Nouveau Glossaire Genevois, tome 1/2
The Project Gutenberg eBook of Nouveau Glossaire Genevois, tome 1/2
Title: Nouveau Glossaire Genevois, tome 1/2
Author: Jean Humbert
Release date: January 13, 2013 [eBook #41843]
Most recently updated: October 23, 2024
Language: French
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NOUVEAU
GLOSSAIRE GENEVOIS
NOUVEAU
GLOSSAIRE GENEVOIS
PAR
JEAN HUMBERT,
PROFESSEUR DE LANGUE ARABE A L'ACADÉMIE DE GENÈVE,
CORRESPONDANT DE L'INSTITUT DE FRANCE, MEMBRE DES ACADÉMIES
DE NANCY, BESANÇON, MARSEILLE, TURIN, ETC.
TOME PREMIER.
GENÈVE
CHEZ JULLIEN FRÈRES, LIBRAIRES,
Place du Bourg-de-Four, 71.
1852
GENÈVE.—IMPRIMERIE DE FERD. RAMBOZ & Cie
A MONSIEUR
JEAN-FRANÇOIS CHAPONNIÈRE.
Monsieur,
Vos conseils et vos judicieuses remarques ont éclairé mes doutes et facilité mes recherches; et quand la longueur de l'ouvrage et sa monotonie m'accablaient, votre bonté ingénieuse a su vaincre mon découragement et me décider à poursuivre.
Puisse l'hommage d'un simple Vocabulaire ne pas être un trop insuffisant témoignage de ma reconnaissance, de ma haute estime et de mon attachement respectueux.
Jean Humbert.
Genève, ce 8 juillet 1851.
NOTICE
SUR
LA VIE ET LES TRAVAUX DE JEAN HUMBERT.[1]
Jean-Pierre-Louis Humbert naquit à Genève le 30 mars 1792. Il trouva dès le début de la vie, dans la maison paternelle, le double intérêt qui devait remplir toute sa carrière: l'étude et l'éducation. Il fut un des plus brillants élèves de l'institution que dirigeait son père, et la pétulance enjouée de son jeune âge se transformant à propos en une sorte de vivacité conquérante, il remporta au collége, dans ces luttes de l'émulation dont il devait plus tard signaler les excès, de nombreuses couronnes.
Cependant, ni le désir, ni la possession du triomphe n'éveillaient en lui l'esprit de jalousie ou celui d'orgueil. Il eut dès son adolescence, et il conserva toujours la passion du succès; mais une fois le but atteint, l'ambition faisait place à la modestie, et toute sa vie Humbert a pris plus de peine pour mettre en relief les succès d'un condisciple ou d'un ami, que pour faire valoir les siens. Dès le collége, c'était pour lui une bonne fortune que d'être le premier à apprendre à ses camarades les prix ou les honneurs qui leur étaient échus. Cette disposition généreuse, une humeur facile, une gaîté communicative lui concilièrent de nombreux amis parmi ses compagnons d'études, en même temps que ses qualités intellectuelles distinguées lui assuraient dans l'Académie, dont il suivit avec ardeur l'enseignement littéraire, une place honorable.
Grâce à la variété et à la souplesse de son esprit, Humbert pouvait mener de front et les travaux qu'exigent les études classiques supérieures, et les œuvres moins sérieuses que fait éclore le don de la versification. Il écrivit dans sa jeunesse, et il imprima plus tard, beaucoup de poésies, mais il se refusa toujours les qualités du poëte. Il ne voyait dans tous ces essais en vers d'autre avantage que de varier les styles, enrichir le langage, assouplir les phrases, et habituer à mieux écrire en prose.
Cependant les facultés remarquables et les dispositions heureuses du jeune étudiant ne permettaient pas de le retenir dans l'institution de son père comme simple auxiliaire. Les preuves mêmes qu'il y avait données de son aptitude pour l'enseignement étaient un motif de plus de favoriser, par de nouveaux moyens, la culture de son esprit et l'extension de ses connaissances. Humbert avait en lui l'étoffe d'un savant. Son goût pour les littératures anciennes et pour les langues orientales avait pris, au travers de ses autres études, un caractère toujours plus prononcé, et Genève ne pouvait pas lui offrir sous ce rapport de suffisantes ressources.
Aussi, après avoir terminé ses cours de théologie, et avoir été consacré au saint ministère, il prit avec joie la route de l'Allemagne et vint s'établir à Göttingen, l'une des universités les plus richement dotées à cette époque d'érudits illustres. Humbert mit à profit, avec toute l'ardeur et toutes les forces d'une jeunesse pleine de sève, les sources d'instruction qui lui étaient ouvertes. Une étonnante capacité de travail lui permettait de suivre tout à la fois l'étude de l'allemand, les leçons privées et publiques d'orientalistes fameux, Tychsen et Eichhorn, et l'enseignement supérieur de la littérature grecque, donné par Dissen et Schulz.
Un tel régime, incessamment suivi pendant plus d'une année, aurait pu facilement devenir indigeste, mais l'esprit d'Humbert, essentiellement net et précis, loin de se laisser écraser sous l'entassement des connaissances, s'appropriait au contraire avec méthode et sagacité, les richesses que lui versait l'étude. Le séjour de Göttingen, en lui donnant plus de savoir, en lui fournissant surtout les moyens d'en acquérir davantage, ouvrit à son intelligence un plus vaste horizon, et il apprit à concevoir d'un point de vue plus élevé et plus étendu, les devoirs qu'impose la science à ceux qui veulent la prendre au sérieux. C'était bien dans cet esprit qu'Humbert entendait se vouer à la culture des lettres, et il ne voulut rien négliger de ce qui pouvait l'en rendre digne. Un progrès était pour lui le motif d'un progrès nouveau.
A l'érudition allemande profonde, subtile, abstruse, il sentit le besoin de faire succéder, comme complément et contre-poids, l'érudition française, non moins solide, mais plus claire, plus élégante, plus simple et plus d'accord à tous égards avec la nature de son propre esprit. Quittant Göttingen, d'où il emportait de précieux et durables témoignages d'estime et d'affection, il vint à Paris, où régnait alors, dans l'enseignement des langues orientales, celui qu'une admiration incontestée avait fait nommer le prince des orientalistes, le célèbre Sylvestre de Sacy. Humbert devint un de ses élèves les plus zélés et les plus assidus, et il retira des leçons de ce maître, aussi remarquable par l'inépuisable fécondité de son savoir, que par la justesse et la clarté de son intelligence, d'inappréciables fruits. Sous sa direction, et avec le secours d'autres orientalistes distingués, Humbert se livra à l'étude des principales langues sémitiques, sans négliger les travaux de philologie grecque, pour lesquels il trouvait, dans l'enseignement du professeur Hase, de précieuses lumières.
Grâce à tant de ressources et à l'infatigable entrain qu'il apportait au travail, Humbert voyait s'accroître le trésor de connaissances qui devait lui permettre un jour d'occuper lui-même une place parmi les hommes d'élite livrés à la culture savante des lettres. Mais s'il sentait très-vivement le prix du savoir, il ne perdait pas de vue qu'il y avait pour lui non moins d'importance à compter dans cette république littéraire des protecteurs et des amis. Il réussit aisément, par les aimables qualités de son caractère et de son esprit, à se concilier l'attachement de littérateurs distingués, avec lesquels il soutint dès lors d'utiles et constantes relations, et au nombre desquels il suffit de nommer MM. Droz, Nodier, Leclerc, Magnin, Matter, Burnouf, tous de l'Institut de France.
Le temps qu'Humbert avait passé loin de Genève n'avait donc pas été perdu. Après une absence de plus de deux années, pendant lesquelles son esprit, dans toute sa force et toute sa fraîcheur, avait beaucoup joui et beaucoup profité, il put revenir dans sa ville natale avec le sentiment qu'il s'était rendu capable de concourir pour sa part au renom littéraire de son pays. Cette pensée avait toujours été l'un de ses plus puissants mobiles, et une sorte d'ambition patriotique s'associa toujours dans ses travaux à ses désirs de réussite. Désormais fixé dans sa patrie, où de nouvelles affections et de nouveaux devoirs ouvraient devant lui un heureux avenir, Humbert voyait une double carrière offerte à son activité, celle de l'érudition et celle de l'enseignement. L'une et l'autre se présentaient à lui avec un égal attrait, et il se résolut à les parcourir du même pas. L'histoire de sa vie n'est que celle de ses travaux dans ce double champ d'occupation.
Dès son retour, Humbert avait pris la direction de l'institution de son père, et il y avait fait circuler cette vie et cette animation, que la sympathie pour la jeunesse et son ardeur naturelle le rendaient plus qu'un autre capable d'éveiller. On pouvait reconnaître en lui, et des qualités charmantes, rares chez l'instituteur, et les dons les plus essentiels de cette profession. A côté de la tâche qu'il remplissait con amore au milieu des élèves du pensionnat, Humbert débutait dans la carrière d'auteur par deux productions littéraires de nature très-différente. L'une était le Coup d'œil sur les poëtes élégiaques français, depuis le dix-septième siècle jusqu'à nos jours; l'autre était l'Anthologie arabe ou choix de poésies arabes inédites.
Ces deux ouvrages, dès longtemps épuisés, parurent presque simultanément en 1819. Le premier rentre dans un genre de composition très-cultivé dès lors, l'histoire littéraire; s'il a perdu par cela même un certain mérite de nouveauté, on y retrouve dans les jugements critiques cette justesse de goût et cette vigueur de bon sens qui ont toujours caractérisé les appréciations littéraires de l'auteur. L'Anthologie était un livre plus important, où le savoir et le talent d'Humbert se montraient sous un jour très-favorable, et qui lui assurait parmi les orientalistes une place distinguée. «Ce choix, dit M. Vaucher, de poésies tantôt véhémentes et passionnées, tantôt molles et gracieuses, quelquefois morales et sentencieuses, dont plusieurs étaient inédites, et qui étaient accompagnées d'une traduction française aussi fidèle que le permettait le génie de la langue, d'une version latine littérale, et d'un commentaire historique, critique et philologique, révéla chez J. Humbert non-seulement un savant orientaliste, mais encore un écrivain élégant et correct, un littérateur d'un goût délicat, et un bon humaniste.»
Humbert avait alors vingt-sept ans, et tout semblait sourire à ses vœux. Il se sentait en pleine possession de ses forces, et il livrait toutes ses voiles au vent. Le travail lui était agréable et facile, la fatigue lui était inconnue, et il ne reculait devant aucun effort, quand il s'agissait d'atteindre un but auquel il croyait glorieux d'arriver. Parmi tous ceux qui pouvaient lui être offerts, nul ne lui paraissait plus désirable que d'obtenir dans l'enseignement académique une place qui lui permît de donner un complet essor à ses goûts littéraires et à son talent pour l'instruction. La chaire de littérature ancienne, devenue vacante l'année même où il avait publié ses premiers écrits, réalisait tous les souhaits qu'il pouvait former, et il ne voulut rien négliger de ce qui pouvait lui en assurer la possession.
Dans le peu de temps qui lui était accordé pour se préparer aux épreuves du concours, il se livra sans ménagement à la lecture et à l'étude plus approfondie des auteurs grecs et latins, afin de paraître dans la lice avec plus de chance de succès et plus d'éclat. Écoutant son ardeur plus que les conseils qui lui étaient donnés, il oublia que l'homme ne peut pas tout ce qu'il veut. Au lieu de trouver dans son énergie les services qu'il en attendait, il sentit ses forces se dérober sous lui et l'abandonner, au moment même où quelques efforts de plus le faisaient arriver au port. Non-seulement il dut renoncer à ambitionner la chaire qu'il aurait sans doute obtenue, mais à la suite de tant de labeurs, une fatigue insurmontable allait désormais devenir l'inséparable compagne de ses travaux.
Humbert accepta sans murmure une épreuve qui, pour lui plus que pour tout autre, était féconde en amertume mais où il reconnut, dans un sentiment de pieuse résignation, l'expression de la volonté de Dieu. Il comprit que, comme les conditions de l'étude n'étaient plus pour lui les mêmes, il devait changer aussi les dispositions avec lesquelles il s'y livrait. A toutes les jouissances du travail facile durent succéder les précautions du travail persévérant. La persévérance devint en effet dès ce moment la disposition dans laquelle Humbert chercha une compensation à ce que l'abus de la facilité lui avait fait perdre. Il regagna par l'intelligent emploi de cette qualité aussi rare que précieuse, sinon tout ce que le plein et successif développement de ses belles facultés lui aurait fait acquérir, du moins un usage de ses talents encore digne d'envie. S'il a joué un rôle moins complet et moins brillant, il a donné un exemple plus utile en montrant les services que peuvent rendre la volonté, la patience et la méthode à ceux qui ont le travail difficile. Depuis qu'au lieu d'un jeu l'étude était devenue pour lui une lutte, Humbert a plus travaillé que beaucoup d'hommes qui n'ont jamais connu les contre-coups de la fatigue.
Après l'intervalle de repos rendu nécessaire pour raffermir sa santé, il rentra dans la vie active, et son temps fut bientôt rempli par la fondation d'un pensionnat, et par de nouvelles occupations académiques. Nommé professeur honoraire de langue arabe, sur la demande de l'Académie, qui ne voulait pas le perdre tout entier, il trouva, dans les leçons que cette place l'appelait à donner de loin en loin, un encouragement à poursuivre ses études orientales, et il eut la jouissance de voir un assez grand nombre d'élèves profiter de son enseignement. Aucun plaisir ne pouvait être plus vif pour lui que de communiquer aux autres la science qu'il possédait. Il était fécond à imaginer les moyens d'en faciliter l'initiation, et il portait dans ses leçons cette limpidité de conception qui était un des besoins dominant de son esprit. Malheureusement pour lui et pour les autres, les exigences de l'enseignement public ne pouvaient se concilier avec les ménagements que réclamait sa santé, et il dut par deux fois refuser la chaire de langue hébraïque, à laquelle il avait été appelé.
Ce fut vers l'éducation privée qu'il dirigea principalement ce qui lui restait de forces. Il créa pour son compte une nouvelle Institution, qui a longtemps tenu parmi les établissements de ce genre qui ont honoré Genève, un rang distingué. C'est là qu'il déploya avec succès les qualités particulières dont il était doué pour agir sur la jeunesse. Ferme sans austérité, plein d'aménité sans faiblesse, habile à discerner les défauts et plus habile à les combattre sans les heurter, ardent à bien instruire et libre de toute pédanterie, il cherchait à entretenir parmi ses élèves une sorte d'équilibre qui prévînt les inconvénients de l'ennui et ceux du relâchement. Tenir les esprits en haleine, et ramener les caractères au devoir, tel était le double but et le double effet de sa pédagogie. La reconnaissance pour les services qu'il a rendus vit encore dans plus d'un souvenir, et un même sentiment de gratitude doit animer aussi tous ceux qui, sans recevoir d'Humbert leur éducation générale, ont trouvé dans sa vivifiante influence l'origine et le stimulant de leurs progrès.
«Non-seulement, dit M. Vaucher, il retrouvait, par les liens de la reconnaissance et d'une affection réciproque, ses propres élèves, mais encore ses manières affables attiraient vers lui les jeunes gens studieux, dont il gagnait bientôt la confiance. Il inspirait aux uns et aux autres le désir de se distinguer; il les dirigeait dans le choix de leur carrière; il leur prodiguait les conseils, les secours, les encouragements; il applaudissait à tous leurs efforts pour atteindre un but honorable, et jouissait plus qu'eux-mêmes de leurs premiers succès. Bien des noms dont Genève s'honore déjà ou s'honorera un jour, se présentent à mon esprit pour justifier mon témoignage, et combien d'hommes estimables à tous égards conservent un précieux souvenir de leur aimable et digne instituteur!»
C'est ainsi qu'en exerçant sur les individus une action salutaire, Humbert, dans sa sphère privée, travaillait cependant au bien de la chose publique. Il chercha à la servir encore d'une manière plus générale en appelant l'attention sur les Moyens de perfectionner les études littéraires à Genève. C'était le titre de deux opuscules publiés en 1821, dans lesquels il signalait les lacunes que présentait l'enseignement, soit au collége, soit à l'Académie, et indiquait en même temps par quelles réformes on pouvait y porter remède. «Ces écrits, dit M. Vaucher, bien bon juge en cette matière, ces écrits, où se trouvaient les germes de la plupart des réformes qui furent introduites plus tard, qui étaient évidemment dictés par l'amour du pays, et où l'on ne pouvait guère blâmer qu'un excès de franchise, soulevèrent contre leur auteur une véritable tempête, et provoquèrent des réponses qui ne se recommandaient ni par leur urbanité ni par leur modération. Mais le temps fit son œuvre, et on finit par rendre hommage aux intentions et aux lumières du jeune professeur.»
Comme tous ceux qui tiennent plus de compte des intérêts de tout le monde que des susceptibilités de quelques personnes, Humbert avait oublié qu'il est difficile de critiquer des institutions sans blesser des individus. Mais l'expérience une fois faite, il n'en conçut ni trouble, ni irritation, et poursuivant l'œuvre de réforme qu'il avait commencée, il publia en 1827 un Plan d'améliorations pour le collége de Genève, dans lequel, mieux éclairé, il ne craignait pas de sacrifier quelques-unes des idées émises dans ses précédents écrits. Cet ouvrage avait pour but principal de faire ressortir la nécessité de concentrer plutôt que d'étendre le champ de l'enseignement, et la convenance de séparer les parties de l'instruction qui varient selon la diversité des professions futures. S'il insistait en même temps sur le développement d'objets d'études trop négligés, il signalait nettement les dangers, dans l'instruction secondaire, de l'intolérance didactique. Une judicieuse critique du principe de l'émulation, comme exclusif mobile du progrès, ne formait pas la moins intéressante partie des idées émises par l'auteur. Une portion de ses bons conseils ont été suivis dès lors, mais dès lors aussi l'entassement indigeste des sujets d'enseignement a porté tous les mauvais fruits qu'on en pouvait attendre.
Humbert trouva dans le Journal de Genève, dont il fut l'un des fondateurs, un organe propre à populariser et à défendre ses idées sur l'éducation publique, et il y traita plusieurs questions relatives à l'organisation de l'enseignement. En 1835, il fit paraître sur les mêmes sujets une brochure intitulée: De l'enseignement libre dans l'Académie de Genève, où il montrait les avantages de la concurrence dans l'instruction supérieure, et dont l'idée principale fut réalisée plus tard par le droit accordé aux docteurs des diverses Facultés, de prendre part à l'enseignement académique. Ceux qui ont connu Humbert savent que l'amour désintéressé, mais très-vif, qu'il portait aux bonnes études, et l'ardent désir de conserver à sa patrie, dans toutes les branches de l'instruction publique, une honorable prééminence, étaient les véritables et constants mobiles de ses tentatives de reforme.
Particulièrement frappé, et non sans raison, de l'insuffisance de l'enseignement de la littérature et de la langue française dans les établissements publics, il avait dès l'origine appelé très-fortement l'attention sur cette grave lacune. Il s'efforça d'en faire sentir tout l'inconvénient, et il chercha à en faire découvrir le remède, soit en offrant un prix pour le meilleur mémoire sur les causes qui retardent à Genève l'étude de la littérature, soit en invitant le professeur Monnard à venir de Lausanne donner des leçons publiques de littérature française, soit en suggérant l'idée, réalisée dès lors, d'encouragements spéciaux pour des concours de composition française, soit en exposant lui-même dans un cours à l'Académie, ses vues sur l'étude du style. Aussi doit-on attribuer aux efforts d'Humbert une bonne part d'influence dans les progrès qu'ont fait parmi nous depuis trente ans les connaissances littéraires et l'art d'écrire.
Il avait lui-même un sentiment si vif des difficultés attachées à la pratique du style français, que cette crainte l'empêcha, plus que toute autre cause, de mettre par écrit les idées nombreuses et variées que son esprit toujours actif savait concevoir sans vouloir les fixer. Lorsqu'il se décidait à prendre occasionnellement la plume, comme dans son Discours sur l'utilité de la langue arabe, dans divers articles destinés à la Bibliothèque Universelle de Genève et à la Revue encyclopédique, dans des notices biographiques écrites pour la grande Biographie de Michaud, dans les colonnes du Journal de Genève, il apportait toujours un soin scrupuleux à la rédaction de sa pensée. Son style précis, élégant et ferme perdait en couleur ce qu'il gagnait en pureté. Quoique des études approfondies sur les grands écrivains français lui eussent appris avec quelle liberté ces maîtres en ont usé avec la langue, il s'interdisait par un scrupule souvent excessif les moindres licences littéraires. Très-disposé à les admirer quand, devenues des beautés, elles trouvent dans ce caractère leur justification, il ne se laissait point aveugler, sur les violences faites à la langue, par la célébrité de celui qui en était l'auteur.
Il a jugé de ce point de vue, sans engouement comme sans hostilité, le style tragique de Voltaire dans Mahomet et dans Alzire. Les commentaires, qu'il a imprimés et publiés en partie sur ces deux pièces, montrent comment il comprenait l'application de la critique philologique aux chefs-d'œuvre de la littérature française. Si l'on peut contester la justesse de quelques-unes de ses remarques, il est incontestable que la méthode et la plupart des jugements du commentateur sont de nature à éveiller l'attention du lecteur, à piquer sa curiosité et à suggérer de très-utiles réflexions sur l'emploi et les mystères de notre langue. Humbert avait préparé des annotations du même genre sur d'autres tragédies de Voltaire, et il laisse à moitié rédigée une Anthologie lyrique, ou commentaire sur les meilleurs poëtes lyriques français, dans lequel il soumet leurs vers à une analyse littéraire et grammaticale. Il avait également recueilli, mais incomplétement coordonné, d'abondants matériaux qu'il comptait employer à composer un Guide grammatical de la langue française et un Nouveau traité des tropes. Malheureusement, l'obligation qui lui était imposée de travailler d'une manière entrecoupée, et la fatigue qui, d'année en année, lui rendait toute occupation intellectuelle plus difficile, ne laissaient guère espérer qu'il pût jamais se livrer à l'exécution définitive des plans dont il se plaisait à former le projet et à réunir les matériaux.
