Poésies choisies de André Chénier
POÈMES
I
L'INVENTION
O fils du Mincius, je te salue, ô toi
Par qui le dieu des arts fut roi du peuple-roi!
Et vous, à qui jadis, pour créer l'harmonie,
L'Attique et l'onde Égée, et la belle Ionie,
5Donnèrent un ciel pur, les plaisirs, la beauté,
Des moeurs simples, des lois, la paix, la liberté,
Un langage sonore aux douceurs souveraines,
Le plus beau qui soit né sur des lèvres humaines!
Nul âge ne verra pâlir vos saints lauriers,
10Car vos pas inventeurs ouvrirent les sentiers;
Et du temple des arts que la gloire environne
Vos mains ont élevé la première colonne.
A nous tous aujourd'hui, vos faibles nourrissons,
Votre exemple a dicté d'importantes leçons.
15Il nous dit que nos mains, pour vous être fidèles,
Y doivent élever des colonnes nouvelles.
L'esclave imitateur naît et s'évanouit;
La nuit vient, le corps reste, et son ombre s'enfuit.
Ce n'est qu'aux inventeurs que la vie est promise.
20Nous voyons les enfants de la fière Tamise,
De toute servitude ennemis indomptés;
Mieux qu'eux, par votre exemple, à vous vaincre excités,
Osons; de votre gloire éclatante et durable
Essayons d'épuiser la source inépuisable.
25Mais inventer n'est pas, en un brusque abandon,
Blesser la vérité, le bon sens, la raison;
Ce n'est pas entasser, sans dessein et sans forme,
Des membres ennemis en un colosse énorme;
Ce n'est pas, élevant des poissons dans les airs,
30A l'aile des vautours ouvrir le sein des mers;
Ce n'est pas sur le front d'une nymphe brillante
Hérisser d'un lion la crinière sanglante:
Délires insensés! fantômes monstrueux!
Et d'un cerveau malsain rêves tumultueux!
35Ces transports déréglés, vagabonde manie,
Sont l'accès de la fièvre et non pas du génie;
D'Ormus et d'Ariman ce sont les noirs combats,
Où, partout confondus, la vie et le trépas,
Les ténèbres, le jour, la forme et la matière,
40Luttent sans être unis; mais l'esprit de lumière
Fait naître en ce chaos la concorde et le jour:
D'éléments divisés il reconnaît l'amour,
Les rappelle; et partout, en d'heureux intervalles,
Sépare et met en paix les semences rivales.
45Ainsi donc, dans les arts, l'inventeur est celui
Qui peint ce que chacun put sentir comme lui;
Qui, fouillant des objets les plus sombres retraites,
Étale et fait briller leurs richesses secrètes;
Qui, par des noeuds certains, imprévus et nouveaux,
50Unissant des objets qui paraissaient rivaux,
Montre et fait adopter à la nature mère
Ce qu'elle n'a point fait, mais ce qu'elle a pu faire;
C'est le fécond pinceau qui, sûr dans ses regards,
Retrouve un seul visage en vingt belles épars,
55Les fait renaître ensemble, et, par un art suprême,
Des traits de vingt beautés forme la beauté même.
La nature dicta vingt genres opposés
D'un fil léger entre eux chez les Grecs divisés.
Nul genre, s'échappant de ses bornes prescrites,
60N'aurait osé d'un autre envahir les limites,
Et Pindare à sa lyre, en un couplet bouffon,
N'aurait point de Marot associé le ton.
De ces fleuves nombreux dont l'antique Permesse
Arrosa si longtemps les cités de la Grèce,
65De nos jours même, hélas! nos aveugles vaisseaux
Ont encore oublié mille vastes rameaux.
Quand Louis et Colbert, sous les murs de Versailles,
Réparaient des beaux-arts les longues funérailles,
De Sophocle et d'Eschyle ardents admirateurs,
70De leur auguste exemple élèves inventeurs,
Des hommes immortels firent sur notre scène
Revivre aux yeux français les théâtres d'Athène.
Comme eux, instruits par eux, Voltaire offre à nos pleurs
Des grands infortunés les illustres douleurs;
75D'autres esprits divins, fouillant d'autres ruines,5
Sous l'amas des débris, des ronces, des épines,
Ont su, pleins des écrits des Grecs et des Romains,
Retrouver, parcourir leurs antiques chemins,
Mais, oh! la belle palme et quel trésor de gloire
80Pour celui qui, cherchant la plus noble victoire,
D'un si grand labyrinthe affrontant les hasards,
Saura guider sa muse aux immenses regards,
De mille longs détours à la fois occupée,
Dans les sentiers confus d'une vaste épopée;
85Lui dire d'être libre, et qu'elle n'aille pas
De Virgile et d'Homère épier tous les pas,
Par leur secours à peine à leurs pieds élevée;
Mais, qu'auprès de leurs chars, dans un char enlevée,
Sur leurs sentiers marqués de vestiges si beaux,
90Sa roue ose imprimer des vestiges nouveaux!
Quoi! faut-il, ne s'armant que de timides voiles,
N'avoir que ces grands noms pour nord et pour étoiles,
Les côtoyer sans cesse, et n'oser un instant,
Seul et loin de tout bord, intrépide et flottant,
95Aller sonder les flancs du plus lointain Nérée
Et du premier sillon fendre une onde ignorée?
Les coutumes d'alors, les sciences, les moeurs
Respirent dans les vers des antiques auteurs.
Leur siècle est en dépôt dans leurs nobles volumes.
100Tout a changé pour nous, moeurs, sciences, coutumes.
Pourquoi donc nous faut-il, par un pénible soin,
Sans rien voir près de nous, voyant toujours bien loin,
Vivant dans le passé, laissant ceux qui commencent,
Sans penser, écrivant d'après d'autres qui pensent,
105Retraçant un tableau que nos yeux n'ont point vu,
Dire et dire cent fois ce que nous avons lu?
De la Grèce héroïque et naissante et sauvage
Dans Homère à nos yeux vit la parfaite image.
Démocrite, Platon, Epicure, Thalès,
110Ont de loin à Virgile indiqué les secrets
D'une nature encore à leurs yeux trop voilée.
Torricelli, Newton, Kepler et Galilée,
Plus doctes, plus heureux dans leurs puissants efforts,
A tout nouveau Virgile ont ouvert des trésors.
115Tous les arts sont unis: les sciences humaines
N'ont pu de leur empire étendre les domaines,
Sans agrandir aussi la carrière des vers.
Quel long travail pour eux a conquis l'univers!
Aux regards de Buffon, sans voile, sans obstacles,
120La terre ouvrant son sein, ses ressorts, ses miracles,
Ses germes, ses coteaux, dépouille de Téthys;
Les nuages épais, sur elle appesantis,
De ses noires vapeurs nourrissant leur tonnerre;
Et l'hiver ennemi, pour envahir la terre,
125Roi des antres du Nord, et, de glaces armés,5
Ses pas usurpateurs sur nos monts imprimés;
Et l'oeil perçant du verre, en la vaste étendue,
Allant chercher ces feux qui fuyaient notre vue,
Aux changements prédits, immuables, fixés,
130Que d'une plume d'or Bailly nous a tracés;
Aux lois de Cassini les comètes fidèles;
L'aimant, de nos vaisseaux seul dirigeant les ailes;
Une Cybèle neuve et cent mondes divers
Aux yeux de nos Jasons sortis du sein des mers;
135Quel amas de tableaux, de sublimes images,
Naît de ces grands objets réservés à nos âges!
Sous ces bois étrangers qui couronnent ces monts,
Aux vallons de Cusco, dans ces antres profonds,
Si chers à la fortune et plus chers au génie,
140Germent des mines d'or, de gloire et d'harmonie.
Pensez-vous, si Virgile ou l'Aveugle divin
Renaissaient aujourd'hui, que leur savante main
Négligeât de saisir ces fécondes richesses,
De notre Pinde auguste éclatantes largesses?
145Nous en verrions briller leurs sublimes écrits;
Et ces mêmes objets, que vos doctes mépris
Accueillent aujourd'hui d'un front dur et sévère,
Alors à vos regards auraient seuls droit de plaire.
Alors, dans l'avenir, votre inflexible humeur
150Aurait soin de défendre à tout jeune rimeur
D'oser sortir jamais de ce cercle d'images
Que vos yeux auraient vu tracé dans leurs ouvrages.
Mais qui jamais a su, dans des vers séduisants,
Sous des dehors plus vrais peindre l'esprit aux sens?
155Mais quelle voix jamais d'une plus pure flamme
Et chatouilla l'oreille et pénétra dans l'âme?
Mais leurs moeurs et leurs lois, et mille autres hasards,
Rendaient leur siècle heureux plus propice aux beaux-arts.
Eh bien! l'âme est partout; la pensée a des ailes.
160Volons, volons chez eux retrouver leurs modèles;
Voyageons dans leur âge, où, libre, sans détour,
Chaque homme ose être un homme et penser au grand jour.
Au tribunal de Mars, sur la pourpre romaine,
Là du grand Cicéron la vertueuse haine
165Écrase Céthégus, Catilina, Verrès;
Là tonne Démosthène; ici de Périclès
La voix; l'ardente voix, de tous les coeurs maîtresse,
Frappe, foudroie, agite, épouvante la Grèce.
Allons voir la grandeur et l'éclat de leurs jeux.
170Ciel! la mer appelée en un bassin pompeux!
Deux flottes parcourant cette enceinte profonde,
Combattant sous les yeux du conquérant du monde!
O terre de Pélops! avec le monde entier
Allons voir d'Épidaure un agile coursier,
175Couronné dans les champs de Némée et d'Élide;
Allons voir au théâtre, aux accents d'Euripide,
D'une sainte folie un peuple furieux
Chanter: Amour, tyran des hommes et des dieux;
Puis, ivres des transports qui nous viennent surprendre,
180Parmi nous, dans nos vers, revenons les répandre;
Changeons en notre miel leurs plus antiques fleurs;
Pour peindre notre idée empruntons leurs couleurs;
Allumons nos flambeaux à leurs feux poétiques;
Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques.
185Direz-vous qu'un objet né sur leur Hélicon
A seul de nous charmer pu recevoir le don?
Que leurs fables, leurs dieux, ces mensonges futiles,
Des Muses noble ouvrage, aux Muses sont utiles?
Que nos travaux savants, nos calculs studieux,
190Qui subjuguent l'esprit et répugnent aux yeux,
Que l'on croit malgré soi, sont pénibles, austères,
Et moins grands, moins pompeux que leurs belles chimères?
Ces objets, hérissés, dans leurs détours nombreux,
Des ronces d'un langage obscur et ténébreux,
95Pour l'âme, pour les sens offrent-ils rien à peindre?
Le langage des vers y pourrait-il atteindre?
Voilà ce que traités, préfaces, longs discours,
Prose, rime, partout nous disent tous les jours.
Mais enfin, dites-moi, si d'une oeuvre immortelle
200La nature est en nous la source et le modèle,
Pouvez-vous le penser que tout cet univers,
Et cet ordre éternel, ces mouvements divers,
L'immense vérité, la nature elle-même,
Soit moins grande en effet que ce brillant système
205Qu'ils nommaient la nature, et dont d'heureux efforts
Disposaient avec art les fragiles ressorts?
Mais quoi! ces vérités sont au loin reculées,
Dans un langage obscur saintement recélées:
Le peuple les ignore. O Muses, ô Phoebus!
210C'est là, c'est là sans doute un aiguillon de plus.
L'auguste poésie, éclatante interprète,
Se couvrira de gloire en forçant leur retraite.
Cette reine des coeurs, à la touchante voix,
A le droit, en tous lieux, de nous dicter son choix,
215Sûre de voir partout, introduite par elle,
Applaudir à grands cris une beauté nouvelle,
Et les objets nouveaux que sa voix a tentés
Partout, de bouche en bouche, après elle chantés.
Elle porte, à travers leurs nuages plus sombres,
220Des rayons lumineux qui dissipent leurs ombres,
Et rit quand dans son vide un auteur oppressé
Se plaint qu'on a tout dit et que tout est pensé.
Seule, et la lyre en main, et de fleurs couronnée,
De doux ravissements partout accompagnée,
225Aux lieux les plus déserts, ses pas, ses jeunes pas,
Trouvent mille trésors qu'on ne soupçonnait pas.
Sur l'aride buisson que son regard se pose,
Le buisson à ses yeux rit et jette une rose.
Elle sait ne point voir, dans son juste dédain,
230Les fleurs qui trop souvent, courant de main en main,
Ont perdu tout l'éclat de leurs fraîcheurs vermeilles;
Elle sait même encore, ô charmantes merveilles!
Sous ses doigts délicats réparer et cueillir
Celles qu'une autre main n'avait su que flétrir.
235Elle seule connaît ces extases choisies,
D'un, esprit tout de feu mobiles fantaisies,
Ces rêves d'un moment, belles illusions,
D'un monde imaginaire aimables visions,
Qui ne frappent jamais, trop subtile lumière,
240Des terrestres esprits l'oeil épais et vulgaire.
Seule, de mots heureux, faciles, transparents,
Elle sait revêtir ces fantômes errants:
Ainsi des hauts sapins de la Finlande humide,
De l'ambre, enfant du ciel, distille l'or fluide,
245Et sa chute souvent rencontre dans les airs
Quelque insecte volant qu'il porte au fond des mers;
De la Baltique enfin les vagues orageuses
Roulent et vont jeter ces larmes précieuses
Où la fière Vistule, en de nobles coteaux,
250Et le froid Niémen expirent dans ses eaux.
Là, les arts vont cueillir cette merveille utile,
Tombe odorante où vit l'insecte volatile:
Dans cet or diaphane il est lui-même encor;
On dirait qu'il respire et va prendre l'essor.
255Qui que tu sois enfin, ô toi, jeune poète,
Travaille, ose achever cette illustre conquête.
De preuves, de raisons, qu'est-il encor besoin?
Travaille. Un grand exemple est un puissant témoin.
Montre ce qu'on peut faire en le faisant toi-même.
260Si pour toi la retraite est un bonheur suprême;
Si chaque jour les vers de ces maîtres fameux
Font bouillonner ton sang et dressent tes cheveux;
Si tu sens chaque jour, animé de leur âme,
Ce besoin de créer, ces transports, cette flamme,
265Travaille. A nos censeurs c'est à toi de montrer
Tous ces trésors nouveaux qu'ils veulent ignorer.
