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Rapport sur un voyage botanique en Algérie, de Philippeville à Biskra et dans les Monts Aurès, entrepris en 1853 sous le patronage du Ministère de la guerre

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A quelques kilomètres plus au sud, à 6 kilomètres nord-ouest d’El-Outaïa, existe une fontaine chaude, que les indigènes connaissent sous le nom de Hammam-Sid-el-Hadj (Bain du Pèlerin) ; son vaste bassin est alimenté par plusieurs sources, dont la principale atteint une température de plus de 40 degrés. Des débris de constructions romaines se rencontrent dans le voisinage de cette source que nous n’avons pas pu visiter. Les eaux de la fontaine du Hammam contiennent une certaine quantité de matières salines, où dominent le sulfate de chaux et le sel marin. M. Guyon (Voyage aux Ziban), auquel nous avons emprunté les détails qui précèdent, signale aux environs du Hammam le Lonchophora Capiomontiana, et dans les lieux arides voisins le Statice pruinosa.

Un unique pied de Dattier, seul vestige d’une oasis détruite par Salah-Bey, l’un des derniers beys de Constantine, nous annonce le voisinage du caravansérail d’El-Outaïa (256 mètres d’altitude). Dans les environs du caravansérail et du village arabe campent quelques douars, dont les troupeaux paissent dans les maigres pâturages de ce sol aride et déjà brûlé par le soleil (27 mai), en attendant le jour peu éloigné de leur migration dans le Tell. Quelques jardins où dominent le Figuier et le Grenadier se trouvent dans le voisinage immédiat du village. — Une herborisation dans le lit de l’Oued El-Kantara, et à la base de la Montagne-de-sel (Djebel Mélah), nous présente la plupart des espèces sociales caractéristiques de la région saharienne, entre autres les Limoniastrum Guyonianum, Statice pruinosa, Linaria fruticosa, Sonchus quercifolius, etc.

Liste des plantes observées près d’El-Outaïa dans le lit de l’Oued El-Kantara et à la base de la Montagne-de-sel.

Le sol de la Montagne-de-sel (Djebel Mélah) est composé d’une argile rougeâtre et de terrains calcaires mêlés de gypse, à la surface desquels vient souvent s’effleurir le sel qui les imprègne et qui apparaît dans le lointain comme de larges taches blanchâtres sur les flancs de la montagne. Le Djebel Mélah doit son nom aux bancs considérables de sel qu’il renferme, et que les habitants exploitent en grand. Le sel peut être extrait par masses volumineuses cristallines, et à un état de pureté qui permet, sans aucune préparation, de le livrer immédiatement à la consommation. Les eaux des sources du Djebel Mélah sont chargées de sel qui cristallise aux bords des ruisseaux et incruste les plantes qui y croissent.

La plaine d’El-Outaïa présente un terrain argileux généralement salé ; ce terrain cependant devient assez fertile sous l’influence des irrigations, et de riches moissons d’Orge et de Blé dur se rencontrent sur tous les points qui peuvent être arrosés par des dérivations des eaux de la rivière. Les Arabes s’occupent de toutes parts de la moisson (27 mai), et coupent les chaumes à peu de distance des épis, dont ils forment des bouquets, qu’ils se jettent de main en main pour les remettre aux femmes qui, sur le bord du champ, en opèrent le battage au moyen de gros bâtons. — Le lit de l’Oued El-Kantara nous offre en abondance des buissons de Limoniastrum Guyonianum, dont les innombrables fleurs, d’un rose vif, forment d’admirables panicules, qui, par leur couleur éclatante, contrastent avec le feuillage blanchâtre de l’arbuste. — A l’extrémité de la plaine s’élèvent des montagnes (Djebel Bourzel) que traverse le Col-de-Sfa. Du sommet du col, on voit se dérouler devant soi la région saharienne dans toute son immensité, et sans autre limite que l’horizon ; les oasis de Biskra n’y apparaissent que comme de vastes îlots de verdure, qui se détachent par leur couleur foncée sur la teinte terne du terrain. — Les pentes pierreuses et le ravin argileux du col ne présentent d’autres plantes ligneuses que le Rhus dioica et le Periploca angustifolia, qui y forment des touffes rabougries. Là se trouvent réunies la plupart des espèces caractéristiques des montagnes basses et arides des environs de Biskra, entre autres les diverses espèces d’Arthratherum, les Andropogon laniger, Chloris villosa, Farsetia linearis, Limoniastrum Guyonianum, etc. Le Lasiopogon muscoides a été également observé par M. Hénon à cette localité.

Une plaine argileuse, ondulée et nue, dont le sol est en général imprégné de sel, s’étend jusqu’à Biskra, éloignée d’environ 8 kilomètres ; elle est coupée de collines arides qui disparaissent à environ un kilomètre de l’oasis ; çà et là s’élèvent des cônes réguliers qui peuvent atteindre 15 mètres d’élévation, et qui sont souvent tronqués au sommet ; les plantes qui croissent sur les collines et sur ces tumulus, et qui sont le plus souvent mutilées par les troupeaux, appartiennent presque toutes à la végétation saharienne, et se présentent généralement par touffes espacées, comme la plupart des espèces de cette région.

  • Diplotaxis pendula DC.
  • Notoceras Canariense R. Br.
  • Helianthemum Cahiricum Delile.
  • Argyrolobium uniflorum Jaub. et Sp.
  • Gymnarrhena micrantha Desf.
  • Dœmia cordata R. Br.
  • Passerina hirsuta L.
  • *— microphylla Coss. et DR.
  • Forskalea tenacissima L.
  • Gagea reticulata Rœm. et Sch.
  • Arthratherum, diverses espèces, etc.

Dans les dépressions du sol où l’eau a séjourné l’hiver, on observe les :

  • Trigonella anguina Delile.
  • — Ægyptiaca Poir.
  • Leobordea lotoides Delile.
  • Cladanthus Arabicus Cass., etc.

Biskra[19], à 319 kilomètres de Philippeville, à 236 sud-ouest de Constantine, à 126 sud de Batna, à 34° 56′ latitude boréale et 3° 21′ longitude orientale, à 75 mètres d’altitude, est située, au sud des derniers contre-forts de la chaîne de l’Aurès, sur le cours de la rivière qui porte son nom, et qui résulte de la réunion de l’Oued El-Kantara et de l’Oued Abdi. Cette ville est pour ainsi dire par sa position la clef des oasis des Ziban dont elle est la capitale ; il suffit de jeter les yeux sur une carte pour comprendre son importance, car son occupation assure la soumission des populeuses vallées de l’Aurès méridional et des oasis qui en dépendent, en même temps que celle des nombreuses et importantes oasis des Ziban[20]. — Le fort Saint-Germain est construit à l’entrée de l’oasis de Biskra, vers la prise d’eau qui en alimente les nombreuses saguia, d’où le nom de Ras-el-ma (Tête de l’eau) donné par les indigènes aux constructions récentes qui sont groupées dans le voisinage du fort. — Une population assez nombreuse, et composée exclusivement d’indigènes, est agglomérée dans plusieurs villages situés dans l’intérieur de l’oasis. Ces villages sont composés de maisons construites en terre, couvertes en terrasse, généralement à un seul étage, et placées pour la plupart le long des ruelles qui sillonnent l’oasis, sur lesquelles elles n’ont souvent que la porte pour toute ouverture. Leurs murs sont composés d’espèces de briques, faites d’argile mêlée à du fumier, et séchées au soleil ; des poutres de Dattier, recouvertes des feuilles du même arbre, soutiennent la terre battue qui constitue la terrasse ; des planches grossières en bois de Dattier, et réunies par des traverses de Genévrier, en forment les portes. Un ruisseau longe habituellement l’un des côtés de la ruelle, et ses eaux, souillées par l’incurie des habitants, servent à tous leurs usages domestiques. Les villages sont entourés de toutes parts des jardins de l’oasis, dont quelques-uns sont assez étendus. Dans les clairières de l’oasis ou au bord des chemins, çà et là se trouvent réunies la tente en poil de chameau de l’Arabe nomade et la hutte en feuilles de Dattiers qu’habite le Nègre. A peu de distance du premier village arabe, au sud de Biskra, avait été construit en pisé l’ancien fort de Biskra, abandonné récemment depuis la construction du fort de Saint-Germain. Les jardins qui dépendent de l’ancien village européen qui était protégé par le fort, et dont il n’existe plus que des vestiges, sont encore cultivés par les soldats de la garnison qui, à l’ombre des Dattiers, y entretiennent des cultures potagères. — Plusieurs moulins arabes, d’une construction toute primitive, sont établis sur les principaux canaux dérivés de l’Oued Biskra, et seront probablement remplacés bientôt par des usines plus perfectionnées, dont le moulin à turbine et à deux tournants, bâti pour le caïd, ne tardera pas à démontrer tous les avantages aux indigènes. Les canaux de dérivation se ramifient en d’innombrables saguia qui servent à l’arrosement de toutes les cultures, et permettent de faire arriver l’eau avec facilité au pied de chacun des arbres de l’oasis. Les eaux de ces saguia tiennent en dissolution une assez grande quantité de sel marin et d’autres substances salines ; aussi partout où elles ne sont pas ombragées, voit-on généralement leurs bords se couvrir des plantes qui affectionnent spécialement les lieux salés : diverses Salsolacées, Aizoon Hispanicum, Mesembryanthemum nodiflorum, etc. Dans les endroits ombragés et au voisinage des saguia, les plantes salines font ordinairement place à une végétation rudérale presque entièrement européenne. Pour éviter d’inutiles redites, nous croyons devoir grouper dans une même liste toutes les plantes que nous avons observées dans les terrains cultivés des diverses oasis que nous avons visitées ; car ce sont à peu près les mêmes espèces qui se rencontrent dans toutes les cultures de la région saharienne.

Liste des plantes observées dans les cultures et dans les endroits arrosés des oasis.

Le nombre des Dattiers (110,858) et des arbres fruitiers (6,046) qui composent l’oasis peut donner une idée de son étendue, et l’on peut juger de l’importance de ses produits par l’impôt considérable que prélève l’administration ; car pour chaque pied d’arbre les indigènes ne paient pas moins de 40 centimes. Outre le Dattier[21], base des cultures sahariennes, les jardins des oasis de Biskra présentent plusieurs espèces d’arbres dont l’introduction est antérieure à l’occupation française. Nous nous bornerons ici à dresser la liste de ces arbres, et celle des plantes cultivées par les indigènes ou récemment introduites ; car nous avons donné ailleurs[22] des détails qui permettent de comparer les ressources agricoles de la région saharienne avec celles des régions littorales et des hauts-plateaux dont nous avons parlé plus haut, et avec celle de la région montagneuse dont nous nous occuperons dans la suite de ce rapport.

