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Monsieur Lecoq — Volume 1: L'enquête

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XLI

Dans un grand lit à baldaquin, suant et geignant sous ses couvertures, était couché l'oracle à deux visages, Tirauclair rue de Jérusalem, Tabaret rue Saint-Lazare.

Comment jamais soupçon de ses travaux policiers n'avait effleuré l'esprit de ses voisins les plus proches, on le comprenait en le voyant.

Impossible d'accorder, non pas une perspicacité supérieure, mais seulement une intelligence moyenne au porteur de cette physionomie, où la bêtise le disputait à un étonnement perpétuel.

Avec son front fuyant et ses immenses oreilles, son nez odieusement retroussé, ses petits yeux et ses grosses lèvres, M. Tabaret réalisait, à désoler un caricaturiste, le type convenu du petit rentier idiot.

Il est vrai qu'en l'observant attentivement on devait être frappé de sa ressemblance avec le chien de chasse, dont il avait les aptitudes et les instincts.

Quand il passait dans la rue, les gamins impudents devaient se retourner pour crier: «Oh! cette balle!...»

Il riait de la méprise, l'astucieux bonhomme, et même il prenait plaisir à épaissir ses apparences de niaiserie, exagérant cette idée que «celui-là n'est pas véritablement fin qui paraît l'être.»

À la vue des deux policiers, qu'il connaissait bien, l'œil du père Tabaret étincela.

—Bonjours Lecoq, mon garçon, dit-il, bonjour mon vieux Absinthe. On pense donc encore à ce pauvre papa Tirauclair, là-bas, que vous voici chez moi?

—Nous avons besoin de vos conseils, monsieur Tabaret.

—Ah! ah!...

—Nous venons de nous laisser «rouler» comme deux enfants par un prévenu.

—Fichtre!... il est donc fort, ce gaillard-là?... Lecoq eut un gros soupir.

—Si fort, répondit-il, que si j'étais superstitieux, je dirais que c'est le diable en personne....

La physionomie du bonhomme, prit une comique expression d'envie.

—Quoi!... vous avez trouvé un prévenu malin, dit-il, et vous vous plaignez! C'est une fière chance, cependant. Voyez-vous, mes enfants, tout dégénère et se rapetisse à notre époque. Les grands scélérats ne sont plus, et il ne nous reste que leur monnaie, un tas de petits aigrefins et de vulgaires filous qui ne valent pas les bottes qu'on use à courir après eux. C'est à dégoûter de faire de la police, parole d'honneur!... Plus de peines, d'émotions, d'anxiétés, de jouissances vives: plus de ces belles parties de cache-cache comme il s'en jouait jadis entre les malfaiteurs et les agents de la sûreté. Maintenant, quand un crime est commis, le lendemain le criminel est coffré. On prend l'omnibus pour aller l'arrêter à domicile... et on le trouve; ça fait pitié... Mais que lui reproche-t-on à votre prévenu?

—Il a tué trois hommes! répondit le père Absinthe.

—Oh!... fit M. Tabaret sur trois tons différents, oh! oh!...

Ce meurtrier le raccommodait un peu avec les contemporains.

—Et où cela?... interrogea-t-il.

—Dans un cabaret, du côté d'Ivry.

—Bon!... j'y suis, chez la veuve Chupin... un nommé Mai... J'ai vu cela dans la Gazette des Tribunaux, et Fanferlot-l'Ecureuil, qui m'est venu voir, m'a raconté que vous étiez tous, là-bas, dans d'étranges perplexités au sujet de l'identité de ce gars-là... C'est donc toi, mon fils, qui étais chargé des investigations?... Allons, tant mieux! Tu me conteras tout, et je t'aiderai selon mes petits moyens.

Il s'interrompit brusquement; et baissant la voix:

—Mais avant, dit-il à Lecoq, fais-moi le plaisir de te lever... attends, quand je te ferai signe... et d'ouvrir brusquement cette porte, là, à gauche. Manette, ma gouvernante, qui est la curiosité même, est derrière à nous écouter. J'entends le frôlement de ses cheveux le long de la serrure... Vas-y!...

Le jeune policier obéit, et Manette, prise en flagrant délit d'espionnage domestique, se sauva, poursuivie par les sarcasmes de son maître.

—Tu devrais pourtant savoir que cela ne te réussit jamais, criait-il.

Bien que placés plus près de la porte que le papa Tirauclair, ni Lecoq, ni le père Absinthe n'avaient rien entendu, et ils se regardaient, surpris au point de se demander si le bonhomme jouait une petite comédie convenue, ou si son ouïe avait réellement la merveilleuse sensibilité que trahissait cet incident.

—Maintenant, reprit le père Tabaret, en cherchant sur son lit une favorable position, je t'écoute, Lecoq, mon garçon... Manette n'y reviendra pas.