Il est particulièrement regrettable qu'il ne lui ait pas été permis de donner suite à celle de ces entreprises qui était la plus avancée et la plus importante. «Il avait conçu, dit Mr Vaucher, le plan d'un dictionnaire de la langue française, dont les mots devaient être puisés uniquement dans les auteurs classiques du dix-septième et du dix-huitième siècle, et qui devait offrir des exemples authentiques de toutes les locutions, tournures, constructions, idiotismes, employés par ces auteurs. Pour l'exécution de ces vastes et utiles projets, il avait lu, la plume à la main, ou fait lire, à ses frais, par des collaborateurs intelligents, tous ces écrivains, et il avait recueilli de la sorte une masse considérable de matériaux, dont il avait déjà fait le triage, et qu'il avait disposés dans l'ordre alphabétique. Le travail sur la lettre A fut communiqué en 1847 à la Commission de l'Académie française chargée de la composition du Dictionnaire historique, qui s'empressa d'en faire prendre copie.»
Humbert voulait publier, sous le titre de: Lexique des gens de lettres, ce grand répertoire dont l'intérêt, pour tous ceux qui s'occupent d'étudier la littérature française ou l'art d'écrire, est assez évident, et qui aurait certainement contribué à accroître encore la réputation de son auteur. Heureusement, Humbert a pris les mesures nécessaires pour que de si utiles matériaux ne soient pas perdus pour la science, et déjà il en avait donné connaissance à un savant philologue, Mr Littré, de l'Institut de France, qui en a fait usage pour un ouvrage du même genre encore inédit.
Tous ces travaux de philologie française, qui occupèrent Humbert la plus grande partie de sa vie, ne l'avaient cependant pas empêché de poursuivre et de perfectionner ses études sur la langue arabe, qui déjà lui avaient valu une chaire à l'Académie de Genève, et sur lesquelles il fondait l'espoir d'acquérir au dehors de nouvelles et légitimes distinctions. Fidèle, dans la culture de cette langue, à la tendance générale de son esprit et de ses travaux, ce ne fut point vers les hauteurs et les arcanes de l'érudition qu'il dirigea ses pas. Il crût rendre à l'étude de cet idiome difficile un plus réel service, en offrant à ceux qui désirent s'y livrer, les secours les mieux faits pour les guider dans cette tâche ardue. C'est dans ce but qu'il publia en 1834 sa Chrestomathia arabica facilior, ou recueil de morceaux choisis, dont l'ensemble présente la succession habilement graduée des difficultés philologiques que soulève la première étude de la langue arabe.
Le mérite spécial de cet ouvrage fut apprécié par les juges compétents, auxquels l'Anthologie avait déjà fait connaître, sous d'autres rapports, le savoir étendu de l'auteur, et ces deux publications savantes devinrent les principaux titres qui valurent à Humbert, en 1835, la place de correspondant de l'Institut de France, Académie des Inscriptions et Belles-lettres. Ce suffrage, accordé à ses travaux par l'une des plus illustres compagnies de l'Europe lettrée, était pour lui la plus précieuse des récompenses, et il trouvait de nouveaux motifs de légitime satisfaction dans les distinctions du même genre que lui octroyèrent aussi la Société asiatique de la Grande-Bretagne et l'Académie royale de Turin.
Stimulé par de tels encouragements, il voulut y répondre en persévérant dans les travaux qui les lui avaient mérités. Il publia, en 1838, un nouveau recueil de morceaux arabes inédits (Arabica Analecta inedita), destinés à faciliter aux commençants l'étude de cette littérature. «Il mit à contribution, pour composer ce livre, les manuscrits arabes de la Bibliothèque publique de Genève, manuscrits qu'il avait, pour la plupart, rassemblés lui-même à Paris, plus de vingt ans auparavant, et qui étaient dus en partie à sa générosité, en partie à celle du savant et respectable Favre-Bertrand». La même année il fit paraître un Guide de la conversation arabe, dans lequel il put mettre en usage la connaissance spéciale qu'il avait acquise des divers dialectes de l'arabe vulgaire par les leçons de maîtres originaires de Syrie et d'Afrique. Un autre ouvrage, élaboré avec les mêmes secours, mais demeuré inédit, quoique entièrement rédigé, est un Recueil de dialogues arabes, dont la publication serait aussi désirable que celle du Dictionarium arabico-latinum, également prêt pour l'impression, et qui forme le complément de tous les livres publiés par l'auteur pour l'étude de cette langue.
Il semble que tant de travaux divers ont dû suffire à employer tout ce qu'Humbert avait conservé de forces et d'activité. Il n'en est cependant pas ainsi. Sans parler des soins qu'il donna à la double édition du Cours de littérature grecque moderne de Rizo, dont il avait rédigé la préface; de la part qu'il prit avec MM. les professeurs R. Töpffer et L. Vaucher à une publication de classiques grecs trop tôt suspendue, et de sa coopération au Glossaire genevois de Mr Gaudy,—il nous reste à signaler encore trois ouvrages, pour la composition desquels il sut trouver du temps, et dont le dernier, qu'il ne voit pas paraître, atteste tristement que pour cesser de travailler, Humbert devait cesser de vivre.
Dès 1830, il avait publié un Manuel chronologique, et dès 1834 une Mythologie élémentaire, qui, plus d'une fois réimprimés, ont reçu de leur auteur, toujours avide d'améliorations, de constants perfectionnements. Le second de ces ouvrages, couronné par la Société des Méthodes de Paris, doit être regardé comme un des meilleurs livres élémentaires pour l'étude de la mythologie classique. Écrit avec une élégante simplicité, et renfermant un choix heureux des détails les plus caractéristiques, il a le mérite (trop dédaigné par la plupart des écrits de ce genre) d'avoir fidèlement saisi le précepte, Maxima debetur pucro reverentia, et d'avoir su traverser tout le libertinage mythologique sans en retenir aucune trace.
C'était en publiant, il y a quatre ans, la troisième édition de cette mythologie, qu'Humbert, dans sa préface, exprimait le sentiment d'une sorte de lassitude, dont il éprouvait souvent les atteintes, mais dont il finissait par repousser toujours la tentation, faut-il dire, ou l'importunité. «Il vient un âge, écrivait-il, où la vie littéraire paraît dans son vrai jour; on regrette d'avoir trop vite imprimé et trop imprimé, d'avoir compromis, souvent en pure perte, sa tranquillité et ses forces, et l'on ne demande plus au ciel, comme le nautonnier d'Horace, que de goûter enfin, après cette vaine agitation, un calme véritable, un calme bienfaisant et réparateur.»
Mais Humbert ne pouvait acheter le calme au prix de l'inaction, et il remettait bien vite sa barque à flot. Cependant, à mesure que l'âge retranchait quelque chose à ses forces, il lui fallait, pour conserver le privilége du travail, se résigner à sacrifier bien des jouissances qu'il ne pouvait plus goûter sans s'épuiser. Une lecture suivie, une conversation prolongée, des visites faites ou reçues le condamnaient ensuite à une sorte d'impuissance qu'il évitait à tout prix. De là, dans ses dernières années, une vie de retraite, de ménagements, presque de sauvagerie, peu d'accord avec son caractère, mais rendue nécessaire par sa santé chancelante.
C'est dans les moments d'occupation, disputés à la fatigue, qu'il travaillait à ce Nouveau Glossaire genevois, dont il avait de longue main recueilli les matériaux, et dont la composition morcelée se conciliait mieux avec l'intermittence de ses forces. Ce livre, qui achèvera de populariser à Genève le nom d'Humbert, a été l'objet de ses derniers efforts et de son dernier intérêt. Il mettait une sorte d'entrain juvénile à l'enrichir, et, si l'on peut dire, à l'égayer, en y accumulant tous les traits caractéristiques de notre idiome national. Le portrait est amusant, on le trouvera peut-être trop chargé; mais il faut moins en accuser l'auteur que son cadre. Tout le monde, à Genève, parle un peu comme le Nouveau Glossaire, personne ne parle exclusivement le langage qui y est renfermé, et si l'on voulait prendre la phraséologie de ce répertoire pour le type de la langue usuelle des Genevois, on le transformerait, contre l'intention de son auteur, en une caricature. La portée utile et pratique de l'ouvrage lui aura bientôt assigné son vrai caractère et lui fera remplir sa véritable destination.
Humbert, tout en cherchant, dans la rédaction de ce dernier travail, une tâche qui l'occupât sans l'écraser, sentait cependant qu'elle pourrait bien dépasser la mesure des jours qui lui étaient comptés, et il répétait souvent: «Je ne finirai pas mon livre, mon livre me finira.» Ses pressentiments étaient justes, et comme il les éprouvait sans trouble, il les a vus se réaliser sans effroi. A la fin d'une de ces journées passées, comme toutes les autres, dans la paix du foyer domestique, les distractions de la promenade et de l'étude, la révision des pages de son Glossaire, et toute la tranquillité habituelle d'une vie sagement réglée, il a subitement ressenti les symptômes du mal suprême et il ne s'y est pas mépris.
Autour du lit, où il croyait trouver le sommeil et où il rencontrait la mort, il n'a voulu que les siens, et repoussant les secours qui peuvent prolonger la vie, il n'a songé qu'à la quitter en paix. Une âme pieuse, un cœur droit, un esprit humblement attaché aux vérités de la foi l'avaient disposé dès longtemps à ce détachement chrétien. Les lignes suivantes, expression secrète de ses sentiments intimes, disent assez dans leur simplicité quelle était à cet égard la direction de ses pensées: «J'ai une foi implicite et complète à l'Évangile. Je crois à la rédemption par le sacrifice de mon Sauveur, et cette foi est le rocher où je ne cesse de reposer mon cœur. Je prie non pas seulement au moment de finir ma journée, mais à toutes les heures du jour. Durant toutes mes promenades, je ne m'occupe que de choses sérieuses et surtout des bienfaits de la Providence, de cette Providence à laquelle je rapporte tout, et dont la pensée consolante et douce est le seul baume au mal qui m'a frappé. Providence, Rédemption: voilà en deux mots, la source de ma tranquillité dans ce monde et de mon espoir le plus cher.»
C'est sur ce fond de piété solide qu'Humbert avait assis sa vie; c'est ainsi qu'il avait appris à surmonter bien des occasions d'amertume et de découragement. C'est là qu'il avait puisé cette égalité d'humeur, cette sérénité de caractère, cette bienveillance inaltérable dont il faisait jouir tous ceux qui l'approchaient. Peu prodigue de paroles dans l'expression de ses sentiments, il les mettait en pratique plus qu'il ne les proclamait, et sans protester beaucoup ni de son dévouement, ni de son désir de rendre service, nul ne se montra plus que lui serviable et dévoué. Il n'aspirait à rien qui dépassât ce qu'il pouvait légitimement atteindre; il fut simple dans ses goûts, facile et naïf dans ses rapports avec les hommes, ardemment attaché à son pays, fidèle au devoir, à l'amitié, à l'étude, à tout ce qui rend l'existence honorée et la mémoire respectable. Il a bien rempli sa tâche.
Puisse son souvenir rester entouré des regrets de ses amis, de l'estime des gens de bien, et des respects de la jeunesse! Ce triple cortége renferme tout ce qui lui paraissait à lui-même le plus digne, en ce monde, d'affection, d'hommages et d'intérêt.
A. R.
AVERTISSEMENT.
Surpris par la mort, avant que l'impression de son livre fût terminée, l'auteur de ce Glossaire n'a pu ni revoir les épreuves des dernières feuilles, ni rédiger la préface qu'il voulait placer à la tête de l'ouvrage. Dès la page 125 du second volume, on a dû se borner à reproduire avec une scrupuleuse exactitude le texte du manuscrit original, et s'abstenir d'y faire aucun des changements que l'auteur lui-même aurait peut-être jugé bon d'opérer.
On ne substituera pas davantage aux remarques préliminaires que l'auteur se proposait d'introduire dans sa préface, des considérations étrangères. Mais, grâce aux notes qu'il a laissées, on peut indiquer, de manière à les faire suffisamment connaître, les idées qu'il désirait développer lui-même.
Il voulait, d'abord, nettement établir le but qu'il s'était proposé. Il voulait indiquer ensuite la différence qui existe entre son Glossaire et celui qu'avait publié, pour la seconde fois, en 1827, M. Gaudy-Le Fort. Il voulait, après cela, repousser quelques-unes des objections et des critiques dont il pensait que son livre serait peut-être l'objet. Il voulait, enfin, signaler les difficultés de l'entreprise et les peines qu'il s'était données pour en triompher.
Il aurait dit, en premier lieu, que son but avait été de présenter dans le Glossaire la nomenclature complète des termes genevois, c'est-à-dire, des expressions qui ne se trouvent pas dans les dictionnaires français, et qui sont en usage dans la ville ou dans le canton de Genève; qu'il avait en même temps pris soin de relever les fautes de langage les plus grossières et les erreurs de grammaire les plus choquantes; qu'il avait enfin cherché à jeter quelque variété dans ce travail, par l'insertion de tous les proverbes nationaux qu'il avait pu recueillir, et par des rapprochements entre notre idiome et les dialectes français circonvoisins. C'est dans la même intention, et pour éveiller l'intérêt sur la langue des campagnes, qu'il a introduit dans le Glossaire quelques-uns des mots patois les plus répandus.
Quant aux différences qui distinguent le Glossaire actuel du Glossaire publié il y a vingt-quatre ans, elles portent sur les étymologies, les remarques grammaticales, le nombre et l'explication des mots. L'ancien Glossaire avait tiré du celtique ses principales origines; le nouveau s'est abstenu de remonter à cette source plus ou moins équivoque. L'ancien Glossaire avait abondé dans les observations souvent élémentaires de grammaire et de syntaxe; le nouveau Glossaire a été très-sobre de remarques de ce genre, parce que les grammaires suffisent à éclairer sur cette matière ceux qui veulent s'instruire. L'ancien Glossaire n'avait guère plus de deux mille mots, le nouveau en compte plus de quatre mille. Enfin, les mots de l'ancien Glossaire, que l'on a conservés dans celui-ci, ont reçu, quant à ce qui concerne l'explication et l'emploi de chaque terme, une rédaction nouvelle. Un très-petit nombre d'articles de peu d'importance ont été seuls reproduits sans changement.
L'auteur voulait ensuite examiner les objections et les reproches dont il craignait que le choix et le fond même de son travail ne fussent l'objet. Il présumait que l'on regarderait comme puérile ou comme dangereuse l'entreprise de recueillir et de fixer les termes barbares ou vicieux de l'idiome genevois. Il aurait cherché à démontrer que ni ce mépris, ni cette inquiétude n'ont un solide fondement. A cette occasion, il aurait rappelé le favorable accueil déjà fait parmi nous au précédent Glossaire, et il aurait indiqué le grand nombre de travaux analogues, entrepris depuis quelques années sur les divers dialectes français. Il aurait fait observer que la connaissance de toutes ces variétés du langage sert à l'intelligence de la bonne langue française, et que des littérateurs du premier ordre, Charles Nodier, par exemple, ont signalé l'intérêt et l'utilité de ce genre de recherches. Il aurait montré que plusieurs des mots que nous employons, et qui sont tenus pour barbares, sont autant de débris de l'ancien français, restés parmi nous comme les traînards d'une armée en marche. A ce propos, il aurait présenté quelques remarques sur les transformations que subissent incessamment les langues vivantes, et il aurait cherché à éclaircir les origines du vocabulaire genevois. Il aurait montré qu'un grand nombre des expressions usitées parmi nous sont également employées dans la Suisse romane, en Savoie, en Franche-Comté et dans le midi de la France. Il aurait indiqué comment l'emploi de plusieurs des termes genevois est, en quelque sorte, justifié par la nécessité où nous sommes de désigner ainsi des objets qui n'existent pas hors de notre pays. Il aurait fait ressortir le caractère expressif, énergique, ou gracieux, de quelques-uns de nos mots, qui n'ont pas, dans le français classique, de véritable équivalent. Enfin, il se serait élevé contre le purisme exagéré qui voudrait bannir de la conversation familière toutes nos locutions indigènes; mais il aurait, en même temps, signalé les barbarismes grossiers, les erreurs de syntaxe et les fautes de prononciation, comme les défauts véritablement choquants, dont nous devons chercher à purger notre langage.
Après avoir ainsi prouvé la convenance et l'utilité du Glossaire, il aurait parlé des difficultés attachées à la composition de cette œuvre. Elles étaient de trois sortes: difficulté de donner une nomenclature complète et exacte des mots genevois, de n'omettre aucun de ceux qui sont réellement en usage, et de n'en point insérer qui fussent imaginaires ou exceptionnels; difficulté de rendre fidèlement le sens précis de chaque terme, et de trouver la véritable définition d'un certain nombre de mots; difficulté de rédiger le Glossaire de manière à le rendre utile et accessible à tout le monde (ce qui était le but essentiel de l'auteur), et à le rendre en même temps instructif pour les érudits versés dans l'étude des dialectes français, ce qui était la seconde destination du livre.
Le sentiment très-vif de ces diverses difficultés avait inspiré à l'auteur le désir de ne rien négliger pour parvenir à les vaincre. Il aurait dit comment, dans cette intention, il avait cherché à s'entourer d'une foule de secours, dont son prédécesseur n'avait point fait usage. Il aurait dit comment il avait pris en quelque sorte le public pour collaborateur; comment il avait recueilli à la ville et à la campagne, dans la bouche des artisans, des écoliers, des ouvrières, des paysans, des gens du monde, des ignorants et des hommes instruits, toutes les locutions propres au langage genevois. Il aurait dit, qu'indépendamment de cette consultation générale, il avait pu profiter des communications d'un très-grand nombre de personnes qui mettaient de l'intérêt à son travail. Il aurait voulu rendre un témoignage public de remerciements et de gratitude à tous ceux qui l'avaient secondé, et parmi lesquels il distinguait, pour l'abondance des renseignements qu'il en avait reçus: MM. O. Bourrit, Chaponnière, Oltramare, régent, A. Serre, Linder, Jullien frères, et surtout Mr Pierre Gaud (de Meyrin), dont les initiales accompagnent plus d'un des articles du Glossaire. Il aurait dit comment, grâce à tant d'auxiliaires, il s'était efforcé d'arriver à un dénombrement complet des mots genevois, sans se flatter toutefois d'avoir réussi, et comment il n'avait jamais admis dans son Glossaire une seule locution, sans l'avoir auparavant soumise à un contrôle sévère, et sans s'être assuré par une enquête exacte de son emploi et de sa signification précise. Aucun mot de fantaisie, aucun terme inventé n'a donc trouvé place dans ce recueil, et s'il en est qui ne sont pas à Genève connus de tout le monde, il n'en est point qui ne soit employé par une partie de la population.
A ces matériaux, qui composent en quelque sorte l'élément genevois du Glossaire, l'auteur en a ajouté d'autres destinés à établir entre nos termes nationaux et les locutions analogues des pays voisins une comparaison intéressante. Il aurait dit qu'il avait consulté, pour rendre ces rapprochements aussi complets qu'il était possible, plus de vingt Glossaires imprimés, et renfermant les mots usités dans plusieurs parties de la Suisse romane et dans certaines provinces de France. Il aurait ajouté qu'il devait à MM. de Bons, pour le dialecte du Valais; Favrod, pour celui du canton de Fribourg; Dubois et Barrelet, pour celui du canton de Vaud, des communications manuscrites, dont il avait utilement profité.
Mais l'élaboration de ces riches matériaux créait pour l'auteur, qui voulait donner à son livre cette double destination, une difficulté nouvelle. Satisfaire tous ses lecteurs, c'est-à-dire tous ses concitoyens, en étant clair, complet, varié, instructif, et sans pédanterie; satisfaire les érudits, en leur fournissant tous les éléments d'une étude sérieuse sur l'un des dialectes français; voilà ce que voulait l'auteur. Il aurait dit que la poursuite de ce double but, une santé affaiblie, et le constant désir de perfectionner son travail, avaient contribué à retarder l'apparition de cet ouvrage dès longtemps annoncé. Il aurait témoigné la crainte de n'avoir que très-incomplétement rempli sa tâche, et après avoir réclamé l'indulgence pour les imperfections de son livre, il aurait terminé en sollicitant, afin de l'améliorer plus tard, toutes les critiques propres à lui faire reconnaître les défauts qu'il n'avait pu corriger.
Aujourd'hui le livre se présente seul; celui qui l'a composé ne l'améliorera plus. Si le public genevois l'accueille, le goûte et le consulte, ce succès sera la récompense à laquelle son auteur aurait attaché le plus de prix.
A. R.
EXPLICATION
DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGNES EMPLOYÉS DANS L'OUVRAGE.
| † | Expression ou prononciation très-vulgaire. |
| [Acad.] | Dictionnaire de l'Académie française. |
| adj. | Adjectif. |
| adv. | Adverbe, adverbial, adverbialement. |
| [Ch.] | Mr Chaponnière. |
| conj. | Conjonction. |
| dém. | Démonstratif. |
| (fig.) | Au sens figuré. |
| [G. G.] | Glossaire de Gaudy. |
| indéf. | Indéfini. |
| invar. | Invariable. |
| interj. | Interjection. |
| loc. | Locution. |
| part. | Participe. |
| [P. G.] | Mr Pierre Gaud. |
| pl. | Pluriel. |
| prép. | Préposition. |
| pron. | Pronom. |
| R. | Racine. |
| rel. | Relatif. |
| s. | Substantif. |
| s. m. | Substantif masculin. |
| s. f. | Substantif féminin. |
| v. | Verbe. |
| v. a. | Verbe actif. |
| v. n. | Verbe neutre. |
| v. pron. | Verbe pronominal. |
| v. récip. | Verbe réciproque. |
| v. réfl. | Verbe réfléchi. |
NOUVEAU
GLOSSAIRE GENEVOIS.
