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Portraits et études; Lettres inédites de Georges Bizet

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Monsieur le Ministre,

Désirant prendre part au concours du Théâtre impérial de l'Opéra, je viens prier Votre Excellence de vouloir bien me confier un exemplaire de la Coupe et les lèvres. Daignez agréer etc...

Votre adresse.

Envoyez-moi cette lettre, je la porterai moi-même au ministère et je prierai ces messieurs de vous envoyer de suite le poème en question.

J'ai complètement lâché Noé[57] et j'ai bien fait, je crois.—

L'exécution (à Bruxelles) de ma pauvre Jolie Fille a été monstrueuse.—Malgré cela, succès très sérieux. J'ai reçu nombre de lettres très encourageantes.—Presse excellente, etc...

Allons, travaillez, travaillez, faites le concours de l'Opéra.—Vous devez être un grand musicien,—à l'œuvre donc et courage.

Croyez, mon cher ami, aux sentiments les plus dévoués, les plus affectueux de votre ami,

Georges Bizet.


Onzième Lettre.


Mars 1871.

Cher ami,

Paris débloqué, j'ai dû me rendre à Bordeaux pour affaires de famille. En rentrant, je trouve un paquet de lettres datées de septembre, octobre, novembre, décembre, janvier et février. En ouvrant la vôtre, j'éprouve une vive joie et cette joie se manifeste par une bêtise incroyable: je tiens votre lettre de la main droite, et de la main gauche je jette l'enveloppe au feu. Or, votre lettre n'étant pas datée, il m'est absolument impossible, même après dix lectures consécutives, de savoir si vous l'avez écrite avant ou après le siège. Éclaircissez ce point, je vous prie.

Ce n'est pas ici le lieu de parler du gredin du 2 Décembre, ni des idiots du 4 Septembre. Nous voilà sortis vivants et bien portants, ma femme et moi[58], de toutes ces stupides horreurs; nous sommes donc parmi les heureux.

J'ai en ce moment un ouvrage à terminer et un autre à faire presque complètement. Dès que Sardou sera rentré à Paris, je vais le tourmenter pour qu'il termine un quatrième acte qu'il veut changer presque entièrement. Une fois ce point réglé, je songerai à choisir une retraite pour l'été. J'ai très envie d'aller dans le Midi, et il se pourrait que j'allasse vous dire un petit bonjour. Je veux avoir mes deux opéras prêts pour l'hiver prochain. Si les théâtres marchent, je m'en tirerai; si non, je ne sais à quel genre d'industrie je pourrai me livrer pour vivre.—À ce propos, donnez-moi donc quelques renseignements sur vos contrées. Y a-t-il des bois dans l'Aude? Les bois me sont ordonnés pour Geneviève. J'aurais voulu m'installer dans un port de mer. Mais le tempérament de ma femme s'y oppose absolument.

Et vous, avez-vous travaillé?...

Comment prend-on chez vous la situation de petite Pologne que nous font les événements, ou plutôt que nous ont faite notre stupidité et notre immoralité?...

Nous attendons ici l'entrée des Allemands!

Triste! triste!

À vous, cher ami, de tout cœur et mille souvenirs de Geneviève.

Georges Bizet.


Douzième Lettre.


20 juin 1871.

Cher ami,

Merci! J'ai quitté Paris lorsque le rôle des honnêtes gens était fini dans cette bagarre.

Sortirons-nous de cette situation?... Serons-nous républicains, communards, légitimistes, ultramontains ou Prussiens?...

J'espère, mais je crains.

Paris essaie de reprendre sa physionomie ordinaire; mais c'est difficile.

Perrin, Du Locle et de Leuven n'ont pu encore rouvrir nos pauvres théâtres lyriques.—Ils sont arrêtés par des difficultés sans nombre et de toute nature. Pasdeloup, qui, comme Guzman, ne connaît point d'obstacles, a rouvert hier les Concerts populaires.—Il divise ses programmes en deux parties: musique classique et musique moderne. Il a fait exécuter hier du Gounod, du Massenet, etc... Il redira ma symphonie un de ces jours. Beaucoup de gens sont pleins de bonne volonté et ne seront pas au-dessous des efforts qu'il faut faire pour relever ce pays politiquement, littérairement et artistiquement. Mais la grande masse est sotte, vaniteuse et les terribles leçons que nous venons de recevoir seront, je le crains, inutiles en grande partie.—En somme, le Français se console en disant: «Bah! si nous avions été 500,000, la campagne se serait terminée à Berlin et non à Paris!»

Quant aux ruines que nous lègue la Commune, on trouve que «cela fait bien

Je vais passer l'été au Vésinet. J'y suis près de Sardou et bien placé pour terminer ma Griselidis.

Ma Clarisse Harlowe avance aussi et vous, vous remettez-vous au travail?

Quand vous verrai-je?

En attendant, mille amitiés de votre tout dévoué

Georges Bizet.

Ma femme vous envoie ses meilleurs souvenirs.


Treizième Lettre.


Cher ami,

Les premiers morceaux de l'andante me paraissent bien instrumentés. J'y vois deux ou trois points douteux. Mais j'aime mieux ne vous en pas parler, car j'aurais besoin de l'audition pour avoir une opinion nette sur ces deux ou trois passages.

Quant au final, avec la franchise qui est de rigueur entre vous et moi, je le trouve trop inférieur à ce qui précède et surtout trop inférieur à vous-même. L'idée première est un trait quelconque,—et le morceau, quoique bien conduit et fort bien fait, est au-dessous de ce que l'on est en droit d'attendre de l'auteur du trio, de la sonate pour piano et violon, et des quatre Morceaux qui me sourient de plus en plus.—Il ne faut qu'un moment... qui viendra, soyez-en sûr.

Mille amitiés de votre

Georges Bizet.