Liste des arbres plantés dans les oasis de Biskra, antérieurement à l’occupation française.
  • Phœnix dactylifera.
  • Ficus Carica.
  • Olea Europæa.
  • Punica Granatum.
  • Citrus Aurantium.
  • Vitis vinifera.
  • Acacia Farnesiana.
  • Zizyphus Spina-Christi.
  • Ulmus campestris.
  • Cupressus sempervirens.
Liste des végétaux cultivés dans les oasis de Biskra, antérieurement à l’occupation française.
  • Hordeum vulgare.
  • Triticum durum.
  • Sorghum vulgare.
  • — cernuum.
  • Penicillaria spicata.
  • Allium Cepa.
  • Capsicum annuum.
  • Faba vulgaris.
  • Cucumis Citrullus, et autres espèces.
  • Cucurbita, diverses espèces et variétés.
  • Hibiscus esculentus.
  • Coriandrum sativum.
  • Cannabis sativa.
  • Nicotiana rustica.
  • Lawsonia inermis.

Le jardin d’acclimatation de Beni-Mora, bien que sa fondation soit toute récente (1852), a puissamment contribué aux progrès agricoles du pays, grâce au zèle et à l’activité de son directeur, M. P. Jamin. Ce jardin, heureusement situé pour l’instruction agricole des tribus, devrait être cependant, en raison de quelques conditions défavorables, moins un jardin d’acclimatation proprement dit qu’une pépinière où les plantes acquerraient le degré de rusticité nécessaire pour pouvoir être livrées, avec des chances de succès, aux indigènes, qui, d’ici à quelque temps du moins, ne sauront pas toujours leur donner les soins convenables. Les essais d’introduction de nouveaux végétaux doivent généralement être faits dans des terrains de choix où ces végétaux soient soustraits aux influences dangereuses qui peuvent les atteindre avant leur acclimatation complète. Or Beni-Mora, situé en dehors de l’oasis, planté d’un nombre insuffisant de Dattiers et dépourvu d’enceinte, est exposé par cela même à la violence des vents, contre lesquels les brise-vents, formés d’arbrisseaux plantés en ligne, ne sont qu’une protection bien insuffisante. Dans des localités mieux abritées contre le siroco et le vent du nord, et où les irrigations peuvent être pratiquées avec des eaux douces, et non chargées de principes salins, on obtiendrait avec moins d’efforts de meilleurs résultats. Quelques hectares bien choisis dans la grande oasis de Biskra, ou mieux encore dans celles de Branis ou de Mchounech, qui présentent ces avantages, permettraient très probablement de réaliser des acclimatations de végétaux, qui, à Beni-Mora, n’ont pas donné jusqu’ici de résultats satisfaisants.

Liste des végétaux ligneux acclimatés à Beni-Mora[23].
  • Morus nigra.
  • — alba.
  • — alba var. multicaulis.
  • Populus alba.
  • Salix Babylonica.
  • — pedicellata.
  • †Populus pyramidalis.
  • Cupressus sempervirens.
  • Tamarix, diverses espèces du pays.
  • †Pistacia Atlantica.
  • Schinus Molle.
  • — terebinthifolius.
  • Sambucus nigra.
  • Elæagnus angustifolia.
  • †Latania rubra.
  • †Eugenia uniflora.
  • †Jambosa Pseudo-malaccensis.
  • †Sapindus Indica.
  • Cordia Myxa.
  • Nerium Oleander.
  • Melia Azedarach.
  • †Gleditschia triacanthos.
  • †Ficus elastica.
  • †Pircunia dioica.
  • †Robinia Pseudoacacia.
  • Celtis australis.
  • †Pinus Halepensis.
  • †Bambusa, diverses espèces.
  • Acacia Nilotica.
  • — Verek.
  • — Arabica.
  • — Lebbeck.
  • †Pyrus communis.
  • †Malus communis.
  • †Persica vulgaris.
  • †Eriobotrya Japonica.
  • Zizyphus vulgaris.
  • †Psidium pomiferum.
  • †— pyriferum.
  • Musa paradisiaca.
Liste des végétaux alimentaires acclimatés à Beni-Mora.
  • Triticum durum.
  • — sativum.
  • Secale Cereale.
  • Avena sativa.
  • Céréales diverses d’Abyssinie.
  • Panicum miliaceum.
  • Sorghum vulgare.
  • — cernuum.
  • Oryza sativa, diverses variétés.
  • Convolvulus Batatas.
  • †Solanum tuberosum.
  • †Pisum sativum.
  • †Phaseolus vulgaris.
  • †Ervum Lens.
  • Cajanus flavus.
  • Brassica oleracea, et diverses variétés.
  • Sinapis Chinensis Hort.
  • Cynara Scolymus.
  • — Cardunculus.
  • Apium graveolens.
  • Asparagus officinalis.
  • Daucus Carota.
  • Raphanus sativus.
  • Tragopogon porrifolius.
  • Scorzonera Hispanica.
  • Brassica Napus.
  • Beta vulgaris var. rapacea.
  • Allium sativum.
  • — Porrum.
  • — Ascalonicum.
  • Cichorium Intybus.
  • Lactuca sativa.
  • — Endivia.
  • Valerianella olitoria.
  • — carinata.
  • — eriocarpa.
  • Nasturtium officinale.
  • Lepidium sativum.
  • Rumex Acetosa.
  • Atriplex hortensis.
  • Beta vulgaris var. Cicla.
  • Spinacia inermis.
  • Basella latifolia Hort.
  • Amarantus Chinensis Hort.
  • Petroselinum sativum.
  • Poterium dictyocarpum.
  • Chærophyllum sativum.
  • †Lycopersicum esculentum.
  • Capparis spinosa var. canescens.
Liste des plantes fourragères acclimatées à Beni-Mora.
  • Trigonella Fœnum-græcum.
  • †Medicago sativa.
  • Sinapis alba.
  • Lolium perenne.
Liste des plantes industrielles acclimatées à Beni-Mora.
  • Gossypium, diverses espèces et variétés.
  • Linum usitatissimum.
  • Cannabis sativa.
  • — Chinensis Hort.
  • Corchorus textilis Hort.
  • Arachis hypogæa.
  • Papaver somniferum.
  • Camelina sativa.
  • Sesamum Orientale.
  • Ricinus communis var.
  • †Elæis Guineensis.
  • Indigofera argentea.
  • — Anil.
  • — tinctoria.
  • Carthamus tinctorius.
  • Rubia tinctorum.
  • Crocus sativus.
  • †Saccharum officinarum.
  • Lippia citriodora.
  • Helianthus annuus.
  • Dipsacus fullonum.
  • Nicotiana Tabacum.
  • Opuntia coccinellifera.
  • Agave Americana.
  • Opuntia Ficus-Indica.
  • Aloe, plusieurs espèces.

Indépendamment des nombreux végétaux utiles déjà introduits dans les cultures de Beni-Mora, il nous resterait encore à mentionner les plantes d’ornement qui y sont acclimatées, et dont nous avons donné la liste dans nos notes sur les cultures des oasis des Ziban.

Il ne faut pas juger par l’état actuel des cultures des oasis, toutes prospères quelles sont, de l’avenir qui leur est réservé ; car les guerres continuelles que se livraient autrefois les tribus, et qui les forçaient à porter plutôt leurs efforts sur la défense de leurs cultures que sur leur perfectionnement, ne permettaient pas les progrès qui pourront être facilement réalisés sous l’administration pacifique et la tutelle bienveillante de la France. Ceci n’est pas une simple hypothèse ; car nous avons vu les tribus soumises des environs de Biskra et de l’Aurès, recevoir avec empressement les instructions qui leur sont données, au jardin d’acclimatation et dans les tournées agricoles du directeur de la pépinière, pour l’amélioration de leurs cultures et l’introduction de nouvelles espèces végétales. L’influence des chefs, dont le dévouement a été récemment prouvé d’une manière si frappante par l’admirable expédition de Ouargla, viendra utilement se joindre aux efforts éclairés de l’administration de notre belle colonie pour combattre l’esprit de routine, heureusement moins tenace chez les Sahariens que chez certains peuples que leur civilisation plus avancée devrait rendre moins rebelles à l’esprit du progrès.

Le sol des immenses plaines qui entourent Biskra est composé de terrains argilo-calcaires, ordinairement plus ou moins salés et quelquefois pierreux, ainsi que nous l’avons déjà signalé pour la plaine étendue du Col-de-Sfa à Biskra. Le sable pur et mouvant ne se rencontre, au contraire, aux environs immédiats de Biskra que sur quelques points circonscrits. A 6 kilomètres à peu près au sud-ouest de la ville, des rochers élevés sont entourés et couverts en partie de sable ; ce massif est connu des indigènes sous le nom de Maouïa, et est désigné par les Européens sous celui de Montagne-de-sable. — Cette montagne est composée de deux chaînes de rochers parallèles se dirigeant de l’est à l’ouest, et séparées seulement par un ravin étroit où s’est accumulé un épais dépôt de sable. La plaine argileuse qui précède la montagne offre la plupart des espèces caractéristiques des plaines des environs de Biskra. Ainsi on y rencontre le Neurada procumbens appliqué sur le sol ; le Bubania Feei et le Limoniastrum Guyonianum y croissent en grande abondance ; les petites touffes fructifères et hygrométriques de l’Anastatica Hierochuntica n’y sont souvent fixées au sol que par l’extrémité de leur racine pivotante ; çà et là s’observent l’Atractylis flava et le Pennisetum dichotomum qui n’y est pas rare ; dans les ravins peu profonds dont la plaine est sillonnée, se rencontre le Lonchophora Capiomontiana. La zone sablonneuse à la base de la pente méridionale présente des touffes des : Astragalus Gombo, Scrophularia deserti, Bubania Feei, Calligonum comosum, Euphorbia Guyoniana, Arthratherum pungens et Danthonia Forskalii, entre lesquelles croissent les :

  • Malcolmia Ægyptiaca.
  • Hussonia Ægiceras.
  • Silene Nicæensis.
  • Argyrolobium uniflorum.
  • Polycarpæa fragilis.
  • Centaurea polyacantha.
  • Catananche arenaria.
  • Asphodelus pendulinus.
  • Festuca divaricata var. Memphitica.
  • Arthratherum plumosum.
  • — obtusum.
  • Corynephorus articulatus.
  • Bromus tectorum, etc.

Sur la pente méridionale assez abrupte le sable ne se trouve qu’entre les anfractuosités des rochers ; aussi y observe-t-on des espèces rupestres mêlées aux plantes des sables, entre autres :

  • Rhus dioica.
  • Argyrolobium uniflorum.
  • Retama Duriæi.
  • Ononis angustissima.
  • Rhanterium adpressum.
  • Centaurea omphalotricha.
  • Antirrhinum ramosissimum.
  • Periploca angustifolia.
  • Bubania Feei.
  • Ephedra fragilis.
  • Pappophorum brachystachyum.
  • Andropogon laniger.
  • Digitaria commutata.
  • Arthratherum ciliatum.
  • Aristida Adscensionis.

Un peu au-dessous du sommet se rencontrent des débris de murailles, restes probablement de constructions romaines. A partir de ce point les rochers disparaissent sous une épaisse couche de sable, et sur cette pente mouvante croissent seulement l’Arthratherum pungens, de nombreuses touffes de Cyperus conglomeratus var., l’Astragalus Gombo et le Calligonum comosum dont les troncs tortueux sont presque enfouis dans le sable que dépassent seules les sommités équisétiformes de l’arbuste. Le point culminant est formé d’un sable tellement mobile qu’il exclut toute végétation.

