partout le même langage par rapport aux conditions à faire à Méhémet-Ali.
34° Le général Sébastiani au maréchal Soult.
Londres, 20 janvier 1840.
Monsieur le maréchal,
Lord Palmerston m'avait annoncé qu'avant d'arrêter le projet dont la rédaction lui a été confiée et dont nous nous étions entretenus à plusieurs reprises depuis la dernière réunion du cabinet, il comptait m'en donner connaissance, ce qu'il a fait ce matin.
Ce projet n'étant encore effectivement qu'à l'état d'ébauche et lord Palmerston ayant paru vouloir consulter mon avis personnel plutôt que produire le formulé définitif des propositions britanniques, j'oserai prier Votre Excellence de réserver à cette communication tout son caractère confidentiel.
Ce projet est celui d'une convention en huit articles, précédés d'un préambule.
La convention ne se conclut pas, comme dans le plan primitif, entre les grandes puissances, mais bien entre les grandes puissances d'une part et la Porte de l'autre.
Le préambule a pour objet de poser la question dans ce sens: «Les puissances, convaincues que l'intégrité et le repos de l'empire ottoman importent à l'équilibre comme à la paix de l'Europe, et prenant, d'un commun accord, en considération les circonstances où se trouve le sultan, mettent à sa disposition les secours dont il peut avoir besoin pour assurer la tranquillité de son empire et la soumission de son vassal aux conditions qu'il lui convient de lui offrir.»
Le sultan déclare qu'il accorde à Méhémet l'investiture héréditaire de l'Egypte, à la condition de la rétrocession immédiate des autres territoires occupés par le pacha.
Au cas où la rétrocession serait refusée et où un mouvement de l'armée égyptienne viendrait à menacer Constantinople, le sultan appellera le secours des puissances.
Ces secours, dont la force et la composition seront déterminées de concert entre les puissances contractantes, agiront en même temps.
Le sultan demandera simultanément l'envoi à la Russie de six vaisseaux et de deux frégates portant à bord des troupes de débarquement (lord Palmerston n'en a pas encore fixé le nombre, mais il compte proposer 15,000 hommes) qui franchiront le Bosphore;
A la France et à l'Angleterre, six vaisseaux et deux frégates (trois vaisseaux et une frégate pour chaque pavillon) qui passeront les Dardanelles et iront croiser sur les côtes d'Asie;
A l'Autriche, un détachement de son escadre qui suivra les pavillons anglais et français dans la mer de Marmara.
Le sultan étant provisoirement privé de sa flotte par la défection du capitan-pacha, sur sa demande les escadres combinées couperont les communications, entre l'Égypte et les côtes de Syrie, aux vaisseaux du vice-roi, et arrêteront tout transport de munitions de guerre ou de bouche.
Les puissances mettront de plus à la disposition du sultan un convoi suffisant pour protéger la route et l'arrivée du gouverneur qu'il lui plaira d'envoyer à Candie; ces forces contribueront aussi, par des moyens maritimes, à assurer le rétablissement de l'autorité de la Porte dans l'île;
Le but que se propose le sultan, en appelant le secours des puissances dans les eaux de la mer de Marmara, une fois atteint, ces secours les quitteront, comme ils auront été admis, en même temps.
La clôture des deux détroits à tous les pavillons de guerre est formellement reconnue comme droit permanent et inaliénable de la Porte, et fait désormais, comme par le passé, partie du droit public européen.
Toutefois la Porte garantit en temps de paix, à tous les pavillons marchands, le libre accès des eaux de Constantinople; aussi à toute frégate portant à son poste un envoyé diplomatique, à la condition qu'une seule frégate à la fois, par chaque pavillon, sera admise dans la mer de Marmara.
Tel est en substance le projet dont lord Palmerston m'a donné lecture.
Votre Excellence voit que les mesures contre le pacha se bornent à l'obstacle opposé au ravitaillement de l'armée d'Ibrahim d'une part, et de l'autre à l'envoi et à la protection éventuelle d'un gouverneur turc à Candie. On ne parle plus ni de blocus ni d'aucun autre moyen de coaction quelconque. Votre Excellence remarquera aussi qu'il n'est question d'aucune communication à faire à Alexandrie; les puissances ne reconnaissent au pacha point d'existence indépendante; c'est à la Porte seule qu'elles s'adressent.