Quatorzième Lettre.


Mon cher ami,

Votre premier morceau est excellent.—La première idée est robuste, rythmée.—La deuxième est charmante et la rentrée qui l'amène, ravissante. C'est bien écrit pour l'instrument et intéressant d'orchestre.

On pourrait critiquer les premières mesures du motif de l'andante; il y a là quelque chose d'un peu mou.—Mais le morceau est si bien fait, si intéressant que je vous conseille de le laisser tel qu'il est. Je crois qu'à l'orchestre vous obtiendrez un excellent effet. Donc, les deux premiers morceaux sont complètement réussis.

Votre final est à refaire; du moins, je le crois. La première idée meilleure que la seconde me semble insuffisante. Il n'y a pas d'effet pour l'exécutant et l'orchestre sera forcément peu amusant. L'entrée (motif du deuxième morceau) est bonne. Vous ferez bien de le conserver.—Vous trouverez facilement j'en suis sûr, un meilleur final; il serait fâcheux de laisser inachevée ou incomplète une œuvre de cette valeur. Croyez-moi et ne soyez pas paresseux.

Offenbach vient de faire ici trois fours remarquables. Est-ce la fin?... ou simplement un moment de lassitude?... Nous verrons.

Je vous renverrai demain votre concerto.

Vous devriez vous mettre à l'orchestre.

Si vous veniez passer un mois à Paris, cela suffirait pour mettre tout en train.

Je suis fatigué en ce moment. J'ai beaucoup de leçons qui me servent à préparer l'entrée d'un baby!.....

On commence à me tourmenter à l'Opéra-Comique.—Je suis indécis et mou!... Je vois si peu de chanteurs!

À bientôt et mille amitiés de votre tout dévoué

Georges Bizet.

Ma femme vous envoie ses meilleurs compliments.


Quinzième Lettre.


Mai 1872.

Merci.—Votre approbation m'est précieuse; car je vous crois incapable de manquer de sincérité.

J'ai aussi de bonnes félicitations à vous adresser: votre musique a été fort bien accueillie à la Société Nationale et, malgré votre éloignement, nous aurons désormais le plaisir de vous entendre. Je n'ai pu assister aux dernières auditions de la Société; Djamileh et la fatigue m'ont privé de ces intéressantes séances. Mais tous mes amis m'ont parlé de la bonne impression que leur ont produite les morceaux que vous leur avez envoyés.

J'attends un baby dans deux ou trois semaines. Ma femme va à merveille et tout nous présage un heureux résultat.

Djamileh n'est pas un succès, dans le sens ordinaire du mot.—Mme Prelly[59] a été au-dessous du médiocre et la pièce est trop en dehors des habitudes de l'Opéra-Comique. Pourtant on fait des recettes raisonnables et le public écoute avec un intérêt évident. La presse a été excellente.—Les grands journaux ont loué la partition et les Lundistes mélodistes, tout en blâmant mes tendances wagnériennes (?), m'ont traité si sérieusement et si courtoisement que je n'ai pu m'attrister de leurs critiques.—Quoiqu'il arrive, je suis content d'être rentré dans la voie que je n'aurais jamais dû quitter et dont je ne sortirai jamais[60].—De Leuven et Du Locle m'ont commandé trois actes. Meilhac et Halévy seront mes collaborateurs. Ils vont me faire une chose gaie que je traiterai aussi serré que possible.—La tâche est difficile; mais j'espère en sortir.—On paraît décidé à me demander quelque chose à l'Opéra.—Les portes sont ouvertes; il a fallu dix ans pour en arriver là.

J'ai des projets d'oratorios, de symphonies, etc., etc...—Et vous, travaillez-vous? Il faut produire, le temps passe et il ne faut pas claquer sans avoir donné ce qu'il y a en nous.

Mille fois merci encore et à vous de tout cœur.

Georges Bizet.


Seizième Lettre.


Novembre 1872.

Mon cher ami,

Je suis à giffler!

Depuis quinze jours, j'aurais dû vous écrire pour vous féliciter! Vos quatre Duos sont ravissants. Le 2, le 3, le 4, tout cela est exquis. Mais le nº 1 est une grande chose. C'est d'une personnalité saisissante et d'un charme! La lecture de ce beau morceau a été pour moi une véritable joie.

Poursuivez et travaillez davantage, vous le devez.

Mille amitiés de votre

Georges Bizet.

On a joué l'Arlésienne dimanche chez Pasdeloup. Bis et gros effet![61]


Dix-septième Lettre.


Mon cher ami,

Voici une lettre de Gounod, qui vous concerne. Gardez-la, allez voir Gounod.—Portez-lui votre sonate,—allez-y.

Encore adieu—et à vous mille fois de tout mon cœur.

Georges Bizet.

Gounod demeure 17, rue de la Rochefoucauld.


Dix-huitième Lettre.


1873?

Mon cher ami,

Je voulais vous donner des nouvelles de Delaborde et c'est ce qui a retardé ma réponse et mes remerciements.—Delaborde est absent, en Angleterre, je crois?... et l'on ne peut me dire la date de son retour. Si j'ai quelque chose de nouveau à ce sujet, je m'empresserai de vous en informer.

J'ai été enchanté de vos quatre morceaux. La première idylle et la chromatique surtout m'ont ravi. Mon opinion sur votre trio est toujours la même. Pourtant cette nouvelle lecture m'a donné encore une impression meilleure que la première.