A
À, prép. Aller à âne, aller à mulet, ne sont pas des expressions correctes; il faut dire: Aller sur un âne, aller sur un mulet, comme on dit: Aller sur un chameau, aller sur un dromadaire. Mais l'expression Aller à cheval est consacrée.
À, prép. Est mis pour «comme» dans les exemples suivants, qui appartiennent au langage le plus populaire. Il n'y en a point à lui pour rendre service. Il n'y en a point à elle pour être gentille et amusante. Pour faire les petits pains au beurre, il n'y en avait point à Mme George.
À, prép. Est vicieux dans les exemples suivants: Tu mettras ce livre à ta poche. Au moment même où il mettait son foulard à sa poche, un filou le lui enleva. Substituez la préposition «dans» et dites: Dans sa poche.
À, prép. Est mis pour «de» dans les phrases suivantes et phrases analogues: Le cheval à Jean-Pierre. La servante à Pilate. La fête à Rousseau. Cette faute, non moins répandue en France qu'en Suisse, nous vient du vieux français; et un poëte fameux, Ronsard, qui vivait au milieu du seizième siècle, était correct à cette époque, en écrivant: La guerre à Troie, pour: La guerre de Troie; les victoires aux dieux, pour: Les victoires des dieux.
À, prép. Acheter à quatre sous de cerises; prendre à deux sous de lait, etc.; dites: Acheter pour quatre sous de cerises; prendre pour deux sous de lait.
ABADER (S'), v. pron. Terme des campagnards. Prendre son essor, prendre sa course, courir les champs, s'affranchir de toute entrave et de toute gêne, se sauver, s'enfuir. Il faut nous abader, car voici la pluie. Leurs vaches s'étaient abadées dans les blés. Notre petite Marguerite commence à s'abader; c'est-à-dire: Commence à faire quelques pas seule. A l'actif, abader signifie: Bouger, remuer, soulever. Abader un chariot, abader une grosse pierre. Dans le patois du Dauphiné, Abadà lo tropè veut dire: Lâcher les troupeaux qu'on mène paître, leur donner la clef des champs. Voyez le mot BADE.
ABANDONNER (S'), v. pron. Se dit des enfants qui commencent à faire quelques pas seuls et sans être soutenus. Notre petit John ne marche pas encore, mais il s'abandonne.
† ABANLIEUE, s. f. Banlieue.
ABASSOURDIR, v. a. Écrivez «Abasourdir,» et prononcez abazourdir.
ABATTANT, s. m. Nous appelons ainsi cette partie du pupitre ou du bureau sur laquelle on écrit, et qui, étant à charnière, se lève et s'abat à volonté.
ABÉCHER, v. a. Abéquer. Tâche d'abécher les deux bouts. Cette tringle ne peut abécher l'anneau.
ABEILLER, s. m. Terme des campagnards. Rucher. Un coup de vent emporta les deux ruches et renversa l'abeiller.
ABERGER, v. a. Héberger. M. G**, curé de La Roche, nous accueillit et nous abergea. Terme vieux français.
ABOMINER, v. a. Avoir en abomination. Terme vieux français.
ABONDANCES, s. f. pl. Betteraves.
ABONNER (S'), v. pron. Nous disons figurément: Je m'abonnerais bien pour avoir un commis aussi intelligent et aussi sage que le vôtre. On s'abonnerait pour avoir, pendant huit jours, un aussi beau temps qu'aujourd'hui; c'est-à-dire: On ferait volontiers quelque sacrifice, on donnerait de l'argent pour, etc.
ABORD (D'), adv. A l'instant, sur l'heure, tout de suite. Je suis obligé de sortir; mais je reviens d'abord. Ma commission est-elle faite, Jenny?—Non, Madame, mais je la ferai d'abord. Il est huit heures d'abord. Nous déjeunerons d'abord. L'adverbe D'abord signifie: «Dès l'abord, premièrement, en premier lieu,» mais il n'a pas le sens que nous lui donnons dans les exemples ci-dessus.
ABORD APRÈS (D'), loc. adv. Aussitôt après, immédiatement après. Je vais à la poste, et je vous rejoins d'abord après. «Il n'est pas rare de voir d'abord après une bise noire ou un séchard, se lever un vent de midi.» [Fatio de Duiller.] Cette expression, d'abord après, fort usitée chez nous et dans le midi de la France, n'est pas française.
ABORD QUE (D'), conj. Aussitôt que, dès l'instant que. D'abord que vous le pourrez, venez me voir. D'abord qu'ils entendirent le tocsin, ils coururent chacun à leur poste. Expression suisse, savoisienne et méridionale.
ABOUCHER, v. a. Mettre sur la bouche, mettre sur l'ouverture, mettre à bouchon, tourner en sens contraire. Aboucher un pot, aboucher une seille pour l'égoutter.
ABOUCHER (S'), v. pron. Se dit des personnes et de certains animaux. Un tel ne dort jamais sur le dos: il s'abouche. Quand vous retirez de l'eau un noyé, ne l'abouchez pas. En parlant d'un cheval, s'aboucher signifie: Tomber sur les genoux.
À BOUCHON ou D'ABOUCHON, loc. adv. Renversé, sens dessus dessous. L'enfant souffrait du ventre; on le mit à bouchon, on le mit d'abouchon. Mettez cette caisse à bouchon; elle nous servira de table. Terme lyonnais, etc., qu'on trouve dans le Dictionnaire français-anglais de Cotgrave [1609].
ABOUCLER, v. a. Boucler. Aboucler des souliers; aboucler une ceinture.
ABOULER, v. a. Apporter, donner promptement, rendre. Aboule ça; aboule-moi vite ça; c'est-à-dire: Donne cela lestement et sans faire d'observation. Dans un sens plus restreint, abouler est synonyme de Financer, solder, boursiller. Terme français populaire.
ABOUTONNER, v. a. Boutonner. Aboutonne-toi, Jean-Marie, tu prendras froid. Terme français populaire.
ABRAS, s. m. pl. Grand empressement, grande hâte, air affairé, air empressé. Il est dans tous ses abras; il fait beaucoup d'abras pour peu de chose. Il fait des abras de tout; c'est-à-dire: Il s'agite, il se met toujours en avant, et sans que la chose en vaille la peine.
† ABRE, s. m. Arbre. Avante-nous des pommes sur l'abre. Prononciation vulgaire dans la moitié de la France. Le grammairien Vaugelas assure que de son temps [1610-1650] un grand nombre de personnes instruites prononçaient abre, quoiqu'elles écrivissent arbre.
ABREUVOIR, s. m. Auget, petite auge pour les oiseaux. La cage et les abreuvoirs. Terme limousin, bordelais, etc.
ABSENTER, v. n. S'absenter. Toute la famille absenta trois jours. Terme vieux français. Nous faisons aussi d'absenter un verbe actif. Il a absenté l'école. Si tu absentes encore une seule fois ta classe, je te punirai.
ABSURDE, s. des 2 genres. Nigaud, sot, borné, stupide. Tu es un absurde, Jean-Louis, avec ta croyance aux almanachs. Français populaire. «Absurde» est un adjectif.
À ÇÀ, interj. Çà! çà donc! eh bien! eh! À çà! Messieurs, un peu moins de bruit. À çà! Frédéric, puisqu'on se quitte aujourd'hui de si bonne heure, on se reverra demain. À çà! qu'ai-je donc fait de ma clef d'armoire?
† ACACHONS, loc. adv. En cachette, clandestinement, à la sourdine. Faire quelque chose acachons. On dit aussi d'acachons. Notre Étienne est un garçon ouvert, qui ne fait jamais rien d'acachons. Il fait chaud d'acachons, se dit, chez les campagnards, de cette grande chaleur que l'on sent quelquefois en été, lors même que le ciel est couvert et le soleil entièrement caché.
ACAGNARDIR (S'), v. pron. S'acagnarder; c'est-à-dire: Rester oisif, faire le paresseux, croupir nonchalamment. S'acagnardir au coin du feu. Français populaire.
ACAGNER (S'), v. pron. Se blottir. Il s'était acagné dans un coin. Acagne-toi bien dans le lit pour n'avoir pas froid. [P. G.]
ACARRER (S'), v. pron. Se blottir, se serrer contre. [P. G.]
† À CAUSE? adv. Pourquoi? Mama, la Betsi m'a battue.—Et à cause?—À cause de rien; à cause que c'est une méchante.
ACCOMPARER, v. a. Comparer.
ACCORDER, v. n. Accorder une démission, accorder à un fonctionnaire public sa démission, ne sont pas des expressions françaises; il faut dire: Recevoir une démission, ou Accepter une démission. «Le gouvernement a accepté la démission de M. le professeur N***.»
† ACCOURAGER, v. a. Encourager. Accourage-toi, mon valet, tu auras une bonne dimanche. En vieux français, acorager.
ACCOURCIR, v. n. Les jours commencent d'accourcir. Dites: Les jours commencent de s'accourcir.
ACCOURIR (S'), v. pron. Se pourvoir de denrées et autres objets de consommation, en attendant le moment, peu éloigné, où se fera la provision. As-tu assez de gros bois et de fascines pour t'accourir? Notre chariot de pommes de terre n'arrivera que dans quinze jours, Lisette: va donc en acheter une corbeille pour nous accourir. Le dîné sera sans doute retardé, et je vais prendre un bouillon pour m'accourir. Mon bon Monsieur, c'est aujourd'hui le premier du mois; je viens recevoir ma petite rente.—Aujourd'hui, Madame Pignolet, cela ne m'est pas possible, mais revenez dans cinq jours.—Eh bien, Monsieur, donnez-moi, s'il vous plaît, dix francs pour m'accourir; c'est-à-dire, Pour que je puisse suffire pendant ce temps à mes dépenses ordinaires. Dans certains cas on peut employer ce verbe à l'actif, et dire, par exemple: Prêtez-moi un quarteron de paille pour accourir mes bêtes jusqu'à la moisson.
ACCOUTUMER, v. a. Nous disons: Accoutumer une chose. Accoutumer une place. J'ai accoutumé cette promenade, cette église, etc. Dites: Je suis accoutumé à cette place; je suis accoutumé à cette église, etc.; ou trouvez un équivalent meilleur.
ACCOUVASSER, v. n. Se dit des poules et signifie: Couver, cacher, mettre à l'abri, chercher à couver. Dans le vieux français, accouveter a presque le même sens.
ACCROCHER, v. a. (fig.) Gagner, attraper, saisir. Hier, en patinant, j'ai accroché un gros rhume. Tiens, accroche ce bâton. Il lui appliqua un soufflet et lui dit: Accroche! Terme français populaire.
ACCULER, v. a. Acculer un soulier; souliers acculés. Terme français populaire et vieux français. Dites: Éculer; souliers éculés.
ACCUSER, v. a. Terme de certains jeux de cartes. Annoncer. J'accuse un mariage en carreau. J'accuse vingt en trèfle.
ACCUSER À. Dénoncer à. Finis, Antoine, ou bien je t'accuse; je t'accuse à M'sieu.
ACCUSEUR, s. m. Rapporteur, écolier qui se plaît à dénoncer ses camarades. Terme vieux français.
ACENSER, v. a. Prendre à cens ou à ferme, affermer. Ce terme, peu connu en France, et qui n'est pas dans le dictionnaire de l'Académie, doit s'écrire «Accenser.»
ACHAPER (S'), v. pron. Terme des campagnards. S'accrocher à, se cramponner à, s'attacher à. S'achaper au cou de quelqu'un. [P. G.]
ACHATIR, v. a. Voyez ASSATIR.
ACHOUTER (S'), v. pron. Le temps s'achoute, signifie: Le temps commence à s'éclaircir, le temps s'amende et devient meilleur. Voyez les mots SIOUTE ou CHOUTE.
ACOI ou ACOUÉ, s. m. Puissance, courage, force physique, audace. Tu n'as pas l'acoi. Terme vaudois. Dans le patois de Neuchâtel on dit acout. Voyez le Glossaire neuchâtelois de M. le professeur Guillebert, 2e édition, p. 74.
À CRA ou À CRAS, loc. adv. Être à cra, signifie: N'en pouvoir plus, être rendu, être aux derniers expédients, être aux abois.
† ACRASER, v. a. Écraser. En remuant ce gros poutre, le charpentier vient de s'acraser le gros arteuil.
AD HOC POUR CELA. Il est venu ad hoc pour cela. Dites: Il est venu ad hoc; ou, Il est venu pour cela; car les mots ad hoc et les mots pour cela ont exactement le même sens. Si vous les employez ensemble, vous dites deux fois la même chose; une fois en latin, et une fois en français.
ADIEU. A Genève, à Lausanne, à Neuchâtel, à Chambéry et dans le midi de la France on dit adieu à une personne que l'on aborde et qu'on est dans l'usage de tutoyer. Adieu, cousin, comment te va? Adieu, ma sœur, viens-tu dîner avec nous? Il faut dire: «Bonjour,» et réserver le terme d'adieu pour le moment où l'on se sépare. «Il se fait tard; adieu, Messieurs; adieu, Mesdames.»
ADIEU, JE T'AI VU! Sorte d'exclamation facétieuse, à l'occasion d'une mésaventure, d'une perte, d'une espérance trompée. Le canari s'envola, et adieu, je t'ai vu! La diligence était partie, et adieu, je t'ai vu!
ADMONESTER, v. a. Admonéter, faire une réprimande. Admonester appartient au vieux français.
ADOMÉCHER, v. a. Apprivoiser. Adomécher un chamois. Terme vieux français. Dans les Alpes on dit: Adometzi. R. domus ou domo.
† ADOPTER, v. a. Adapter. Adopter une console, adopter une polie. Terme des ouvriers.
AFFAIRE, s. m. Objet, ustensile, chose. Un gros affaire en bois. Solécisme universellement répandu, et qui vient du vieux français. Ce mot est aujourd'hui féminin.
AFFAIRE, s. m. Nous disons dérisoirement d'un homme ou d'un jeune garçon petit et chétif: Ce petit affaire. Voyez ce petit affaire, qui n'a que huit ans et qui veut conduire un cheval.
AFFAIRE, s. f. Il y a l'affaire de trois mois, signifie: Il y a environ trois mois. Il y a une affaire de deux ans que je ne l'ai vu, signifie: Il y a environ deux ans que je ne l'ai vu.
AFFANER, v. a. Gagner avec peine, se tourmenter de travail, obtenir à la sueur de son front. J'ai bien affané cet argent. Ces ouvriers ont bien affané un pauvre écu. Terme suisse-roman. Affaner est l'ancien verbe ahaner, qui signifiait: Travailler avec fatigue, comme le bûcheron qui soupire, et laisse entendre, à chaque coup de hache, le son ahan. Selon le dictionnaire de Roquefort, le vieux mot affan est synonyme des mots Travail, peine, effort. Dans le dialecte languedocien, s'afana veut dire: S'empresser à faire quelque chose.
AFFAUTIR, v. a. Priver de nourriture. S'emploie surtout au passif. Un enfant affauti est celui à qui la nourriture a manqué. Allons, camarades, encore un morceau; il ne faut pas se laisser affautir. Se dit aussi des animaux et des plantes. Terme suisse. Dans le dialecte lorrain, affautrir signifie: Rendre maigre.
AFFITS, AFFITIAUX, s. m. pl. Affiquets, petits ajustements d'une femme, surcharge d'ornements sans goût, colifichets. «Affûtiaux» est français, mais n'a pas le sens de notre mot affitiaux.
AFFRANCHISSAGE, s. m. L'affranchissage d'une lettre, d'un paquet, etc. Terme français populaire. On doit dire: «Affranchissement.»
AFFRE, s. f. Grande peur, effroi. Je me fais une affre de cette entrevue. Ce jeune étudiant se faisait une affre de son examen d'Algèbre. Ne vous faites pas une affre de si peu de chose. En français, affre ne s'emploie qu'au pluriel et dans cette seule locution: Les affres de la mort. A Genève, affre, au singulier, est une expression fort répandue.
AFFÛTER, v. n. Être à l'affût, se poster pour attendre le gibier. Terme connu dans le Berry et sans doute ailleurs. Dans le vieux français on disait: S'affûter.
AGACIA, s. m. Écrivez et prononcez «Acacia.»
AGACIN, s. m. Durillon, cor aux pieds. Extirper un agacin. Son agacin l'empêchait de marcher. Terme méridional et vieux français. Dans le Valais on dit: Agaçon. R. agacer, irriter, faire souffrir.
AGAFFER, v. a. Gaffer, accrocher quelque chose avec une gaffe.
AGETS (LES), s. m. pl. Les êtres d'une maison, les dégagements, issues, corridors, escaliers, passages. Savoir les agets; étudier les agets. Ce voleur connaissait bien les agets de l'appartement. Terme rouchi. A Reims on dit: les agis; en vieux français: les agiz, les agès, ou les agiers. Dans la basse latinité, agestus a le même sens.
AGILETÉ, s. f. Il se déroba à nos yeux avec une incroyable agileté. Le mot français est «Agilité.»
AGIR (S'), v. pron. Quand il a s'agi de se mettre à table, rien n'était prêt. Quand il a s'agi de payer l'écot, la moitié des convives avait disparu. Dites, en conjuguant ce verbe avec l'auxiliaire être: Quand il s'est agi.
AGLAN, s. m. Mot patois, qui signifie: Gland. La saison des aglans. Ramasser des aglans. Terme savoisien, méridional et vieux français.
AGLÉTIR, v. a. Agglutiner, agglomérer, coller. Ce miel s'est agléti à mes doigts. En Savoie, dans le Jura et en vieux français, on dit: Agléter.
AGNOTI, s. m. (gn mouillés.) Nigaud, esprit lourd.
AGONISER, v. a. Insulter, injurier, outrager de paroles. Après avoir agonisé sa femme, il la chassée du logis. Terme suisse, savoisien, comtois, lorrain, etc. Nous disons aussi, avec un complément indirect, agoniser de sottises, agoniser d'injures. Dans le langage parisien populaire on dit: Agonir. Agonir quelqu'un de mauvais propos.
AGONISSANT, ANTE, adj. et s. Qui est à l'agonie. Écrivez par un seul s «Agonisant,» et prononcez agonizant.
AGOUILLARDIR ou AGOUILLARDER, v. a. Affriander, rendre friand. En donnant tant de bonbons à cette petite fille, vous finirez par l'agouillardir. Voyez GOUILLARD.
† AGOÛTER, v. a. Goûter. Agoûte-moi ce fromage. Terme vieux français.
AGOÛTION, s. m. Mouchoir tressé ou noué dru, avec lequel les écoliers se donnent des coups. Faire un agoûtion; se battre à coups d'agoûtion. Terme formé peut-être du verbe agoûter.
AGOUTTER, v. a. Mettre à goutte, mettre à sec, tarir. Agoutter un puits; agoutter une pompe. Les sources sont agouttées. Dans la langue provençale on dit: Agouta. Dans le canton de Fribourg on appelle agot une vache qui n'a plus de lait ou qui n'en a pas encore.
AGRÈS, s. m. pl. Nous disons que les raisins sont en agrès, lorsqu'ils ont passé fleur, et que les grains commencent à poindre. Dans notre canton, c'est vers les derniers jours du mois de juin que les raisins sont en agrès. Dans le canton de Vaud on appelle agrès, «les petites grappes de raisin qui poussent plus tard que les autres et ne mûrissent pas.» En languedocien agras, et en vieux français égret, signifient: verjus. R. agrestis ou acer.
† AGRIABLE, adj. Agréable. Agriable comme une porte de prison. On retrouve ce barbarisme en Savoie et dans divers patois du nord de la France.
AGUENETTES, s. f. pl. (Prononcez aghenettes.) Argent monnayé. Avoir des aguenettes; palper des aguenettes. Selon le Glossaire de Gaudy, ce mot vient de agnels, ancienne monnaie d'or du temps de saint Louis, dont l'empreinte était un agneau.
AGUILLAGE, s. m. (Prononcez aghillage, et voyez le mot suivant.)
AGUILLER, v. a. (Prononcez aghiller.) Mettre, jeter, lancer un objet sur un lieu élevé, qui n'est pas à la portée de la main. Nos garçons avaient aguillé leur paume sur le toit; c'est-à-dire: L'avaient jetée sur le toit par étourderie ou par maladresse. Leur cerf-volant resta aguillé sur l'arbre. Quelquefois le verbe aguiller veut dire simplement: Placer, mettre un objet dans un lieu élevé et peu convenable. Quand les domestiques desservent, elles ont la manie d'aguiller, d'échafauder les assiettes et les plats. Au lieu de pendre ton coquemar, Jeanette, pourquoi l'aguilles-tu ainsi sur les bûches? Est-ce étonnant que notre Madelon casse et brise tout? Elle vous fait de ces aguillages!... S'aguiller, v. pron., se dit des personnes, et signifie: Se percher, se hucher, se jucher. Resteras-tu une fois tranquille, Adrien, et cesseras-tu de grimper partout et de t'aguiller partout? Les voyez-vous, ces deux étourdis, s'aguiller sur le char de foin? Ce verbe est d'un emploi continuel chez nous, et nous le considérons comme un terme expressif, qui n'a point d'équivalent en français.
AHVOUA ou AVOUA! interj. Bah! ah bah! allez donc! laissez donc! Allons-nous ce soir à la Somnambule?—Ahvoua! C'est tout du charlatanisme et de la farce.
AIGLE, s. m. Nous disons proverbialement d'une personne abjecte et méprisable: Elle est bonne à donner aux aigles; c'est-à-dire: Elle ne vaut pas plus que la tripaille et les viandes gâtées dont on nourrit habituellement nos aigles.
AIGLEDON ou ÉGLEDON, s. m. Édredon.
AIGRE (FAIRE). Forcer, faire un abattage, faire une pesée. Il fallut faire aigre avec un levier. Les voleurs, pour ouvrir le pupitre, ont dû faire aigre. Employée au sens figuré, cette expression signifie: User de moyens violents ou extrêmes. Ne faisons pas aigre: attendons que les circonstances deviennent meilleures. On ne gagnerait rien à faire aigre: il faut user de patience.
AIGRES, s. m. pl. Tourner aux aigres. Tourner à l'aigre, s'aigrir.
