Mémoires pour servir à l'Histoire de mon temps (Tome 8)
A quatre heures et demie, le cabinet se réunit aux Tuileries. De plusieurs côtés, le bruit de l'irritation de la majorité parlementaire était arrivé au roi; il en était visiblement troublé. Il essaya d'alléger un peu, pour lui-même, la résolution qu'il venait de prendre en donnant à entendre que j'avais, ainsi que M. Duchâtel, partagé son avis. Je rétablis, en termes positifs, ce que je lui avais dit dans notre première entrevue. «Nous étions décidés et prêts, lui redis-je, à soutenir jusqu'au bout la politique d'ordre et de résistance légale que nous trouvons la seule bonne; mais le roi s'était montré disposé à penser qu'il devait changer son ministère. Poser une telle question, dans un tel moment, c'était la résoudre.» Le roi n'insista pas. MM. Hébert, de Salvandy et Jayr exprimèrent nettement leur désapprobation de sa résolution. Nous sortîmes des Tuileries pour ne plus nous occuper, en attendant la formation d'un nouveau cabinet, que de défendre partout l'ordre toujours violemment attaqué. La nouvelle de la chute du ministère n'avait point fait cesser la lutte; elle continuait sans que nulle part l'insurrection triomphât ou cédât. L'événement tombait de plus en plus entre les mains des républicains fanatiques résolus à le pousser jusqu'à une révolution. Nous allions d'heure en heure, M. Duchâtel et moi, rendre compte au roi de l'état des choses. Vers six heures, il nous témoigna le désir de donner le commandement général dans Paris au maréchal Bugeaud. Nous fîmes sur-le-champ, auprès des généraux Jacqueminot et Tiburce Sébastiani, une démarche pour les en prévenir; puis, le roi préféra attendre l'avis du cabinet qu'il travaillait à former. Il n'avançait guère dans son travail; M. Molé discutait, négociait, cherchait des alliés efficaces. Vers huit heures, M. Jayr, qui avait quelques signatures de travaux publics à demander au roi, retourna aux Tuileries; il le trouva seul, agité et taciturne. En lui soumettant son travail administratif, M. Jayr lui représenta la nécessité de reconstituer promptement le pouvoir politique et le commandement militaire, l'un et l'autre ébranlés et flottants au milieu d'une crise aussi obstinée que violente. Le roi signait et l'écoutait en silence; puis tout à coup: «Et quand je pense, dit-il, que cette résolution a été prise et exécutée en un quart d'heure!» M. Jayr se retira sans autre réponse.
Personne n'ignore l'événement (je ne décide pas s'il faut dire fortuit ou criminel) qui éclata à neuf heures du soir, sur le boulevard, devant l'hôtel des affaires étrangères. Une bande d'insurgés, armés de piques, de pistolets, de bâtons, portant des signes de luttes récentes, et partis d'abord de la place de la Bastille, s'était avancée le long des boulevards, grossie dans sa route par des passants et des curieux; après plusieurs stations et plusieurs démonstrations bruyantes, entre autres devant le bureau du National, elle arrivait près du ministère des affaires étrangères, plus d'une fois menacé depuis le commencement de l'insurrection. Un bataillon d'infanterie de ligne en couvrait les approches. Au milieu de la pression désordonnée qu'exerçait la foule et de la résistance immobile que lui opposait la troupe, un coup de feu partit; selon les uns, des rangs de la troupe même et par un accident du fusil d'un soldat; selon les autres, le coup fut tiré du sein de la foule, sur la troupe, et par un des insurgés. Quoi qu'il en soit, la troupe, se croyant attaquée, fit feu; beaucoup de personnes tombèrent, les unes frappées à mort, les autres blessées, d'autres renversées et foulées aux pieds. Un désordre immense, mêlé d'effroi et de colère, éclata sur le théâtre et tout à l'entour de l'événement; la passion a de soudains et puissants instincts au service de sa cause; quelques-uns des insurgés relevèrent des cadavres, seize, dit-on, les placèrent sur un chariot qui se trouvait là, et ce cortège funèbre se promena jusqu'à une heure du matin, sur les boulevards, devant les bureaux du National et de la Réforme, dans tout le centre de la ville, au milieu des cris: «Vengeance! aux armes! aux barricades!» provoquant partout un nouvel et plus ardent élan d'insurrection et de lutte. La nuit se passa à exploiter ainsi ce malheur ou ce crime, pour transformer l'émeute en révolution.
J'étais au ministère de l'intérieur quand la nouvelle de ce fatal incident y arriva. Plusieurs de mes collègues et de nos amis y étaient réunis. De leur avis unanime, je me rendis sur le champ aux Tuileries, avec M. Dumon, pour insister auprès du roi sur l'urgence de la nomination du maréchal Bugeaud au commandement de toutes les forces militaires. Il en reconnut la nécessité; mais il ne savait pas encore quel cabinet il parviendrait à former. Je le quittai sans qu'il eût rien décidé. Entre minuit et une heure, il m'envoya chercher, et me dit qu'à la fin de la soirée, M. Molé était venu lui annoncer qu'il n'avait pu réussir à former un cabinet: «Je fais appeler M. Thiers, ajouta-t-il; mais, en attendant, la lutte devient de plus en plus grave; il y faut sur-le-champ un chef militaire, d'une capacité et d'une autorité éprouvées, et qui puisse porter le fardeau jusqu'à l'installation du nouveau ministère. Je vous demande la nomination immédiate du maréchal Bugeaud au commandement de la garde nationale et de l'armée. M. Thiers ne voudrait peut-être pas le nommer lui-même; mais il l'acceptera, je n'en doute pas, s'il le trouve nommé et installé. C'est au nom du salut de la monarchie que je fais cet appel au dévouement de mes anciens ministres.»—Le roi sait, lui dis-je, que nous sommes tout prêts à accomplir son désir.—Il envoya chercher M. Duchâtel et le général Trézel dont la signature était nécessaire pour cette nomination. Ils arrivèrent et donnèrent sur-le-champ au roi leur assentiment et leur concours. Le maréchal Bugeaud arriva aussi. Le duc de Nemours, le duc de Montpensier et M. de Montolivet étaient présents. Les deux ordonnances signées, le duc de Nemours, M. Duchâtel et moi, nous accompagnâmes le maréchal Bugeaud pour l'installer à l'État-major. Il s'arrêta sur la place du Carrousel pour visiter les troupes qui y étaient réunies. Nous lui demandâmes ce qu'il pensait de la journée du lendemain: «Il est un peu tard, nous dit-il; mais je n'ai jamais été battu et je ne commencerai pas demain. Qu'on me laisse faire et tirer le canon, il y aura du sang répandu; mais demain soir la force sera du côté de la loi, et les factieux auront reçu leur compte.»
Ce fut là le dernier acte du cabinet et ma dernière entrevue avec le maréchal Bugeaud. Je ne retournai aux Tuileries, le lendemain 24 février, vers huit heures du matin, que pour prendre définitivement congé du roi, que je ne revis plus qu'à Claremont. Ce qu'on a dit de prétendus conseils qu'il m'aurait demandés et que je lui aurais donnés, à ce moment, sur ses rapports avec son nouveau cabinet et les concessions qu'il devait lui faire, est dénué de tout fondement. Il se borna à m'annoncer que MM. Thiers et Odilon Barrot avaient accepté le ministère, et moi à lui témoigner ma satisfaction qu'au moins la crise ministérielle fût terminée. Depuis cette dernière heure du cabinet du 29 octobre 1840 jusqu'à la dernière heure de la monarchie de 1830, j'ai été absolument étranger à tout ce qui s'est dit, fait et passé.