Le projet a été communiqué déjà à MM. de Brünnow et Neumann.
M. de Brünnow a élevé des objections sur la forme même du projet, et insiste pour qu'on revienne au plan primitif d'une convention des puissances entre elles, qui agiraient ensuite vis-à-vis de la Porte en conséquence des clauses convenues.
Il est inutile de dire à Votre Excellence que, consulté sur ce point par lord Palmerston, je n'ai rien négligé de ce que j'ai cru propre à le confirmer dans sa résolution, et que, toute réserve faite sur le fond même de la question, j'ai cru devoir, quant à la forme, indiquer la préférence pour celle qui tendait davantage à lui assurer le caractère européen.
Si je suis bien informé du reste, le dissentiment de M. de Brünnow ne se bornerait pas à la forme seule de la convention projetée. Mais jusqu'ici la manifestation de ce dissentiment a été contenue. M. de Neumann, à en croire un rapport assez digne de foi, serait moins réservé et laisserait voir le désappointement que lui cause le plan du cabinet anglais. En tout, les deux envoyés spéciaux sont évidemment mécontents et déconcertés de la tournure actuelle de la négociation qui leur a été confiée.
Lord Palmerston a aussi provoqué mon avis sur l'utilité et la convenance que pourrait avoir l'insertion d'un article complémentaire par lequel les ambassadeurs des puissances à Constantinople seraient chargés de veiller à l'exécution de la convention. J'ai cru devoir encourager cette idée qui permettrait et impliquerait même le séjour dans la mer de Marmara de vaisseaux aux ordres de nos représentants à Constantinople.
Je n'ai pas besoin d'ajouter que le point de départ de toute opinion énoncée par moi dans cet entretien a été celui de l'ignorance la plus entière des intentions du gouvernement du Roi, et que je n'ai pas dit un mot qui pût avoir, pour lord Palmerston, d'autre valeur que celle de mon opinion personnelle. Je dois seulement mentionner ici l'observation faite par lord Palmerston en terminant la lecture de son projet: «Qu'il en avait calculé la rédaction de manière à ce qu'il fût facile à la France de l'accepter et de se rallier à l'action commune des puissances.»
Avant d'être officiellement communiqué au gouvernement du Roi, ce projet pourra recevoir, soit de lord Palmerston lui-même, soit du conseil britannique, des modifications importantes.
Quant au conseil, je crois sa majorité, sinon son unanimité, assurée aux idées de lord Palmerston. Les entretiens que j'ai eus ces jours-ci avec plusieurs de ses membres me portent à croire leur opinion arrêtée. Je n'ai rien négligé dans ces conversations pour faire bien apprécier à chacun les véritables motifs qui ont dirigé la politique du gouvernement du roi, et pour les pénétrer de la sincérité du désir et de la volonté qui l'animent, de maintenir, autant qu'on le lui rendra possible, l'accord le plus complet avec ses alliés.
Veuillez agréer, etc.
H. SÉBASTIANI.
35° Le maréchal Soult au général Sébastiani.
Paris, 26 janvier 1840.