Je suis heureux de vous voir travailler; il faut que tous les producteurs de bonne musique redoublent de zèle pour lutter contre l'envahissement toujours croissant de cet infernal Offenbach!... L'animal, non content de son Roi Carotte à la Gatté, va nous gratifier d'un Fantasio à l'Opéra-Comique.—De plus, il a racheté à Heugel son Barkouf, a fait déposer le long de cette ordure de nouvelles paroles et a revendu le tout 12,000 francs à Heugel. Les Bouffes-Parisiens auront la primeur de cette malpropreté.—L'hiver sera pauvre en nouveautés.—Les directeurs de l'Opéra-Comique m'ont déclaré qu'il leur était impossible de monter cette année ma Griselidis (Sardou), vu la grande dépense que nécessite cet ouvrage.—Ils m'ont offert, en compensation, une Namouna en un acte (qui sera mise en deux actes).—J'ai fini ou à peu près.—J'attends une distribution.

Je travaille à Clarisse Harlowe.—Pasdeloup rejouera, cet hiver, ma symphonie et probablement aussi mes petites suites d'orchestre en cinq morceaux.—Ces morceaux, qui sont de simples esquisses, sont accompagnés de cinq autres. Durand (Flaxland) m'a acheté le recueil qui sera intitulé: Jeux d'enfants!...

Dix morceaux à quatre mains.
 
1.Les Chevaux de bois.Scherzo.
»2.La Poupée.Berceuse.
»3.La Toupie d'Allemagne.Impromptu.
»4.L'Escarpolette.Rêverie.
»5.Le Volant. 
»6.Les Soldats de PlombMarche.
»7.Colin-Maillard.Fantaisie.
»8.Saute-Mouton.Caprice.
»9.Petit Mari—Petite Femme.Duo.
»10.Le Bal.Galop.

La suite d'orchestre est composée des nºs 1, 2, 3, 9 et 10, dont j'ai supprimé les titres trop enfantins[62].

Êtes-vous un peu remis de votre inondation? Sommes-nous destinés à être la proie de tous les fléaux.—Allons-nous enfin être tranquilles?... Je l'espère; mais bien des gens ont peur.

Mille amitiés et à bientôt je l'espère.—Envoyez-moi quelque chose de vous et toujours à vous de tout cœur.

Georges Bizet.

Ma femme vous envoie ses meilleurs souvenirs.


Dix-neuvième Lettre.


Cher ami,

Mille, mille, mille millions d'excuses!... Il y a quinze jours que j'ai mis votre rouleau sur ma table.—Je le retrouve à l'instant et je le croyais chez vous depuis deux semaines! Je suis un étourdi et je ne sais comment me disculper à vos yeux.

Le morceau est très joli.—C'est bien instrumenté. Cela manque peut-être d'un peu de clarté. Les bois surtout sont un peu trop traités à quatre et cinq parties.—Mais la nature du morceau explique ce procédé.—Votre effet de cor et de basson est neuf.—C'est bon.—Page 3: l'entrée du quatuor vient quatre mesures trop tôt.—Évitez les frottements.—Que chaque partie ait autour d'elle une atmosphère suffisante pour se mouvoir.

Je voudrais que vous instrumentassiez (pardon!) une chose vigoureuse, à grandes masses.—Deux ou trois flûtes,—quatre cors,—deux trompettes, trombones etc...

Faites-moi vite quelque chose et je vous retournerai de suite.

À partir du 8 juin, envoyez rue de Paris, 17, à Port-Marly (Seine-et-Oise).

J'ai fini le premier acte de Carmen; j'en suis assez content.

Mille amitiés et pardon excuse!

Georges Bizet.


Vingtième Lettre.


1874?

Cher ami,

Vous voyez que je n'ai pas grand chose à vous reprocher.—Vous êtes en état et vous instrumentez très bien. L'ouverture est amusante et je crois que cela réussira à merveille.

J'ai fait cet été un Cid en cinq actes. C'est Fauré qui m'a lancé dans cette affaire.—Je vais lui faire entendre son rôle un de ces jours. Si la chose lui plaît, il y aura espoir d'arriver à la grande boutique.

Carmen s'achève.—J'entrerai en répétitions en décembre.

Pardonnez-moi d'avoir gardé si longtemps votre ouverture.—Mais ma rentrée à Paris m'a fait perdre huit jours.

Mille amitiés et votre dévoué ami

Georges Bizet.


Vingt-et-unième Lettre.


1874

Mon cher ami,

Votre aimable lettre m'a trouvé au lit en tête à tête avec une angine des plus aiguës.—Depuis deux heures, les abcès ont disparu—et je vais me remettre rapidement à grand renfort de côtelettes.

Je vais partir dans quelques jours.—J'ai trouvé à Bougival un petit coin très tranquille, très agréable au bord de l'eau (1, rue de Mesmes, Bougival, Seine-et-Oise).

J'y vais terminer Carmen qui entre en répétition au mois d'août pour passer fin novembre ou commencement décembre,—et y commencer, peut-être y finir Sainte Geneviève, oratorio sur lequel je compte beaucoup.

Tenez-moi au courant de vos travaux, cher ami, et recevez pour toutes vos chatteries et gâteries les remerciements des Bizet, père, mère et enfant.

Georges Bizet.


Vingt-deuxième Lettre.


Mon cher ami,

Le Nocturne est très joli et fort bien orchestré.—À la cinquième mesure vos violoncelles ou votre violoncelle fait la sol. C'est un chant, mais c'est un chant qui fait basse; je n'aime donc pas ce la sol doublé par la deuxième flûte et les violons.—Au lieu de la sol mettez si si dans le premier temps; le sol sol viendra au deuxième temps. Le solo de violoncelle peut faire très bien; pourtant je préférerais tous les violoncelles. Ne décidez rien avant d'avoir entendu.—Faites copier sur toutes les parties et faites essayer des deux manières.—Pages 4 et 5 je crains que les bassons ne soient un peu bas; il faut se défier des tenues de bassons dans le grave.—Ceci est une règle générale à laquelle le cas présent peut faire exception.—La harpe fera très bien.—Ne trouvez-vous pas que la fin tourne un peu court? Ceci n'est pas un jugement définitif.