Dix-neuf ans se sont écoulés, et aujourd'hui comme il y a dix-neuf ans, je ne puis penser sans une émotion douloureuse à l'état d'âme où j'ai vu le roi Louis-Philippe pendant cette crise si tragiquement terminée. Jamais prince n'a été plus sincèrement convaincu que la politique qu'il avait adoptée était la meilleure, la seule bonne pour son pays et pour le régime qu'il avait été appelé à fonder dans son pays. Resté, comme dans sa jeunesse, libéral et patriote de 1789, à ses yeux cette politique consacrait et mettait en pratique les principes de 1789, en mettant fin aux entraînements et aux aveuglements révolutionnaires qui, tantôt sous la forme de l'anarchie, tantôt sous celle du despotisme, les avaient faussés et compromis. Il la regardait comme aussi essentielle pour l'influence et la grandeur de la France en Europe que pour sa prospérité et ses progrès à l'intérieur. Il l'avait pratiquée de concert avec les grands pouvoirs constitutionnels, sous le feu des libertés publiques, en usant de ses droits constitutionnels, mais sans jamais croire ni vouloir les dépasser. Il avait courageusement sacrifié, au maintien de cette politique, un bien qui lui était cher et doux, les démonstrations empressées et le bruit flatteur de la popularité. Et après dix-sept années de ces efforts et de ce sacrifice, il se voyait méconnu, mal compris, non-seulement attaqué par les factions ennemies, mais harassé, délaissé par une portion de ces classes moyennes qui étaient son principal point d'appui. Aux bruyantes agitations dans la garde nationale se joignaient les dissentiments respectueux, mais réels, dans la famille royale. Sous l'atteinte de ces faits réunis, le roi était profondément triste et perplexe, résigné aux déplaisirs et aux difficultés qu'il prévoyait, décidé à n'y opposer que ses moyens légaux de concession ou de résistance, mais accessible à ces troubles momentanés, à ces résolutions soudaines qui surgissent dans les âmes fatiguées des longues luttes et dégoûtées des perspectives obscures. Ni la persévérance ni l'espérance n'étaient pourtant éteintes dans l'âme du roi Louis-Philippe: soit par nature, soit par son expérience des vicissitudes et des réactions qui se succèdent dans les révolutions, il était de ceux qui pensent que, pour retrouver de bonnes chances et une bonne veine, il suffit de savoir survivre et attendre. En 1848, sa lassitude était extrême; il fléchissait sous son fardeau, et, pour le porter plus loin, il avait besoin de reprendre haleine; mais je suis convaincu qu'au milieu de ses mécomptes et de son découragement, il était loin de désespérer de son propre avenir, et que, tout en acceptant les lois du régime constitutionnel, il se promettait d'y reprendre l'influence qu'il croyait nécessaire pour faire légalement prévaloir la politique qu'il croyait indispensable au bien de son pays et au salut de son trône. Les hommes ne lui en ont pas laissé le temps; Dieu ne lui en a pas accordé la faveur.
CHAPITRE XLIX.
RÉSUMÉ.
Deux choses déterminent le caractère des gouvernements et les sentiments d'estime ou de blâme, de sympathie ou de répulsion qui leur sont dus: le sort, bon ou mauvais, qu'ils ont fait aux générations qui ont vécu sous leur empire; le bien ou le mal qu'ils ont légué aux générations qui les ont suivis.
Je n'ai pas raconté le règne du roi Louis-Philippe; j'ai pris, dans ce règne, les événements et les actes considérables auxquels j'ai été mêlé, et je me suis appliqué à les faire bien connaître et apprécier en les retraçant avec détail et précision. Ce n'est pas toute l'histoire de cette époque; mais c'est assez, je pense, pour que je sois en mesure et en droit d'en résumer les principaux résultats. Quelle influence a exercée, pendant sa durée, sur le sort et l'état de la France, le gouvernement qu'elle a possédé de 1830 à 1848? Qu'est-il resté et que reste-t-il à la France de l'influence et des oeuvres de ce gouvernement? Je ne ferai à ces questions que les réponses les plus simples et les plus brèves; je ne veux que recueillir des faits avérés, sans discussion ni commentaire.
Je regarde d'abord à la politique générale, et je cherche quels résultats a obtenus pour ses contemporains, quelles traditions a laissées à ses successeurs le gouvernement de 1830. Ce gouvernement a eu l'honneur de naître d'une révolution accomplie pour la défense des lois et des libertés violées. Il a eu le malheur de naître d'une révolution, et d'une révolution accomplie aux dépens du principe essentiel de la monarchie, et avec le concours de partis et de passions qui dépassaient de beaucoup son but. Entreprise au nom des droits de la monarchie constitutionnelle, la révolution de 1830 a ouvert la porte aux tentatives républicaines et aux perspectives indéfinies de l'imagination humaine, honnêtes ou perverses. Le gouvernement de 1830 a courageusement fait le départ entre ces idées et ces forces diverses déployées autour de son berceau; il a accepté comme sa source et sa règle: 1° les droits de l'indépendance nationale; 2° le respect des lois, des droits et des libertés publiques; 3° les principes et la pratique du régime constitutionnel. Point d'intervention ni d'immixtion étrangère dans les affaires et les résolutions intérieures de la France. Point de lois d'exception ni de suspension des libertés publiques. Les pouvoirs constitutionnels en plein exercice et toujours appelés à débattre et à régler ensemble les affaires du pays.
Le gouvernement de 1830 ne s'est pas borné à mettre ces principes en pratique à l'intérieur et pour la France elle-même; ils ont présidé à ses relations avec les autres États, spécialement avec les États assez voisins de la France pour que leur situation et leur destinée importent à la sienne. Il a déclaré qu'en Belgique, en Suisse, en Piémont, en Espagne, il ne souffrirait aucune intervention étrangère sans y intervenir aussi, dans l'intérêt français. En reconnaissant le droit de ces peuples à modifier leurs institutions, il a efficacement protégé, tout autour de la France, l'indépendance nationale de ses voisins et l'établissement ou les progrès du régime constitutionnel. A coup sûr, ce n'était pas là une politique facile à faire accepter de la plupart des grandes puissances européennes, au sortir d'un temps plein de guerres de conquête et d'interventions étrangères. Pourtant le gouvernement de 1830 y a réussi, et c'est au nom de la paix européenne qu'il a réussi. Le congrès de Vienne avait fondé la paix européenne sur la domination générale des grandes puissances et le régime stationnaire des États. Le gouvernement de 1830 a maintenu la paix européenne en en brisant les pesantes conditions. Il a concilié les bienfaits de la paix avec l'indépendance des peuples et les progrès de la liberté.
Les politiques clairvoyants de l'Europe ne se sont pas mépris sur les résultats de cette conduite du gouvernement de 1830 pour la grandeur de la France. Le 24 février 1848, au moment même de la chute imprévue de ce gouvernement, le chancelier de l'empire russe, le comte de Nesselrode, écrivait à l'ambassadeur de Russie à Londres: «La France aura gagné à la paix plus que ne lui aurait donné la guerre. Elle se verra entourée de tous côtés par un rempart d'États constitutionnels, organisés sur le modèle français, vivant de son esprit, agissant sous son influence.»
L'influence du gouvernement de 1830 a survécu même à sa ruine. Au dehors, c'est en maintenant sa politique extérieure que la République qui lui a succédé s'est fait reconnaître et accepter de l'Europe. Au dedans, sous le coup de cette disparition soudaine de tous les pouvoirs organisés et dans cette explosion soudaine de toutes les ambitions humaines, que serait devenue la société française si, depuis trente ans, elle n'avait été accoutumée et formée, par le spectacle et la pratique de son gouvernement, au respect du droit et de la liberté? C'est par les traditions et les habitudes du gouvernement libre qu'elle venait de renverser que la révolution de 1848 a été défendue contre sa propre pente. Qui pourrait dire quels coups elle aurait portés à l'ordre social et à la paix européenne, si l'esprit légal et pacifique du régime déchu n'avait encore plané au-dessus de ses ruines?
Je descends de la politique générale aux actes spéciaux du gouvernement de 1830 dans l'administration intérieure du pays, et je constate, par la simple énumération des faits et des chiffres, quelles ont été ses oeuvres, leur impulsion et leurs résultats.
Pour rendre ce tableau des principaux actes du gouvernement de 1830 clair et concluant, je range ces actes sous trois chefs qui comprennent les diverses mesures législatives et administratives, incontestablement bien qu'inégalement importantes, accomplies à cette époque:
Législation politique et sociale;
Administration des finances;
Travaux publics.
L'un de mes plus fidèles et plus éclairés amis, M. Moulin, jadis député du département du Puy-de-Dôme, a bien voulu se charger de vérifier l'exactitude de ces documents, et venir ainsi en aide à la mémoire de la politique conservatrice et libérale après l'avoir fermement soutenue quand elle était en action.
I
Législation politique et sociale.
