Physique de l'Amour: Essai sur l'instinct sexuel
[3] Bienenzeitung (Gazette des Abeilles), Janvier 1850.
[4] Fariner and Gardener, 1859.
[5] Copulation de l'abeille mère, dans l'Apiculteur, 6e année, 1862.
[6] La Vie des Abeilles.
[7] Recherches sur l'anatomie de la fourmi.
[8] Muller, traduit par Brullé, dans le Dictionnaire d'Histoire naturelle de Guérin, au mot Pselaphiens.
[9] E. Rambert, d'après A. Forel, Les Mœurs des fourmis (Bibliothèque universelle, tome LV).
CHAPITRE XVIII
LA QUESTION DES ABERRATIONS
Deux sortes d'aberrations sexuelles.—Les aberrations sexuelles des animaux.—Celles des hommes.—Le croisement des espèces.—La chasteté.—La pudeur.—Variétés et localisations de la pudeur sexuelle.—Création artificielle de la pudeur.—Sorte de pudeur naturelle à toutes les femelles.—La cruauté.—Tableau de carnage.—Le grillon dévoré vivant.—Mœurs des carabes.—Tout être vivant est proie.—Nécessité de tuer ou d'être tué.
Les aberrations sexuelles sont de deux sortes. La cause de l'erreur est interne, ou elle est externe. La fleur de l'arum muscivorum (gouet gobe-mouche) attire par son odeur cadavéreuse les mouches en quête de chairs corrompues pour y déposer leurs œufs. Schopenhauer a appuyé sur ce fait (ou sur un fait analogue) une théorie, très juste mais un peu sommaire, de l'aberration à cause extérieure. L'aberration à cause intérieure trouvera parfois son explication en ceci, que ce sont les mêmes artères qui irriguent, les mêmes nerfs qui animent la région sacrée, tant antérieure que postérieure; les trois canaux excréteurs sont d'ailleurs toujours voisins et parfois communs, au moins pour une partie de leur trajet. On a parlé sérieusement de la sodomie du canard, mais l'anatomie refuse de comprendre. Qu'un canard hante son pareil ou une cane, il s'adresse, ici et là, à un orifice unique, porte unique d'un vestibule où débouchent toutes les excrétions. Sans doute ce canard est aberré, et, plus encore, son complice, mais la nature mérite aussi quelques reproches. En général, les aberrations animales demandent des explications toutes simples. Il y a un désir ardent, un besoin très pressant; s'il n'est satisfait, une inquiétude, qui peut aller jusqu'à une sorte de folie momentanée, s'empare de l'animal, le jette, aveugle, sur toutes sortes d'illusions. Cela peut aller, sans aucun doute, jusqu'à l'hallucination. Il y a aussi un besoin purement musculaire d'esquisser tout au moins l'acte sexuel, soit passif, soit actif; on voit même, par un singulier renversement, les vaches en chaleur monter les unes sur les autres, soient qu'elles aient l'idée de provoquer ainsi le mâle, soit que la représentation visuelle qu'elles se font de l'acte désiré les force à en essayer la simulation: c'est un exemple merveilleux, parce qu'il est absurde, de la force motrice des images.
Il y a deux parts dans l'acte sexuel, la part de l'espèce et la part de l'individu; mais la part de l'espèce ne lui est donnée qu'au moyen de l'individu. Relativement au mâle en rut, il s'agit d'un besoin pur et simple, naturel. Il faut qu'il vide ses canaux spermatiques: faute de femelles, les cerfs, dit-on, frottent leur verge contre les arbres afin de provoquer l'éjaculation. Les chiennes chaudes se grattent la vulve sur le sol. Tels sont les rudiments de l'onanisme, porté tout d'un coup par les primates à un si haut degré de perfection. On a vu des mâles cantharides, eux-mêmes chevauchés, chevaucher d'autres mâles; l'argule, petit crustacé parasite des poissons d'eau douce, est si ardent qu'il s'adresse souvent à d'autres mâles, ou à des femelles pleines et même mortes. De la bête microscopique à l'homme, l'aberration est partout; mais il faut plutôt l'appeler, au moins chez les animaux, impatience. Les animaux ne sont aucunement de pures machines; ils sont, aussi bien que l'homme, capables d'imagination; ils rêvent, ils ont des illusions, ils subissent des désirs dont la source est dans le mouvement intérieur de leur organisme. La vue, l'odeur d'une femelle surexcite le mâle; mais, loin de toute femelle, la logique du mouvement vital suffit parfaitement à les mettre en état de rut; il en est absolument de même pour les femelles. Si l'état de rut, si la sensibilisation des parties génitales s'établit loin du sexe nécessaire, voilà une cause naturelle d'aberration, car il faut user cette sensibilité spéciale: le premier simulacre venu, ou même le premier obstacle propice sera l'adversaire contre lequel l'animal exaspéré exercera cette puissance dont il est tourmenté.
On peut appliquer à l'homme les principes généraux de cette psychologie, mais à condition de ne pas oublier que, sa sensibilité génitale étant apte à se réveiller à tout moment, les causes d'aberration se multiplient pour lui à l'infini. Il y aurait très peu d'hommes et de femmes aberrés, si les habitudes morales permettaient la satisfaction toute simple des besoins sexuels, si les deux sexes avaient la possibilité de se joindre toujours au moment opportun. Il resterait les aberrations d'ordre anatomique; elles seraient moins fréquentes et moins tyranniques si, au lieu de s'ingénier à rendre très difficiles les rapports sexuels, ils étaient favorisés par les mœurs. Mais cette aisance n'est possible que dans la promiscuité, qui est un mal peut-être pire que l'aberration. Ainsi, toutes les questions sont insolubles, et on ne peut perfectionner la nature qu'en la désorganisant. L'ordre humain est souvent un désordre pire que le désordre spontané, parce que c'est une finalité forcée et prématurée, une dérivation inopportune du fleuve vital.
Il est improbable que la sélection sexuelle soit un principe de variation; son rôle est au contraire de maintenir l'espèce en l'état. Les causes de variation seront les changements dans le climat, la nature du sol, le milieu général, et aussi la maladie, les troubles de la circulation sanguine et nerveuse,-peut-être certaines aberrations sexuelles. Peut-être, car les croisements entre individus d'espèces différentes vivant en liberté semblent difficiles, dès que l'espèce est réellement autre chose qu'une variété en évolution, une forme qui se cherche encore. A ce stade, tout est possible; mais il s'agit des espèces. Les mulets, les bardeaux, les léporides sont des produits artificiels; on n'en a jamais rencontré dans la nature libre. Il est fort difficile d'obtenir la pariade d'un lièvre et d'une lapine; la lapine récalcitre et le lièvre marque peu d'enthousiasme. La jument, très souvent, refuse l'âne; si elle tourne la tête au moment de la monte, il faut lui bander les yeux pour dompter son dégoût; il en est de même de l'ânesse à qui l'on offre un étalon. Quant au produit du taureau et de la jument, le célèbre jumart, ce n'est qu'une chimère: il suffit de comparer la verge effilée du taureau à la verge massive du cheval pour se convaincre que deux instruments si différents ne peuvent se suppléer l'un l'autre. Cependant, il serait imprudent d'éliminer cette forme de l'aberration sexuelle d'entre les causes de la variabilité des espèces. C'est peut-être une de ses justifications.
De toutes les aberrations sexuelles, la plus singulière est peut-être encore la chasteté. Non qu'elle soit antinaturelle, rien n'est anti-naturel; mais à cause des prétextes auxquels elle obéit. Les abeilles, les fourmis, les termites présentent des exemples de chasteté parfaite et en même temps de chasteté utilisée, de chasteté sociale. Involontaire et congénital, l'état neutre, chez les insectes, est un état de fait, équivalent à l'état sexuel et origine d'une activité caractérisée. Chez les hommes, c'est un état, souvent d'apparence ou transitoire, obtenu par la volonté ou exigé par la nécessité, état précaire, si difficile à maintenir qu'on a accumulé autour de lui toutes sortes de murailles morales et religieuses, et même réelles, faites de vraies pierres et de vrai mortier. La chasteté permanente et volontaire est presque toujours une pratique religieuse. Les hommes ont de tout temps été persuadés que la perfection de l'être ne s'obtient que par un tel renoncement. Cela paraît absurde; c'est au contraire d'une logique très droite. Le seul moyen de ne pas être un animal est de s'abstenir de l'acte auquel se livrent nécessairement tous les animaux sans exception. C'est le même motif qui a fait imaginer l'abstinence, le jeûne; mais comme on ne peut vivre sans manger, alors qu'on peut vivre sans faire l'amour, cette seconde méthode de perfectionnement est restée à l'état d'esquisse.
Il est vrai, l'ascétisme, dont l'homme seul est capable, est un des moyens qui peuvent nous élever au-dessus de l'animalité; mais il ne suffit pas seul; seul, il n'est bon à rien, peut-être qu'à exciter un orgueil stérile. Il faut y joindre l'exercice actif de l'intelligence. Reste à savoir si l'ascétisme, qui prive la sensibilité d'une de ses nourritures les plus saines et les plus excitantes, est favorable à l'exercice de l'intelligence. Comme il n'est nullement nécessaire de résoudre ici cette question, on ne dira rien de plus que ceci, provisoirement: il ne faut pas mépriser la chasteté, il ne faut pas dédaigner l'ascétisme.
La pudeur est-elle une aberration? Des observateurs indulgents ont cru la constater chez les éléphants aussi bien que chez les lapins. La pudeur de l'éléphant est un axiome populaire, qui fait que les bonnes femmes reluquent avec componction, dans les cirques, la grosse bête qui se cache pour faire l'amour. Pendant l'accouplement, dit un célèbre éleveur de lapins[1], «le mâle et la femelle doivent être seuls, en demi-obscurité. Cette solitude et cette obscurité sont d'autant plus nécessaires que certaines femelles manifestent des signes de pudeur.» La pudeur des animaux est une rêverie. Comme la pudeur humaine, elle n'est que le masque de la peur, la cristallisation d'habitudes craintives, nécessitées par l'état inerme où se trouvent des animaux se livrant au coït. Cela est fort connu et n'exige plus aucune explication. Mais le besoin de la reproduction est si tyrannique qu'il ne laisse pas toujours même aux animaux les plus timides, la présence d'esprit de se cacher pour faire l'amour. Le plus domestiqué de nos animaux ne manifeste, à ce moment, ni peur ni pudeur, on ne le sait que trop.
Chez l'homme, chez le civilisé comme chez le non civilisé, la peur sexuelle, la pudeur, a pris mille formes dont la plupart ne semblent plus avoir aucun lien avec le sentiment originel dont elles sont dérivées. On constate d'ailleurs ceci, que si le milieu où se trouve le couple est tel qu'aucune attaque, aucune moquerie n'est à craindre, la pudeur disparaît en partie ou tout à fait selon le degré de sécurité et le degré d'excitation. Pour une foule populaire un soir de fête, il n'y a plus guère de pudeur que la pudeur légale; l'exemple d'un couple plus hardi suffit, si aucune autorité n'est à redouter, pour libérer tous les appétits, et l'on voit clairement alors que l'homme, qui ne se cache plus pour manger, ne se cache pour faire l'amour que par soumission à l'usage.