Monsieur le comte, j'ai reçu la dépêche que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire. L'importance des détails qu'elle contient a fixé la plus sérieuse attention du gouvernement du Roi. Vous comprendrez que je ne m'explique pas encore d'une manière complète sur la communication de lord Palmerston; le caractère tout confidentiel de cette communication dont les bases mêmes, et à plus forte raison la rédaction, n'étaient pas encore définitivement arrêtées par le cabinet britannique, appelle d'autant moins de notre part une réponse immédiate et officielle que, dans une pareille matière, le fond ne peut guère être apprécié indépendamment de la forme. Quoi qu'il en soit, et sans m'arrêter à des points de détail qui pourraient demander des éclaircissements, je n'hésite pas à dire qu'en ce qui concerne le mode de la protection à accorder à la Porte contre un mouvement éventuel d'Ibrahim-Pacha sur Constantinople, les modifications proposées par lord Palmerston au plan du cabinet de Saint-Pétersbourg me paraissent constituer une amélioration très-considérable. L'idée de faire intervenir la Porte dans le traité qui réglerait ce mode de protection est surtout une concession très-heureuse et d'une grande portée. Je regrette de ne pouvoir approuver également, dans le projet de lord Palmerston, ce qui se rapporte aux arrangements territoriaux à conclure entre le sultan et le vice-roi. Nous persistons à croire que ce ministre ne tient pas assez compte des ressources de Méhémet-Ali, de l'énergie de son caractère et de l'impossibilité morale qu'un homme de cette trempe accepte sans résistance des conditions qui lui ôteraient, avec une grande partie de sa puissance matérielle, toute la force d'opinion dans laquelle réside son principal appui. Plutôt que de les subir, je suis convaincu qu'il s'exposerait aux plus grandes extrémités, et que, tout en s'abstenant peut-être de marcher sur Constantinople, il n'hésiterait pas à envahir la Mésopotamie, et à enlever à la Porte des provinces dont les ressources lui permettraient d'opposer aux résolutions des puissances la résistance la plus énergique. Contre de telles entreprises, que pourraient les moyens de coaction indiqués par le nouveau projet anglais? Que pourrait même l'intervention russe, dans les limites où il tend à la contenir? N'est-il pas évident qu'une fois entrées dans cette voie, les puissances n'auraient d'autre alternative que de reculer devant Méhémet-Ali, ou de recourir au seul moyen réel de protéger la Porte, en autorisant l'intervention russe dans le sens le plus étendu? A moins d'abandonner le sultan à sa faiblesse, ne seraient-elles pas forcées de souffrir qu'une armée impériale traversât l'Asie Mineure et la Syrie pour refouler jusqu'en Egypte les soldats du vice-roi? Je ne pense pas que cette extrémité pût convenir à l'Angleterre plus qu'elle ne nous conviendrait à nous-mêmes. En vous signalant l'insuffisance des voies coercitives proposées par le cabinet de Londres, j'ai voulu surtout vous faire remarquer ce qu'il y a de contradictoire entre la grandeur des concessions demandées à Méhémet-Ali et la faiblesse des moyens par lesquels on se propose de les lui arracher. Sans doute le cabinet de Londres se persuade que ce pacha cédera à la première démonstration des puissances, et que hors d'état de suffire longtemps aux charges d'un statu quo rendu plus gênant et plus onéreux pour lui par l'espèce de blocus qu'on établirait sur la côte de Syrie, il s'empressera de s'y soustraire en acceptant l'arrangement qui lui sera offert. Je crois fermement que c'est une erreur et que même en admettant, ce qui n'est guère probable, que Méhémet-Ali ne se fît pas un jeu de jeter l'Europe dans les complications les plus effrayantes plutôt que de se soumettre aux injonctions des puissances, la prolongation du statu quo actuel avec ses incertitudes et ses dangers serait tout au moins la conséquence de sa résistance passive. Il faudrait étrangement méconnaître la situation respective des deux parties pour croire que cette prolongation fût plus désavantageuse au vice-roi qu'au sultan. Dans l'état où la Porte est aujourd'hui réduite, elle a particulièrement besoin pour se remettre, pour reprendre le degré de consistance et de solidité exigé par l'intérêt général, de repos, de sécurité, d'un sentiment de confiance dans l'avenir. De tels avantages sont bien autrement importants pour elle que celui de recouvrer immédiatement la possession de quelques provinces qu'elle serait peut-être fort embarrassée d'avoir à gouverner et dont, en tout cas, la souveraineté lui serait conservée. Mais la Porte ne peut recueillir ces avantages que par une prompte réconciliation avec Méhémet-Ali, et pour que cette réconciliation ait quelque chance de succès, il faut qu'elle repose sur des bases qui soient dans une juste proportion avec la force et la puissance des parties contractantes.