Je comprends sous ce chef: 1° les lois d'organisation et de garantie pour la force publique, pour les libertés publiques, pour l'ordre public; 2° les lois de réforme et d'amélioration sociale.
1° Lois d'organisation et de garantie politique.
1830. 12 septembre. Loi qui soumet à la réélection les députés promus à des fonctions publiques.
10 décembre. Loi sur la police des afficheurs et crieurs publics.
1831. 4 mars. Loi sur la composition des cours d'assises et sur la majorité nécessaire pour les décisions rendues par le jury contre l'accusé.
1831. 21 mars. Loi qui fixe, pour le jugement des conflits entre l'autorité administrative et les tribunaux, un délai d'un mois, passé lequel le conflit peut être considéré comme non avenu.
21 mars. Loi sur la formation et l'organisation des conseils municipaux par la voie de l'élection.
22 mars. Loi sur l'organisation de la garde nationale sédentaire et mobile, par l'élection directe des sous-officiers et l'élection indirecte des officiers supérieurs.
19 avril. Loi sur les élections législatives qui abaisse le cens électoral de 300 à 200 fr. et le cens d'éligibilité de 1,000 à 500 fr.
1832. 22 mars. Loi sur le recrutement militaire et la formation de l'armée.
1833. 24 avril. Loi sur le régime législatif dans les colonies.
24 avril. Loi sur l'exercice des droits civils et politiques dans les colonies.
22 juin. Loi sur l'organisation des conseils généraux de département et des conseils d'arrondissement, par la voie de l'élection, avec adjonction des capacités portées sur la seconde liste du jury aux possesseurs du cens électoral politique, et fixation d'un minimum pour le nombre des électeurs.
7 juillet. Loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique. Elle établit par quel mode légal l'utilité publique est déclarée, et elle soumet au jury l'estimation et le règlement des indemnités. Cette loi a été modifiée et complétée par une autre loi du 3 mai 1841.
1834. 16 février. Loi sur les crieurs publics d'écrits.
10 avril. Loi sur les associations.
1834. 20 avril. Loi sur l'organisation du conseil général et des conseils d'arrondissement du département de la Seine et du conseil municipal de la ville de Paris, par la voie de l'élection.
19 mai. Loi sur l'état des officiers.
1835. 9 septembre. Loi sur les crimes, délits et contraventions commis par la voie de la presse et autres moyens de publication.
9 septembre. Loi sur les cours d'assises.
9 septembre. Loi portant modification des articles 341, 345, 346, 347 et 352 du Code d'instruction criminelle, et de l'art. 17 du Code pénal.
1837. 1er avril. Loi qui détermine l'autorité des arrêts de la Cour de cassation après deux pourvois.
18 juillet. Loi sur l'administration communale et les attributions des conseils municipaux.
1838. 10 mai. Loi sur les attributions des conseils généraux de département et des conseils d'arrondissement.
1839. 3 août. Loi qui fixe le cadre de l'état-major de l'armée de terre.
1841. 17 juin. Loi d'organisation de l'état-major de l'armée navale.
1842. 30 août. Loi sur la régence du royaume.
2° Lois de réforme et d'amélioration sociale.
1831. 8 février. Loi qui admet le culte israélite au nombre des cultes reconnus par l'État et met le traitement de ses ministres à la charge du trésor public.
4 mars. Loi pour la répression de la traite des nègres.
1832. 17 avril. Loi apportant divers adoucissements à la contrainte par corps.
1832. 28. avril. Loi apportant de nombreuses et importantes réformes dans la législation pénale; entre autres l'admission des circonstances atténuantes et l'abolition de onze cas de peine de mort.
1833. 28 juin. Loi organique de l'instruction primaire, élémentaire et supérieure.
1835. 25 mai. Loi relative à l'administration des biens ruraux des communes, hospices et autres établissements publics.
5 juin. Loi qui confère aux caisses d'épargne la qualité de personnes civiles pouvant recevoir des dons et legs; une seconde loi du 31 mars 1837 chargea la caisse des dépôts et consignations de recevoir et d'administrer les fonds que les caisses d'épargne seraient admises à placer au trésor.
1836. 21 mai. Loi qui supprime et prohibe les loteries.
21 mai. Loi organique sur la construction et l'administration des chemins vicinaux.
1837. 4 juillet. Loi sur les poids et mesures, qui consacre le système métrique comme obligatoire.
1838. 11 avril. Loi qui élève la compétence des tribunaux civils de première instance.
25 mai. Loi qui élève la compétence des juges de paix.
28 mai. Loi sur les faillites et banqueroutes apportant de graves réformes dans le Code de commerce.
20. juin. Loi sur les aliénés et sur les établissements consacrés au traitement de l'aliénation mentale.
1840. 8 mars. Loi sur l'organisation et l'extension de la compétence des tribunaux de commerce.
6 juin. Loi apportant diverses modifications au régime de la pêche fluviale.
1841. 22 mars. Loi sur le régime et les conditions du travail des enfants employés dans les manufactures.
2 juin. Loi apportant de graves modifications au code de procédure civile sur la vente judiciaire des biens immeubles.
14 juin. Loi qui modifie le code de commerce sur la responsabilité des propriétaires de navires de commerce.
25 juin. Loi sur la vente en détail des marchandises aux enchères, ou à cri public.
25 juin. Loi sur la transmission des offices réglant la forme et les droits d'enregistrement des traités.
1843. 18 juin. Loi sur les commissaires-priseurs.
1844. 3 mai. Loi sur la chasse.
5 juillet. Loi sur les brevets d'invention.
3 août. Loi qui accorde, à la veuve et aux enfants des auteurs d'ouvrages représentés sur un théâtre, le droit garanti par le décret du 5 février 1810 à la veuve et aux enfants des auteurs d'écrits imprimés.
1845. 29 avril (et 11 juillet 1847). Loi sur le régime des irrigations.
21 juin. Loi qui supprime les droits de vacation des juges de paix et augmente leur traitement.
22 juin. Loi qui fixe le maximum et le minimum des versements dans les caisses d'épargne.
15 juillet. Loi sur la police des chemins de fer.
18 juillet. Loi qui apporte règlement et adoucissement dans le régime de l'esclavage aux colonies.
9 août 1847. Une nouvelle loi ajoute aux mesures favorables de la loi précédente, et institue des cours criminelles chargées de connaître des crimes commis envers et par des esclaves.
1846. 3 juillet. Loi qui modifie le régime de postes en supprimant le décime rural et en réduisant la taxe sur les envois de fonds.
Il suffit de parcourir cette simple nomenclature législative pour reconnaître qu'il n'est aucune des grandes questions d'intérêt national ou social, dont notre temps est avec raison préoccupé, qui n'ait été, pour le gouvernement de 1830, l'objet d'une sérieuse attention et d'une féconde activité.
Dans l'ordre politique, il a efficacement organisé et réglé la force publique, le mode de sa formation, ses divers éléments, l'état de ses officiers, la composition de ses états-majors[246]; et notre armée de terre et de mer ainsi constituée a glorieusement suffi jusqu'ici à toutes les missions, à toutes les épreuves auxquelles elle a été appelée, aux campagnes de Crimée et d'Italie comme à la conquête de l'Algérie.
[Note 246: Par les lois des 22 mars 1831, 22 mars 1832, 19 mai 1834, 9 août 1839 et 17 juin 1841.]
Le gouvernement de 1830 n'a pas donné moins de soin à la vie intérieure de la France qu'à sa force au dehors: le principe électif, gage nécessaire d'influence et de contrôle pour toute société, grande ou petite, a été introduit dans l'administration des départements et des communes, y compris celle de la ville de Paris[247]; et en même temps que la liberté devenait ainsi un droit actif sur tous les points du territoire comme au centre de l'État, la loi du 28 juin 1833 sur l'instruction primaire, la loi du 21 mai 1836 sur les chemins vicinaux et les deux lois du 11 juin 1842 et du 15 juillet 1845, l'une sur la constitution du réseau général, l'autre sur la police des chemins de fer, imprimaient partout, dans les campagnes comme dans les villes, un mouvement permanent de progrès moral et matériel.
[Note 247: Par les lois des 21 mars 1831, 22 juin 1833, 20 avril 1834, 18 juillet 1837 et 10 mai 1838.]