Quant au finale du concerto, il me paraît avoir deux gros défauts:—1º Ce n'est pas un morceau de piano (même piano et orchestre); 2º Ce n'est pas un finale de concerto et votre joli petit morceau ne me semble pas bien placé là...—Les traits me semblent cherchés et je ne crois pas qu'un pianiste y trouve son compte. Le morceau est loin d'être mauvais. Le début ferait très bien, mais à l'orchestre. Du reste, en relisant ce morceau, je vois que le piano vous a gêné.—En somme: bon morceau, mais qui n'est pas apte à faire un finale de concerto de piano. C'est horriblement difficile! Depuis trois ou quatre ans, je rêve un concerto et je ne puis parvenir à faire à la fois du piano et de la symphonie.

Ne vous découragez pas et écrivez beaucoup.—Vous ne travaillez pas assez.—Produisez, produisez.

J'entre en répétition dans quelques jours. Ma Carmen passera fin novembre ou commencement décembre[63]. Je viens de passer deux mois à orchestrer les 1200 pages que renferme ma partition.

J'ai une Sainte Geneviève[64] sur le métier, mystère en trois parties.—Mais je ne sais si je serai prêt pour cet hiver.

Mille amitiés de votre affectionné et dévoué:

Georges Bizet.

Ma femme vous envoie ses meilleurs compliments.

LETTRES À ERNEST GUIRAUD


PROSCENIUM


Ernest Guiraud fut l'ami de la première heure, le compagnon d'armes de Georges Bizet. Avec lui, il vécut les dures luttes de la vie d'artiste; il connut ses misères comme ses joies, les premières souvent plus profondes que les dernières. À peu près du même âge[65], l'un et l'autre vivaient côte à côte et ne faisaient rien sans se consulter: Georges Bizet paraissait avoir une véritable confiance dans le jugement de son aîné.

Les voici, aujourd'hui, disparus! Aussi avons-nous pensé qu'il y avait intérêt à publier les petites lettres intimes que Georges Bizet adressait journellement à son «vieux» camarade et qui, si elles ne présentent pas, en raison de leur brièveté, une grande valeur artistique, laissent entrevoir la tendresse qui unissait ces deux natures d'élite[66].

Nous devons la communication de cette correspondance à l'obligeance de M. Croisilles, oncle d'Ernest Guiraud, qui a tenu avec maîtrise, depuis de si longues années, le pupitre de violon-solo à l'Opéra-Comique. Nous lui adressons ici tous nos remerciements.

H. I.


Première Lettre.


Cher,

Merci de ta lettre.—J'ai vu C.—Reçu mon deuxième acte.

Je t'envoie quatre vers—une primeur! un amour!

«La fleur des champs boit la rosée
Qui l'attendait à son réveil.
La lune même assez osée
Boit la lumière du soleil.»

Quel physicien-astronome! Quel poète! et quel...!

Je compte sur toi dimanche. Viens samedi soir à l'heure qui te convient.

Ton vieux

Georges.


Deuxième Lettre.


Jeudi.

Vieux,

J'oubliais!... C'est ce soir le lapin!... à 6 heures précises; il faut que je file à 8 heures 1/2.

Amène Diane pour avaler les os et les eaux...

À tantôt ton

Georges Bizet.


Troisième Lettre.


Voilà ton fauteuil, cher ami, tu seras à côté de X... que je n'ose pas placer auprès de Nephtali; je crains les scènes!... Si Azevedo est de l'autre côté... allez-y, mais pendant les entr'actes seulement.

Ton vieux

Georges Bizet.

P. S. J'ai vu hier une dame qui se plaint de ce que vous voulez toujours lui imposer votre volonté. Je vous reconnais bien là!!![67].


Quatrième Lettre.


1870.

1º Tous les hommes (mariés ou non mariés) de 20 à 30 partent-ils?...

J'ose espérer qu'on ne poussera pas jusqu'à 35, nous serions gentils!

2º Sommes-nous à la garde nationale, oui, n'est-ce pas? Dans ce cas, que faut-il que je fasse?... Faut-il attendre une convocation?... ou faut-il aller me faire inscrire?

Faudra-t-il que je rentre à Paris pour aller faire l'exercice?

Tu serais bien gentil d'avoir l'œil sur tous ces détails que tu seras à même de me donner, puisque tu es dans les mêmes conditions que moi.—Je tiens à n'être pas le dernier à faire mon devoir.—Oh! les 7,300,000 C...!!!...

Si tu as quelque idée sur ce que nous allons devenir, tu seras aussi bien aimable de me le communiquer.

Massenet, Paladilhe, Cormon se font-ils mobiles?...

Nous allons pouvoir chanter avec variante:

Tutti son mobili!...

Le précepteur de Louis s'est distingué là-bas!... et le collaborateur de la vie de César, Lebœuf!... ils vont bien!... du coup d'œil!... de la prévoyance!... Quels œufs!... On dit que Bazaine, qui a, ajoute-t-on, des talents, va nous sauver... espérons-le!

C'est égal!... les 7,300,000 C...!...

Ton vieux

Georges Bizet.


Cinquième Lettre.


J'ai un conseil a te demander.

Ce monsieur de Lyon ne te fait-il aucun effet? Je n'ai pas fermé l'œil cette nuit.

Je connais quelqu'un qui a menti hier en nous annonçant la Traviata pour ce soir.

Voilà une occasion de rompre, à moins d'une grosse erreur.

Viens.

Il faut que je prenne mes mesures avec une grande prudence.

Je ne vais pas chez toi.—Mon père est ici.

À toi

Georges Bizet.


Sixième Lettre.


Cher,

Carvalho et sa femme comptent sur toi à dîner ce soir.