Telles sont, Monsieur le comte, les raisons qui nous font considérer comme dangereuse et impraticable la proposition d'imposer à Méhémet-Ali les conditions énoncées dans la communication de lord Palmerston. Il n'y a, de notre part, ni obstination, ni prédilection aveugle, ni engagement d'aucune sorte. Nos motifs sont tous puisés dans l'intérêt général, dans la force des choses et dans des convictions profondes. Que lord Palmerston les considère surtout comme inspirées par le plus vif désir de nous entendre et d'établir entre nos deux gouvernements cette identité de vues et de tendances qui serait la meilleure garantie de la paix comme des intérêts des deux pays.
Je n'ai pas besoin de vous dire que le gouvernement du Roi s'en rapporte entièrement à vous quant au choix du moment et de la forme qui vous paraîtront les plus propres à produire avec avantage les arguments que je viens de vous suggérer.
Je reçois votre dépêche du 24. Les détails qu'elle contient sur l'attitude de MM. de Brünnow et Neumann sont d'une importance réelle. Je me rends facilement compte des difficultés que trouve lord Palmerston à rédiger son contre-projet. Je désire trop voir sortir de ces difficultés mêmes des moyens de rapprochement entre les cours vraiment intéressées à la pacification de l'Orient pour que je ne l'espère pas un peu.
36° Le général Sébastiani au maréchal Soult.
Londres, 28 janvier 1840.
Monsieur le maréchal,
Je quitte lord Palmerston. Il vient de m'annoncer que le conseil, consulté par lui sur la question de savoir si la convention projetée devait être conclue entre les cinq puissances seulement, ou bien entre les puissances et la Porte, s'était prononcé pour le dernier avis et avait décidé à l'unanimité que le sultan devait être appelé comme partie contractante.
Cette résolution, la seule qu'ait encore définitivement arrêtée, dans cette affaire, le cabinet britannique, semble ajourner forcément non-seulement la conclusion, mais le débat de la négociation commencée, et en reculer la reprise de tout le temps nécessaire à l'arrivée d'un plénipotentiaire turc. Malgré la juste impatience qu'elle doit éprouver de voir se résoudre une question si remplie de difficultés et de périls, peut-être Votre Excellence trouvera-t-elle que ce délai, avec les chances de conciliation et de retour qu'il ouvre devant nous, avec les embarras nouveaux et croissants qu'il apporte à l'attitude et aux démarches des deux plénipotentiaires autrichien et russe, n'est pas sans avantage pour la politique du gouvernement du Roi, et qu'il est permis de voir un succès dans tout retard opposé par le gouvernement anglais à l'empressement et à l'activité de MM. de Brünnow et Neumann. Telle est du moins ma propre conviction, et jusqu'à nouvel ordre de Votre Excellence, elle dirigera ici ma conduite et mes paroles.
Vous ne verrez pas non plus sans quelque satisfaction, Monsieur le maréchal, la décision du cabinet britannique tendre à placer définitivement les droits de la Porte et les stipulations conclues par elle dans le droit public européen.
Votre Excellence reconnaîtra aussi que malgré les alternatives et les oscillations quotidiennes que subit forcément une négociation où tant d'intérêts opposés et puissants se trouvent en présence et en lutte (oscillations dont ma correspondance doit réfléchir les retours et même les contradictions), aucun intérêt sérieux pour nous n'a encore été compromis, aucune position importante n'a encore été prise.
Quant à la question territoriale, lord Palmerston vient de me dire «qu'il tâcherait de faire la plus large part qu'il fût possible, dans ses idées, d'accorder à Méhémet-Ali, afin de ménager à la France la facilité d'accepter les bases de l'arrangement à intervenir.»
Veuillez agréer, etc.
H. SÉBASTIANI.
37° Le baron de Bourqueney au maréchal Soult.
Londres, 14 février 1840.