Dans l'ordre civil, nos divers codes ont reçu d'importantes réformes, toutes dirigées vers l'efficacité pratique et l'adoucissement des lois, la simplification des affaires, la garantie de la propriété et des droits privés dans leurs rapports avec l'État[248].
[Note 248: Par les lois des 4 et 21 mars 1831, 7 juillet 1833, 7 avril 1837, 17 et 28 avril 1832, 25 mai 1835, 11 avril, 25 et 28 mai 1838, 8 mars 1840, 2, 14 et 25 juin 1841, 18 juin 1843, 3 mai, 5 juillet et 3 août 1844, 28 avril, 21 et 22 juin 1845.]
L'ordre moral n'a pas été plus négligé que l'ordre politique et l'ordre civil: les caisses d'épargne, le travail des enfants dans les manufactures, le sort des aliénés et les établissements consacrés à cette triste misère humaine, l'état des prisons, l'abolition de la traite des nègres, le régime de nos colonies, la condition des esclaves, leurs rapports avec les maîtres, la préparation de l'abolition de l'esclavage, l'abolition des loteries et des jeux, toutes les questions où sont engagés soit l'état actuel, soit les longues espérances de l'humanité dans les diverses conditions sociales[249], ont été abordées, étudiées, débattues, quelques-unes résolues, toutes mises en état de travail et de progrès.
[Note 249: Par les lois des 24 juin 1833, 4 mars 1831, 5 juin 1835, 21 mai 1836, 20 juin 1838, 22 mars 1841, 3 août 1844, 18 juillet 1845 Et 9 août 1847.]
Je n'ai fait entrer, dans ce tableau de l'activité législative du gouvernement de 1830, que les lois adoptées, promulguées et mises en vigueur pendant sa durée. Je n'ai voulu inscrire au compte définitif de ce gouvernement que des faits accomplis et des résultats acquis. Je dois cependant à sa mémoire quelque mention des travaux qu'il avait préparés et livrés aux épreuves du régime constitutionnel dans les sessions voisines de sa chute. L'instruction primaire et la situation des instituteurs, l'instruction secondaire et la liberté d'enseignement, l'enseignement du droit et celui de la pharmacie, l'exercice de la médecine, la réforme des prisons et l'établissement du régime pénitentiaire, les sociétés de secours mutuels, les caisses de retraite pour la vieillesse, la réforme du système hypothécaire, la navigation intérieure, le reboisement des montagnes, tous ces intérêts de l'ordre moral, social, matériel, étaient l'objet de nombreux projets de loi présentés aux Chambres, que leurs commissions étudiaient, et qu'elles étaient près de discuter quand la révolution du 24 février renversa les Chambres et la monarchie constitutionnelle elle-même. A ces témoignages de l'activité législative je devrais joindre ceux de l'activité administrative et les nombreuses mesures d'amélioration et de progrès accomplies par ordonnances royales dans les services publics. Je n'en citerai que deux, très-diverses quant à leur objet et à leur date, mais empreintes, chacune à son tour, de l'une des deux idées qui ont simultanément présidé au gouvernement de 1830. Le 27 août 1830, une ordonnance du roi rendit au barreau français ses anciennes franchises en reconnaissant à tout avocat inscrit au tableau le droit de concourir, par élection directe, à la nomination des membres du conseil et du bâtonnier de l'ordre, ainsi que le droit de plaider devant toutes les cours et tous les tribunaux du royaume sans avoir besoin d'aucune autorisation. Le 31 mai 1838, une ordonnance du roi régla le régime de la comptabilité publique, d'une façon générale et destinée à maintenir un ordre sévère dans cette branche de l'administration. Soit qu'il agît de concert avec les Chambres ou par la Couronne seule, le Gouvernement avait pour égale règle de conduite le soin de l'ordre et le respect de la liberté.
Je passe de la législation politique et sociale, de 1830 à 1848, à l'administration des finances durant la même époque, et j'en constate pareillement les résultats en prenant pour point de comparaison, d'après les comptes généraux et définitifs de cette administration, les deux exercices de 1829 et de 1847, les derniers qui aient complétement appartenu, le premier au gouvernement de la Restauration, le second au gouvernement de 1830.
II
Administration des finances.
1° Revenus ordinaires.
En 1829, les revenus ordinaires ont été de 993,396,000 fr.
En 1847, ils ont été de 1,342,809,354
L'accroissement des revenus ordinaires de 1829 à 1847 a donc été de 349,413,354
Savoir:
1° Sur les contributions directes de 94,000,560 fr.
2° Sur les contributions indirectes de 243,317,400
3° Produits divers de toute nature. 12,095,394.
Aucun impôt nouveau n'a été créé durant cette époque. J'indiquerai tout à l'heure les augmentations qu'ont reçues quelques-uns des impôts déjà établis.
L'accroissement du revenu public est provenu:
—Sur les contributions directes: 1° de l'addition faite en 1832 au principal de la contribution personnelle et mobilière et de la taxe des portes et fenêtres, qui a ajouté environ 11 millions aux ressources de l'État et 5 millions à celles des départements; 2° de l'application de la loi des finances de 1835 qui soumit à l'impôt les bâtiments nouvellement construits et en déchargea les bâtiments démolis; 3° du développement des centimes additionnels départementaux.
—Sur les contributions indirectes, l'accroissement du produit a été presque uniquement le résultat du progrès continu de l'aisance générale et de la richesse nationale. Quelques élévations de tarifs ont influé, dans une certaine mesure, sur la plus-value des produits de l'enregistrement; mais cette plus-value a été beaucoup plus que compensée par des dégrèvements considérables, savoir: 1° par une réduction de 30 millions opérée en 1830 sur l'impôt des boissons; 2° par une réduction de 12,792,000 fr. sur le revenu des douanes, réduction amenée par les abaissements de tarifs de 1830 à 1836; 3° par une réduction d'un million sur le produit des postes.
—Sur les produits divers de toute nature, l'accroissement de 12,095,000 fr. a eu lieu malgré la réduction de 18,000,000 amenée par l'abolition de la loterie et des jeux, et malgré la suppression de la rétribution universitaire qui avait produit, en 1844, 1,982,000 fr.
Ces réductions réunies, toutes opérées par les plus justes motifs, ont imposé au Trésor un sacrifice annuel de 63,000,000.
Si donc le revenu public ordinaire avait été perçu en 1847 sur les mêmes bases qu'en 1829, il aurait reçu un accroissement bien plus considérable que celui qu'il a effectivement atteint et que je viens de rappeler.
2° Dépenses ordinaires.
En 1829, les dépenses ordinaires ont été de 1,014,914,000 fr.
En 1847, elles ont été de 1,452,226,564
De 1829 à 1847 l'accroissement des dépenses ordinaires a donc été de 437,312,564 fr.
Les causes de cet accroissement ont été:
1° Les dépenses occasionnées par la conquête et l'occupation de l'Algérie. Ces dépenses ont toujours été comprises dans les dépenses ordinaires de l'État. De 1830 au 31 décembre 1847, elles se sont élevées à plus d'un milliard. Dans les derniers exercices de 1830, elles grevaient le budget annuel des dépenses ordinaires de plus de 100 millions.
2° Les armements, les approvisionnements militaires et l'extension des cadres de l'armée nécessités par les circonstances politiques, d'abord au début du gouvernement de 1830, ensuite en 1840; les inondations et la crise de la cherté alimentaire en 1846 et 1847.
3° Le développement naturel et nécessaire, quoique modéré et lent, des divers services publics. J'en consigne ici les détails les plus importants.
Ministère de la Justice et des Cultes.
Le budget de la justice qui était en 1829 de 19,588,000 fr.
s'est élevé en 1847 à 27,457,724
Cette augmentation de 7,869,724 fr. est provenue: 1° de l'amélioration des traitements de la magistrature, principalement dans les degrés inférieurs; 2° de la suppression des vacations des juges de paix remplacées par une addition à leur traitement fixe; 3° de l'accroissement des frais de justice criminelle.
Le budget des cultes était en 1829 de 35,481,000 fr.
Il s'est élevé en 1847 à 39,367,395
La construction ou la restauration d'édifices diocésains, les subventions accordées pour la construction ou la restauration d'édifices paroissiaux, la création des succursales et des vicariats, l'érection d'un certain nombre de cures inamovibles, les améliorations apportées dans les traitements des desservants catholiques et des pasteurs protestants, les traitements des ministres israélites et autres frais de culte inscrits pour la première fois au budget sous le gouvernement de 1830, ont déterminé cette augmentation de 3,886,395 fr.