Il faudra bien les voir, il faudra bien se taire
Quand ils verront enfin, cette gloire étrangère
De rayons inconnus ceindre ton front brillant.
270Aux antres de Paros, le bloc étincelant
N'est aux vulgaires yeux qu'une pierre insensible.
Mais le docte ciseau, dans son sein invisible,
Voit, suit, trouve la vie, et l'âme, et tous ses traits.
Tout l'Olympe respire en ses détours secrets.
275Là vivent de Vénus les beautés souveraines;
Là des muscles nerveux, là de sanglantes veines
Serpentent; là des flancs invaincus aux travaux,
Pour soulager Atlas des célestes fardeaux,
Aux volontés du fer leur enveloppe énorme
280Cède, s'amollit, tombe; et de ce bloc informe
Jaillissent, éclatants, des dieux pour nos autels:
C'est Apollon lui-même, honneur des immortels;
C'est Alcide vainqueur des monstres de Némée;
C'est du vieillard troyen la mort envenimée;
285C'est des Hébreux errants le chef, le défenseur:
Dieu tout entier habite en ce marbre penseur.
Ciel! n'entendez-vous pas de sa bouche profonde
Éclater cette voix créatrice du monde?
Oh! qu'ainsi parmi nous des esprits inventeurs
290De Virgile et d'Homère atteignent les hauteurs,
Sachent dans la mémoire avoir comme eux un temple,
Et sans suivre leurs pas imiter leur exemple;
Faire, en s'éloignant d'eux avec un soin jaloux,
Ce qu'eux-mêmes ils feraient s'ils vivaient parmi nous!
295Que la nature seule, en ses vastes miracles,
Soit leur fable et leurs dieux, et ses lois leurs oracles;
Que leurs vers, de Téthys respectant le sommeil,
N'aillent plus dans ses flots rallumer le soleil;
De la cour d'Apollon que l'erreur soit bannie,
300Et qu'enfin Calliope, élève d'Uranie,
Montant sa lyre d'or sur un plus noble ton,
En langage des dieux fasse parler Newton!
Oh! si je puis un jour!... Mais quel est ce murmure?
Quelle nouvelle attaque et plus forte et plus dure?
305O langue des Français! est-il vrai que ton sort
Est de ramper toujours, et que toi seule as tort?
Ou si d'un faible esprit l'indolente paresse
Veut rejeter sur toi sa honte et sa faiblesse?
Il n'est sot traducteur, de sa richesse enflé,
310Sot auteur d'un poème ou d'un discours sifflé,
Ou d'un recueil ambré de chansons à la glace,
Qui ne vous avertisse, en sa fière préface,
Que, si son style épais vous fatigue d'abord,
Si sa prose vous pèse et bientôt vous endort,
315Si son vers est gêné, sans feu, sans harmonie,
Il n'en est point coupable: il n'est pas sans génie;
Il a tous les talents qui font les grands succès;
Mais enfin, malgré lui, ce langage français,
Si faible en ses couleurs, si froid et si timide,
320L'a contraint d'être lourd, gauche, plat, insipide,
Mais serait-ce Le Brun, Racine, Despréaux
Qui l'accusent ainsi d'abuser leurs travaux?
Est-ce à Rousseau, Buffon, qu'il résiste infidèle?
Est-ce pour Montesquieu, qu'impuissant et rebelle,
325Il fuit? Ne sait-il pas, se reposant sur eux,
Doux, rapide, abondant, magnifique, nerveux,
Creusant dans les détours de ces âmes profondes,
S'y teindre, s'y tremper de leurs couleurs fécondes?
Un rimeur voit partout un nuage, et jamais
330D'un coup d'oeil ferme et grand n'a saisi les objets;
La langue se refuse à ses demi-pensées,
De sang-froid, pas à pas, avec peine amassées;
Il se dépite alors, et, restant en chemin,
Il se plaint qu'elle échappe et glisse de sa main.
335Celui qu'un vrai démon presse, enflamme, domine,
Ignore un tel supplice: il pense, il imagine;
Un langage imprévu, dans son âme produit,
Naît avec sa pensée, et l'embrasse et la suit;
Les images, les mots que le génie inspire,
340Où l'univers entier vit, se meut et respire,
Source vaste et sublime et qu'on ne peut tarir,
En foule en son cerveau se hâtent de courir.
D'eux-mêmes ils vont chercher un noeud qui les rassemble;
Tout s'allie et se forme, et tout va naître ensemble.
345Sous l'insecte vengeur envoyé par Junon,
Telle Io tourmentée, en l'ardente saison,
Traverse en vain les bois et la longue campagne,
Et le fleuve bruyant qui presse la montagne;
Tel le bouillant poète, en ses transports brûlants,
350Le front échevelé, les yeux étincelants,
S'agite, se débat, cherche en d'épais bocages
S'il pourra de sa tête apaiser les orages
Et secouer le dieu qui fatigue son sein.
De sa bouche à grands flots ce dieu dont il est plein
355Bientôt en vers nombreux s'exhale et se déchaîne;
Leur sublime torrent roule, saisit, entraîne.
Les tours impétueux, inattendus, nouveaux,
L'expression de flamme aux magiques tableaux
Qu'a trempés la nature en ses couleurs fertiles,
360Les nombres tour à tour turbulents ou faciles,
Tout porte au fond des coeurs le tumulte ou la paix;
Dans la mémoire au loin tout s'imprime à jamais.
C'est ainsi que Minerve, en un instant formée,
Du front de Jupiter s'élance tout armée,
365Secouant et le glaive et le casque guerrier,5
Et l'horrible Gorgone à l'aspect meurtrier.
Des Toscans, je le sais, la langue est séduisante:
Cire molle, à tout peindre habile et complaisante,
Qui prend d'heureux contours sous les plus faibles mains
370Quand le Nord, s'épuisant de barbares essaims,
Vint par une conquête en malheurs plus féconde
Venger sur les Romains l'esclavage du monde,
De leurs affreux accents la farouche âpreté
Du Latin en tous lieux souilla la pureté.
375On vit de ce mélange étranger et sauvage
Naître des langues soeurs, que le temps et l'usage,
Par des sentiers divers guidant diversement,
D'une lime insensible ont poli lentement,
Sans pouvoir en entier, malgré tous leurs prodiges,
380De la rouille barbare effacer les vestiges.
De là du Castillan la pompe et la fierté,
Teint encor des couleurs du langage indompté
Qu'au Tage transplantaient les fureurs musulmanes.
La grâce et la douceur sur les lèvres toscanes
385Fixèrent leur empire; et la Seine à la fois
De grâce et de fierté sut composer sa voix.
Mais ce langage, armé d'obstacles indociles,
Lutte et ne veut plier que sons des mains habiles.
Est-ce un mal? Eh! plutôt rendons grâces aux dieux.
390Un faux éclat longtemps ne peut tromper nos yeux;
Et notre langue même, à tout esprit vulgaire
De nos vers dédaigneux fermant le sanctuaire,
Avertit dès l'abord quiconque y veut monter
Qu'il faut savoir tout craindre et savoir tout tenter,
395Et, recueillant affronts ou gloire sans mélange,
S'élever jusqu'au faîte ou ramper dans la fange.
II
HERMÈS
Poème en trois chants.
FRAGMENT I.—PROLOGUE.
Dans nos vastes cités, par le sort partagés,
Sous deux injustes lois les hommes sont rangés:
Les uns, princes et grands, d'une avide opulence
Étalent sans pudeur la barbare insolence;
5Les autres, sans pudeur, vils clients de ces grands,
Vont ramper sous les murs qui cachent leurs tyrans.
Admirer ces palais aux colonnes hautaines
Dont eux-mêmes ont payé les splendeurs inhumaines,
Qu'eux-mêmes ont arrachés aux entrailles des monts,
10Et tout trempés encor des sueurs de leurs fronts.
Moi, je me plus toujours, client de la nature,
A voir son opulence et bienfaisante et pure,
Cherchant loin de nos murs les temples, les palais
Où la Divinité me révèle ses traits,
15Ces monts, vainqueurs sacrés des fureurs du tonnerre,
Ces chênes, ces sapins, premiers-nés de la terre.
Les pleurs des malheureux n'ont point teint ces lambris.
D'un feu religieux le saint poète épris
Cherche leur pur éther et plane sur leur cime.
20Mer bruyante, la voix du poète sublime
Lutte contre les vents; et tes flots agités
Sont moins forts, moins puissants que ses vers indomptés.
A l'aspect du volcan, aux astres élancée,
Luit, vole avec l'Etna, la bouillante pensée.
25Heureux qui sait aimer ce trouble auguste et grand!
Seul, il rêve en silence à la voix du torrent
Qui le long des rochers se précipite et tonne;
Son esprit en torrent et s'élance et bouillonne.
Là, je vais dans mon sein méditant à loisir
30Des chants à faire entendre aux siècles à venir;
Là, dans la nuit des coeurs qu'osa sonder Homère,
Cet aveugle divin et me guide et m'éclaire.
Souvent mon vol, armé des ailes de Buffon,
Franchit avec Lucrèce, au flambeau de Newton,
35La ceinture d'azur sur le globe étendue.
Je vois l'être et la vie et leur source inconnue,
Dans les fleuves d'éther tous les mondes roulants.
Je poursuis la comète aux crins étincelants,
Les astres et leurs poids, leurs formes, leurs distances;
40Je voyage avec eux dans leurs cercles immenses.
Comme eux, astre, soudain je m'entoure de feux;
Dans l'éternel concert je me place avec eux:
En moi leurs doubles lois agissent et respirent:
Je sens tendre vers eux mon globe qu'ils attirent;
45Sur moi qui les attire ils pèsent à leur tour.
Les éléments divers, leur haine, leur amour,
Les causes, l'infini s'ouvre à mon oeil avide.
Bientôt redescendu sur notre fange humide,
J'y rapporte des vers de nature enflammés,
50Aux purs rayons des dieux dans ma course allumés.
Écoutez donc ces chants d'Hermès dépositaires,
Où l'homme antique, errant dans ses routes premières,
Fait revivre à vos yeux l'empreinte de ses pas.
Mais dans peu, m'élançant aux armes, aux combats,
55Je dirai l'Amérique à l'Europe montrée;
J'irai dans cette riche et sauvage contrée
Soumettre au Mançanar le vaste Maragnon.
Plus loin dans l'avenir je porterai mon nom,
Celui de cette Europe en grands exploits féconde,
60Que nos jours ne sont loin des premiers jours du monde.
FRAGMENT II
Chassez de vos autels, juges vains et frivoles,
Ces héros conquérants, meurtrières idoles;
Tous ces grands noms, enfants des crimes, des malheurs,
De massacres fumants, teints de sang et de pleurs.
65Venez tomber aux pieds de plus nobles images:
Voyez ces hommes saints, ces sublimes courages,
Héros dont les vertus, les travaux bienfaisants,
Ont éclairé la terre et mérité l'encens;
Qui, dépouillés d'eux-mêmes et vivant pour leurs frères,
70Les ont soumis au frein des règles salutaires,
Au joug de leur bonheur; les ont faits citoyens;
En leur donnant des lois leur ont donné des biens,
Des forces, des parents, la liberté, la vie;
Enfin qui d'un pays ont fait une patrie.
75Et que de fois pourtant leurs frères envieux
Ont d'affronts insensés, de mépris odieux,
Accueilli les bienfaits de ces illustres guides,
Comme dans leurs maisons ces animaux stupides
Dont la dent méfiante ose outrager la main
80Qui se tendait vers eux pour apaiser leur faim!
Mais n'importe; un grand homme au milieu des supplices
Goûte de la vertu les augustes délices.
Il le sait: les humains sont injustes, ingrats.
Que leurs yeux un moment ne le connaissent pas;
85Qu'un jour entre eux et lui s'élève avec murmure
D'insectes ennemis une nuée obscure;
N'importe, il les instruit, il les aime pour eux.
Même ingrats, il est doux d'avoir fait des heureux.
Il sait que leur vertu, leur bonté, leur prudence,
90Doit être son ouvrage et non sa récompense,
Et que leur repentir, pleurant sur son tombeau,
De ses soins, de sa vie, est un prix assez beau,
An loin dans l'avenir sa grande âme contemple
Les sages opprimés que soutient son exemple;
95Des méchants dans soi-même il brave la noirceur:
C'est là qu'il sait les fuir; son asile est son coeur.
De ce faîte serein, son Olympe sublime,
Il voit, juge, connaît. Un démon magnanime
Agite ses pensers, vit dans son coeur brûlant,
100Travaille son sommeil actif et vigilant,
Arrache au long repos sa nuit laborieuse,
Allume avant le jour sa lampe studieuse,
Lui montre un peuple entier, par ses nobles bienfaits,
Indompté dans la guerre, opulent dans la paix,
105Son beau nom remplissant leur coeur et leur histoire,
Les siècles prosternés au pied de sa mémoire.
Par ses sueurs bientôt l'édifice s'accroît.
En vain l'esprit du peuple est rampant, est étroit,
En vain le seul présent les frappe et les entraîne,
110En vain leur raison faible et leur vue incertaine 110
Ne peut de ses regards suivre les profondeurs,
De sa raison céleste atteindre les hauteurs;
Il appelle les dieux à son conseil suprême.
Ses décrets, confiés à la voix des dieux même,
115Entraînent sans convaincre, et le monde ébloui
Pense adorer les dieux en n'adorant que lui.
Il fait honneur aux dieux de son divin ouvrage.
C'est alors qu'il a vu tantôt à son passage
Un buisson enflammé recéler l'Éternel;
120C'est alors qu'il rapporte, en un jour solennel,
De la montagne ardente et du sein du tonnerre,
La voix de Dieu lui-même écrite sur la pierre;
Ou c'est alors qu'au fond de ses augustes bois
Une nymphe l'appelle et lui trace des lois,
125Et qu'un oiseau divin, messager de miracles,
A son oreille vient lui dicter des oracles.
Tout agit pour lui seul, et la tempête et l'air,
Et le cri des forêts, et la foudre et l'éclair;
Tout. Il prend à témoin le monde et la nature.
130Mensonge grand et saint! glorieuse imposture,
Quand au peuple trompé ce piège généreux
Lui rend sacré le joug qui doit le rendre heureux!