Les environs de Biskra possèdent des sources assez abondantes ; nous nous bornerons à mentionner ici les plus importantes, la fontaine d’Aïn-Oumach et la Fontaine-chaude[24]. La fontaine d’Aïn-Oumach, à environ 10 kilomètres au sud-ouest de Biskra, jaillit d’un rocher de gypse compacte, et forme immédiatement un ruisseau qui, après un assez long trajet, va arroser l’oasis d’Oumach. L’eau de la fontaine est douce et n’a aucune odeur ; sa température prise à la source est de 25 degrés. Dans les marais que forme le ruisseau se rencontrent les Arundo Phragmites var., Erianthus Ravennæ, plusieurs Juncus, et autres plantes des lieux aquatiques. De nombreuses sources viennent se jeter dans le lit de ce cours d’eau, et il en est une, entre autres, qui présente un bassin de près de 3 mètres de diamètre, et où la profondeur de l’eau est d’environ 80 centimètres ; la sonde rencontrant un fond de sable mouvant y pénètre jusqu’à une profondeur de 14 mètres. L’eau de cette source est douce et sans odeur, sa température est de 27 degrés. A des intervalles variables le sol tremble, et l’on entend un bruit souterrain ; alors le sable du fond de la source est soulevé par une espèce de bouillonnement, et l’on voit le niveau de l’eau s’élever dans le bassin en même temps qu’un jet sous forme de colonne en occupe le centre et se termine en cône un peu au-dessus de la surface. Plusieurs des sources qui alimentent le ruisseau présentent des particularités semblables. — Aux environs de la fontaine d’Aïn-Oumach se rencontrent des sables mouvants et des terrains salés, où croissent des Statice, des Phelipæa, le Limoniastrum Guyonianum, et le Cynomorium coccineum. — La Fontaine-chaude (Aïn-Sala’hin), à environ 6 kilomètres nord-ouest de Biskra, doit son nom à la température élevée de ses eaux (45 degrés). Ces eaux jaillissent d’un bassin circulaire situé sur la pente d’un monticule, dont le sol, par son aspect, sa dureté et ses aspérités, rappelle certains terrains volcaniques. Des mamelons, d’une hauteur de 10 à 15 mètres, avoisinent la fontaine, et leurs sommets sont généralement creusés d’excavations semblables à celles de petits volcans éteints et analogues au bassin de la fontaine elle-même. Les eaux de cette source exhalent une odeur d’hydrogène sulfuré ; elles sont salines, et leur composition est à peu près la même que celle de la source voisine d’El-Outaïa (Hammam-Sid-el-Hadj)[25]. Les eaux de la Fontaine-chaude vont se réunir dans un même ravin à celles d’une source voisine (Aïn-el-Djerab), généralement connue sous le nom de Gouffre, pour aller se perdre au loin dans les terrains argileux de la plaine. De nombreuses sources d’eau salée se jettent dans ce ravin ; aux environs des fontaines le sol de la plaine est généralement salé, et l’on y rencontre le Nitraria tridentata, le Limoniastrum Guyonianum, des Salsolacées frutescentes, parmi lesquelles doivent être cités le Sevada Schimperi, qui n’avait encore été observé que sur le littoral de la Mer-rouge, et le Traganum nudatum, qui couronne généralement des tertres arrondis élevés de plus d’un mètre ; les terrains sablonneux présentent également un grand nombre d’espèces intéressantes ; on y observe les Euphorbia Guyoniana, Cleome Arabica, Ammochloa subacaulis, Lotus pusillus, Arthratherum pungens, Senecio coronopifolius, etc. Dans les terrains rocailleux croissent le Bubania Feei, qui y est très abondant, les Echiochilon fruticosum, Oligomeris glaucescens, Pyrethrum fuscatum et trifurcatum, Gymnarrhena micrantha, etc. Dans les marais situés près de la Fontaine-chaude se rencontrent le Juncus maritimus et le Phragmites communis var. Les bords de ces marais sont couverts de touffes de Lygeum Spartum mêlées à celles des Statice pruinosa et cyrtostachya, de l’Halocnemum tetragonum, et du Frankenia thymifolia. Dans les ravins qui avoisinent la source, on voit çà et là de magnifiques touffes de Tamarix pauciovulata.

Les seules oasis arrosées par l’Oued El-Abiad que nous ayons visitées, sont celles de Sidi-Okba et de Mchounech. La première ne diffère pas sensiblement, par ses cultures et sa végétation spontanée, de l’oasis de Biskra ; aussi nous bornerons-nous ici à signaler la bande étroite de sable mobile qui borde cette oasis à l’ouest, et dont nous ne retrouvons pas l’analogue pour les oasis des environs de Biskra. Notre course à Sidi-Okba avait eu surtout pour but la visite de la mosquée où sont conservés les restes vénérés de Sidi-Okba, l’un des premiers conquérants arabes du nord de l’Afrique. L’intérêt historique de cette mosquée a été trop bien indiqué[26] pour que nous pensions devoir y insister ici. — L’oasis de Mchounech, située à l’entrée de la gorge qui donne passage à l’Oued El-Abiad, présente les caractères généraux des oasis de la partie saharienne de la vallée de l’Oued Abdi. Les rochers de la gorge dont nous venons de parler ont offert à M. Balansa l’Oreobliton chenopodioides, qui croît dans les fissures, et le Fumaria longipes, qui se rencontre dans les anfractuosités ombragées. Au pied des murs en pierre de l’oasis se rencontre le Stachys Guyoniana, que nous avons déjà observé à El-Kantara ; le Moricandia suffruticosa est très abondant dans l’oasis où il forme de véritables haies avec le Lycium mediterraneum.

Liste des plantes les plus intéressantes observées à Mchounech par M. Balansa.
  • *Fumaria longipes Coss. et DR.
  • *Moricandia suffruticosa (Brassica suffruticosa Desf.).
  • Ruta bracteosa DC.
  • Rhamnus lycioides L.
  • *Genista microcephala Coss. et DR.
  • Ononis Natrix L.
  • *Galium petræum Coss. et DR.
  • Centaurea alba L.
  • *Oreobliton chenopodioides Coss. et DR.
  • Parietaria Lusitanica L.

De Biskra à Saada, les plaines sont tout à fait analogues à celles des environs immédiats de Biskra ; elles n’en diffèrent que par un sol encore plus uniforme par sa composition et le nivellement de sa surface. La route qui conduit à Saada longe la rive droite de l’Oued Biskra. Après avoir traversé la grande oasis de Biskra, on arrive, au delà de l’oasis de Kora, à une vaste plaine où les cultures de céréales occupent une assez grande étendue ; ces céréales sont souvent coupées avant la maturité pour être données comme fourrage aux bestiaux ; la plaine est parfaitement unie, et son sol est aride et imprégné de sel ; des touffes de Salsolacées frutescentes s’y rencontrent çà et là. Près de Kora, on voit les restes d’un poste romain ; en se rapprochant de la rivière, on rencontre des touffes des Tamarix Gallica, bounopœa et pauciovulata ; dans quelques endroits le sel, dont le sol est imprégné, est en si grande abondance, qu’il exclut toute autre végétation. Après trois ou quatre heures de marche, on arrive au commencement de la forêt de Saada. — Cette vaste forêt exclusivement composée de Tamarix, s’étend parallèlement au cours de l’Oued Djedi, et son étendue de l’ouest à l’est a été reconnue sur une longueur d’environ 40 kilomètres ; le Tamarix Gallica en constitue la principale essence, et y atteint souvent 8 à 10 mètres de hauteur ; les troncs des plus gros de ces arbres présentent à leur base une circonférence de 1m,20 à 1m,50 ; les Tamarix Balansæa et bounopœa y sont beaucoup moins abondants. Un grand nombre de Tamarix ont été coupés et broutés par les bestiaux, et les nombreux rejets qui partent des souches constituent la broussaille presque impénétrable qui fait le fond de la forêt. La végétation herbacée de la forêt ne présente guère que des espèces françaises ; le Senebiera Coronopus couvre de larges espaces sur les bords des ruisseaux où il croît souvent à l’exclusion de toute autre espèce ; on y rencontre également les Schismus calycinus, Spergularia media, Sonchus maritimus et le Mentha Pulegium. Le sol marécageux de la forêt est constitué par des terrains d’alluvion apportés par les inondations hivernales des cours d’eau ; au bord des nombreux ruisseaux qui sillonnent la forêt croissent le Laurier-Rose et l’Inula viscosa. — Une maison de commandement a été construite au sud de la forêt sur une éminence, et à peu de distance du confluent de l’Oued Biskra et de l’Oued Djedi, pour garantir des déprédations des Arabes cette forêt, ressource si précieuse pour le pays. — Au sud de l’Oued Djedi s’étend une immense plaine ondulée pierreuse et sablonneuse ; elle présente un assez grand nombre des plantes caractéristiques de la flore de Biskra : les Salsolacées frutescentes, l’Atriplex Halimus surtout, y croissent en abondance, et y forment des touffes arrondies d’environ un demi-mètre de hauteur ; aucun arbrisseau ne vient interrompre la monotonie de cette plaine ; seulement on voit à de rares intervalles d’énormes touffes du Zizyphus Lotus, à l’abri desquelles croissent quelques plantes annuelles ; on n’y rencontre aucune source. Dans les dépressions du sol, où l’eau peut séjourner pendant l’hiver, on observe les :

  • *Sisymbrium torulosum.
  • Trigonella anguina.
  • Astragalus annularis.
  • *— trimorphus.
  • *— biflorus.
  • *Microlonchus Duriæi.
  • Cladanthus Arabicus.
  • *Anvillea radiata.
  • *Arnebia Vivianii.
  • Echinospermum Vahlianum.
  • *Marrubium deserti.

Les endroits sablonneux présentent les :

  • Matthiola livida.
  • Malcolmia Ægyptiaca.
  • — Africana.
  • Savignya Ægyptiaca.
  • Hussonia Ægiceras.
  • Retama Duriæi.
  • Ononis Sicula.
  • Lotus pusillus.
  • *Torilis leucotricha.
  • *Centaurea furfuracea.
  • *Megastoma pusillum.
  • *Nonnea phaneranthera.
  • Stipa tortilis.
  • Festuca divaricata var. Memphitica.

Dans les lieux rocailleux s’observent les :

  • Notoceras Canariense.
  • Argyrolobium uniflorum.
  • Astragalus cruciatus.
  • *Marrubium deserti.
  • Arthratherum plumosum.

Au voisinage du caravansérail ont été recueillis les :

  • Rapistrum Linnæanum.
  • Medicago apiculata.
  • Avena barbata.
  • — fatua var. glabrescens.

A l’ouest s’étend une plaine argilo-calcaire et sablonneuse sur quelques points ; on n’y voit d’autres arbustes que le Zizyphus Lotus qui croît dans le sable, et le Rhus dioica dans les terrains pierreux, la végétation y est très analogue à celle des environs de Biskra.