Le jeune policier avait eu le temps, en route, de préparer son récit, et c'est de la façon la plus claire qu'il conta par le menu, et avec des détails qu'on ne saurait écrire, tous les incidents de cette étrange affaire, les péripéties de l'instruction, les émotions de la poursuite, depuis le moment où Gévrol avait enfoncé la porte de la Poivrière, jusqu'à l'instant où Mai avait franchi le mur des jardins de l'hôtel de Sairmeuse.

Pendant que parlait Lecoq, le père Tabaret se transformait.

Pour sûr, il ne sentait plus les douleurs de sa goutte.

Selon les phases du récit, il se «tortillait» sur son lit, en poussant des petits cris de jubilation, ou il demeurait immobile, plongé dans une sorte de béatitude extatique comme un fanatique de musique de chambre, écoutant quelque divin quatuor de Beethoven.

—Que n'étais-je là! murmurait-il parfois entre ses dents, que n'étais-je là!...

Quand le jeune policier eut terminé, il laissa éclater ses transports.

—Voilà qui est beau!... s'écria-t-il. Et avec un mot: «C'est les Prussiens qui arrivent!» pour point de départ, Lecoq, mon garçon, il faut que je te le dise, et je m'y connais, tu t'es conduit comme un ange.

—Ne voudriez-vous pas dire comme un sot? demanda le défiant policier.

—Non, mon ami, certes non, Dieu m'en est témoin. Tu viens de réjouir mon vieux cœur; je puis mourir, j'aurai un successeur. Je voudrais t'embrasser, au nom de la logique. Ah! ce Gévrol qui t'a trahi,—car il t'a trahi, n'en doute pas, et je te donnerai le moyen de le convaincre de perfidie,—cet obtus et entêté Général n'est pas digne de brosser ton chapeau...

—Vous me comblez, monsieur Tabaret!... interrompit Lecoq, qui n'était pas bien sûr qu'on ne se moquât pas de lui; mais avec tout cela, Mai a disparu, et je suis perdu de réputation avant d'avoir pu commencer ma réputation.

Le bonhomme eut une grimace de singe épluchant une noix.

—Oh! attends, reprit-il, avant de repousser mes éloges. Je dis que tu as bien mené cette affaire, mais on pouvait la mener mieux, infiniment mieux!... Cela s'explique. Tu es doué, c'est incontestable; tu as le flair, le coup d'œil, tu sais déduire du connu à l'inconnu... seulement l'expérience te manque, tu t'enthousiasmes ou tu te décourages pour un rien, tu manques de suite, tu t'obstines à tourner autour d'une idée fixe comme un papillon autour d'une chandelle... Enfin tu es jeune. Sois tranquille, c'est un défaut qui passera tout seul et trop tôt. Pour tout dire, tu as commis des fautes.

Lecoq baissait la tête comme l'élève recevait le leçon de son professeur. N'était-il pas l'écolier, et ce vieux n'était-il pas le maître?

—Toutes tes fautes, poursuivit le bonhomme, je te les énumérerai, et je te démontrerai que par trois fois au moins tu as laissé échapper l'occasion de tirer au clair cette affaire si trouble en apparence, si limpide en réalité.

—Cependant, monsieur....

—Chut, chut, mon fils! laisse-moi dire. De quel principe es-tu parti, au début? De celui-ci: «Se défier surtout des apparences, croire précisément le contraire de ce qui paraîtra vrai ou seulement vraisemblable.»

—Oui, c'est bien cela que je me suis dit.

—Et c'était bien dit. Avec cette idée dans ta lanterne, pour éclairer ton chemin, tu devais aller droit à la vérité. Mais tu es jeune, je te l'ai déjà dit, et à la première circonstance très-vraisemblable qui s'est rencontrée, tu as totalement oublié ta règle de conduite. On t'a servi un fait plus que probable, et tu l'as avalé comme le goujon gobe l'appât du pêcheur.

La comparaison ne laissa pas que de piquer le jeune policier.

—Je n'ai pas été, ce me semble, si simple que cela, protesta-t-il.

—Bah!... qu'as-tu donc pensé lorsqu'on t'a appris que M. d'Escorval, le juge d'instruction, s'était cassé la jambe en descendant de voiture?

—Dame?... j'ai cru ce qu'on me disait, je l'avoue franchement, parce que....

Il cherchait; le père Tirauclair éclata de rire.

—Tu l'as cru, acheva-t-il, parce que c'était extraordinairement vraisemblable.

—Qu'eussiez-vous donc imaginé à ma place?...

—Le contraire de ce qu'on me disait. Je me serais peut-être trompé, je serais eu tout cas resté dans la logique de ma déduction.

La conclusion était si hardie, qu'elle déconcerta Lecoq.

—Quoi!... s'écria-t-il, supposez-vous donc que la chute de M. d'Escorval n'est qu'une fiction? qu'il ne s'est pas cassé la jambe?...

La physionomie du bonhomme devint soudainement grave.