AIGRON, s. m. Héron, oiseau.
AIGUE, s. f. Eau. Ce mot patois, qui appartient au vieux français, est l'origine du verbe «aiguayer» (prononcez égayer), lequel signifie: Baigner, laver. «Aiguayer un cheval; aiguayer du linge.» [Acad.] Aiguebelle est le nom d'une jolie cascade, au pied du mont Salève, près d'Étrembières.
AIGUILLETTE, s. f. Terme de couturière. Aiguille à lacer, passe-lacet.
AIGUISEUR, s. m. Émouleur.
AIR, s. m. Ressemblance. Nous disons: Donner de l'air à quelqu'un, pour signifier: Avoir de son air, avoir sa tournure, avoir son allure, lui ressembler à plusieurs égards. Il donne beaucoup d'air à son frère, et encore davantage à son oncle. Expression méridionale.
AIRER, v. a. Airer un appartement. Dites: Aérer un appartement, c'est-à-dire, y faire circuler l'air. Chambre bien aérée.
AIRRHES ou ERRHES, s. f. pl. Arrhes. Donner des airrhes à une domestique. Rendre les airrhes. Doubler les airrhes. Terme méridional et vieux français.
AISE, s. f. Être mal à son aise, signifie: Être un peu indisposé, n'être pas bien portant. Par ces temps de brouillard, je me sens mal à mon aise; je suis mal à mon aise; je me trouve mal à mon aise; c'est-à-dire: Je ne suis pas entièrement bien; il y a quelque chose qui cloche, ma santé ne va pas.
AISES, s. f. pl. Vaisselle de terre. Laver les aises. La patte d'aises; la patte aux aises. Terme suisse et savoisien. En languedocien, aisine se dit de toutes sortes d'ustensiles propres à contenir des choses soit liquides, soit solides; ainsi Un plat, un baquet, un panier, une cruche, sont autant d'aisines. En Franche-Comté et dans le vieux français, aisement signifie: Ustensile de ménage.
AISES, s. m. pl. Ce mot est féminin. Ne dites donc pas: Il se donne tous ses aises; il prend tous ses aises. Solécisme assez répandu, et qui nous vient du vieux français, où aise avait le genre masculin.
AJOSSER (S'), v. pron. S'accroupir, se tapir. La poule est ajossée sur ses œufs. Cette petite Adèle est toujours ajossée au coin du feu. En languedocien, s'ajhassa veut dire: Se coucher.
AJOUTURE, s. f. Ajoutage. Faire une ajouture à une robe.
ALAGNE, s. f. Terme patois. Noisette. En Savoie on dit: Alogne; dans le canton de Vaud, Alagne, Alogne et Eulagne; en vieux français, Aulagne; dans le patois limousin, Oulana; en provençal, Avelano; en latin, Avellana. Aveline, en français, est le nom d'une espèce de noisette.
ALANGUÉ, ALANGUÉE, s. et adj. Babillard effronté. C'est un petit alangué. Vous n'êtes qu'une alanguée. En languedocien on dit: Alengat; dans le bas limousin, Olenga; en vieux français, Langard; dans le patois de l'évêché de Baie, Langaie.
ALBINE, s. f. Arbenne, perdrix blanche.
ALCOVE (UN). Un grand alcôve. Solécisme fréquent en France, dans le langage populaire.
† ALCOVRE, s. f. Alcôve. Chambre à alcôvre. Les Languedociens ajoutent aussi l'r euphonique, et disent: Alcobre. Dans le Jura bernois et en Lorraine on dit: Alcofre. R. arabe: Alkobba.
À L'HORREUR, loc. adv. Très-mal, horriblement, exécrablement. Cette robe lui va à l'horreur. Ta page d'écriture est faite à l'horreur. Vos ciseaux coupent à l'horreur.
ALIER, s. m. Sorte d'arbre. Terme méridional et vieux français. On dit aujourd'hui Alisier.
ALIGNER, v. a. (fig.) Aligner quelqu'un, c'est le corriger, le mettre à la raison, le faire marcher droit. Va, petit bandit, je te ferai aligner par ton père. Drôles que vous êtes, on vous alignera, on vous arrangera.
ALLÉE, s. f. Action d'aller quelque part. L'allée et la venue; l'allée et le retour. Nous payâmes au cocher six francs pour l'allée et la venue. Figurément, Donner à quelqu'un l'allée et la revenue, c'est le mornifler d'importance, le souffleter d'abord sur une joue, puis sur l'autre.
ALLÉE QUI TRAVERSE. Dites: Allée de traverse. Dites aussi: Rue de traverse, chemin de traverse, route de traverse, et non pas: Rue qui traverse, etc.
ALLEMAGNES, s. f. pl. Notre fils voyage par les Allemagnes. Ces Allemagnes ont bien de la peine à se calmer. Expression très-populaire.
ALLEMANDAGES, s. m. pl. Causeries, commérages.
ALLER, v. n. Nous disons: Aller par le haut et par le bas. Les dictionnaires disent: Aller par haut et par bas.
ALLONGER, v. a. Dans le langage culinaire, allonger une sauce, c'est y ajouter du bouillon ou de l'eau, et en diminuer ainsi la force. Elle laisse brûler son rôti et ensuite elle allonge la sauce comme elle peut. Cette expression s'emploie aussi figurément. Allons, Messieurs, ne discutez pas davantage: il ne faut pas allonger la sauce.
ALLONGER (S'), v. pron. Allonger. En passant par ce chemin, nous nous allongeons. Dites: Nous allongeons.
ALLONGER (S'), v. pron. Croître. Les jours s'allongent. Dites: Les jours croissent. En Languedoc on dit: Les jours allongent.
ALLONGER (S'), v. pron. Dans le langage des ouvriers, s'allonger veut dire: Se hâter, faire vite. Camarades, l'ouvrage presse, il faut s'allonger.
ALLUMER UNE LUMIÈRE. Cette expression, généralement usitée dans tous les pays où l'on parle français, n'est admise ni par les dictionnaires, ni par les grammaires.
ALLUMETTES, s. f. pl. Nous appelons Jeu des allumettes, un jeu d'enfants dont le nom français est Jeu des jonchets, ou Jeu des honchets.
ALLURE, ALLURÉE, adj. et s. Se dit des jeunes garçons et des jeunes filles, et signifie: Vif, dégourdi, rusé, madré, intrigant. Tony est un petit alluré qui fera son chemin. Terme suisse et languedocien. A Marseille on dit: Un luré; dans le Berry, en Normandie et en Picardie, un déluré, terme recueilli par MM. Noël et Chapsal.
† ALMANACH, s. f. Une jolie almanach. Ce solécisme se fait aussi dans le canton de Vaud, en Savoie, en Lorraine, et sans doute ailleurs.
ALOUILLES ou ALOU-YES, s. f. pl. Ce mot signifie: Brandons, perches recouvertes de paille tortillée, que les jeunes villageois allument à la tombée de la nuit, sur les lieux élevés, le premier dimanche du Carême, appelé, pour cette raison, le Dimanche des Brandons. Après avoir brûlé leurs flambeaux, ils se rendent, en chantant, au domicile des personnes qui se sont mariées dans le cours de l'année, et font des souhaits pour qu'elles aient de beaux enfants, et surtout pour qu'elles offrent quelques bouteilles de vin à la joyeuse bande. (P. G.)
ALOUILLES, s. f. pl. Les villageois de plusieurs de nos communes sont dans l'usage, le soir d'une noce, de jeter aux enfants des noisettes, des dragées, du caramel et autres friandises. Cela s'appelle, en patois: Acougli les alouilles (jeter les alouilles). Terme savoisien.
ALPHES ou ALPHTES, s. m. pl. Aphthes, petits ulcères qui viennent dans la bouche. Avoir les alphes. Les alphtes sont douloureux. Ceux qui font ce mot féminin ajoutent une seconde faute à la première.
AMADOU, s. f. De la bonne amadou. Solécisme très-répandu en Savoie, en France et en Suisse.
† AMANDRE, s. f. Amande. Une amandre douce; une amandre amère. Terme savoisien, lyonnais, vieux français, etc.
AMASSER, v. a. Nettoyer. Amasser une assiette, amasser un plat. N'amasse pas avec tes doigts, Alexis; amasse avec ton pain.
AMASSER, v. n. Commencer à suppurer, commencer à aboutir. Son doigt amasse. Terme méridional.
AMATEUSE, s. f. Ce mot n'est pas français. En parlant d'une femme, aussi bien que d'un homme, on doit dire: «Amateur.»
AMBE, s. m. Amble, une des allures du cheval.
AMBRESAILLE, s. f. Myrtille, airelle, embrune, ou raisin des bois. Un gâteau aux ambresailles. Terme savoisien.
AMBROCHE, s. f. Myrtille, airelle, embrune, ou raisin des bois. Terme vaudois.
AMENER, v. a. Appliquer, flanquer, asséner. Il voulut répliquer; l'autre lui amena un épouvantable horion.
AMI AVEC. Voyez AVEC.
AMIDON, s. f. De la bonne amidon. Ce mot est masculin.
AMIOTI, IE, adj. Signifie: 1o Fatigué, éreinté; 2o Rapetissé, rabougri, racorni.
AMOMON, s. m. Tomate, pomme d'amour de la petite espèce. Un vase d'amomons.
AMPRÔ, s. m. Voyez le mot suivant.
AMPRÔGER, v. n. Terme des écoliers dans leurs jeux. Réciter une kyrielle de certains mots, pour savoir quel sera, entre tous les joueurs, le joueur sortant. Ces mots, qui n'ont aucun sens connu, sont au nombre de dix-sept: Amprô, Giraud, Carin, Careau, Dupuis, Simon, Carcaille, Brifon, Piron, Labordon, Tan, Té, Feuille, Meuille, Tan, Té, Clu. Les deux derniers de ces termes semblent être patois; Té clu ou T'ey clus peuvent signifier: Tu es dehors, tu es sortant. Clus serait alors le participe du vieux verbe clure, comme exclu ou exclus est le participe d'exclure: conjecture très-hasardée mais très-peu importante.
ANAILLE, s. f. Noisette. Ce terme figure dans un ancien refrain que les enfants chantent encore quelquefois le jour de Noël: Chalande est venu,—Son bonnet pointu,—Sa barbe de paille,—Cassons des anailles,—Mangeons du pain blanc,—Jusqu'au Nouvel an. Voyez ALAGNE.
ANCELLE, s. f. Éclisse, appui pour la fracture des os. Terme savoisien. Dans le patois du Jura, ancette signifie: «Planchette, bardeau,» petit ais fort mince pour couvrir les toits.
ANCHOIS, s. m. Dans notre dialecte et dans celui du Languedoc, des yeux bordés d'anchois sont des yeux éraillés, des yeux «bordés d'écarlate,» comme s'expriment les dictionnaires.
ANDAN, s. m. Terme des campagnards. Andain, ligne d'herbe abattue par la faux et qui ressemble à une onde. Dans le patois du canton de Vaud, anda signifie: «Vague, bouillon, onde.» En italien, andare veut dire: «Marcher.» On peut choisir entre ces deux étymologies, dont, peut-être, la meilleure ne vaut rien.
ANDRILLE, s. f. Ne s'emploie que dans cette expression populaire: Tirer l'andrille, laquelle signifie: «Être dans le dénûment, être pauvre.» Andrille est une corruption du mot mandrille ou mandille. Dans le Limousin on dit: Traîner la mandrille; à Lyon, Traîner la mandille. Or la mandille était une sorte de petit manteau ou casaque que portaient autrefois les laquais: elle leur était particulière, et les faisait distinguer des autres valets.
† ANÉDOCTE, s. f. Anecdote. Il nous fit asseoir et nous conta l'anédocte suivante. Terme dauphinois, limousin, etc.
ÂNE, s. m. Nous disons proverbialement: Il y a beaucoup d'ânes au moulin qui se ressemblent. Dans le français populaire on dit: Il y a plus d'un âne à la foire qui s'appelle Martin.
ANGE. Ce mot est masculin, lors même qu'on l'applique à une femme. Ne dites donc pas, comme plusieurs: Ma chère ange.
ANGLAISE, s. f. Redingote, lévite. Raccourcir une anglaise; tourner une anglaise.
ANGOISSER, v. a. Agiter, inquiéter vivement, tourmenter. Je viens d'apprendre que, par cette forte bise, nos jeunes gens sont en bateau sur le lac, et cela m'angoisse. La malade a été fort angoissée toute la nuit. Excellent terme familier aux Suisses, et dont Mme de Staël n'a pas négligé de faire usage. Voyez, dans le Glossaire de Roquefort, les significations qu'avait ce mot il y a trois cents ans.
ANGURINE, s. f. Melon d'eau.
ANICHON, s. m. Petit âne, âne. Terme français populaire, lequel ne s'emploie qu'au sens figuré.
ANIOTI et ANIATI, adj. Fatigué à l'excès, éreinté. Ces termes sont une corruption du mot anéanti. On a dit d'abord anéanti, puis anianti (par un changement fréquent de l'é en i), puis aniati et anioti.
À NIVEAU DE. Le salon est à niveau du jardin. Dites: Est au niveau du jardin.
ANONCHALIR (S'), v. pron. Devenir nonchalant. Après deux années d'application, on le vit tout à coup se décourager et s'anonchalir. Terme vieux français.
À NOUVEAUX FRAIS. Recommencer une chose à nouveaux frais. Expression fréquente chez J.-J. Rousseau. Les grammaires et les dictionnaires disent: Sur nouveaux frais.
ANSE, s. f. (a aspiré). La anse d'un pot; la anse d'une écuelle. Il faut écrire et prononcer «L'anse.» L'anse d'un pot, l'anse d'une écuelle.
ANTICHAMBRE, s. m. Un bel antichambre. Ce mot est féminin, comme le mot «chambre,» dont il dérive.
ANTIDILUVIEN, ENNE, adj. Qui a existé, qui a eu lieu avant le Déluge. Temps antidiluviens; nations antidiluviennes. Dites, avec l'Académie et toutes les grammaires: «antédiluviens.» Le mot antidiluvien se dit quelquefois de ceux qui nient le Déluge.
À NULLE PART, loc. adv. Nulle part. Où étais-tu hier soir?—À nulle part; j'étais chez moi.
ANVERS, s. m. Furoncle. Voyez ENVERS.
À PART DE, loc. conj. À moins de. À part de la frapper, son mari ne pouvait la traiter plus mal. À part d'être mort, on ne pourrait être plus malade qu'il n'est.
APETISSIR, v. a. Cette lunette apetissit. Dites: Cette lunette apetisse. L'infinitif de ce verbe est: Apetisser.
APIDANCER (S'), v. pron. Combiner avec économie son pain et sa pitance en mangeant. Tu ne sais pas t'apidancer. Ce fromage est bien apidançant. Terme languedocien. Dans le Berry, on appelle mets apidançant, un mets qui fait manger beaucoup de pain. Voyez PIDANCE.
APIGEONNER, v. a. Attirer par de beaux discours, par de beaux semblants, enjôler, affrioler. Il se laissa apigeonner par toutes leurs magnifiques promesses. Terme remarquable, connu dans quelques provinces de Savoie, et peut-être ailleurs.
APLATI, TIE, part. S'emploie au sens figuré et signifie: Détraqué, énervé, abattu, consterné. Je ne suis pas positivement malade, je suis aplati, je n'ai point de force. Cette nouvelle nous a aplatis. Votre Mr Michel est un homme bien indolent, bien aplati.
À POINT D'ENDROIT, loc. adv. Nulle part.
APOSTICHE, adj. Postiche, ajouté après coup. Barbe apostiche; frisons apostiches; dents apostiches. Terme méridional, etc.
APOUSTI, s. m. Rebord extérieur d'une barque sur lequel marchent les bateliers, qui la font aller à l'étire, c'est-à-dire au moyen d'un long pieu ferré.
APOUSTOUILLE ou APOUTOUILLE, s. f. Allonge, ajoutage, appendice. A Chambéry on dit: Apostouille. C'est le mot français «Apostille» défiguré.
APOUTOUILLER, v. a. Allonger, mettre un ajoutage.
APPARENCE, s. f. Très-petite quantité. Madame voudrait-elle goûter notre excellente eau de cerises?—Eh bien, oui; mais donnez-m'en seulement une apparence.
APPARUTION, s. f. Il ne fit qu'une apparution et il nous quitta. Le mot français est «Apparition.»
APPELER (FAIRE). Nous disons: Faire appeler le médecin, faire appeler le pasteur, faire appeler le notaire. On dit en France plus simplement et plus correctement: Appeler le médecin, le notaire, etc.
APPETIT, s. m. Bon appetit, voisine!—Et vous aussi, voisin, bon appetit! Prononciation gasconne. Il faut écrire et prononcer «Appétit,» avec un accent aigu sur l'e.
APPOINT, s. m. Voyez APPOINTER, v. n.
APPOINTEMENT, s. m. Son appointement est fixé à 1400 francs. On lui a doublé son appointement. Dites: Ses appointements. Ce mot, pris dans le sens de Salaire, ne s'emploie qu'au pluriel.
APPOINTER, v. a. Pointer. Appointer un canon. Terme français populaire.
APPOINTER, v. n. Se dit au jeu de boules, par opposition à baucher. Il appointe bien. Voilà un bon appoint. Terme lyonnais et méridional.
APPONCE, s. f. Ajoutage, allonge. Cette robe aurait besoin d'une apponce. Si nos enfants viennent dîner, vous mettrez une apponce à la table. Terme suisse-roman, savoisien et lyonnais. Dans le Jura, on dit rapponce.
APPONDILLE, s. f., et APPONDILLON, s. m. Ajoutage, appendice, chose ajoutée à une autre.
APPONDRE, v. a. Ajouter, attacher. Appondre une ficelle; appondre une sauce; appondre du bouillon; bouillon appondu; sauce appondue. Qui répond, appond; c'est-à-dire: Les ergoteurs prolongent et entretiennent les disputes. Terme lyonnais, jurassien, dauphinois, etc.
† APPRENTIF, s. m. Apprenti. Apprentif appartient au vieux français, et se dit encore dans le Midi.
† APPRENTISSE, s. f. Apprentie. Terme vieux français.
APRÈS, prép. Au lieu de dire: Envoyer chercher quelqu'un, nous disons: Envoyer après quelqu'un. Le vétérinaire n'arrive pas: envoyez après lui. Dites: Envoyez le chercher.
APRÈS, prép. Demander après quelqu'un, n'est pas une expression correcte. En mon absence, a-t-on demandé après moi? Dites: En mon absence, quelqu'un m'a-t-il demandé? Quelqu'un a-t-il demandé à me voir, à me parler?
APRÈS, prép. La clef est après la serrure; la clef est après la porte. Dites: La clef est À la serrure; la clef est À la porte.
APRÈS-MIDI, s. m. Assemblée, cercle, thé. Mme N** nous a donné hier un charmant après-midi. Ce mot est féminin et il n'a pas cette signification.
ÂPREUR, s. f. Âpreté. L'âpreur d'un fruit.
À PRORATA, prép. comp. Au prorata, en proportion de, à raison de. Il paie à prorata de ses revenus. Terme français populaire.
APURE, s. f. Moment de la plus grande abondance d'un fruit. L'apure des fraises va finir. L'apure des melons commencera bientôt. Terme savoisien.
À PURE PERTE, loc. adv. J.-J. Rousseau a employé fréquemment cette expression genevoise qui a fini par s'introduire en France, dans le langage populaire. Au dix-septième et au dix-huitième siècle, les écrivains français ont toujours dit: «En pure perte,» et jamais À pure perte.
À QUELQUE PART. Je vais à quelque part. Dites, sans préposition: Je vais quelque part.
ARAGNE, s. f. Araignée. Voyez le mot suivant.
ARAGNÉE, s. f. Toile d'aragnée. Terme français populaire et vieux français. Écrivez et prononcez «Araignée.» Peu de mots ont eu autant de peine à se former que celui-là; peu de mots ont subi en France plus d'altérations successives. On a dit: Araigne, airagne, arigne, iragne, iraigne, aragne, aragnée, et enfin Araignée.
ARAIGNÉE, s. f. Cardère, chardon des haies.
ARASÉE, s. f. Terme de maçonnerie. Assise. Première arasée; seconde arasée. Le verbe «Araser» est français.
ARBORISER, v. n. Herboriser. Arboriser appartient au français populaire. Arboriste se trouve dans les Fables de La Fontaine (V, 8), et se dit encore dans le Midi.
†ARGARDER, v. a. Regarder. Argarde voir, François.
ARÉONAUTE, s. m. Aéronaute.
À REVOIR, Au revoir.
†ARGENT, s. m. Dans le langage populaire, ce mot est féminin. Sa petite argent ne le mènera pas loin. Ils y mettent une belle argent, tous ces garçons, à leur tabac et à leur fumerie. Ce solécisme ne nous est pas particulier.
ARGENT DE POCHE, s. m. Dites: Argent de la poche, argent qu'on destine à ses menus plaisirs.
ARGENT MÂCHÉ, s. m. Une tabatière d'argent mâché. Dites: Une tabatière argentée.
ARGENTS, s. m. pl. Les argents sont rares. Dites: L'argent est rare.
ARGOT, s. m. Ergot, espèce d'ongle chez quelques animaux. Le coq se tenait sur ses argots. Terme français populaire et vieux français.
† ARGOTER, v. n. Ergoter, répliquer avec humeur. Terme français populaire et vieux français.
† ARGOTEUR, s. m. Ergoteur.
† ARGUELISSE, s. f. Réglisse, plante. Du bois d'arguelisse. Ce mot a subi en France de grandes variations. On a dit successivement: Ergalisse, erguelisse, regalisse, rigalisse, ragalisse, riglisse, et enfin Réglisse.
ARGUILLON, s. m. Ardillon, pointe de métal à la chappe d'une boucle. Terme français populaire.
ARI, adv. Arrière. Terme de batelier. Faire ari veut dire: Ramer en sens contraire pour aborder. Ari est aussi le cri de nos charretiers pour faire reculer leurs chevaux. En vieux français, arier signifie: Arrière.