Tu n'es donc pas rentré chez toi hier. Tu n'as donc pas reçu la dépêche?

Suis libre ce soir.

Madame Carvalho te désire beaucoup.

À toi, vieux,

Georges Bizet.


Septième Lettre.


Cher,

Nephtali et Jadin viennent dîner demain jeudi dans ma cambuse—toi aussi ou je crie.

Nephtali nous invite à dîner samedi.—Dis oui ou ne dis rien; j'ai déjà dit oui pour toi.

À toi

Georges Bizet.


Huitième Lettre.


Cher,

Je n'irai pas à Paris avant huit jours.

D'ici là, je serai chez moi toujours excepté jeudi.

As-tu reçu ma lettre?... Viens déjeuner ou dîner ou coucher—et plutôt tout cela à la fois,—si tu es en travail.—Je ne te garderai pas longtemps.

Vas-tu mercredi chez le président?—J'ai été en voyage samedi, dimanche.—Je suis rentré lundi au Vésinet. Je repars aujourd'hui, mardi, et ne rentre pas vendredi.—Ne te coupe pas!

À toi mille fois de tout cœur.

Georges Bizet.


Neuvième Lettre.


Cher,

C'est fini d'hier. Jamais je n'ai autant souffert! C'est horrible!

Mercredi, il faut que j'aille à Paris; y seras-tu?... et dînerons-nous ensemble? Irons-nous chez le président? Moi, oui, il faut que j'y aille.

Réponds un mot.

À toi de tout cœur.

Georges Bizet.


Dixième Lettre.


Mon cher ami,

Je t'engage vivement à aller trouver Perrin.—Moi je ne veux plus entendre parler de cette ordure. Les cinq voix m'humilient profondément, quand je songe aux onze voix d'Elwart.—C'est à tout lâcher.—Pour deux sous et, si je n'avais peur de poser, j'irais retirer mon bibelot.

C'est fait d'avance; sois-en convaincu.—On choisira celui qui présentera les chances de four les plus accentuées.

Quant au jury, il ne sera pas trop idiot.

  • 1º Perrin.
  • 2º Gevaert.
    Thomas refusera.
  • 3º David.
    Gounod refusera.
  • 4º Reber.
  • 5º Massé.
  • 6º Semet.
  • 7º Maillard.
    Reyer refusera.
  • 8º Saint-Saëns.
    Auber refusera.
  • 9º Elwart.

En cas de refus de David, on aura Duprato. Sauf Elwart, ce sera possible.

Cher vieux, va chez Perrin et n'aie pas l'air de croire que je suis de cette stupide épreuve. Quant à moi, je ne veux plus, je te le répète, m'occuper de tout cela. Je n'irai plus à l'Opéra d'ici deux mois.

J'ai été extrêmement triste depuis l'autre soir. J'ai le chagrin avant,—tant mieux.

Bonne chance, cher, et à toi de tout cœur, de toute affection. Ma femme te serre la main.

Georges Bizet.


Onzième Lettre.


Cher ami,

Peux-tu me donner un quart d'heure aujourd'hui dimanche? il s'agit du deuxième acte de Mignon, quatre mains.

Je passerai chez toi vers 5 heures 1/2. Si je ne te trouve pas, laisse-moi un mot chez ton concierge pour dire s'il t'est possible de me recevoir (j'irai chez toi à cause du piano) vers 10 ou 11 heures!

Ton vieux

Georges Bizet.

Ah! mercredi prochain, tu viens manger une poularde truffée,—ne l'oublie pas.


Douzième Lettre.


Passe me prendre à 4 heures 1/2; nous irons dîner rue Médicis, et après à Jeanne d'Arc! Nous rirons.

Viens à 4 heures 1/2, parce que M... chante le solo de la messe de Gounod et me prie de le lui faire dire avant dîner.

À toi

Georges Bizet.


Treizième Lettre.


Si tu le vois ce soir, remets lui ce mot. Si tu ne le vois que demain—remets également.

Je suis toujours malade.

À toi

Georges Bizet.


Quatorzième Lettre.


Cher,

Nous avons un enterrement demain, jeudi. Ne viens donc déjeuner que dimanche. J'aurai une petite baignoire pour le concert de l'Odéon. Nous nous y pourrons cacher.

Je t'envoie trois volumes que j'ai reçus pour toi.

À dimanche, si je ne te vois pas avant. Nous arroserons ton vin d'une douzaine d'huîtres.

Mille fois à toi

Georges Bizet.


Quinzième Lettre.


Quoi de neuf?

J'ai été très malade aujourd'hui. J'ai eu des douleurs névralgiques dont j'ai cru claquer.

Quoi de neuf?—Vite—réponds.

À toi

Georges Bizet.


Seizième Lettre.


Cher,

Reyer vient dîner demain, samedi à 7 heures.

Tâche de venir.

Ton vieux

Georges Bizet.


Dix-septième Lettre.


  • 1º Papa calmé!
  • 2º Nous dînons jeudi chez Gounod,—belle Hélène n'oublie pas.
  • 3º Ci-joint ta blague.
  • 4º À ce soir S...
  • 5º Adresse de Godard (Rinaldi), 18, rue Favart.

Montre-lui ce mot, et rappelle-toi qu'il m'a promis un piano pour Camille à 15 francs.

À toi, cher, de cœur.

Georges Bizet.


Dix-huitième Lettre.


Vieux,

Le porteur de ceci est Alphonse Bruneau, grand ami à moi.—Il a tenu avec succès l'emploi de premier ténor à l'Opéra-Comique dans de bonnes villes.—Il chante Lucie etc...—La voix est excellente; tu t'apercevras facilement de ses qualités physiques.—Or, M. Capoul ne chantant plus que les premiers ténors à l'Opéra-Comique, tu serais gentil de présenter mon ami aux intelligents directeurs du Théâtre impérial de la Dame blanche.—Je crois que ce serait une bonne affaire.—Il a plus qu'il ne faut pour chanter le Chalet, Hector des Mousquetaires.