Pour compléter le tableau de la flore des environs de Biskra, nous croyons devoir faire précéder la liste des plantes observées dans la région saharienne de quelques détails sur la végétation arborescente : les environs immédiats de Biskra ne présentent pas de véritables arbres ; les arbrisseaux les plus élevés qu’on y rencontre appartiennent au genre Tamarix, et sont généralement loin d’offrir les proportions qu’ils atteignent dans la forêt de Saada ; ce sont les :

  • Tamarix Gallica L.
  • — Africana Poir.
  • *— Africana var. Saharæ J. Gay.
  • — Africana var. laxiflora J. Gay.
  • *— brachystylis J. Gay.
  • *— brachystylis var. sanguinea J. Gay.
  • *— bounopœa J. Gay.
  • *— Balansæa J. Gay.
  • *— pauciovulata J. Gay.

qui, avec le Laurier-Rose, ornent souvent les bords des sources et des ruisseaux ; dans les plaines, le Nitraria tridentata et le Zizyphus Lotus forment des touffes généralement orbiculaires et espacées ; dans les rochers ou sur les pentes rocailleuses croît le Rhus dioica, qui peut être employé pour la préparation du cuir et des outres, de la même manière que l’espèce voisine (Rhus pentaphylla), si généralement répandue dans la région littorale de la province d’Oran ; le Periploca angustifolia se rencontre aussi dans les mêmes lieux ; enfin le Limoniastrum Guyonianum forme des buissons peu élevés dans les plaines, et est surtout abondant sur les berges des ravins. — Nous avons cru devoir reporter à la suite de la même liste la relation de nos herborisations sur les bords et dans le lit de l’Oued Biskra, car les alluvions de ce cours d’eau présentent, groupées dans un espace restreint, des plantes de stations trop dissemblables pour pouvoir donner une idée exacte de la distribution des végétaux dans cette partie du Sahara.

Liste des plantes observées dans la région saharienne aux environs et au sud de Biskra[27].

L’une des herborisations les plus intéressantes des environs de Biskra est, sans contredit, celle du lit de la rivière où se trouvent réunies presque toutes les plantes de la région, plus quelques-unes appartenant à d’autres régions, et que les eaux y ont apportées ; les berges offrent les plantes des lieux secs ou des rochers, les alluvions une partie de celles des sables et celles des lieux humides. — En remontant le cours de l’Oued Biskra, on voit, à peu de distance du fort Saint-Germain, vers les sources abondantes et chargées de matières salines qui mêlent leurs eaux à celles de la rivière, l’Arundo Donax, le Phragmites communis var. Isiacus, l’Erianthus Ravennæ, et des Tamarix former d’épais fourrés et constituer le fond de la végétation. Sur les berges se trouvent de nombreux buissons du Nitraria tridentata et du Limoniastrum Guyonianum. Près de l’ancien fort turc, construit au sommet d’un coteau aride qui domine le cours de l’Oued Biskra, les alluvions étendues de la rivière présentent un grand nombre d’espèces intéressantes, entre autres les :

  • Hussonia Ægiceras.
  • Moricandia teretifolia.
  • Reseda eremophila.
  • — Aucheri.
  • Cleome Arabica.
  • Trigonella Ægyptiaca.
  • — anguina.
  • *Medicago secundiflora.
  • *Astragalus geniculatus.
  • Sclerocephalus Arabicus.
  • *Nolletia chrysocomoides.
  • *Rhanterium adpressum.
  • *Francœuria laciniata.
  • Cladanthus Arabicus.
  • *Chlamydophora pubescens.
  • *Centaurea microcarpa.
  • Lomatolepis glomerata.
  • *Sonchus quercifolius.
  • Anchusa hispida.
  • *Antirrhinum ramosissimum.
  • *Linaria scariosa.
  • Phelipæa lutea.
  • — violacea.
  • *Salvia Jaminiana.
  • *Marrubium deserti.
  • *Plantago Syrtica.
  • Traganum nudatum.
  • Rumex roseus.
  • — vesicarius.
  • *Passerina microphylla.
  • *Euphorbia calyptrata sp. nov. ?
  • Forskalea tenacissima.
  • Aristida Adscensionis.
  • Andropogon annulatus.

Le Pennisetum dichotomum y forme de larges touffes, et nous y rencontrons les Anvillea radiata, Bubania Feei, Statice Bonduellii. — Sur les coteaux argileux qui avoisinent le fort croissent la plupart des plantes des stations analogues ; nous y remarquons le Gymnarrhena micrantha, le Fagonia latifolia et l’Erodium hirtum, dont les fibres radicales sont terminées par d’épais renflements charnus d’une saveur sucrée. — Les coteaux pierreux qui s’élèvent en face du fort turc offrent un grand nombre d’espèces rupestres ou des terrains rocailleux, entre autres le Reaumuria stenophylla, le Deverra chlorantha et le Periploca angustifolia. — Du fort turc au confluent de l’Oued Abdi et de l’Oued El-Kantara, la route que nous suivons pour nous rendre à Branis, est parallèle au cours de l’Oued Biskra, et traverse une plaine tout à fait analogue à celle qui s’étend du Col-de-Sfa à Biskra dont elle est la continuation ; là nous trouvons en grande abondance l’Heliotropium undulatum. Au nord du confluent des deux rivières nous entrons dans une nouvelle plaine encore plus uniforme que la précédente, mais cependant un peu moins nue ; la seule plante que nous ayons à y signaler est l’Atractylis prolifera ; sur des coteaux à l’est croît le Senecio Decaisnei. En remontant le cours de l’Oued Abdi, nous parvenons à l’entrée de la vallée qui porte son nom ; cette rivière, dont les eaux sont abondantes et douces, est resserrée entre les coteaux abrupts qui surmontent sa rive gauche et les montagnes basses qui longent sa rive droite. — L’oasis de Branis (à environ 170 mètres d’altitude) peu étendue, et qui ne renferme que 10,761 Dattiers et 422 arbres fruitiers, occupe sur la rive droite les alluvions déposées par le cours d’eau ; cette oasis, garantie de la violence des vents par les contours de la vallée et abondamment arrosée, présente de nombreuses ressources pour la culture, et nous y admirons la beauté des Dattiers au milieu desquels est dressée la tente du caïd qui nous donne l’hospitalité. Le Figuier, l’Abricotier, le Pêcher, le Pommier, le Poirier, le Grenadier y acquièrent un magnifique développement, et la Vigne s’enlace en guirlande entre les Dattiers ; un pied d’une variété à peine épineuse de l’Opuntia Ficus-Indica a un tronc de près d’un mètre de circonférence. Les habitants de l’oasis ont l’habitude de suspendre les figues les plus précoces, et qu’ils considèrent comme mâles, aux branches des arbres chargés de figues plus tardives dans le but d’en obtenir une fécondation plus complète. Cet usage, qu’on nous a dit être assez général dans les vallées de l’Aurès, nous a rappelé la caprification que l’on pratique en Italie ; mais nous pensons que les indigènes ont été seulement amenés à l’adoption de cette pratique par analogie avec la fécondation artificielle du Dattier. — En quittant Branis nous suivons un étroit sentier longeant de nombreux ravins dont l’aridité et la nature de la végétation nous rappellent les environs de Biskra. De nombreux vestiges d’aqueducs, creusés dans les rochers abrupts qui dominent la rive gauche de la rivière, indiquent, par la hauteur même à laquelle ils se trouvent, toute l’importance et l’étendue de l’ancien réseau des canaux destinés à la distribution des eaux.

Liste des plantes observées entre Branis et Djemora.

Jusqu’à l’oasis de Djemora le pays offre le même aspect de stérilité ; ce sont les mêmes ravins, les mêmes montagnes nues. Quelques champs de Blé dur bien arrosés et d’une riche végétation précèdent l’oasis de Djemora. Cette oasis (environ 340 mètres d’altitude), qui s’étend parallèlement à l’Oued Abdi, est encaissée entre les collines de la rive droite de la rivière et la montagne escarpée qui s’élève sur la rive gauche ; elle renferme avec les petites oasis de Gueddila et d’Ouled-Brahim, qui n’en sont que des dépendances, 60,983 Dattiers et 3,349 arbres fruitiers, soumis à un impôt de 30 centimes par pied. Dans les cultures de Djemora on retrouve en abondance l’Opuntia, que nous n’avons vu que rarement dans les oasis des environs de Biskra. De Djemora à Beni-Souik, les alluvions de la rivière sont plantées de Dattiers, ou cultivées en céréales, et les deux oasis se font presque suite. L’oasis de Beni-Souik renferme 13,146 Dattiers et 2,168 arbres fruitiers, qui paient 30 centimes par pied. La pente rapide qui de l’oasis conduit au village, est couverte de champs de céréales disposés en terrasse et abondamment arrosés ; et nous ne pouvons la gravir qu’en suivant les nombreux détours d’une saguia bordée par les murs des cultures ; entre les pierres de ces murs humides croissent en abondance les Stachys Guyoniana, Convolvulus arvensis, Hyoscyamus albus, Carduus pycnocephalus et Parietaria diffusa. — Beni-Souik, à environ 510 mètres d’altitude, est construit sur le penchant d’une montagne dont les rochers dominent le village. Les maisons, en terre, à plusieurs étages, sont disposées en amphithéâtre autour d’un étroit plateau qui forme une sorte de place publique, où nous trouvons dressées les tentes de notre campement. Les pentes escarpées des rochers qui s’élèvent au-dessus du village ne nous présentent que quelques rares buissons de Juniperus Phœnicea et des Oliviers rabougris. Nous y rencontrons quelques pieds de l’Apteranthes Gussoniana que les habitants mangent avec avidité, ce qui peut en expliquer la rareté.

Dans les anfractuosités de la pente qui regarde l’Oued Abdi croît le Fumaria longipes, que nous n’avions encore recueilli que dans la gorge de Mchounech. Sur les alluvions du ravin profond qui contourne la montagne à laquelle est adossé le village, nous observons les espèces sahariennes suivantes :

  • Diplotaxis pendula DC.
  • Cleome Arabica L.
  • Reseda Aucheri Boiss.
  • Rhus dioica Willd.
  • *Anthyllis tragacanthoides Desf.
  • Asteriscus pygmæus Coss. et DR.
  • *Atractylis microcephala Coss. et DR.
  • *Centaurea omphalotricha Coss. et DR.
  • Dœmia cordata R. Br.
  • Caroxylon articulatum Moq.-Tand.
  • Rumex vesicarius L.
  • Forskalea tenacissima L.

Ces espèces ne s’offriront plus à nous dans la vallée de l’Oued Abdi au-dessus de ce point. Il faut remarquer que les alluvions présentent à la fois des espèces appartenant à la flore saharienne qui y trouvent encore les conditions de chaleur nécessaires à leur développement, et quelques espèces de la région montagneuse inférieure ou de la région des hauts-plateaux qui y ont été amenées par les eaux.

Liste des plantes observées à Beni-Souik[28].

TRAJET DE LA RÉGION SAHARIENNE A BATNA ;

RÉGION MONTAGNEUSE DE L’AURÈS.