ARIOTET, s. m. Jeu d'écoliers, appelé aussi Quique. Voyez ce mot.
† ARMANA, s. m. Almanach. Armana est aussi la prononciation populaire en Savoie, en Franche-Comté, en Bourgogne, dans le Limousin, en Provence, à Paris, à Reims, etc.
ARMISTICE (UNE). Ce mot est masculin. «Un court armistice.»
† ARMOIRE (UN). Nous incantâmes un superbe armoire de sapin. Ce solécisme nous est commun avec nos voisins de France, de Suisse et de Savoie.
† ARMOLAU, s. m. Émouleur, gagne-petit. Quand l'armolau passera, dites-lui de monter. Terme neuchâtelois.
ARPION, s. m. Harpon. En provençal, arpioun signifie: Une griffe.
ARPIONNER, v. a. Harponner.
ARRAL (D'). De travers, à rebours, mal. Ce vêtement va tout d'arral. Notre affaire ira tout d'arral, etc. Terme des campagnards. [P. G.]
ARRAPER, v. a. Prendre par force, arracher.
ARRÊTE, s. f. Arrêt, cesse, repos. N'avoir point d'arrête, signifie: Bouger sans cesse, agir continuellement, se trémousser sans relâche.
ARRÊTER, v. n. S'arrêter. Partez donc; la dernière cloche vient d'arrêter. Nous eûmes beau faire des signes avec nos mouchoirs, l'omnibus ne voulut pas arrêter. Il est mieux de dire: Ne voulut pas s'arrêter.
ARRÊTER, v. n. Cesser. Il a arrêté de pleuvoir; il a arrêté de sonner. Laisse ton labourage, André; et si la pluie arrête, tu le reprendras.
ARRHES, s. f. pl. Dans le langage populaire raffiné, on aspire ce mot, et l'on dit: Des hharrhes; livrer les hharrhes. C'est une grossière faute: il faut prononcer les z-arrhes.
ARRIÉRAGES, s. m. pl. Arrérages.
ARRIÈRE-GRAND'MÈRE, s. f. Bisaïeule.
ARRIÈRE-GRAND-PÈRE, s. m. Bisaïeul. Terme méridional.
† ARSOUILLE, s. f. Homme ou femme de néant, crapule. Terme ignoble, qu'on retrouve dans quelques provinces du nord et du centre de la France. [Voyez le Glossaire picard de M. l'abbé Corblet.]
ARTÈRE (UN). Le gros artère. Solécisme fréquent. Ce mot est féminin.
ARTEUIL, s. m. Orteil, doigt du pied. Il s'écrasa l'arteuil. Dans notre patois, on dit: artieu; dans le Limousin et en vieux français, arteil; en Languedoc, artel; en rouchi, artoil; dans le dictionnaire de Cotgrave, on trouve artail et artoir: tous mots qui se rapprochent beaucoup de l'étymologie latine articulus. «Orteil,» qui s'en éloigne davantage, a prévalu.
ARTICHAUT BÂTARD, s. m. La grande joubarbe.
ARVE, rivière. Nous disons, en retranchant l'article devant ce mot: Le sable d'Arve; la queue d'Arve; le bord d'Arve; le chemin d'Arve; patiner sur Arve. Ces façons de parler sont un reste du vieux français.
AS (UNE). Terme du jeu de cartes. Une belle as. Solécisme qu'on retrouve aussi dans le français populaire.
ASPIRAL, s. m. Spiral. Terme d'horlogerie.
ASSATIR ou ACHATIR, v. a. Écacher, aplatir, tasser, écraser. Un terrain assati; une pomme assatie. Du pain assati est du pain mal cuit, mal levé, qui est trop serré, si l'on peut s'exprimer ainsi. Le verbe assatir ou achatir se dit aussi des personnes. J'ai tant marché, que je suis tout achati. Si tu raisonnes encore, petit drôle, je t'achatis. Quand il apprit la nouvelle de cette faillite, il resta comme achati; c'est-à-dire: Comme écrasé. Dans le patois languedocien, acata veut dire: Abaisser, et le participe acatat signifie: Courbé, bas. Dans le patois du Berry, sater a le sens de: Presser, fouler.
ASSATISSEMENT, s. m. Aplatissement, abaissement.
ASSAUT, s. m. Nous disons figurément: Faire un assaut à quelqu'un, pour: Le tancer vertement, éclater contre lui en reproches. Recevoir un assaut veut dire: Être fortement réprimandé. En Lorraine, assauter quelqu'un signifie: L'accabler d'injures, de reproches, d'invectives.
ASSÉNER, v. a. Asséner un coup de poing. Ce mot s'écrit «Assener» sans accent sur l'e. [Acad.]
ASSÉYER (S'), v. pron. S'asseoir. Asséye-toi, Colas. Prenez la peine, Mesdames, de vous asséyer. Faute fréquente.
ASSEZ, adv. Monsieur a-t-il assez bois? Aurons-nous assez crême pour quinze personnes? Dites: Assez de bois, assez de crême, etc.
ASSOYER (S'), v. pron. S'asseoir. Ils s'assoyèrent par terre, est un barbarisme. On dit pourtant: Assoyez-vous; il faut que tu t'assoyes, etc. Pour les deux manières de conjuguer le verbe S'asseoir, voyez absolument les dictionnaires et les grammaires, et ensuite débrouillez la chose, si vous le pouvez.
ASTHME, s. m. Se prononce asme.
ASTRAGON, s. m. Vinaigre à l'astragon. Écrivez et prononcez «Estragon.»
ATARTI, IE, adj. Épuisé de fatigue, éreinté.
ATOUT, s. m. Soufflet, taloche, mornifle, fort coup. Flanquer un atout; appliquer un atout; se donner un atout. Terme parisien populaire, picard, etc.
ATRAN et ATREIN, s. f. Terme des campagnards. Fourche de fer à trois cornes, pour prendre et remuer le fumier. Terme savoisien. Dans le canton de Vaud on dit: Trein ou treun; en Franche-Comté, Tran; en Dauphiné, Trenc.
ÂTRIAUX, s. m. pl. Boulettes de foie de cochon. Une douzaine d'âtriaux. Terme suisse-roman. A Besançon on dit: Atraux; en Lorraine, Hâtrez. Dans le vieux français, le Hétriaulx signifie: Le foie.
AUBE, s. f. Nous disons: Travailler d'une aube à l'autre, pour signifier: Travailler autant que la journée peut s'étendre. Expression remarquable, qui prouve qu'anciennement on ne distinguait pas (quant au degré de lumière) l'aurore du crépuscule, puisque l'un et l'autre étaient appelés du nom d'aube ou blancheur. [Voyez Villa, Nouveaux gasconismes corrigés, t. I.] Cette expression, d'une aube à l'autre, n'est dans aucun des dictionnaires que j'ai pu consulter.
AU-DESSUS, adv. Être au-dessus, se dit d'un malade qui, après une dangereuse maladie, est sur le point d'entrer en convalescence. Alexis a été entre la vie et la mort pendant plusieurs mois; mais, grâce à Dieu, le voilà au-dessus. Expression consacrée.
AU-DEVANT, adv. On entend souvent dire: Il lui est allé au devant, pour: Il est allé au-devant de lui. Ce barbarisme est déjà signalé dans les Remarques du grammairien Vaugelas, publiées il y a deux cents ans.
† AUPARAVANT, prép. J'arriverai auparavant lui. Vous serez servi auparavant ces dames. Dites: J'arriverai avant lui; vous serez servi avant ces dames. «Auparavant» est un adverbe, et les adverbes n'ont pas de régime. Cette faute appartient au vieux français.
† AUPARAVANT DE. Auparavant de mourir, il restitua la somme. Nous danserons auparavant de souper. Dites: Avant de mourir; avant de souper.
AUPARAVANT QUE, loc. conj. Auparavant que tu partes, on se reverra. Cette expression appartient au vieux français. Dites: Avant que tu partes, on se reverra.
AUSSITÔT, adv. Aussitôt à mon arrivée, j'irai vous voir. Dites: Aussitôt mon arrivée; ou: Aussitôt après mon arrivée; expression meilleure que l'autre.
AU SÛR, loc. adv. Pour sûr, avec certitude. Es-tu bien certain de la chose, Bernard?—Je ne la sais pas au sûr, et je ne voudrais pas en jurer.
AUTEUR, s. m. Cause. Tu as déchiré ma veste, Jules.—Eh bien! je m'en moque, c'est toi qui en es l'auteur: tu n'avais qu'à ne pas me chicaner. Terme parisien populaire, etc.
AUTOUR DE, loc. prép. Environ, à peu près. Il est autour de midi. À ce bal nous étions autour de soixante. Il y a autour de quatre ans que notre oncle est mort.
AUTRE, adj. Les quatre expressions suivantes: Rien d'autre, Quelqu'un d'autre, Quelque chose d'autre, Personne d'autre, sont des expressions vicieuses, qu'il faut remplacer par celles-ci: Rien autre, Quelque autre, Quelque autre chose ou Autre chose, Personne autre ou Nul autre; ou par des termes équivalents. Ne dites donc pas: J'ai gagné mon enjeu et rien d'autre. J'inviterai toute la famille, mais personne d'autre. Voudrais-tu un peu de café, Albertine?—J'aimerais mieux quelque chose d'autre. Ce sont là des phrases barbares.
AUTRES FOIS (LES), loc. adv. Les autres fois on fermait les portes de la ville à six heures du soir. Dites: Autrefois, jadis, anciennement.
AUTU-BÔTU, adv. En bloc, l'un portant l'autre, pêle-mêle. Acheter un chariot de foin autu-bôtu; c'est-à-dire: Sans le peser. «Jamais je ne ferai un marché autu-bôtu dans une matière de cette importance.» [Humbert, Adresse à mes concitoyens. 1792.]
AVA! Exclamation de découragement ou d'incertitude. Ava! n'essaie pas, tu n'y pourras jamais parvenir. Ava! ne sortons pas, la pluie commence.
AVALANCHER, v. n., et S'AVALANCHER, v. pron. S'ébouler. Le terrain menaçait d'avalancher. Le glacier venait de s'avalancher. En provençal, s'avalancha veut dire: S'affaisser, s'ébouler, crouler.
AVALÉE, s. f. Forte réprimande, gronderie brusque. Faire une avalée. Il nous surprit dans la vigne et nous fit une effroyable avalée.
AVALER, v. a. Quereller durement, rudoyer, malmener. Gardez-vous, mes enfants, de lui demander congé; il vous avalerait. Terme français populaire.
AVALER, v. a. (fig.) Nous disons de quelqu'un qui a des maux de gorge: Il a avalé le chat par la queue; ou: Il a avalé la queue du chat. En français, on dit d'un chanteur qui éprouve un embarras de gosier: «Il a un chat dans la gorge.» [Acad.]
AVALE-ROYAUME, s. m. Dénomination facétieuse qu'on donne à une personne avide, insatiable.
AVALOIR, s. m. Grand gosier, vaste gosier, vaste estomac. Dis-moi, Georgette, il faut que tu aies un fameux avaloir pour avoir englouti toute la fricassée de boudins. Avaloir est un mot français; mais on l'écrit «Avaloire,» avec e final, et il est du genre féminin.
AVAN, s. m. Osier, pleyon. Les avans aiment le bord des eaux. Terme franc-comtois, etc.
AVANCE, s. f. Avoir de l'avance signifie, dans le langage des ouvriers et des domestiques: Avoir quelque argent devant soi, avoir des économies, être en fonds. Tu es toujours ouvrier, Mathurin?—Hélas! oui, Monsieur; je n'ai point d'avance. Si j'avais eu de l'avance, je me serais établi depuis longtemps.
AVANCE, s. f. Prendre de l'avance, gagner de l'avance, sont des expressions incorrectes. Antoine, toi qui marches moins vite que tes compagnons de route, prends de l'avance, gagne de l'avance. Les dictionnaires disent, en retranchant l'article: Prendre l'avance, gagner l'avance. [Acad.]
AVANCE, s. masc. Ce qui se trouve déjà de fait ou de préparé. Tu me conseilles donc de bâtir ce mûr, Bastian?—Puisque Monsieur a tout le sable qu'il faut, et la moitié des pierres, c'est un joli avance, c'est un bon avance. Ce mot est féminin: Une bonne avance.
AVANCÉ, CÉE, adj. Celui ou celle qui a quelque argent amassé, quelque petit fonds de réserve. Expression familière aux ouvriers et aux domestiques. Notre Suzon attend, pour se marier, d'être plus avancée.
AVANCÉ, CÉE, s. Les avancés de la secte. Les avancés du parti. Un tel est dans les avancés. Néologisme utile.
AVANTER, v. a. Aveindre, prendre un objet qui n'est pas à la portée de la main. Toi qui es grand, Eugène, avante-nous ce panier qui est sur le buffet. Monte sur l'échelle et avante ce gros livre. Tâche d'avanter mon volant sur ce poirier. Terme formé de la préposition «Avant.» Avanter, c'est: Tirer en avant, amener en avant. Ce verbe n'a point d'équivalent exact en français; car le verbe «Aveindre» est peu usité.
AVEC, prép. Nous disons, et les Méridionaux le disent aussi: Vous arriverez avec la nuit; nous voyageâmes avec la pluie; ils partirent avec le beau temps. Ces phrases, et phrases semblables, n'ont pour elles l'autorité d'aucune grammaire, ni d'aucun dictionnaire.
AVEC, prép. Je suis ami avec Isaac. Connais-tu la Louise, Benoît?—Si je la connais: on est amie avec. Les deux cousines sont amies ensemble. Ces expressions ne sont pas françaises.
AVEC, prép. Ne dites pas: Compter avec les doigts. Dites: Compter sur les doigts, ou par les doigts.
AVEC, prép. Quand cela va bien, il faut aller avec. Ce proverbe signifie qu'On doit être modéré en toute chose; qu'il faut, en toute chose, jouir sans abuser. Allons, M. l'adjoint, encore un verre de Champagne.—J'ai eu ma bonne part, Messieurs, et, comme dit le proverbe, quand ça va bien, il faut aller avec (c'est-à-dire: Quand les choses vont bien, il faut être content et ne pas aller jusqu'à l'excès).
AVEC CELA QUE, loc. conj. Outre que, d'ailleurs. Le temps est trop incertain et trop humide pour que je me mette en route, avec cela que j'ai une douleur au genou.
AVENAIRE, s. m. L'avenaire est un homme essentiellement désagréable, qui blâme tout, critique tout, et chez qui la contradiction est un besoin. A Neuchâtel, avenaire signifie: Aventurier, homme sans aveu, nouveau venu, intrus. C'est à peu près le sens que lui donne le Dictionnaire français-anglais de Cotgrave, seul dictionnaire où j'aie trouvé cette curieuse expression. Dans le patois du bas Valais, aveniro veut dire: 1o Enfant maigre; 2o Polisson R. advena ou advenarius, étranger.
AVOCATON, s. m. Mauvais avocat. Dans le français populaire on dit quelquefois: Avocasson.
AVORGNAU, s. m. Homme incommode, homme ennuyeux, butor. Terme tant soit peu trivial, et qui commence à vieillir.
AVOUAI, AHOUÉE ou AHOUAI, s. m. Cri, clameur générale d'approbation dans une réunion bachique. Encore un avouai!
AVOUGNON, s. m. Coup, fort coup.
AVOUILLON, s. m. Aiguillon pour piquer les bœufs.
AVOUILLONNER, v. a. Piquer un bœuf avec l'aiguillon pour le faire aller. Ce mot et le précédent nous viennent des campagnards.
B
BABAN ou BAMBAN, s. m. Nigaud, dadais, niais, batteur de pavé. As-tu vu ce grand baban qui voulait faire le gentil? Terme suisse-roman et savoisien. Voyez BAMBANER.
BABET, s. m. Faire babet. Ce terme d'écolier signifie: S'associer dans un jeu, mettre en commun les gains et les pertes. Qui veut faire babet? Faisons babet ensemble.
BABO, s. m. Bobo, petit mal physique, douleur légère. Elle a babo au doigt. Terme méridional, etc.
BABOLER, v. n. Bredouiller. Parle donc distinctement, Louise, et ne babole pas. En vieux français, babouleur signifiait: Babillard.
BABOLI, s. m. Babillard inepte.
BABOUINE, s. f. Babine.
BÂCHE, s. f. Fourrage de marais, herbe qui croît dans un terrain marécageux.
BACHET ou BACHAT, s. m. Auge, abreuvoir, bassin, pierre ou pièce de bois creusée et qui sert à abreuver les animaux domestiques. Le bachet de Pezay. Terme savoisien, lyonnais et vieux français. Dans le Limousin on dit: Bac.
BÂCHEUX, EUSE, adj. Nous appelons pré bâcheux un Pré qui est humide et marécageux.
BACHIQUE, adj. Bizarre, grotesque, comique, original, extraordinaire. Se dit des personnes et des choses. C'était véritablement bachique de les voir danser. Français populaire.
BACOUNI, s. m. Batelier. R. bac.
BACULO, s. m. Bâtonnet, jeu d'écoliers. Jouer à baculo; jouer au baculo; lancer le baculo. R. baculus.
BADE (À LA). Locution très-familière aux campagnards, et qui signifie: En liberté. Être à la bade, être libre. Ils mirent les chevaux à la bade dans le pré. Bon! ne voilà-t-il pas que mon étourdi laisse l'eau à la bade; c'est-à-dire: Laisse le robinet ouvert.
BADE (DE), loc. adv. En vain, inutilement. Ne me faites pas venir de bade. Le vent ne court jamais de bade; c'est-à-dire: Amène infailliblement la pluie. En provençal, bada, et en vieux français, bader, signifient: Ouvrir la bouche, béer, faire le badaud, badauder.
BADINAGE, s. m. Joujou, jouet, amusette. Une boîte de badinages. Je t'apporte des badinages neufs: tu tâcheras d'en avoir soin.
BAFFE, s. f. Coup bien assené, forte tape, giffle. Terme vieux français.
BÂFRÉE, s. f. Bâfre, godaille. Terme dauphinois, etc.
BAGAR (UN). Une bagarre.
BAGNOLET, s. m. Baquet peu profond, mais d'une grande surface, où l'on dépose le lait, pour que la crême se forme plus aisément. Terme suisse-roman et savoisien.
BAGUENAUDEUR, s. m. Baguenaudier, celui qui s'amuse à des bagatelles. Terme français populaire.
BAGUETTE DE RIDEAU, s. f. Tringle.
BAHIU ou BA-IU, s. m. Bahut, grand coffre, malle énorme. Nous disons au figuré, d'un homme gros et lourd, d'un homme replet et stupide: C'est un gros bahiu. Dans le dialecte rouchi, baïou se dit d'un badaud, d'un imbécile, qui ouvre la bouche pour regarder, et qui regarde autant de la bouche que des yeux. A Rumilly (Savoie), on dit: un bavu.
BAIDE ou BÈDE, s. f. Terme des campagnards. Interstice, intervalle. La cheminée fumait beaucoup: on fit une baide à la porte; c'est-à-dire: On l'entr'ouvrit un peu. La pluie est bien forte, attendez une baide pour partir; c'est-à-dire: Attendez une éclaircie.
BAIGNER, v. n. La lune baigne; c'est-à-dire: La lune est entourée d'un cercle de vapeurs. Cette expression si connue n'est consignée, je crois, dans aucun dictionnaire.
BAIGNER, v. n. Allons baigner! Qui vient baigner? Il faut dire, en employant le pronom personnel: Allons nous baigner. Qui vient se baigner?
† BAIGNES, s. f. pl. Bains. La saison des baignes.
BAÎLLÂ, s. m. Bâillement. A Neuchâtel on dit: un baîlle.
BAILLARJAUD, s. m. Pansu, qui a une panse rebondie.
BAÎLLER, v. n. Baîller aux corneilles, signifie: Avoir la bouche ouverte et regarder niaisement. Écrivez Bayer aux corneilles, et prononcez bé-ié aux corneilles.
BAIN-MARIN, s. m. Réchauffer une soupe au bain-marin. Dites: Au bain-marie. A Neuchâtel on dit: Au bain mari.
BAISER (LE). Le baiser d'un pain. Dites: La baisure, ou le biseau; c'est-à-dire: L'endroit par lequel un pain en a touché un autre dans le four.
BALAI, s. m. Pêcher au balai. Dites: Pêcher au torchon.
BALALÂME ou BALALARME, s. m. Se dit d'un gros meuble antique et massif. Ôtez-moi ce grand balalâme de fauteuil.
BALAN, s. m. Balançoire, escarpolette. Au sens figuré ce mot signifie: Incertitude, irrésolution. Être en balan, ou Être sur le balan, veut dire: Être incertain, être en balance, flotter entre deux projets. Je suis en balan si je partirai demain. Expression méridionale.
BALANCES (DES). Dites: Une balance, quand il ne s'agit que d'un seul instrument à peser. «Ajuster une balance; nettoyer les bassins d'une balance. L'hôtel de la Balance.»
BALANDRIER, s. m. Garde-fou, barrière, galerie. On lit dans les Chroniques de Michel Roset: «Ils composèrent une graisse comme leurs prédécesseurs, et engraissèrent les verrouils des portes et les balandriers des rues et places où on soûlait s'appuyer.»
† BALIER, v. a. Balayer. Balier le colidor; balier la montée. Terme français populaire et vieux français.
BALIURES, s. f. pl. Balayures. La seille aux baliures.
BALME, s. f. Caverne, grotte naturelle dans les rochers. La balme du Démon et la balme de l'Ermitage dans le mont Salève; la grotte de Balme entre Cluses et Sallanches. En Provence et en Languedoc, baume a le même sens.
BAMBAN, s. m. Fainéant, flâneur.
BAMBANER, v. n. Baguenauder, muser, flâner bêtement, aller à l'aventure à droite et à gauche sans suivre de route certaine. Se bambaner, v. pron., a le même sens. Pourquoi veux-tu que j'aille me bambaner par cette promenade? A Lyon, bambane signifie: Homme lent, homme indolent et lâche.