(Troisième chant.)
FRAGMENT III
Du temps et du besoin l'inévitable empire
Dut avoir aux humains enseigné l'art d'écrire.
135D'autres arts l'ont poli; mais aux arts, le premier,
Lui seul des vrais succès put ouvrir le sentier,
Sur la feuille d'Égypte ou sur la peau ductile,
Même un jour sur le dos d'un albâtre docile,
Au fond des eaux formé des dépouilles du lin,
140Une main éloquente, avec cet art divin,
Tient, fait voir l'invisible et rapide pensée,
L'abstraite intelligence et palpable et tracée;
Peint des sons à nos yeux, et transmet à la fois
Une voix aux couleurs, des couleurs à la voix.
145Quand des premiers traités la fraternelle chaîne
Commença d'approcher, d'unir la race humaine,
La terre et de hauts monts, des fleuves, des forêts,
Des contrats attestés garants sûrs et muets,
Furent le livre auguste et les lettres sacrées
150Qui faisaient lire aux yeux les promesses jurées.
Dans la suite peut-être ils voulurent sur soi
L'un de l'autre emporter la parole et la foi;
Ils surent donc, broyant de liquides matières,
L'un sur l'autre imprimer leurs images grossières,
155Ou celle du témoin, homme, plante ou rocher,
Qui vit jurer leur bouche et leurs mains se toucher.
De là dans l'Orient ces colonnes savantes,
Rois, prêtres, animaux peints en scènes vivantes,
De la religion ténébreux monuments,
160Pour les sages futurs laborieux tourments, 160
Archives de l'État, où les mains politiques
Traçaient en longs tableaux les annales publiques.
De là, dans un amas d'emblèmes captieux,
Pour le peuple ignorant monstre religieux,
165Des membres ennemis vont composer ensemble
Un seul tout, étonné du noeud qui les rassemble:
Un corps de femme au front d'un aigle enfant des airs
Joint l'écaille et les flancs d'un habitant des mers.
Cet art simple et grossier nous a suffi peut-être
1700Tant que tous nos discours n'ont su voir ni connaître
Que les objets présents dans la nature épars,
Et que tout notre esprit était dans nos regards.
Mais on vit, quand vers l'homme on apprit à descendre,
Quand il fallut fixer, nommer, écrire, entendre,
175Du coeur, des passions les plus secrets détours,
Les espaces du temps ou plus longs ou plus courts,
Quel cercle étroit bornait cette antique écriture.
Plus on y mit de soins, plus incertaine, obscure,
Du sens confus et vague elle épaissit la nuit.
180Quelque peuple à la fin, par le travail instruit,
Compte combien de mots l'héréditaire usage
A transmis jusqu'à lui pour former un langage.
Pour chacun de ces mots un signe est inventé,
Et la main qui l'entend des lèvres répété
185Se souvient d'en tracer cette image fidèle;
Et sitôt qu'une idée inconnue et nouvelle
Grossit d'un mot nouveau ces mots déjà nombreux,
Un nouveau signe accourt s'enrôler avec eux.
C'est alors, sur des pas si faciles à suivre,
190Que l'esprit des humains est assuré de vivre.
C'est alors que le fer à la pierre, aux métaux,
Livre, en dépôt sacré pour les âges nouveaux,
Nos âmes et nos moeurs fidèlement gardées;
Et l'oeil sait reconnaître une forme aux idées.
195Dès lors des grands aïeux les travaux, les vertus
Ne sont point pour leurs fils des exemples perdus.
Le passé du présent est l'arbitre et le père,
Le conduit par la main, l'encourage, l'éclaire.
Les aïeux, les enfants, les arrière-neveux,
200Tous sont du même temps, ils ont les mêmes voeux,
La patrie, au milieu des embûches, des traîtres,
Remonte en sa mémoire, a recours aux ancêtres,
Cherche ce qu'ils feraient en un danger pareil,
Et des siècles vieillis assemble le conseil.
(Troisième chant.)
III
L'AMÉRIQUE
FRAGEMENT I
Il faut mettre ceci dans la bouche du poète (qui n'est pas moi):
Le poète divin, tout esprit, tout pensée,
Ne sent point dans un corps son âme embarrassée;
Il va percer le ciel aux murailles d'azur;
De la terre, des mers, le labyrinthe obscur.
5Ses vars ont revêtu, prompts et légers Protées,
Les formes tour à tour à ses yeux présentées.
Les torrents, dans ses vers, du droit sommet des monts
Tonnent précipités en des gouffres profonds.
Là, des flancs sulfureux d'une ardente montagne,
10Ses vers cherchent les cieux et brûlent les campagnes;
Et là, dans la mêlée aux reflux meurtriers,
Leur clameur sanguinaire échauffe les guerriers,
Puis, d'une aile glacée assemblant les nuages,
Ils volent, troublent l'onde et soufflent les naufrages,
15Et répètent au loin et les longs sifflements,
Et la tempête sombre aux noirs mugissements,
Et le feu des éclairs et les cris du tonnerre.
Puis, d'un oeil doux et pur souriant à la terre,
Ils la couvrent de fleurs; ils rassérènent l'air.
20Le calme suit leurs pas et s'étend sur la mer.
FRAGMENT II
Le poète Alonzo d'Ercilla, à la fin d'un repas nocturne en plein air, prié de chanter, chantera un morceau, astronomique.
'Salut, ô belle nuit, étincelante et sombre,
Consacrée au repos. O silence de l'ombre,
Qui n'entends que la voix de mes vers, et les cris
De la rive aréneuse où se brise Téthys.
25Muse, muse nocturne, apporte-moi ma lyre.
Lance-toi dans l'espace; et, pour franchir les airs,
Prends les ailes des vents, les ailes des éclairs,
Les bonds de la comète aux longs cheveux de flamme.
30Mes vers impatients, élancés de mon âme,
Veulent parler aux dieux, et volent où reluit
L'enthousiasme errant, fils de la belle nuit.
Accours, grande nature, ô mère du génie;
Accours, reine du monde, éternelle Uranie.
35Soit que tes pas divins sur l'astre du Lion
Ou sur les triples feux du superbe Orion
Marchent, ou soit qu'au loin, fugitive, emportée,
Tu suives les détours de la voie argentée,
Soleils amoncelés dans le céleste azur,
40Où le peuple a cru voir les traces d'un lait pur,
Descends; non, porte-moi sur ta route brûlante,
Que je m'élève au ciel comme une flamme ardente.
Déjà ce corps pesant se détache de moi.
Adieu, tombeau de chair, je ne suis plus à toi.
45Terre, fuis sous mes pas. L'éther où le ciel nage
M'aspire. Je parcours l'océan sans rivage.
Plus de nuit. Je n'ai plus d'un globe opaque et dur
Entre le jour et moi l'impénétrable mur.
Plus de nuit, et mon oeil et se perd et se mêle
50Dans les torrents profonds de lumière éternelle.
Me voici sur les feux que le langage humain
Nomme Cassiopée et l'Ourse et le Dauphin.
Maintenant la Couronne autour de moi s'embrase.
Ici l'Aigle et le Cygne et la Lyre et Pégase.
55Et voici que plus loin le Serpent tortueux
Noue autour de mes pas ses anneaux lumineux.
Féconde immensité, les esprits magnanimes
Aiment à se plonger dans tes vivants abîmes,
Abîmes de clartés, où, libre de ses fers,
60L'homme siège au conseil qui créa l'univers;
Où l'âme, remontant à sa grande origine,
Sent qu'elle est une part de l'essence divine...'
IV
L'ART D'AIMER
FRAGMENT I
Ah! tremble que ton âme à la sienne livrée
Ne s'en puisse arracher sans être déchirée.
Même au sein du bonheur, toujours dans ton esprit
Garde ce qu'autrefois les sages ont écrit:
5'Une femme est toujours inconstante et futile,
Et qui pense fixer leur caprice mobile,
Il pense, avec sa main, retenir l'aquilon,
Ou graver sur les flots un durable sillon.'
FRAGMENT II
Que sert des tours d'airain tout l'appareil horrible?
10Que servit à Juno cet Argus si terrible,
Ce front, de jalousie armé de toutes parts,
Où veillaient à la fois cent farouches regards?
Mais quoi que l'on oppose et d'adresse et de force,
Quand nul don, nul appât, nulle mielleuse amorce
15Ne pourraient au dragon ravir l'or de ses bois,
Et du Triple Cerbère assoupir les abois;
On t'aime, garde-toi d'abandonner la place.
Il faut oser. L'amour favorise l'audace.
Si l'envie à te nuire aiguise tous ses soins,
20Toi, pour te rendre heureux, tenterais-tu donc moins?
Il faut savoir contre eux tourner leurs propres armes;
Attacher leurs soupçons à de fausses alarmes;
Semer toi-même un bruit d'attaque, de danger;
Leur montrer sur ta route un flambeau mensonger.
25Et tandis que par toi leur prudence égarée
Rit, s'applaudit de voir ton attente frustrée,
Aveugles, auprès d'eux ils laissent échapper
Tes pas, qu'ils défiaient de les pouvoir tromper.
Tel, car ainsi que toi c'est l'amour qui le guide,
30Un fleuve, à pas secrets, des campagnes d'Élide,
Seul, au milieu des mers, se fraye un sentier sûr,
Parmi les flots salés garde un flot doux et pur,
Invisible, d'Enna va chercher le rivage,
Et l'amer Téthys ignore son passage.
FRAGMENT III
Aux bords où l'on voit naître et l'Euphrate et le jour,
Plus d'obstacle et de crainte environne l'amour.
Aussi.................................................
......................................................
... Sans se pouvoir parler même des yeux,
40On se parle, on se voit. Leur coeur ingénieux
Donne à tout une voix entendue et muette.
Tout de leurs doux pensers est le doux interprète.
Désirs, crainte, serments, caresse, injure, pleurs,
Leurs dons savent tout dire; ils s'écrivent des fleurs.
45Par la tulipe ardente une flamme est jurée;5
L'amarante immortelle atteste sa durée;
L'oeillet gronde une belle; un lis vient l'apaiser.
L'iris est un soupir; la rose est un baiser.
C'est ainsi chaque jour qu'une sultane heureuse
50Lit en bouquet la lettre odorante, amoureuse.
Elle pare son sein de soupirs et de voeux;
Et des billets d'amour embaument ses cheveux.
V
LA RÉPUBLIQUE DES LETTRES
Fragment
Il n'est que d'être roi pour être heureux au monde.
Bénis soient tes décrets, ô sagesse profonde!
Qui me voulus heureux, et, prodigue envers moi,
M'as fait dans mon asile et mon maître et mon roi.
5Mon Louvre est sous le toit, sur ma tête il s'abaisse;
De ses premiers regards l'orient le caresse.
Lits, sièges, table y sont portant de toutes parts
Livres, dessins, crayons, confusément épars.
Là, je dors, chante, lis, pleure, étudie et pense.
10Là, dans un calme pur, je médite en silence
Ce qu'un jour je veux être; et, seul à m'applaudir,
Je sème la moisson que je veux recueillir.
Là, je reviens toujours, et toujours les mains pleines,
Amasser le butin de mes courses lointaines:
15Soit qu'en un livre antique à loisir engagé,
Dans ses doctes feuillets j'aie au loin voyagé;
Soit plutôt que, passant et vallons et rivières,
J'aie au loin parcouru les terres étrangères.
D'un vaste champ de fleurs je tire un peu de miel.
20Tout m'enrichit et tout m'appelle; et, chaque ciel
M'offrant quelque dépouille utile et précieuse,
Je remplis lentement ma ruche industrieuse.
POÉSIES DIVERSES
I
HYMNE A LA JUSTICE
A LA FRANCE
France! ô belle contrée, ô terre généreuse,
Que les dieux complaisants formaient pour être heureuse,
Tu ne sens point du nord les glaçantes horreurs,
Le midi de ses feux t'épargne les fureurs.
5Tes arbres innocents n'ont point d'ombres mortelles;
Ni des poisons épars dans tes herbes nouvelles
Ne trompent une main crédule; ni tes bois
Des tigres frémissants ne redoutent la voix;
Ni les vastes serpents ne traînent sur tes plantes
10En longs cercles hideux leurs écailles sonnantes.
Les chênes, les sapins et les ormes épais
En utiles rameaux ombragent tes sommets,
Et de Beaune et d'Aï les rives fortunées,
Et la riche Aquitaine, et les hauts Pyrénées,
15Sous leurs bruyants pressoirs font couler en ruisseaux
Des vins délicieux mûris sur leurs coteaux.
La Provence odorante et de Zéphire aimée
Respire sur les mers une haleine embaumée,
Au bord des flots couvrant, délicieux trésor,
20L'orange et le citron de leur tunique d'or,
Et plus loin, au penchant des collines pierreuses,
Forme la grasse olive aux liqueurs savoureuses,
Et ces réseaux légers, diaphanes habits,
Où la fraîche grenade enferme ses rubis.
25Sur tes rochers touffus la chèvre se hérisse,
Tes prés enflent de lait la féconde génisse,
Et tu vois tes brebis, sur le jeune gazon,
Épaissir le tissu de leur blanche toison.
Dans les fertiles champs voisins de la Touraine,
30Dans ceux où l'Océan boit l'urne de la Seine,
S'élèvent pour le frein des coursiers belliqueux.
Ajoutez cet amas de fleuves tortueux:
L'indomptable Garonne aux vagues insensées,
Le Rhône impétueux, fils des Alpes glacées,
35La Seine au flot royal, la Loire dans son sein
Incertaine, et la Saône, et mille autres enfin
Qui, nourrissant partout, sur tes nobles rivages,
Fleurs, moissons et vergers, et bois et pâturages,
Rampent au pied des murs d'opulentes cités
40Sous les arches de pierre à grand bruit emportés.
Dirai-je ces travaux, source de l'abondance,
Ces ports où des deux mers l'active bienfaisance
Amène les tributs du rivage lointain
Que visite Phoebus le soir ou le matin?
45Dirai-je ces canaux, ces montagnes percées,
De bassins en bassins ces ondes amassées
Pour joindre au pied des monts l'une et l'autre Téthys,
Et ces vastes chemins en tous lieux départis,
Où l'étranger, à l'aise achevant son voyage,
50Pense au nom des Trudaine et bénit leur ouvrage?