Après avoir quitté Beni-Souik en jetant un dernier regard sur les oasis qui s’étendent à nos pieds, nous descendons la pente rapide qui nous amène au fond de la vallée. Le lit de la rivière dans lequel nous marchons est bordé de Lauriers-Rose et de Celtis australis formant d’épais massifs. Des troncs de Dattiers creusés en canal, et appuyés sur les berges élevées, portent dans l’oasis les eaux des saguia qui sillonnent les flancs de la montagne. Des Ronces, des Clématites en fleurs, s’élèvent entre les Grenadiers et les Abricotiers qui couvrent les berges, et la Vigne s’enlace entre les troncs des Dattiers, dont les cimes forment au-dessus de nos têtes de magnifiques ombrages. La fraîcheur, le murmure des eaux, la pureté du ciel, tout semble concourir à embellir ce site enchanteur.

Les rochers de la pente abrupte qui surmonte la rive gauche de l’Oued Abdi nous offrent le Capparis rupestris, le Genista cinerea, le Ballota hirsuta et le Poterium ancistroides, qui croissent dans leurs anfractuosités. L’Atractylis microcephala couvre encore toutes les parties pierreuses. Le Rhus dioica et le Lycium mediterraneum forment çà et là d’épais buissons, et l’on voit apparaître le Pistacia Atlantica. Les plus beaux arbres sont des Oliviers sauvages, et le tronc de l’un d’eux mesure plus de 4 mètres de circonférence. — Après avoir traversé un ravin qui descend du Djebel Bous, nous gravissons une pente qui nous amène aux plateaux élevés précédant la vallée de Ménah. Sur ces plateaux, des champs d’Orge encore sur pied (3 juin) et d’une belle végétation occupent d’assez vastes espaces, quoique la disposition du sol ne permette pas de les arroser ; ces moissons nous offrent un certain nombre d’espèces que nous avons déjà observées ailleurs dans la région des hauts-plateaux : Cerastium dichotomum, Anthyllis Numidica, Crucianella angustifolia, Androsace maxima, Rochelia stellulata, Ziziphora Hispanica, Sideritis montana. — Des Genévriers, le Rosmarinus officinalis et l’Anthyllis Numidica, des touffes de Zizyphus Lotus, de Cistus Clusii, y forment de nombreuses broussailles ; l’Artemisia Herba-alba, l’Anabasis articulata et l’Herniaria fruticosa couvrent de larges surfaces ; les Stipa tenacissima (alfa) et barbata, le Lygeum Spartum et le Cynara Cardunculus, sont assez abondants. — Une pente argileuse et ravinée descend de ce plateau dans la vallée de Ménah. Dans l’un des ravins, nous trouvons quelques pieds rabougris du Linaria scariosa, que M. Hénon avait recueilli dans les atterrissements de l’Oued Biskra.

La ville de Ménah, située à environ 900 mètres d’altitude, est construite sur une colline, dans une vallée assez large, vers le confluent de l’Oued Bouzina et de l’Oued Abdi, dont les eaux en arrosent les cultures et les jardins. Ce centre de population est le plus important de ceux que nous ayons visités dans notre voyage de l’Aurès. On y retrouve encore quelques ruines romaines. Une mosquée est construite dans la partie inférieure du village, près de la maison du caïd. Une vaste salle, qui avait servi de refuge au bey de Constantine après la prise de cette ville par les Français, nous est assignée pour notre campement ; mais des légions de puces nous forcent bientôt à déloger, et à installer notre tente sur la terrasse même de la maison.

L’étendue de la vallée, l’abondance des eaux, ont permis à l’industrie des habitants de créer d’importantes cultures et des jardins où le Dattier, qui ne mûrit plus qu’imparfaitement ses fruits, n’apparaît que çà et là comme une réminiscence des oasis que nous venons de quitter. Les jardins et les vergers, groupés sous forme d’oasis, s’étendent jusqu’à l’entrée du ravin creusé par les eaux abondantes et douces de l’Oued Bouzina. De même qu’à Branis et à Djemora, des saguia sont creusées à une grande hauteur sur les parois abruptes des rochers qui encaissent le ravin. La partie de la vallée, qui n’est pas occupée par les jardins et les vergers, présente des champs entourés de murs en pierres sèches, où sont semés le Blé et l’Orge. A l’époque de notre passage (4 juin), les indigènes étaient tous occupés de la moisson qui commençait. Le Blé était récolté avec la paille entière, au lieu d’être coupé seulement au-dessous de l’épi comme dans la plaine saharienne d’El-Outaïa. Dans le même champ se trouvaient souvent réunies les variétés barbues du Blé dur et du Blé tendre, avec quelques-unes des variétés de nos Blés d’Europe qui y étaient beaucoup moins abondantes. Dans les vergers se retrouvent l’Abricotier, le Figuier, le Grenadier et la Vigne ; le Noyer y est plus rare. Parmi les cultures des jardins nous devons noter les Fèves, la Garance qui y est cultivée avec assez d’intelligence, et la Tomate qui n’y est plantée que plus rarement. La présence du Cynara Cardunculus dénote partout la profondeur du sol. Le Laurier-Rose et une forme à larges feuilles du Salix pedicellata croissent en abondance aux bords des eaux.

Liste des plantes observées aux environs de Ménah[29].

La route de Ménah à Chir passe au pied d’une montagne élevée couverte de bois, dont l’essence principale nous a paru être le Pinus Halepensis, mais qu’il ne nous a pas été permis de visiter, car ce lieu était encore pour les habitants un sujet d’effroi. Sur un des contre-forts les plus abrupts de la montagne, on voit les ruines de Narah, véritable nid d’aigle, dont les belliqueux habitants descendaient pour dévaster les cultures de leurs voisins, avant que la domination française fût venue apporter à ces contrées la paix et la sécurité. — A quelques kilomètres de Ménah, les eaux de l’Oued Abdi sont presque épuisées par de nombreux canaux d’irrigation. — Aux environs de Chir, le Noyer commence à devenir l’arbre dominant de tous les vergers.

Chir (environ 1320 mètres d’altitude) est construit, comme les autres villages de la vallée, sur la pente des montagnes qui bordent le cours de l’Oued Abdi. Son importance est beaucoup moindre que celle de Ménah, et nous ne nous y arrêtons que quelques instants.

Entre Chir et Haïdous, les pentes des montagnes présentent de nombreux villages, situés généralement sur la rive gauche de l’Oued Abdi, dont les eaux fertilisent les vergers et les moissons. — La plante la plus remarquable que nous trouvions sur les bords de la route de Chir jusqu’à Haïdous est le Salvia Balansæ, qui n’avait encore été observé qu’à Mostaganem, et dont nous ne rencontrons ici que quelques pieds isolés.

Liste des plantes observées aux environs de Chir et entre Chir et Haïdous[30].
  • *Gypsophila compressa Desf. — Cot.
  • Silene nocturna L. — Cot.
  • Rhodalsine procumbens J. Gay. — Cot.
  • Cerastium dichotomum L. — Vall.
  • Malope stipulacea Cav. — Vall.
  • Erodium guttatum Willd. — Cot.
  • Pistacia Atlantica Desf. — Vall.
  • *Genista microcephala Coss. et DR. — Vall.
  • Ononis Natrix L. — Cot.
  • *Anthyllis Numidica Coss. et DR. — Vall.
  • Herniaria fruticosa L. — Cot.
  • Paronychia nivea DC. — Cot.
  • Callipeltis Cucullaria Stev. — Cot.
  • Artemisia campestris L. — Vall.
  • — Herba-alba Asso. — Vall.
  • *Othonna cheirifolia L. — Vall.
  • *Carlina involucrata Desf. — Vall.
  • *Atractylis cæspitosa Desf. — Vall.
  • Centaurea Parlatoris Heldr. — Cot.
  • Onopordon macracanthum Schousb. — Vall.
  • *Leontodon helminthioides Coss. et DR. — Cot.
  • Sonchus maritimus L. — Vall.
  • — spinosus DC. — Cot. Vall.
  • *Fraxinus dimorpha Coss. et DR.
  • Echium Italicum L. — Vall.
  • Scrophularia canina L. — Vall.
  • Thymus ciliatus Benth. var. — Vall.
  • *Salvia Balansæ de Noé. — Vall.
  • Ziziphora Hispanica L. — Vall.
  • Teucrium Polium L. — Vall.
  • Blitum virgatum L. var. minus Vahl. — Vall.
  • *Euphorbia luteola Coss. et DR. — Vall.
  • Ulmus campestris L. — Vall.
  • Celtis australis L. — Vall.
  • Salix pedicellata Desf. — Vall.
  • Quercus Ilex L. — Vall.
  • — — var. Ballota. — Vall.
  • Phalaris truncata Guss. — Vall.
  • Stipa parviflora Desf. — Cot.
  • Kœleria Valesiaca Gaud. — Vall.

Au-dessous d’Haïdous s’étendent de nombreux vergers où domine le Noyer, qui y acquiert des proportions que nous lui avons rarement vu prendre en Europe, et où se rencontrent également la Vigne et le Pommier. Les Quercus Ilex et sa variété Ballota, Ulmus campestris, Fraxinus dimorpha qui là devient un grand arbre, et le Pistacia Atlantica, forment généralement avec le Celtis australis et le Salix pedicellata une ceinture autour de ces vergers ; et il ne nous a pas toujours été possible de savoir si ces arbres croissaient spontanément, ou si leur introduction était due à l’industrie des habitants. — Haïdous (environ 1350 mètres d’altitude) est construit sur la pente septentrionale et au-dessous du sommet des montagnes qui longent la rive gauche de l’Oued Abdi. Les Noyers sont plantés jusqu’au pied du village, et c’est à l’abri d’un de ces beaux arbres que nous trouvons préparé notre campement. Au-dessus du village, la montagne est couverte de nombreux buissons de Fraxinus dimorpha au tronc rabougri et aux feuilles toutes conformes et suborbiculaires. Les terrains remués qui longent l’un des sentiers qui conduisent au village nous offrent réunies les deux espèces du genre Hohenackeria, et c’est le point le plus élevé de l’Algérie où nous ayons observé ces deux plantes.

Liste des plantes observées sur les alluvions de l’Oued Abdi, aux environs d’Haïdous.
  • Alyssum campestre L.
  • *— scutigerum DR.
  • Sisymbrium runcinatum Lagasc.
  • Eruca sativa Lmk.
  • Reseda alba L.
  • Arenaria serpyllifolia L.
  • Cerastium dichotomum L.
  • Geranium rotundifolium L.
  • Pistacia Atlantica Desf.
  • *Medicago secundiflora DR.
  • — minima Lmk.
  • — Gerardi W. et Kit.
  • Astragalus sesameus L.
  • *— geniculatus Desf.
  • Arthrolobium scorpioides DC.
  • Hippocrepis unisiliquosa L.
  • Turgenia latifolia Hoffm.
  • Torilis nodosa Gærtn.
  • Scandix Pecten-Veneris L.
  • Galium tricorne With.
  • Callipeltis Cucullaria Stev.
  • Micropus bombycinus Lagasc.
  • *Othonna cheirifolia L.
  • Picnomon Acarna Cass.
  • *Fraxinus dimorpha Coss. et DR.
  • Rochelia stellulata Rchb.
  • Mentha sylvestris L.
  • Blitum virgatum L. var. minus Vahl.
  • *Euphorbia luteola Coss. et DR.
  • Ulmus campestris L.
  • Salix pedicellata Desf.
  • Bromus squarrosus L.