—Je ne le suppose pas, répondit-il; j'en suis sûr.

XLII

Certes, la confiance de Lecoq en cet oracle policier qu'il venait consulter était grande, mais enfin le père Tirauclair pouvait se tromper, il s'était trompé déjà plusieurs fois: tous les oracles se trompent, c'est connu.

Ce qu'il disait paraissait si bien une énormité et s'écartait tellement du cercle des choses admissibles, que le jeune policier ne put dissimuler un geste d'incrédulité.

—Ainsi, monsieur Tabaret, dit-il, vous êtes prêt à jurer que M. d'Escorval se porte aussi bien que le père Absinthe et moi, et que s'il garde la chambre depuis deux mois, c'est uniquement pour soutenir un premier mensonge.

—Je le jurerais.

—Ce serait téméraire, je crois. Mais dans quel but, cette comédie?...

Le bonhomme leva les bras vers le ciel, comme s'il lui eût demandé pardon de l'ineptie du jeune policier.

—Comment, c'est toi!... prononça-t-il, toi en qui je voyais un successeur et un continuateur de ma méthode d'induction; comment, c'est toi qui m'adresses cette question saugrenue!... Voyons, réfléchis donc un peu! Te faut-il un exemple pour aider ton intelligence? Soit. Suppose-toi juge, pour un moment. Un crime est commis; on te charge de l'instruction, et tu te rends près du prévenu pour l'interroger... très bien. Ce prévenu avait réussi jusque-là à dissimuler son identité... c'est notre cas, n'est-il pas vrai? Eh bien!... Que ferais-tu, si du premier coup d'œil tu reconnaissais sous un déguisement ton meilleur ami, ou ton plus cruel ennemi?... Que ferais-tu?...

—Je me dirais qu'il commet une coupable imprudence, le magistrat qui s'expose à avoir à hésiter entre son devoir et sa passion, et je me récuserais.

—J'entends, mais dévoilerais-tu la véritable personnalité de ce prévenu, ami ou ennemi, personnalité que tu serais seul à connaître?...

La question était délicate, la réponse embarrassante. Lecoq garda le silence, réfléchissant.

—Moi! s'écria le père Absinthe, je ne révèlerais rien du tout. Ami ou ennemi du prévenu, je resterais neutre absolument. Je me dirais que d'autres cherchent qui il est, ce sera tant mieux s'ils le trouvent... et j'aurais la conscience nette.

C'était le cri de l'honnêteté, non la consultation d'un casuiste.

—Je me tairais aussi, répondit enfin le jeune policier, et il me semble qu'en me taisant je ne manquerais à aucune des obligations du magistrat.

Le père Tabaret se frottait vigoureusement les mains, ainsi qu'il lui arrive quand il va tirer de son arsenal un argument victorieux.

—Cela étant, dit-il, fais-moi le plaisir, mon fils, de me dire quel prétexte tu imaginerais pour te récuser sans éveiller des soupçons?

—Ah! je ne sais, je ne puis répondre à l'improviste... si j'en étais là, je chercherais, je m'ingénierais....

—Et tu ne trouverais rien qui vaille, interrompit le bonhomme, allons, pas de mauvaise foi, confesse-le... ou plutôt, si... tu trouverais l'expédient de M. d'Escorval et tu l'utiliserais; tu ferais semblant de te briser quelque membre, seulement, comme tu es un garçon adroit, c'est le bras que tu sacrifierais, ce qui serait moins incommode et ne te condamnerait pas une réclusion de plusieurs mois.

À la physionomie de Lecoq, il était aisé de voir que le vieux volontaire de la rue de Jérusalem l'avait amené au soupçon...

Mais il fallait des assurances plus positives, à cet esprit précis et en quelque sorte mathématique.

Il n'avait pas pour rien aligné des chiffres pendant des années.

—Donc, monsieur Tabaret, fit-il, votre avis est que M. d'Escorval sait à quoi s'en tenir sur la personnalité de Mai?

Le père Tirauclair se dressa sur son séant, si brusquement que sa goutte oubliée lui arracha un gémissement.

—En doutes-tu? s'écria-t-il. En douterais-tu véritablement! Quelles preuves exiges-tu donc? Estimerais-tu naturelle cette coïncidence de la chute du juge et de la tentative de suicide du prévenu? Pour l'honneur de ta perspicacité, je suppose que non.

Je n'étais pas là comme toi, je n'ai pas pu juger de mes yeux; mais rien qu'avec ce que tu m'as conté, je me fais fort de rétablir la scène telle qu'elle a eu lieu. Il me semble la voir... écoute:

M. d'Escorval, son enquête chez la veuve Chupin terminée, arrive au Dépôt et se fait ouvrir le cachot de Mai... Ces deux hommes se reconnaissent. S'ils eussent été seuls ils se fussent expliqués, et les choses prenaient une autre tournure... tout s'arrangeait peut-être.