De l'acte génital, la pudeur s'est étendue aux organes sexuels extérieurs, par un mécanisme très simple et très logique. Mais là, il faut distinguer, je pense, entre la pudeur génitale, née de l'habitude de vêtir le corps tout entier, et celle qui a porté les hommes à ne se couvrir qu'une région particulière. Le chaud, le froid, la pluie, les insectes expliquent le vêtement, mais non le pagne ou la feuille, surtout quand la feuille, imposée aux femmes mariées, par exemple, est défendue aux vierges, ou quand cette symbolique feuille est si réduite qu'elle ne sert à rien, qu'elle n'est plus qu'un signe. Dans ce dernier cas, elle n'a même peut-être aucune relation directe avec la pudeur génitale; elle n'est plus qu'un ornement matrimonial, analogue à l'anneau ou au collier, un signe, en effet, et qui indique l'état. Il est possible aussi que, chez certaines peuplades où les hommes vont entièrement nus, les femmes ne portent un tablier que pour se préserver des mouches, des œstres; à peu près comme le paysan drape d'herbes ou de feuilles le mufle de son cheval. Bien souvent, cependant, on est forcé de reconnaître, dans ces coutumes, la preuve d'une sensibilité génitale particulière, analogue à la pudeur des civilisés. Un matelot anglais, lors des premières explorations, se fit conspuer par des femmes maories, non parce qu'il se présentait nu, ce qui était, au contraire, exigé par la coutume, mais parce qu'il se présentait le gland découvert. Ce détail les choquait extrêmement. Exemple curieux de la localisation de la pudeur: toutes les parties du corps se pouvaient et se devaient montrer, toutes excepté cette petite surface. À bien réfléchir, la pudeur des Européennes, au bal ou à la plage, est à peu près aussi saugrenue que celle des Maories, ou que celle des fellahines qui, à la survenue d'un étranger, relèvent leur chemise, unique vêtement, pour s'en couvrir la face!
La pudeur sexuelle, telle qu'on l'observe aujourd'hui chez les peuples les plus variés, est tout à fait artificielle. Livingstone assure avoir développé la pudeur chez des petites filles cafres en les habillant. Surprises en négligé, elles se couvraient les seins,-et cela dans une race où la femme va entièrement nue, sauf un fil à la ceinture, d'où pend un autre fil. Mais le vêtement n'est qu'une des causes de la pudeur ou des habitudes qui nous en donnent l'illusion, et le sentiment de crainte associé à l'acte sexuel n'explique pas tout le reste. Il y a une pudeur particulière à la femelle, un ensemble de mouvements de recul qu'on ne peut assimiler à rien, rattacher à rien. Le geste de la Vénus pudique n'est pas un geste purement féminin; presque toutes les femelles, et surtout mammifères, le possèdent: la femelle qui se refuse rabat sa queue et la serre entre ses jambes; il y a évidemment là l'origine de l'une des formes particulières de la pudeur. On en a donné dans un précédent chapitre des exemples caractéristiques.
L'homme est insaisissable, le moindre de ses sentiments habituels a des racines multiples et souvent contradictoires dans une sensibilité variable et toujours excessive. Il est le moins pondéré et le moins raisonnable de tous les animaux, quoique le seul qui ait pu se faire une idée de la raison; c'est un animal fou, c'est-à-dire qui se répand de tous les côtés, qui démêle tout en théorie et dans la pratique emmêle tout, qui désire et veut tant de choses, qui jette ses muscles à tant d'activités diverses que ses actes sont à la fois les plus sensés et les plus absurdes, les plus conformes et les plus opposés au développement logique de la vie. Mais il tire parti même de l'erreur, surtout de l'erreur, fatale à tous les animaux, et c'est là son originalité, comme l'a vu Pascal, comme l'a répété Nietzsche.
Si le mot pudeur n'est pas exact, appliqué aux animaux, bien que l'on trouve dans leurs mœurs la lointaine origine de ce sentiment complexe et raffiné, le mot cruauté, quand il s'agit des actes naturels de défense ou de nutrition, ne l'est pas davantage. La cruauté humaine est souvent une aberration; la cruauté des bêtes est une nécessité, un fait normal, souvent la condition même de leur existence. Un philosophe anarchiste, disciple attardé et naïf de Jean-Jacques, a cru démêlée dans la nature un altruisme universel; il a refait avec d'autres paroles, un autre esprit, et quelques exemples nouveaux, les livres enfantins de Bernardin de Saint-Pierre, et abusé, sous prétexte d'incliner les hommes à la bonté, du droit que l'on a de se promener dans la nature sans la voir et sans la comprendre. La nature n'est ni bonne, ni mauvaise, ni altruiste, ni égoïste; elle est un ensemble de forces dont aucune ne cède que sous une pesée supérieure. Sa conscience est celle d'une balance; étant d'une indifférence parfaite, elle est d'une équité absolue. Mais la sensibilité d'une balance est d'un ordre unique; la sensibilité de la nature est infinie à toutes les actions et à toutes les réactions. Que le fort mange le faible ou que le faible mange le fort, il n'y a compensation que dans notre illusion humaine: en réalité, une vie s'est agrandie aux dépens d'une autre vie et, dans un cas comme dans l'autre, l'énergie totale n'a été ni diminuée ni augmentée. Il n'y a ni forts ni faibles: il y a un niveau qui tend à rester constant. Notre sentimentalisme nous fait percevoir des drames là où il ne se passe rien de plus troublant que des faits généraux de nutrition. Cependant, on peut les regarder, ces faits, d'un peu plus près; et alors la parité des organismes animaux et de l'organisme humain nous portera à qualifier de cruels certains actes qui, œuvre d'un homme, mériteraient précisément ce nom. Mais s'il faut dire cruauté pour se comprendre soi-même, il faut aussi se souvenir que cette cruauté est inconsciente, qu'elle n'est pas sentie par l'animal dévorant, qu'aucun élément de méchanceté n'entre dans son acte, et que l'homme, d'ailleurs, ce juge, ne se prive nullement de manger des bêtes vivantes quand elles sont meilleures crues que cuites et vivantes que mortes.
Un philanthe, sorte de guêpe, happe une abeille pour nourrir ses larves; tout en la transportant vers son nid, il lui presse le ventre, la suce, la vide de tout son miel. Mais, à l'entrée du nid, une mante fait le guet, son bras à double scie se déclanche: le philanthe est saisi au passage. Et l'on voit ceci: la mante rongeant le ventre du philanthe, cependant qu'il continue de lécher le ventre de l'abeille. Et la mante est si vorace qu'on la couperait en deux sans lui faire lâcher prise: quelle chaîne de carnages!
Les larves du sphex, autre guêpe, sont nourries de grillons vivants, réduits par une piqûre à l'immobilité. Sitôt éclose, la larve attaque le grillon sur le ventre duquel, à une place choisie, l'oeuf a été pondu. Le pauvre insecte paralysé proteste par de faibles remuements d'antennes, de mandibules: en vain; il est dévoré vivant, fibre à fibre, par un gros ver qui lui ronge les entrailles, avec assez d'habileté pour ne toucher d'abord qu'aux parties non essentielles à la vie et conserver sa proie jusqu'à la fin fraîche et savoureuse. Telle est la mansuétude de la nature, cette bonne mère.
Les carabes sont de beaux coléoptères, violets, pourpres, dorés. Ils ne se nourrissent que de proies vivantes, qu'ils mangent lentement, s'attaquant d'abord au ventre, s'enfonçant peu à peu dans la cavité palpitante. Les hélices, les limaces sont ainsi dépecées par des bandes de carabes qui les fouillent et les déchirent au milieu d'un bouillonnement de salive.
Tout n'est, dans la nature, que vol et assassinat. Ce sont les actes normaux. Les espèces herbivores seules sont innocentes, peut-être par imbécillité; toujours occupées à manger, leur nourriture étant peu substantielle, elles n'ont pas le temps de développer leurs forces: ce sont des proies inévitables, une sorte d'herbe supérieure qui sera broutée à la première occasion. Mais les carnivores sont parfaitement dévorés à leur tour par leurs commensaux plus robustes ou plus adroits. Très peu de bêtes meurent de leur belle mort. Les géotrupes, scarabées nécrophores, leur besogne finie et la ponte achevée, se dévorent les uns les autres, pour passer le temps, peut-être, pour atteindre plus gaiement leur minute dernière. Les animaux ne sont que de deux sortes, chasseurs et gibier, mais il n'est guère de chasseur qui ne soit gibier à son heure. On ne voit pas chez les animaux cette invention purement humaine, l'élevage pour la boucherie ou, ce qui est plus extraordinaire, pour la chasse. Les fourmis savent traire les pucerons, leurs vaches, ou les staphylins, leurs chèvres; elles ne savent pas les engraisser et les égorger.
Cent autres traits de cruauté animale sont épars dans ce volume. On en recueillerait beaucoup d'autres, et cela pourrait former un ouvrage édifiant, par ce temps de sentimentalisme. Non pas qu'on voulût, bien au contraire, les donner à l'homme comme autant d'exemples; mais cela pourrait tout de même nous apprendre que le premier devoir d'un être vivant est de vivre et que toute vie n'est pas autre chose qu'une somme suffisante de meurtres. Hommes ou tigres, sphex ou carabes sont soumis à la même nécessité: ou tuer ou mourir, ou verser le sang ou manger de l'herbe. Mais manger de l'herbe, autant se suicider: demandez aux moutons.
[1] Mariot-Didieux, Guide pratique de l'éducateur de lapins. (Bibliothèque des professions industrielles et agricoles, série H, n° 17.)
CHAPITRE XIX
L'INSTINCT
L'instinct.—Si on peut l'opposer à l'intelligence.—L'instinct chez l'homme.—Primordialité de l'intelligence.—Rôle conservateur de l'instinct.—Rôle modificateur de l'intelligence.—L'intelligence et la conscience.—Parité de l'instinct chez les animaux et chez l'homme.—Caractère mécanique de l'acte instinctif.—L'instinct modifié par l'intelligence.—l'habitude du travail créant le travail inutile.—Objections à l'identification de l'instinct et de l'intelligence tirées de la vie des insectes.
La question de l'instinct est peut-être la plus énervante qui soit. Les esprits simples la voient résolue quand ils ont opposé à ce mot l'autre mot: intelligence. C'est la position élémentaire du problème, et rien de plus. Non seulement cela n'explique rien, mais cela s'oppose même à toute explication. Si l'instinct et l'intelligence ne sont pas des phénomènes du même ordre, réductibles l'un à l'autre, le problème est insoluble et nous ne saurons jamais ni ce que c'est que l'instinct, ni ce que c'est que l'intelligence.
Dans cette opposition vulgaire, on sous-entend assez naïvement que les animaux sont tout instinct et l'homme tout intelligence. Cette erreur, purement de rhétorique, a jusqu'ici empêché, non la solution du problème, qui semble fort lointaine, mais son exposé scientifique. Il ne comporte que deux formules: Ou bien l'instinct est une fructification de l'intelligence; ou bien l'intelligence est un accroissement de l'instinct. Il faut choisir et savoir qu'en choisissant on fait, selon les cas, de l'instinct ou de l'intelligence, la graine ou la fleur d'une même plante: la sensibilité.