BAMBILLER, v. n. Pendiller, brandiller. Qu'est-ce que je vois bambiller à cette fenêtre? Terme suisse-roman et savoisien.
BAMBILLON, s. m. Chiffon qui pendille. Nos campagnards appellent aussi bambillon le fanon de la vache.
BAMBINER, v. n. Muser, comme font d'ordinaire les bambins, s'arrêter dans les rues et sur les chemins.
BAMBOCHE, s. f. Ribote, grande bombance. Faire bamboche; faire une bamboche. Quelle fameuse bamboche c'était! Les dictionnaires n'emploient ce mot qu'au pluriel. «Faire des bamboches; il continue à faire ses bamboches.»
BAMBOCHE, s. f. Souliers de lisières, souliers fourrés, pantoufles, babouches. Bamboche est un mot connu dans les trois quarts de la France.
BANASTRE, s. m. Importun, fâcheux, personnage ennuyeux et assommant. Qui nous délivrera de ce banastre? En vieux français, banastre veut dire: «Panier.»
BANC DE BOUCHER, s. m. Étal.
BANC DE LAVANDIÈRE, s. m. Batte, selle, petit banc à quatre pieds, qui se place au bord de l'eau et sur lequel les blanchisseuses savonnent et battent le linge avec un battoir.
BANC DE MENUISIER, s. m. Établi. Ces trois dernières expressions sont fort usitées dans la Suisse romane, en Savoie et dans le Midi.
BANDE, s. f. Maillot. Enfant à la bande.
BANDOULIÈRE, s. f. Marmotte, mentonnière, mouchoir passé en bande autour de la tête. Puisque tu souffres des dents, mets-toi une bandoulière.
BAN-NER, v. n. Terme culinaire. Languir. Ne laisse pas ta viande ban-ner près du feu. On dit plus souvent: Bon-ner.
BANQUE, s. f. Comptoir, table à compter, table à serrer l'argent. S'asseoir à la banque. Les voleurs crochetèrent les tiroirs de la banque. Terme suisse-roman.
BARA, s. m. Petite boîte, en forme de baril, destinée à recevoir de l'argent ou des rouages d'horlogerie.
BARACAN, s. m. Bouracan, sorte de gros camelot.
BARAQUETTES, s. f. pl. Souliers minces pour la danse, escarpins.
BARAQUIN, s. m. Petite gamelle que les soldats ajustent et portent derrière leur havre-sac.
BARBADIAN, s. f. Salsifis sauvage, plante de rebut appelée aussi Barbe de bouc et Barbouquin. Nous disons d'une chose ou d'une personne dont nous ne faisons aucun cas: C'est de la barbadian; ce n'est que de la barbadian; c'est-à-dire: C'est moins que rien. Barbe-à-Dian est un mot patois qui signifie: «barbe de Jean.»
BARBICHON, s. m. Terme dérisoire. Adolescent, jeune homme qui a une barbe naissante. Français populaire.
BARBOT, s. m. Les campagnards appellent raves au barbot les raves bouillies. Ce mot est très-ancien chez nous, puisqu'on le trouve déjà dans la Chanson de l'Escalade (1602). Voyez le mot BARBOTER, no 2.
BARBOTER, v. a. et n. Marmotter, parler entre les dents. Que nous barbotes-tu là? Terme picard, provençal et vieux français. «Barboter» est français dans une acception différente.
BARBOTER, v. n. Se dit d'un liquide qui cuit à gros bouillon. Dans le patois vaudois on dit: Barbotà et borbotà.
BARBOUILLON, s. m. Homme sans tenue et sans parole, homme qui a son dit et son dédit; homme, par exemple, qui revient sur un marché conclu verbalement, ou sur une promesse qu'il a faite de bouche. N'ayez rien à faire avec ce Rigollet: c'est un barbouillon. Terme suisse-roman et savoisien.
BARBUE, s. f. Terme rural. Provin avec sa racine. En Dauphiné, barbas a le même sens. R. barbe.
BARETTE, s. f. Serre-tête, sorte de coiffe.
BARFOU et BARFOLET, s. m. Terme de pêche. Sorte de filet à mailles serrées. Une ordonnance de 1797 défendit de pêcher avec ce filet.
BARGAGNER, v. n. Barguigner, hésiter.
BARGUIGNER, v. n. Nous disons que le temps barguigne, pour signifier que le temps est douteux, et que l'on ne saurait prévoir s'il pleuvra ou s'il fera beau. En français, «Barguigner» ne se dit que des personnes, et signifie: Hésiter, avoir de la peine à se décider, marchander.
BARICOLAGE, s. m. Bariolage.
BARICOLÉ, adj. Bariolé. Habit baricolé; robe baricolée. Terme savoisien et lyonnais. Dans le canton de Vaud on dit: Baridolé.
BARICOLER (SE), v. pron. S'attifer, se parer mignardement.
BARJAQUE, s. et adj. fém. Babillarde, bavarde, causeuse éternelle. Terme suisse-roman, savoisien et méridional.
BARJAQUER, v. n. Caqueter, bavarder, babiller à outrance et indiscrètement. En provençal on dit: Barjka.
BARJAQUERIE, s. f., et BARJACAGE, s. m. Caquet, babil incessant.
† BARON-MÊTRE, s. m. Baromètre. Consulter le baron-mêtre. Prononciation de nos campagnards.
BAROT, s. m. (o bref.) Camion, haquet, charrette basse pour le transport des marchandises. Terme vieux français, usité dans diverses provinces du nord de la France.
BAROTTE, s. f. Brouette, tombereau. Mener la barotte; traîner la barotte.
BARRE. C'est le nom d'un jeu gymnastique fort connu. On dit en France: «Jouer aux barres,» et en Suisse: Jouer à barre.
BARRER, v. a. (fig.) Serrer. Avoir l'estomac barré. Le récit de cet affreux accident lui avait barré l'estomac. Expression méridionale.
BARRICADE, s. f. Fête, collation que les paysans donnent à l'épousée au sortir de l'église. Faire une barricade.
BARRIÈRE D'ESCALIER, s. f. Descendez avec précaution, et tenez-vous à la barrière. Le mot français est «Rampe.» «Tenez-vous à la rampe.»
BARRIQUE (UN). Dites: Une barrique.
BARTAVELLE, s. f. En français, ce mot se dit d'une grosse perdrix rouge. Nous l'employons pour désigner un grand causeur, un babillard.
BAS, adv. Se jeter bas du lit; sauter bas d'un cabriolet. Dites: Se jeter à bas du lit; sauter à bas d'un cabriolet.
BASANE, s. f. Surnom dérisoire donné aux soldats de l'ancienne garnison.
† BASELI ou BASELIC, s. m. Plante de jardin. Un vase de baseli. En Languedoc on dit: Bazéli; à Lyon, baselic. Il faut écrire et prononcer «Basilic.»
BASOTER, v. n. Balbutier, hésiter, barguigner. Tu es là à basoter au lieu de répondre. Il n'y a pas à basoter, ni à tortiller.
BASOTTEUR, EUSE, s. Celui ou celle qui hésite, qui balbutie, qui barguigne. Se prend toujours en mauvaise part.
BASQUE (UN). Un bâtard. Au féminin, une basque. Terme vaudois.
BASSEUR, s. f. La basseur des eaux. Expression utile, mais peu usitée.
BASSIN, s. m. Homme ennuyeux, homme fatigant, homme sciant. Ce bassin de Z. Z** nous aborda et nous embêta. Personne ne pouvait tenir avec ce bassin.
BASSINANT, ANTE, adj. Ennuyeux, fort ennuyeux, fort désagréable. Se dit des personnes et des choses. Individu bassinant; route bassinante; travail bassinant.
BASSINE, s. f. Brasier, espèce de bassin de métal où l'on met de la braise pour réchauffer une chambre, un magasin, un cabinet. Bassine à anse. Ébraiser la bassine. La bassine les a entêtés. Le mot de «Bassine» est français, mais dans une acception un peu différente.
BASSINER, v. a. Ennuyer, fatiguer, être à charge. Va-t'en, tu me bassines. Tout le monde s'est bassiné à cette soirée. Ça me bassine bien d'avoir à sortir par cette pluie. Expression triviale. En Lorraine, bassiner quelqu'un signifie: Lui faire charivari. On l'a bassiné trois jours de suite. [Voyez J.-F. Michel, Dictionnaire des expressions vicieuses usitées en Lorraine, p. 19.]
BASSINET, s. m. Cracher au bassinet. Dites: Cracher au bassin; c'est-à-dire: Boursiller à contre-cœur, contribuer forcément. R. bassin, plat où l'on reçoit les offrandes à la messe; plat destiné aux cueillettes. Bassinet, petit plat, petit bassin.
BATAILLE, s. f. Batterie, querelle où il y a des coups donnés. Une bataille de cabaret. Une bataille entre gamins.
BATAILLE, s. f. Nous appelons Soupe à la bataille ce qu'on appelle à Paris: «Potage à la julienne.»
BATAILLER (SE), v. récip. Se quereller. Mes petits amis, ne pourriez-vous pas vous amuser sans vous batailler? «Je dirai, comme je le crois, que la paix vaut mieux que la liberté; qu'il ne reste plus d'asile à la liberté sur la terre que dans le cœur de l'homme juste, et que ce n'est pas la peine de se batailler pour le reste.» [J.-J. Rousseau, Lettre à M. Moultou, du 7 mars 1768.] Se batailler n'est pas dans les dictionnaires. On dit: «Batailler,» v. n.
BÂTARD, s. m. Longue et grosse scie.
BÂTE, s. f. Terme de couturière. Troussis. Cette robe est trop longue, on y fera une bâte.
BÂTIULE, s. f. Terme des campagnards. Sac plein de semence, qu'un semeur porte en bandoulière lorsqu'il ensemence un champ. A Rumilly (Savoie), on dit d'une personne qui a le bras en écharpe: Elle a le bras en bâtiule. Bâtiule est un diminutif de «Bât.»
BATTE, s. f. Sorte d'étoffe grossière de laine. Une robe de batte; une jupe de batte. Terme suisse-roman.
BATTIORER, v. a. Briser les tiges du chanvre ou du lin pour détacher la filasse de la chènevotte. Terme vaudois et savoisien. R. battre.
BATTIORET, s. m. Broie, instrument qui sert à briser les tiges du chanvre ou du lin.
BATTRE, v. a. Ne pas battre le coup est une expression familière qui signifie: Ne s'occuper à rien, être désœuvré, fainéanter.
BATTRE À FROID, (fig.) Battre froid, être froid, témoigner de la froideur ou de l'indifférence. Je rencontrai hier Janeret au café, et je battis froid avec lui. Dites: «Je rencontrai hier Janeret au café, et je lui battis froid.»
BATTRE À LA GRANGE. Battre en grange.
BATTRE ATOUT. Terme du jeu de cartes. Faire atout, jouer atout.
BATTRE BRIQUET. Dites, avec l'article: Battre LE briquet. «Plusieurs battirent le briquet et allumèrent le cigare.» [Ch. Nodier, Souvenirs et portraits.]
BATTRE LA VIANDE. Mortifier la viande. Du bœuf bien battu. En Angleterre on bat la viande bien plus et bien mieux que chez nous.
BATTUE, s. f. Babeurre, lait qui reste après qu'on a fait le beurre. Terme vaudois, fribourgeois et savoisien. Dans le Valais on dit: Du battu.
BAUCHE ou BÔCHE, s. f. Terme du jeu de boule. Pierre faisant l'office de boule. Jouer à la bauche. Dans plusieurs villages de notre canton, dans le Jura et dans le midi de la France, bauche signifie: «Boule.» Jouer aux bôches (jouer à la boule).
BAUCHER, v. a. Débuter, c'est-à-dire: Ôter, chasser avec sa boule celle de son adversaire. Bauche-moi cette boule; bauche-la en place. Terme vaudois, savoisien, lyonnais et méridional.
BAUME. Nom propre, qui n'est usité que dans cette locution adverbiale: Pas plus que de Baume; c'est-à-dire: Pas du tout, point du tout, absolument pas. Tu voudrais que je m'inquiétasse des cancans de nos commères? En vérité, je ne m'en soucie pas plus que de Baume. Penses-tu qu'il pleuve ce soir?—Ce soir? Pas plus que de Baume. Selon le Glossaire de Gaudy, cette locution tire son origine du nom de La Baume, qui fut le dernier évêque de Genève, à l'époque de la Réformation. Mais un fait qui pourrait infirmer cette explication, c'est que d'autres cantons de la Suisse française emploient aussi ce proverbe.
BAVARD, s. m. Nous employons fréquemment ce mot dans le sens de: Railleur, moqueur, persifleur. Croyez-vous, Monsieur, que je me prenne à vos compliments? On sait assez que vous n'êtes qu'un bavard.
BAVARDAGE, s. m. Moquerie, raillerie.
BAVARDER (SE), v. pron. Se moquer, se railler. Ces malicieuses filles se bavardaient des passants. Nous disons, dans le même sens, bavarder, v. n. Vous étiez tous là, comme de grands nigauds, à ricaner et à bavarder.
BAVERON, s. m. Bavette, serviette d'enfant qu'on attache sous le menton. Terme français populaire. On disait en vieux français: Baverette.
BAYU, s. m. Voyez Baïu.
BÉ-À-BA, s. m. Être au bé-à-ba, signifie: N'en pouvoir plus, être à quia, être réduit aux dernières extrémités. On le dit d'une personne fort malade. On le dit surtout d'un homme à qui le mauvais état de ses affaires ne laisse plus de ressources et qui est aux derniers expédients. Terme suisse-roman et savoisien.
BEAUCOUP, adv. Bien, fort, fortement. Je crois beaucoup à un orage pour ce soir. Dans notre cercle on croit beaucoup à la paix. Français populaire.
BÉBÉ (UNE). Une nigaude, une niaise qui est toujours bouche béante. Dans le dialecte limousin on dit: Une bêbio, et en Picardie, une bébette.
BEC-À-CORBIN, s. m. Canne en bec-à-corbin. Dites: Canne en bec de corbin. Corbin, en vieux français, signifie: «Corbeau.»
BECFI, s. m. Bec-figue. Le passage des becfis. Tirer des becfis. Terme savoisien, bressan, lyonnais, etc.
BÉCHÉE, s. f. Donner la béchée. Terme français populaire et vieux français. Dites: Donner la becquée.
BÉCHET, s. m. Trou fait à la glace dans un lieu propre à patiner. Prendre béchet, se dit d'un patineur qui s'enfonce dans l'eau. Il a pris béchet jusqu'au cou. En vieux français, béchet ou baichet signifie: «Brochet.» Or comme, à Genève, on patine le plus souvent sur des fossés qui contiennent des brochets, on a dit, en plaisantant: Il prend le béchet, il prend béchet, pour: «Il s'enfonce dans l'eau.»
BÉCUIT, s. m. Échauffement provenant d'une écorchure. Avoir le bécuit. Dans le patois vaudois, békoué se dit d'un enfant au berceau dont la peau est écorchée.
BEGNULE, s. f. (Prononcez be-niule.) Femme ou fille sotte, maladroite, sans capacité ni énergie.
BÉGUER, v. n. Bégayer. Je crois vraiment qu'elle bègue; on dirait qu'elle bègue. Terme lyonnais, picard, normand, etc.
BEGUINE ou BÉGUINE, s. f. Bavolet, sorte de coiffe de toile que portent nos paysannes, principalement celles qui sont âgées. Terme suisse-roman et savoisien.
BELLES HEURES, s. f. pl. Vous venez, Messieurs, à de belles heures. On dit en français: Vous venez à belle heure.
BELOSSE, s. f. Prunelle, prune sauvage, fruit du prunelier. Terme suisse-roman, savoisien et vieux français. A Fribourg on dit: Bolosse; à Lyon et dans le Jura, pelosse; en Normandie, bloche. A Reims, on donne aux prunes le nom générique de balosses.
BELUES ou BELURES, s. f. pl. Menus copeaux, qui se forment et tombent sous le rabot. Un sac de belues; allumer le feu avec des belues. Ne pourrait-on pas rapprocher le mot belue ou blue du mot français «Bluette?»
BELSAMINE, s. f. Semer des belsamines. Terme français populaire. Dites: Balsamine. R. balsamum, baume.
† BEL-Z-ET BIEN, loc. adv. Bel et bien. Tout ça est bel-z-et bien. Tout ça est bel-z-et bon, mais ça ne me va pas. Cette liaison et celles de petit-z-à petit et de peu-z-à peu ne sont pas rares dans notre dialecte populaire.
BENAITON, s. m. Corbillon, sébile, paneton, panier d'osier rond, de forme conique et sans anse, pour porter le pain au four. Dans plusieurs provinces de France, ce panier s'appelle banneton; dans la Bresse, dans le Mâconnais et en Savoie, on dit: Benon.
BENET, s. m. Écrivez et prononcez «Benêt.» Ce mot, qui rime avec forêt, s'écrivait anciennement benais.
BÉQUE ou BEKKE, s. f. Bout, pointe de quelque corps, et principalement d'un mouchoir ou d'un châle. Ce terme, qui nous vient des campagnards, n'est pas inconnu à nos citadines. Dans le vieux français, béquu ou bécu veulent dire: «Pointu.» [Voyez Robert-Estienne, Dictionnaire français-latin, édition de 1605.]
BÉQUETTE, s. f. Pied d'alouette, plante.
BÉQUILLES, s. f. pl. C'est le nom que nos jeunes campagnards donnent aux «Échasses.»
BERCHE, adj. et subst. Brèche-dent. Se dit d'une personne à laquelle il manque une ou plusieurs dents de devant. Elle est berche; il est berche. Connais-tu Isabeau la berche? Terme suisse-roman et savoisien.
BERNE, nom propre de ville. Ce nom entre dans plusieurs de nos locutions proverbiales. Par exemple: Nous sommes de Berne, signifie: Nous sommes sauvés, nous n'avons rien à craindre, nous sommes des bons. La justice de Berne est une justice sévère, une justice sans merci. Votre Mr N. N*** est tendre comme la justice de Berne.
BESINGUE. Voyez BISINGUE.
BESOLET, s. m. Hirondelle de mer.
BESTIACERIE, s. f. Stupidité extrême, bêtise consommée.
BESULE, s. f., ou BESU, s. m. Ces deux noms se donnent indifféremment aux diverses espèces de mouettes, oiseaux de mer de l'ordre des palmipèdes.
BESULE, s. f. Terme d'écolier. Petite bille en marbre ou en grès, petit mâpis.
BÉTANDIER, s. m. Terme rural, par lequel on désigne cet endroit du fenil où l'on entasse les gerbes après la moisson.
BÊTARD, s. m. Lourdaud, maladroit. Un gros bêtard. Terme suisse-roman et lyonnais. Les dictionnaires disent: «Bêta.»
BÊTE (UN). Voilà un bête d'homme. Ce village est un bête d'endroit. Je n'ai pas pu achever de lire ce bête de roman. Expressions très-usitées à Genève, et qui ne sont pas plus extraordinaires que les suivantes: Une diable d'affaire, une diable de femme, nous fûmes reçus dans une diable d'auberge: toutes expressions qui figurent dans les dictionnaires.
BÊTE, s. f. Nous disons d'une personne que sa famille ou ses amis négligent, délaissent, abandonnent: On ne lui dit pas seulement: Bête, que fais-tu? Expression languedocienne. Les dictionnaires français disent: On ne lui dit pas seulement: Es-tu chien? Es-tu loup?
BÊTE NOIRE, s. f. Porc, cochon. Engraisser des bêtes noires. Expression adoucissante, euphémisme des campagnards.
BÊTIOLER, v. n. Faire la bestiole, faire la bête, faire des niaiseries, niveler, s'occuper à des riens. Deviens un peu sérieux, François, et ne sois pas toujours à bêtioler.
BÊTION, s. m. Nigaud, niais. Quel bêtion d'homme! Le pauvre bêtion veut nous parler politique, et il confond sans cesse Cavaignac et Changarnier. Excusez-le: c'est une tête faible, c'est un bêtion. La Fontaine a dit: Bestion. A Lausanne on dit: Bâtion.
BÊTISE (UNE). Une chose de peu d'importance, une misère, un rien. Combien as-tu payé cette canne?—Une bêtise, quelques sous, quelques centimes.
BÉTON ou BETTON, s. m. Lait d'une vache qui vient de vêler. Terme vaudois. Les médecins appellent aussi béton le premier lait d'une femme qui vient d'accoucher.
BEUFFER, v. n. Le cœur me beuffe, signifie: J'ai le cœur gêné, serré, oppressé.
BEUFFERIE, s. f. Terme fort trivial, qui signifie: 1o Une lourde bêtise, une balourdise; 2o Une chose ennuyeuse à l'excès. Mieux vaudrait se taire que de raconter des beufferies pareilles. Conviens, Auguste, que ce vaudeville tant vanté n'était qu'une beufferie.
BEUGNET, s. m. Beignet.
BEURRÉE ou POIRE BEURRÉE. Dites: Un beurré, ou une poire de beurré. Un beurré blanc, un beurré gris.
BEURRES (LES). L'argent monnayé, les écus. Avoir des beurres. Palper des beurres. Expression triviale.
BEURRIÈRE, s. f. Baratte, vase où on bat le beurre. Terme suisse-roman, savoisien et dauphinois.
BEUVONS, BEUVEZ. Dites: Buvons, buvez. Ces formes du verbe «Boire» appartiennent à l'ancien français, et on les trouve encore dans Spon: «Il mangeait et beuvait sans que personne le pût empêcher.» [Voyez Histoire de Genève, tome I, p. 236, édition de 1730.]
BEVABLE, adj. Buvable.
BEZALLER, v. n. Terme des campagnards. Se dit d'un bœuf ou d'une vache que les mouches tourmentent et qui se sauve en sautant et en levant la queue. Il se dit aussi d'un enfant qui se dépite et se mutine. [P. G.]
BI, s. m. Biez, ou Bief, canal qui conduit les eaux pour les faire tomber sur la roue d'un moulin. Passer le bi. Terme vieux français.