Mais ils n'étaient pas seuls; il y avait là un tiers: le greffier. Ils ne se sont donc rien dit. Le juge, d'une voix troublée, a posé quelques questions banales, et le prévenu, horriblement troublé, a répondu tant bien que mal.

La porte refermée, M. d'Escorval s'est dit: «Non, je ne saurais être le juge de cet homme que je hais!...» Ses perplexités étaient terribles. Quand tu as voulu lui parler à sa sortie, il t'a brutalement renvoyé au lendemain, et un quart d'heure plus tard, il simulait une chute.

—Alors, interrogea Lecoq, vous pensez que M. d'Escorval et notre soi-disant Mai sont des ennemis?

—Parbleu!... répondit le bonhomme de sa petite voix claire et tranchante; est-ce que les faits ne le démontrent pas? S'ils étaient amis, le juge eût probablement joué sa comédie, mais le prévenu n'eût point cherché à s'étrangler...

Enfin, grâce à toi, Mai a été sauvé... car il te doit la vie, cet homme-là. Entortillé dans sa camisole de force, il n'a rien pu entreprendre de la nuit... Ah! il a dû, cette nuit-là, être mouillé d'une sueur de sang! Quelles souffrances! quelle agonie!...

Aussi, au matin, quand on l'a conduit à l'instruction, c'est avec une sorte de frénésie dont les transports t'avaient frappé, ô aveugle!... qu'il s'est précipité dans le cabinet du juge.

Dans ce cabinet, il comptait trouver M. d'Escorval triomphant de son malheur. Je ne suppose pas qu'il eût l'intention de se précipiter sur lui, mais il voulait lui dire:

«Eh bien! oui!... oui, c'est moi. La fatalité s'en est mêlée: j'ai tué trois hommes, et vous me tenez, je suis à votre discrétion... Mais précisément parce qu'il y a entre nous une haine mortelle, vous vous devez à vous-même de ne pas prolonger mes tortures!... abuser serait une lâcheté infâme!...»

Oui, il voulait dire cela ou à peu près, Lecoq, mon garçon, si tu m'as bien décrit l'expression de son visage, où la hauteur le disputait au plus farouche désespoir.

Mais ce n'est pas tout.

Au lieu de M. d'Escorval, ce hautain magistrat, le prévenu aperçoit le digne, l'excellent M. Segmuller... Alors, qu'arrive-t-il?

Il est surpris et son œil trahit l'étonnement qu'il ressent de la générosité de son ennemi... Il l'avait cru implacable.

Puis un sourire monte à ses lèvres, sourire d'espoir, car il pense que puisque M. d'Escorval n'a pas trahi son secret, il peut se sauver encore, et que peut-être il retirera intacts de cet abîme de bonté et de sang son honneur et son nom...

Le père Tabaret fit, de la main, un mouvement ironique qui lui était familier, et changeant subitement de ton, il ajouta:

—Et voilllà... mon fiston!

Le vieux Absinthe s'était dressé, empoigné jusqu'au délire.

—Cristi! s'écria-t-il, ça y est!... oh! ça y est!

Pour être muette, l'approbation de Lecoq n'en était pas moins évidente.

Mieux que son vieux collègue, et en plus exacte connaissance de cause, il pouvait apprécier ce rapide et merveilleux travail d'induction.

Il s'extasiait devant les surprenantes facultés d'investigation de cet excentrique policier, qui, sur des circonstances inaperçues de lui, Lecoq, reconstruisait le drame de la vérité, pareil en cela à ces naturalistes qui, sur la seule inspection de deux ou trois os, dessinent l'animal auquel ils ont appartenu.

Pendant une bonne minute, le père Tabaret savoura ces deux formes si diverses mais également délicieuses pour lui, de l'admiration; puis, reprenant son calme, il poursuivit:

—Te faudrait-il quelques petites preuves encore, Lecoq, mon fils? Souviens-toi de la persévérance de M. d'Escorval à envoyer demander à M. Segmuller des nouvelles de l'instruction. J'admets, certes, qu'on se passionne pour son métier... mais non à ce point. À ce moment, tu croyais encore à la jambe cassée. Comment ne t'es-tu pas dit qu'un juge, sur le grabat, avec ses os en morceaux, ne s'inquiète pas tant que cela d'un misérable meurtrier?... Je n'ai rien de brisé, moi, j'ai seulement la goutte, mais je sais bien que pendant mes accès, la moitié de la terre jugerait l'autre moitié sans que l'idée me vint d'expédier Manette aux informations. Ah! une seconde de réflexion t'évitait bien des soucis, car là, probablement, est le nœud de toute cette affaire...

Lecoq, si brillant causeur au cabaret de la veuve Chupin, si gonflé de confiance en soi, si pétillant de verve quand il exposait ses théories à l'innocent père Absinthe, Lecoq baissait le nez et ne soufflait mot.

Et il n'y avait dans son attitude ni calcul ni dépit.