Monsieur le maréchal,
J'allais me retirer lorsque lord Palmerston m'a forcé, pour ainsi dire, à lui demander s'il s'était passé quelque chose de nouveau depuis sa dernière conversation avec le général Sébastiani sur les affaires d'Orient: «Rien, m'a dit lord Palmerston; j'ai même renoncé, quant à présent, à la rédaction de ce protocole sur lequel j'avais prié le général Sébastiani de pressentir son gouvernement. Je modère l'empressement du négociateur russe, et puisque M. Guizot doit arriver prochainement à Londres, sans doute dépositaire de la dernière et complète pensée du cabinet français, je crois beaucoup plus convenable d'attendre qu'il soit ici pour rouvrir la discussion.»—«Ainsi, ai-je repris, non-seulement il ne se fait, mais il ne se prépare rien dans l'intervalle?»—«Non, m'a répondu lord Palmerston, absolument rien.» Je m'étais contenté de sourire au mot d'empressement appliqué par lord Palmerston au négociateur russe; d'abord, afin qu'il vît bien que je ne confondais pas ce qui tient au rôle personnel du négociateur avec une urgence prétendue d'instructions de sa cour; ensuite parce que le projet de protocole mis à la charge du baron de Brünnow comme initiative est répudié par lui dans ses entretiens confidentiels, et que je ne voulais pas que lord Palmerston me crût ignorant de cette circonstance. Je n'ai rien ajouté, Monsieur le maréchal, à cette courte digression; d'abord il n'était ni dans mes instructions, ni dans mon rôle d'aborder la question dans son ensemble, et je sais par expérience combien il faut être sobre de provocation à ces axiomes échappés au premier mouvement qui lient ici, plus que partout ailleurs, et qui chargent trop souvent l'avenir de difficultés. Le terrain est net aujourd'hui; la négociation est véritablement suspendue, et le nouvel ambassadeur du Roi y entrera avec le secret de la faiblesse de ses adversaires. Cette situation est bonne, quoique encore délicate; je ne voudrais pas avoir à me reprocher un mot qui pût la modifier d'ici à l'arrivée de M. Guizot.
Le baron de Brünnow répond aux questions qu'on lui adresse sur son départ, qu'il n'a encore reçu aucun contre-ordre de sa cour et que ses instructions lui prescrivaient de quitter Londres pour se rendre à Darmstadt le 20 février; mais il ajoute que le voyage du grand-duc impérial est retardé, et que cette circonstance lui semble naturellement devoir entraîner l'ajournement du sien. Au fait, il a l'air de préparer les esprits à la prolongation de son séjour.
Veuillez agréer, etc.
BOURQUENEY.
FIN DES PIÈCES HISTORIQUES DU TOME QUATRIÈME
TABLE DES MATIERES DU TOME QUATRIÈME.
CHAPITRE XXII.
POLITIQUE EXTÉRIEURE. (1832-1836.)
Une des causes de la politique de conquêtes et d'aventures.—Vice radical de cette politique.—-Formation du droit public européen.—Ses maximes essentielles.—Conséquences de la violation de ces maximes.—Le gouvernement de 1830 les a respectées.—Questions européennes pendantes en 1832.—Fautes des trois puissances du Nord dans leurs relations avec le gouvernement de 1830.—La Prusse: le roi Frédéric-Guillaume III, le prince de Wittgenstein et M. Ancillon.—M. Bresson à Berlin.—L'Autriche: l'empereur François II et le prince de Metternich.—M. de Sainte-Aulaire à Vienne.—La Russie: l'empereur Nicolas.—Le maréchal Maison à Saint-Pétersbourg; ses instructions.—Idée d'un mariage russe pour le duc d'Orléans.—Fermentation révolutionnaire en Allemagne.—Réunion de Münchengrætz.—Ses conséquences.—Affaires d'Orient.—Question d'Égypte.—Caractère, situation et politique de Méhémet-Ali.—Situation et politique des grandes puissances européennes entre la Porte et l'Égypte.—Mission de M. de Bois-le-Comte en Orient.—Ses entretiens avec Méhémet-Ali.—Paix de Kutaièh.—La Russie à Constantinople.—Traité d'Unkiar-Skelessi.—Affaires d'Espagne.—Mort de Ferdinand VII—Question de la succession espagnole.—Politique du gouvernement français et ses motifs.—Ses promesses et ses conseils au gouvernement de la reine Isabelle.—Explosion de la guerre civile en Espagne.—Don Carlos en Portugal auprès de don Miguel.—M. Zéa Bermudez, son caractère et sa politique.—Origine de la question de l'intervention de la France en Espagne.—Chute de M. Zéa Bermudez.—M. Martinez de la Rosa; son caractère et sa politique.—Promulgation du statut royal.—Traité de la quadruple alliance.—Don Carlos, expulsé de Portugal, se réfugie en Angleterre et rentre en Espagne.—Réunion des Cortès espagnoles.—Le statut royal et la constitution de 1812.—Le cabinet de Madrid demande l'intervention de la France et de l'Angleterre.—Leur refus et ses motifs.—Diversité des avis dans le cabinet français.—Chute de M. Martinez de la Rosa.—Le comte de Toreno lui succède.—Sa prompte chute.—Au moment où le cabinet du 11 octobre 1832 se disloque à Paris, M. Mendizabal et le parti exalté entrent, à Madrid, en possession du pouvoir 1.