BIAUDER, v. n. Sauter, jouer. Nos enfants biaudaient ensemble; ils ne faisaient que biauder et folâtrer.
BIBI, s. m. Terme enfantin. Joujou.
BICLE, adj. et s. Bigle, louche, qui a la vue courte. Comment, Gustave, tu n'aperçois pas ce chalet dans les Voirons? Es-tu donc bicle? Terme vieux français.
BICLER, v. n. et a. Bigler, loucher. Il braqua son lorgnon et se mit à nous bicler. Bicler l'œil, veut dire: «Clignoter.»
BICLŒIL ou BICLE-L'ŒIL, s. m. Celui qui regarde en biglant, en louchant. Terme trivial.
BIDODI, BIDOGNOL ou BIDOT, s. m. Niais, simple, innocent; homme d'un esprit faible et borné, homme qui s'abêtit par les excès. Il est dans les bidodis; c'est un vrai bidodi. Terme nouveau.
BIDOLION, s. m. Ce mot, connu surtout des campagnards, signifie: 1o Vin âpre, vin dur; 2o Cidre; 3o Petit bidon.
BIEN, s. m. Pour marquer que tout homme dispose avec plus de libéralité du bien d'autrui que du sien propre, nous disons proverbialement: Du bien d'autrui large courroie. L'expression véritable est celle-ci: Du cuir d'autrui large courroie.
BIGNET, s. m. Un plat de bignets. Terme vieux français. Dites: Beignet.
BIGOUDI, s. m. Espèce de doigt de gant rembourré, autour duquel on roule les cheveux pour des papillotes. [P. G.]
BILER, v. n. Courir vite et sans s'arrêter.
BILEUX, BILEUSE, adj. Écrivez «Bilieux, bilieuse,» en faisant sonner les deux i, et ne dites pas: Fièvre bileuse, tempérament bileux, teint bileux. Faute très-répandue en France, en Suisse et en Savoie.
BILLARD, s. m. Terme d'écolier. Toupie. Jouer au billard; lancer un billard; entortiller un billard; son billard dormait et ronflait. Dans les trois quarts de la France, ce jouet s'appelle moine. En Provence on dit: Boduffe.
BILLET, s. m. Je t'en donne mon billet, est une formule affirmative qui répond à: Je te l'assure, je t'en donne la promesse positive, je t'en donne ma parole.
BIOLE, s. f. Bouleau, arbre. Une verge de biole. Menacer un enfant de la biole; lui donner la biole. En Franche-Comté on dit: Bioule ou boule. Dans le canton de Vaud, la bioulée, c'est la fouettée. Oui, continue à crier, et tu recevras la bioulée.
BIOLES, s. f. pl. Être dans les bioles, signifie: 1o Être un peu fou, être un peu toqué; 2o Être un peu gris, être entre deux vins.
BIOLET, s. m. Extrémité, fin bout d'une branche. S'emploie surtout au pluriel, et en parlant des arbres à fruits. Si tu cueilles nos cerises, Arnold, fais bien attention de ne point casser de biolets.
BIRON, s. m. Couvet, sorte de chaufferette.
BISCOIN, s. m. Sorte de brioche au safran. Dans nos campagnes, on appelle biscoin un petit pain rond que l'on fait pour les enfants avec les derniers restes de la pâte.
BISCÔME, s. m. Pain d'épice. Nous tirâmes trois coups à cette loterie de cinquante centimes, et nous eûmes pour tout lot... un biscôme! Terme suisse-roman.
BISCÔMIER, s. m. Fabricant de biscômes.
BISE, s. f. Nous disons proverbialement d'une personne très-économe: Elle n'ouvre pas son sac de farine quand il fait la bise.
BISÉ (ÊTRE). Être assailli par une forte bise. En passant sur les quais du Rhône, nous fûmes bisés d'importance.
BISINGUE (DE), ou DE BESINGUE, ou DE BISINGLE, adv. De travers, de biais, de guingois. Cet habit va tout de bisingue. Que t'est-il donc arrivé, Ferdinand, que tu marches tout de bisingue? Avoir les yeux de bisingle. Terme vaudois et franc-comtois.
BISQUE, s. f. Dépit extrême. Quelle bisque, quelle fameuse bisque il a eue! Voilà ce qui s'appelle une bisque pommée!
BISTOT ou BISTAUD, s. m. Le dernier apprenti dans un bureau, dans un magasin.
BLÂCHE, s. f. Fourrage des marais.
BLAGUE (UNE). Un blagueur, un hâbleur, un vantard. Va, Jean-Pierre, va, tu n'es qu'une blague. Terme trivial.
BLANC, BLANCHE, adj. (fig.) Inutile, qui n'aboutit à rien, qui est sans résultat. Faire une course blanche. Terme méridional. Dans le canton de Vaud on dit: Faire une course en blanc.
BLANC, s. m. Nous disons: Saigner quelqu'un à blanc. Les dictionnaires disent: «Saigner quelqu'un au blanc,» ou «jusqu'au blanc.»
BLANCHE (LA). Terme des campagnards. On craint la blanche pour cette nuit. Le mot français est Gelée blanche.
BLANCHE GELÉE, s. f. Dites: Gelée blanche. Chaque automne les blés noirs souffrent plus ou moins de la blanche gelée. Terme suisse-roman. On dit à Chambéry: Le blanc gel.
BLANCHET, s. m. Robe de dessous, ordinairement de laine, qu'on met aux enfants.
BLANCHIMENT, s. m. Nous disons: le blanchiment d'un plafond; le blanchiment d'une cuisine; écrire sur le blanchiment; odeur de blanchiment. «Blanchiment» est français; mais le sens genevois n'est pas dans les dictionnaires.
BLESSIR (SE), v. pron. Se blossir, devenir blet.
BLESSON, s. m. Tache noire qui se forme à la peau, à la suite d'un coup.
BLESSON, s. m. Poire sauvage. Terme vaudois, etc.
BLESSONIER, s. m. Poirier sauvage.
BLETTIR, v. n., et SE BLETTIR, v. pron. Devenir blet. Les poires commençaient à se blettir. Terme dauphinois, lorrain, etc. En français on dit: «Se blossir.»
BLEU, BLEUE, adj. (fig.) Surpris, frappé d'étonnement, stupéfait. Oui, notre jeune cousine s'est laissée enlever par un Polonais, et j'en suis bleue.
BLOUSIER, s. m. Ouvrier en blouse. Ce terme si connu n'est dans aucun dictionnaire.
BOBÈCHE, adj. et s. f. Fille ou femme sotte, niaise, nigaude et maladroite. Voyez le mot suivant.
BOBET, adj. et s. m. Niais, sot, inepte, nigaud. Ce garçon est si bobet qu'on l'a exempté, pour cela seul, du service militaire. Le frère et la sœur se valent bien: l'un est un vrai bobet, l'autre une franche bobèche.
BOBICHON, s. m. Diminutif de bobet.
BOBUE, s. f. Oiseau, la huppe d'Europe.
BOC ou BOT, s. m. Sorte de petit crapaud, qui est gris sur le dos, avec le ventre rouge. Éclaffer un boc. Les campagnards disent: un bot. Être fier comme un bot. Bot se dit en Savoie, en Dauphiné et en vieux français.
BOC, s. m. Mettre de la graisse de boc sur une écorchure, sur un très-léger coup, sur une petite entamure à la peau, c'est: Y mettre sa propre salive. Expression facétieuse et dérisoire. Tu t'es piqué au doigt, mon pauvre Élisée, et tu souffres beaucoup; eh bien! mets-y de la graisse de boc.
BOC, s. m. Le jeu de boc est une sorte de jeu de cartes, qui n'exige aucune combinaison et où le hasard seul décide. On l'appelle quelquefois Jeu des petits paquets, ou Jeu des petits plots.
BOCHOT, s. m. Petit tonneau.
BOCON, s. m. Petit morceau, bouchée. Je n'en veux qu'un bocon. Tu nous donnes là un bien crouye bocon. Notre Jeannot ne nous écrit que des bocons de lettre. Où allez-vous? disais-je à un mendiant savoyard.—Pauvre Monsieur, me répondit-il, je vais chercher mon bocon. Nous disons proverbialement: Tenir le bocon haut à quelqu'un, pour signifier: Faire qu'une chose lui soit difficile et qu'il ne l'obtienne qu'avec de grands efforts. Crois-tu que Mr N** finisse par accorder sa fille à notre Amédée?—Je l'espère; mais il lui tient le bocon furieusement haut.
BOILLE, s. f. Mot d'une orthographe difficile, presque insaisissable: il rime avec De Broglie, et devrait peut-être s'écrire boglie. On appelle ainsi une sorte de hotte en bois de sapin, dans laquelle nos laitières mettent le lait qu'elles transportent à la ville sur leur petite charrette. Une paire de boilles. Laver les boilles. Terme vaudois et savoisien. A Neuchâtel, en Franche-Comté et en vieux français on dit: Bouille.
BOIRE, v. a. Nous disons figurément et énergiquement: Boire le sang à quelqu'un, pour signifier: «Le tourmenter, l'excéder de sollicitations importunes.» Finiras-tu, Henri, avec tes demandes? En vérité, tu me bois le sang.
BOIRE SUR. Prendre une infusion. Boire sur la camomille; boire sur le tilleul; boire sur la fleur de bonhomme.
BOÎTE À GIFFLES, s. f. Se dit d'un cabaret bruyant où les querelles et les batteries sont quotidiennes.
BOÎTE DE TONNEAU, s. f. Cannelle, robinet de cuivre ou de buis qu'on met à un tonneau pour en tirer le vin ou toute autre liqueur.
BOÎTIER, s. m. Terme de la fabrique d'horlogerie. Monteur de boîtes.
BOITON, s. m. Étable à cochons, toit à porcs, porcherie. Nettoyer le boiton. Terme suisse-roman.
BOLANT ou BOULANT, adj. m. Ne s'emploie guère qu'en parlant du pain. Un pain bolant est un pain léger, bien levé, bien boulangé.
BOLLIOT, BOLLIOTTE, adj. et s. (ll mouillés.) Gros, trapu, ramassé. Un petit bolliot; un gros bolliot. Dans le vieux français, beuillu se disait d'un homme ventru. Voyez BOILLE.
BOMBONNE, s. f. Sorte de grosse bouteille ou dame-jeanne à l'usage des droguistes. Ce terme, connu dans quelques parties de la France, n'est dans aucun dictionnaire usuel. En français, «Bombe» se dit d'une bouteille de verre ronde, qui n'a qu'un collet fort court.
BON-À-DROIT, s. m. Bonne mesure, bonne ration. J'aime bien à me servir chez cette marchande, parce qu'elle me fait toujours bon-à-droit. Terme jurassien.
BOMBONAILLE, s. f. Bonbons, grand assortiment de friandises. Je préfère une tranche de pâté à vos meringues et à votre bombonaille.
BON COURANT (LE). L'ordinaire, ce qui n'est en son genre ni très-bien, ni très-mal. Ce roman nouveau est du bon courant. Les plaidoyers de notre jeune avocat sont du bon courant, etc. Expression utile et claire, fort usitée chez nous. Les dictionnaires disent: «Le courant des affaires, le courant du marché, le courant du monde,» et rien de plus.
BONFOND, s. m. Signifie: 1o Un réjoui, un Roger-Bontems; 2o Un étourdi, un tapageur, un évaporé.
BONHEUR, s. m. Du bonheur que, veut dire: «Heureusement que.» Du bonheur que la sécheresse a fini. Du bonheur que l'incendie a eu lieu de jour. «Par bonheur que» est français.
BONNE (DE). Nous disons de quelqu'un qui est gai, qui est en train, qui est sur son beau dire: Il est de bonne. En Languedoc on dit: Il est dans ses bonnes; en vieux français, il est en bonne.
BONNE-MAIN (LA). Petite libéralité, petite gratification faite à un domestique, à un cocher, à un porte-faix, etc. On dit en français: «Le pour-boire, la pièce.»
BON-NER, v. a. Combuger, c'est-à-dire: Remplir d'eau un tonneau ou un autre vaisseau en bois, et les mettre en état de recevoir du vin ou une liqueur quelconque. Bon-ner un cuvier avant la lessive; bon-ner un jarlot. L'action de bon-ner s'appelle bon-nure. Faire une bonnure.
BON-NER, v. n. Se dit d'une soupe, d'un légume, d'une viande qui, placée près du feu, cesse de cuire faute de feu, languit et contracte un mauvais goût. Si Madame tarde encore de dîner, sa soupe bon-nera. Nous appelons goût de bon-né, le goût que contracte une soupe qui a cuit trop longtemps.
BONNETTE, s. f. Sorte de petit bonnet. Bonnette de nuit. Terme méridional.
BON OISEAU (LE). Expression adoucissante, euphémisme, par lequel nos paysans désignent «L'épervier,» et en général toute espèce d'oiseaux de proie.
BONTABLE, adj. Qui a de la bonté, qui est bienveillant, affable, complaisant, serviable, débonnaire. Terme savoisien et franc-comtois.
BONTABLEMENT, adv. Avec bonté, avec affabilité.
† BORGNE D'UN ŒIL. Borgne. Terme méridional.
BORNE (UN). Une borne.
BORNICANT, BORNICANTE, s. Celui ou celle qui a la vue très-basse; celui ou celle qui a les yeux faibles, malades, et qui les cligne au grand jour. A Neuchâtel on dit: Bornicle; dans le Jura, bourniclard, et en Languedoc, bourniquel.
BORNU, BORNUE, adj. Creusé, sillonné de fissures, troué plutôt par le laps du temps et par la nature que par la main de l'homme. Pomme de terre bornue; rave bornue; boule bornue; tronc d'arbre bornu; aqueduc bornu. En patois, borna ou bourna signifie: «Trou.» En provençal, bourna veut dire: Creuser, rendre creux. Aqueou roure est tout bourna (ce chêne est tout creusé, tout plein de cavités).
BOSCULER, v. a. Bousculer. Voyez BUSCULER.
BOSSE, s. f. Grand tonneau de la contenance d'environ 914 litres. Terme vieux français. Dans quelques provinces de France, bosse se dit d'un tonneau à mettre le sel.
BOSSETTE, s. f. Grand tonneau dont la capacité varie de 17 à 22 setiers, et qui sert principalement à rentrer la vendange.
BOT, s. m. (o bref.) Crapaud. Voyez BOC.
BOTASSER, v. n. Se dit des plantes et signifie: Végéter, rester rabougri. Terme vaudois.
BOTASSON, s. m. Rabougri, qui ne croît pas. Se dit des enfants et des plantes. Terme vaudois.
BOTET, s. m. Faire botet. S'associer. Terme d'écolier.
BOTOLION ou BOTOLIOT, s. m. Nabot, courtaud, trapu. Botoglle, en patois, signifie: «Bouteille.»
BOTON, s. m. Terme dérisoire. Bout d'homme, homme d'une taille très-petite, contrefaite et qui apprête à rire.
BOUBE, s. m. Jeune bouvier, jeune pâtre. En patois, boube veut dire: «Enfant.» En allemand, bube (prononcez boube) signifie: Jeune garçon. Voyez BOUÈBE.
BOUCANEUR, s. m. Tapageur. «Boucan et Boucaner» sont dans quelques dictionnaires.
BOUCHARD, BOUCHARDE, adj. et s. Qui a le visage malpropre, surtout autour de la bouche. Un enfant bouchard. Regarde-toi au miroir, petite boucharde. Terme méridional et vieux français.
BOUCHARDER, v. a. Barbouiller, salir le visage. Caïon que tu es, où t'es-tu ainsi bouchardé?
BOUCHE, s. f. Bouchoir, grande plaque de fer qui sert à fermer la bouche d'un four. [P. G.]
BOUCHÈRE, s. f. Barbuquet, bouton, élevure au bord des lèvres. Laisse donc ta bouchère et ne la touche pas continuellement. Dans le patois provençal on dit: Bousserio; à Lyon, boucharle; en Lorraine, bouque.
BOUCHON (À), adv. Voyez À BOUCHON.
BOUCLER, v. a. (fig.) Conclure, terminer. Se dit surtout en parlant d'un achat, d'une vente, d'un marché, d'une transaction quelconque, et se joint le plus souvent au mot affaire. L'affaire est bouclée; elle va se boucler. Nous aurons bientôt bouclé cette affaire. Expression heureuse, que je ne trouve dans aucun dictionnaire, ni dans aucun glossaire.
BOUDINS, s. m. pl. Nous disons: Manger des boudins; faire griller des boudins, etc. Il faut dire au singulier: Manger du boudin, faire griller du boudin. Dans le langage des écoliers, Saigner des boudins, saigner les boudins, faire les boudins, signifie: Saigner du nez, saigner par le nez, boudiner.
BOUÈBE ou BOËBE, s. des 2 genres. Fils ou fille d'un tel. Où est ton bouèbe, voisine? Voyez donc cette bouèbe, qui va se fourrer dans la pétrissoire! Ce mot nous vient probablement du canton de Vaud, et ce canton l'a reçu des Suisses allemands. Dans le patois de la Lorraine, buôbe veut dire: «un garçon.» En allemand, bube.
BOUELLE ou BOÈLE, s. f. Ventre, panse. Dans le vieux français, boël ou bouèle signifient: Boyau, intestins.
BOUER, v. a. Crotter, couvrir de boue, embouer. Maladroit que tu es, tu m'as boué. Se bouer, v. pron. Se crotter.
BOUFFAILLE, s. f. Grande bombance, repas copieux. Faire une bouffaille.
BOUFFAILLER, v. n. Augmentatif de Bouffer. Il n'aime qu'à bouffailler. Il ne pense qu'à bouffailler.
BOUFFEUR, s. m. Bâfreur, glouton.
BOUFFISURE, s. f. Écrivez et prononcez «Bouffissure.»
BOUGER, v. n. Nous disons de quelqu'un qui, par frayeur, demeure immobile: Il n'ose ni bouger, ni griller. Elle voyait le voleur se glisser dans la salle voisine, et, blottie dans l'angle du mur, elle n'osait ni bouger, ni griller.
BOUGER, v. a. Remuer, ôter de sa place, changer de sa place. Bouger une table; bouger un canapé: phrases vicieuses, puisque le verbe bouger n'est pas actif. On ne doit pas dire non plus: Se bouger, pour: Se remuer, se déplacer, changer de place. Bouge-toi de là, paresseux! Te bougeras-tu quand je te parle? Terme gascon et vieux français.
BOUGILLER, v. n. Bouger sans cesse. L'ennuyeux enfant, qui ne fait que bougiller! Auras-tu bientôt assez bougillé? Terme savoisien.
BOUGILLON, BOUGILLONNE, adj. et s. Mièvre, qui change toujours de place, qui ne peut se tenir en repos, qui est incommode par ses perpétuels déplacements. Faire le bougillon. Tu es bien bougillonne, Alexandrine. Votre jeune écolier est un enfant étourdi et bougillon. M. Bescherelle, qui a recueilli ce mot, ne le donne que comme substantif; nous l'employons fréquemment comme adjectif.
BOUGILLONNAGE, s. m. Action de bougiller.
BOUGILLONNER, v. n. Se dit des personnes, principalement des enfants, et signifie: Être dans un mouvement continuel et fatigant.
BOUGNET, ETTE, adj. Se dit des enfants et signifie: Joli, gentil, mignon. Voyez le mot suivant.
BOUGNON, adj. et s. des 2 genres. Joli, gentil, mignon. Un bougnon d'enfant. Cette petite est bougnon. Quel bougnon que votre Amélie!
BOUÏE, s. f. Petite lessive. Tu fais la lessive, Madelon?—Non, Madame, ce n'est qu'une bouïe. Les mots Bouïe et buie se disent en Suisse, en Savoie, en Bourgogne et dans le Lyonnais; bouaye ou boaïe se disent dans les Vosges; enfin le vieux mot de buée est encore d'un fréquent usage dans plusieurs provinces du nord et de l'orient de la France.
BOUILLIR, v. n. et a. Ce verbe est estropié dans les phrases suivantes: Quand ma servante me répondait avec ce mauvais ton, je bouillissais (je bouillais). Eh bien, Jacqueline, qu'attendez-vous là, plantée comme une idoine?—Pardine, Madame, j'attends que ce maudit coquemar bouillisse (bouille).—Eh! ne voyez-vous pas qu'il bouillit (qu'il bout), et que moi aussi je bouillis d'impatience (je bous d'impatience) en voyant vos patetages?
BOUILLON, s. m. Pluie, grosse pluie, averse. Nous allons avoir du bouillon. A Rennes, mettre les pieds dans le bouillon, signifie: Mettre les pieds dans la crotte.
BOUILLON À LA REINE, s. m. Lait de poule. Prendre un bouillon à la reine. Terme languedocien, etc.
BOUILLON BLANC. Breuvage empoisonné. Elle fit tout doucettement prendre au cher homme un bouillon blanc,... et ni vu ni connu. On dit en français, dans le même sens: Administrer un bouillon d'onze heures.
BOUILLON POINTU, s. Lavement. Français populaire.
BOUION, s. m. Petite lessive, petite bouïe.
BOULANT, adj. m. Voyez BOLANT.
BOULE, s. f. Nous disons figurément: Perdre la boule, pour: Perdre la tête, se troubler dans un discours, perdre le fil de ses idées. Avant l'audience, il parlait crânement et avec un flux de paroles; arrivé devant le juge, il perdit la boule, et balbutia. Expression signalée aussi dans le Dictionnaire jurassien de M. Monnier.
BOULE, s. f. Nous disons figurément: Tenir pied en boule, pour signifier: Être assidu, être appliqué. On dit en français: Tenir pied à boule.
BOULEVARI, s. m. Grand bruit, grand tapage, grand désordre. Un boulevari assourdissant. Terme français populaire. A Reims on dit: Houlvari. Le dictionnaire de l'Académie dit: «Hourvari.»
BOULI, s. m. Du bouli; un bon bouli. Terme français populaire. Écrivez et prononcez «Bouilli,» en mouillant les ll.