Enfin, fait tout pour le mieux et à toi.

Georges Bizet.


Dix-neuvième Lettre.


Mardi...

Mme Chabrier me charge de t'amener dîner demain (mercredi) chez elle. Si tu peux (et il faut que tu puisses), viens me prendre à 6 heures moins un quart.

Sois exact et à toi de cœur.

Georges Bizet.

FIN.

Strasbourg, typ. G. Fischbach.—4187

NOTES:

[1] Ses premières compositions sont ainsi signées: «César-Auguste Franck de Liège».

[2] César Franck a eu un frère, Joseph Franck, né à Liège vers 1820, qui s'est voué également à l'art musical, mais sans grand succès. Il termina ses études de piano, d'orgue et de composition au Conservatoire de Paris; il fut aussi violoniste. Après avoir exercé les fonctions de maître de chapelle et d'organiste à l'église des Missions étrangères, puis à Saint-Thomas d'Aquin, il s'est livré à l'enseignement du piano, de l'orgue et de la composition. On a de lui diverses compositions religieuses et profanes.

[3] Il est bien entendu que nous ne plaçons pas dans cette catégorie les compositeurs qui, bien qu'inféodés à Richard Wagner, ont fini par se dégager de ses formules pour arriver à un style qui leur est propre.

[4] Nous pourrions, à propos du dépôt qui devrait être régulièrement fait à la Bibliothèque du Conservatoire, exprimer le regret que ce dépôt soit pour ainsi dire illusoire. Car, pour ne citer que le dossier de César Franck, nous n'y avons découvert qu'un nombre fort restreint de ses œuvres.

[5] La 1re audition des Béatitudes a été donnée, grâce à l'initiative de M. Ed. Colonne, aux concerts du Châtelet, le 19 mars 1893. Le succès a été considérable. Les interprètes étaient Mlles Pregi, de Nocé, Tarquini d'or, MM. Auguez, Fournets, Warmbrodt, Ballard, Grimaud et Villa.

[6] On pourrait citer les noms de MM. Saint-Saëns, Delibes, Lalo, Joncières, Gabriel Fauré, Widor, Vincent-d'Indy, E. Chabrier, G. Benoit, P. de Bréville, E. Chausson, Gabriel Marie, Marty, Vidal, Guilmant,...... Mme Augusta Holmès......

[7] Depuis que ces pages ont été écrites, Charles Widor a transporté ses pénates rue de l'Abbaye, nº 3.

[8] Nouveaux Lundis de Sainte-Beuve. Tome Ier, page 201.

[9] Guy de Maupassant est décédé le 6 juillet 1893 dans la maison fondée par le Dr Blanche et dirigée actuellement par le Dr Meuriot.

[10] Édouard Colonne est retourné, en novembre 1891, à Saint-Pétersbourg. Il était accompagné de la charmante cantatrice, Mlle Berthe de Montaient.—Le succès n'a pas été moins vif que les années précédentes.

[11] La Walkyrie a été exécutée, on sait avec quel succès, sous la direction d'Édouard Colonne, à l'Académie nationale de musique.—Malgré cette réussite et pour des motifs personnels, Édouard Colonne a donné sa démission de chef d'orchestre de l'opéra et a été remplacé par Paul Taffanel (1er juillet 1893).

[12] M. Philippe Flon, qui est né à Bruxelles le 21 février 1861, actuellement second chef d'orchestre du théâtre de la Monnaie, a conduit avec la plus grande autorité les représentations de Lohengrin à Rouen.

[13] La seconde Symphonie en majeur de Brahms avait déjà été exécutée au Conservatoire, avant la direction de Jules Garcin.

[14] Chéri (Rose-Marie Cizos) née à Etampes en 1824, morte en septembre 1861.

[15] Depuis la mort de Michaël Costa (1883) les grands concerts du Palais de Cristal ont été dirigés par M. Manns.

[16] Lamoureux avait dirigé précédemment, le 13 mars 1873, à la Salle Pleyel, un concert avec l'orchestre et les chœurs, dans lequel furent exécutées plusieurs pages de J. S. Bach: le Concerto en ut majeur pour deux clavecins et orchestre d'instruments à cordes (MM. Fissot et Delaborde); Chœur, extrait d'une Cantate; Introduction et fugue de l'ouverture en si mineur pour flûte et instruments à cordes (M. Taffanel); Berceuse de la Nuit de Noël pour contralto (Mlle A. Monnier); Concerto en ré mineur pour clavecin et orchestre (M. Delaborde); Chœur extrait d'une Cantate pour le lundi de Pâques; La querelle de Phœbus et de Pan, dramma per musica.

[17] Le texte de la Passion selon saint Matthieu est de Henrici (Christian-Frédéric), plus connu sous le pseudonyme de Picander.

[18] Les solistes étaient: Mlles Armandi, Arnaud, Puisais, MM. Auguez, Vergnet, Dufriche, Miquel, Mouret, Jolivet, Couturier.

[19] M. Arthur Pougin avait été un des premiers à concevoir l'organisation de ces fêtes en l'honneur de l'auteur de la Dame blanche. Ambroise Thomas avait composé la cantate Hommage à Boïeldieu.

[20] Les concerts populaires organisés par Pasdeloup au Cirque d'Hiver commencèrent le 27 octobre 1861 et ne prirent fin qu'en 1883, quelques années avant sa mort, qui eut lieu en août 1887 à Fontainebleau, où il s'était retiré. Plusieurs essais infructueux furent tentés pour faire revivre les concerts populaires; leur temps était passé. Le public avait porté ses préférences sur les concerts Colonne et Lamoureux.