CHAPITRE XXIII.
DISLOCATION DU PARTI DE GOUVERNEMENT.
Ma situation et ma disposition après la dislocation du cabinet du 11 octobre 1832.—Ma participation aux débats des Chambres, du 22 février au 6 septembre 1836.—Mon élection à l'Académie française.—M. de Tracy, mon prédécesseur.—Mon discours de réception.—L'Académie des sciences et belles-lettres de Stockholm et le roi de Suède Charles-Jean.—Mort de l'abbé Sieyès et de M. Carnot.—Mort de M. Ampère, son caractère.—Mort de M. Armand Carrel, son caractère.—Acquisition et description du Val-Richer.—L'archevêque de Cantorbéry, Thomas Becket, au Val-Richer, dans le XIIe siècle.—Situation de M. Thiers en 1836.—Tentative d'assassinat du roi Louis-Philippe par Alibaud.—Affaires d'Espagne; M. Mendizabal et ses dispositions envers la France.—Le cabinet anglais propose l'intervention en Espagne.—Le cabinet français s'y refuse.—Dépêches de M. de Rayneval à ce sujet.—Mouvements révolutionnaires en Espagne pour la constitution de 1812.—M. Isturiz succède à M. Mendizabal.—Le général Quesada, gouverneur de Madrid; son énergie.—Mesures adoptées par le gouvernement français envers l'Espagne.—Mission de M. de Bois-le-Comte à Madrid.—Insurrection militaire de Saint-Ildefonse.—Courage et résistance inutile de la reine Christine.—Effets de cette insurrection à Madrid.—Le général Quesada est massacré.—Proclamation de la constitution de 1812.—Dissentiments dans le gouvernement français sur la question de l'intervention en Espagne.—Le roi Louis-Philippe et M. Thiers.—Retraite du cabinet du 22 février 1836.
CHAPITRE XXIV.
MON ALLIANCE ET MA RUPTURE AVEC M. MOLÉ. (1836-1837.)
Mes relations avec le comte Mole.—Formation du cabinet du 6 septembre 1836.—Sentiments divers de mes amis politiques.—Par quels motifs et à quelles conditions j'entre dans le cabinet.—Ses premiers actes.—État des affaires en Algérie.—Expédition de Constantine.—Le maréchal Clausel.—Le commandant Changarnier.—Le général Trézel.—Mauvais succès de l'expédition.—Retraite de l'armée.—Conspiration de Strasbourg,—Le prince Louis Bonaparte.—Son échec et son embarquement à Lorient.—Par quels motifs le cabinet ne le traduisit pas devant les tribunaux.—Ouverture de la session des Chambres.—Tentative d'assassinat sur le roi Louis-Philippe.—Débat de l'adresse.—Procès du complot de Strasbourg devant la Cour d'assises de Colmar.—Acquittement des accusés.—Projets de loi présentés aux Chambres;—Sur la disjonction de certaines poursuites criminelles, le lieu de déportation et la non-révélation des complots contre la vie du Roi;—Sur la dotation de M. le duc de Nemours.—Pressentiments du roi Louis-Philippe sur l'avenir de sa famille.—Le projet de loi sur la disjonction est rejeté à la Chambre des députés.—Le cabinet se dissout.—Tentatives diverses pour en former un nouveau.—Le Roi m'appelle.—Mes propositions et mes démarches.—Elles échouent.—Je me retire avec MM. Duchâtel, Gasparin et Persil.—M. Molé forme le cabinet du 15 avril 1837.