BOURANFLE ou BOURENFLE, adj. Enflé, bouffi. Un visage bouranfle; des joues bouranfles. Tu es aujourd'hui un peu bouranfle. Terme suisse-roman et savoisien. En provençal, boudenfle; dans le dictionnaire de Cotgrave [édition de 1650], on trouve bourranflé.
BOURDIFAILLE, s. f. Sorte de pâtisserie.
BOURDIFAILLE, s. f. Femme sans tête, femme étourdie et négligente. Dans l'Album de la Suisse romane, tome I, page 122, Mr J.-Fr. Chaponnière a tracé un spirituel portrait de la Bourdifaille. Nous y renvoyons nos lecteurs. Bourdifaiho, en provençal, veut dire: Ravauderies, bagatelles, guenilles, rebuts. A Neuchâtel, bourdifaille est synonyme de «Canaille.»
BOURGUIGNÔTE, s. f. Bourguignonne, paysanne du Jura. Votre dame est aussi marchandeuse qu'une bourguignôte. On disait dans le vieux français: À la Bourguignôte, pour signifier: A la façon des Bourguignons.
BOURI! BOURI! Cri dont on se sert dans nos basses cours pour appeler les canards. En Normandie et dans le vieux français, bourre signifie: «Canard;» dans le patois lorrain on dit: Bouorre. Dans le patois vaudois, bourita est le nom de la femelle du canard.
† BOURIAUDER, v. a. Tourmenter, faire souffrir.
BOURILLON, s. m. Nombril. Dans le patois du Jura on dit: Berelion; dans le patois de la Bresse, beurelion. Dans le dialecte languedocien, bourillon signifie: «Bourgeon.»
BOURNEAU, s. m. Nous appelons bourneau: 1o Le tuyau de bois, de grès ou de terre cuite, destiné à conduire l'eau à une fontaine; 2o Par extension, la fontaine elle-même. Le bourneau du Molard. La conche d'un bourneau. Tomber dans le bourneau. Changer les bourneaux. Les bourneaux sont arrêtés. Terme suisse-roman et savoisien. Dans le midi de la France et en vieux français, bourneau a le sens de Tuyau de grès ou de terre cuite.
BOURRAIN, s. m. Brisures de menu bois, menues parcelles qui se détachent des fagots entassés dans un grenier. Une poignée de bourrain. Ramasser du bourrain. En français, bourrée signifie: «Bois menu et mauvais.» A Rennes, les balayeurs s'appellent des bourriers.
BOURRATIF, IVE, adj. Se dit d'un mets qui bourre et rassasie promptement. Nos matafans et nos châchauds à la drachée sont bourratifs. Terme un peu trivial.
BOURREAUDE, s. f. Femme qui se livre à des actes de cruauté. Voyez cette bourreaude qui va noyer elle-même son chat.
BOURREAUDER, v. a. Faire souffrir, tourmenter. Bourreauder un chien; bourreauder un lapin. Bourreauder un petit enfant. Terme suisse-roman et savoisien, connu aussi dans le nord de la France. Bourreauder une poupée, c'est: La gâter, l'abîmer. En Franche-Comté, bourreauder un ouvrage, c'est: Le bousiller, le faire avec précipitation et sans soin.
BOURREAUDEUR, BOURREAUDEUSE, s. Se disent quelquefois pour: Bourreau, bourreaude.
BOURRÉE, s. f. Fougade, travail acharné mais court; effort considérable, mais qui dure peu. Travailler par bourrées. En Languedoc on dit: Bourrade; donner une bourrade. A Rumilly (Savoie), une bourrée de mal de ventre, c'est: Une douleur violente, mais courte, de mal de ventre.
BOURRÉE, s. f. Bourrade, rebuffade, réprimande faite avec humeur, avec dureté et avec une sorte d'éclat. Faire une bourrée. «Bourrer» est français dans le sens de Tancer durement et en élevant la voix.
BOURRER, v. a. Pousser rudement après soi. Bourrer les portes.
BOURRIQUE (UN). Le bourrique se mit à galoper et l'enfant tomba. Bourrique est féminin.
BOURROCHE, s. f. Plante potagère. Sirop de bourroche. Terme vieux français. On dit aujourd'hui: «Bourrache.»
BOURTILLE, s. f. Sous-bois.
BOUSINER, v. a. Tracasser, ennuyer, chiffonner, vexer. Laisse-moi, Gaspard, tu me bousines. Lequel, de vous autres, voudrait s'en retourner avec moi? Je me bousine ici. Terme trivial, qui appartient au français populaire.
BOUTE-ROUE, s. m. Borne qu'on établit au coin ou le long des rues et des chemins. Heurter contre un boute-roue. Terme connu dans le Berry et ailleurs. En Dauphiné on dit: Un butte-roue; en Savoie, un chasse-roue.
BOUTIFAILLE, s. f. Mangeaille, victuailles, vivres, provisions de bouche. [P. G.]
BOVAIRON, s. m. Jeune gardeur de vaches, petit bouvier. On donne quelquefois le nom de bovaironne aux gardeuses de vaches.
BRAFFE, s. f. La braffe est une femme qui fait les choses vite et mal; une femme qui cause beaucoup, s'agite et se trémousse pour des résultats insignifiants et chez laquelle on ne trouve d'ordinaire ni économie, ni ordre, ni tenue, ni propreté. Ce mot de braffe, emprunté à nos campagnards, vient du mot brasse (indicatif du verbe «Brasser»), les lettres ss ou s se changeant fréquemment en f dans notre patois. Une braffe est donc celle qui aime à brasser beaucoup d'affaires. A Chambéry on appelle brasse-femme celle qui est toujours en mouvement. Dans nos Alpes, brassa se dit d'une femme qui se mêle sans nécessité des affaires d'autrui.
BRAILLÉE, s. f. Cris, paroles prononcées en braillant. Tu m'essourdelles avec tes braillées. Braillée est quelquefois synonyme de Gronderie. Peu à peu il se fâcha et nous fit une braillée.
BRAISES (DES). Ce mot ne s'emploie pas au pluriel. On ne dira donc pas: Le fayard fait des braises excellentes. Notre soupe versa dans les braises. Étouffer des braises. Dans ces exemples, et exemples semblables, mettez le singulier.
BRAMÉE, s. f. Cri, hurlement. Faire des bramées. Pousser des bramées.
BRAMER, v. n. Crier, hurler, parlant des personnes. Terme vaudois, dauphinois, etc. En français, «Bramer» ne se dit que du cerf. En Languedoc: Bramer, et dans notre patois, bran-ma, se disent du beuglement des vaches et des bœufs.
BRAND ou BRANT, s. m. Bande de papier soufré qu'on brûle dans les futailles pour fortifier le vin. En allemand: Brand. Ce vin est bon, mais il a un goût de brand.
BRANDE, s. f. Hotte faite de douves, hotte de bois pour porter la vendange, le vin, l'eau ou d'autres liquides. Les bretelles d'une brande. Terme suisse-roman et savoisien. A Fribourg on dit: Brente; en Provence, brindo.
BRANDÉE, s. f. Le contenu d'une brande.
BRANDENAILLES, s. f. pl. Terme de pêcheur. Blanchaille, menu fretin, petites perches, perchettes.
BRANDER, v. a. Faire brûler dans une futaille un papier soufré. Voyez BRAND.
BRANLETTES, s. f. pl. Échalottes, ciboulettes, espèce d'ail. Cueillir des branlettes. Terme suisse-roman.
BRANQUER, v. a. Braquer. Branquer un canon; branquer une lunette. Terme suisse-roman.
BRAQUE, s. m. Vantard, hâbleur, blagueur. «Braque,» en français, veut dire: «Étourdi, inconsidéré.»
BRASAILLE ou BRAISAILLE, s. f. Menu charbon, poussier de charbon de bois. Dans le canton de Vaud on dit: Braisette ou brasette.
BRASSE, s. f. Brassée, nagée, espace que parcourt un nageur par un seul mouvement de ses bras et de ses jambes. Notre fils commence à savoir nager: il fait douze brasses de suite.
BRASSE (LA). Les bras, le courage, la force. Couper la brasse; ôter la brasse. Tes histoires de champs de bataille et d'hôpitaux m'ont coupé la brasse. Expression connue dans le canton de Vaud.
BRASSE-CORPS (À), loc. adv. À bras-le-corps, c'est-à-dire: «À bras (qui entourent) le corps.» Ils se prirent à brasse-corps. Français populaire.
BRASSÉE, s. f. Se battre à la brassée, signifie: Lutter, se prendre corps à corps avec quelqu'un pour le terrasser.
BRASSER, v. a. Brasser la boue, signifie: Marcher dans la boue, patauger, barboter. A Neuchâtel on dit: Brasser dans la boue.
BRASSER LES CARTES. Mêler les cartes.
BRASSEUR DE BIÈRE, s. m. Brasseur. Ils se donnèrent rendez-vous chez le brasseur de bière. Cette faute nous vient de la Suisse allemande. Bierbrauer signifie littéralement: Brasseur de bière.
BRASSERIE DE BIÈRE, s. f. Brasserie.
BRAVE, adj. Joli, joliet, mignon, grassouillet. En français, «Brave,» appliqué aux enfants, signifie: Bien paré, vêtu avec soin. [Acad.]
BRAVET, ETTE, adj. Joli, gentil, mignon. Que notre Élisa était bravette avec son chapeau rose! Terme dauphinois, languedocien, etc.
BRECAILLON ou BROCAILLON, s. m. Dénomination dérisoire donnée aux soldats de l'ancienne milice, et, par extension, à tout fantassin qui est mal équipé. Ce terme a vieilli. En français, briquaillon signifie: Vieux restes d'un pot cassé, objet de rebut.
BREDOUILLE, s. f. et adj. Celui ou celle qui fait les choses à l'étourdie, sans exactitude et sans soin. En Dauphiné et en Lorraine, bredouille se dit d'une personne qui ne parle pas distinctement.
BREDOUILLON, s. m. Diminutif de bredouille.
† BREGANTIN, s. m. Brigantin, sorte de barque.
BREGAUSSER ou BREGAUCHER, v. n. Tracasser, ranger, nettoyer dans un appartement.
BREGOLET, s. m. Roulette d'enfant, machine roulante où les enfants se tiennent debout lorsqu'ils commencent à faire quelques pas.
BREGON, s. m. Se dit d'une domestique active et bruyante, d'une domestique toujours en action, toujours agitée. Justine est un bon bregon.
BREGONNER et BREGOUNER, v. n. Faire du bruit en se trémoussant dans les diverses occupations du ménage. Nous l'entendîmes bregonner toute la nuit. Elle bregonnait dans la chambre avoisinante, et nous empêchait de dormir. Ce terme et les trois précédents tirent leur origine du mot brego, qui, dans le patois vaudois signifie: Rouet, machine à roue dont on se sert pour filer, et dont le bruit devient souvent importun.
BRELAIRE (UNE). Une tête légère, une personne évaporée, un étourneau. Il oublie tout, il embrouille tout: c'est une brelaire, c'est une tête de brelaire. Dans les cantons de Vaud et de Fribourg, brelaire signifie: Fantaisie, caprice, lubie, idée bizarre. Avoir une brelaire; une brelaire lui a passé par la tête.
BRELANCHER, v. n. Vaciller, locher, chanceler, branler, n'être pas bien ferme. Notre Jacques avait trop bu et il commençait à brelancher. Mes enfants, cottez donc votre table, vous voyez bien qu'elle brelanche. Brelancher est probablement un diminutif de «Branler,» v. n.
BRELAUDES ou BRELÔDES, s. f. pl. Lambeaux, pièces, loques. Il avait un chapeau gras et percé, et son habit s'en allait tout en brelaudes. Terme connu dans le canton de Vaud. Au sens figuré, avoir la tête en brelôdes, veut dire: Avoir la tête fatiguée et souffrante.
BRELAUDÉ, ÉE, adj. Qui est gâté, qui est déchiré, qui s'en va en brelaudes. Voyez ce mot.
BRELINGUE, s. f. Mauvaise voiture. En français, «Berlingot» signifie: Berline.
BRELINGUER (SE), v. pron. Se faire voiturer, se promener en voiture. Je m'ennuyais, j'étais seul: je me fis brelinguer deux fois par l'omnibus de Fernex. Brelinguer ne se dit qu'en plaisantant, et se prend d'ordinaire en mauvaise part.
BRELOQUE, s. f. Se dit d'une personne bavarde, d'une personne sans jugement et sur laquelle on ne peut compter. Ne l'écoutez pas, c'est une breloque; c'est une tête de breloque. «Battre la breloque» est une expression française qui signifie: Divaguer, déraisonner.
† BRELUE, s. f. Avoir la brelue. Terme français populaire et vieux français. On dit aujourd'hui: «Berlue.»
BRELURIN ou BRELURON, s. m. Étourdi, tapageur. Après le bal, nos brelurins se mirent à boire et à faire mille extravagances.
BRENIQUE, adv. Bernique, bernicles, point du tout. Je comptais sur sa visite: mais brenique! il n'a pas paru.
BRESOLER ou BRISOLER, v. a. Rissoler, rôtir. Châtaignes bresolées. Terme suisse-roman et savoisien. Au sens figuré, bresoler signifie: Être impatient, pétiller d'impatience. Il bresole d'être marié. Nos deux enfants bresolent d'aller sur un bateau à vapeur; ils en bresolent d'envie. Expression qui appartient au langage le plus familier. L'os qui bresole, est une dénomination plaisante donnée à ce nerf du coude que les médecins appellent «Nerf cubital.» Quand ce nerf reçoit un coup sec, la main et le bras en éprouvent un frétillement, un bresolement très-douloureux.
BRESOLEUSE, s. f. Femme qui bresole, femme qui rôtit des châtaignes et les vend au coin des rues. La mère Colloux, la bresoleuse, vient de mourir.
BRETANTAINE, s. f. Courir la bretantaine. Le mot français est «Pretentaine.»
BRETIFAILLE, s. f. Le mot français correspondant est «Promiscuité,» c'est-à-dire: Mélange confus et désordonné. Dans plusieurs écoles les enfants sont instruits à la bretifaille; c'est-à-dire: Pêle-mêle, jeunes garçons et jeunes filles à la fois. Les moissonneurs et les moissonneuses sont entassés le soir à la bretifaille. [P. G.] Ce mot n'est qu'une corruption du mot Bourdifaille, p. 58.
BRETILLANT, ANTE, adj. Croustillant. Pain bretillant, pâtisserie bretillante, c'est-à-dire: Dont la croûte est bien cuite, ferme et friable.
BRETINTAILLE, s. f. Pretintaille, ornements de femme, frivolités, bagatelles, choses de peu de valeur.
BRIBANDER, v. a. Se promener sans but, flâner, fainéanter, mener une vie oisive et vagabonde. En vieux français, briban signifie: Mendiant.
BRIFE, s. f. Espèce de petit-lait blanc et épaissi qui se forme sur le séret dans la chaudière d'une laiterie. [P. G.]
BRIFFE-TOUT, s. m. Celui qui gâte tout, fripe et détruit tout. Votre Hippolyte est un briffe-tout.
BRINNÉE, s. f. Volée de coups, rossée. Flanquer une brinnée. Terme trivial.
BRINNER, v. n. Résonner, renvoyer un son léger mais clair. Se dit surtout des objets en métal. J'entendais brinner un grelot. Elle faisait brinner ses petits sous dans sa cachemaille. Dans le patois du Faucigny, brin-nà signifie: «Tonner.» Y brin-ne (il tonne).
BRIONNER, v. a. Émietter, réduire en petits morceaux. Brionner son pain. En provençal, briè signifie: Miette de pain; et friouna a le sens de notre mot brionner.
BRIQUE, s. f. Signifie: 1o Débris, éclat, partie ou fragment d'une chose cassée; 2o Pièce, morceau d'une chose non brisée. Les briques d'un vase; les briques d'une terrine. Voilà ma jolie pipe en briques! Il vendit tout son ménage brique par brique (pièce à pièce). Il avait mis ses vêtements en gage jusqu'à la dernière brique. Ta lessive est-elle sèche, Marion?—Oui, Madame, à l'exception de deux ou trois briques. Terme suisse-roman, savoisien, lyonnais et franc-comtois.
BRIQUET, s. m. Petit cheval.
BRISE, s. f. Miette, brin, petit fragment d'une chose brisée. Brises de pain; brises de sucre. Ils achetèrent chez le confiseur pour deux sous de brises. Terme méridional.
BRISER EN ARGENT. Convertir en argent la valeur de divers objets mobiliers pour en faire une somme. Terme de pratique.
BRISÉS, s. m. pl. Aller sur les brisés de quelqu'un. Chercher à s'emparer de la place qu'il occupe. Le mot français est «Brisées,» s. f. pl.
BRISETTE (UNE). Un brin, une petite brise, tant soit peu. Terme languedocien.
BRISOLER, v. a. Voyez BRESOLER.
BRISSELET, s. m. Sorte de gaufre plate. Un plat de brisselets. Les brisselets du nouvel an.
BROSSETIER, s. m. Brossier, celui qui fait les brosses ou qui les vend.
BROSSU, UE, adj. Se dit des personnes et signifie: Hérissé, qui a les cheveux crépus. Terme connu dans le canton de Vaud et dans une partie de la Savoie.
BROT, s. m. Terme d'agriculture dont on se sert pour désigner les jeunes sarments de vigne quand ils sont tendres et cassants. Il ne faut pas confondre ce terme avec le mot français «Brout,» qui ne se dit que de la pousse des jeunes taillis au printemps, lesquels sont broutés par les bestiaux. [P. G.]
BROTTER, v. a. Brocher, écrire vite et mal, gribouiller. Brotter un pensum. En vingt minutes il avait brotté toute sa tâche.
BROUHÂR, s. m. Brouhaha. Tout le monde parlait à la fois: c'était un brouhâr à n'y pas tenir.
BROUILLARD, s. m. Brouillon. Le brouillard d'une lettre. Écrire sans faire de brouillard. Terme méridional.
BROUILLARDS, s. m. pl. Nous disons proverbialement d'une affaire que nous regardons comme fort incertaine et fort chanceuse: Elle est sur les brouillards du Rhône. On dit à Paris, dans le même sens: «Ma créance est hypothéquée sur les brouillards de la Seine.»
BROUILLER, v. n. Tromper au jeu, tricher.
BROUILLON, BROUILLONNE, s. Tricheur, tricheuse.
BROUSTOU et BROSSETOU, s. m. Gilet de flanelle qui se porte sur la peau. Terme formé du mot allemand Brusttuch.
BRUCHON, s. m. Brin de paille, brin de bois. Il lui était entré un bruchon dans l'œil. En Bretagne, brochon veut dire: Petit morceau de bois.
BRUGNOLE, s. f. Brignole, sorte de prune desséchée qui vient de Brignoles, ville de Provence.
BRÛLE (LE). Le brûlé. Odeur de brûle. Ta robe sent le brûle. Terme français populaire. A Lausanne et à Neuchâtel on dit: Le brûlon.
BRÛLE-BOUT, s. m. Brûle-tout, sorte de petit cylindre d'ivoire, de métal, d'albâtre, sur lequel on met un bout de bougie ou de chandelle qu'on veut brûler entièrement.
BRÛLEMENT, s. m. Avoir un brûlement dans le gosier, un brûlement dans l'estomac. Je n'ai pu dormir à cause d'un rhume affreux et d'un brûlement continuel dans la poitrine. Ce mot, si connu chez nous, est inusité en France, s'il en faut croire tous les dictionnaires usuels.
BUCHANCE ou BUCHÉE, s. f. Terme des collégiens. Batterie, conflit entre écoliers.
BÛCHE DE BOIS, s. f. Bûche. Nous avions brûlé, dans cette seule journée, douze bûches de bois. Ce pléonasme, si c'en est un, se retrouve dans le canton de Vaud, à Neuchâtel, en Dauphiné, à Lyon, à Limoges, en Languedoc, en Lorraine, et sans doute ailleurs.
BÛCHE DE PAILLE, s. f. Brin de paille. En vieux français, bûche signifiait: «Brin de paille;» ce qui explique fort bien nos expressions: Bûche de bois et courte-bûche (courte-paille).
BÛCHER, v. neutre. Travailler à force, s'occuper vigoureusement, abattre une besogne considérable. Amusons-nous encore aujourd'hui; demain il faudra bûcher. En vieux français, bûcher, v. n., signifie: Abattre du bois, faire des bûches.
BÛCHER, v. actif. Rosser, battre très-fort. Bûcher un cheval; bûcher une bourrique. Terme savoisien, normand, etc.
BÛCHETTE, s. f. Élever un oiseau à la bûchette. Terme français populaire. Dites: À la brochette. Élever un enfant à la bûchette, c'est l'élever tendrement et délicatement.
BÛCHEUR, s. m. Grand travailleur. Alexis n'a pas un esprit bien éminent; mais c'est un bûcheur.
BUCHILLES, s. f. pl. Bûchettes, menu bois qu'on ramasse dans les forêts. Une flambée de buchilles; une hottée de buchilles. Mettre le vin sur les buchilles. Terme suisse. Ce que nous appelons Chapeaux de buchilles, s'appelle à Paris «Chapeaux de bois.»
BUCHILLONS, s. m. pl. Copeaux, menues buchilles.
BUFFÉTERIE, s. f. Buffleterie, certaines parties de l'équipement d'un soldat. R. buffle.
BUFFLE, s. m. Jeu d'écoliers. Jouer à buffle; faire à buffle. De ce substantif a été formé le verbe buffler. Je t'ai bufflé, tu es bufflé.
BUGNE, s. m. Chapeau de feutre.
BUGNET, s. m. Pâte de bugnet. Faire des bugnets. Terme français populaire. Dites: Beignet.
BUGNON, s. m. Beignet.
BUIDON, s. m. Écurie à porcs, porcherie.
BUMANT, s. m. Engrais, fumier. En patois, bù veut dire: «Un bœuf.»
BUMANTER, v. a. Mettre de l'engrais, mettre du bumant. Bumanter un pré.
BUSCULER, v. a. Bousculer.