En quittant Haïdous, nous traversons des bois peu élevés et des broussailles composés de Fraxinus dimorpha et de Juniperus Phœnicea, et nous gagnons la rive opposée où se retrouvent des pieds espacés des mêmes arbres. Nous y remarquons, en outre, le Juniperus Oxycedrus, qui là atteint le plus grand développement que nous lui ayons vu prendre. Des champs calcaires, à peu de distance du village de Télet, présentent de riches moissons, où nous rencontrons en abondance les Phalaris truncata, Cerastium dichotomum, Leontodon helminthioides, et une espèce nouvelle de Ranunculus (R. rectirostris).

Télet (environ 1520 mètres d’altitude), petit village construit sur un plateau étroit à la base du Djebel Groumbt-el-Dib, nous sert de halte pour nous préparer à l’ascension des Djebel Groumbt-el-Dib et Mahmel. Sur la pente pierreuse au-dessus du village se voient de nombreuses touffes de Berberis vulgaris var. australis, Genista cinerea, Cratægus monogyna, etc. Quelques champs d’Orge, à épis à peine développés (6 juin), occupent la partie inférieure d’un plateau qui s’étend au pied du Djebel Groumbt-el-Dib, et du pic élevé qui termine à l’est le Djebel Mahmel. La partie la plus élevée du plateau où sont dressées nos tentes (environ 2,020 mètres d’altitude), à la base méridionale du pic du Djebel Mahmel, n’offre que quelques pâturages broutés par les troupeaux du douar qui nous donne l’hospitalité. — A sept heures du soir (7 juin), le baromètre marquait 597 millimètres, le thermomètre 12 degrés ; le ciel commençait à se couvrir de nuages de poussière soulevés par le siroco. Quelques heures après, une pluie abondante amenait un tel refroidissement de l’atmosphère, que le thermomètre descendait pendant la nuit à + 4°. Cette pluie continua pendant toute la nuit pour ne cesser que le lendemain matin vers neuf heures. Le baromètre, qui, à huit heures du matin, marquait seulement 594 millimètres, était remonté à 597, chiffre que nous avions observe la veille, et une température de 14°,5 vint enfin nous faire oublier la sensation désagréable que nous avaient fait éprouver la pluie et le froid, alors que nous étions déjà parfaitement habitués à la température saharienne, qui, cinq jours auparavant, sous l’influence énergique du vent du sud, s’était élevée à Biskra jusqu’à 48 degrés. La crainte du retour de la pluie nous détermine à remplacer l’abri imparfait que nous avait prêté la tente du douar par celui plus sûr que nous offrait l’une des nombreuses grottes naturelles, creusées dans les massifs de rochers qui bordent la pente sud du plateau où nous étions établis, et qui servent d’abri aux troupeaux pendant la nuit ; nous devons donc faire déloger les moutons pour y installer notre domicile et notre bagage botanique. — Une grande partie du plateau est occupé par des touffes de Sarothamnus purgans et de Buplevrum spinosum, entre lesquelles croissent les : Carex hordeistichos, Erodium cicutarium, Medicago Cupaniana, Scleranthus annuus var., Carduus macrocephalus, Paronychia Aurasiaca, Asphodeline lutea, Othonna cheirifolia ; de larges espaces sont couverts de Plantago Coronopus et d’Evax Heldreichii, dont les rosettes sont appliquées sur le sol.

La pente sud par laquelle nous faisons l’ascension du pic du Mahmel, entièrement déboisée et composée de rochers et de pierres éboulées, ne présente que quelques touffes espacées de Sarothamnus purgans et de Buplevrum spinosum ; le Draba Hispanica commence aussi à y paraître à peu de distance du plateau. Sur cette pente croissent la plupart des plantes des pâturages de la région, et dans sa partie supérieure nous retrouvons presque la même végétation que nous avait déjà offerte le Djebel Tougour. — Un plateau rocailleux, étroit, étendu de l’est à l’ouest, constitue le sommet du pic (2,306 mètres d’altitude) qui, au nord-est, termine la chaîne du Djebel Mahmel et celle du Djebel Groumbt-el-Dib. Les plantes de cette sommité sont encore en grande partie celles de la pente sud. La pente nord, également pierreuse, est coupée de nombreux massifs de rochers. A environ 50 mètres au-dessous du sommet, de larges cavités, creusées dans les rochers ou circonscrites par eux, sont remplies d’une épaisse couche de neige, malgré la saison déjà avancée (7 juin) ; ces trous à neige, qui se rencontrent sur une assez grande étendue de l’est à l’ouest, ne nous ont pas paru descendre très bas sur la pente. Dans les points que la neige a abandonnés, et où les plantes sont encore étiolées par leur long séjour sous l’épaisse couche de neige qui vient seulement de disparaître, et quelquefois sur la neige elle-même, nous voyons fuir devant nous des essaims de sauterelles tellement nombreux, que de larges espaces en sont entièrement couverts. La voracité de ces insectes est telle qu’un bien petit nombre de plantes ont été respectées (Evax Heldreichii, Gagea polymorpha, Muscari racemosum, Arabis ciliata). Les pâturages de ce versant ne consistent guère que dans quelques espèces dont il ne reste que des vestiges, et dans l’intervalle desquelles le sol est couvert de Plantago Coronopus et d’un gazon d’un blanc éclatant d’Evax Heldreichii. — La pente nord est entièrement déboisée ; quelques arbres n’apparaissent qu’à sa partie inférieure, dans les ravins qui descendent vers la vallée de Bouzina, et qu’il ne nous a pas été donné de pouvoir explorer.

Un col assez profond (Teniat-Mahmel) sépare le pic, extrémité du Djebel Mahmel de la chaîne du Djebel Groumbt-el-Dib. Le point le plus élevé de cette dernière montagne, dans le voisinage du col, égale au moins en altitude le sommet du pic du Djebel Mahmel, et présente une crête de rochers qui sépare la pente nord de la pente sud. Dans les anfractuosités et les fentes de ces rochers croissent de nombreuses touffes de l’Erodium trichomanæfolium, dont les gazons tapissent de larges espaces presque à l’exclusion de toute autre végétation, et ce point est jusqu’ici l’unique station de la plante en Algérie. Sur la pente nord, immédiatement au-dessous de la crête de rochers, dans un terrain calcaire, meuble et pierreux, nous rencontrons le Papaver Rhœas mêlé à un grand nombre d’espèces parisiennes, que nous avions déjà observées sur la sommité du Djebel Mahmel. — La pente sud de la montagne, tout à fait analogue au versant correspondant par lequel nous avons fait l’ascension du Djebel Mahmel, ne nous offre guère que les mêmes espèces.

En quittant le plateau élevé situé à la base du pic du Djebel Mahmel, nous traversons des bois qui s’étendent depuis la grotte où nous avons campé (environ 1,850 mètres d’altitude) jusqu’à la vallée de l’Oued Abdi ; ces bois sont composés presque exclusivement de Quercus Ilex et de Juniperus Oxycedrus ; nous y retrouvons également le Fraxinus dimorpha.

La partie supérieure de la vallée de l’Oued Abdi (Fedj-Geurza), dans le voisinage des sources de la rivière, est occupée par quelques douars et de belles moissons de Blé et d’Orge qui ne sont pas encore (8 juin) parvenues à maturité. — Les pâturages du fond de la vallée, où dominent les Graminées, sont beaucoup plus riches que ceux des plateaux que nous venons de quitter, et nous y recueillons plusieurs espèces intéressantes, entre autres les Triticum hordeaceum, Avena macrostachya, Catananche montana, espèces nouvelles pour la science.

Liste des plantes observées sur les Djebel Mahmel et Groumbt-el-Dib et dans la vallée de Fedj-Geurza[31].

La vallée de l’Oued Abdi que nous allons quitter, l’une des plus riches de l’Aurès, est un curieux sujet d’étude pour le voyageur, car, sur une longueur d’environ 15 lieues, il y voit représentées toutes les zones de végétation de l’Algérie, depuis l’oasis du Sahara jusqu’aux pâturages alpestres. Il ne manque à cette fertile vallée, pour rivaliser avec les contrées les plus favorisées, que les belles forêts de Cèdres qui couvrent d’autres parties des monts Aurès. — Dans la partie inférieure de la vallée, de Branis à Beni-Zouik, le Dattier constitue des oasis, et est la culture dominante ; à Ménah, il n’est déjà plus qu’un ornement au milieu des arbres fruitiers du midi de l’Europe ; à Haïdous, le Noyer et les arbres fruitiers du centre de l’Europe peuplent seuls les vergers ; enfin à Fedj-Geurza se retrouvent seulement encore quelques rares cultures au milieu des pâturages de la région montagneuse. — Les nombreux villages qui occupent les deux revers de la vallée sont construits en terre, il est vrai, mais n’en révèlent pas moins chez leurs habitants un degré de civilisation bien supérieur à celui des tribus nomades qui n’ont que la tente pour tout abri. — La population nombreuse de ces villages laisserait peu de place à la colonisation ; mais il n’est pas douteux que, sous l’influence protectrice de la France, les indigènes ne puissent augmenter encore les richesses d’une contrée déjà fertilisée par leurs travaux et leur industrie. — Il ne faut pas d’ailleurs s’exagérer l’aversion des Kabyles des monts Aurès (Chaouia) pour les chrétiens ; nous avons pu avec l’escorte d’un seul spahis parcourir une grande partie du pays, où aucun Européen ne peut pénétrer sans une autorisation spéciale, et cela sans avoir jamais couru l’ombre d’un danger, et en recevant partout l’accueil empressé non-seulement des chefs représentant l’autorité française, mais encore des populations elles-mêmes qui nous témoignaient une curiosité bienveillante, et se faisaient un plaisir de nous fournir des difa souvent onéreuses pour de petites localités, et auxquelles notre appétit européen ne nous permettait, à leur grand regret, de ne faire honneur que d’une manière trop imparfaite. Partout notre tente était dressée avant notre arrivée qui était attendue avec impatience, et la reconnaissance de ces braves gens, pour les légers services médicaux que nous pouvions leur rendre, s’exprimait par des signes non équivoques. A Haïdous, je fus assez heureux pour améliorer rapidement, au moyen de quelques cautérisations, l’ophthalmie grave de la femme d’un paysan de la localité, et la preuve de la confiance du mari en mes connaissances médicales ne se fit pas attendre : le brave homme s’empressa de m’amener son mulet boiteux, espérant que ma science, qui avait pu être de quelque utilité à sa femme, ne serait pas moins efficace pour la guérison de sa bête.