On établirait d'abord qu'entre l'homme et les animaux il n'y a, pour les manifestations de l'instinct et pour celles de l'intelligence, aucune différence essentielle. La vie de tous les hommes, non moins que la vie de tous les animaux, est bâtie sur l'instinct; et il n'est, sans doute, aucun animal qui ne puisse donner des signes de spontanéité, c'est-à-dire d'intelligence. L'instinct semble antérieur parce que, dans tous les animaux, l'homme excepté, la quantité et surtout la qualité des faits instinctifs surpasse de beaucoup la valeur et le nombre des faits intellectuels. C'est exact, mais en admettant cette hiérarchie, si on explique, assez difficilement, la formation de l'intelligence chez l'homme et chez les animaux qui en manifestent des lueurs plus ou moins perceptibles, on renonce, par cela même, à toute tentative ultérieure qui puisse donner quelques notions sur la formation de l'instinct. Si c'est mécaniquement que l'abeille construit ses rayons, si cet acte est aussi nécessaire que l'évaporation de l'eau refroidie, inutile d'aller plus loin: on est en présence d'un fait qui ne donnera jamais rien de plus.
Si, au contraire, on considère l'intelligence comme antérieure, le champ d'investigation s'allonge à l'infini et, au lieu d'un problème radicalement insoluble, on en obtient cent mille et plus, autant que d'espèces animales, dont aucun n'est simple, mais dont aucun n'est absurde. Cette manière de voir entraîne, il est vrai, à de graves conséquences. Il faut alors regarder la matière comme une simple forme allotropique de l'intelligence ou, si l'on veut, tenir l'intelligence et la matière pour des équivalents, admettre que l'intelligence n'est que de la matière douée de sensibilité, et dont le pouvoir de se diversifier extrêmement trouve des limites infranchissables dans les formes mêmes qu'elle revêt. La preuve de ces limites, c'est l'instinct. Quand des actes sont devenus instinctifs, ils sont devenus invincibles.
Une espèce, c'est un groupe d'instincts, dont la tyrannie, un jour, deviendra sourde à toute tentative de mouvement. L'évolution est limitée par la résistance de ce qui est, luttant contre ce qui pourrait être. Vient un moment où une espèce est une masse trop lourde pour être remuée par l'intelligence: alors elle reste en place, et c'est la mort, mais compensée par la survenue permanente d'autres espèces, formes nouvelles revêtues par l'inépuisable Protée.
On n'ajoutera rien, ici, à cette théorie, si ce n'est quelques faits qui lui sont favorables et aussi quelques objections.
La vieille distinction de l'intelligence et de l'instinct, quoique fausse et superficielle, pourrait s'adapter aux vues que l'on vient de résumer. On attribuerait à l'instinct la série des actes conservateurs de l'état présent dans une espèce; à l'intelligence, les actes qui peuvent tendre à modifier cet état. L'instinct serait l'esclavage, la sujétion à la coutume; l'intelligence représenterait la liberté, c'est-à-dire le choix, les actes qui, tout en étant nécessaires, puisqu'ils sont, ont été déterminés par un ensemble de causes antérieures à celles qui régissent l'instinct. L'intelligence serait le fonds, la réserve, la source qui, après de longs creusements, vient sourdre entre les rochers. Dans tout ce que suggère l'intelligence, la conscience de l'espèce fait un départ; ce qui est utile s'incorpore à l'instinct en l'agrandissant et en le diversifiant; ce qui est inutile périt,—ou bien se met à fleurir en extravagances, comme chez l'homme, comme chez les oiseaux danseurs et jardiniers, ou ces pies qu'un joyau séduit, ces alouettes qu'un miroir attire! On appellerait donc instinct la série des aptitudes utiles; intelligence, la série des aptitudes de luxe: mais qu'est-ce que l'utile, qu'est-ce que l'inutile? Qui osera taxer d'inutile cette modulation d'un oiseau, ce sourire d'une femme? Il n'y aurait utilité et inutilité que s'il y avait aussi finalité. Mais la finalité ne peut être considérée comme un but; elle n'est qu'un fait, et qui pourrait être différent.
Cette utilisation des termes anciens, si elle était possible, ne devrait jamais devenir le prétexte d'une nouvelle différenciation radicale entre l'instinct et l'intelligence; on ne s'en servirait que pour définir par opposition deux états dont les manifestations présentent d'appréciables nuances. La grande objection à l'identification essentielle de l'instinct et de l'intelligence vient d'une habitude d'esprit que nous a longtemps imposée la philosophie spiritualiste: l'instinct serait inconscient et l'intelligence serait consciente. Mais l'analyse psychologique ne permet pas de lier rigoureusement à la conscience l'activité intellectuelle. Sans la conscience, tout se passerait peut-être, dans l'homme le plus réfléchi, exactement comme cela se passe sous l'œil paterne de la conscience. Selon la curieuse comparaison analogique de M. Ribot, la conscience, c'est la veilleuse interne qui éclaire un cadran; elle a sur la marche de l'intelligence la même influence exactement, ni plus ni moins, que cette veilleuse sur la marche de l'horloge. Savoir si les animaux sont doués de conscience est assez difficile, et peut-être assez inutile, à moins que l'on n'admette que la lueur de cette veilleuse, par son rayonnement lumineux ou calorique, ne réagisse sur le mécanisme de la machine, comme l'enseigne M. Fouillée. En somme, la conscience, elle aussi, est un fait, et aucun fait ne meurt sans conséquences: il n'y a ni causes premières, ni causes dernières. En tout cas, on retiendra, parce que cela est évident, que, même si la conscience est un réactif possible, l'intelligence peut s'exercer sans elle: le plus conscient des hommes, encore, a des phases d'intellectualité inconsciente; de longues séries d'actes raisonnables peuvent être perpétrés sans que leur reflet soit visible dans le miroir, sans que la veilleuse de l'horloge ait été allumée. Il ne semble pas, en somme, que de la matière nerveuse puisse exister sans intelligence ou sensibilité; quant à la conscience, elle est un surcroît. Il n'y a donc pas lieu de tenir compte de la vieille objection scolastique contre l'identification de l'intelligence et de l'instinct.
Qu'y a-t-il de sérieux dans cette autre: que l'homme, s'il a eu jadis des instincts, les a perdus?
L'animal qui a les plus riches instincts doit aussi être, ou avoir été, le plus riche en intelligence. Et réciproquement: l'activité intellectuelle suppose une activité instinctive très variée, soit dans le présent, soit dans l'avenir. Si l'homme n'avait pas d'instincts, il serait en train de se les créer. Il a des instincts nombreux et il s'en crée tous les jours de nouveaux: constamment, une partie de son intelligence se cristallise en actes instinctifs.
Mais si l'on considère les différents instincts qui se rencontrent chez les espèces animales, on n'en trouvera guère qui ne soient en même temps humains. Les grandes activités humaines sont instinctives. Sans doute, l'homme peut ne pas construire des palais; mais il ne peut pas se dispenser d'une cabane, d'un nid dans une caverne ou sur la fourche d'un arbre: tels les grands singes, beaucoup de mammifères, les oiseaux, la plupart des insectes. Sa nourriture ne dépend que fort peu du choix; il faut qu'elle contienne certains éléments indispensables: nécessité identique à celle qui régit les animaux et jusqu'aux plantes dont les racines plongent vers le suc désiré, dont les rameaux s'allongent en quête de la lumière. Le chant, la danse, la lutte, et, pour les groupes, la guerre, instincts humains, ne sont pas inconnus à tous les animaux. Le goût des choses brillantes, autre instinct humain, est assez fréquent chez les oiseaux; il est vrai que les oiseaux n'en ont encore rien fait et que l'homme en a tiré tous les arts somptuaires. Reste l'amour: mais je pense que cet instinct suprême est la limite sacrée des objections.
Les actes utiles, habituellement répétés, peuvent devenir invincibles, tels de véritables mouvements instinctifs. Un chasseur[1] passant l'hiver dans une cabane isolée, au Canada, engage une femme indienne pour tenir son ménage. Elle arrive le soir, fait aussitôt fondre de la neige, commence à laver, remue tout, empêche tout sommeil. L'hôte se fâche. Silence. Dès qu'il s'est endormi, la ménagère reprend son travail mécanique, et ainsi de suite, si bien que l'humble Indienne eut le dernier mot. Ici, exactement comme chez les insectes, on a l'exemple d'une besogne qui, dès qu'elle est commencée, doit aller jusqu'à son achèvement. L'insecte ne peut pas s'interrompre; s'il y est obligé, par une cause extérieure, il reprend l'œuvre non pas au point où il la retrouve réellement, mais au point où il l'avait réellement laissée. Ainsi, on enlève tout entier le nid qu'une chalicodome était en train de maçonner sur un galet; l'abeille revient, ne trouve rien, puisqu'il n'y a plus rien, mais, au lieu de recommencer son édification, la continue. Il ne restait plus qu'à fermer l'ouverture; elle la ferme, c'est-à-dire qu'elle dépose, sur le dôme idéal d'un nid absent, la dernière bouchée de mortier: puis, l'instinct satisfait, sûre d'avoir assuré sa postérité, elle se retire, s'en va mourir. On obtient le même jeu mécanique avec le pélopée, avec d'autres constructeurs. Les chenilles processionnaires ont coutume de faire de longues courses à la file indienne sur les branches de leur pin natal, en quête de nourriture: qu'on les place sur le rebord d'une vasque, elles tourneront stupidement pendant plus de trente heures, sans que l'une d'elles ait jamais l'idée d'interrompre le cercle en inclinant sur la tangente. Elles mourront sur leur piste, fermes dans leur obéissance; à mesure que l'une tombe, les rangs se resserrent, et c'est tout. Voilà les extrêmes de l'instinct et, à notre grande surprise, ils sont à peu près pareils chez une Indienne des grands lacs et chez la processionnaire du pin.
Mais que d'autres cas où l'instinct des animaux, s'unissant à l'intelligence libre, donne des exemples d'une sagacité humaine. Nous avons vu ces mêmes abeilles maçonnes et les xylocopes et les abeilles domestiques profiter avec empressement d'un nid tout fait, d'un trou préparé dans le bois, de rayons factices disposés pour recevoir le miel; les osmies, qui pondent dans des tiges de ronces coupées, où elles organisent une série de chambrettes, se sont fort bien accommodées, chez M. J.-H. Fabre, de tubes de verre, ce qui a heureusement permis au grand observateur de pénétrer dans leur intimité. L'instinct est tour à tour bête comme une machine et intelligent comme un cerveau; ces deux modes extrêmes doivent correspondre à des habitudes très anciennes et à des habitudes très récentes. Il est certain qu'il n'y a pas relativement longtemps que la serpe du paysan prépare à l'osmie des tiges tronçonnées de ronces. Avant cette époque, elle organisait son nid, comme elle le fait encore, dans des coquilles vides d'escargot ou dans quelque cavité naturelle. Elles sont très curieuses, ces osmies, abeilles solitaires extrêmement actives; on les voit, ayant épuisé leurs ovaires, mais non leur force musculaire, construire des nids surérogatoires, les pourvoir de miel, les clore avec soin sans avoir pu y déposer aucun ouf; elles les ferment même sans miel, si elles ne trouvent plus de fleurs, montrant ainsi une véritable frénésie de travail, une authentique manie analogue à celle qui pousse l'homme à déplacer des cailloux, à fumer, à boire, à marcher plutôt que de demeurer immobile[2]. Si l'osmie vivait plus longtemps, elle inventerait peut-être quelque jeu qui, d'abord vain, finirait, comme une quantité d'imaginations humaines, par devenir pour la race tout entière un besoin à la fois et un bienfait.