[21] «Si jamais tragédie, dit M. Édouard Schuré, fut écrite pour la scène, c'est Tristan et Yseult. Chaque geste y parle, chaque mot y agit. Tout y est plastique, ramassé en peu de paroles; mais d'autant plus puissante déborde dans la musique la vie torrentielle qui l'anime: verbe et mélodie se mêlent impétueusement dans le grand flot de l'harmonie, dans le fort courant de l'action.»

[22] Les rôles étaient ainsi interprétés: Mmes Fidès-Devriès (Elsa); Duvivier (Ortrude); MM. Van-Dyck (Lohengrin); Blauwaert (Frédéric de Telramund); Couturier (le roi); Auguez (le héraut). Le grand succès fut pour Mme Fidès-Devriès, MM. Van-Dyck, Auguez, et pour l'orchestre et les chœurs. Dans le feuilleton du Journal des Débats en date du 8 mai 1887, Ernest Reyer écrivait: «De l'intérieur de la salle on n'entendait pas les sifflets des manifestants, mais il est bien possible que, de la rue, Messieurs les siffleurs aient entendu nos applaudissements. J'ai rarement vu pareil enthousiasme.»

[23] Les individus arrêtés pour leurs manifestations bruyantes devant les portes de l'Éden, le 3 mai 1887, appartiennent presque tous à la classe des ouvriers!! Osaient-ils prétendre au monopole du patriotisme?—Il serait curieux d'inspecter certains dossiers que nous connaissons et dans lesquels se trouvent diverses pièces jetant un jour tout particulier sur les menées et les critiques qui se sont produites.

[24] Charles Lamoureux et son orchestre ont fait une nouvelle tournée artistique, en 1893, dans la région du Nord.

[25] Cet antiwagnérien, dont nous ne transmettrons pas le nom à la postérité, se leva au commencement du second acte pour prier M. Lamoureux de vouloir bien faire chanter la Marseillaise!

[26] Lohengrin. La légende et le drame de R. Wagner par Maurice Kufferath. Pages 100 et 101.

[27] «Schumann, a dit Léonce Mesnard, dans son excellente étude sur le Maître de Zwickau, a presque laissé dans l'ombre le personnage de Méphistophélès qui lui apparaissait nécessairement dès qu'il abordait Faust; il lui a assigné à tout le moins une place restreinte où il figure non pas tant comme l'Esprit du mal incarné qu'à titre de porte-malheur, de messager funèbre chargé de prononcer, à côté de Marguerite, trop bien préparée par le remords à l'entendre, à côté de Faust, trop distrait par ses hautes et fécondes entreprises, l'ironique, le sévère oracle qui équivaut à une sentence de mort.»

[28] «Berlioz ne me connaît pas; mais moi je le connais et si j'attends quelque chose de quelqu'un c'est de lui; à la condition toutefois qu'il ne continue pas à traiter la poésie comme il l'a fait dans son «Faust»; car il ne peut faire un pas de plus dans une telle voie sans tomber dans le plein ridicule. Si un musicien a besoin d'un poète, c'est Berlioz. Et son erreur c'est que ce poète, fût-il Shakespeare ou Goethe, il l'accommode toujours selon son caprice musical...»


Richard Wagner, Lettre à F. Liszt, 8 septembre 1852.

[29] «Quand on connaît la Bible, Shakespeare et Goethe, disait Robert Schumann, et qu'on s'est bien pénétré de leurs maximes, cela est suffisant.»

[30] Le succès fut beaucoup moins vif à Leipzig et Schumann écrivait à ce sujet:

«Des rapports m'ont été transmis sur l'impression produite à Leipzig par mes scènes de Faust. Une partie des auditeurs a été séduite, l'autre a été très réservée.—Je m'y attendais. Peut-être s'offira-t-il cet hiver une occasion pour la reprise de l'œuvre et il serait possible que j'y ajoutasse d'autres scènes.»

[31] D'après les recherches les plus récentes, voici quel serait l'ordre exact dans lequel auraient été composées les diverses Scènes de Faust: en 1844 Nos 1, 2, 3 et 7 de la troisième partie,—en 1848, Nos 4, 5 et 6 de la troisième partie,—en 1849 la première partie et le Nº 4 de la deuxième,—en 1850 les Nos 5 et 6 de la deuxième partie,—en 1853 l'ouverture.

[32] Revue bleue.—Numéro du 7 mars 1891.

[33] Les Scènes de Faust avec texte allemand et traduction française par R. Bussine ont été éditées par la maison Durand, Schoenewerk & Cie.

[34] Goethe écrivait de Naples, le 17 mars 1787: «Je pense souvent à Rousseau, à ses plaintes, à son hypocondrie, et je comprends qu'une aussi belle organisation ait été si misérablement tourmentée. Si je ne me sentais un tel amour pour toutes les choses de la nature, si je ne voyais, au milieu de la confusion apparente, tant d'observations s'assimiler et se classer, moi-même souvent je me croirais fou.»

[35] Dans cet extrait, nous avons suivi non la traduction française de la partition de Schumann, mais celle de l'œuvre de Goethe par H. Blaze de Bury.

[36] Firmery, Jean-Paul Richter.

[37] Enclin à la mélancolie par suite d'un état maladif qui devait aboutir à la perte de la raison, dans les dernières années de sa vie, il croyait entendre des harmonies, des voix qui lui dictaient un thème musical.

[38] La troisième partie des Scènes de Faust de Schumann ne contient pas moins, à elle seule, de 128 pages de la partition, alors que les deux premières parties n'en ont que 119.

[39] La partie immortelle de Faust, avant d'atteindre le ciel, où il sera reçu grâce à l'intercession de l'Éternel Féminin, traversera toutes les phases de purification. Aussi ne peut-on aborder cette dernière partie du Faust de Goethe, sans penser aussitôt à la divine Comédie de Dante.