CHAPITRE XXV.
LA COALITION. (1837-1839.)
Ma disposition en sortant des affaires.—Douleur de famille.—Mme la duchesse d'Orléans; son arrivée à Fontainebleau; son mariage; son entrée à Paris.—Caractère du château de Fontainebleau.—Accidents du Champ-de-Mars.—Ouverture du Musée de Versailles.—Caractère de cette fête.—Mon séjour au château de Compiègne.—Mes conversations avec Mme la duchesse d'Orléans.—La princesse Marie; son mariage, ses dispositions, sa mort.—Ce qui est dû à la mémoire des morts.—Lady Holland et Holland-House.—Grand nombre d'hommes éminents morts de 1836 à 1839.—Leur caractère.—M. Raynouard et M. Flaugergues.—M. de Marbois et l'abbé de Pradt.—Le baron Louis.—Le maréchal Lobau et le général Haxo.—M. Silvestre de Sacy.—M. Laromiguière.—Le docteur Broussais.—M. le prince de Talleyrand.—Sa dernière visite à l'Institut.—Ses derniers actes.—Le comte de Montlosier.—Difficultés de la situation de M. Molé.—Comment il les surmonte ou les ajourne.—Ses mesures à l'intérieur.—Incidents favorables à l'extérieur.-Guerre avec le Mexique.—Avec Buenos-Ayres.—Traité avec Haïti.—Seconde expédition de Constantine; son succès—Le prince Louis Bonaparte de retour en Suisses.—Adoption définitive du traité des vingt-quatre articles sur les limites de la Belgique.—Évacuation d'Ancône.—Mon attitude dans la Chambre des députés.—Mes discours en mai 1837, dans la discussion des fonds secrets.—Déplaisir de M. Molé.—Dissolution de la Chambre des députés.—Caractère de cette mesure et des élections.—Session de 1837-1838.—Succès et échecs du cabinet.—Sa situation après la session.—Session de 1838-1839.—La coalition.—Ses causes générales.—Mes motifs personnels.—Fut-ce une faute?—Débat et vote de l'adresse.—Bonne attitude de M. Molé.—Dissolution de la Chambre des députés.—Résultat des élections.—Retraite du cabinet Molé.—Vaines tentatives pour former un cabinet de coalition.—Ministère provisoire.—Émeute du 12 mai 1839.—Formation du cabinet du 12 mai 1839.
CHAPITRE XXVI.
H QUESTION D'ORIENT. (12 mai 1839-25 février 1840.)
Situation du cabinet du 12 mai 1839 à son avènement.—La mienne.—Mon emploi de mon loisir politique.—On me demande de surveiller la traduction et la publication en France des lettres et des écrits de Washington.—Je m'en charge.—Grand intérêt que m'inspire ce travail.—Mon Étude historique sur la vie et le caractère de Washington.—Son succès.—Témoignages de reconnaissance que je reçois des Américains.—Lettre du roi Louis-Philippe.—Renaissance de la question d'Orient.—Pourquoi on donne ce nom à la querelle entre le sultan et le pacha d'Egypte.—État général de l'empire ottoman.—Dispositions et politique des grandes puissances européennes.—La guerre éclate entre Mahmoud et Méhémet-Ali.—Accord entre la France et l'Angleterre.—Mort du sultan Mahmoud.—Bataille de Nézib.—Le dissentiment commence entre la France et l'Angleterre sur la question territoriale entre le sultan et le pacha.—Vicissitudes des négociations à Londres.—Attitude de la Russie.—Elle se met à la disposition de l'Angleterre.—La France persiste dans son dissentiment et le cabinet anglais dans ses résolutions.—Le général Sébastiani.—M. de Brünnow à Londres.—Lord Palmerston.—Le cabinet français me propose l'ambassade de Londres.—J'accepte.—Mes motifs.—Le roi Louis-Philippe s'y montre contraire.—Par quels motifs.—Le cabinet insiste.—Le Roi cède.—Ma nomination.—Rejet par la Chambre des députés de la dotation demandée pour M. le duc de Nemours.—Situation incertaine du cabinet.—Je pars pour Londres.