La théorie qui fait de l'instinct une cristallisation partielle de l'intelligence est extrêmement séduisante; il faut, je pense, la tenir pour vraie. Cependant, la contemplation du monde des insectes fait surgir contre elle une objection énorme. M. Fabre l'a formulée dix fois, avec une ingéniosité toujours nouvelle, au cours de ses merveilleux récits. La voici: l'insecte, presque toujours, naît adulte, et après la mort de ses parents; il n'a reçu d'eux, comme les petits des oiseaux ou des mammifères, ni l'éducation directe, ni l'éducation par l'exemple. Une poule apprend à ses poussins à picorer (il est vrai qu'elle n'apprend pas à ses canetons à barboter, et qu'ils font son désespoir, spectacle bien amusant), une osmie ne peut rien enseigner à ses enfants. Et cependant les osmies nouvelles feront exactement ce qu'ont fait les anciennes. L'insecte ouvre sa coque, se brosse les antennes, fait sa toilette, ouvre les ailes, s'envole pour la vie, se dirige sans hésitation vers la pâture qu'il lui faut, reconnaît et fuit les ennemis de sa race, fait l'amour, construit enfin un nid identique au berceau d'où il est sorti. On voit bien que les acquisitions de l'individu ont passé dans sa descendance, mais comment? Car comment ont-elles pu se fixer dans les nerfs et dans le sang en quelques brèves journées de vie? C'est sans aucun apprentissage que le sphex; paralyse de trois coups de poignard, toujours infaillibles, le grillon qu'il destine à ses larves. Comment le sphex a-t-il appris cela, puisque, si le grillon est tué et non paralysé, les larves meurent empoisonnées par la pourriture, puisque, si la paralysie n'est pas durable, la victime se réveille et détruit le sphex dans l'œuf? La manœuvre de cette guêpe, et de beaucoup d'autres hyménoptères tueurs, a ceci de fâcheux pour nos raisonnements, qu'elle doit être parfaite, sous peine de mort. Cependant, il faut bien admettre que le sphex s'est formé lentement, comme tous les animaux complexes, et que son génie n'est que la somme des acquisitions intellectuelles lentement cristallisées dans l'espèce. Quant au mécanisme de cette transformation de l'intelligence en instinct, il a pour moteur le principe d'utilité; seuls deviennent des actes instinctifs les actes intelligents, utiles à la conservation de l'espèce.
La science de ces hyménoptères tueurs va si loin qu'elle devançait, encore hier, la science humaine. L'insecte s'attaque au système nerveux; il sait que c'est là et non dans les membres que réside le principe du mouvement. Si le système nerveux est centralisé, comme chez les charançons, leur ennemi, le cercéris, ne donne qu'un coup de poignard; si les mouvements dépendent de trois ganglions, il donne trois coups de poignard; s'il y a neuf ganglions, il donne neuf coups de poignard: ainsi fait l'ammophile hérissée, quand elle a besoin pour ses larves de la chenille de la noctuelle, appelée communément ver gris; si un coup d'aiguillon dans le ganglion cervical paraît trop dangereux, le chasseur se borne à le mâchonner doucement, pour amener le degré nécessaire d'immobilité. Il est assez singulier que les hyménoptères sociaux, qui savent faire tant de choses difficiles, ignorent la savante manœuvre du poignard. L'abeille pique au hasard, et si brutalement qu'elle se mutile elle-même en ne faisant souvent à son adversaire qu'une insignifiante blessure. La civilisation collective a diminué son génie individuel.
[1] Voir Milton et Cheaddle, ouvr. cité.
[2] Rapprocher de ces réflexions le mot précieux d'un garde-chasse: «Il faut connaître les habitudes des bêtes, même leurs manies, car elles en ont comme nous.» (Le Figaro, 31 août 1903.)
CHAPITRE XX
LA TYRANNIE DU SYSTÈME NERVEUX
Accord et désaccord entre les organes et les actes.—Les tarses du scarabée sacré.—La main de l'homme.—Adaptation médiocre des organes sexuels à la copulation.—Origine de la luxure.—L'animal est un système nerveux servi par des organes.—L'organe ne détermine pas l'aptitude.—La main de l'homme inférieure à son génie.—Substitution des sens l'un par l'autre.—Union et rôle des sens dans l'amour.—L'homme et l'animal sous la tyrannie du système nerveux.—Usure de l'humanité compensée par ses acquisitions.—Les héritiers de l'homme.
C'est une croyance universelle que la nature, ou Dieu, dans leur sagesse inconsciente ou providentielle, ont disposé les organes corporels selon la meilleure forme possible: perfection de l'œil, de la main, de la patte-mâchoire de la mante, des pièces sexuelles de l'homme, de l'oiseau ou du scarabée, des tarses fournisseurs des hyménoptères, de la queue du castor, des jarrets de la sauterelle, du tambour de la cigale. C'est quelquefois vrai et très souvent faux. Il arrive qu'une concordance exacte apparaisse entre l'organe et l'acte qu'il doit accomplir; mais il arrive aussi, et ce n'est pas rare, que les organes ne semblent nullement avoir été faits pour l'office dont ils s'acquittent: la plupart, vraiment, sont des outils de fortune, avec quoi un être se tire comme il peut de la besogne qu'il veut, qu'il doit faire.
Les pattes antérieures des scarabées sont si peu destinées à modeler et à rouler des pelotes de bouse qu'à ce métier leurs tarses se sont usés, comme s'useraient peut-être des doigts humains condamnés à pétrir à cru la glaise et le mortier. En considérant le scarabée, il faut songer à cela, à une humanité sans doigts, les ayant perdus au travail par une longue et lente diminution des ongles, des os, des chairs. Le scarabée est un modeleur; rien ne lui serait plus utile que des doigts; au lieu de les perdre par l'usage, il aurait dû se les créer plus longs, plus résistants, plus souples. Il les a perdus et c'est avec des moignons qu'il tourne les boulettes qui seront sa nourriture ou celle de ses enfants. Cet insecte est donc condamné à une besogne qui lui devient de plus en plus difficile, à mesure que l'espèce vieillit. Il resterait à savoir si les ancêtres du scarabée sacré possédaient des tarses. Horus Appolo lui accorde autant de doigts que le mois a de jours, c'est-à-dire trente, ce qui correspond bien aux six pattes à cinq tarses du scarabée. S'il a bien observé, la question est résolue; mais ce témoignage unique ne suffit pas, et d'ailleurs il est invraisemblable qu'une pareille usure soit l'ouvrage de si peu de siècles. Horus, et un savant comme Latreille s'y est laissé prendre lui-même, a été dupe de la symétrie; s'il a regardé de près un scarabée, et s'il a vu les pattes antérieures dénuées de tarses, il a mis ce manquement sur le compte du hasard ou de l'accident. M. Fabre a, du moins, constaté un fait indiscutable, c'est que, pas plus à l'état de nymphe qu'à l'état adulte, le scarabée n'est, aux pattes antérieures, pourvu de tarses. S'il n'en a jamais eu, notre raisonnement tire de cette négation une nouvelle force: car alors, et moins que jamais, il n'est pas possible de trouver la moindre concordance logique entre les moignons de l'insecte et la besogne de modeleur et de tourneur à laquelle il est condamné par la nature.
Ce scarabée est un type auquel on peut rapporter un très grand nombre d'autres exemples; les hyménoptères fouisseurs sont tout à fait dépourvus d'outils en rapport avec leurs travaux de carriers ou de puisatiers: aussi, leur œuvre terminée, la plupart de ces fragiles insectes sont-ils fort endommagés. On connaît les architectures des castors: qui oserait les attribuer, sans la certitude que nous a donnée l'observation, à ces gros rats.
Les philosophes du dix-huitième siècle se posaient cette question: l'homme est-il l'homme parce qu'il a des mains, ou bien a-t-il des mains parce qu'il est l'homme? On peut répondre hardiment que les mains de l'homme, si merveilleuses qu'elles nous paraissent, n'ajoutent à peu près rien à son intelligence. On ne voit pas à quoi elles sont indispensables, sinon à jouer du piano. Ce qui constitue l'homme, c'est son intelligence, son système nerveux. L'organe extérieur est secondaire: n'importe quoi, bec, queue prenante, dents, trompe, pattes, eût fait l'office de mains. Il y a des nids d'oiseau que nulle habileté manuelle ne serait capable de tisser.
Pas plus que les organes de travail, les organes reproducteurs ne sont très bien adaptés à leur fin. Sans doute, ils l'atteignent, mais souvent au prix d'efforts qu'une meilleure disposition atténuerait ou ferait entièrement disparaître. Le mécanisme interne est ou semble merveilleux; le mécanisme externe est rudimentaire et ne donne un résultat, dirait-on, que grâce à l'ingéniosité toujours renouvelée des couples. L'instinct, dans un de ses actes les plus nécessaires, est souvent mis à une dure épreuve. L'aventure plausible de Daphnis a dû se renouveler bien souvent, encore que la souplesse du corps humain se prête assez bien à l'accouplement; mais qui n'a été surpris de voir un lourd taureau sauter gauchement sur la vache meuglante, replier le long de son dos ses jarrets inutiles, haleter, et ne réussir souvent que grâce aux bons offices d'un valet de ferme? Chez les castors, dit A. de Quatrefages[1], l'orifice externe des organes de la génération s'ouvre dans un cloaque placé tellement sous la queue qu'on a peine à comprendre comment peut se faire l'accouplement.
Certaines pariades sont de véritables tours de force, et l'animal, que ce soit la scutellère, un tout petit insecte, ou l'éléphant, un colosse, est obligé à des positions tout à fait différentes de ses gestes normaux. La nature, qui veut fermement la perpétuité des espèces, n'en a pas encore trouvé le moyen unique et simple; ou bien, l'ayant trouvé, le bourgeonnement, elle l'a délaissé pour adopter la diversité des organes, des moyens et des gestes.