Ton peuple industrieux est né pour les combats.
Le glaive, le mousquet n'accablent point ses bras.
Il s'élance aux assauts, et son fer intrépide
Chassa l'impie Anglais, usurpateur avide.
55Le ciel les fit humains, hospitaliers et bons,
Amis des doux plaisirs, des festins, des chansons;
Mais, faibles, opprimés, la tristesse inquiète
Glace ces chants joyeux sur leur bouche muette,
Pour les jeux, pour la danse appesantit leurs pas,
60Renverse devant eux les tables des repas,
Flétrit de longs soucis, empreinte douloureuse,
Et leur front et leur âme. O France! trop heureuse
Si tu voyais tes biens, si tu profitais mieux
Des dons que tu reçus de la bonté des cieux!
65Vois le superbe Anglais, l'Anglais dont le courage
Ne s'est sentais qu'aux lois d'un sénat libre et sage,
Qui t'épie, et, dans l'Inde éclipsant ta splendeur,
Sur tes fautes sans nombre élève sa grandeur.
Il triomphe, il t'insulte. Oh! combien tes collines
70Tressailliraient de voir réparer tes ruines,
Et pour la liberté donneraient sans regrets
Et leur vin, et leur huile, et leurs belles forêts!
J'ai vu dans tes hameaux la plaintive misère,
La mendicité blême et la douleur amère.
75Je t'ai vu dans tes biens, indigent laboureur,
D'un fisc avare et dur maudissant la rigueur,
Versant aux pieds des grands des larmes inutiles,
Tout trempé de sueurs pour toi-même infertiles,
Découragé de vivre, et plein d'un juste effroi
80De mettre au jour des fils malheureux comme toi.
Tu vois sous les soldats les villes gémissantes;
Corvée, impôts rongeurs, tributs, taxes pesantes,
Le sel, fils de la terre, ou même l'eau des mers,
Sources d'oppression et de fléaux divers;
85Mille brigands, couverts du nom sacré du prince,
S'unir à déchirer une triste province,
Et courir à l'envi, de son sang altérés,
Se partager entre eux ses membres déchirés!
O sainte Égalité! dissipe nos ténèbres,
90Renverse les verrous, les bastilles funèbres.
Le riche indifférent, dans un char promené,
De ces gouffres secrets partout environné,
Rit avec les bourreaux, s'il n'est bourreau lui-même,
Près de ces noirs réduits de la misère extrême,
95D'une maîtresse impure achète les transports,
Chante sur des tombeaux, et boit parmi des morts.
Malesherbes, Turgot, ô vous en qui la France
Vit luire, hélas! en vain, sa dernière espérance;
Ministres dont le coeur a connu la pitié,
100Ministres dont le nom ne s'est point oublié,
Ah! si de telles mains, justement souveraines,
Toujours de cet empire avaient tenu les rênes!
L'équité clairvoyante aurait régné sur nous;
Le faible aurait osé respirer près de vous;
105L'oppresseur, évitant d'armer d'injustes plaintes,
Sinon quelque pudeur, aurait ou quelques craintes;
Le délateur impie, opprimé par la faim,
Serait mort dans l'opprobre, et tant d'hommes enfin,
A l'insu de nos lois, à l'insu, du vulgaire,
110Foudroyés sons les coups d'un pouvoir arbitraire,
De cris non entendus, de funèbres sanglots,
Ne feraient point gémir les voûtes des cachots.
Non, je ne veux plus vivre en ce séjour servile!
J'irai, j'irai bien loin me chercher un asile,
115Un asile à ma vie en son paisible cours,
Une tombe à ma cendre à la fin de mes jours,
Où d'un grand au coeur dur l'opulence homicide
Du sang d'un peuple entier ne sera point avide,
Et ne me dira point, avec un rire affreux,
120Qu'ils se plaignent sans cesse et qu'ils sont trop heureux;
Où, loin des ravisseurs, la main cultivatrice
Recueille les dons d'une terre propice;
Où mon coeur, respirant sous un ciel étranger,
Ne verra plus des maux qu'il ne peut soulager;
125Où mes yeux, éloignés des publiques misères,
Ne verront plus partout les larmes de mes frères,
Et la pâle indigence à la mourante voix,
Et les crimes puissants qui font trembler les lois.
Toi donc, Équité sainte, ô toi, vierge adorée,
130De nos tristes climats pour longtemps ignorée,
Daigne du haut des cieux goûter le libre encens
D'une lyre au coeur chaste, aux transports innocents,
Qui ne saura jamais, par des voeux mercenaires,
Flatter, à prix d'argent, des faveurs arbitraires,
135Mais qui rendra toujours, par amour et par choix,
Un noble et pur hommage aux appuis de tes lois.
De voeux pour les humains tous ses chants retentissent:
La vérité l'enflamme, et ses cordes frémissent
Quand l'air qui l'environne auprès d'elle a porté
140Le doux nom des vertus et de la liberté.
II
...Terre, terre chérie
Que la liberté sainte appelle sa patrie;
Père du grand sénat, ô sénat de Romans,
Qui de la liberté jetas les fondements;
5Romans, berceau des lois, vous, Grenoble et Valence,
Vienne; toutes enfin! monts sacrés d'où la France
Vit naître le soleil avec la liberté!
Un jour le voyageur par le Rhône emporté,
Arrêtant l'aviron dans la main de son guide,
10En silence, debout sur sa barque rapide,
Fixant vers l'Orient un oeil religieux,
Contemplera longtemps ces sommets glorieux;
Car son vieux père, ému de transports magnanimes,
Lui dira: 'Vois, mon fils, vois ces augustes cimes.'
Au bord du Rhône, le 7 juillet 1790.
III
LE RAT DE VILLE ET LE RAT DES CHAMPS
Un jour le rat des champs, ami du rat de ville,
Invita son ami dans son rustique asile.
Il était économe et soigneux de son bien;
Mais l'hospitalité, leur antique lien,
5Fit les frais de ce jour comme d'un jour de fête.
Tout fut prêt: lard, raisin, et fromage, et noisette.
Il cherchait par le luxe et la variété
A vaincre les dégoûts d'un hôte rebuté,
Qui, parcourant de l'oeil sa table officieuse,
10Jetait sur tout à peine une dent dédaigneuse.
Et lui, d'orge et de blé faisant tout son repas,
Laissait au citadin les mets plus délicats.
'Ami, dit celui-ci, veux-tu dans la misère
Vivre au dos escarpé de ce mont solitaire,
15Ou préférer le monde à tes tristes forêts?
Viens; crois-moi, suis mes pas; la ville est ici près:
Festins, fêtes, plaisirs y sont en abondance,
L'heure s'écoule, ami; tout fuit, la mort s'avance:
Les grands ni les petits n'échappent à ses lois;
20Jouis, et te souviens qu'on ne vit qu'une fois.'
Le villageois écoute, accepte la partie:
On se lève, et d'aller. Tous deux de compagnie,
Nocturnes voyageurs, dans des sentiers obscurs
Se glissent vers la ville et rampent sous les murs.
25La nuit quittait les cieux quand notre couple avide
Arrive en un palais opulent et splendide,
Et voit fumer encor dans des plats de vermeil
Des restes d'un souper le brillant appareil.
L'un s'écrie, et, riant de sa frayeur naïve,
30L'autre sur le duvet fait placer son convive,
S'empresse de servir, ordonner, disposer,
Va, vient, fait les honneurs, le priant d'excuser.
Le campagnard bénit sa nouvelle fortune;
Sa vie en ses déserts était âpre, importune:
35La tristesse, l'ennui, le travail et la faim.
Ici l'on y peut vivre; et de rire. Et soudain
Des valets à grand bruit interrompent la fête;
On court, on vole, on fuit; nul coin, nulle retraite.
Les dogues réveillés les glacent par leur voix;
40Toute la maison tremble au bruit de leurs abois.
Alors le campagnard, honteux de son délire:
'Soyez heureux, dit-il; adieu, je me retire,
Et je vais dans mon trou rejoindre en sûreté
Le sommeil, un peu d'orge et la tranquillité.'
(Trad. d'Horace.)
IV
LA FRIVOLITÉ
Mère du vain caprice et du léger prestige,
La fantaisie ailée autour d'elle voltige,
Nymphe au corps ondoyant, né de lumière et d'air,
Qui, mieux que l'onde agile ou le rapide éclair,
5Ou la glace inquiète au soleil présentée,
S'allume en un instant, purpurine, argentée,
Ou s'enflamme de rose, ou pétille d'azur.
Un vol la précipite, inégal et peu sûr.
La déesse jamais ne connut d'autre guide.
10Les Rêves transparents, troupe vaine et fluide,
D'un vol étincelant caressent ses lambris.
Auprès d'elle à toute heure elle occupe les Ris.
L'un pétrit les baisers des bouches embaumées;
L'autre, le jeune éclat des lèvres enflammées;
15L'autre, inutile et seul, au bout d'un chalumeau
En globe aérien souffle une goutte d'eau.
La reine, en cette cour qu'anime la folie,
Va, vient, chante, se tait, regarde, écoute, oublie,
Et, dans mille cristaux qui portent son palais,
20Rit de voir mille fois étinceler ses traits.
V
LE POÈTE
... Pour lui
L'ombre du cabinet en délices abonde.
S'il fuit les graves riens, noble ennui du beau monde,
5Ou si, chez la beauté qui l'admit en secret,
Las de parler, enfin il demeure muet,
Il regagne à grands pas son asile et l'étude:
Il y trouve la paix, la douce solitude,
Ses livres, et sa plume au bec noir et malin,
10Et la sage folie, et le rire à l'oeil fin.
ODES
I
A VERSAILLES
O Versaille, ô bois, ô portiques,
Marbres vivants, berceaux antiques,
Par les dieux et les rois Élysée embelli,
A ton aspect, dans ma pensée,
5Comme sur l'herbe aride une fraîche rosée,
Coule un peu de calme et d'oubli.
Paris me semble un autre empire,
Dès que chez toi je vois sourire
Mes pénates secrets couronnés de rameaux,
10D'où souvent les monts et les plaines
Vont dirigeant mes pas aux campagnes prochaines,
Sous de triples cintres d'ormeaux.
Les chars, les royales merveilles,
Des gardes les nocturnes veilles,
15Tout a fui; des grandeurs tu n'es plus le séjour:
Mais le sommeil, la solitude,
Dieux jadis inconnus, et les arts, et l'étude,
Composent aujourd'hui ta cour.
Ah! malheureux! à ma jeunesse
20Une oisive et morne paresse
Ne laisse plus goûter les studieux loisirs.
Mon âme, d'ennui consumée,
S'endort dans les langueurs. Louange et renommée
N'inquiètent plus mes désirs.
25
L'abandon, l'obscurité, l'ombre,
Une paix taciturne et sombre,
Voilà tous mes souhaits: cache mes tristes jours,
Et nourris, s'il faut que je vive,
De mon pâle flambeau la clarté fugitive
30Aux douces chimères d'amours.
L'âme n'est point encor flétrie,
La vie encor n'est point tarie,
Quand un regard nous trouble et le coeur et la voix
Qui cherche les pas d'une belle,
35Qui peut ou s'égayer ou gémir auprès d'elle,
De ses jours peut porter le poids.
J'aime; je vis. Heureux rivage!
Tu conserves sa noble image,
Son nom, qu'à tes forêts j'ose apprendre le soir,
40Quand, l'âme doucement émue,
J'y reviens méditer l'instant où je l'ai vue,
Et l'instant où je dois la voir.
Pour elle seule encore abonde
Cette source, jadis féconde,
45Qui coulait de ma bouche en sons harmonieux.
Sur mes lèvres tes bosquets sombres
Forment pour elle encor ces poétiques nombres,
Langage d'amour et des dieux.
Ah! témoin des succès du crime,
50Si l'homme juste et magnanime
Pouvait ouvrir son coeur à la félicité,
Versailles, tes routes fleuries,
Ton silence, fertile en belles rêveries,
N'auraient que joie et volupté.
55
Mais souvent tes vallons tranquilles,
Tes sommets verts, tes frais asiles,
Tout à coup à mes yeux s'enveloppent de deuil.
J'y vois errer l'ombre livide
D'un peuple d'innocents qu'un tribunal perfide
60Précipite dans le cercueil.
II
A MARIE-ANNE-CHARLOTTE CORDAY
Quoi! tandis que partout, ou sincères ou feintes,
Des lâches, des pervers, les larmes et les plaintes
Consacrent leur Marat parmi les immortels,
Et que, prêtre orgueilleux de cette idole vile,
5Des fanges du Parnasse un impudent reptile
Vomit un hymne infâme au pied de ses autels.
La vérité se tait! dans sa bouche glacée,
Des liens de la peur sa langue embarrassée
Dérobe un juste hommage aux exploits glorieux!
10Vivre est-il donc si doux? De quel prix est la vie,
Quand, sous un joug honteux, la pensée asservie,
Tremblante, au fond du coeur, se cache à tous les yeux?
Non, non, je ne veux point t'honorer en silence,
Toi qui crus par ta mort ressusciter la France
15Et dévouas tes jours à punir des forfaits.
Le glaive arma ton bras, fille grande et sublime,
Pour faire honte aux dieux, pour réparer leur crime,
Quand d'un homme à ce monstre ils donnèrent les traits.
Le noir serpent, sorti de sa caverne impure,
20A donc vu rompre enfin sous ta main ferme et sûre
Le venimeux tissu de ses jours abhorrés!
Aux entrailles du tigre, à ses dents homicides,
Tu vins redemander et les membres livides
Et le sang des humains qu'il avait dévorés!
Son oeil mourant t'a vue, en ta superbe joie,
Féliciter ton bras et contempler ta proie.
Ton regard lui disait: 'Va, tyran furieux,
Va, cours frayer la route aux tyrans tes complices.
Te baigner dans le sang fut tes seules délices,
30Baigne-toi dans le tien et reconnais des dieux.'
La Grèce, ô fille illustre! admirant ton courage,
Épuiserait Paros pour placer ton image
Auprès d'Harmodius, auprès de son ami;
Et des choeurs sur ta tombe, en une sainte ivresse,
35Chanteraient Némésis, la tardive déesse,
Qui frappe le méchant sur son trône endormi.
Mais la France à la hache abandonne ta tête.
C'est au monstre égorgé qu'on prépare une fête
Parmi ses compagnons, tous dignes de son sort.