La protection éclairée que l’on accorde actuellement au culte musulman n’est pas un des moyens les moins efficaces de nous rallier des populations qui, pour nous aimer, n’ont besoin que de nous mieux connaître. Le respect de l’influence des marabouts si vénérés de leurs tribus, et la construction de mosquées par les soins de l’administration française, ont plus fait pour empêcher les excès du fanatisme religieux, et prévenir les insurrections, qui prendraient pour drapeau la différence de religion, que toutes les persécutions, qui n’étaient pas loin de l’esprit de ceux qui ont longtemps pensé que l’élément indigène devait être repoussé au delà des limites de notre occupation, sinon entièrement détruit ; car le fanatisme de quelques colons mal inspirés a osé aller jusque-là. — Qu’il me soit permis de citer un fait tout personnel comme preuve de la tolérance religieuse des Chaouia : à Menah, au retour de l’exploration du ravin de l’Oued Bouzina, dans laquelle il nous avait fallu traverser plusieurs fois la rivière, nous étions fort embarrassés pour changer de vêtements, au milieu du nombreux entourage qu’il nous était impossible d’éloigner ; on nous désigna, sans aucune hésitation, comme un lieu fort convenable pour nous soustraire aux regards des curieux, la mosquée de l’endroit construite par un marabout vénéré.

La race kabyle a été l’objet de trop d’études pour que nous puissions espérer ajouter aux connaissances déjà acquises ; mais nous comprenons trop l’importance de la force humaine, comme principal agent de l’agriculture, pour hésiter à entrer ici dans quelques considérations sur des faits que l’exercice de la médecine dans les tribus nous a permis de constater de la manière la plus authentique. Malgré leur civilisation déjà avancée et leurs instincts laborieux, les Kabyles de l’Aurès ne s’en livrent pas moins à tous les débordements d’un déplorable libertinage, cause puissante de dépopulation et d’abâtardissement[32] pour une race remarquable par la beauté de son type, et qui, par ses caractères généraux, se rapproche beaucoup de celle du centre de l’Europe.

Ce n’est pas sans regret que nous quittons la charmante vallée de l’Oued Abdi ; mais nous sommes pressés d’aller explorer le Djebel Cheliah, dont nous voyons dans le lointain les vastes forêts de Cèdres. Nous descendons la pente rapide d’un ravin qui nous conduit à El Hdour (environ 1,610 mètres d’altitude), à la source de l’un des affluents de l’Oued El-Abiad ; les montagnes des environs sont couvertes de bois composés de Chênes-verts (Quercus Ilex et var. Ballota) et de Fraxinus dimorpha, entre lesquels se montrent de nombreux pieds de Juniperus thurifera, espèce d’Espagne et d’Orient qui n’avait pas encore été observée en Algérie ; ce dernier arbre descend jusque dans la vallée, et, vu de loin, il rappelle un peu, par la grosseur de son tronc et la disposition de ses branches, les Saules blancs étêtés qui entourent les prairies du centre de la France ; dans le fond de la vallée sont d’assez vastes champs de Blé entourés de murs et bien arrosés. Au sud, la montagne d’Iche-moul montre la partie supérieure de ses pentes couvertes d’arbres de forme pyramidale, que nos guides nous assurent être des Cèdres. — De Hdour à Em-Medinah, nous suivons une vallée creusée de ravins argilo-schisteux, dont les pentes présentent des bois clairsemés, et dans lesquels le Juniperus Oxycedrus vient remplacer le J. thurifera ; dans ces mêmes bois se voient également quelques pieds de Pinus Halepensis.

La vallée de Em-Medinah (environ 1,390 mètres d’altitude), assez vaste et bien arrosée, s’étend à la base du Djebel Cheliah, dont l’immense massif la limite au nord-est ; d’autres montagnes beaucoup moins élevées complètent le cirque qui la circonscrit ; de nombreuses ruines romaines, qui ont fait donner son nom à la vallée (Em-Medinah, la ville), montrent qu’elle fut jadis un centre important de population ; des ruisseaux, origine de l’Oued El-Abiad, en fertilisent les cultures ; de riches moissons de Blé, qui ne sont pas encore parvenues à maturité (9 juin), occupent une assez grande étendue de ce sol fertile. Les Arabes n’ont pas d’établissement fixe à Em-Medinah, et n’y viennent camper que pendant l’été et l’automne pour y faire paître leurs troupeaux, et se livrer aux travaux de la culture ; pendant les froids de l’hiver, alors que la vallée est le plus souvent couverte par la neige, ils vont établir leurs douars dans les pâturages de la région saharienne. En raison de l’altitude, les champs n’ont besoin que d’irrigations assez rares, et seulement lorsque les épis sont déjà formés ; la moisson a lieu en août, et l’on retrouve ici les habitudes sahariennes : la paille est coupée à peu de distance des épis, et le dépicage du Blé et de l’Orge est pratiqué au moyen de chevaux ou de mulets. Les mêmes champs ne sont jamais cultivés deux années de suite, comme ceux de la vallée de l’Oued Abdi, qui, par les soins des habitants, sont devenus de véritables jardins constamment en culture. — Dans les pâturages dominent les espèces suivantes, la plupart européennes :

  • *Ranunculus macrophyllus Desf.
  • Nasturtium officinale R. Br.
  • Capsella Bursa-pastoris DC.
  • Arenaria serpyllifolia L.
  • *Cerastium Atlanticum DR.
  • Malope stipulacea Cav.
  • Geranium dissectum L.
  • Medicago Cupaniana Guss.
  • — sativa L.
  • Trifolium pratense L.
  • — repens L.
  • — resupinatum L.
  • — fragiferum L.
  • — campestre Schreb.
  • Lotus corniculatus L.
  • Hippocrepis unisiliquosa L.
  • Vicia sativa L.
  • *Echinops spinosus L.
  • *Silybum eburneum Coss. et DR.
  • Cirsium Monspessulanum All.
  • Evax Heldreichii Parlat.
  • Micropus bombycinus Lagasc.
  • Artemisia campestris L.
  • *Senecio giganteus Desf.
  • Nonnea micrantha Boiss. et Reut.
  • Veronica Anagallis L.
  • Mentha Pulegium L.
  • Rumex crispus L.
  • *Euphorbia luteola Coss. et DR.
  • — Nicæensis All.
  • Zannichellia macrostemon J. Gay. — Ruisseaux.
  • Juncus glaucus Ehrh.
  • Carex divisa Huds.
  • — distans L.
  • Alopecurus pratensis L. var. ventricosus.
  • Poa trivialis L.
  • Festuca arundinacea Schreb.
  • Brachypodium distachyum Rœm. et Sch.
  • Hordeum secalinum Schreb.

Dans les moissons et dans les terrains anciennement cultivés, la végétation spontanée est également constituée en grande partie par des espèces européennes :

Liste des plantes observées dans les moissons et les terrains anciennement cultivés de la vallée de Em-Medinah.
  • Ceratocephalus falcatus Pers.
  • *Ranunculus macrophyllus Desf.
  • Delphinium Orientale J. Gay.
  • Papaver Rhœas L.
  • Hypecoum pendulum L.
  • Ranunculus chærophyllos L. var. flabellatus.
  • Sisymbrium crassifolium Cav.
  • Erysimum Orientale R. Br.
  • Alyssum campestre L.
  • Neslia paniculata Desv.
  • Camelina sativa Cr. var. pubescens.
  • Rapistrum Linnæanum Boiss. et Reut.
  • Reseda alba L.
  • — Luteola L. var. crispata.
  • Cerastium dichotomum L.
  • Malva sylvestris L.
  • Erodium cicutarium L’Hérit.
  • Geranium dissectum L.
  • Ruta montana L.
  • Ononis Natrix L.
  • Medicago apiculata Willd.
  • — sativa L.
  • Lotus corniculatus L.
  • *Paronychia Aurasiaca Webb.
  • Eryngium campestre L.
  • Caucalis leptophylla L.
  • Turgenia latifolia Hoffm.
  • Scandix Pecten-Veneris L.
  • Asperula arvensis L.
  • Galium verum L.
  • *Valerianella fallax Coss. et DR.
  • — discoidea Lois.
  • *Carduncellus Atlanticus Coss. et DR.
  • *Silybum eburneum Coss. et DR.
  • Picnomon Acarna Cass.
  • Cirsium echinatum DC.
  • Carduus macrocephalus Desf.
  • Onopordon macracanthum Schousb.
  • *Centaurea acaulis L.
  • — pullata L.
  • — Nicæensis All.
  • — Calcitrapa L.
  • Micropus supinus L.
  • — bombycinus Lagasc.
  • Scolymus maculatus L.
  • Leontodon hispidus L.
  • Urospermum Dalechampii Desf.
  • Echium Italicum L.
  • Nonnea nigricans DC.
  • Anchusa Italica Retz.
  • Rochelia stellulata Rchb.
  • Salvia Verbenaca L.
  • Phlomis Herba-venti L.
  • Plantago albicans L.
  • — Lagopus L.
  • — Coronopus L.
  • Polygonum Bellardi All.
  • *Passerina virescens Coss. et DR.
  • Phalaris truncata Guss.
  • Phleum pratense L. var. nodosum
  • Echinaria capitata Desf.
  • Trisetum flavescens P. B.
  • Avena barbata Brot.
  • — sterilis L.
  • Poa trivialis L.
  • Bromus tectorum L.
  • — maximus Desf.
  • Lolium perenne L.
  • *Triticum hordeaceum Coss. et DR.
  • Hordeum murinum L.
  • — maritimum With.
  • — secalinum Schreb.
  • Ægilops ventricosa Tausch.

Les coteaux, au sud de la vallée, présentent le Fraxinus dimorpha, et des pieds de Juniperus thurifera d’un beau développement. Les pentes des montagnes plus élevées qui dominent ces coteaux sont occupées par d’assez beaux bois, dont les essences principales sont le Chêne-vert (Quercus Ilex), le Juniperus Oxycedrus, et le Pinus Halepensis, et où le Calycotome spinosa et l’Anthyllis erinacea avec le Buplevrum spinosum forment des buissons peu élevés. Dans un champ enclavé dans ces bois, nous trouvons pour la première fois une espèce nouvelle du genre Brassica des mieux caractérisées (Brassica dimorpha) avec d’autres plantes intéressantes. — Les clairières de ces mêmes bois nous offrent le Catananche cærulea, des touffes non fleuries du Scabiosa crenata, les Festuca triflora et cynosuroides, etc.