Il n'est pas jusqu'à ceux de notre espèce, que l'homme, bien qu'ils lui soient chers, ne puisse critiquer; il l'a fait; sa critique a été de les diversifier encore, ce qui est une manière de simplifier la besogne fatale, en la rendant plus amène. Cette diversité, la morale l'a qualifiée du nom de luxure. C'est une péjoration qui pourrait s'appliquer aussi à l'exercice de nos autres sens. Tout n'est que luxure. Luxure, la variété des nourritures, leur cuisson, leur assaisonnement, la culture des espèces alimentaires; luxure, les exercices de l'œil, la décoration, la toilette, la peinture; luxure, la musique; luxure, les exercices merveilleux de la main, si merveilleux que le produit direct de l'activité manuelle peut être singé par une machine, jamais égalé; luxure, les fleurs, les parfums; luxure, les voyages rapides, le goût des paysages; luxure, tout art, toute science, toute civilisation; luxure aussi, la diversité des gestes humains, car l'animal, dans sa vertueuse sobriété, n'a qu'un geste pour chaque sens, toujours le même; et si ce geste change, ce qui est probable, mais lent et invisible, il n'y en a jamais qu'un. L'animal ignore la diversité, l'accumulation des aptitudes: l'homme seul est luxurieux. Il y a un principe que j'appellerai l'individualisme des espèces. Chaque espèce est un individu qui tire parti, de son mieux, pour ses fins utiles, des organes qui lui sont dévolus. Une espèce d'hyménoptères se sent-elle obligée, pour soustraire ses œufs à de nouveaux ennemis, de creuser la terre, elle se sert des outils qu'elle possède sans se soucier qu'ils aient ou non été disposés pour la fouille; elle agit ainsi, pressée par la nécessité, comme, en temps d'inondation, l'homme grimpe aux arbres, comme il court sur les toits en cas d'incendie. Le besoin est indépendant de l'organe; il le précède et ne le crée pas toujours. Dans l'acte sexuel, le besoin ordonne le geste: l'animal s'adapte à des positions qui lui sont étrangères et très difficiles. L'accouplement est presque toujours une grimace. On dirait que la nature a mis là l'organe mâle, ici l'organe femelle, et qu'elle a laissé à l'ingéniosité spécifique le soin d'en faire la jointure.
Il est permis, je pense, de conclure, de la médiocre adaptation des animaux au milieu et des organes aux actes, que ce n'est pas le milieu qui les façonne absolument, et que ce ne sont pas les organes qui gouvernent absolument les actes. On se sent alors incliné à reprendre la définition de l'homme donnée par Bonald, et même à la trouver admirable, juste, rigoureuse: Une intelligence servie par des organes. Non pas obéie, toujours; servie, ce qui implique une imperfection, un désaccord entre l'ordre et l'accomplissement. Mais ce n'est pas seulement à l'homme que s'applique cette phrase, dont l'origine spiritualiste ne diminue nullement la valeur aphoristique; elle qualifie tout animal. L'animal est un centre nerveux servi par les différents outils où viennent aboutir ses rameaux. Il commande et les outils obéissent, bons ou mauvais. S'ils étaient incapables de faire leur besogne, au moins dans sa partie essentielle, l'animal périrait. Il y a des formes de parasitisme qui semblent la conséquence d'un renoncement général des organes; impuissant à entrer en relations directes avec le monde extérieur, desservi par la mollesse des muscles, le système nerveux dirige vers un havre, où il l'échoué, l'esquif dont il a le gouvernement.
M. Fabre dit, en pensant particulièrement aux insectes: «L'organe ne détermine pas l'aptitude.» Voilà qui confirme fort heureusement la manière de voir de Bonald. Jetée à la fin d'un chapitre, sans presque rien qui la justifie directement, cette affirmation n'en a que plus de valeur. C'est la conclusion, non d'une dissertation, mais d'une longue suite d'observations scientifiques. Quant aux faits que l'on pourrait mettre dedans, et qui sont innombrables, on les classerait sous deux chefs: l'animal se sert comme il peut des organes qu'il possède;-il ne s'en sert pas toujours. Le cerf-volant, le mieux armé de tous nos insectes, est inoffensif; tel carabe, d'allure pacifique, est une redoutable bête de proie. A propos de la pilule où le scarabée enferme son ouf, de l'habileté avec laquelle elle est malaxée et feutrée, dans l'obscurité d'un trou, par l'insecte manchot, Fabre dit simplement: «L'idée me vient d'un éléphant qui voudrait faire de la dentelle.» Mais en quel insecte verrons-nous un parfait accord entre l'œuvre et l'organe? Est-ce chez l'abeille? Il n'y paraît guère. L'abeille se sert pour battre et modeler la cire, embouteiller le miel, des mêmes organes exactement que ses sœurs, ammophile, bembex, sphex, fourmi, chalicodome, utilisent pour creuser la terre, fouiller le sable, tracer des souterrains, maçonner des maisonnettes. La libellule ne fait rien des crochets qui rendent redoutable le termite, et elle rôde, paresseuse, cependant que, comme elle, névroptère et rien de plus, son frère industrieux élève des himalayas.
La courtilière est si bien organisée pour creuser le sol, avec ses jambes courtes, arquées, puissantes, qu'elle entamerait du grès: elle ne hante que la terre molle des jardins. L'antophore, au contraire, sans autres instruments que ses médiocres mandibules, ses pattes velues, force le ciment qui lie les pierres des murs, entame la terre durcie des talus, le long des routes.
Les insectes, d'ailleurs, comme les hommes, ne demandent qu'à ne rien faire et à laisser dormir leurs outils; le xylocope, ce beau bourdon violet, qui doit creuser dans le bois, pour y pondre, une galerie longue comme deux fois la main, s'il trouve un trou convenable tout préparé, s'en empare et se borne aux menus travaux d'aménagement. En somme, les insectes sont presque rares qui, comme les mouches porte-scie (tenthrèdes), se servent d'un instrument précis pour un travail précis.
La main de l'homme, revenons-y encore, lui est utile parce qu'il est intelligent. En soi, la main n'est rien. A preuve les singes et les rongeurs qui n'en font rien, qui ne s'en servent que pour grimper aux arbres, s'épouiller, éplucher des noix. Nos cinq doigts, mais rien n'est plus répandu dans la nature, où ce n'est qu'un signe de vétusté: les sauriens les ont, et n'en sont pas plus malins. C'est sans doigts, sans mains, sans membres, que des larves d'insectes se contruisent de merveilleuses coques mosaïquées, se tissent des tentes en bourre de soie, exercent les métiers de plâtrier, de mineur, de charpentier. Mais cette main de l'homme, devenue la plus grande merveille du monde, voyez combien elle est inférieure à son génie et comment, pour obéir aux ordres toujours plus précis de son intelligence, il a dû l'allonger, l'affiner, la compliquer. Est-ce la main qui a créé les machines? L'intelligence de l'homme dépasse immensément ses organes; elle les submerge; elle leur demande l'impossibilité et l'absurde: de là, les chemins de fer, le télégraphe, le microscope et tout ce qui multiplie la puissance d'organes devenus rudimentaires devant les exigences du cerveau, notre maître. Il a demandé aussi aux organes sexuels plus qu'ils ne pouvaient donner: et c'est pour les satisfaire que furent inventés ces gestes qui jettent sur le lit de l'amour tant de fleurs et tant de rêves.
Il est difficile de faire comprendre que l'œil voit, non parce qu'il est un œil, mais parce qu'il se trouve au bout des filets nerveux qui sont sensibles à la lumière. Au bout des filets qui perçoivent le son, il entendrait. Sans doute, il est adapté à sa fonction, comme l'oreille à la sienne, mais cette fonction est un effet et non une cause. Les yeux des insectes sont très différents des nôtres. On a parlé des expériences d'un savant allemand, qui prétend faire arriver les images visuelles au cerveau sans l'intermédiaire de l'œil. C'est suspect, mais non absurde: les insectes sont certainement doués de l'odorat, mais on n'a jamais pu, sur aucun d'eux, en découvrir l'organe; et, d'autre part, le rôle des antennes, qui semble considérable dans leur vie, reste fort obscur, puisque l'ablation de ces appendices n'a pas toujours une influence mesurable sur leur activité[2].
Les organes les plus évidemment utiles sont quelquefois insérés dans une position qui diminue leur valeur. Voyez ce cheval au repos vers lequel, face à face, un autre cheval se dirige (les rues de Paris donnent facilement ce spectacle); comment va-t-il faire pour évaluer le danger, reconnaître le mouvement? Va-t-il regarder? Non. Ses yeux sont faits pour voir de côté, non en face. Il a recours à ses longues oreilles, les dresse, amène leur pavillon dans la direction du bruit. Rassuré, il les ramène, reprend son calme.
Le cheval regarde avec ses oreilles. Ses œillères, par quoi on prétend le forcer à regarder droit devant lui, ne servent qu'à le rendre quasi aveugle, ce qui diminue peut-être son impressionnabilité. Les chevaux réellement aveugles rendent d'ailleurs les mêmes services que les autres.
Les sens, comme on le sait, se substituent les uns aux autres, dans une certaine mesure; mais, à l'état normal, ils semblent plutôt se renforcer mutuellement, se prêter un certain appui. On ne ferme les yeux, pour mieux entendre, que lorsqu'on est bien fixé sur la provenance du son. Et encore, est-ce vraiment pour mieux entendre? N'est-ce pas plutôt pour réfléchir et entendre à la fois, pour opérer une concentration intérieure que la vue, organe essentiel de l'exploration, pourrait troubler?
C'est dans l'amour que cette alliance de tous les sens s'exerce le plus intimement. Chez les animaux supérieurs, aussi bien que chez l'homme, ils viennent chacun, ensemble ou par groupe, renforcer le sens génital. Aucun ne reste inactif; l'œil, l'ouïe, l'odorat, le tact, le goût même entrent en jeu. C'est ainsi que l'on explique l'éclat des plumages, la danse, le chant, les odeurs sexuelles. L'œil des femelles, chez les oiseaux, est plus sensible que celui du mâle; c'est le contraire chez l'homme; mais les femelles de l'oiseau et de l'homme sont particulièrement touchées par le chant ou par la parole. Les deux sexes du chien ont pareillement recours à l'odorat; la vue ne semble jouer dans leurs accès sexuels qu'un rôle insignifiant, puisque de minuscules bêtes canines ne craignent pas de s'adresser à des monstres qui, pour un homme, dépasseraient la taille du mammouth. Souvent les insectes, avant la pariade, se caressent avec leurs mystérieuses antennes; mais le mâle est parfois doté d'un appareil stridulant: le grillon et le mâle de la cigale tambourinent pour charmer leurs compagnes.
Il n'est pas nécessaire d'exposer comment chez l'homme, et surtout chez le mâle, tous les sens concourent à l'amour, à moins que les préjugés moraux ou religieux n'arrêtent leur élan. Il en devait être ainsi dans un animal aussi sensible, d'une sensibilité aussi complexe et aussi multipliée. L'abstention d'un seul des cinq sens dans l'accouplement humain suffit à en affaiblir singulièrement la volupté. La froideur de beaucoup de femmes doit provenir, moins d'une diminution de leur sens génital que de la médiocrité générale de leurs sens. L'intelligence n'étant que le fruit mûri de la sensibilité générale, il arrive très souvent qu'elle se trouve dans un certain rapport d'intensité avec la sensibilité sexuelle. Froideur absolue pourrait signifier stupidité. Il est cependant des exceptions, et trop nombreuses, pour que l'on puisse généraliser cet accord. Il arrive en effet que l'intelligence, au lieu d'être la somme de la sensibilité, en est, pour ainsi dire, la déviation ou la transmutation. Il n'y a plus que très peu de sensibilité; elle est presque tout entière devenue intelligence.