40Oh! quel noble dédain fit sourire ta bouche,
Quand un brigand, vengeur de ce brigand farouche,
Crut te faire pâlir aux menaces de mort!
C'est lui qui dut pâlir, et tes juges sinistres,
Et notre affreux sénat et ses affreux ministres,
45Quand, à leur tribunal, sans crainte et sans appui,
Ta douceur, ton langage et simple et magnanime
Leur apprit qu'en effet, tout puissant qu'est le crime,
Qui renonce à la vie est plus puissant que lui.
Longtemps, sous les dehors d'une allégresse aimable,
50Dans ses détours profonds ton âme impénétrable
Avait tenu cachés les destins du pervers.
Ainsi, dans le secret amassant la tempête,
Rit un beau ciel d'azur, qui cependant s'apprête
A foudroyer les monts et soulever les mers.
Belle, jeune, brillante, aux bourreaux amenée,
Tu semblais t'avancer sur le char d'hyménée;
Ton front resta paisible et ton regard serein.
Calme sur l'échafaud, tu méprisas la rage
D'un peuple abject, servile, et fécond en outrage,
60Et qui se croit alors et libre et souverain.
La vertu seule est libre. Honneur de notre histoire,
Notre immortel opprobre y vit avec ta gloire;
Seule, tu fus un homme, et vengeas les humains!
Et nous, eunuques vils, troupeau lâche et sans âme,
65Nous savons répéter quelques plaintes de femme;
Mais le fer pèserait à nos débiles mains.
Non, tu ne pensais pas qu'aux mânes de la France
Un seul traître immolé suffît à sa vengeance,
Ou tirât du chaos ses débris dispersés.
70Tu voulais, enflammant les courages timides,
Réveiller les poignards sur tous ces parricides,
De rapine, de sang, d'infamie engraissés.
Un scélérat de moins rampe dans cette fange.
La Vertu t'applaudit; de sa mâle louange
75Entends, belle héroïne, entends l'auguste voix.
O Vertu, le poignard, seul espoir de la terre,
Est ton arme sacrée, alors que le tonnerre
Laisse régner le crime et te vend à ses lois.
III
LA JEUNE CAPTIVE
'L'épi naissant mûrit de la faux respecté;
Sans crainte du pressoir, le pampre tout l'été
Boit les doux présents de l'aurore;
Et moi, comme lui belle, et jeune comme lui,
5Quoi que l'heure présente ait de trouble et d'ennui,
Je ne veux point mourir encore.
'Qu'un stoïque aux yeux secs vole embrasser la mort,
Moi je pleure et j'espère; au noir souffle du nord
Je plie et relève ma tête.
10S'il est des jours amers, il en est de si doux!
Hélas! quel miel jamais n'a laissé de dégoûts?
Quelle mer n'a point de tempête?
'L'illusion féconde habite dans mon sein.
D'une prison sur moi les murs pèsent en vain,
15J'ai les ailes de l'espérance;
Échappée aux réseaux de l'oiseleur cruel,
Plus vive, plus heureuse, aux campagnes du ciel
Philomèle chante et s'élance.
'Est-ce à moi de mourir? Tranquille je m'endors,
20Et tranquille je veille, et ma veille aux remords
Ni mon sommeil ne sont en proie.
Ma bienvenue au jour me rit dans tous les yeux;
Sur des fronts abattus mon aspect dans ces lieux
Ranime presque de la joie.
'Mon beau voyage encore est si loin de sa fin!
Je pars, et des ormeaux qui bordent le chemin
J'ai passé les premiers à peine.
Au banquet de la vie à peine commencé,
Un instant seulement mes lèvres ont pressé
30La coupe en mes mains encor pleine.
'Je ne suis qu'au printemps, je veux voir la moisson;
Et comme le soleil, de saison en saison,
Je veux achever mon année.
Brillante sur ma tige et l'honneur du jardin,
35Je n'ai vu luire encor que les feux du matin:
Je veux achever ma journée.
'O mort! tu peux attendre; éloigne, éloigne-toi;
Va consoler les coeurs que la honte, l'effroi,
Le pâle désespoir dévore.
40Pour moi Palès encore a des asiles verts,
Les Amours des baisers, les Muses des concerts;
Je ne veux point mourir encore!'
Ainsi, triste et captif, ma lyre toutefois
S'éveillait, écoutant ces plaintes, cette voix,
45Ces voeux d'une jeune captive;
Et secouant le faix de mes jours languissants,
Aux douces lois des vers je pliai les accents
De sa bouche aimable et naïve.
Ces chants, de ma prison témoins harmonieux,
50Feront à quelque amant des loisirs studieux
Chercher quelle fut cette belle:
La grâce décorait son front et ses discours,
Et, comme elle, craindront de voir finir leurs jours
Ceux qui les passeront près d'elle.
Saint-Lazare.
ÏAMBES
I
HYMNE
SUR L'ENTRÉE TRIOMPHALE
DES SUISSES RÉVOLTÉS ET AMNISTIÉS DU RÉGIMENT
DE CHATEAUVIEUX
Salut, divin triomphe! entre dans nos murailles;
Rends-nous ces guerriers illustrés
Par le sang de Désille et par les funérailles
De tant de Français massacrés.
5Jamais rien de si grand n'embellit ton entrée;
Ni quand l'ombre de Mirabeau
S'achemina jadis vers la voûte sacrée
Où la gloire donne un tombeau;
Ni quand Voltaire mort et sa cendre bannie
10Rentrèrent aux murs de Paris,
Vainqueurs du fanatisme et de la calomnie
Prosternés devant ses écrits.
Un seul jour peut atteindre à tant de renommée,
Et ce beau jour luira bientôt:
15C'est quand tu conduiras Jourdan à notre armée,
Et Lafayette à l'échafaud.
Quelle rage à Coblentz! quel deuil pour tous ces princes,
Qui, partout diffamant nos lois,
Excitent contre nous et contre nos provinces
20Et les esclaves et les rois!
Ils voulaient nous voir tous à la folie en proie.
Que leur front doit être abattu!
Tandis que parmi nous quel orgueil, quelle joie
Pour les amis de la vertu,
25Pour vous tous, ô mortels, qui rougissez encore
Et qui savez baisser les yeux,
De voir des échevins que la Râpée honore
Asseoir sur un char radieux
Ces héros que jadis sur les bancs des galères
30Assit un arrêt outrageant,
Et qui n'out égorgé que très peu de nos frères
Et volé que très peu d'argent!
Eh bien, que tardez-vous, harmonieux Orphées?
Si sur la tombe des Persans
35Jadis Pindare, Eschyle, ont dressé des trophées,
Il faut de plus nobles accents.
Quarante meurtriers, chéris de Robespierre,
Vont s'élever sur nos autels.
Beaux-arts, qui faites vivre et la toile et la pierre,
40Hâtez-vous, rendez immortels
Le grand Collot d'Herbois, ses clients helvétiques,
Ce front que donne à des héros
La vertu, la taverne et le secours des piques.
Peuplez le ciel d'astres nouveaux,
45O vous, enfants d'Eudoxe et d'Hipparque et d'Euclide,
C'est par vous que les blonds cheveux
Qui tombèrent du front d'une reine timide
Sont tressés en célestes feux;
Par vous l'heureux vaisseau des premiers Argonautes
50Flotte encor dans l'azur des airs.
Faites gémir Atlas sous de plus nobles hôtes,
Comme eux dominateurs des mers.
Que la nuit de leurs noms embellisse ses voiles,
Et que le nocher aux abois
55Invoque en leur galère, ornement des étoiles,5
Les Suisses de Collot d'Herbois.
(Journal de Paris, 15 avril 1792.)
II
Quand au mouton bêlant la sombre boucherie
Ouvre ses cavernes de mort,
Pâtres, chiens et moutons, toute la bergerie
Ne s'informe plus de son sort.
5Les enfants qui suivaient ses ébats dans la plaine,
Les vierges aux belles couleurs
Qui le baisaient en foule, et sur sa blanche laine
Entrelaçaient rubans et fleurs,
Sans plus penser à lui, le mangent s'il est tendre.
10Dans cet abîme enseveli
J'ai le même destin. Je m'y devais attendre.
Accoutumons-nous à l'oubli.
Oubliés comme moi dans cet affreux repaire,
Mille autres moutons, comme moi,
15Pendus aux crocs sanglants du charnier populaire,
Seront servis au peuple-roi.
Que pouvaient mes amis? Oui, de leur main chérie
Un mot à travers ces barreaux
Eût versé quelque baume en mon âme flétrie;
20De l'or peut-être à mes bourreaux...
Mais tout est précipice. Ils ont eu droit de vivre.
Vivez, amis; vivez contents.
En dépit de [——] soyez lents à me suivre.
Peut-être en de plus heureux temps
25J'ai moi-même, à l'aspect des pleurs de l'infortune,
Détourné mes regards distraits;
A mon tour, aujourd'hui; mon malheur importune:
Vivez, amis, vivez en paix.
Saint-Lazare.
III
Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphyre
Animent la fin d'un beau jour,
Au pied de l'échafaud j'essaye encor ma lyre.
Peut-être est-ce bientôt mon tour;
5Peut-être avant que l'heure en cercle promenée
Ait posé sur l'émail brillant,
Dans les soixante pas où sa route est bornée,
Son pied sonore et vigilant,
Le sommeil du tombeau pressera ma paupière.
10Avant que de ses deux moitiés
Ce vers que je commence ait atteint la dernière,
Peut-être en ces murs effrayés
Le messager de mort, noir recruteur des ombres,
Escorté d'infâmes soldats,
15Ébranlant de mon nom ces longs corridors sombres,
Où seul, dans la foule à grands pas
J'erre, aiguisant ces dards persécuteurs du crime,
Du juste trop faibles soutiens,
Sur mes lèvres soudain va suspendre la rime;
20Et chargeant mes bras de liens,
Me traîner, amassant en foule à mon passage
Mes tristes compagnons reclus,
Qui me connaissaient tous avant l'affreux message,
Mais qui ne me connaissent plus.
25Eh bien! j'ai trop vécu. Quelle franchise auguste,
De mâle constance et d'honneur
Quels exemples sacrés doux à l'âme du juste,
Pour lui quelle ombre de bonheur,
Quelle Thémis terrible aux têtes criminelles,
30Quels pleurs d'une noble pitié,
Des antiques bienfaits quels souvenirs fidèles,
Quels beaux échanges d'amitié,
Font digne de regrets l'habitacle des hommes?
La peur blême et louche est leur Dieu,
35La bassesse, la honte. Ah! lâches que nous sommes!
Tous, oui, tous. Adieu, terre, adieu.
Vienne, vienne la mort! que la mort me délivre!...
Ainsi donc, mon coeur abattu
Cède au poids de ses maux!—Non, non, puisse-je vivre!
40Ma vie importe à la vertu.
Car l'honnête homme enfin, victime de l'outrage,
Dans les cachots, près du cercueil,
Relève plus altiers son front et son langage,
Brillant d'un généreux orgueil.
45S'il est écrit aux cieux que jamais une épée
N'étincellera dans mes mains,
Dans l'encre et l'amertume une autre arme trempée
Peut encor servir les humains.
Justice, vérité, si ma main, si ma bouche,
50Si mes pensers les plus secrets
Ne froncèrent jamais votre sourcil farouche,
Et si les infâmes progrès,
Si la risée atroce, ou plus atroce injure,
L'encens de hideux scélérats,
55Ont pénétré vos coeurs d'une large blessure,
Sauvez-moi. Conservez un bras
Qui lance votre foudre, un amant qui vous venge.
Mourir sans vider mon carquois!
Sans percer, sans fouler, sans pétrir dans leur fange
60Ces bourreaux barbouilleurs de lois!
Ces vers cadavéreux de la France asservie,
Égorgée! ô mon cher trésor,
O ma plume, fiel, bile, horreur, dieux de ma vie!
Par vous seuls je respire encor:
65Comme la poix brûlante agitée en ses veines
Ressuscite un flambeau mourant.
Je souffre; mais je vis. Par vous, loin de mes peines,
D'espérance un vaste torrent
Me transporte. Sans vous, comme un poison livide,
70L'invisible dent du chagrin,
Mes amis opprimés, du menteur homicide
Les succès, le sceptre d'airain,
Des bons proscrits par lui la mort ou la ruine,
L'opprobre de subir sa loi,
75Tout eût tari ma vie, ou contre ma poitrine
Dirigé mon poignard. Mais quoi!
Nul ne resterait donc pour attendrir l'histoire
Sur tant de justes massacrés!
Pour consoler leurs fils, leurs veuves, leur mémoire!
80Pour que des brigands abhorrés
Frémissent aux portraits noirs de leur ressemblance!
Pour descendre jusqu'aux enfers
Nouer le triple fouet, le fouet de la vengeance
Déjà levé sur ces pervers!
85Pour cracher sur leurs noms, pour chanter leur supplice!
Allons, étouffe tes clameurs;
Souffre, ô coeur gros de haine, affamé de justice.
Toi, vertu, pleure si je meurs.
Saint-Lazare.
FIN
NOTES 50
Footnote 50: (return)N.B.—In the notes the student is occasionally referred to the following works:—
AYER (C.). Grammaire comparée de la Langue française, quatrième édition, Paris, G. Fischbacher, 1885.
DARMESTETER (A.). Cours de grammaire historique de la Langue française, ive partie: Syntaxe, pub. par les soins de M. Léopold Sudre, 2e édition, Paris, Delagrave, n.d.
HAASE (A.). Syntaxe française du XVIIe siècle, traduite par M. Obéit, Paris, Alph. Picard, 1898.
MEYER-LÜBKE (W.). Grammaire des Langues romanes, traduction française par A. Doutrepont et G. Doutrepont, t. iii: Syntaxe, Paris, H. Welter, 1900.
BUCOLIQUES.
I. L'AVEUGLE.
L. 1.Iliad, i. 37: 'Hear, thou god that bear'st the silver bow, O Smintheus.'—CHAPMAN.
L. 3. cet aveugle, meaning 'himself,' is a Greek, and also Latin, idiom. Seneca, writing of himself, uses the phrase in hoc sene, which Montaigne (Ess. II. XXXV. translates en ce vieillard, followed by his own translator, Cotton, with: 'in this old fellow.' Corneille, Polyeucte, V. iii: 'C'en est assez: Félix, reprenez ce courroux Et sur cet insolent (i.e. me) vengez vos dieux et vous.'