[40] Léonce Mesnard, Étude sur Robert Schumann, p. 41 et 42.

[41] Léonce Mesnard, Étude sur Robert Schumann, p. 18 et 19.

[42] C'est sous une pluie de roses que les anges, voulant ravir l'âme de Faust à l'enfer, ensevelissent Méphistophélès et la troupe des démons.

[43] Filipepi (Alessandro) dit Sandro Botticelli (1447-1515), École florentine.

[44] Portrait d'un vieillard et d'un enfant. Ghirlandajo (1449-1494), École florentine.

[45] Robert Schumann s'est tellement enthousiasmé pour cette partie mystique et étrange du Faust de Goethe qu'il en a donné deux versions. Le second texte est plus développé que le premier.

[46] Giacomo Leopardi. Poésies: Aspasie.

[47] Essais de critique musicale.—Hector Berlioz, Johannès Brahms,—librairie Fischbacher, 33, rue de Seine.

[48] Ce morceau pourrait être comparé au beau Lied de J. Brahms: À la pluie (op. 50).

[49] Lettre adressée le 1er avril 1869 à M. E. Galabert et publié par ce dernier dans une brochure publiée sous ce titre: Georges Bizet, Souvenirs et Correspondance.

[50] Bizet fut inscrit à l'État civil avec les prénoms de: Alexandre-César-Léopold. Mais il reçut de son parrain celui de Georges, qu'il a conservé toute sa vie. Il naquit le 26 octobre 1838 à Paris et mourut le 3 juin 1875 à Bougival.

[51] La première représentation de Don Carlos eut lieu à l'opéra de Paris le 11 mars 1867.

[52] Sylvie est un opéra-comique en un acte qu'Ernest Guiraud composa à Rome, à l'époque où il était à la villa Médicis.

[53] La première représentation de Roméo et Juliette eut lieu le 27 avril 1867.—La lettre de Georges Bizet est donc datée des premiers jours d'avril 1867.

[54] Les répétitions de la Jolie Fille de Perth! Le rôle de Catherine Glover qu'avait dû créer Mlle Nilsson, avait été donné à Mlle Jane Devriès.—Il avait été question de le reprendre pour le donner à Madame Carvalho.—Ceci n'eut pas de suite et ce fut Mlle Jane Devriès qui créa le rôle.—La première représentation de la Jolie Fille de Perth eut lieu le 26 décembre 1867.—La lettre de Georges Bizet, que nous publions, doit donc être datée du mois de décembre 1867.

[55] Il s'agit d'une pièce-bouffe (Malbrough s'en va-t-en guerre) commandée par Busnach, nouveau directeur de l'Athénée, à MM. G. Bizet, Legouix, Jonas et Delibes.—Georges Bizet n'avait accepté cette commande qu'avec le plus vif regret...

[56] Georges Bizet rééditait une légende absolument fausse. M. Maurice Kufferath, dans un article du «Guide musical» en date du 29 octobre 1893, a péremptoirement prouvé que jamais Wagner n'avait avancé que le Faust de Gounod fût une musique de cocottes!

[57] Noé, opéra biblique en trois actes et quatre tableaux de M. de Saint-Georges, avait été mis en musique par Halévy, maître de G. Bizet.—Mais la partition était loin d'être terminée, et, par amitié pour son maître, G. Bizet avait entrepris le travail ingrat de l'achever.—Interrompu à plusieurs reprises, ce labeur prit fin à la fin de l'année 1869.—Mais des difficultés de toute sorte empêchèrent la représentation de l'œuvre au Théâtre Lyrique.—Depuis, à Pâques 1885, Noé a été joué avec succès sur le théâtre grand-ducal de Carlsruhe, sous la direction de Félix Mottl.

[58] Georges Bizet avait épousé, le 3 juin 1869, la fille de son maître, Mlle Geneviève Halévy.

[59] Mme Prelly était une femme du monde d'une radieuse beauté, mais douée d'une voix médiocre, que la scène avait tentée. Une partie de l'insuccès de Djamileh fut due à l'insuffisance de cette artiste.

[60] La première représentation de Djamileh eut lien le 22 mai 1872.

[61] La première audition de l'Arlésienne aux Concerts populaires eut lieu le 10 novembre 1872.—Elle avait été donnée, précédemment le 1er octobre 1872, au théâtre du Vaudeville.

[62] Le recueil définitif se composait de douze pièces (L'Escarpolette.—La Toupie.—La Poupée.—Les Chevaux de Bois.—Le Volant.—Trompette et Tambour.—Les Bulles de Savon.—Les Quatre Coins.—Colin-Maillard.—Saute-Mouton.—Petit Mari, Petite Femme.—Le Bal).—Les numéros 2, 3, 6, 11 et 12 formèrent la Petite Suite d'orchestre exécutée pour l'inauguration des concerts Colonne à l'Odéon, le 2 mars 1873 (Renseignements donnés par Charles Pigot dans son ouvrage: Georges Bizet et son œuvre, page 318).

[63] Ce n'est que le 3 mars 1875 qu'eut lieu la première représentation de Carmen.

[64] Les fragments de l'oratorio inachevé Sainte Geneviève auraient été complétés par l'ami dévoué de Georges Bizet, par l'excellent et habile compositeur, Guiraud.

[65] Georges Bizet est né à Paris le 25 octobre 1838 et Ernest Guiraud à la Nouvelle-Orléans le 23 juin 1837.

[66] Aucune de ces lettres n'est datée: il eût été, si non impossible, mais du moins très difficile d'assigner à chacune d'elles une date précise.

[67] Ce post-scriptum n'est pas de la main de Georges Bizet et paraît avoir été écrit par une femme, peut-être par Madame G. Bizet.

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