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Moyens infaillibles de devenir riche

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CHAPITRE IV
L’Union fait la Force

Il n’est pas défendu à l’ouvrier de sortir de sa sphère si ses économies sont suffisantes et s’il se sent des aptitudes particulières pour diriger un commerce ou fonder une industrie. L’instruction a pénétré partout depuis ces derniers temps ; les bons livres sont répandus à profusion dans les bibliothèques populaires où les ouvriers intelligents et laborieux peuvent faire gratuitement des emprunts et compléter l’instruction reçue sur les bancs de l’école. Les rudiments d’orthographe, de calcul et de style qui font la base de l’enseignement populaire sont donnés aux enfants en un temps où leur mémoire est plus apte à retenir que leur jugement à comprendre. Néanmoins leurs cerveaux sont ébauchés ; quelques connaissances essentielles ont meublé ceux-ci. Les ouvriers qui n’ont point eu le bonheur de poursuivre des études plus importantes dans un collège ou dans une école supérieure, ne devront donc point négliger, à leur âge adulte, d’augmenter leur bagage de connaissances utiles. Il y a, dans toutes les matières d’enseignement, de bons ouvrages où ils puiseront sans cesse ; il leur suffira de beaucoup d’attention, de goût, de méthode et surtout du désir de s’instruire, pour acquérir les notions qu’une trop courte scolarité leur aura interdites. Pour un jeune homme intelligent, les professeurs sont alors inutiles. Presque tous les ouvrages classiques actuels sont d’excellents professeurs : ils renferment des explications claires et précises, des exemples saisissants qui viennent à l’appui de la démonstration, et des exercices nombreux autant que variés dont l’ouvrier pourra tirer un grand profit. Car, il ne faut pas se le dissimuler : on ne réussira jamais aussi bien dans une entreprise si l’on n’a point au moins une instruction assez développée. Nous ne voulons point dire que les titres de bachelier ou autres soient exigés, mais vous vous rendez bien compte qu’à aptitudes égales, l’homme instruit aura plus de chances de réussir que celui qui serait obligé de s’adjoindre le concours d’une autre personne pour un grand nombre d’opérations.

On a vu des ouvriers, possesseurs de quelques économies, les réunir toutes en une bourse commune, et former, avec ce capital devenu plus sérieux, une Société exploitant un commerce, une industrie, etc. dans laquelle chaque membre sociétaire s’occupait du rôle qui lui était dévolu, avec d’autant plus d’activité qu’une part dans les bénéfices lui était assurée. Ce qui est mieux et montre bien tout le profit que peuvent tirer des ouvriers sérieux et dignes, de l’association ainsi comprise, c’est qu’on a été heureux de constater que la dite Société avait prospéré ; que les capitaux avaient considérablement augmenté et permis, en poursuivant toujours le même but et obéissant à la même idée, de fonder une maison colossale, justement renommée.

Voilà un bel exemple, digne d’attirer votre attention. Vous trouvez-vous à la tête de quelques milliers de francs et vous sentez-vous des dispositions pour diriger une entreprise, installer une manufacture quelconque, fonder un commerce, créer une industrie nouvelle dans une région ? Consultez quelques ouvriers, comme vous intelligents, économes, sérieux et honnêtes. Groupez-vous. Si vous apportez chacun 5.000 francs et que vous soyez à dix, vous aurez cinquante mille francs. Avec cela, vous pourrez commencer. Travaillez sans relâche en vue du profit commun, marchez lentement au début et vous verrez prospérer vos affaires. D’autres vous donneront leur confiance et vous courrez à la fortune ; vous ferez le bonheur des ouvriers qui trouveront un emploi chez vous et des actionnaires à qui vous verserez de bons dividendes. Vous aurez d’un seul coup conquis, avec la fortune, l’indépendance, l’honneur et la reconnaissance de la nation, toujours redevable à ceux qui stimulent le travail, la production, le commerce et qui augmentent la richesse publique.

Certes, nous regretterions de donner ce conseil à des ouvriers qui ne seraient pas suffisamment actifs et doués de l’intelligence des affaires, et qui seraient exposés à perdre le pécule amassé. Pour ceux-là, le mieux est de conserver leurs économies et d’en faire des placements à l’abri de toute mésaventure : un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. Il se peut qu’un ouvrier soit courageux, intelligent, instruit, économe, et n’ait ni l’énergie, ni le tact, ni l’aptitude nécessaires pour être autrement qu’au service d’autrui. Des dispositions spéciales sont indispensables. Ceux qui en sont dotés réussissent sûrement. On leur accorde la confiance ; on les aide et on les pousse malgré eux vers la fortune que d’autres ne sauraient jamais atteindre. Combien en compte-t-on de ces ouvriers qui sont parvenus à de superbes situations, grâce à ce qu’ils se sont placés dans le véritable cadre où ils ont pu donner libre cours à leurs talents particuliers ?