Tout animal organisé a un maître, c'est son système nerveux; et il n'y a sans doute de vie véritable que là où il y a un système nerveux, que ce soit l'arbre magnifique, infiniment ramifié, des mammifères et des oiseaux, la double corde à nouds des mollusques, la tête de clou qui se plante, chez les ascidies, entre l'orifice buccal et l'orifice anal. Dès que cette matière nouvelle apparaît, elle règne despotiquement et l'imprévu fait son apparition dans le monde. On dirait un conquérant, ou plutôt un intrus, un parasite entré furtivement et qui s'est élevé au rôle de roi.
L'animal supporte mieux que l'homme cette tyrannie. Son maître lui demande moins de choses.
Souvent même, il ne lui en demande qu'une seule: créer un être à son exacte ressemblance. L'animal est sain, c'est-à-dire réglé; l'homme est fou, c'est-à-dire déréglé: il a tant d'ordres à exécuter à la fois, qu'il n'en accomplit presque aucun parfaitement bien. Dans les pays à civilisation très complexe, il ne sait presque plus se reproduire et l'espèce périclite. Elle disparaîtrait, si les moyens de défense n'y compensaient la stérilité.
On ne peut pas dire que l'humanité ait atteint ses bornes intellectuelles, quoique son évolution physique semble accomplie; mais comme les exemplaires humains supérieurs sont presque toujours stériles ou capables seulement d'une postérité médiocre, il se trouve que, seule entre les autres valeurs, l'intelligence ne se transmet pas par la génération. Alors le cercle se ferme et le même effort aboutit sans cesse au même recommencement. Cependant, là encore, des moyens artificiels interviennent, et la transmission des acquisitions de l'intelligence est relativement assurée par toutes sortes d'instruments. Ce mécanisme, bien inférieur à celui de la génération charnelle, permet du moins, si les formes les plus exquises de l'intelligence disparaissent à mesure qu'elles fleurissent, d'en conserver partiellement le contenu. Les notions se transmettent, et c'est un résultat, quoique la plupart restent vaines, faute de sensibilités assez puissantes pour se les assimiler et en refaire de la véritable vie.
Enfin, si l'homme devait abdiquer, ce qui semble improbable, l'animalité est assez riche pour lui susciter un héritier. Les candidats à l'humanité sont en très grand nombre, et ce ne sont pas ceux auxquels penserait le vulgaire. Qui sait si nos descendants, quelque jour, ne se trouveront pas en face d'un rival, fort de toute sa jeunesse? La création n'a pas chômé, depuis que l'homme a surgi; depuis ce monstre, la nature a continué son labeur: le hasard humain peut se reproduire demain.
1901-1903.
[1] Dictionnaire d'histoire naturelle de d'Orbigny.
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INDEX
ESPÈCES ANIMALES ET AUTRES DIVISIONS ZOOLOGIQUES
A la suite du nom de certains animaux peu connus ou prêtant à équivoque, un mot abrégé indique la classe, Tordre, le genre, etc., etc., selon les cas, où on, le rattache. Cette précaution n'est prise que dans un but de clarté et pour éviter des recherches. Ainsi: Xénos (ac.) signifie que ce petit parasite des hyménoptères est un acarien. Ce dernier mot sera expliqué par le premier dictionnaire technique: xénos est plus difficile à trouver.
Voici la liste de ces abréviations:
Ac.= Acariens.
Ar.= Araignées.
Carn. = Carnivores.
Ceph. = Céphalopodes.
Ch. = Chéloniens.
Col. = Coléoptères.
Cr. is. = Crustacés isopodes.
Cr. par. = Cr. parasites.
Dipt. = Diptères.
Ech. = Echinodermes.
Hem. = Hémiptères.
Hym.= Hyménoptères.
Lep. = Lépidoptères.
Mam. = Mammifères.
Nevr. = Névroptères.
Ois. = Oiseaux.
Onq. = Ongulés.
Orth. = Orthoptères.
Poiss. = Poissons.
Pol.= Polypes.
Ps. nevr. = Pseudonévroptères.
Rong.= Rongeurs.
Tun.= Tuniciers.
Vers = Vers.
Abeilles, 9, 12, 21, 29, 32, 42, 44, 66, 76, 83, 123,
184, 208 à 218, 223, 228, 235, 243, 249, 255, 256, 260.
Abeilles maçonnes, 19, 76, 256, 272.
—Voyez Chalicodome.
Abeilles solitaires, 19.
Aeshnes (Nevr.).—Voyez Libellules.
Agouti (Rong.), 87.
Agrions (Nevr.).—Voyez Libellules.
Alouette, 251.
Amblyornis (Ois.), 174 à 176.
Ammophile hérissée (Hym), 260, 269, 272.
Amphioxus (Poiss.), 139.
Analote des Alpes (Ortii.), 160, 161.
Anatife, 118.—Voyez Cirripèdes.
Anatifère, 119.—Voyez Cirripèdes.
Ane, 184, 234.
Anergates, 224.—Voyez Fourmis.
Anesse, 235.—Voyez Ane.
Annélides (Vers), 26.
Anoures.—Voyez Batraciens.
Antilope, 202, 203, 206, 225.
Antophore (Hym.), 19, 20, 270.
Aphis.—Voyez Pucerons.
Arachnides tardigrades, 29.
Aranéides.—Voyez Araignées.
Araignée d'eau.—Voyez Argyronite.
Araignées, 11, 48, 94, 97, 145 à 152, 156, 157, 160, 199.
Araignées sauteuses, 151.
Argonautes (Cépii.), 134, 135.
Argulê (Cr. par.), 232.
Argyronète (Ar.), 49, 150, 151.
Arthropodes, 29, 52, 83, 93, 94, 95, 116 à 125.
Artizoaires, 26.
Ascidies (f un.), 139, 144, 275.
Aselle (Cn. is.), 118.
Astéries (Ech.), 23, 134.
Autruche, 92.
Baleine, 88, 113.
Bardeau, 234.
Barnacles, 119.—Voyez Cirripèdes.
Batraciens, 61, 70, 92, 94, 116, 126, 128 à 131, 192.
Bélier, 102, 184.
Bembex (Hym.), 19, 42, 269.
Biche, 57, 184, 262.—Voyez Cerf.
Biche (Poiss.), 115.
Bilhargie (Vers), 39.
Bimanes.—Voyez Homme.
Bison, 202.
Blaireau, 88.
Blennie (Poiss.), 131.
Bœuf, 58.
Bombyx, 32, 40, 179, 180.
Bombyx du chêne, 182.—Voyez Grand-Paon.
Bombyx du mûrier, 40.
Bonellie (Vers), 36, 37.
Bopyre (Cr. is.), 118.
Bouc, 184, 202.
Bourdons, 34, 42, 208, 220, 223, 224.
Bousiers (Col.), 191.
Brebis, 184.
Bupreste, 190.
Busard (Ois.), 52.
Cacan (Hem.).—Voyez Cigale de l'orne.
Calmar (Ceph.), 138.
Canard, 92, 93, 202, 231, 258.
Cane, 231.—Voyez Canard.
Canepetière (Ois.), 53.
Cantharide (Col.), 11, 169, 170, 232.
Carabes (Col.), 244, 246, 269.
Carnassiers.—Voyez Carnivores.
Carnivores, 66, 85, 87, 89, 91, 194, 245.
Casoar, 92.
Castor, 88, 216, 223, 227, 229, 261, 264, 265.
Céphalopodes, 94, 136 à 138, 158.
Cercéris (Hym.), 190, 260.
Cerfs, 57, 172, 183, 184, 202, 232.
Cerf-volant (Col.).—Voy. Lucane.
Cérocome (Col.), 170, 171.
Cétacés, 88, 90.
Chalicodome (Hym.), 39, 42, 43, 44, 228, 255, 269.
Chameau, 86, 87.
Charançons, 190, 259.
Chat, 56, 58, 87, 89, 91, 103 à 105, 108, 111, 124, 184, 195.
Chauves-souris, 10, 85, 90, 91, 184, 189.
Cheimatobia (Lep.), 41.
Chéiroptères, 26, 86.—Voyez Chauve-Souris.
Chéloniens, 91, 92, 94.—Voyez Tortues.
Chenilles processionnaires, 255.
Cheval, 14, 58, 63, 167, 184, 235, 272, 273.
Chèvre, 184, 204.
Chevrette, 184, 202.—Voyez Chevreuil.
Chevreuil, 202.
Chien, 14, 58, 63, 87, 89, 90, 102 à 104, 111, 124,
168, 182, 184, 185, 186, 195, 204, 232, 274.
Chimpanzé, 87, 101.
Cigale (Hem.), 47, 160, 178, 191, 261, 274.
Cigale de l'orne (Hem.), 47.
Cimbex jaune (Hym.), 45.
Cirripèdes (Crust.), 37, 38, 119.
Cobra, 57.
Coccidés (Hem.), 51.
Cochenille (Hem.), 51.
Cœlentérés (Pol.), 24.
Coléoptères, 40, 49, 121, 184, 191, 244.
Colombe, 188.
Combattant (Ois.), 54.
Copris (Col.), 65, 191.
Coq, 56, 172, 201.
Coqs de bruyère.—Voyez Tétras.
Coq de roche, 172.
Corvidés, 177.
Couguar (Carn.), 56.
Couleuvre, 11.
Coureurs (Ois.), 94.
Courtilière (Okth.), 269, 270.
Cousin (Dipt.), 199.
Crabes, 117.
Crapaud, 192.
Crapaud accoucheur, 129.
Crapaud aquatique, 129.
Crapaud pipa, 130, 131.
Crapaud terrestre, 129.
Crevette.—Voyez Palémon
Crevette des ruisseaux, 118.
Crocodiles, 91, 92, 94, 114.
Crustacés, 94, 116 à 119.
Cténize (Ar.), 200.
Cul-brun (Lep.), 41.
Cul-doré (Lep.), 41.
Cygne, 92.
Cynips terminal (Hym.), 45.
Cyprins, 139.
Daman (Ong.), 89.
Dauphin, 87.
Dectiques (Orth.), 157.
Dectique à front blanc, 158, 159.
Demoiselle.—Voyez Libellule.
Dindon, 55.
Douves (Vers), 39.
Dromadaire, 87.
Echinodermes, 94, 134, 140.
Ëcrevisse, 117.
Écureuil, 101.
Édentés, 88.
Éléphant, 86, 87, 90, 112, 237, 265.
Empuse (Orth.), 165.
Epeire (Ar.), 48, 148, 149.
Éphémère (Ps. Nevr.), 19.
Éphippigère (Orth.), 161.
Épinoche, 200, 201.
Éponge, 26, 27.
Escargot, 142, 201.
Étalon, 58, 202, 235.—Voyez Cheval.
Étoile de mer, 28, 31, 32.—Voyez Astéries.
Faisan, 54, 202.
Faisan argenté, 53.
Faisan doré, 54.
Faucheur (Ar.), 152.
Faucon, 52.
Fauvette, 53.