Ministère de l'Instruction publique.
Le budget de ce ministère était en 1829 de 7,292,000 fr.
Il s'est élevé en 1847 à 19,269,438
L'augmentation de 11,787,438 fr. a eu pour causes: 1° le rétablissement de la cinquième classe de l'Institut (Académie des sciences morales et politiques); 2° la création de nouvelles facultés dans les départements et de nouvelles chaires dans les facultés existantes, au Collége de France et au Muséum d'histoire naturelle; 3° le développement des écoles de pharmacie rattachées pour la première fois au budget de l'instruction publique; 4° le rétablissement de l'École normale supérieure; 5° l'institution de quatorze nouveaux colléges royaux et l'augmentation des encouragements accordés aux études et aux travaux scientifiques et historiques; 6° enfin et surtout la grande extension du service de l'instruction primaire organisée par la loi du 28 juin 1833. Je n'insiste pas sur les résultats de cette loi; ils sont trop positivement constatés et trop universellement reconnus pour qu'il me convienne de m'y arrêter. Je ne signalerai qu'un fait. En 1832, avant la loi du 28 juin 1833, il y avait en France 42,092 écoles primaires, communales ou privées, et dans ces écoles 1,935,624 élèves, garçons ou filles. Au 1er janvier 1848, sous l'influence de la loi du 28 juin 1833, le nombre des écoles primaires s'était élevé à 63,028, et celui des élèves à 3,530,135. Ainsi, dans l'espace de quatorze ans, l'instruction primaire avait acquis 20,936 écoles et 1,594,511 élèves de plus.
Ministère de l'Intérieur.
Ce budget était en 1829 de 53,370,000 fr.
Il s'est élevé en 1847 à 142,465,747
L'augmentation de 89,096,747 fr., dont il faut déduire 66,000,000 de dépenses départementales, est due aux notables améliorations morales et matérielles apportées dans le régime des prisons, au développement des lignes télégraphiques, à la conservation des monuments historiques, aux subventions allouées aux ponts à péage des chemins vicinaux, aux nouvelles allocations accordées aux établissements de bienfaisance et aux beaux-arts, aux dépenses de la garde nationale, etc., etc.
Ministère de l'Agriculture et du Commerce.
Ce budget était en 1829 de 10,177,000 fr.
Il s'est élevé en 1847 à 14,015,000
Cette augmentation d'environ 4 millions a été appliquée aux encouragements à l'agriculture, aux pêches maritimes, au Conservatoire des arts et métiers, aux établissements thermaux et sanitaires, aux secours pour inondations et au développement des haras.
Ministère des Travaux publics.
Ce budget était en 1829 de 33,397,000 fr.
Il s'est élevé en 1847 à 69,474,765
Cette forte augmentation a eu pour cause les nombreux travaux publics entrepris et exécutés sur le budget ordinaire de l'État, l'ouverture des lacunes et les rectifications des routes royales, l'amélioration de la navigation intérieure, la construction ou l'agrandissement des ports maritimes, les réparations et les constructions de monuments publics et, par une conséquence nécessaire, le développement des cadres du personnel des ponts et chaussées et des mines.
Pour l'achèvement du seul port de Cherbourg, le gouvernement de 1830 a dépensé, de 1830 à 1848, 49,123,695 fr., somme très-supérieure à celles qu'ont dépensées pour ce grand travail les divers gouvernements qui y ont concouru depuis son origine jusqu'à son achèvement (1783-1867).
Ministère de la Guerre.
Ce budget était en 1829 de 214,367,000 fr.
Il s'est élevé en 1847 à 349,310,950
Les dépenses de l'Algérie figurent dans cette augmentation pour plus de 104 millions. Un accroissement d'effectif de 17 à 18,000 hommes sur l'effectif de 1829, une amélioration de solde et d'entretien pour les soldats et les grades inférieurs, l'extension des écoles régimentaires et les changements dans la proportion des armes ont déterminé le surplus de l'augmentation.
Ministère de la Marine.
Ce budget était en 1829 de 72,935,000 fr.
Il s'est élevé en 1847 à 133,732,030
Les trois principales causes qui ont amené cette augmentation de 60 millions ont été: 1° la création de services qui n'existaient pas au budget du département de la marine en 1829, tels que l'infanterie de marine, la gendarmerie maritime et les gardes maritimes; 2° les améliorations introduites, comme pour l'armée de terre, dans la condition, la nourriture et la solde des officiers, sous-officiers, soldats, matelots et ouvriers; 3° le développement de nos forces navales, soit par les armements, soit par les travaux maritimes; développement rendu nécessaire par la conquête de l'Algérie, par le progrès du commerce extérieur, par nos nouveaux établissements lointains, et par le rôle de plus en plus important que la marine est appelée à jouer pour l'extension et la protection de l'activité et des intérêts nationaux dans toutes les parties du monde.
Je résume, d'après ces faits et ces chiffres, les résultats de l'administration des revenus et des dépenses ordinaires, de 1830 à 1848:
1° Aucune création d'impôts nouveaux. Nulle autre augmentation des impôts existants en 1830 que l'addition de 16,000,000 au principal de la contribution personnelle et mobilière et de la taxe des portes et fenêtres, quelques élévations de tarifs dans les droits d'enregistrement et les centimes additionnels votés par les conseils généraux.
2° Réduction de 63,000,000 d'impôts divers, savoir:
30 millions sur l'impôt des boissons. 12 millions sur les douanes. 1 million sur les droits de poste. 18 millions pour l'abolition de la loterie et des jeux. 2 millions par l'abolition de la rétribution universitaire.
Total 63 millions.
3° Malgré ces réductions de taxes diverses, l'augmentation progressive des produits des contributions indirectes, augmentation amenée par la seule puissance de la prospérité publique et du travail national, a apporté dans les revenus ordinaires de l'État, de 1829 à 1847, un accroissement d'environ 244 millions.
4° Ainsi, réduits d'une part et accrus de l'autre, les revenus ordinaires ont suffi, de 1838 à 1848: 1° à l'acquittement de toutes les dépenses ordinaires de l'État, y compris celles qu'ont entraînées la conquête et l'occupation de l'Algérie et les armements extraordinaires nécessités en 1830 et en 1840 par les circonstances politiques; 2° à de nombreuses et importantes améliorations apportées dans tous les services publics, de l'ordre moral comme de l'ordre matériel, de la guerre comme de la paix, et au profit de toutes les classes de citoyens.
Ce résultat est incontestable aujourd'hui. Tous les comptes du gouvernement de 1830 ont été l'objet de règlements législatifs, et le déficit du dernier exercice (1847) n'a laissé, pour toute la durée de ce gouvernement, qu'un découvert de 13,762,000 fr.
Je dois reconnaître que, dans les premières années de son existence, pour subvenir aux frais inséparables de toute révolution, le gouvernement de 1830 a eu recours à des ressources extraordinaires: il a aliéné des bois de l'État; il a annulé des rentes rachetées par l'amortissement, et il a fait appel au crédit jusqu'à concurrence de 290,000,000 fr. Mais, à partir de 1833, non-seulement ses ressources ordinaires lui ont suffi; elles ont de plus fourni, aux travaux publics extraordinaires qu'il a entrepris et accomplis, des voies et moyens très-considérables. C'est le grand fait qui me reste à constater.
III
TRAVAUX PUBLICS.
Je persiste, pour ce résumé des travaux publics de 1830 à 1848, dans l'ordre que j'ai adopté pour le résumé de l'administration générale des finances. J'indique d'abord la somme et la nature des fonds qui ont été affectés à cet emploi.
Ces fonds ont été puisés à des sources diverses:
1° Dans les ressources ordinaires des budgets. De 1830 à 1847, dans tous les budgets ordinaires, des crédits ont été ouverts pour des travaux publics extraordinaires. Ces crédits sont épars dans les budgets de l'intérieur, des travaux publics, de la guerre et de la marine. Ils se sont élevés à 328,135,000 fr.