Venu pour demander un conseil, il trouvait tout naturel—bon sens rare—qu'on le lui donnât.

Il avait commis des fautes, on les lui faisait toucher du doigt, il ne s'en indignait pas,—autre prodige!—et il ne cherchait pas à démontrer qu'il avait eu surtout raison quand il avait eu tort.

D'autres, à sa place, eussent jugé le père Tirauclair un peu bien prolixe en ses sermons; lui, non. Il lui savait, au contraire, un gré infini de la semonce, se jurant bien qu'elle lui profiterait.

—Si quelqu'un, pensait-il, peut me tirer l'horrible épine que j'ai au pied, c'est assurément ce bonhomme si perspicace... et il me la tirera, je le vois bien à son assurance.

Cependant M. Tabaret s'était versé un grand verre de tisane et l'avait avalé.

Il s'essuya les lèvres et reprit:

—Je ne parlerai que pour mémoire, mon garçon, de l'école que tu as faite en n'arrachant pas à Toinon-la-Vertu, pendant qu'elle était à ta dévotion, tout ce qu'elle savait de l'affaire... Quand on tient la poule..., tu sais le proverbe?... il faut la plumer sur-le-champ, sinon....

—Soyez tranquille, monsieur Tabaret, je suis payé pour me rappeler le danger qu'on court à laisser refroidir un témoin bien disposé.

—Passons donc!... Mais ce qu'il faut que je te dise, c'est que trois ou quatre fois, pour le moins, tu as eu le moyen de tirer la chose au clair....

Il s'arrêta attendant quelque protestation de son élève. Elle ne vint point.

—S'il le dit, pensait le jeune policier, cela doit être...

Cette discrétion frappa beaucoup le bonhomme et redoubla l'estime qu'il avait conçue pour le caractère de Lecoq.

—La première fois que tu as manqué le coche, poursuivit-il, c'est quand tu promenais la boucle d'oreille trouvée à la Poivrière.

—Ah!... j'ai cependant tout tenté pour arriver à la dernière propriétaire!...

—Beaucoup tenté, je ne dis pas non, mon fils, mais tout... c'est trop dire. Par exemple, quand tu as appris que la baronne de Watchau était morte et qu'on avait vendu tout ce qu'elle possédait, qu'as-tu fait?...

—Vous le savez, j'ai couru chez le commissaire-priseur chargé de la vente.

—Très-bien!... Après?...

—J'ai examiné le catalogue, et n'y découvrant aucun bijou dont la description s'appliquât à ces beaux diamants, j'ai reconnu que la piste était perdue....

Le père Tirauclair jubilait.

—Justement!... s'écria-t-il, voilà en quoi tu t'es trompé. Si ce bijou d'une si grande valeur n'était pas décrit au catalogue de la vente, c'est que la baronne de Watchau ne le possédait plus au moment de sa mort. Si elle ne le possédait plus, c'est qu'elle l'avait donné ou vendu. À qui?... À une de ses amies, très-probablement.

C'est pourquoi, à ta place, je me serais enquis du nom des amies intimes de Mme de Watchau, ce qui était aisé, et j'aurais tâché de me mettre bien avec toutes les femmes de chambre de ces amies... joli garçon comme tu l'es, c'eût été un jeu pour toi.

Ce conseil parut divertir prodigieusement le père Absinthe.

—Eh! eh!... fit-il avec son gros rire, ça m'irait joliment ce système de police.

M. Tabaret ne releva pas l'exclamation.

—Enfin, continua-t-il, j'aurais montré la boucle d'oreille à toutes ces soubrettes, jusqu'à ce qu'il s'en trouvat une qui me dit: «Ce diamant est à ma maîtresse,» ou une qui, à sa vue, eût été prise d'un tremblement nerveux....

—Et dire, murmura Lecoq, que cette idée ne m'est pas venue!...

—Attends, attends... j'arrive à la seconde occasion manquée. Comment t'es-tu conduit quand tu as eu en ta possession la malle que Mai prétendait être sienne? Tu l'as tout bonifacement remise à ce prévenu si fin. Saperlotte!... tu n'ignorais pourtant pas que cette malle n'était qu'un accessoire de la comédie, qu'elle n'avait pu être déposée chez Mme Milner que par le complice, que tous les effets qui s'y trouvaient avaient été achetés après coup...

—Non, je ne l'ignorais pas... Mais quel parti tirer de ma certitude?

—Quel parti, ô mon fils?... Moi qui ne suis qu'un pauvre vieux bonhomme, j'aurais convoqué le ban et l'arrière-ban des fripiers de Paris, et j'en aurais, à la fin, déniché un qui se serait écrié: «Ces frusques?... c'est moi qui les ai vendues à un individu comme ça et comme ça, qui achetait pour le compte d'un de ses amis dont il avait apporté la mesure.»