Faux-Bourdons.—Voyez Abeilles.
Félidés.—Voyez Félins.
Félins, 56, 87.
Femme, 11, 18, 33, 35, 42, 60 à 71, 77, 78, 80, 81,
82, 88, 89,104 à 107,110, 132, 138, 204, 205, 233,
239, 240, 251, 254, 274.
—Voyez Homme.
Forficule (Orth.), 120.
Fourmis, 31, 42, 45, 83, 119, 120, 209, 220, 221,
222, 223, 224, 225, 227, 235, 245, 269.
Fourmis blanches (Nevr.).—Voyez Termites.
Frelon (Hym.), 43, 208, 219.
Gallinacés, 172, 192, 193, 201, 206, 225.
Gallinsectes (Hem.), 51.
Gastéropodes, 59, 114, 139, 143.
Géotrupe (Col.), 65, 191, 245.
Gerboise (Rong.), 87.
Gibbon, 198.
Girafe, 10.
Glouton (Mam.), 184.
Gorille, 60, 61.
Grand-Paon (Lep.), 19, 21, 180, 272.
Grenouilles, 32, 129.
Grillon (Orth.), 11, 47, 177, 178, 190, 244, 259, 274.
Guêpe dorée, 44.
Guêpes, 40, 42, 190, 208, 219, 220.
Hamster (Rong.), 194.
Hanneton, 121, 160.
Hareng, 123, 139.
Hase, 195, 197.—Voyez Lièvre.
Hélice (Gast.), 142, 247.
Hémiptères, 184.
Herbivores, 66, 202, 225, 244.
Hérisson, 114.
Hermine, 184.
Hippocampe (Poiss.), 132.
Hirudinées.—Voyez Sangsues.
Homard, 117.
Homme, 7, 8, 10, 12, 13, 14, 17, 18, 26, 33, 34, 42,
48, 60 à 72, 75, 78, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 88, 89,
90, 93, 98, 99, 100, 101, 102, 105, 110, 121, 122,
124, 135, 136, 143, 167, 177, 182, 188, 198, 199,
201, 204, 205, 206, 216, 217, 218, 223, 233, 235,
236, 238, 239, 241, 243, 245, 246, 248, 249, 252,
253, 254, 257, 261, 264, 266, 267, 268, 270, 271,
273 à 277.
Huître, 28, 139, 140.
Humaines (Espèces ou variétés).-Voyez Homme.
Humanité.—Voy. Homme.
Hurleurs (Singes), 61.
Hydraire, 37.
Hydre d'eau douce (Pol.), 27.
Hyène, 87, 89.
Hyménoptères, 42, 44, 45, 59, 65, 124, 178, 208 à 225,
259, 260, 261, 263, 267, 270.
Ichneumon (Hym.), 131.
Infusoires, 24.
Insectes, 9, 10, 13, 16, 18, 20, 29, 38, 39, 42, 47, 51,
57, 58, 65, 66, 93, 101, 102, 112, 116, 119, 134,
140, 144, 146, 151, 154, 157, 165, 169, 183, 184,
187, 189, 190, 191, 217, 224, 228, 235, 239, 254,
255, 258, 259, 268, 269, 270, 271, 272, 274.
Insectivores, 88.
Invertébrés, 35, 36, 89, 123, 217.
Jardinier (Ois.).—Voyez Amblyornis.
Jars, 202.—Voyez Oie.
Jouvencelle.—Voyez Libellule.
Jumart, 235.
Jument, 58, 184, 234.—Voyez Cheval.
Kangourou, 57, 91, 101.
Lamentin (Mam. nageurs), 87.
Lamproie, 92.
Lampyres (Col.), 50.
Langouste, 117.
Lapin, 171, 172, 184, 194 à 197, 234, 238.
Lapin angora, 197.
Lépidoptères.—Voyez Papillons.
Léporides, 234.
Lézards, 91, 192.—Voyez Sauriens.
Libellules, 94, 97, 121, 145, 152 à 154, 226, 269.
Lièvre, 91, 172, 234.
Limaces, 244.
Languatules (Ac), 119.
Lion, 56.
Lion marin, 113.
Liparis (Lep.), 41.
Locustiens (Orth.), 156 à 162.
Lophobranches (Poiss.), 131, 132.
Lophyre du pin (Hym.), 43.
Loriot, 53.
Loup, 87, 183, 184, 197.
Loutre, 88 184
Louve, 182.—Voyez Loup.
Louvette (Ac), 121.
Lucane (Col.), 49, 269.
Lycose (Ar.), 39.
Lyrure (Ois.), 202.
Mammifères, 9, 10, 13, 16, 26, 34, 38, 42, 52, 56, 58,
61, 64, 72, 80 à 95, 101, 102, 114, 116, 131, 161,
167, 182, 183, 185, 188, 194, 198, 205, 223, 229,
240, 254, 258, 275.
Mangouste (Carn.), 197.
Mantes (Orth.), 22, 39, 43, 57, 147, 149, 156, 157,
158, 163, 164, 243, 261.
Mante religieuse (Orth.), 22, 97, 163, 165, 243.
Mante décolorée (Orth.), 165.
Maringouins (Dipt.), 46.
Marmotte, 101.
Marsupiaux, 83, 91, 93, 94, 126.
Martre, 87, 172.
Ménure (Ois.), 55.
Merle, 38.
Métazoaires, 24, 26, 27, 28, 33, 94.
Minime à bande (Lep.)—Voy. Bombyx du chêne.
Moine (Lep.), 41.
Moineau, 11, 127, 169.
Mollusques, 29, 83, 93, 94, 116, 139, 275.
Monotrèmes, 94, 126, 136.
Morue, 123.
Morse, 113.
Mouches, 122, 151, 184, 230, 239.
Mouches porte-scie, 270.—Voyez Tenihrèdes.
Moustiques (Dipt.), 46.
Mouton, 199, 246.
Mulet, 234.
Mulot, 191.
Mutille (Hym.), 45.
Myxine (Poiss.), 139.
Nandou (Ois.), 92.
Nécrophores (Col.), 191, 243.
Névroptères, 40, 46, 216, 225, 227.
Noctuelle (Lep.), 180, 260.
Œstre, 239.
Oie, 92.
Oiseau du paradis, 55, 177.
Oiseaux, 10, 13, 14, 36, 38, 47, 52, 53, 56, 61, 70, 79,
83, 85, 92, 93, 94, 95, 124, 127, 128, 168, 172 à 177,
183, 184, 191, 192, 193, 201, 216, 224, 251, 254,
258, 261, 264, 273, 274, 275.
Onitis (Col.), 191.
Ophidiens, 57, 91, 115.
Orang, 60, 61, 87, 101, 198.
Orgye (Lep.), 41.
Ornithorynque, 94.
Orthoptères, 94, 97, 178.
Osmies (Hym.), 20, 21, 42, 65, 190, 228, 256 à 258.
Ouistiti, 89, 90.
Ours, 89, 101.
Ours brun, 57.
Oursins, 31, 77, 117, 134.
Outarde, 53, 55, 92.
Pachyderme, 85, 88.
Palémon (Crust.), 118.
Palingenia (Lep.), 21.
Palmipède, 94, 193, 201.
Panthère, 56.
Paon 55
Papillons, 19, 40, 41, 121, 178 à 182, 225.
Paradisiers (Ois.), 56, 174 à 177.
Pélopée (Hym.), 255.
Perce-oreille.—Voyez Forficule.
Perdrix rouge, 193.
Petit-Paon (Lep.), 181.
Phalarope (Ois.), 52.
Phalène (Lep.), 180.
Philanthe (Hym.), 44, 190, 243.
Phoque, 88, 89, 113, 114.
Phoque casqué, 57.
Pie, 174, 177, 251.
Piéride, 179.
Pieuvre, 138.
Pigeon, 193, 201.
Placentaires, 26, 90, 91, 184
Poissons, 34, 52, 83, 92, 93, 94, 95, 115, 123, 124 à 139,
140, 183, 192.
Polypes, 23, 24.
Porc, 61, 90, 184.
Poule, 56, 258.—Voyez Coq.
Poulet de prairie.—Voyez Tétras.
Primates, 26, 42, 60, 85, 87, 90, 204, 232.
Processionnaires (Chenilles) 255 256.
Protozoaires, 16, 23 à 29, 94.
Psyché (Lep.), 40.
Ptilinorhynches (Ois.), 174.
Puce (Dipt.), 120.
Pucerons (Hem.), 30, 31, 32, 34, 215, 221, 222, 245
Putois, 61, 172.
Quadrumanes.—Voyez Singes.
Quadrupèdes, 86.
Raie, 92, 115.
Rainette (Batr.), 47.
Rapaces (Ois.), 52.
Rat, 86, 91, 172.
Renard, 183, 184,194, 195.
Renne, 57.
Reptiles, 52, 83, 91, 126.
Requin, 115.
Rhinocéros, 87.
Rongeurs, 10, 26, 87 à 89, 126, 194, 270.
Rossignol, 193.
Rotifères, 26, 29, 30, 94.
Roussette (Poiss.), 115.
Ruminants, 85, 87 à 90.
Salamandre, 128.
Sanglier, 87, 172.
Sangsues, 143.
Sargue (Poiss.), 139.
Sarigue, 91.
Saumons, 133, 134, 183.
Sauriens, 52, 91, 94, 192, 270.—Voyez Lézards.
Sauterelles, 47, 165, 261.—Voyez Locustiens.
Sauterelle verte, 149, 159.
Scarabées, 39, 65, 245, 261, 262, 263, 269.
Scarabée nasicorne, 49.
Scarabée sacré, 191, 262.
Scolies (Hym.), 19, 42.
Scombre (Poiss.), 123, 139.
Scorpions, 94, 116, 117.
Scutellère (Hem.), 120, 265.
Seiches (Ceph.), 138.
Sélaciens (Poiss.), 92, 94, 126, 131.
Séran (Poiss.), 139.
Serpentaire (Ois.), 52.
Serpents, 182.—Voyez Ophidiens.
Serval (Garn.), 56.
Sifilet (Ois.), 56.
Simulies (Dipt.), 46.
Singes, 10, 61, 72, 85 à 90, 99, 101, 102, 124, 198, 204, 254, 270.
Siréniens (Mam. nageurs), 90.
Sisyphe (Col.), 65, 191.
Sitaris (Col.), 20, 21.
Solipèdes, 85, 87, 90.
Sparaillon (Poiss.), 139.
Sphex (Hym.), 19, 42, 190, 244, 246, 259, 269.
Sphinx, 180.
Squales (Poiss.), 92, 115.
Staphylins (Col.), 222, 245.
Syngames (Vers), 36.
Tachyte (Hym.), 42, 43.
Talégalle (Ois.), 194.
Talitre (Crust.), 118.
Taons (Dipt.), 46.
Tapir, 56.
Tarentule (Ar.), 151.
Taupe, 11, 57, 89, 107, 108.
Taureau, 57, 102, 114, 167, 184, 202, 235, 265.
Téléostéens (Poiss.), 92.
Tenthrèdes (Hym.), 270.
Termites (Nevr.), 46, 83, 216, 221, 223 à 227, 235, 269.