2° Les réserves de l'amortissement, ou budget extraordinaire créé par la loi du 17 mai 1837, ont été la seconde source ouverte à l'accomplissement des travaux publics extraordinaires. Sous le gouvernement de 1830, l'amortissement de la dette publique a constamment fonctionné; mais les fonds que le crédit public avait portés et soutenait au-dessus du pair, le 5, le 4 1/2 et le 4 p. % ne pouvaient continuer à être amortis sans imposer au Trésor une perte considérable. La dotation et les rentes rachetées appartenant à chacun de ces fonds n'étaient donc plus employées en achats nouveaux, et constituaient un fonds provisoirement disponible auquel on donna le nom de réserves de l'amortissement. Ce fut ce fonds que la loi du 17 mai 1837 affecta aux travaux publics extraordinaires. Il leur a fourni 225,624,000 fr. Il faut remarquer que ces 225,624,000 fr. avaient été produits par les revenus ordinaires de l'État, et ne peuvent être rangés parmi les ressources extraordinaires.
3° Les emprunts soit en rentes, soit en dette flottante, ont été la troisième des ressources affectées aux travaux publics extraordinaires. J'en indique la date et le montant.
1° La loi du 27 juin 1833 autorisa l'émission de 5 millions de rentes 5 p. %, en prononçant l'annulation d'une même quantité de rentes sur celles qui avaient été rachetées par l'amortissement. Cette émission a produit 93,852,000 fr.
2° La loi du 25 juin 1841 autorisa une émission de rentes 3 p. %, qui s'éleva à 12,810,245 fr. de rente et qui a produit 450,000,000 fr.
3° La loi du 11 juin 1842, qui établit le réseau général de nos chemins de fer, ordonna que les dépenses des travaux qui devaient rester à la charge de l'État seraient provisoirement supportées par la dette flottante. Au 31 décembre 1847, les avances s'élevaient à 441,000,000 fr.
Le 10 novembre 1847, un emprunt en rentes 3 p. % (9,966,777 fr. de rentes), autorisé par une loi du 11 août précédent, avec affectation aux travaux publics extraordinaires, produisit 250,000,000 qui devaient réduire d'autant le chiffre de la dette flottante. Cette somme ne pourrait, sans un double emploi évident, être comprise parmi les ressources extraordinaires créées pour les grands travaux publics. Sur ces 250,000,000, une somme de 82,000,000 déjà versés se trouvait, le 24 février 1848, dans l'encaisse du Trésor, et les versements qui restaient à effectuer (168,000,000) ont été reçus par le gouvernement de la République.
Au moment de sa chute, le gouvernement de 1830 possédait, pour faire face à sa dette flottante de 441,000,000 fr.:
1° Les ressources provenant des travaux exécutés à l'aide de cette dette flottante, savoir les remboursements dûs:
Par la compagnie du chemin de fer du Nord. 93,592,000 fr.
Par la compagnie du chemin de fer de Lyon. 42,000,000 fr.
    Par la compagnie du chemin de fer de
    Tours à Nantes, environ.                            6,000,000 fr.
Par diverses compagnies pour prêts. 56,268,000 fr.
Pour le prix des terrains de l'ancien hôtel des affaires étrangères, environ. 7,000,000 fr.
Total. 204,860,000 fr.
Les comptes successifs de l'administration des finances depuis 1848 constatent que ces ressources ont été réalisées.
2° A ces recouvrements qui devaient décharger d'autant la dette flottante de 441 millions, il faut ajouter les réserves de l'amortissement restées sans emploi, grâce à l'élévation constante du 5, du 4 1/2 et du 4 p. % au-dessus du pair, réserves que la loi du 11 juin 1843 avait affectées à l'extinction des découverts du budget. Le 31 décembre 1847, ces réserves s'élevaient à 80 millions, et le découvert du budget n'était plus alors, comme cela a été constaté, que de 13,762,000 fr. Les réserves de l'amortissement allaient donc devenir disponibles, du moins en grande partie, et elles auraient pu être affectées à la réduction de la dette flottante jusqu'à concurrence de leur disponibilité.
Enfin, à la date du 31 décembre 1847, l'amortissement du 3 p. %, qui n'avait pas été suspendu un seul jour, avait racheté 17,603,712 fr. de rentes; et si on liquide à cette époque l'administration financière du gouvernement de 1830, ces rentes rachetées avec ses revenus ordinaires font incontestablement partie de son actif.
J'arrive à la conclusion qui découle de ces faits et de ces chiffres scrupuleusement recueillis.
De 1830 à 1847, le gouvernement de cette époque a exécuté pour 1,538,000,000 de grands travaux publics. Pour accomplir cette oeuvre, il n'a eu recours aux moyens de crédit, ou, en d'autres termes, il n'a grevé l'avenir que jusqu'à concurrence de 984,000,000, même en y comprenant les 441,000,000 de dette flottante, quoiqu'il ait laissé, dans son actif, des ressources suffisantes pour les couvrir. Si donc, dans les premières années de son existence, le gouvernement de 1830 a dû recourir à des ressources extraordinaires pour payer une partie des dépenses de son établissement, il a, pour ainsi dire, restitué ces dépenses en payant sur ses ressources ordinaires une partie (554,000,000) des grands travaux publics que les gouvernements ont toujours payés avec des ressources extraordinaires.
Comment ont été employés les crédits que je viens d'indiquer? Quels grands travaux publics extraordinaires ont été accomplis de 1830 à 1848? C'est le dernier fait que je tiens à mettre en lumière.
Le gouvernement de 1830 a continué d'abord les oeuvres commencées par ses prédécesseurs. Les nombreuses lacunes que présentaient les anciennes routes royales ont été achevées. Les pentes qui les rendaient dangereuses ou impraticables ont été rectifiées. Les canaux entrepris par la Restauration ont été complétement exécutés, et les grands ports maritimes encore inachevés énergiquement continués. D'anciennes et célèbres cathédrales ont été restaurées. Les monuments entrepris par l'ancienne monarchie ou par l'Empire, les églises de Sainte-Geneviève et de la Madeleine, la Sainte-Chapelle, l'arc de triomphe de l'Étoile, le Muséum d'histoire naturelle, l'École des beaux-arts, les palais législatifs ou ont été terminés ou agrandis ou embellis. Les besoins nouveaux ont reçu aussi leur satisfaction; une nouvelle école normale supérieure a été offerte à l'enseignement public grandement et libéralement développé. Les maisons centrales de détention ont été appropriées à un meilleur régime pénitentiaire. Les hospices des aliénés et des sourds-muets ont été mis en état de mieux répondre à leur destination. De nouvelles routes ont été ouvertes pour pacifier et enrichir les contrées qu'avait désolées la guerre civile. Les voies navigables à l'intérieur du pays ont été perfectionnées. Deux grands canaux, celui de la Marne au Rhin et le canal latéral à la Garonne, ont été ouverts. Le réseau télégraphique a été étendu. Le matériel de la guerre et de la marine a été complété et amélioré à grands frais. Paris et Lyon ont été fortifiés.
Je trouve dans un écrit publié en 1848, peu de mois après la révolution de février[250], par M. Lacave-Laplagne, mon collègue comme ministre des finances de 1842 à 1847, un tableau des fonds affectés, sur les ressources ordinaires et extraordinaires des budgets, aux travaux publics extraordinaires, notamment à ceux que je viens de rappeler. Ce tableau, dressé en 1848, a pu être complété par des renseignements plus récents qu'il serait trop long d'expliquer ici. J'en tire cependant quelques chiffres, qui donnent une idée approximativement juste de l'importance des principaux travaux ainsi accomplis. De 1830 à 1847 inclusivement, il a été dépensé sur les ressources ordinaires des budgets:
[Note 250: Observations sur l'administration des finances pendant le gouvernement de Juillet, et sur ses résultats, par M. Lacave-Laplagne; Paris, 1848. Cet ouvrage et quatre autres écrits publiés de 1848 à 1864, savoir: 1° _Histoire financière du gouvernement de Juillet, _par M. L. Vitet, 1848; 2° _De l'équilibre des budgets sous la monarchie de _1830, par M. S. Dumon, ancien ministre des finances (1849); 3° Le roi Louis-Philippe; liste civile: par M. le comte de Montalivet (1851); 4° _Rien! Dix-huit années de gouvernement parlementaire, _par M. le comte de Montalivet (1864); contiennent, sur l'administration politique et financière du gouvernement de 1830 et sur ses résultats, des renseignements aussi véridiques que circonstanciés.]