PIÈCES HISTORIQUES
I.
Le duc de Broglie à M. le maréchal marquis Maison, ambassadeur de France en Russie.
II.
M. Mignet au duc de Broglie.
III.
Le duc de Broglie au comte de Rayneval.
IV.
1° Le duc de Broglie au cômte de Rayneval. 2° Le même au même.
V.
1° Le duc de Broglie au comte de Rayneval. 2° Le même au même.
VI.
1° La Société coloniale de l'Algérie à M. Guizot, député, à Paris. 2° Les mêmes au même.
VII.
Histoire de l'abbaye du Val-Richer.
VIII.
1° Le ministre des affaires étrangères à M. le comte de Rayneval à Madrid. 2° Le ministre des affaires étrangères à M. le comte de Rayneval à Madrid.
IX.
Discours de M. Guizot, ministre de l'instruction publique, pour la rentrée des cours de l'École normale de Paris.
X.
Le général comte de Damrémont à M. Guizot.
XI.
Plan et notes pour la discussion du projet de loi sur la disjonction des poursuites dans le cas de crimes imputés à des personnes civiles et à des militaires (1837).
XII.
Projet d'adresse au Roi présenté par la commission de la Chambre des
Députés en janvier 1839. XIII.
1° M. Guizot à ses commettants. 2° M. Guizot à M. Leroy-Beaulieu, maire de Lisieux. 3° Discours prononcé par M. Guizot dans le collège électoral de Lisieux, le 3 mars 1839, immédiatement après son Élection.
XIV.
Le roi Louis-Philippe à M. Guizot.
XV.
Lettre adressée à M. Guizot par vingt-cinq citoyens américains, le 1er février 1841.
XVI.
1° Le baron de Bourqueney au maréchal Soult. 2° Le maréchal Soult au baron de Bourqueney. 3° Le maréchal Soult au baron de Bourqueney. 4° Le baron de Bourqueney au maréchal Soult. 5° Le baron de Bourqueney au maréchal Soult. 6° Le maréchal Soult au baron de Bourqueney. 7° Le maréchal Soult au baron de Bourqueney. 8° Le baron de Bourqueney au maréchal Soult. 9° Le baron de Bourqueney au maréchal Soult. 10° Le baron de Bourqueney au maréchal Soult. 11° Le maréchal Soult au baron de Bourqueney. 12° Le maréchal Soult au baron de Bourqueney. 13° Le baron de Bourqueney à lord Palmerston. 14° Lord Palmerston au baron de Bourqueney. 15° Le baron de Bourqueney au maréchal Soult. 16° Le maréchal Soult au baron de Bourqueney. 17° Le baron de Bourqueney au maréchal Soult. 18° Le baron de Bourqueney au maréchal Soult. 19° Le maréchal Soult au baron de Bourqueney. 20° Le baron de Bourqueney au maréchal Soult. 21° Le maréchal Soult au baron de Bourqueney. 22° Le baron de Bourqueney au maréchal Soult. 23° idem. 24° idem. 25° Le maréchal Soult au baron de Bourqueney. 26° Le général Sébastiani au maréchal Soult. 27° idem. 28° idem. 29° idem. 30° Le maréchal Soult au général Sébastiani. 31° Le général Sébastiani au maréchal Soult. 32° idem. 33° Le maréchal Soult au général Sébastiani. 34° Le général Sébastiani au maréchal Soult. 35° Le maréchal Soult au général Sébastiani. 36° Le général Sébastiani au maréchal Soult. 37° Le baron de Bourqueney au maréchal Soult.