Têtards (Batr.), 74.
Tétras (Ois.), 173, 174.
Tétras lyrure.—Voyez Lyrure.
Tigre, 56, 246.
Tortues, 91, 114, 172.—Voyez Chéloniens.
Trionix (Chel.), 91.
Truite de mer, 134.
Tuniciers, 94.
Vache, 57, 184, 231, 265.—Voyez Taureau.
Vautour, 168.
Vautour cendré, 52.
Ver à deux têtes.—Voyez Syngame.
Ver à soie, 19.—Voyez Bombyx du mûrier.
Ver gris.—Voyez Noctuelle.
Vers, 23, 94.
Vertébrés, 52, 60, 83, 90, 96 à 115, 134, 139, 192.
Vierge.—Voy. Libellule.
Xénos (Ac), 40, 291
Xylocope (Hym.), 228, 256, 270.
Zibeline, 172, 183.
Zig-zag (Lep.).—Voyez Liparis.
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE PREMIER—MATIÈRE D'UNE IDÉE
La psychologie générale de l'amour.—L'amour selon les lois naturelles.—La sélection sexuelle.—Place de l'homme dans la nature.—Identité de la psychologie humaine et de la psychologie animale.—Caractère animal de l'amour.
CHAPITRE II—BUT DE LA VIE
Importance de l'acte sexuel.—Son caractère inéluctable.—Animaux qui ne vivent que pour se reproduire.—Lutte pour l'amour et lutte pour la mort.—Femelles fécondées à la minute môme de leur naissance.—Le maintien de la vie.
CHAPITRE III—ÉCHELLE DES SEXES
La reproduction asexuée.—Formation de la colonie animale. —Limites de la reproduction asexuée.—La conjugaison.—Naissance des sexes.—Hermaphrodisme et parthénogenèse.—La fécondation chimique.—Universalité de la parthénogenèse.
CHAPITRE IV—LE DIMORPHISME SEXUEL
1. Invertébrés.—Formation du mâle.—Primitivité de la femelle.—Mâles minuscules: la bonellie.—Régression du mâle en organe mâle: les cirripèdes.—Généralité du dimorphisme sexuel.—Supériorité de la femelle chez la plupart des insectes.—Exceptions.—Le dimorphisme numérique.—La femelle chez les hyménoptères.—Multiplicité de ses activités.—Rôle purement sexuel du mâle.—Dimorphisme des fourmis, des termites.—Cigales et grillons.—Les araignées.—Les coléoptères.—Le ver luisant.—Étrangeté du dimorphisme chez la cochenille.
CHAPITRE V—LE DIMORPHISME SEXUEL
II. Vertébrés.—Insensible chez les poissons, les sauriens, les reptiles.—Le monde des oiseaux.—Dimorphisme favorable aux mâles: le loriot, les faisans, le combattant.—Paons et dindons.—Les paradisiers.—Le dimorphisme modéré des mammifères.—Effets de la castration sur le dimorphisme.
CHAPITRE VI—LE DIMORPHISME SEXUEL
III. Vertébrés (suite).—L'homme et la femme.—Caractères et limites du dimorphisme humain.—Effets de la civilisation.—Le dimorphisme psychologique.—Le monde des insectes et le monde humain.—Le dimorphisme modéré, fondement du couple.—Solidité du couple humain.—Le dimorphisme et la polygamie.—Le couple favorise la femelle.—L'esthétique sexuelle.—Causes de la supériorité de la beauté féminine.
CHAPITRE VII—LE DIMORPHISME SEXUEL ET LE FÉMINISME
Infériorité et supériorité de la femelle selon les espèces animales.—Influence de l'alimentation sur la production des sexes.—La femelle aurait suffi.—Féminisme absolu et féminisme modéré.—Chimères: élimination du mâle et parthénogenèse humaine.
CHAPITRE VIII—LES ORGANES DE L'AMOUR
Le dimorphisme et le parallélisme sexuels.—Les organes sexuels de l'homme et de la femme.—Constance du parallélisme sexuel dans la série animale.—Les organes sexuels externes des mammifères placentaires.—Forme et position du pénis.—L'os pénial.—Le clitoris.—Le vagin.—Les mamelles.—La verge bifide des marsupiaux. —Organes sexuels des reptiles.—Les poissons et les oiseaux à organe pénial.—Organes génitaux des arthropodes.—Essai de classification animale d'après la forme, la disposition, la présence, l'absence des organes extérieurs de la reproduction.
CHAPITRE IX—LE MÉCANISME DE L'AMOUR
I. La Copulation: Vertébrés.—Ses variétés très nombreuses et sa fixilé spécifique.—Immoralité apparente de la nature.—L'ethnographie sexuelle.—Mécanisme humain.—Le cavalage.—Forme et durée de l'accouplement chez divers mammifères.—Aberrations sexuelles chirurgicales: l'ampallang.—La douleur, comme frein sexuel.—L'hymen. —La taupe.—Passivité de la femelle.—L'ovule, figure psychologique de la femelle.—Manie d'attribuer aux animaux des vertus humaines.—La pudeur des éléphants.—Mécanisme de l'accouplement chez les baleines, les phoques, les tortues.—Chez certains ophidiens et certain: poissons.
CHAPITRE X—LE MÉCANISME DE L'AMOUR
II. La Copulation (suite); Arthropodes.—Les scorpions.—Les gros crustacés aquatiques.—Les petits crustacés.—L'hydrachne.—Le scutellère.—Le hanneton.—Les papillons.—Les mouches, etc.—Sur la variation des mœurs sexuelles animales.
CHAPITRE XI—LE MÉCANISME DE L'AMOUR
III. Des oiseaux aux poissons.—Mâles sans pénis.—Accouplement par simple contact.—Salacité des oiseaux.—Copulation des batraciens: crapaud accoucheur, crapaud aquatique, crapaud terrestre, crapaud pipa.—Parasitisme fœtal.—Chasteté des poissons.—Les sexes séparés dans l'amour.—Fécondation onanistique.—Les céphalopodes: le spermatophore.
CHAPITRE XII—LE MÉCANISME DE L'AMOUR
IV. L'hermaphrodisme.—Vie sexuelle des huîtres.—Les gastéropodes. —L'idée de reproduction et l'idée de volupté.—Mécanisme de la fécondation réciproque: les hélices.—Mœurs spintriennes.—Réflexions sur l'hermaphrodisme.
CHAPITRE XIII—LE MÉCANISME DE L'AMOUR
V. Fécondation artificielle.—Disjonction de l'appareil sécréteur et de l'appareil copulateur.—Les araignées.—Découverte de leur méthode copulatrice.—Brutalité de la femelle.—Mœurs de l'épeire.—L'argyronète.—La tarentule.—Exceptions: les faucheurs.—Les libellules.—Les demoiselles, les vierges et les jouvencelles.—Tableau de leurs amours.
CHAPITRE XIV—LE MÉCANISME DE L'AMOUR
VI. Le Cannibalisme sexuel.—Les femelles qui mangent le mâle et celles qui mangent le spermatophore.—Utilité probable de ces pratiques.—La fécondation par le mâle total.—Amours du dectique à front blanc.—La sauterelle verte.—L'analote des Alpes.—L'éphippigère.—Autres réflexions sur le cannibalisme sexuel.—Amours de la mante religieuse.
CHAPITRE XV—LA PARADE SEXUELLE
Universalité de la caresse, des préludes amoureux.—Leur rôle dans la fécondation.—Jeux sexuels des oiseaux.—Comment se caressent les cantharides.—Combats des mâles.—Combats simulés chez les oiseaux.—La danse des tétras.—L'oiseau jardinier.—Sa maison de campagne.—Son goût pour les fleurs.—Réflexions sur l'origine de l'art.—Combats des grillons.—Parade des papillons.—Le sens de l'orientation sexuelle.—Le grand-paon.—Soumission des animaux aux ordres de la nature. Transmutation des valeurs physiques.—Calendrier du rut.
CHAPITRE XVI—LA POLYGAMIE
Rareté de la monogamie.—Goût du changement chez les animaux.—Rôle de la monogamie et de la polygamie dans la stabilité ou l'instabilité des types spécifiques.—Lutte du couple et de la polygamie.—Les couples parmi les insectes.—Parmi les poissons, les batraciens, les sauriens.—Monogamie des pigeons, des rossignols.—Monogamie des carnassiers, des rongeurs.—Mœurs du lapin.—La mangouste.—Causes inconnues de la polygamie.—Rareté et surabondance des mâles.—La polygamie chez les insectes.—Chez les poissons.—Chez les gallinacés et les palmipèdes.—Chez les herbivores.—Le harem de l'antilope.—La polygamie humaine.—Comment elle tempère le couple chez les civilisés.
CHAPITRE XVII—L'AMOUR CHEZ LES ANIMAUX SOCIAUX
Organisation de la reproduction chez les hyménoptères.—Les abeilles.—Noces de la reine.—La mère abeille, cause et conscience de la ruche.—Royauté sexuelle.—Les limites de l'intelligence chez les abeilles.—Logique naturelle et logique humaine.—Les guêpes.—Les bourdons.—Les fourmis.—Notes sur leurs mœurs.—État très avancé de leur civilisation.—L'esclavage et le parasitisme chez les fourmis.—Les termites.—Les neuf principales formes actives des termites.—Ancienneté de leur civilisation.—Les castors.—Tendance des animaux industrieux à l'inactivité.
CHAPITRE XVIII—LA QUESTION DES ABERRATIONS
Deux sortes d'aberrations sexuelles.—Les aberrations sexuelles des animaux.—Celles des hommes.—Le croisement des espèces.—La chastelé.—La pudeur—Variété et localisations de la pudeur sexuelle.—Création artificielle de la pudeur.—Sorte de pudeur naturelle à toutes les femelles.—La cruauté.—Tableau de carnage.—Le grillon dévoré vivant.—Mœurs des carabes.—Tout être vivant est proie.—Nécessité de tuer ou d'être tué.
CHAPITRE XIX—L'INSTINCT
L'instinct.—Si on peut l'opposer à l'intelligence.—L'instinct chez l'homme.—Primordialité de l'intelligence.—Rôle conservateur de l'instinct.—Rôle modificateur de l'intelligence.—L'intelligence et la conscience.—Parité de l'instinct chez les animaux et chez l'homme.—Caractère mécanique de l'acte instinctif.—L'instinct modifié par l'intelligence.—L'habitude du travail créant le travail inutile.—Objections à l'identification de l'instinct et de l'intelligence tirées de la vie des insectes.
CHAPITRE XX—LA TYRANNIE DU SYSTÈME NERVEUX
Accord et désaccord entre les organes et les actes.—Les tarses du scarabée sacré.—La main de l'homme.—Adaptation médiocre des organes sexuels à la copulation.—Origine de la luxure.—L'animal est un système nerveux servi par des organes.—L'organe ne détermine pas l'aptitude.—La main de l'homme inférieure à son génie.—Substitution des sens l'un par l'autre.—Union et rôle des sens dans l'amour.—L'homme et l'animal sous la tyrannie du système nerveux.—Usure de l'humanité compensée par ses acquisitions.—Les héritiers de l'homme.