    Pour les canaux.                             35,773,000 fr.
    Pour les routes royales, ponts, etc.         14,708,000
    Pour les routes départementales.              3,996,000
    Pour les monuments publics de divers genres. 46,388,000
La somme totale des fonds affectés, sur les ressources ordinaires des budgets, aux travaux publics extraordinaires, s'élève, selon ce tableau, à 328,125,000 fr.;
Et ce chiffre est conforme à celui que j'ai déjà indiqué.
La somme totale des fonds appliqués, sur les ressources extraordinaires portées dans des budgets spéciaux, à des emplois de même nature, s'élève, selon le tableau de M. Lacave-Laplagne, à 1,136,280,000 fr.
Ce qui fait, en tout, pour les travaux publics extraordinaires exécutés de 1830 à 1848, une somme totale de 1,461,415,000 fr.
Les renseignements plus complets que j'ai recueillis portent ce total, comme je l'ai dit d'abord, à la somme de 1,538,000,000 fr.
Le plus considérable de ces travaux a été sans contredit l'établissement des chemins de fer. Non-seulement c'est sous le gouvernement de 1830 que cette grande oeuvre a pris son premier élan; c'est de lui qu'elle a reçu la forte impulsion et les lois fondamentales qui ont présidé à ses développements et déterminé son succès. De 1833 à 1847, je trouve, dans le tableau chronologique des travaux législatifs de cette époque, trente-cinq lois proposées, discutées et promulguées pour l'étude et l'exécution des chemins de fer successivement entrepris dans toute l'étendue de la France[251]. Et, à l'origine comme au terme de cette législation, se placent deux grandes lois: l'une 9 août 1847.—Loi sur l'achèvement du chemin de fer de Paris à Valenciennes.
[Note 251: En voici le tableau:
27 juin 1833.—Loi pour des études sur les chemins de fer.
9 juillet 1836.—Loi d'établissement du chemin de fer de Paris à Versailles.
Chemin de fer de Montpellier à Cette.
6 mai 1838.—Chemin de fer de Strasbourg à Bâle.
26 juillet 1839.—Chemin de fer de Lille à Dunkerque.
1er août 1839.—Chemin de fer de Paris à Versailles.
—de Paris à Orléans.
—de Paris au Havre et à Dieppe.
15 juillet 1840.—Loi qui modifie quelques-unes des lois précédentes.
13 juin 1841.—Chemin de fer de Bordeaux à la Teste.
11 juin 1842.—Prolongement du chemin de fer de Paris à Rouen jusqu'au Havre.—Loi pour l'établissement d'un système général de chemins de fer en France.
28 juillet 1843.—Chemin de fer d'Avignon à Marseille.
7 juillet 1844.—Chemin de fer de Montpellier à Nîmes.
26 juillet 1844.—Chemin de fer de Paris à la frontière d'Espagne (entre Tours et Bordeaux).
    —De Paris à la Méditerranée par Lyon (entre Paris et Dijon, Châlons
    et Lyon).
—De Paris sur l'Océan (par Tours et Nantes).
    26 juillet 1844.—De Paris sur l'ouest de la France (par Chartres,
    Laval et Rennes).
    —De Paris sur l'Angleterre et la frontière de Belgique (par Calais,
    Dunkerque et Boulogne).
—D'Orléans à Vierzon et de Vierzon à Bourges.
—De Paris sur le centre de la France (du 11 juin 1842) qui a posé les bases du réseau général des chemins de fer et qu'on a justement appelée leur charte; l'autre (du 15 juillet 1845) qui a réglé la police des chemins de fer et fondé ainsi le régime permanent de ce grand et nouveau système de communication. Cette dernière loi, présentée et soutenue par M. Dumon, alors ministre des travaux publics, n'a pas cessé d'être en vigueur.
Au 31 décembre 1847, il y avait 2,059 kilomètres de chemins de fer en pleine exploitation, et 2,144 kilomètres de chemins de fer en construction.
Châteauroux et Limoges, par Bourges sur Clermont.
2 août 1844.—De Paris sur la frontière d'Allemagne, par Nancy et Strasbourg.
5 août 1844.—De Paris à Sceaux.
5 juillet 1845.—De Lille à la frontière de Belgique.
15 juillet 1845.—Loi sur la police des chemins de fer.
16 juillet 1845.—Loi complémentaire sur le chemin de fer de Paris à Lyon et de Lyon à Avignon.
19 juillet 1845.—Loi complémentaire des chemins de fer de Tours à Nantes et de Paris à Strasbourg.—Embranchement sur Reims et Metz—sur Dieppe et Fécamp—de Rouen au Havre—d'Aix sur Marseille et Avignon.
21 juin 1846.—Chemin de fer de Dijon sur Mulhouse avec embranchements.
—Développements du réseau de l'Ouest.
—De Bordeaux à Cette.
3 juillet 1846.—D'Orléans à Vierzon et de Nîmes à Montpellier (loi complémentaire).]
—Loi sur des modifications aux conditions de concession du chemin de fer de Paris à Lyon.
—Loi sur le classement du chemin de fer de Montereau à Troyes.
Je n'ajoute rien à ces faits. Ils contiennent une claire et concluante réponse aux deux questions que j'ai posées en tête de ce résumé: «Quelle influence a exercée, pendant sa durée, sur l'état et le sort de la France, le gouvernement de 1830? Qu'est-il resté et que reste-t-il à la France de l'influence et des oeuvres de ce gouvernement?» Évidemment l'ordre politique et l'ordre civil, l'ordre moral et l'ordre matériel, les droits de la liberté et ceux de la sécurité publique, les progrès de la prospérité et du bien-être dans toutes les classes de la nation ont été, pour le gouvernement de 1830, l'objet d'une constante préoccupation et d'une honnête et efficace action. Il a compris sa mission et poursuivi son but, sérieusement, simplement, sans charlatanerie, sans fantaisie, et le bien de ses oeuvres a survécu au malheur de sa chute. Il a eu les caractères essentiels et il atteignait de jour en jour les résultats essentiels d'un gouvernement légal et libre. Ce fut son travail. Ce sera son honneur.
FIN DU HUITIÈME ET DERNIER VOLUME.
TABLE DES MATIÈRES
DU TOME HUITIÈME.
CHAPITRE XLIV.
LE GOUVERNEMENT PARLEMENTAIRE.
(1840-1848.)
Le gouvernement libre est le but et le besoin des sociétés modernes.—La responsabilité du pouvoir est le principe essentiel du gouvernement libre.—Le gouvernement libre peut et doit avoir, selon les lieux et les temps, des formes différentes.—Exemples: l'Angleterre et la France, les États-Unis d'Amérique et la Suisse.—Le gouvernement parlementaire est l'une des formes du gouvernement libre.—La formation des partis politiques est l'une des conditions du gouvernement parlementaire.—Accomplissement de ces conditions par le cabinet du 29 octobre 1840.—Son homogénéité et son unité.—Les changements survenus dans sa composition ne les altèrent point.—Rapports de ses membres entre eux.—Ses rapports avec les Chambres.—Formation et action du parti conservateur.—De la corruption électorale et parlementaire.—De l'opposition parlementaire.—Séance du 26 janvier 1844 à la Chambre des députés.—Rapports du cabinet et mes rapports personnels avec le roi Louis-Philippe.—De la maxime: «Le roi règne et ne gouverne pas.»—Caractères du gouvernement parlementaire pendant la durée du cabinet du 29 octobre 1840.
CHAPITRE XLV.
LES MARIAGES ESPAGNOLS.
(1842-1847.)