Liste des plantes observées sur les coteaux au sud-est de la vallée de Em-Medinah.
  • Adonis æstivalis L. — Moissons.
  • *Brassica dimorpha Coss. et DR. — Moissons.
  • Arabis auriculata Lmk.
  • Alyssum serpyllifolium Desf.
  • Helianthemum rubellum Presl.
  • Polygala rosea Desf.
  • Silene inflata Sm.
  • Calycotome spinosa Link.
  • Ononis Cenisia L.
  • — Columnæ All.
  • Anthyllis erinacea L.
  • *— Numidica Coss. et DR.
  • Hippocrepis scabra DC.
  • *Hedysarum pallidum Desf. — Moissons.
  • Sedum acre L.
  • Buplevrum spinosum L.
  • — paniculatum Brot.
  • *Selinopsis montana Coss. et DR.
  • Pimpinella Tragium DC.
  • Asperula hirsuta Desf.
  • Galium erectum Huds.
  • Crucianella angustifolia L.
  • Scabiosa crenata Cyrill.
  • *Othonna cheirifolia L.
  • Jurinæa humilis DC. var. Bocconi.
  • Onopordon macracanthum Schousb.
  • Carduus macrocephalus Desf.
  • Centaurea alba L.
  • — pubescens Willd.
  • *Atractylis cæspitosa Desf.
  • Inula montana L.
  • Catananche cærulea L.
  • Seriola lævigata L.
  • Hieracium Pilosella L.
  • *Fraxinus dimorpha Coss. et DR.
  • Convolvulus lineatus L.
  • — Cantabrica L.
  • — arvensis L.
  • *Veronica rosea Desf.
  • Calamintha alpina Lmk.
  • Salvia Verbenaca L.
  • Brunella alba Pall.
  • *Passerina virescens Coss. et DR.
  • Quercus Ilex L.
  • — — var. Ballota.
  • Juniperus Oxycedrus L.
  • — thurifera L.
  • Pinus Halepensis Mill.
  • Asphodelus ramosus L.
  • Muscari comosum Mill. — Moissons.
  • Carex Halleriana Asso.
  • Stipa barbata Desf.
  • — gigantea Lagasc.
  • Ampelodesmos tenax Link.
  • Avena pratensis L.
  • Cynosurus elegans Desf.
  • Bromus tectorum L.
  • Festuca triflora Desf.
  • — cynosuroides Desf.

La pente nord du Djebel Cheliah est coupée de ravins profonds, espacés, creusés par les ruisseaux qui se jettent dans l’Oued Essora. En longeant l’un de ces ravins les plus rapprochés d’Em-Medinah, nous traversons de beaux bois composés de Fraxinus dimorpha, de Chênes-verts (Quercus Ilex et var. Ballota), de Juniperus Oxycedrus, qui s’élève seulement à quelques centaines de mètres au-dessus de la base de la montagne ; les branches de ce dernier arbre présentent fréquemment de véritables bouquets de l’Arceutholobium Oxycedri. Au-dessus des bois, jusqu’à la base du premier pic, s’étendent des pâturages ras analogues à ceux que nous retrouvons dans la partie déboisée du pic principal. Le seul arbre que nous observions dans ces pâturages, au-dessus de 1,800 mètres d’altitude, est un pied de Juniperus thurifera, que nous n’avons pas retrouvé ailleurs sur le versant nord de la montagne. Les pentes qui nous conduisent à la crête nous offrent des touffes de Cratægus monogyna var. hirsuta, Sarothamnus purgans, Anthyllis erinacea et d’Artemisia campestris, entre lesquelles croissent les Ononis Cenisia, Vicia glauca, Helichrysum lacteum, Evax Heldreichii, Catananche montana, etc. — Une exploration rapide des sommités du Djebel Cheliah jusqu’à la base du pie principal nous présente les plantes de la région montagneuse supérieure, entre autres les Scorzonera pygmæa, Brassica humilis, Senecio Gallerandianus, Potentilla Pensylvanica, etc. L’approche de la nuit nous force, à cause du voisinage des lions, de gagner notre campement, et de remettre au lendemain une nouvelle ascension de la montagne pour l’exploration du pic principal. L’un des profonds ravins qui s’étendent de ce pic vers la vallée de l’Essora nous conduit aux sources d’Aïn-Turck, près desquelles sont dressées nos tentes (environ 1,500 mètres d’altitude). Le fond de la vallée de l’Oued Essora, au-dessous de notre campement, est occupé par des pâturages et quelques moissons.

Liste des plantes observées dans les pâturages et les moissons de la vallée de l’Oued Essora[33].

La partie inférieure de la montagne est couverte de bois, dont les Chênes-verts (Quercus Ilex et var. Ballota) et le Fraxinus dimorpha constituent les principales essences ; le Juniperus Oxycedrus s’y rencontre en assez grande abondance, et on y voit aussi des buissons souvent assez élevés du Cratægus monogyna var. hirsuta, et de rares pieds du Prunus Insititia ; quelques Cèdres descendent jusque dans la vallée, mais seulement le long des ravins. — Au voisinage du campement d’Aïn-Turck, et au bord des ruisseaux, s’étendent des pâturages ras et déboisés circonscrits par les bois de la partie inférieure de la montagne, et par la forêt de Cèdres qui, au-dessus, en occupe le versant. — Les bords du ravin que nous gravissons dans la forêt de Cèdres nous présentent, vers 1,800-1,900 mètres d’altitude, l’If (Taxus baccata), que nous verrons s’élever jusqu’à la limite supérieure du Cèdre ; mais cet arbre, quoiqu’il atteigne d’assez grandes proportions, ne se rencontre que par individus isolés. L’Acer Monspessulanum, dont nous n’avions rencontré que quelques pieds épars, entre, sur ce point seulement, pour une assez grande part dans la composition de la forêt. Les Cotoneaster Fontanesii et Berberis vulgaris var. australis forment des buissons dans les clairières, où l’on voit des touffes rabougries et hémisphériques du Juniperus nana, et où nous recueillons plusieurs espèces intéressantes : Linaria heterophylla, Paronychia Aurasiaca, Vicia glauca, Lamium longiflorum, Viola gracilis, Selinopsis montana, Iberis Pruitii, Scorzonera pygmæa, Scabiosa crenata, Brassica humilis, etc. — Vers 2,150 mètres d’altitude, on arrive à la limite supérieure de la forêt de Cèdres, qui se termine brusquement, comme au Djebel Tougour, par des Cèdres aussi développés que ceux de la partie inférieure. — Une vallée étroite nous sépare encore de la base du pic ; les deux versants de cette vallée sont également couverts de Cèdres. — Les pâturages, qui s’étendent presque jusqu’aux sources situées à peu de distance du sommet, nous présentent en abondance les : Draba Hispanica, Scorzonera pygmæa, Buplevrum spinosum, Senecio Gallerandianus, Potentilla Pensylvanica (déjà observé en Espagne par M. Reuter dans des stations analogues), etc. ; on y observe aussi le Prunus prostrata, et quelques pieds rabougris de l’Acer Monspessulanum. — Aux environs des sources, dans les endroits frais ou arrosés, croissent les Barbarea intermedia, Arabis ciliata, Viola gracilis, Valeriana tuberosa, etc. — La pente rocailleuse peu étendue qui nous sépare du sommet est en grande partie couverte par d’énormes touffes de Sarothamnus purgans ; là nous recueillons un Jasione non encore fleuri, et voisin de certaines formes du Jasione perennis. — L’étroit plateau pierreux qui forme le point culminant du Djebel Cheliah s’étend de l’est à l’ouest. Des murs en pierres sèches, construits sur la partie la plus élevée, nous servent de refuge contre le vent pour nos observations thermométriques et barométriques.

De ce point, le plus élevé de toute l’Algérie, se déroule un magnifique panorama ; au sud et près de nous, les pentes blanchâtres, abruptes, nues et accidentées, des montagnes qui limitent la vallée de l’Oued El-Abiad, et dans le lointain les plaines du Sahara ; à l’ouest, les sommets de nombreuses montagnes, et aux limites de l’horizon le Djebel Tougour et la chaîne des Ouled-Sultan ; au nord des pentes boisées, et au delà les vastes plaines des hauts-plateaux, et leurs chotts aux surfaces miroitantes ; à l’est, les montagnes accidentées et les vallées profondes de l’Aurès oriental.

Le versant sud du Djebel Cheliah, dont nous n’explorons la pente rocheuse que jusqu’à quelques centaines de mètres au-dessous du sommet, nous offre dans les fissures des rochers l’Amelanchier vulgaris et le Ribes Grossularia, et dans les rocailles qui couvrent le sol les : Erodium montanum, Helichrysum lacteum, Campanula rotundifolia, Anthoxanthum odoratum, Asplenium Ruta-muraria, Rhamnus alpinus, Catananche montana, etc. — Cette pente est trop abrupte et trop dépourvue de terre végétale pour pouvoir être régulièrement boisée ; aussi les Cèdres n’y occupent-ils généralement que les ravins, et n’arrivent-ils qu’à une altitude bien inférieure à celle qu’ils atteignent sur la pente nord ; la plupart d’entre eux présentent les caractères de la vétusté, et leurs sommets ont été brisés par le vent ou par les éboulements de rochers. — Plusieurs pentes méridionales des montagnes élevées qui environnent le Djebel Cheliah ou qui en dépendent sont, au contraire, couvertes de Cèdres presque jusqu’au sommet ; mais ces arbres, dont la cime s’étale généralement en parasol, présentent un moins beau développement que ceux des pentes tournées vers le nord.

Qu’il nous soit permis d’exprimer ici nos craintes sur la conservation des magnifiques forêts de l’Aurès. Les nombreux débris des Cèdres, qui jadis formaient la limite des forêts, indiquent que cette limite a déjà notablement baissé par suite des déprédations des Arabes, qui souvent, au voisinage de leurs pâturages ou de leurs campements, mettent le feu au pied des plus beaux arbres. Il serait à désirer que des règlements sévères vinssent mettre un terme à ces désordres dans des contrées où la conservation de la végétation arborescente est une des conditions indispensables de la richesse du pays ; car la dénudation du sol et l’éboulement des rochers viendrait stériliser les vallées, et apporter à la longue un trouble profond dans la distribution des eaux, en convertissant les cours d’eau, source de fertilité, en des torrents dévastateurs. Pour protéger les forêts d’une manière plus complète, il faudrait aussi empêcher la mutilation des arbres, à laquelle les Arabes ne sont que trop portés, et soumettre à une réglementation l’extraction de la résine, qui, avec l’écorçage, ne sont pas de moindres causes de destruction[34]. Le but ne peut être atteint, néanmoins dans les montagnes élevées et à pentes rapides, que par l’interdiction absolue du pacage dans les pâturages des sommités ; car, par la destruction des jeunes plants et la vétusté de la forêt qui en est la conséquence, les troupeaux contribuent beaucoup à abaisser le niveau d’altitude atteint par la végétation arborescente. La rapidité du développement des arbres dans les pays chauds viendra bientôt, du reste, récompenser les soins de l’administration, ainsi que le prouvent par un exemple frappant les forêts des environs de Batna soumises au régime forestier, et qui sont en voie de réparer leurs pertes. Dans le rapport sur notre voyage dans la province d’Oran, nous avons déjà appelé l’attention sur les résultats importants obtenus aux environs de Saïda, par la surveillance de l’autorité militaire, pour l’amélioration des bois qui couvrent le revers septentrional de la chaîne qui sépare le Tell des hauts-plateaux ; cet exemple démontre que l’autorité militaire peut, par une répression efficace, obtenir des indigènes, sans surcroît de dépenses et sans l’organisation d’un personnel nombreux, la stricte observation des mesures nécessaires pour empêcher le déboisement du pays.

Liste des plantes observées sur le Djebel Cheliah[35].
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