Dans la colère où il était contre lui-même, Lecoq s'emporta jusqu'à ébranler d'un furieux coup de poing le meuble placé contre lui.

—Sacrebleu!... s'écria-t-il, le moyen était infaillible et simple comme bonjour. Ah!... de ma vie je ne me pardonnerai mon ineptie!...

—Doucement, doucement!... interrompit le bonhomme, tu vas trop loin, mon cher garçon. Ineptie n'est pas du tout le mot; c'est légèreté, qu'il faut dire... Tu es jeune, que diable! Ce qui serait moins excusable, c'est la façon dont tu as mené la chasse du prévenu après son évasion....

—Hélas! murmura le jeune policier découragé, Dieu sait pourtant si je me suis donné du mal!...

—Trop, mon fils, mille fois trop, et c'est là ce que je te reproche. Quelle diantre d'idée t'a pris de suivre ce soi-disant Mai pas à pas, comme un vulgaire «fileur».

Cette fois, Lecoq fut stupéfié.

—Devais-je donc le laisser échapper?... demanda-t-il.

—Non, mais si j'avais été à côté de toi, sous les galeries de l'Odéon, quand tu as si habilement,—car tu es habile, ô mon fils,—et promptement deviné les intentions du prévenu, je t'aurais dit: «Ce gars-là, ami Lecoq, court chez Mme Milner lui dire de faire savoir son évasion... laissons-le courir.» Et quand il est sorti de l'hôtel de Mariembourg, j'aurais ajouté: «Maintenant, laisse-le aller où il voudra, mais attache-toi à Mme Milner, ne la perds pas de vue, ne la quitte pas plus que l'ombre le corps, car elle te conduira au complice, c'est-à-dire au mot de l'énigme.»

—Et elle m'y eût conduit, oui, je le reconnais....

—Au lieu de cela, cependant, qu'as-tu imaginé?... Tu as couru te montrer à l'hôtel de Mariembourg, tu as terrifié le garçon! Quand on a tendu des nasses et qu'on prétend prendre du poisson, on ne bat pas du tambour auprès!...

Ainsi le père Tabaret reprenait l'instruction tout entière, et la suivant pas à pas il la refaisait selon sa méthode d'induction. Lecoq avait eu au début une inspiration magnifique, il avait déployé au cours de l'enquête un génie supérieur, et cependant il n'avait pas réussi. Pourquoi?... C'est que toujours il s'était écarté du principe admis au commencement et résumé par lui en cet axiome: «Se défier de la vraisemblance.»

Mais le jeune policier n'écoutait que d'une oreille distraite. Mille projets se présentaient à son esprit. Bientôt il n'y tint plus.

—Vous venez de me sauver du désespoir, monsieur, interrompit-il. J'avais cru tout perdu, et je découvre que mes sottises peuvent se réparer. Ce que je n'ai pas fait, je puis le faire, il en est temps encore. N'ai-je pas toujours à ma disposition la boucle d'oreille et divers effets du prévenu?... Mme Milner tient encore l'hôtel de Mariembourg, je vais la surveiller...

—Et pourquoi toutes ces démarches, garçon?

—Comment, pourquoi?... Pour retrouver mon prévenu, donc!...

Moins plein de son idée, Lecoq eût surpris le fin sourire qui errait sur les lèvres niaises de Tirauclair.

—Ah ça, mon fils, interrogea-t-il, est-ce que tu ne te doutes pas un peu du vrai nom de ton soi-disant saltimbanque?

Lecoq tressaillit et détourna la tête. Il ne voulait pas laisser voir ses yeux.

—Non, répondit-il d'une voix émue, je ne me doute pas....

—Tu mens, interrompit le bonhomme, tu sais aussi bien que moi que Mai demeure rue de Grenelle-Saint-Germain, et qu'il se nomme M. le duc de Sairmeuse.

À ces mots, le père Absinthe éclata de rire.

—Ah! la bonne plaisanterie, s'écria-t-il: Ah! ah!...

Telle n'était pas l'opinion de Lecoq.

—Eh bien!... oui, monsieur Tabaret, dit-il, j'ai eu cette idée, moi aussi, mais je l'ai chassée...

—Vraiment!... et par quelle raison, s'il te plaît?...

—Dame, c'est que....

—C'est que tu ne sais pas rester dans la logique de tes prémices. Mais je le sais, moi, je suis conséquent, et je me dis:

«Il parait impossible que le meurtrier du cabaret de la Chupin soit le duc de Sairmeuse....

«Donc, le meurtrier du cabaret de la Chupin, Mai, le soi-disant saltimbanque, est le duc de Sairmeuse!»

XLIII

Comment cette idée était-elle venue au père Tabaret? Voilà ce que Lecoq ne pouvait comprendre.

Qu'il l'eût eue, lui, Lecoq, lorsque son prévenu s'était pour ainsi dire évanoui, comme un léger brouillard, on le concevait à la rigueur. Le désespoir enfante les plus absurdes chimères, et d'ailleurs quelques mots de Couturier pouvaient servir de prétexte à toutes les suppositions.