L. 4. C'est ainsi qu'achevait l'aveugle... Et près des bois marchait. The inversion is quite usual, but what is less so is the absence of a subject before marchait. Here is, however, another instance of the same construction from Racine, Idylle de la Paix: 'Déjà marchait devant les étendards Bellone, les cheveux épars et se flattait d'éterniser les guerres'...
L. 6. S'asseyait. A very happy enjambement. The rhythm also stops as if for very weariness.
L. 18. à la prière. Is this a Latinism, a translation of the Latin ad preces, or an extension of the use of à=pour so common in French? See note to p. 3, l. 88.
L. 26. pures, i.e. sans mélange, 'unmixed, unalloyed.'
Ll. 27, 28. Cf. in the Odyssey (viii. 64): Demodocus, 'the blind singer, to whom, in recompense of his lost sight, the Muses had given an inward discernment, a soul and a voice to excite the hearts of men and gods to delight.'—Lamb, Advent. of Ulys., vii.
Ll. 31, 32. Menander in Stobaeus, Florilegium, xcvi.
Ll. 33-38. Od. vii. 208.
L. 39. Thamyris. The story is told in the Iliad (ii. 594): 'the muses.... Because he proudly durst affirm he could more sweetly sing than that Pierian race of Jove.... Bereft his eyesight, and his song that did the ear enchant, and of his skill to touch his harp disfurnished his hand.'—CHAPMAN.
L. 45. puisse... changer ta destinée, for puisse ta destinée changer. The same construction may be seen in: 'Puisse périr comme eux quiconque leur ressemble.'—Racine, Athalie, IV. ii.
Ll. 46, 47. ce que... tient la peau. For the inversion of the subject in relative clauses see Meyer-Lübke, iii. § 751, and A. Darmesteter-Sudre, Syntaxe, § 492.
L. 48. Ils versent... The verb verser, 'to cause a liquid to flow out of a vessel,' is extended to solids, e.g. 'verser du blé dans un sac' (LITTRÉ).
Ll. 49, 50. les olives huileuses,... et les figues mielleuses. 'The honied fig and unctuous olive smooth.'—Cowper, Od. vii. 139.
L. 56. venus de Jupiter. In the sense in which Nausicaa, Od. vi. 207, says: 'From Jove come all strangers, and the needy of a home.'—CHAPMAN.
Ll. 57-67. Od. vi. 154.
L. 62. ce palmier de Latone. In Lamb's Adventures of Ulysses, the hero says to Nausicaa: 'Lately at Delos (where I touched) I saw a young palm which grew beside Apollo's temple; it exceeded all the trees which ever I beheld for straightness and beauty: I can compare you only to that.' Under this palm-tree Latona gave birth to Apollo and Diana. See also Solomon's Song, vii. 7: 'This thy stature is like to a palm-tree.'
L. 69. aura vu... The future is here used in order to express an hypothesis, as in this: 'Comment se fait-il qu'il ne soit pas encore arrivé?—Il aura oublié.' See Ayer, Gram. comp. de la langue française, § 203. For another similar use of the future see p. 25, l. 95.
Ll. 73-5. Od. i. 169-73. But Telemachus addresses Athene in more naïve words, saying: 'I do not think thou couldst come to this island on foot.'
l. 74. Comment, et d'où viens-tu? Boldly elliptical for 'comment es-tu venu ici et d'où viens-tu?' l'onde maritime. A rare use of the adj. maritime. La Fontaine has an instance of it: Ce maritime empire, VIII, ix; cf. 'la vague marine,' p. 29, l. 16.
Ll. 81, 82. Mais pauvre... Ils m'ont... jeté: a bold ellipsis as in 'Je t'aimais inconstant, qu'aurais-je fait fidèle!'—RACINE.
L. 88. âme ouverte à sentir. There are numerous instances in Chénier of the use of à in the sense of pour, a somewhat archaic feature which, no doubt, was one of the grounds on which his early critics based their reproach of incorrectness. But this is really racy French. The employment of à = pour may be traced throughout French literature: thirteenth century, 'Les dismes furent establies et donées anciennement a sainte église soustenir'; fourteenth century, 'Amis leur sont nécessaires a leurs bonnes actions acomplir'; sixteenth century, 'Il le somma de partir à parlementer'; seventeenth century, 'La couronne n'a rien à me rendre content,' Molière, D. Garc. V. vi; 'A lui rendre service elle m'ouvre la voie,' Corneille, Sertorius, II. v.; eighteenth century, 'A faire d'un tel gentilhomme un Achille au pied léger, l'adresse de Chiron même eût eu de la peine à suffire,' J.-J. Rousseau, Émile, ii.; nineteenth century, 'Que cette place est bonne à le bien poignarder,' V. Hugo, Cromwell, V. iii; 'Il en faudrait un monde à faire un grain de sable,' Lamartine, Jocelyn, quatrième époque (see the Jocelyn of this series, p. 75, l. 308). It is not strange that this should have been thought incorrect, when we see the French Academy, in their judgement on the Cid, and Voltaire, in his notes to Corneille, make the same mistake. See Haase, § 124, 2°, and F. Godefroy, Lexique comparé de la Langue de Corneille. For a similar instance see p. 6, l. 183.
L. 93. mobiles. The epithet will be more easily understood if we think of its contrary, 'inert'.
L. 98. j'étais misérable... Misérable is here used in the sense 'to be pitied,' a sense frequent in the seventeenth century. j'étais, the imperfect of the indicative for the conditional past, as in 'Hercule, ce dit-il, tu devois bien purger La terre de cette hydre,' La Fontaine, Fables, VIII. v, or in 'Sans vous, j'étais noyé.'
L. 100. N'eussiez. The more usual French construction would be, with repetition of the subject, 'vous n'eussiez.' armé... les pierres et les cris. A favourite phrase with Chénier (see p. 112, l. 105, and in Le Jeu de Paume, 'La tyrannie... arme... ses cent yeux...'). Racine, Les Frères Ennemis, I. iii, speaks of 'armer et le fer et la faim' against someone. An old translation of the Bible has 'J'armerai contre eux les dents des bêtes farouches,' Deut. xxxii. 24. Thus in the Odyssey, when the 'mastiffs' fly at Ulysses, the herdsman runs up, and 'his cry (with frequent stones flung at the dogs) repell'd this way and that their eager course they held.'—Chapman, Odyss. xiv. ll. 49-51.
L. 110. Ma bouche ne s'est point ouverte à leur répondre. See note to p. 3, l. 88.
L. 119. place is, of course, a subjunctive. The omission of que before subjunctives expressing a wish was the rule in Old French. The practice was still prevalent in seventeenth-century French. It is exceptional now, as in: Fasse le ciel! Puissiez-vous réussir! Vive la France!
Ll. 119-121. Un siège... sous la colonne. Cf. Odyss. (Chapman's transl., viii. p. 365): 'His place was given him in a chair all graced With silver studs, and 'gainst a pillar placed;... The herald on a pin above his head His soundful harp hung.'
L. 123. Ingénieux, here, seems to be used, not in its French sense of 'clever, having an aptitude for invention,' which would be but a poor compliment paid to the great Homer, but with its Latin meaning of 'gifted with genius.'
L. 135. vaillant. I take it to mean, not 'courageous,' but 'vigorous in body, robust, able-bodied,' a sense not recorded in Littré, though well known in everyday French, the sense of English valiant in 'the sturdy and valiant beggars' of the statute-book.
L. 140. douleurs, rheumatic pains.
Ll. 149-156. E. Faguet, in his Chénier, observes how like a picture this is composed. In the foreground the blind man sitting under a tree, with the shepherds and wayfarers pressing around him, while the background displays the deserted flocks and roads, and the intervening space is crowded with the attentive nymphs and sylvans enticed out of their abodes.
Ll. 149, 150. Virgil, Ecl. vi. 28 'tum rigidas motare cacumina quercus (videres).'
L. 157. Car en de longs détours... A long line. Its twelve syllables certainly take more time in the delivery than any other twelve. Hence the better adapted the line is to convey the poet's meaning.
L. 158. Il enchaînait. The meaning is that he gave a connected account of....
L. 162. Les amours immortelles for les amours des immortels. Virgil, Georg. iv. 347.
L. 164. Iliad, i. 528: 'He said; and his black eyebrows bent;... great heaven shook.'—CHAPMAN.
L. 166. The war of the Titans.
L. 167. The Trojan war is here entered upon.
L. 168. Cf, Homer, Iliad, iii. 13; xiii. 336; Virgil, Aeneid, ix, 63, 64.
L. 170. Iliad, ii, 455: 'And as a fire upon a huge wood, on the heights of hills; that far off hurls his light; so the divine brass shined on these.'—CHAPMAN.
L. 172. Iliad, xix. 405, Xanthus, one of Achilles' horses ('twas Juno's will to make vocal the palate of the one,' to use Chapman's words), answers his master's charge to acquit himself well with a prediction that 'not far hence the fatal minutes are Of his grave ruin.'
L. 177. mortels aux épouses... This must be an instance of those 'régimes inusités donnés aux adjectifs' which Raynouard censured in 1819. This is once more à in the sense of pour. 'Rechercher un trépas si mortel à ma gloire,' Corneille, Cid, I. ii. But compare the (perhaps) more modern construction: 'Cette mode durera peu; elle est mortelle pour les dents.'—Madame de Sévigné, 4 avril 1671 (in LITTRÉ).
L. 179. Laetas segetes. Virgil, Georg. i. I.
L. 182. Homer. Iliad, xviii. 491; Hesiodus, The Shield of Hercules, 274.
L. 183. à soulever les mers. à=pour. See note to p. 3, l. 88.
Ll. 185, 186. Il. xviii. 35-70.
L. 189. Ulysses' descent to Hades, Od. xi.
L. 190. les champs d'asphodèle. Od. xi, 539.
Ll. 191-194. Od. xi. 36. Aeneid, vi. 305. l. 192, and Dryden's translation of the corresponding line of Virgil may be compared: 'And youths entombed before their father's eyes.'
Ll. 197-200. Od. viii. 274. Ovid, Metam. iv. 175. Inconnus, here, for invisibles. The stricture of the first critic of A. Chénier, Népomucène Lemercier, that the poet 'dénature le sens des mots,' if generally unjust, may apply to this instance.
L. 201. il revêtait d'une pierre soudaine is very happily said for il revêtait soudainement de pierre.
L. 202. Il. xxiv. 602.
L. 203. Accents de douleurs would, in prose, be accents de douleur, without the s, which is here put that, as douleurs rhymes with pleurs, the eye may be satisfied.
L. 204. Od. xix. 518; Virgil, Ecl. vi. 78.
L. 208. Od. iv. 220.
L. 209. Od. x. 304.
Ll. 210-212. Od. ix. 94. See Tennyson's Lotos Eaters.
L. 211. à ce philtre charmés, an instance of à denoting a relation of cause—'Qui demeure surprise à l'éclat de ces lieux,' Molière, Psyché, III. i. 988. See Haase, § 123.
L. 212 Od. ix. 54.
L. 214. Od. xxi. 295; Il. i. 266, ii. 742; Ovid, Met. xii. 210. Chénier follows Ovid.
L. 217. enfants de la nue. The Centaurs were descended from Ixion and Nephele, the cloud.
L. 221. mon affront, i.e. the affront offered me. This is a frequent use. Thus Racine makes Athalie say: 'que je ne cherche point à venger mes injures,' i.e. the wrongs suffered by me.
L. 224. Ovid, Met. xii. 247.
L. 226. Aen. x. 730; Od. xviii. 99.
Ll. 241-252. E. Faguet in his Chénier quotes this passage as an instance of energetic precision. 'The problem, he writes, is to depict this: A centaur (bear in mind that a centaur is a creature half-beast, half-man, with the body of a horse, the bust and head of a man, four feet, two arms, all this you must bear in mind), a centaur, with his two fore-feet, is trying to bear down a man, while, with his right arm, armed with a club, he seeks to brain another man. A third man leaps on to the back of the centaur, whence, pulling back his enemy's head with one hand, he thrusts a burning brand down his throat. The problem is to put all this in clear, precise, energetic, picturesque lines, and in few lines too. Chénier has succeeded in putting it in twelve times twelve syllables, with the result that, as it is, it stands in sharp outline as in a piece of sculpture.'
L. 246. D'un érable noueux, a club of maple. Dryden, Aen. '[Hercules] tossed about his head his knotted oak.'
L. 250. chevelure horrible, in the Latin sense of 'horrid, bristling.'
Ll. 254-256. Et le bois porte au loin des hurlements... l'ongle frappant.... Of course, what the wood conveys far away are such sounds as the trample of hoofs, the cries of the wounded warriors, the crash of the broken vessels, &c.
L. 255. l'ongle, Lat. ungula, stands for le sabot. Cf. Aen. viii. 596 'quatit ungula campum.'
Ll. 260, 261. Admiraient... abonder les paroles. This use of admirer followed by a pure infinitive, though, so far as we know, unprecedented, has nothing shocking in it and tends to make the line more concise. The construction is on the analogy of that which is customary with such verbs as voir, entendre, and 'admiraient abonder' is here said for 'voyaient avec admiration abonder.' Everything here is striking in the matter of language. Admirer is somewhat archaic and means 'to wonder.' 'Abonder de sa bouche' is anything but a hackneyed phrase. The etymological meaning of abonder, Lat. abundare, to overflow, was surely in the mind of Chénier when he wrote this. Such novelties as these make his style exquisite. Some pains should be taken to make something pass into English of the felicitous phrasing. Shall we presume to submit this suggestion; 'they admired the divine words, how they flowed from his lips'?
L. 262. Comme en hiver la neige... Il. iii. 221, 'And words that flew about our ears, like drifts of winter's snow.'—CHAPMAN.
Ll. 263-265. Cf. Homer, Hymn to Apollo, 514.
L. 268. Convive du nectar (table-companion of the gods—Horace's 'Conviva Deorom,' Od. i. 28—at their nectar) is a novel collocation of words, and, though of difficult analysis, grammatically speaking, is perfectly satisfactory as being easily understood, 'Partaker of nectar' would be an easy English rendering.