Notre politique envers l'Espagne de 1833 à 1842 et ses deux principes.—Question du mariage de la reine Isabelle.—Notre politique dans cette question.—Mission de M. Pageot à Londres, Vienne et Berlin.—Idée du prince de Metternich.—Idée de la cour de Londres pour le prince Léopold de Coburg.—Mes communications avec le cabinet anglais à ce sujet.—Chute du régent Espartero.—Changement d'attitude du cabinet anglais.—M. Olozaga et la reine Isabelle.—M. Gonzalès Bravo.—M. Bresson, ambassadeur de France à Madrid.—Sir Henri Bulwer, ministre d'Angleterre à Madrid.—Retour de la reine Christine en Espagne.—Réforme de la constitution espagnole de 1837.—Le général Narvaez.—Situation des divers prétendants à la main de la reine Isabelle.—Mort de l'infante doña Carlotta.—Le comte de Trapani.—Conversation du roi Louis-Philippe avec le comte Appony.—Abdication de don Carlos.—Négociation pour le mariage de la reine Isabelle avec le comte de Trapani.—Nos relations à ce sujet avec le cabinet anglais.—Vrai sentiment de la reine Christine pour le mariage de ses deux filles.—Première idée du mariage du duc de Montpensier avec l'infante doña Fernanda.—Entretiens, au château d'Eu, avec lord Aberdeen à ce sujet.—Menées entre Madrid et Lisbonne en faveur du prince Léopold de Coburg.—Participation de sir Henri Bulwer.—Avertissement loyal de lord Aberdeen.—Mes instructions à M. Bresson.—Chute du général Narvaez.—Cabinet Miraflores.—Mon mémorandum du 27 février 1846.—Cabinet Isturiz.—Chute du cabinet de sir Robert Peel et de lord Aberdeen.—Avénement de lord Palmerston au Foreign-Office.—Sa dépêche du 19 juillet 1846.—Mes instructions à M. Bresson.—Résolution de la reine Christine pour les deux mariages de ses filles.—Le duc de Cadix et le duc de Montpensier.—Négociation à ce sujet.—Conclusion des deux mariages.—Le duc de Montpensier et le duc d'Aumale en Espagne.—Opposition du cabinet anglais.—Son inefficacité.—Célébration des deux mariages.—Leurs conséquences.
CHAPITRE XLVI.
L'ITALIE ET LE PAPE PIE IX.
(1846-1848.)
Pie IX en 1846 et en 1866.—Contraste entre ces deux époques.—Quelle est la part de Pie IX lui-même dans sa destinée?—Mes instructions à M. Rossi pour le conclave de 1846.—Amnistie de Pie IX à son avénement—Le cardinal Gizzi, secrétaire d'État.—Pie IX réformateur.—Ses premières conversations avec M. Rossi.—Inexpérience et faiblesse politique de la cour de Rome.—La question romaine et la question italienne.—Le cardinal Ferretti, secrétaire d'État.—Occupation de Ferrare par les Autrichiens.—Réformes accomplies à Rome.—Le parti libéral romain modéré et laïque.—Sa bonne attitude en 1847 pour la fête anniversaire de l'amnistie.—Garde civique romaine.—Lettre que m'adresse M. J. Mazzini sur le parti modéré en Italie.—Dépêche du prince de Metternich sur le même sujet.—Complication des questions romaines et des questions italiennes.—Notre politique en Italie.—Lettre du prince de Joinville à cet égard.—Ma réponse.—Mes instructions à nos agents en Italie.—Installation de la consulta d'État à Rome.—L'esprit réformateur, l'esprit national et l'esprit révolutionnaire en Italie.—Nos préparatifs pour une expédition destinée à protéger le pape, en janvier 1848.—Chute du cabinet du 29 octobre 1840 et révolution du 24 février 1848.—Crise radicale dans la situation de Pie IX.—Ministère et assassinat de M. Rossi.—Un abîme entre le pape réformateur et le pape révolutionnaire.—Quelle est la part des peuples dans l'insuccès des gouvernements?—Louis XVI et Pie IX.—Lettre de M. Rossi à moi après la révolution du 24 février 1848.
CHAPITRE XLVII.
LA SUISSE ET LE SONDERBUND.
(1840-1848.)
Sentiments du roi Louis-Philippe sur la Suisse.—Leur fondement historique.—Napoléon Ier et l'acte de médiation de 1803.—Le congrès de Vienne et le pacte fédéral de 1815.—Les révolutions cantonnales de 1830.—En 1832, la révision du pacte fédéral échoue.—Ma situation personnelle envers la Suisse.—Lutte des conservateurs et des radicaux suisses.—Abolition des couvents et confiscation de leurs biens dans le canton d'Argovie.—Appel des jésuites pour l'instruction publique dans le canton de Lucerne.—Première expédition des corps francs contre Lucerne.—Hésitation et inertie de la Diète helvétique.—Notre attitude diplomatique envers la Suisse.—Seconde expédition des corps francs contre le canton de Lucerne.—Installation des jésuites à Lucerne.—Révolutions radicales dans les cantons de Vaud et de Berne.—Assassinat de M. Jacob Leu, d'Ébersol.—Formation du Sonderbund, ligue des cantons catholiques.—M. de Boislecomte, ambassadeur de France en Suisse.—Ses conversations avec M. Ochsenbein, président de la Diète.—Révolution radicale dans le canton de Genève.—Nos relations avec les cours de Vienne, de Berlin et de Pétersbourg sur les affaires de Suisse.—Mon insistance pour que nous nous entendions aussi avec l'Angleterre.—Le duc de Broglie ambassadeur à Londres.—Ses conversations avec lord Palmerston.—Négociations sur un projet de note identique et de médiation à présenter par les cinq puissances à la Diète helvétique et au Sonderbund.—La guerre civile éclate en Suisse.—M. Peel chargé d'affaires d'Angleterre en Suisse.—Défaite du Sonderbund.—Présentation tardive de la note identique des cinq puissances.—Vues des cours de Vienne et de Berlin.—Le comte de Colloredo et le général Radowitz à Paris.—Notre attitude envers eux.—Résumé de nos vues et de nos actes envers la Suisse à cette époque.
CHAPITRE XLVIII.
LES RÉFORMES POLITIQUES ET LA CHUTE DU MINISTÈRE DU 29 OCTOBRE 1840.
(1840-1848.)
Ma disposition personnelle en terminant ces Mémoires.—Pensée dominante et constante du ministère du 29 octobre 1840.—La prépondérance des classes moyennes; ses motifs et son caractère.—Le parti conservateur.—Le but des réformes électorale et parlementaire était de changer cette politique.—Diversité des éléments de l'opposition.—L'opposition monarchique et l'opposition républicaine.—Diversité des éléments de l'opposition monarchique;—de l'opposition républicaine.—De 1840 à 1847, la question des réformes reste dans l'arène parlementaire.—Divers débats à ce sujet.—La question passe dans le champ de l'agitation extérieure.—Les banquets de 1847.—Leur caractère.—Attitudes diverses de l'opposition monarchique et de l'opposition républicaine.—Ascendant croissant de l'opposition républicaine.—Attitude du gouvernement envers les banquets.—Ma conversation avec M. de Morny.—Ma conversation avec le roi Louis-Philippe.—Projet d'un nouveau banquet à Paris.—Ouverture de la session de 1848.—Discussion de l'adresse.—Résolution et langage du gouvernement sur la question des réformes.—L'opposition se décide à assister au nouveau banquet proposé.—Le gouvernement se décide à l'interdire.—Question de légalité élevée à ce sujet.—Compromis entre des représentants du cabinet et des représentants de l'opposition pour faire décider cette question par les tribunaux.—Luttes intérieures entre les divers éléments de l'opposition.—Les meneurs révolutionnaires de l'opposition républicaine ajoutent au banquet un plan de mouvement populaire.—Manifeste publié dans ce but.—Changement de scène.—Le gouvernement interdit le banquet.—L'opposition parlementaire y renonce et propose à la Chambre des députés l'accusation du ministère.—Journées des 21 et 22 février.—Le 23 février, manifestations réformistes dans une partie de la garde nationale.—Conversation du roi, d'abord avec M. Duchâtel, puis avec moi.—Chute du cabinet.—Je l'annonce à la Chambre.—Émotion de la majorité.—Rapports entre le roi et le cabinet.—Persistance des menées de l'opposition républicaine révolutionnaire.—Mesures de résistance préparées par le gouvernement.—Tragique incident, dans la soirée du 23 février, devant le ministère des affaires étrangères.—Ses effets.—Nomination du maréchal Bugeaud au commandement de la garde nationale et des troupes; dernier acte du ministère.—Ma dernière visite au roi Louis-Philippe.—Mon impression sur ses sentiments et ses dispositions intérieures dans cette crise.
CHAPITRE XLIX
RÉSUMÉ.
FIN DE LA TABLE DU TOME HUITIÈME ET DERNIER.
________________________________________ PARIS.—IMPRIMÉ CHEZ JULES BONAVENTURE. 55, QUAI DES GRANDS-AUGUSTINS.