Quelle que soit l’industrie que vous entrepreniez, ou quel que soit le commerce qui vous tenterait, conservez toujours des fonds suffisants pour faire face au paiement de vos marchandises. Prenez pour règle absolue et invariable le paiement comptant, afin de bénéficier de l’escompte et d’obtenir la confiance de vos fournisseurs. Cette réserve de fonds doit même être assez importante, car il faut compter avec l’imprévu et éviter de se trouver dans la nécessité, même une seule fois, de reculer un paiement ou de vendre vos produits quand le moment n’est pas favorable. Vous feriez là peut-être, dans le début, de petites pertes qui, en elles-mêmes, ne seraient sûrement pas ruineuses, mais qui pourraient vous entraîner sur la pente glissante et dangereuse du désordre, du laisser-aller, des expédients plus ou moins compliqués pour sortir d’affaire à une échéance. Qui paie toujours comptant et dispose sans cesse de fonds libres, est maître du marché et, de ce fait, trouve en l’occurrence, les meilleurs et les plus clairs profits. Il ne faut point dire : J’ai une échéance de vingt mille francs le 30 de ce mois ; mes fonds sont bas ; je vais vendre à un intermédiaire quelconque, pour 15.000 fr. (qui me manquent) des marchandises et je sortirai d’embarras. Ce serait un très mauvais calcul, et vous pourriez marquer ce jour d’une croix, car il commencerait votre gêne dans les affaires et peut-être votre ruine. En effet, l’intermédiaire qui vous paierait comptant et qui aurait conscience qu’il vous rend service, ne manquerait point de faire montre de beaucoup d’exigence. Il n’accepterait le marché et la combinaison qu’à la condition de prendre un gros bénéfice sur la marchandise, en la payant les deux tiers, par exemple, de sa valeur réelle ; il deviendrait ainsi votre plus redoutable concurrent pour le placement de vos produits. Une marchandise que vous vendrez couramment 2.000 fr., par exemple, à des clients, lui serait livrée par vous à 1.200 fr., supposons-nous. Comment feriez-vous pour la vendre dorénavant à vos clients ordinaires ce prix de 2.000 fr., c’est-à-dire à un chiffre égal au prix de revient et au bénéfice qui vous est dû à titre d’intérêts de vos capitaux engagés, alors qu’un intermédiaire l’offrirait à raison de 1.600 francs ? Vos affaires seraient interceptées ; vous seriez la victime toute naturelle de votre mauvaise opération, et dans l’impossibilité de livrer directement vos marchandises au consommateur qui les trouverait à meilleur compte chez votre intermédiaire. Où irait le bénéfice ? Tout ailleurs que dans votre poche.

Vous n’ignorez pas que l’acheteur, à qualité ou fabrication égale, recherche le vendeur qui lui fait le prix le plus raisonnable, c’est-à-dire le plus bas. Eh bien ! tâchez d’être ce dernier vendeur et vos affaires marcheront bien. Pour cela, ménagez vos avances de fonds et ne recourez point à ces intermédiaires dont nous venons de parler. Adressez-vous directement au consommateur. En même temps que vous veillez à la marche de votre fabrication, veillez aussi à la recherche des clients ; que tout marche de pair, et si vous savez fabriquer, sachez aussi vendre.

Vous jugez bien comment, avec un capital personnel peu élevé, vous pouvez, en vous unissant à d’autres qui disposent, comme vous-même d’un petit avoir, devenir grand commerçant ou grand industriel. Certes, la combinaison ne manque point d’écueils ; nous vous les avons fait connaître : c’est à vous de savoir les éviter. Ne vous embarquez point à la légère, sans avoir, au préalable, sondé vos véritables forces et celles de vos co-sociétaires. Il faut une unité parfaite en vue d’une besogne et d’une fin communes. Rien n’est à négliger des précautions les plus grandes dont on doit s’entourer pour écarter l’échec. Pas de faiblesse pour vous ; pas de mollesse à l’endroit de vos camarades. De l’énergie toujours, de l’ordre, de la méthode et une scrupuleuse économie. Soyez attristé si vous éprouvez une perte de dix francs. Vous auriez dû en gagner dix. Cela fait une différence de vingt francs. Cherchez la cause de cette perte ; si elle est pénible et laborieuse à découvrir, ne vous découragez point, surtout, car ce n’est qu’à cette condition que vous la réparerez et ferez en sorte qu’elle ne se produise plus. Si vous savez vous attacher ainsi à une perte qui regarde une si modique somme, on vous traitera peut-être de mesquin. Laissez dire et pensez en vous-même que c’est grâce à ce procédé de tout surveiller et de tout contrôler, que vous avez évité des pertes plus importantes ; que votre réputation d’ordre vous a attiré un grand nombre de clients ; que votre industrie prospère et que votre fortune s’accroît, au milieu du respect de tous ceux qui vous connaissent.

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