L. 269. prospère renders the laetus of Virgil, Aen. i. 732. The English equivalent might be 'blest.' Chénier liked the word, as appears from his Commentary on Malherbe.
L. 270. Homère. The name of the blind bard, which, ever since the first lines of the poem, has been a mystery for no reader, has been kept for the last word of the poem.
II. LE MENDIANT.
In this piece, illustrative of the rites of hospitality in ancient Greece, Chénier has drawn much of his inspiration from the arrival of Ulysses in Phaeacia; as it is described in the sixth book of the Odyssey. The reader will also notice, from the gaps in the text and unfinished lines, that the poem had not reached the stage of completion. Chénier, who himself published none but two of his poems, was prevented by death from giving the finishing touch to this and many other pieces.
L. 8. Od. 127, 137; Aen. iii. 590.
L. 15. Aspect, in the sense of 'apparition, ghost,' is a Latinism. Yet it is quite an allowable concretisation of the word, as in French and English 'apparition, vision,' in English 'sight' and in English 'aspect' itself, which we find used with the meaning of 'a thing seen' in the N.E.D.
L. 21. Od. vi. 150.
Ll. 23, 24. les voeux des... humains Ouvrent des immortels les bienfaisantes mains. If the maid is a goddess indeed, the beggar entertains some hopes of her mercy, for, says he, 'oftentimes have the prayers of the unfortunate opened the bountiful hands of the immortals—obtained of those hands that they should "open their bounty" (Henry VIII, iii. 2. 184) to them.'
Ll. 25, 26. quelque front... qui te nomme, one of those incoherent metaphors which our (in this respect) delicate taste demurs at, but which the old writers—Shakespeare being among the greatest sinners—indulged in freely.
These two lines display imperfect rimes, the o in couronne being short, whilst the o in trône is long.
L. 34. Tremblante. The 'rejet' helps the meaning. The reader's voice, arrested by the unavoidable pause at the end of the preceding line, is forced into imitating the hesitation that he is told was discernible in the maid's utterance. But perhaps this is more perceptible to a Frenchman used to more rigidity in the rimed versification of his great classics than to an Englishman with the freedom of blank verse in his ear.
L. 35. quand la nuit descend, the present for the future. See Haase, § 67, Remark I; Ayer, p. 466.
L. 42. il pleure aux pleurs... This is neatly said. Notice the use of the preposition à expressing a relation of cause, as in 'A l'orgueil de ce traître, De mes ressentiments je n'ai pas été maître' (Molière, Tartufe, v. 3. 1709). See Haase, § 123. Cf. p. 7, l. 211.
Ll. 51, 52. au devoir... Rangent... Ranger à = soumettre à, réduire à.
L. 54. ses mains sur ce visage. This was one of the rites observed by suppliants. See Euripides, Hecuba, 344.
L. 55. Indulgente. Becq de Fouquières remarks that the adjective is used in its Latin sense of complaisant. This is the English meaning: 'disposed to gratify by compliance with desire or humour,' whilst the French meaning is restricted to that of being 'ready to overlook or forgive faults or failings.'
L. 58. sur l'autre bord. Across the bridge.
L. 62. n'insulte à sa misère. Insulter à, still in use by the side of transitive insulter, is the equivalent of obsolete English 'insult over, on, at.'
L. 66. mon élève, not my 'pupil,' but my 'foster-child.' A farmer or a nurseryman speaking of the cattle he breeds or the plants he raises will say mes élèves. But the term is here exceptionally applied to a human being.
L. 74. Le toit s'égaye et rit. This line, criticized by Ponsard (Études antiques) as non-Homeric, is a translation of Catullus, lxiv. 285 'queis permulsa domus iocundo risit odore.' In fact, the attribution of feelings to inanimate things is as old as poetry itself. Countless instances in all languages might be adduced. For this use of laugh in English see N.E.D., s.v. laugh 1 c., and notice that Pope, in translating the Odyssey, has made Homer say, 'In the dazzling goblet laughs the wine,' iii. 601.
L. 75. au loin circule, i.e. forms a long circle.
L. 77. animées, appearing alive, of course, like the 'animated marble' of Pope, Temple of Fame, 73.
Ll. 77, 78. Od. vii. 100, 'Youths forged of gold, at every table there, Stood holding flaming torches.'—CHAPMAN. Cf. Lucretius, ii. 24.
L. 84. lits teints. Aen. i. 708, which Dryden translates 'The painted couches.'
L. 86. Est admise: exceptionally, for women, as a rule, did not sit at the same table with the men.
L. 89. Et déjà vins, &c. The ellipsis of the verb imparts greater vivacity to the narrative. The unexpected interruption is therefore made more abrupt.
L. 93. s'assied parmi la cendre. Od., vii. 153: '[Ulysses] went to the hearth, and in the ashes sat,' CHAPMAN; 'as the custom was in those days when any would make a petition to the throne,' adds Lamb by way of commentary, Adventures of Ulysses, vi.
L. 94. Od. vii, 144, 145. '...His view With silence and with admiration strook The court quite through.'—CHAPMAN.
Ll. 97-100. Hesiod, Theog. 84. De l'Olympe envoyé, ibid. 97.
L. 98. Semblent d'un roi. Elliptical for semblent être d'un roi. Être de itself is elliptical for de être celui, ceux. The French idiom has its English equivalent in 'My kingdom is not of this world.'
L. 100. Od. xiv. 205; Hesiod, Theog. 97.
L. 102. la main hospitalière, with the definite article, not 'ta main...,' as has sometimes been printed, nor, as the more current phrase runs, 'une main.' The beggar is then made to use, as it were, a technical phrase, to name a well-known rite. In the same way we say 'the kiss of peace,' 'the stirrup-cup.'
L. 104. Od. xvii 347: 'Bashful behaviour fits no needy man.'—CHAPMAN.
L. 110. Theognis, 649.
Ll. 111, 112. This seems to owe something to an extract from Menander in the Florilegium of Stobaeus, xcvi, which, together with a line of Theognis, quoted under the same heading, has partly inspired the following lines of Chénier, ll. 113, 114.
L. 115. plus que l'enfer, more than the gates of hell, is the phrase, Il. ix. 312; Od. xiv. 156.
L. 116. Le public ennemi, i.e. l'ennemi public. The inversion is awkward, as the collocation of the words is precisely that which would express 'the hostile public.'
Ll. 122-4. Od. xvii. 485.
L. 123. traînés, of course, goes with haillons.
L. 125. Il. l. 22.
L. 127. et que puissent. The more modern phrase would be puissent tes voeux. Malherbe: 'que puisses-tu, grand soleil de nos jours, Faire sans fin le même cours.' See Haase, 73 B.
Ll. 127, 128. Od. xvii. 354.
L. 134. For these details see Od. iv. 290.
L. 139. nourrit un long amour: a very happy phrase, recalling La Fontaine's 'quittez le long espoir et les vastes pensées,' Fables, XL viii. In Shakespeare's 'A long farewell to all my greatness.' Henry VIII, iii. 2. 351, we have a similar use of 'long'. Such epithets stand in lieu of a whole phrase.
L. 143. Od. vii. 174, 175: 'And there was spread A table, which the butler set with bread,'—CHAPMAN.
L. 144. Sieds-toi. Se seoir, for instances of which we must go to the seventeenth century, its uses being confined to the present of the indicative, the imperative, and the infinitive, is an archaism. Such archaisms, like que puissent above, give more solemnity to the tone, make the scene recede, as it were, into the past.
L. 150. l'éponge. Od. i. 111: 'Some... With porous sponges cleansing tables.'—CHAPMAN.
L. 151. S'approche, i.e. 'is brought by the servants.' The stranger does not sit at the common table, but, as when Ulysses is entertained by Alcinous, a table is spread for him.
L. 152. le disque: discus, platter for meat, whence O.E. 'disc,' E. 'dish,' and German Tisch, a table. d'airain; cf. Il. xi. 630: 'a brass fruit-dish.'—CHAPMAN.
L. 153. l'amphore vineuse. An epithet of nature. Chénier, it will be noticed, used them freely, as the ancients did.
L. 155. leur lendemain... A thought akin to that in Homer, Od. xv. 400: 'Betwixt his sorrows every humane joys.'—CHAPMAN.
Ll. 156-159. Od. vii. 178: '... command That instantly your heralds fill in wine, That to the god that doth in lightnings shine We may do sacrifice: for he is there Where these his reverend suppliants appear.'—CHAPMAN.
L. 158. Pour boire. An unexpected passage from indirect to direct speech, as in Homer, Il. xv. 348. The abrupt break in construction is more telling in French than in English, where it is a more common device.
L. 160. For this rite see Od. iii. 45.
L. 163, 164. Od. vii. 192.
L. 169. De sourire et de plainte would be de sourires et de plaintes in prose. But the two s's of the plural would prevent the two e's from being elided and so give two syllables more.
L. 170. tes nobles toits. The plural for the singular, that the form of the word, riming with abois, may satisfy the eye. A Latinism besides.
Ll. 174-179. Od. xiv. 462. I cannot refrain from giving here Chapman's quaint equivalent for ce que... il eût mieux valu taire: 'strong wine,' he makes Ulysses say, 'moves the wise to... prefer a speech to that were better in.'
L. 184. See Od. viii. 136.
L. 185. n'ai point passé l'âge 'où l'on est robuste' is understood.
L. 186. La force et le travail, que je n'ai point perdus, a hendyadis for 'la force de travailler.'
Ll. 188 ff. In the same way Ulysses (Od. xv. 317) declares to Eumaeus that he is ready to do all kind of menial work to earn a livelihood.
L. 194. diriger, train.
L. 195. Et le cep et la treille. The low vine-plant, such as is seen in the vine-growing parts of France, and the espalier or trellis vine.
L. 196. la faux recourbée. One of those descriptive epithets so frequent in primitive poetry.
Ll. 199-201. Hesiod, Op. et Dies, 307, 303-5.
L. 201. à rien faire. Some purists censure the use of rien without ne on the ground that rien of itself means quelque chose (Lat. rem), as in: 'Pourquoi consentez-vous à rien prendre de lui?'—Molière, Tartufe, V. vii; but the abuse, if it is really to be considered as one, is authorized by the best writers, Molière, Racine, &c. In answers rien is used by itself with the sense of 'nothing.' Add to this the phrases pour rien, réduire à rien, venir à rien, un homme de rien, rien que cela, si peu que rien, moins que rien, where rien actually means 'nothing'. Also the substantive: un rien, des riens. Also un vaurien (='un homme qui ne vaut rien'). The objection to rien in the present sentence would be just if the omission of the negation ne entailed the least ambiguity, but such is not the case.
L. 202. Od. xix. 253 and 322.
L. 203. élever sa langue for élever la voix is decidedly indefensible. But Chénier carefully avoids obvious alliances of words. See note to p. 64, l. 4.
L. 205. Sans craindre qu'un affront ne trouble. The second negative ne had better have been left out. The strict rule is to omit it after sans. Yet several instances of sans que... ne and even sans que... ne... point occur in the seventeenth century, namely in Mme de Sévigné. See Haase, § 103 B.
L. 206. L'indigent se méfie. Menander in Stobaeus, Florilegium, xcvi. Od. vii. 307.
L. 209. A reminiscence of Horace, Od. ii. 9. The same thought occurs again at p. 66, l. 4.
L. 210. Propertius, ii. 28. 31; Theocritus, Idyll. iv. 4.
L. 211. Et tel pleure. Cf. 'Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera.'—Racine, Plaideurs, i. I. Observe the fitness of those two forms of the same proverb to their several contexts. The vendredi and dimanche, humorous precisions, would never do here.
L. 212. en tes discours préside—not 'à tes discours.' Chénier means, not 'wisdom presides over thy discourses,' but 'wisdom rules, bears sway, prevails, is paramount in thy discourses,' Cf. Od. xix. 352; xx. 37.
Ll. 228-231. Aen. i. 628.
Ll. 229, 230. n'a point à l'indigence fait..., 'has not caused indigence to envy the destiny of the wealthy Lycus,' The object of faire, which is at the same time the subject of the infinitive envier, is in the dative. See Littré, Dict., s. v. 'Faire,' Remarques 1-5; also Haase, 390.
L. 235. et te souviens. This peculiar form of the imperative is used only when another imperative goes before. Whereas in the ordinary form, souviens-toi, the stressed form of the pronoun is used (as is the rule when the pronoun is the object of an imperative or a prepositional object: écris-moi, nous avons songé à lui), in this construction the pronoun preceding the verb follows the rule of all pronouns placed before verbs and is in the unstressed form.
Ll. 250, 251. Hesiod, Op. et Dies, 285.
L. 260. qu'avait tissus l'Euphrate. Tissu is the past participle of the obsolete verb tistre, now replaced by tisser.
L. 264. Seul maintenant—a sort of ablative absolute.
L. 275. Et sans que nul mortel. Nul, though of itself a negative, occurs after sans: 'Sans nuls égards pour les petits.'—La Bruyère, xiv. True it is that La Bruyère might have said, with Malherbe and La Fontaine, 'sans point d'égards...,' which nobody would think of using at the present day. 'Sans qu'aucun mortel'—aucun=aliquis unus, and so is no negative—would have been more logical, but harsh.
L. 282. By the device of concluding the long period with these three sad syllables, the pathos of the statement is heightened.
L. 284. a tombé. Tomber, generally used with the auxiliary être, also admits of the auxiliary avoir. Littré, Dict., s.v. 'Tomber,' 61°.
L. 287. je ne revois. The present used instead of the future tense imparts more emphasis to the asseveration. See Ayer, p. 466.
L. 289. vapeurs, fumes.
L. 291. Od. xiv. 42.
L. 308. au même précipice. In Old French ou (=en le) got confused with au (=à le), whence a constant substitution of au for ou in the masculine, and, by extension, of à la for en la in the feminine. See Meyer-Lübke, § 417, and Haase, § 120, and cf. p. 33, l. 4.
L. 317. je revoi. The Old French spelling (voi from video) has been retained in versification for rhyming purposes.
L. 323. J'ai honte à ma fortune, instead of: 'J'ai honte de ma fortune'; as Molière writes: 'J'aurais honte à la prendre.'—Le Dépit amoureux, I. ii.