Mais le père Tirauclair était de sang-froid, lui... mais les paroles de Couturier avaient perdu à être rapportées toute leur valeur...

Le bonhomme ne pouvait pas ne pas remarquer la mine étonnée du jeune policier, et, dès lors, démêler ses sentiments était aisé.

—Tu as l'air de tomber des nues, garçon, lui dit-il. Te figurerais-tu que j'ai parlé au hasard, comme un étourneau?...

—Non, certes, monsieur, mais....

—Tais-toi! Ta surprise vient de ce que tu ne sais pas le premier mot de l'histoire contemporaine. Ton éducation, sur ce point, est à faire, et tu la feras, si tu ne veux pas rester toute ta vie un grossier chasseur de scélérats comme ton ennemi Gévrol.

—J'avoue que je ne vois pas le rapport....

M. Tabaret ne daigna pas répondre à cette question. Il se retourna vers le père Absinthe, et du ton le plus amical:

—Faites-moi donc le plaisir, mon vieux, lui dit-il, de prendre dans ma bibliothèque, à côté, deux gros in-folio, intitulés: Biographie générale des hommes du siècle. Ils sont dans l'armoire de droite.

Le père Absinthe s'empressa d'obéir, et dès qu'il fut en possession de ses volumes, le père Tabaret se mit à les feuilleter d'une main fiévreuse non sans annoncer, comme toujours quand on cherche un mot dans le dictionnaire.

—Esbayron!... bredouillait-il, Escars..., Escayrac..., Escher..., Escodica... Enfin nous y voici! Escorval!... Écoute-moi bien, mon fils, et la lumière se fera dans ta cervelle.

Point n'était besoin de la recommandation. Jamais les facultés du jeune policier n'avaient été plus tendues.

C'est d'une voix brève, que le bonhomme lut:

ESCORVAL (Louis-Guillaume, baron d').—Administrateur et homme politique français, né à Montaignac, le 3 décembre 1769, d'une vieille famille de robe. Il achevait ses études à Paris, quand éclata la Révolution, il en embrassa la cause avec toute l'ardeur de la jeunesse. Mais, épouvanté bientôt des excès qui se commettaient au nom de la liberté, il se rangea du côté de la réaction, conseillé peut-être par Roederer, qui était un ami de sa famille.

Recommandé au premier Consul par M. de Talleyrand, il débuta dans la carrière administrative par une mission en Suisse, et tant que dura l'Empire, il fut mêlé aux plus importantes négociations.

Dévoué corps et âme à la personne de l'Empereur, il se trouva gravement compromis à la seconde Restauration.

Arrêté lors des troubles de Montaignac sous la double prévention de haute trahison et de complot à l'intérieur, il fut traduit devant une commission militaire et condamné à mort.

Mais il ne fut pas exécuté. Il dut la vie au noble dévouement et à l'héroïque énergie d'un prêtre de ses amis, l'abbé Midon, curé du petit village de Sairmeuse.

Le baron d'Escorval n'a qu'un fils, entré fort jeune dans la magistrature...

Grand fut le désappointement de Lecoq.

—J'entends bien, prononça-t-il, c'est la biographie du père de notre juge... Seulement, je ne vois pas ce qu'elle nous apprend.

Un ironique sourire errait sur les lèvres du père Tirauclair.

—Elle nous apprend, répondit-il, que M. d'Escorval père a été condamné à mort. C'est quelque chose, je t'assure... Un peu de patience, et tu le reconnaîtras....

Il avait de nouveau feuilleté son dictionnaire; il reprit sa lecture:

SAIRMEUSE (Anne-Marie-Victor de Tingry, duc de).—Homme politique et général français, né au château de Sairmeuse, près Montaignac, le 17 janvier 1758. La famille de Sairmeuse est une des plus anciennes et des plus illustres de France. Il ne faut pas toutefois la confondre avec la famille ducale de Sermeuse, dont le nom s'écrit par un e.

Émigré aux premiers mouvements de la Révolution, Anne de Sairmeuse se distingua par le plus brillant courage à l'armée de Condé. Quelques années plus tard, il demandait du service à la Russie, et se battait, disent certains de ses biographes, dans les rangs russes, lors de la désastreuse retraite de Moscou.

Rentré en France à la suite des Bourbons, il s'acquit une bruyante célébrité par l'exaltation de ses opinions ultra-royalistes. Il est vrai qu'il eut le bonheur de rentrer en possession des immenses domaines de sa famille, et les grades qu'il avait gagnés à l'étranger lui furent confirmés.

Désigné par le roi pour présider la commission militaire chargée de poursuivre et de juger les conspirateurs de Montaignac, il déploya des rigueurs et une partialité que flétriront tous les partis.

Lecoq s'était dressé l'œil étincelant.

—Sacré tonnerre!... s'écria-t-il, j'y vois clair maintenant. Le père du duc de Sairmeuse actuel a voulu faire couper le cou du père de notre M. d'Escorval....

M. Tabaret rayonnait.

—Voilà à quoi sert l'histoire, dit-il. Mais je n'ai pas fini, garçon; notre duc de Sairmeuse à nous a aussi son article... Écoute donc encore:

SAIRMEUSE (Anne-Marie-Martial),—fils du précédent, est né à Londres en 1791 et a été élevé en Angleterre d'abord, puis à la cour d'Autriche, près de laquelle il devait plus tard remplir diverses missions confidentielles.

Héritier des opinions, des préjugés et des rancunes de son père, il mit au service de son parti la plus haute intelligence et d'admirables facultés... Mis en avant au moment où les passions politiques étaient les plus violentes, il eut le courage d'assumer seul la responsabilité des plus terribles mesures... Obligé de se retirer des affaires devant l'animadversion générale, il laissa derrière lui des haines qui ne s'éteindront qu'avec sa vie...

Le bonhomme ferma le volume, et se grimant de fausse modestie:

—Eh bien!... demanda-t-il, que penses-tu, garçon, de ma petite méthode d'induction?

Mais l'autre était trop préoccupé pour répondre.

—Je pense, objecta-t-il, que si le duc de Sairmeuse eût disparu deux mois, le temps de la prévention de Mai, tout Paris l'eût su, et ainsi...

—Tu rêves!... interrompit le père Tabaret. Avec sa femme et son valet de chambre pour complices, le duc s'absentera un an quand il le voudra, et tous ses domestiques le croiront à l'hôtel....

Le visage contracté du jeune policier disait l'effort de sa pensée.

—J'admets cela, prononça-t-il enfin, je me résigne à croire que ce grand seigneur a su jouer le rôle merveilleux de Mai... Malheureusement, il est une circonstance qui, seule, renverse tout l'échafaudage de nos suppositions...

—Et laquelle, s'il te plaît!...

—Si l'homme de la Poivrière eût été le duc de Sairmeuse, il se fût nommé... il eût expliqué comment, attaqué, il s'était défendu... et son nom seul lui eût ouvert les portes de la prison. Au lieu de cela, qu'a fait notre prévenu?... Il a essayé de s'étrangler. Est-ce que jamais un grand seigneur tel que le duc de Sairmeuse, dont la vie doit être un enchantement perpétuel, eût songé au suicide!...

Un sifflement moqueur du père Tabaret interrompit le jeune policier.

—Il parait, prononça le bonhomme, que tu as oublié la dernière phrase de la biographie: «M. de Sairmeuse laisse derrière lui des haines terribles...» Sais-tu de quel prix on lui eût fait payer sa liberté? Non... ni moi non plus. Ce que nous savons, c'est que ce n'est pas son parti qui triomphe... Pour expliquer sa présence à la Poivrière... et la présence d'une femme qui peut-être était la sienne, qui sait quels secrets d'infamie il eût été obligé de livrer... Entre le suicide et la honte, il a choisi le suicide... Il a voulu sauver son nom... il s'est fait un linceul de son honneur intact.

Le père Tirauclair s'exprimait avec une véhémence si extraordinaire, que le vieil Absinthe en était remué, bien qu'il n'eût pas, en vérité, compris grand chose à cette scène.

Il s'enthousiasmait de confiance.

Quant à Lecoq, il se dressa, pâle et les lèvres un peu tremblantes, comme un homme qui vient de prendre une suprême détermination.

—Vous excuserez ma supercherie, monsieur Tabaret, fit-il d'une voix émue. Tout cela, je l'avais pensé... Mais je me défiais de moi, je voulais vous l'entendre dire....

Il eut un geste insouciant, et ajouta:

—Maintenant, je sais ce que j'ai à faire.

Le père Tabaret leva les bras au ciel avec tous les signes de la plus terrible agitation.

—Malheureux!... s'écria-t-il, aurais-tu la pensée d'aller arrêter le duc de Sairmeuse!... Pauvre Lecoq!... Libre, cet homme est presque tout-puissant, et toi, infime agent de la sûreté, tu serais brisé comme verre! Prends garde, ô mon fils! ne t'attaque pas au duc, je ne répondrais même pas de ta vie.

Le jeune policier hocha la tête.

—Oh!... je ne m'abuse pas, dit-il. Je sais qu'en ce moment le duc est hors de mes atteintes... Mais je le tiendrai le jour où j'aurai pénétré son secret... Je méprise le danger, mais, je sais que pour réussir je dois me cacher... je me cacherai donc. Oui, je me tiendrai dans l'ombre jusqu'au jour où j'aurai soulevé le voile de cette ténébreuse affaire... alors j'apparaîtrai. Et si véritablement Mai est le duc de Sairmeuse... j'aurai ma revanche.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE


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