L. 331. So Nausicaa does to Ulysses (Od. viii. 461).
III. LA LIBERTÉ.
L. 1. qui t'agite? Qui here is a neuter and means 'what.' See Darmesteter, § 416.
L. 8. parmi l'herbe. Delicately archaic. Thus Corneille has 'parmi l'air,' Mel. IV. vi. and La Fontaine 'Parmi la plaine,' Fables, XI. i. 4. See Haase, § 131 A.
Ll. 12, 13. Notice the fine effect of imitative harmony in these lines. They are as rough as the landscape they describe. Much of their harshness is due to the predominance of the sound of r.
Ll. 36, 37. Euripides, Hec. 332.
L. 38. rien à soi. Soi, which is now more especially used when the subject of the sentence is on, was formerly indiscriminately used with lui put for lui-même. See note to p. 29, VII, l. 10.
L. 49. Aen. iv. 487.
L. 54. les maux qu'on me fait. The plural of mal is not common with the verb faire. There is an instance of it in Régnier: 'sa barbe... où certains animaux... luy faisoient mille maux,' Satire x, 171-4.
L. 66. De qui les blés. This use of de qui, when the antecedent is an inanimate thing, was condemned by Vaugelas, whose rule has prevailed. Yet there is a tendency with many modern writers to return to the older practice.
L. 72. The horn of plenty, or cornucopia, or Amalthaea's horn.
L. 73. Sans doute que. How are we to account for this que? The phrase is the result of an ellipsis, and stands for 'il est sans doute que.'
L. 75. Je n'y vois. Y refers to la terre, l. 55.
L. 80. Elle est pour moi marâtre. Marâtre is an adjective here=inexorable.
L. 87. Je m'occupe à leurs jeux. For a distinction between s'occuper à and s'occuper de see Littré, Dict., s.v. 'occuper,' Remarque. The meaning here is: I occupy my mind in seeing them play.
L. 88. sur la rosée et sur l'herbe brillante, a hendiadys for sur l'herbe brillante de rosée.
L. 93. Deux fois... promenés. An ablative absolute. Promener, of course, is not the proper word for 'driving' a flock, but an expression of angry contempt for the tedious and, as it were, unprofitable work.
L. 101. injure, in the singular, for the sake of the metre.
L. 107. Du chaume. Calpurnius, Aegl. viii. 66.
L. 117. la mienne. This syntactical incorrectness—for la mienne cannot mean ma vierge—is in fact an elegance. The shepherd is full of the idea of his love, and most naturally says la mienne, meaning ma bien-aimée. This neglect of strict logic is most natural.
Ll. 151, 152. Some writers have printed si j'étais plus sage..., as if the sentence were unfinished, and explain that 'I should not take them' is understood. But the thought rather seems to be expressed elliptically: Were I wiser, these gifts forebode no good to me (and I should listen to these misgivings).
L. 156. j'aurai pu. The future expressing what is likely to have taken place. See Ayer, § 203.
IV. LE MALADE.
M. Dezeimeris (Leçons nouvelles et remarques sur le texte de divers auteurs, Bordeaux, 1879) has shown how much this poem owed to a Greek versified romance by Theodoras Prodromus, entitled The Adventures of Rhodanthe and Dosicles. To this very indifferent and cold production he has traced both the scheme and most characteristic details of Chénier's Malade. We have deemed it unadvisable to crowd our notes with the numerous passages of the Byzantine writer which have inspired our poet.
Ll. 1-3. This invocation, a litany in form, may have been suggested by the Orphic hymn to Apollo.
L. 6. qui meurt abandonnée, i.e. qui meurt si elle est abandonnée.
L. 7. Qui n'a pas dû rester..., 'who surely has not been spared by death that she might see her own son die.'
Ll. 8, 9. Assoupis, assoupis... Frequent repetitions occur throughout this piece, all with a most natural and pathetic effect. M. Dezeimeris that Chénier took the hint from Prodromus, in whose poem, however, the repetitions, for the most part irrelevant, are mere mannerism.
L. 15. un jeune taureau blanc. 'Iuvencum candentem,' Aen. ix. 627.
L. 22. Aen. x. 557.
Ll. 24, 25. Il. i. 362. Thetis says to Achilles; 'Why weeps my son? what grieves thee? Speak, conceal not what hath laid such hard hand on thee, let both know.'—CHAPMAN.
L. 34. See tapes in A. Rich's Dict. of Roman and Greek Antiq.
L. 36. ô douleurs! The s is required by the rhyme rather than by the sense.
L. 43. Euripides, Hipp. 135.
L. 44. Sans connaître Cérès. 'Non Cereris placuere dapes, non pocula Bacchi' is Gaulmin's paraphrase of Prodromus (Paris, 1625). For a similar use of 'Ceres,' see Ovid, Met. iii. 437. Milton has: 'A field Of Ceres ripe for harvest waving bends' (Paradise Lost, iv. 980, 981); and Byron: 'Beneath his ears of Ceres groan the roads' (Don Juan, XII. ix).
L. 46. ta vieille inconsolable mère, not ton inconsolable vieille mère, which would be the more usual, but less forcible, order.
L. 48. T'asseyait sur son sein. Sein (bosom) here stands for giron (lap). This is the Latin phrase in sinu. The English Bible reads (Luke xvi. 23): 'He (the rich man) seeth Abraham... and Lazarus in his bosom,' whereas Langland, more explicit and accurate, says, 'Ich sauh hym [Lazarus] sitte... in Abraham's lappe' (P. Pl., C. ix, 283).
L. 53. presse de ta lèvre. She says this holding out the cup to him, so that there is no need for her to express the word 'cup,' which is therefore understood. Yet it appears that Chénier did not mean ll. 53, 54 to stand thus, as they are struck out in the MS. (Dezeimeris, p. 69).
Ll. 59, 60. sur leur jeune sein... leur robe. He says leur, as if everybody ought to understand him, because his own thought is full of them—those dancing fair ones mentioned in the following line. This, as well as the preceding 'presse' and 'la mienne' higher up, is of those true touches that carry us into the atmosphere of life.
L. 65. Reminiscences of Virgil, Ecl. v. 58; Georg. ii. 151.
L. 70. cette vierge dansante. The first editor had altered this into 'cette vierge charmante,' either because the epithet recurs at ll. 61, 89, or because he objected to this declension, or rather adjectival use, of the past participle. For this syntactical feature see Darmesteter et Hatzfeld, Le seizième siècle en France, §210; Haase, §91. See also note to p. 62, l. 19.
L. 71. Pallas (Od. i. 58) represents Ulysses as longing to see 'His country's smoke leap from her chimney tops.'—CHAPMAN.
L. 74. enchante ta vieillesse. An easy correction would be enchantent, which would not spoil the metre, but, as a rule, Chénier makes the verb agree with the last subject. See Ayer, §217.
Ll. 76, 77. Tibullus, i. 3. 8.
L. 80. Viendras-tu point...? The omission of ne in direct interrogation, very frequent in the seventeenth century, is still to be met with in modern poetry, e.g.: 'Viendras-tu pas voir mes ondines?'—V. Hugo, Ballades, 4. (Haase, §101 A.)
L. 84. Racine, Phèdre, I. iii: 'Ariane, ma soeur, de quel amour blessée...'
L. 93. Virgil, Ecl. vi. 21 'Aegle naiadum pulcherrima...'
L. 95. ne sera-ce point. A future of doubt.
L. 103. Ovid, Met. i. 481.
L. 105. garde que jamais elle soit... Ne was generally omitted in the seventeenth century after expressions of fear and after garde, gardez, prenez garde (Haase, §104 B).
L. 109. va la trouver. Cf. the first scene of the third act of Racine's Phèdre. The entire poem is to some extent the counterpart of Racine's play.
L. 126. d'âge chancelante. Cf. Aen. iv. 641.
L. 132. L'insensé. In the sense, Becq de Fouquières remarks, not of demens, but of amens, as in Ovid, Am. iii II. 25.
V. HYLAS.
The subject of the poem is taken from Theocritus, Id. xiii., and Virgil, Ecl. vi.
L. 1. Le navire éloquent. Argo, which Malherbe calls 'le navire qui parlait,' Lebrun 'la nef à voix humaine,' and Chénier himself in a fragment (XLIX., p. 118 of the first volume of the edition published in 1874 by G. de Chénier), 'le vaisseau parleur.'
L. 2. Colchos. This Colchos has never had any existence except in the imagination of French poets. It is, in fact, the accusative of Colchi, the Colchians, or inhabitants of Colchis, mistaken for the name of a town.
Ll. 12-14. Et leur onde... un... zéphire, un murmure... 'l'avertit. The verb is in the singular, agreeing with the last subject, as is the constant practice with Chénier. Cf. note to p. 25, l. 74.
L. 14. et soupire. The first editor has corrected this into et l'attire. But the nymph first attracts the attention of the boy and then sighs out her desire (as again on l. 19).
L. 15. jette des fleurs. Jeter is said of plants and trees (E. shoot), whence rejeton (E. shoot).
L. 20. il l'admire couler. See note to p. 8, l, 260.
L. 26. Sur leur sein, dans leurs bras, assis... Elliptical: 'he sitting on their knees,' For this sense of sein see note to p. 24, l. 48.
L. 29. Leurs mains vont caressant. Aller with the gerund of a verb was a periphrase much in vogue in the sixteenth and seventeenth centuries, and meaning nothing more than the verb itself. It is now of rare use, except in poetry (Haase, §70 A). Palsgrave says that 'que je vous yraye devisant' amounts to 'que vous deviseroye,' Littré, however, in his dictionary (s. v. 'aller,' 21), says that it expresses continuity.
L. 30. étamine. This is, Sainte-Beuve observes, the prima lanugine malas of the Latins. Cf. 'Flaventem prima lanngine malas... 'Clytium,' Aen. x. 324, 'downy-cheeked Clytius'; or 'Clytius in his beardless bloom,' as Dryden, not very accurately, renders it. For étamine see note to p. 50, l. 38.
Ll. 38, 39. Virgil, Ecl. vi. 43.
Ll. 46-52. The syntax of this sentence would incur the blame of a strict grammarian. He would first observe that in the wording, 'pour te paraître belle, l'eau pure...,' it is pure water that is represented as wanting to appear at its best, and that, in order to avoid this absurdity, the author should have written 'pour te paraître belle, elle (the idyll a...)—in short, the construction that reappears in the following clause, 'elle a pressé ses flancs....' Next he might perhaps object to 'Et des fleurs sur son sein ... et sa flûte à la main,' a clause in which he would miss the verb. But say 'elle met des fleurs sur son sein, etc., et elle prend sa flûte à la main,' and notice the loss in vivacity. As the young person bustles, so does the sentence.
L. 51. les pipeaux de Segrais. Segrais (1624-1701) wrote idylls praised by Boileau. He also had a hand in the composition of the two novels of Mme de la Fayette, Zaïde and La Princesse de Clèves, and gave a metrical translation of the Aeneid, now forgotten.
L. 52. connus... aux nymphes. Both connu à and connu de are said, though the latter is more common at the present day.
VI. LA JEUNE TARENTINE.
This touching elegy, Becq de Fouquières observes, was suggested to Chénier by the following funereal epigram of Xenocritus of Rhodes in the Greek Anthology: 'Thy locks are still dripping, unfortunate maid, O Lysidice, poor shipwrecked creature, dead in the salt flood. As the waves leapt wild, thou, dismayed by the violence of the sea, fellst out of the ship; and now on a tombstone are read thy name and that of Cyme, the place of thy birth, but thy remains have been washed to some chill shore; a bitter grief to thy father Aristomachus, who, accompanying thee to the house of thy husband, brought him neither a bride nor a corpse.'
L. 2. Oiseaux chers à Thétis. 'Dilectae Thetidi alcyones,' Virgil, Georg. i. 399.
L. 3. Elle a vécu. A euphemism, adopted from the Latin, for elle est morte, used in elevated style. Thus Corneille: 'Non, non; avant ce coup Sabine aura vécu.'—Horace, II. vi.
L. 4. Camarine, a town in Sicily.
L. 5. l'hymen, the hymeneal song.
L. 8. Dans le cèdre: an accurate detail. Cf. Euripides, Alc. 160.
L. 11. invoquant les étoiles. A reminiscence, happily adapted, of Virgil, Aen. vi. 338: 'Palinurus... who, while he steering viewed the stars,... Fell headlong down.'—DRYDEN.
L. 13. étonnée. Étonner, whence E. astun, stun, astony, astonish, astound, from L. extonare class. L. attonare, to strike with a thunderbolt, originally 'to strike senseless, powerless.' It is here nearer this sense than weakened sense of 'to surprise'.
L. 21. dans ce monument. We here find that we are reading a 'funerary epigram' or epitaph.
L. 22. cap du Zéphyr. Cape Zephyrium at the southern end of Brutium.
L. 25. traînant un long deuil. Chénier thus renews, with advantage to the meaning, the current phrase: 'mener (=carry on) un deuil,' to make dole, mourn. This use of mener (cf. L. ducere in same sense) may be paralleled in English by the archaic 'lead great joy' (Caxton, Sonnes of Aymon, xx. 446), 'lead sorrow,' Partenay, 3785 (N.E.D., s. v. lead, 11 and 12 b).
VII. SUR UN GROUPE DE JUPITER ET D'EUROPE.
This piece, Becq de Fouquières remarks, is imitated from an idyll of Moschus (ii. 95 ff.).
L. 3. Anacreon, xxxv.
Ll. 5-7, Ovid, Met. ii. 874.
L. 7. les pleurs dans les yeux. The current phrase is les larmes aux yeux.
Ll. 9, 10. Ovid, Fast. v. 611.
L. 10. sous soi. In The Public School Elementary French Grammar by Brachet we read (par. 96): 'In modern French, soi is only used when the subject is on, tout le monde, chacun, etc., or after an impersonal verb.' But this is contradicted by the practice of the best authors. See Littré, Dict., s. v. 'Soi,' Remarque; Haase, §13. Cf. note to p. 19, l. 38.
L. 20. le flatte. This sense of F. flatter was adopted in English, but has long been obsolete. Under the date 1599 there is a curious instance of this use in the N. E. D.: 'Trout is a fish that loveth to be flattered and clawed in the water.'
L. 22. Ovid. Met. ii. 868.
VIII. PASIPHAÉ.
Ll. 3-12. Virgil, Ecl. vi. 41 ff.
L. 4. Four lines are missing here, which, being omitted in most editions, had escaped us. We here give them: