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Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome I

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§ VIII.

Analyse de la liste mède de Ktésias.

Selon Hérodote, les Mèdes n'eurent que quatre rois, qui furent:

  Deïok-ès53 ans.
Son fils, Phraortes22 
Son fils,Kyaxar 40 
Son fils,Astyag-es 35 
    150  

Ils eurent huit rois

Selon Ktésias[284]. Selon Mosès.
Sans compter Arbâk, savoir:
Man-daukés50ansMandaukis.
Sosarmos30 Sosarmos.
Artoukas50 Artoukas.
Arbianes22 Kadikeas.
Artaïos40 Deoukis,
Artounes22 Artounis.
Astibaras40 Kiaksaris.
Aspadas, dit Astuigas,
      par les Grecs
(35) Azdehak.
Total289—somme 317.
Plus Arbâk28

Diodore a omis le temps d'Astuigas, nous le suppléons par Hérodote.

Eusèbe a modifié cette liste, en y introduisant Deïokès à la place d'Artaïos; et l'arménien Mosès, qui suit Eusèbe, a substitué à l'Astuag des Grecs son vrai nom mède Azdehak[285]; il en résulte la liste comparative que nous avons jointe. Mosès ne donne pas de nombre d'années.

Le Syncelle, page 359, dit que les Mèdes, jusqu'à l'époque de Kyrus, dominèrent 30 ans. Cette faute est d'un copiste, il faut lire 300. Il dit, page 235, que depuis Sardanapale, leurs rois régnèrent 276 ans; cette erreur est de lui, comme lorsqu'il dit, page 212, que Kyaxarès régna 32 et son prédécesseur 51 ans. En général on ne peut compter sur ce mutilateur audacieux et négligent. Tenons-nous-en à Diodore. En partant d'un point connu, commençons par Astuigas... Il est évidemment l'Astyag d'Hérodote. Son autre nom d'Aspadas prouve que, selon un usage subsistant en Orient, les rois de ces anciennes listes eurent tous plusieurs noms, et cela par deux raisons:

1° Parce qu'en certaines circonstances ils en changèrent, comme a fait de nos jours Kouli-Khan, qui, ayant conquis Dehli, s'intitula Shah-Nadir, roi du second hémisphère (par opposition à zénith).

2° Parce que, selon les divers dialectes ou langages du vaste empire des Perses, les peuples désignèrent le prince par des noms différents. Ktésias désigne Smerdis par celui de Sphendadatès; Esdras le désigne par celui d'Artahshata, et il nomma Cambyse Ashouroush[286]. Aspadas paraît composé du mot pâd, maître, seigneur, et de asp, chevaux, maître de la cavalerie (puissante), très-probablement des dix milles cavaliers immortels.

Avant Astuag régna Astibar, 40 ans; c'est évidemment le Ki-asar d'Hérodote. Mosès le dit expressément. Ki, prononcé en persan, signifie grand et géant. En arménien, skai a le même sens. Kê-asar, le grand vainqueur. En effet, Kyaxar renversa une seconde fois Ninive et les Assyriens. Le mot persan Astebar est synonyme, puisqu'il signifie grand et puissant[287]. L'identité est d'ailleurs formelle, dans ce passage d'Eusèbe[288]:

«Alexandre Polyhistor rapporte que Nabukodonosor, informé de la prophétie de Jérémie (au roi Ioakim), sollicita le roi des Mèdes, Astibaras, de se joindre à lui, et il marcha en Judée avec une armée de Babyloniens et de Mèdes.»

C'était l'an 606; le temps convient très-bien. Les Scythes dominaient encore. Kyaxarès, gêné par eux, dut condescendre à la demande indiquée, pour ne pas se faire un puissant ennemi de plus.

Avant Astibar, règne Artoûnés 22 ans. C'est la durée de Phraortes: c'est même son nom; car celui-ci est composé du persan Pher, grand roi, héros, et d'arta ou orta, que l'Arménien Mosès, page 58, dit signifier en langue mède, juste (et magnanime).

Au-dessus d'Artoun-es devrait venir Deïokès. Mosès le dit bien. Mais les 40 ans d'Artaïos indiquent Kyaxar. Cette identité tire de nouvelles preuves de l'anecdote de Parsondas, racontée par Diodore, dans le fragment de Ktésias, page 409.

«Sous le règne d'Artaïos, s'alluma une violente guerre, etc.»

L'historien Nicolas de Damas nous apprend le motif de ce mécontentement de Parsondas, dans un récit curieux que sûrement il a copié de Ktésias[289].

«Sous le règne d'Artaïos, roi des Mèdes et successeur d'Arbêk, dit-il, vivait Parsondas, homme extraordinaire par ses facultés physiques et morales; le roi, ainsi que les Perses, dont il était issu, l'admiraient pour sa beauté corporelle et pour la prudence de son esprit. Il excellait d'ailleurs dans l'art de combattre, soit à pied, soit à cheval, soit sur un char, et personne ne l'égalait à la chasse pour surprendre et tuer des bêtes féroces. Ce Parsondas sollicita Artaïos de destituer Nanybrus, roi de Babylone, qu'il méprisait et haïssait pour ses mœurs sardanapaliques[290], et de lui donner cette satrapie. Le roi ne put consentir à faire cette injustice à Nanybrus, contre la teneur des lois établies par Arbâk... Le Babylonien fut instruit dû fait... Quelque temps après, dans la saison des chasses, Parsondas alla prendre ce divertissement en Babylonie, près d'un lieu où, par hasard, étaient campés les vivandiers de Nanybrus: celui-ci, informé des courses de son ennemi, avait ordonné à ses gens de l'épier, de tâcher de l'enlever, et de le lui amener; la chose réussit à son gré. Devenu maître de Parsondas, le Babylonien l'enferme dans son harem avec ses femmes, le fait raser, baigner, vêtir en femme, et le force de jouir de toutes les voluptés que le guerrier lui avait reprochées.—Il le força même d'apprendre la musique et la danse... Sept ans se passent ainsi, sans qu'on sache ce qu'est devenu Parsondas, malgré toutes les perquisitions ordonnées par le roi. Enfin un eunuque, que Nanybrus avait fait bâtonner pour quelque faute, s'échappe et va découvrir le délit à Artaïos, qui de suite dépêche un aggar[291] ou secrétaire pour réclamer Parsondas... Nanybrus nie la détention. Un second aggar vient, avec ordre de conduire au roi Nanybrus garrotté, s'il persiste à nier. Celui-ci rend son prisonnier, et Parsondas s'en retourne sur un char avec le secrétaire. Il arrive à Suse: Artaïos l'accueille, écoute son histoire avec étonnement... Quelques mois après, il se rend à Babylone. Parsondas l'obsède pour qu'il le venge de Nanybrus; celui-ci gagne un eunuque à force d'argent et de présents, et moyennant cent talents d'or et cent coupes d'or, mille talents d'argent et trois cents coupes du même métal, il obtient son pardon du roi.»

Dans ces récits, nous avons un indigène Perse, sujet et courtisan d'un roi mède, l'un des successeurs d'Arbâk. Ce roi ne peut être Deïokès qui, selon la phrase d'Hérodote, ne régna que sur les Mèdes. Est-ce Phraortes, son fils, qui y joignit les Perses, et qui avec ces deux nations puissantes subjugua les autres? Mais les 40 ans d'Artaïos ne conviennent point à Phraortes, qui n'en régna que 22; et ils conviennent parfaitement à Kyaxar. Supposons que Parsondas ait demandé à Kyaxar la satrapie de Babylone au commencement de son règne, la circonstance convient très-bien; ce sera dans les années 635 ou 634: supposons que les 7 ans de détention de Parsondas aient commencé en 633 et fini en 627; l'irruption des Scythes, en 625, ayant jeté Kyaxarès dans un état d'oppression et de faiblesse, le Persan en aura profité pour effectuer une révolte qui, sans cela, eût peut-être été impossible. Relativement au prince babylonien, ces dates conviennent très-bien à Chinil-adan, qui régna depuis 647 jusqu'en 626. La différence de nom n'y fait rien, puisque tous ces princes asiatiques en eurent plusieurs.

Quant au nombre des combattants, dont parle Ktésias (page 403), il est visiblement absurde, selon l'usage des livres orientaux; et cette absurdité se démontre par la topographie des Caddusiens, dont le pays montueux ne contient pas plus de 160 à 180 lieues carrées; et encore par les quatre mille hommes des premières troupes de Parsondas. Il faut ôter un zéro; et en lisant 20 mille, au lieu de 200, et 8 mille au lieu de 80 mille, l'on sera dans les vraisemblances.

Cette anecdote a d'ailleurs le mérite de nous apprendre que le même roi mède qui régnait à Ekbatane, régnait aussi à Suse; ce qui réfute l'hypothèse de ceux qui ont voulu concilier Hérodote avec Ktésias, en faisant de leurs rois deux dynasties qui auraient simultanément régné dans ces deux villes. Il dut en être des rois mèdes, comme il en fut des rois perses, qui passaient leurs hivers à Suse et leurs étés à Ekbatane. Quant à la vassalité de Babylone, nous en verrons les preuves complètes ailleurs.

Maintenant, si l'Artaïos de Ktésias est Kyaxar (et fût-il Phraortes), il est clair que cet historien a doublé les temps et les noms. Ce doublement est encore indiqué dans Arbianes, qui, par son règne de 22 ans et par sa position avant Artaïos Kyaxar, se décèle pour être Phraortes.

Au-dessus de lui est Artoukas, avec un règne de 50 ans. Ce doit être Deïokès; l'analogie des 50 ans de l'un et des 53 ans de l'autre, fortifie ce soupçon. En suivant cette indication, le Sosarmos qui le précède, a dû être Arbâk. Au-dessus de Sosarmos, se trouve Man-daukès, encore 50 ans, comme Artoukas. Nous venons de voir Ktésias répéter deux fois les 40 ans de Kyaxar, dans Artaios et Astybaras; ne répète-t-il pas également ici le règne de Deïokès dans les 50 ans d'Artoukas et de Mandaukès? Le nom de ce second est évidemment le même; car en séparant l'initiale Man, l'on a Daouk-ès, manifestement identique à Déïok-ès.

Enfin, avant ce chef de la dynastie mède, se montre Arbâk, qui règne 28 années bien ressemblantes aux 30 de Sosarmos, en sorte que de même que Phraortes a été répété deux fois avant Kyaxar, Arbâk se trouve répété aussi deux fois avant Deïokès, et toute la liste de Ktésias est démontrée n'être qu'un doublement de celle d'Hérodote, comme on le voit dans le tableau suivant.

ROIS MÈDES.
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SELON HÉRODOTE. SELON KTÉSIAS.
Noms.Règnes.
Deïokès53ans.Arbâk28. Sosarmos30.
Phraortes22 Man-daukés50. Artoukas50.
Ky-axarès  40 Arbianes22. Artounès22.
Astyag-es35 Artaïos40. Astibaras40.
  Astuigas(35).

Les seuls 28 ans d'Arbâk forment une difficulté: non-seulement Hérodote (ou plutôt ses auteurs perses) les nie, mais il semble nier sa royauté; et après l'affranchissement des Mèdes, opéré par lui, ils ne laissent apercevoir aucune trace de ce libérateur, comme si, satisfait d'avoir rendu la liberté à tous les vassaux de Ninive, il se fût démis du pouvoir suprême, après avoir établi une sorte de pacte fédéral, indiqué dans l'anecdote de Parsondas. Comme nous devons retrouver cet Arbâk dans un des rois perses des traditions orientales, nous reviendrons à ce sujet.

Mais quel a pu être le motif de Ktésias de nous forger ces faux calculs? Après avoir beaucoup cherché, il nous a semblé en découvrir la raison dans son fragment déja cité. Il y dit que, selon les calculs des Assyriens, la guerre de Troie avait eu lieu sous le roi Teutam, 306 ans avant la mort de Sardanapale. Si Ktésias eût admis le système d'Hérodote, cette date eût placé la prise d'Ilium vers l'an 1023 de nôtre ère, et cela eût trop choqué les opinions reçues dans la Grèce: l'une de ces opinions, suivie depuis par Ératosthènes, Apollodore et Denys d'Halicarnasse, était que la prise de Troie avait eu lieu en une année correspondante à notre année 1183 ou 1184 avant J.-C. Ktésias, habitué à flatter les satrapes, ne voulut pas heurter les savants; il s'arrangea de manière à obtenir précisément ce résultat. Car les 306 des Assyriens, joints aux 317 des Mèdes, font 623, lesquels, ajoutés aux 560, époque de Kyrus, font juste 1183, comme Ératosthènes l'écrivit 150 ans après Ktésias: cette coïncidence parfaite n'est-elle pas frappante et décisive?

Puisque nous sommes amenés à cette question, voyons si nous ne pourrions pas acquérir ici une idée juste de cette époque si célèbre.

§ IX.

Époque de la guerre de Troie, selon les Assyriens et les Phéniciens.

Ktésias, ayant en main les livres des Assyriens, ou leurs extraits, nous affirme que, selon leurs calculs, la guerre de Troie eut lieu sous l'un des rois ninivites, appelé Teutam, 306 ans avant la mort de Sardanapale. Cet auteur, en sa qualité de Grec, dut porter de la curiosité à connaître cette époque, et les Assyriens eurent des raisons d'état de la noter dans leurs archives, puisque le roi de Troie réclama des secours comme vassal, et que le descendant de Ninus envoya le satrape de Suse Memno, dont Homère fait une mention expresse. La date que nous fournissent les Assyriens, a donc une autorité égale et même supérieure à celles que fournissent les Grecs, puisqu'aucune chronologie de ces derniers ne remonte d'un fil continu et certain, même au temps d'Homère, et que tous leurs chronologistes offrent dans leurs estimations une discordance qui, comme nous l'allons voir, démontre l'incertitude et même la fausseté de leurs bases.

Selon Ératosthènes, Apollodore et Denys d'Halicarnasse, la prise de Troie eut lieu 407 ou 408 ans avant la première olympiade, qui date de 776 (par conséquent en l'an 1183 ou 1184).—Selon le chronologiste Sosibius, contemporain de Ptolomée-Philadelphe, elle eut lieu 395 ans avant la première olympiade; donc en l'an 1171.—Selon Arètes, en l'an 1190.—Selon Velleïus Paterculus, en l'an 1191.—Selon Timée, en 1193.—Selon la chronique de Paros, en 1208; selon Dikéarque, en l'an 1212; enfin, selon Hérodote, en l'an 1270, etc.

Le point de départ de tous ces calculs était l'ouverture des olympiades, l'an 776 avant notre ère: ce point est certain; pour s'élever au-delà, tous ces auteurs ont tâché de mesurer le temps jusqu'à de grands événements connus, tels que l'invasion des Héraclides, la fondation de la colonie ionienne, une guerre faite par quelque roi de Sparte, etc. Et c'est parce que les dates de ces événements n'étaient pas certaines, qu'ils ont obtenu des résultats si divers. Hérodote seul employa un autre moyen que nous examinerons séparément: si l'on en voulait croire son traducteur[292], tous les anciens peuples grecs auraient eu des archives et des généalogies qui auraient fourni des bases certaines aux écrivains; mais si de tels monuments existèrent en certains lieux et en certains temps, il faut que les guerres perpétuelles dont fut tourmentée cette contrée, les aient détruits ou mutilés de très-bonne heure, puisque à dater seulement du 7e siècle avant notre ère, tout est discors et confus dans les chronologies grecques; qu'à Sparte, par exemple, l'un des états les plus fixes, l'ordre et la série des rois ne sont pas certains; que leurs règnes, omis après les olympiades, offrent des invraisemblances choquantes dans les temps antérieurs[293], et que l'époque du célèbre législateur Lycurgue subit une contestation de 108 ans, qui, comme nous l'allons voir, n'est pas éclaircie, à beaucoup près, dans le sens que l'on pense. L'époque d'Homère, ce poëte si remarqué, dont tant d'auteurs recherchèrent à l'envi la patrie, l'âge, la vie; cette époque est aussi obscure que celle de Lycurgue et de Troie, ainsi que le prouvent deux curieux passages de Tatien et de Clément d'Alexandrie, qui méritent que nous les citions.

«Selon Cratès (ou Cratètes), Homère ne fut postérieur à la prise de Troie que de 80 ans, et (vécut) vers le temps de l'invasion des Héraclides; selon Ératosthènes, il fut postérieur de 100 ans; de 140 selon Aristarque, qui, dans ses Commentaires sur Archiloque, dit qu'Homère fut contemporain de la colonie ionienne fondée à cette époque.

«Philochorus le place 40 ans plus tard (180 ans après Troie).

«Apollodore veut que ce soit 100 ans (c'est-à-dire 240 ans après Troie), sous le règne d'Agésilas, fils de Dorisée, roi de Sparte; ce qui rapproche Homère du législateur Lycurgue, encore très-jeune.

«Euthymène, dans ses Annales, dit qu'il naquit dans l'île de Chio, 200 ans après la prise de Troie; Archemacus, dans son troisième livre des Euboïques, est du même avis.

«Euphorion, dans son ouvrage des Aliades, dit qu'il vécut au temps de Gygès, qui commença de régner en la 18e olympiade (l'an 708).

«Sosibius de Lacédémone, en sa Description des temps, place Homère à l'an 8 du roi Charilas, fils de Polydecte... Charilas régna 64 ans, son fils Nicander en régna 39: l'an 34 de ce prince, dit-il, fut établie la première olympiade; en sorte qu'Homère se trouve placé 90 ans avant cette première olympiade.

«Dieuchidas, dans son 4e livre des Mégariques, dit que Lycurgue fleurit environ 290 après la prise de Troie.»

Ératosthènes divise ainsi le temps[294] «depuis la prise de Troie jusqu'à l'invasion des Héraclides80ans.
«De là à la colonie ionienne60 
«De là à la tutelle de Lycurgue159 
«De là à la première olympiade108 
Total407 
Plus776 
 1183ans.

«Enfin Hérodote estime (dit Tatien) qu'Homère vécut 400 ans avant lui, et il lui associe Hésiode.»

Toutes ces variantes nous ramènent à nos premières conclusions, savoir:

1° Que les chronologistes grecs n'ont point eu en main de chroniques suivies et connues sur lesquelles se pussent asseoir leurs calculs.

2° Que les Assyriens ayant eu cet avantage, pourraient bien, dans le passage fourni par Ktésias, nous avoir révélé la véritable époque de la prise de Troie.

Mais, en comparant l'extrême différence de l'époque donnée par eux, à la plus rapprochée de toutes celles données par les Grecs, comment, dans une telle question, accorder une préférence décidée à un seul et unique témoignage, surtout quand ce témoignage nous vient par la voie d'un Ktesias?

Tel était notre scrupule, lorsque, parcourant les mêmes pages de Clément d'Alexandrie et de Tatien, deux autres citations ont frappe notre attention.

«Eiram, roi de Tyr, dit Clément, donne sa fille en mariage à Salomon, dans le temps où Ménélas arrive en Phénicie, après le sac de Troie, ainsi que le rapporte Menander de Pergame, et Lœtus, dans leurs Annales phéniciennes.

«Chez les Phéniciens, dit Tatien, nous connaissons trois historiens; savoir, Théodotus[295], Hypsicrates et Mochus, dont les ouvrages ont été traduits en grec par Lœtus, qui a recueilli avec soin la vie d'un grand nombre de philosophes: or, dans les histoires dont nous parlons, il est dit que sous un même roi (de Tyr) ont eu lieu l'enlèvement d'Europe, l'arrivée de Ménélas en Égypte, et les actions de Cheiram, qui donna sa fille en mariage au roi des Juifs, Salomon.» Menander de Pergame rapporte les mêmes faits; et le temps de Cheiram est voisin de celui de Troie[296].

Ici le témoignage de Menander est d'autant plus digne d'attention, que Flavius Josèphe nous apprend qu'en effet cet écrivain avait traduit les Annales phéniciennes dont il reconnaît l'exactitude et la conformité avec celles des juifs. Selon celles-ci, le règne de Salomon commença l'an 1018 avant J.-C.; selon les Assyriens, Teutam envoya du secours à Troie, vers l'an 1023. Supposons la prise en 1022. Selon les Phéniciens, Ménélas dut venir, un ou deux ans après, vers 1021 ou 1020: Hiram aurait donc donné sa fille vers l'an 1018 ou 1017. Un tel accord entre trois témoins différents n'est-il pas infiniment remarquable? disons mieux, n'est-il pas probatif et concluant? Prenons cette date pour la véritable, et supposons la prise de Troie à l'an 1022, nous avons pour terme certain la 1re olympiade en l'an 776, différence 246. Maintenant, voyons comment cadreront toutes nos citations ci-dessus, comparées à ces deux termes: examinons d'abord Hérodote. Les propres paroles de cet écrivain, antérieur aux seize autres cités par Clément et par Tatien, sont telles qu'il suit:

«J'estime[297] que les poètes Homère et Hésiode n'ont pas vécu plus de 400 ans avant moi

Quelques critiques ont déjà remarqué que ces expressions sont très vagues. J'estime signifie un calcul par aperçu, par supposition; a vécu n'indique aucune année précise, et peut se prendre pour la naissance, pour la mort, pour le temps de la célébrité; et ce nombre rond de quatre cents ans sans aucune fraction! N'est-il pas clair qu'ici Hérodote n'a point prétendu donner un calcul précis et méthodique, mais qu'il a fait simplement une évaluation approximative? Lorsque l'on connaît sa méthode, on devine son opération. Ayant lu beaucoup d'historiens, entr'autres Xanthus de Lydie, Cadmus de Milet, Hellanicus, etc., il aura saisi quelque anecdote qui établissait un rapport entre Homère et quelque prince connu, comme lui-même cite un rapport entre Archiloque et Gygès, entre Thalès, Solon et Krœsus. De ce rapport connu, il aura déduit un nombre de générations qui, évalué, estimé, selon son système, à trois générations par siècle, lui a donné le nombre rond de 400 ans; c'est-à-dire que de lui à Homère, il a estimé douze générations. Cette évaluation de trente-trois ans étant beaucoup trop forte, substituons-y vingt-cinq ans, tels que nous les donnent les générations des rois de Lydie, des rois hébreux et des grands-prêtres juifs; nous aurons quatre générations au siècle, par conséquent 300 ans pour douze générations entre Hérodote et Homère. Hérodote naquit l'an 484 avant notre ère; donc les 300 ans nous remontent à l'an 784. Maintenant, puisque le mot a vécu se prend ordinairement pour cesser de vivre, nous dirons que cette année doit être celle de la mort d'Homère, selon Hérodote. Le poëte mourut âgé: supposons que ce fut à 70 ou 80 ans; il dut naître entre les années 854 et 864. Actuellement comparons à ces années les calculs des auteurs.

Selon Apollodore, Homère vécut 240 ans après Troie, ou 100 ans après la colonie ionienne: de 1022 ôtez 240, reste 782; donc Apollodore donne précisément notre calcul de décès à deux ans près.

Selon Euthymènes, il naquit à Chio, 200 ans après Troie; donc en 822. C'est trop tard; il dut déjà fleurir.

Selon Sosibius, Homère se place 90 ans avant la 1re olympiade; elle date de 776, plus 90: c'est 866. Ne serait-ce pas là sa naissance rapportée avec précision à l'an 8 de Charilas?

Selon Apollodore, Homère (mort en 784) se trouve très-rapproché de Lycurgue, encore jeune: or, selon Strabon, plusieurs auteurs pensaient que Lycurgue avait reçu de la main même d'Homère, vieux, ses poésies qu'il apporta à Lacédémone. Plutarque, indécis, croit que Lycurgue, voyageant dans l'Asie mineure, les reçut seulement de la main des enfants de Cléophile, leur dépositaire. Mais il avoue, de bonne foi:

«Que l'origine, les voyages, la mort, l'époque même des lois de Lycurgue, étaient un sujet inépuisable de controverse entre les écrivains; il déclare que selon plusieurs, il avait concouru avec Iphitus à l'établissement des jeux olympiques: c'est, dit-il, l'avis d'Aristote, qui cite en preuve de ce fait l'inscription du palet olympique, où le nom de Lycurgue est gravé.»[298]

Un tel monument, cité par un homme du poids et de l'instruction d'Aristote, est déjà une preuve sans réplique; mais Cicéron vient encore y joindre son opinion, lorsque, dans son discours pour Flaccus, ce savant Romain dit:

«Les Lacédémoniens vivent sous les mêmes lois depuis plus de 700 ans

Ce discours fut prononcé l'an deux de la 180e olympiade, c'est-à-dire l'an 59 avant notre ère; par conséquent Cicéron indique une date un peu antérieure à l'an 759; ce qui correspond d'autant mieux aux dates ci-dessus, que Lycurgue ne donna ses lois qu'après l'établissement des jeux olympiques par Iphitus. Ainsi, ce n'était pas un ouï-dire vague, une opinion populaire, qui plaçait Lycurgue à cette époque du 8e siècle, et le faisait contemporain de la vieillesse d'Homère: c'était le témoignage des monuments publics de ce temps-là, et l'assentiment des écrivains les plus anciens et les plus savants. Mais, objectera-t-on, comment, moins de cent ans après Aristote, Ératosthènes a-t-il calculé que Lycurgue précéda de 108 ans la fondation des jeux olympiques? Nous ne pouvons rien dire à cet égard, parce que l'ouvrage de cet astronome nous manque. Mais si nous devions le juger par ses copistes, Trallien, Eusèbe, le Syncelle et même Tatien, nous ne pourrions avoir une haute idée de sa critique: par exemple, comment Ératosthènes a-t-il pu dire qu'Homère vécut 100 ans seulement après la guerre de Troie? Cela doit être une erreur de Tatien ou de ses copistes. Ératosthènes, qui partage l'opinion d'Apollodore sur la guerre de Troie, a dû penser comme lui sur l'époque d'Homère; il a dû le placer 100 ans après la colonie ionienne, et non pas après la prise de Troie: c'est une méprise palpable. Ces deux écrivains ont certainement connu les rapports établis par les monuments et par les historiens, entre Homère et Lycurgue; ils doivent avoir fait ce raisonnement:

«Hérodote, né en telle année (484 avant J.-C.), dit qu'Homère a vécu ou cessé de vivre 400 ans avant lui; donc en 884. Or il est certain que Lycurgue a vu Homère: donc Lycurgue avait un certain âge en 884.»

A notre tour, nous disons: de 884 ôtez 108 ans, reste 776, époque précise de la première olympiade; donc Ératosthènes a opéré comme nous le disons; donc il a été induit en erreur par les 400 ans d'Hérodote, qu'il a pris au sens matériel; donc notre interprétation des 400 ans d'Hérodote en 12 générations, est le sens véritable du passage; donc la durée de 25 ans, que nous donnons à chaque génération, est la plus raisonnable, la plus conforme aux faits: donc l'accord parfait de nos combinaisons avec les calculs des Assyriens et des Phéniciens, donne l'époque de la guerre de Troie et de l'âge d'Homère, plus exacte, plus vraie qu'aucun calcul grec; donc enfin, tout ce que l'on a dit jusqu'à ce jour sur cette double question, est à refaire à neuf, en commençant par les deux chapitres de la Chronologie de M. Larcher, sur la prise de Troie et sur les rois de Lacédémone, où de suppositions en suppositions, passant du probable au certain et à l'incontestable, en démentant tous les anciens dont il prétend s'appuyer, ce correcteur a rejeté la guerre de Troie plus loin qu'Hérodote lui-même, c'est-à-dire au delà de 1270; et cependant il est clair que c'est pour avoir reconnu l'exagération de cette hypothèse, que les Grecs, dès le temps de Ktésias, commencèrent à la quitter. L'erreur d'Hérodote est saillante à cet égard, si l'on prend tout son calcul au sens littéral; mais si on l'interprète comme nous le faisons, et que les 800 ans, en nombre rond, qu'il estime s'être écoulés entre la prise de Troie et lui, ne soient qu'un calcul de générations converti en années, l'on a pour résultat l'an 1084 avant J.-C., c'est-à-dire environ 62 ans de plus que les calculs assyriens et phéniciens; et alors il est de tous les Grecs le plus près de la vérité. Il y a cette remarque à faire sur cet historien, que lorsqu'il suit les Asiatiques, il donne des résultats précis, parce qu'il a des bases fixes; mais lorsqu'il a opéré avec les Grecs, n'ayant point de dates exactes, il est contraint d'user de moyens généraux, qui le mettent en contradiction avec lui-même, comme dans le cas présent où nous pouvons le juger.

On vient de voir que le système des générations, employé selon notre méthode, nous a procuré les plus heureuses coïncidences: le sujet que nous traitons nous en fournit d'autres exemples non moins favorables. Hérodote nous apprend que de son temps les rois de Macédoine s'étant présentés aux jeux olympiques, ils y furent d'abord refusés comme n'étant pas de race grecque, puis admis, pour avoir juridiquement prouvé qu'ils étaient du même sang héraclide que les rois mêmes de Sparte: dans la généalogie de ces rois, Alexandre premier, fils d'Amyntas, qui régnait au temps de Xercès, avait eu pour neuvième aïeul Karanus, dont le frère Phido, tyran d'Argos, troubla les jeux à la huitième olympiade, c'est-à-dire l'an 748 avant J.-C.

Si l'on compare à la liste macédonienne celle des rois de Sparte, Karanus se trouve parallèle à Lycurgue qui, 29 ans auparavant, parut à ces jeux; et de Karanus à Hercule, il y a onze générations précisément, comme d'Hercule à Lycurgue[299].

D'autre part, nous avons de Karanus à Alexandre-le-Grand, 17 générations qui, à 25 ans, font 425 ans. Ces 425 ans ajoutés à 330, époque d'Alexandre, font 755, plus les 29 de Lycurgue; total; 784. Ne voilà-t-il pas nos mêmes nombres revenus?

Si l'on remonte de Lycurgue au roi héraclide Aristodémus, l'on a sept générations, ou 175 ans: partons de la première olympiade 776, plus 175; c'est 951: c'est-à-dire que l'établissement des Héraclides tomberait 71 ans après la prise de Troie, selon les Orientaux; et tous les Grecs placent l'invasion de ces Héraclides 80 ans après Troie. Si nous sommes dans une route d'erreur, comment nous conduit-elle à tant d'heureux résultats? Dira-t-on que les règnes des rois de Sparte les contrarient? Mais Larcher lui-même[300] convient qu'on ne peut compter sur les listes d'Eusèbe et du Syncelle, qu'elles sont arbitraires selon l'usage de ces mutilateurs; que le règne d'Agis est inadmissible à un an de durée, tel qu'ils l'établissent; que les autres règnes, quand on les compare dans les deux branches, sont pleins de contradictions, etc., etc. Nous n'entreprendrons pas de redresser ces discordances qui nous écarteraient beaucoup trop de notre sujet. Nous avons assez fait, si nous avons posé les principaux jalons d'alignement de l'ancienne chronologie grecque: quelque bon esprit saura s'en servir pour en reconstruire l'édifice, autant qu'il est possible, avec le peu de données qui nous restent. Revenons à Ktésias, et à ses calculs factices, mêlés d'erreurs et de vérités[301].

§ X.

Examen de la liste assyrienne de Ktésias.

D'après tout ce que nous venons de voir, la liste mède de cet écrivain étant démontrée fausse, sa chronologie antérieure se trouve frappée de nullité; mais afin de ne pas le juger sans l'entendre, jetons un coup d'œil sur sa liste assyrienne, et voyons si elle ne nous fournirait pas aussi quelques preuves de falsification. Pour en raisonner avec équité, il faut d'abord s'assurer de son véritable état; et c'est une première difficulté à vaincre; car les écrivains qui prétendent copier cette liste, diffèrent sur les noms des rois et sur la durée de leurs règnes; et néanmoins le manuscrit de Ktésias a dû être univoque: selon Diodore, le nombre des rois de père en fils, fut de 3; selon Velleïus-Paterculus[302], le dernier roi, Sardanapale, aurait été le 33e depuis Ninus et Sémiramis. Mais Velleïus, écrivain postérieur, qui ne cite ce trait qu'en passant, paraît avoir été induit ici en erreur par une phrase équivoque de Diodore, qui porte:

«Ainsi régna Ninyas, fils de Ninus; et la plupart des autres rois qui se succédèrent de père en fils, pendant 30 générations, jusqu'à Sardanapale, imitèrent ses mœurs.»

[303]
LISTE DES ROIS ASSYRIENS, SELON LES DIVERS AUTEURS.

Velleïus semble s'être dit:

«S'il y eut 30 rois qui se succédèrent depuis Ninyas, Ninyas ne doit point se compter... Il est excepté par le mot autre, et parce que ses mœurs furent imitées... Donc avec Ninus et Sémiramis il y eut 33 rois.»

Mais cette première phrase de Diodore, réellement incorrecte, est redressée par son résumé qui porte ces mots:

«A l'égard de Sardanapale, trentième et dernier roi depuis Ninus.»

Ceci est clair, positif, et ne permet pas d'admettre l'interprétation antérieure. De plus, l'Arménien Mosès (de Chorène), qui cite[304] Diodore comme une de ses autorités, ne compte que 30 rois dans la liste qu'il nous fournit[305], encore qu'il eût sous les yeux celle d'Eusèbe, qui en compte 36... Cette liste de Mosès semble d'autant plus exacte, que ces cinq derniers princes correspondent parfaitement, comme nous l'avons dit pag. 441, à ceux cités par les Hébreux; d'où l'on a tout lieu de conclure qu'Eusèbe et le Syncelle ont, selon leur usage, ajouté de leur chef, Epecherès, Laosthènes, et Ophrathènes. (Voyez les listes au commencement de ce §.) Epecherès doit être le même qu'Ana-Bacherès, nom de Sennacherib, dans l'épitaphe de Sardanapale à Anchialé. Ce même prince s'appelle encore Acrazanes et Akraganes: le nom de Laosthènes est purement grec, et ne peut être que la traduction d'un nom assyrien, signifiant force et puissance du peuple (probablement Euphal-es, Phal). Enfin Ophrathènes ne doit être qu'un synonyme de Ophrateus, écrit plus asiatiquement Pharates, par Mosès de Chorène.

Relativement à la durée totale, nous avons vu qu'il faut lire 1306 ans dans le vrai texte de Diodore, et non 1360. Velleïus, qui n'a porté cette durée qu'à 1070 ans, a dû tirer ce calcul de quelque autre chronologiste que de Ktésias. Quant aux 1995 ans qu'Æmilius-Sura comptait depuis Ninus[306] jusqu'à l'an 63, ou plutôt 65 ans avant notre ère, l'on n'en peut rien faire, parce que l'on ignore si ce Romain a évalué les Mèdes selon Hérodote, ou selon Ktésias.—A partir de Kyrus, l'an 560, son calcul donne pour les deux empires, assyrien et mède, 1500 ans. S'il suit Hérodote, il donne 1344 pour les Assyriens; s'il suit Ktésias, il ne leur donne que 1183[307]. L'on voit que Sura ou Velleïus ont fait, ou plutôt ont suivi de confiance, les tablettes chronologiques de quelque Lenglet de leur temps, sans traiter par eux-mêmes la question.

Il paraît n'en avoir pas été ainsi du chronologiste Castor, qui avait compulsé les archives de plusieurs pays pour en former ses tableaux parallèles des rois d'Argos, de Sicyone, d'Assyrie, etc. Selon Eusèbe[308], Castor ne comptait, pour les Assyriens, que 1280 ans, ce qui produit une différence de 26 ans avec Ktésias.

Un troisième auteur, qui s'était aussi spécialement occupé des Assyriens, Képhalion, semble avoir eu encore quelque différence avec le résumé de Castor. Mais son fragment, cité par le Syncelle, est tellement mutilé, que l'on n'en peut rien faire, pris isolément.

Pour revenir à Ktésias, dont l'opinion et le livre paraissent avoir guidé la majeure partie de ses successeurs, il paraît que nous devons considérer comme son vrai texte, le nombre de 30 générations, et la durée de 1306 ans. Cela étant posé, nous avons un moyen certain d'arguer de faux sa liste assyrienne, comme sa liste mède; car le terme moyen de 43 ans et demi par génération, résultant de ces deux données, est moralement et presque physiquement impossible; et il est d'autant moins admissible, que nous avons contre lui trois témoignages positifs.

1° Le témoignage des livres hébreux qui, de Phal à Sardanapale, comptent cinq rois dans un espace de moins de 70 ans; de manière que Sennachérib, entr'autres, ne peut avoir régné plus de cinq ans, et qu'il faut nécessairement qu'il ait été frère de Salmanasar, ou Salman-asar, frère de Teglat.

2° Le témoignage de Képhalion, dont le Syncelle nous a conservé un passage précieux quoique mutilé.

«Laissons[309], nous dit ce compilateur, laissons un autre écrivain illustre nous montrer combien ont été absurdes les historiens grecs à l'égard de ces rois d'Assyrie... J'entreprends, a dit Képhalion, d'écrire les faits dont Hellanicus de Lesbos, Ktésias de Cnide et Hérodote ont traité (avant moi). Jadis régnèrent en Asie les Assyriens, à qui commanda Ninus, fils de Bélus... Puis Képhalion joint la naissance de Sémiramis et du mage Zoroastre; il parcourt les 52 ans du règne de Ninus... Il décrit la fondation de Babylone par Sémiramis, et son expédition aux Indes... Or, ajoute-t-il, tous les autres rois (après elle) régnèrent pendant mille ans, les fils occupant le trône de leurs pères par droit d'héritage; mais ils dégénérèrent successivement des vertus de leurs ancêtres, en sorte que pas un d'eux ne passa vingt ans[310].

Cette dernière phrase s'accorde, comme l'on voit, parfaitement avec les livres hébreux, dont les dates en effet ne permettent de donner vingt ans à aucun des quatre successeurs de Phul.

3º Enfin, puisqu'il est constaté par les divers historiens, que les princes de Ninive, livrés à toutes les voluptés des sens, vivaient de très-bonne heure avec des femmes, il est impossible d'admettre qu'ils n'aient engendré leurs héritiers qu'au terme moyen de 43 ans; ils ont dû, au contraire, avoir des enfans dès l'âge de 19 à 20 ans, quelquefois même de 16, comme l'on en a trois exemples chez les rois hébreux. Notre conjecture ci-dessus, que quelques rois de Ninive se succédèrent à titre de frères, a le double avantage de rendre possible le nombre de 30 rois en 520 ans, et de ne pas heurter l'assertion qu'ils occupèrent le trône paternel par droit d'héritage. Au reste, en rejetant le nombre de 30 générations comme absurde, en 1306 ans, il nous reste sur ce nombre même un soupçon, suscité par une phrase de Képhalion, et par un passage d'Hellanicus et de Dicæarque, que nous a conservé Étienne de Byzance[311].

«Les Chaldéens furent d'abord appelés Képhènes, de Képhée, père d'Andromède. Leur nom de Chaldéens leur vint, selon Dicæarque, d'un certain Chaldæus, qui engendra l'habile et puissant Ninus, fondateur de Ninive: or le quatorzième après celui-ci, se nomma aussi Chaldæus, et fonda, dit-on, Babylone, ville très-célèbre, dans laquelle il réunit tous ceux que l'on appelle Chaldéens, et le pays se nomma Chaldée

Aucune liste assyrienne ne présente de roi Chaldæus, à la 14e génération, ni à aucun autre degré; et cependant Hellanicus, contemporain d'Hérodote, est une autorité respectable, ainsi que Dicæarque. Le nombre 14 ne serait-il pas ici une faute de copiste et une altération du nombre 24? Alors Hellanicus et Dicæarque seraient d'accord avec Képhalion, qui prétendait ne trouver que 23 noms[312]: Chaldaeus serait le 24e; et parce que ce mot qui signifie devin, est le synonyme de Nabou, que portèrent tous les rois de Babylone, ce Chaldæus serait Bélésys, le même que Bélimus, qui, selon Képhalion, s'empara de l'empire des Assyriens, long-temps après Ninus. Et en effet, pourquoi cette remarque, qu'il s'empara de l'empire des Assyriens? Il ne succéda donc point par droit d'héritage; il ne fut donc point de la famille de Ninus? Enfin, puisqu'en réunissant toute la caste des Chaldéens dans Babylone, il fonda un nouvel empire, il fut donc réellement Bélésys, à qui seul conviennent tous ces traits. Ajoutez que le nombre de 23 rois, ou générations ninivites, s'accorde singulièrement bien avec les 22 générations des rois lydiens, qui furent exactement parallèles pour le temps. Sans doute chacune de nos preuves n'est pas décisive; mais leur réunion forme un grand poids, surtout si l'on considère que nous n'avons que des fragmens mutilés pour base de la plupart de nos opérations: semblables en cela à l'architecte qui, pour retrouver les dimensions d'un ancien palais ou temple, n'a que quelques restes de piédestaux, de pierres angulaires et de fondations, dont l'accord néanmoins devient une démonstration dans les règles de l'art.

Ici se présentent plusieurs questions à faire à tous les écrivains qui nous parlent de l'empire de Ninive et de sa durée.

1° Ont-ils bien distingué les deux prises et destructions différentes de cette capitale par les Mèdes, l'une sous Arbâk, l'autre sous Kyaxarès? n'en ont-ils pas fait une confusion que la ressemblance des faits rendait facile?

2° Ont-ils tenu compte de cet état secondaire, ou royaume posthume, qui se composa après la mort de Sardanapale, et qui dura 120 à 121 ans, depuis 717 jusqu'en 597?

3° Ktésias et ses copistes, après avoir doublé la liste des Mèdes pour le nombre des rois et pour la durée, n'auraient-ils pas fait quelque chose de semblable relativement aux Assyriens?

Si nous avions les livres mêmes de ces écrivains, la démonstration pour ou contre deviendrait facile, mais en leur absence, les moindres indices deviennent pour nous de fortes présomptions après le premier exemple. Commençons par la première de nos questions.

Ninive ayant été prise deux fois par les Mèdes, d'abord en 717, sous Arbâk, puis en 597, sous Kyaxarès, nous disons que la ressemblance de ces deux faits a été insidieuse, et a pu causer la confusion de leurs dates. Un passage d'Alexandre Polyhistor, cité par le Syncelle (p. 210), s'explique très-bien par cette hypothèse, et reste entièrement absurde, si on le prend à la lettre.

«Nabo-pol-asar, père de Nabukodonosor, est appelé Sardanapale par Polyhistor, qui dit qu'il envoya vers Astyag, satrape de Médie, demander sa fille Aroïte en mariage pour son fils Nabukodonosor... Le roi des Chaldéens, Sarak, lui ayant confié ses troupes, il (Nabo-pol-asar) tourna ses armes contre Sarak lui-même, et contre la ville de Ninive. Sarak, éprouvanté de cette attaque, mit le feu à son palais, et se brûla lui-même, et l'empire des Chaldéens et de Babylone passa aux mains de Nabo-pol-asar, père de Nabukodonosor.»[313]

Dans ce récit, le roi des Chaldéens, qui se brûle dans son palais de Ninive, attaqué par l'un de ses généraux rebelle, est évidemment Sardanapale. Sarak est un mot chaldéen qui signifie prince, commandant, et qui paraît avoir été commun à tous, ou du moins à plusieurs rois assyriens; et cela prouve que Polyhistor, ou son auteur Eupolème, puisa aux sources. Si à ce mot on ajoute la désinence emphatique oun, l'on a Sarakoun, ou plutôt Sarkoun, très-analogue au Sargoûn dont parle Isaïe, chap. XX, lorsqu'il dit: L'année que Tartan, envoyé par Sargoûn, roi d'Assyrie, vint assiéger Azot et la prit. Ce Tartan est bien connu pour l'un des généraux de Sennacherib, cité dans le livre des Rois comme assiégeant Azot; et Sennacherib n'est certainement point le Sarak[314] qui se brûla. Lors même que Tartan eût pris Azot, sous Sardanapale (ce qui est invraisemblable), Sardanapale reste toujours le Sarak de Polyhistor. Dire qu'il soit Nabopolasar, est une grossière méprise, qui semble appartenir au Syncelle. Nabopolasar régna depuis 625 jusqu'en 605, parallèlement à Kyaxar, dont effectivement il avait obtenu la fille pour épouse de Nabukodonosor, vers l'an 607. Ainsi Aroïte ne fut point fille, mais sœur d'Astyag, roi en 594. Nabukodonosor seconda Kyaxar, dit Astibar, au siège de Ninive, en 597. Pourquoi Nabukodonosor et son père se trouvent-ils mêlés avec Sardanapale, mort 120 ans auparavant, l'an 717? Parce que l'historien a confondu la première prise de Ninive avec la seconde, et qu'il a pris Nabopolasar pour Mardokempad-Bélèsys, son antécesseur. Mais s'il a confondu ces deux événemens et leurs dates, qu'a-t-il fait du temps que dura cet état secondaire de Ninive, qui eut lieu de 717 à 597? Pourquoi ni Ktésias, ni Képhalion, ni Castor, ni leurs copistes, ne disent-ils pas un seul mot de cet état? Hérodote est le seul qui nous l'ait fait connaître; encore ne dit-il pas quel fut son régime, soit monarchique, soit aristocratique ou républicain. Écoutons-le:

§ CII. «Or, Deïokès ne régna que sur les Mèdes. Son fils Phraortes (lui ayant succédé), le royaume des Mèdes ne suffit point à son ambition: il attaqua d'abord les Perses, et il les subjugua. Avec ces deux nations, l'une et l'autre puissantes... il marcha de conquêtes en conquêtes, jusqu'à son expédition contre ceux des Assyriens qui habitaient (le pays) de Ninive, ci-devant maîtres de tous les autres, mais affaiblis par la défection de leurs alliés; du reste encore assez forts. Il périt dans cette expédition (en 635).»

Mais pourquoi ces Assyriens de Ninive, ci-devant maîtres de tous les autres, formaient-ils, un état particulier encore assez fort?. «Parce qu'après le renversement de leur empire par Arbâk (en 717), les Mèdes s'étant rendus indépendansXCVI), les autres nations les imitèrent, et tous les peuples de ce continent se gouvernèrent par leurs propres lois...» Les Assyriens de Ninive formèrent donc aussi un état indépendant et libre.

«Kyaxarès ayant succédé à son père Phraortes, fit d'abord la guerre aux Lydiens,... puis il revint contre les Assyriens de Ninive, pour venger la mort de son père... Déjà il les avait vaincus, et il assiégeait leur ville, lorsque l'irruption des Scythes (en 625) le força de se retirer (en Médie). Ayant chassé les Scythes 28 ans après, il revint, contre Ninive, la prit, et s'assujettit tous les (peuples) Assyriens, excepté ceux de la Babylonie.»

Ainsi il est évident qu'après le grand empire de Ninive, un second état se recomposa et subsista un peu moins de 120 ans, puisqu'il lui fallut quelque temps pour se recomposer. Or, si l'on ajoute aux 520 ans du premier empire les 120 ans du second état, l'on a une somme totale de 640 ans, depuis l'an premier de Ninus en 1237 jusqu'à la ruine de Ninive en 597; et si les historiens n'ont pas distingué les deux prises de cette ville, l'une en 717, l'autre en 597; si Ktésias en particulier a doublé les Assyriens comme les Mèdes, nous devons, dans les nombres qui nous sont présentés, tant par lui que par les autres, voir paraître le double de nos nombres; savoir, tantôt le double de 520 égal à 1040; tantôt le double de 640 égal à 1280, et peut-être même le simple nombre de 120 ajouté à 1040, égal à 1160, etc... Voyons s'il se présentera quelque chose de semblable.

D'abord nous avons cette phrase remarquable de Képhalion, citée par le Syncelle (ci-devant, page 477)..... Or, environ 640 ans après Ninus, Bélimus s'empara de l'empire des Assyriens..... Voilà juste la seconde prise de Ninive; 520 et 120 font 640: plus 597, total, 1237: ici Bélimus-Bélésys est pris pour Kyaxar. Képhalion à donc confondu la seconde prise avec la première, comme l'a fait Polyhistor[315].

2° Nous avons le résume de Castor, qui, selon Eusèbe et le Syncelle, comptait 1280 ans pour durée de l'empire de Ninive..... Or, 1280 est si exactement le double de 640, qu'il est presque impossible qu'il ait eu une autre source. Mais ce qui convertira notre conjecture en fait, est un autre passage de Castor, cité par le Syncelle[316]:

«Il y a des auteurs qui assurent qu'après Sardanapale, l'empire des Assyriens passa à Ninus: c'est l'opinion de Castor, qui dit: J'ai placé en première ligne les rois assyriens du sang et de la dynastie de Bélus. Quoiqu'il n'y ait rien de certain sur le temps du règne de ce prince, j'ai dû tenir compte de son nom. J'ai posé Ninus en tête de mon tableau chronographique, et je me trouve finir à Ninus, successeur de Sardanapale.»

Quelques modernes, et entre autres le traducteur d'Hérodote, ont supposé, d'après ce passage, que les Ninivites, devenus libres, rappelèrent les enfans de Sardanapale, confiés au fidèle Cotta, gouverneur de Paphlagonie, et que le nouveau roi prit le nom de Ninus. Mais le récit de Ktésias en Diodore, et celui d'Hérodote, n'accordent pas le plus léger appui à cette hypothèse. Au contraire, notre analyse dévoile et rend saillante la méprise de Castor, qui, en doublant la durée de Ninive, a doublé la dynastie de Ninus; et notre explication trouve encore un autre appui dans le récit suivant d'Agathias[317].

«Ninus paraît avoir le premier établi cet empire: après lui régna Sémiramis, puis la postérité (de ces deux fondateurs) jusqu'à Bélus Derkétade (c'est-à-dire descendant de Derkéto, qui est Sémiramis).... Alors la lignée de Sémiramis se trouvant finir à ce Bélus, un certain Bélitaras, intendant des jardins du palais (bostangi-bachi), s'empara du sceptre par des moyens qui tenaient du prodige, et il le transmit à sa race (ou caste), selon le récit de Bion et de Polyhistor, jusqu'à ce que l'autorité avilie sous Sardanapale, fut arrachée aux Assyriens par le Mède Arbâk et le Babylonien Bélésys. Sardanapale ayant été tué, l'empire passa aux Mèdes, un peu plus de 1306 ans depuis l'élévation de Ninus, comme le dit Diodore d'après Ktésias. Les Mèdes se trouvèrent donc derechef en possession de la suprématie (ou de l'empire).»

Que le lecteur pèse bien ces phrases: La famille de Sémiramis et de Ninus régna jusqu'à Bélus Derkétade... Alors un étranger, grand officier du palais, s'empara du sceptre par des moyens qui tenaient du prodige, et cet étranger se nomme Bélitaras. N'est-ce pas là clairement Bélésys avec ses prédictions astrologiques? Ktésias, dans Diodore, assure que Sardanapale, 30e roi, descendait directement, de père en fils, de Ninus. Donc il est le même que Bélus Derkétade, dernier rejeton de Ninus et de Sémiramis. Après Bélitaras revient une seconde lignée, dont le dernier est Sardanapale;... donc cette lignée est une répétition de la première, puisque ce prince descendit de Ninus; et remarquez ce mot: les Mèdes se trouvèrent derechef en possession de l'empire. Le doublement n'est-il pas évident? Le nombre 1306 contient deux fois 640, plus 26 ans. Nous n'apercevons pas d'où ces 26 ans proviennent, mais il suffit d'être assuré de l'opération principale; les accessoires ont pu dépendre de quelques accidens de calcul ou d'interpolation de règne, qui sont sans conséquence.

De tout ce que nous avons dit dans les articles précédents, il résulte:

1° Que Ktésias a sciemment et systématiquement doublé la liste des rois mèdes, afin de faire coïncider les calculs assyriens avec les calculs grecs sur la prise de Troie;

2° Que, par une suite du même système, il paraît qu'un doublement semblable a eu lieu pour les temps assyriens, sans que la démonstration puisse en être faite aussi rigoureusement, parce que nous n'avons ni la liste d'Hérodote ni les livres de Ktésias et autres autographes, et que l'on ne peut accorder aucune confiance à leurs copistes, Eusèbe, le Syncelle, etc.[318];

3° Que la fausseté du système chronologique de Ktésias n'entraîne pas néanmoins la nullité de tous ses récits historiques, puisque la plupart des faits que nous avons eu occasion d'en tirer, s'amalgament très-bien avec la chronologie d'Hérodote. Nos recherches à cet égard nous ont fait découvrir un exemple curieux et instructif, dans la personne de cet Araïos, roi des Arabes, que Ktésias dit avoir été l'allié de Ninus et le coopérateur de ses conquêtes. En feuilletant les chroniques des Arabes, modernes, nous avons été surpris d'y trouver un roi homérite de l'Iémen, réunissant le nom et les qualités décrites, avec cette circonstance particulière, que l'époque à laquelle appartient ce roi, coïncide avec celle de Ninus dans le système d'Hérodote, c'est-à-dire qu'elle tombe à la jonction des 12e et 13e siècles avant notre ère (entre 1190 et 1230). Nous pensons que cette anecdote sera d'autant plus agréable au lecteur, que la branche d'histoire dont nous la tirons est presque entièrement inconnue à nos compilateurs modernes.

§ XI.

Chronologie des Arabes homérites, favorable au plan d'Hérodote.

Le lecteur se rappelle que Ktésias, dans son fragment sur les Assyriens, nous a parlé d'un roi de l'Arabie, nommé Ariœus ou Araïos, que Ninus s'associa, afin de pouvoir disposer des vaillants guerriers dont tout ce pays était alors rempli. Jusqu'à nos jours on n'a pas connu quel fut ce roi, ni même dans quelle Arabie il régna. En parcourant les fragments historiques que les Arabes nous ont conservés de leurs antiquités, et qui ont été traduits par les savants Richard Pocoke[319] et Albert Schultens[320], il nous a semblé reconnaître les actions et même le nom de ce personnage dans l'un des rois de l'ancienne Arabie heureuse, aujourd'hui Iémen, pays dont les écrivains grecs et romains parlent souvent comme du siège d'une nation puissante, mais dont ils n'ont jamais eu des notions bien claires, vu le grand éloignement. Nos modernes eux-mêmes n'étaient guère plus instruits sur le sujet qui nous occupe, avant que M. A. Schultens eût rassemblé et publié, dans son curieux livre de l'Ancien empire des Iectanides, tout ce qu'Aboulfeda, et quatre autres historiens arabes ont eux-mêmes recueilli de traditions et de documents sur l'antique royaume de Himiar, ou des Homérites dans l'Iémen. Malheureusement, après avoir lu les cinq fragments dont nous parlons, on s'aperçoit qu'ils ont subi de graves altérations de la part des musulmans, qui, les premiers, se donnèrent la peine d'extraire les chroniques de ces infidèles; et même l'on sent que ces chroniques ont été, en original, incomplètes et tronquées; mais l'on n'en est pas moins conduit à croire qu'elles ont existé, et que leurs débris, tels qu'ils nous sont parvenus, ont une authenticité égale à celle de la plupart des livres des Grecs et des Latins. Or, il résulte de ces débris:

1° Que sous le nom d'Arabes, enfants d'Himiar, il a existé dans l'Arabia felix, ou Iémen, bien au-delà de six cents ans avant le siècle de David et de Salomon, un peuple civilisé et puissant connu des Grecs à une époque déjà tardive, sous le nom d'Homérites ou de Sabéens;

2° Que ce peuple eut un gouvernement régulier, et une série de rois dont l'origine se perd dans la plus haute antiquité;

3° Que l'ordre de succession fut très-souvent interrompu, tantôt par des guerres civiles, dues au pernicieux usage des rois asiatiques, de partager leurs états entre leurs enfants; tantôt par des guerres avec les Éthiopiens-Abissins, qui avaient les mêmes mœurs et la même langue;

4° Que ces rois, habituellement maîtres de l'Iémen proprement dit, le furent souvent encore du pays de Hadramaut et d'autres cantons limitrophes, et qu'ils eurent un état au moins six fois plus considérable que celui des Hébreux, avant le schisme de Samarie;

ROIS ARABES DE SABA, OU HOMÉRITES.

5° Que la résidence première et habituelle de ces rois fut la ville de Mareb, appelée aussi Saba, c'est-à-dire la victorieuse, du nom d'un ancien roi appelé Abd-el-chems (serviteur du soleil), qui fut ensuite surnommé Saba, c'est-à-dire vainqueur, parce qu'il amena une foule de captifs[321]liés, dont il se servit pour exécuter de grands ouvrages, entre autres la chaussée ou digue du lac de Mareb;

6° Enfin, que long-temps avant les rois des Hébreux, ceux de l'Iémen avaient fait des expéditions lointaines, tantôt à l'ouest de la mer Rouge, par l'intérieur de l'Afrique, vers Tombout et jusqu'à Maroc; tantôt au nord, jusqu'aux portes Caspiennes, et d'autres fois jusqu'à l'Inde.

Malheureusement, dans leurs récits vagues et souvent contradictoires sur la succession de ces rois arabes, nos compilateurs musulmans ne nous donnent qu'une seule date connue, qui devient notre point d'appui unique pour tous les calculs précis ou probables que l'on peut dresser.

«Cette date est le règne de Balqis, fille de Had-had, fils d'Amrou, fils de Cherâhil, laquelle ayant succédé à son père, par un cas qui a d'autres exemples en ces contrées, devint, après 20 ans de règne, épouse de Salomon (selon Hamza), et le suivit en Palestine. Les Homérites prétendent qu'elle se bâtit un palais à Mareb, et qu'elle construisit la digue célèbre du lac de cette ville; mais le reste des Iémenais assure que depuis long-temps la digue était construite, et que Balqis ne fit que la réparer.»

En partant de cette époque connue, nous pouvons dire que Balqis commença de régner vers l'an 1030 (puisque Salomon commença de régner l'an 1018): son père Had-had avait régné, avant elle, 20 ans selon les uns, 75 ans selon les autres.

A cette occasion nous ferons deux remarques indispensables; l'une, que les auteurs de M. Schultens varient tellement sur la durée des règnes, quand ils la donnent, que l'on ne peut en tenir aucun compte.

L'autre, qu'à plusieurs rois antérieurs à Belqis ils donnent des règnes de 120 et 125, des âges de 300 et de 400 ans, qui ont de l'analogie avec les récits des Hébreux au temps de Moïse et des Juges, et qui autorisent et confirment les idées que nous avons développées sur la valeur des années au-dessous de douze mois, (Voyez 1re partie).

Nos auteurs ne s'accordent pas sur la généalogie de Had-had. L'un le fait fils immédiat de Cherâhil; d'autres, son petit-fils, par Amrou. Ces confusions sont faciles chez les Arabes, vu la répétition des mêmes noms dans les familles. Aboul-feda fait observer que Cherâhil n'était point fils de roi, mais qu'il fut élu par le peuple, las des guerres que ces rois ne cessaient de faire en Afrique. L'on cite deux circonstances de ces guerres qui deviennent un garant de leur réalité.

La première est que le prince homérite, prédécesseur de Cherâhil, fut surnommé le seigneur des monstres ou des terreurs (Zou-l-Azâar), parce qu'il amena de la Libye des prisonniers d'une race d'hommes petits et hideux, ayant la tête comme enfoncée dans la poitrine. Or, cette même, race d'hommes reparaît dans l'histoire des Grecs et des Romains, qui les appellent Blemmyes, et leur aspect causa la même impression d'horreur dans Rome, lorsqu'ils y furent traînés en triomphe.

La seconde est qu'un autre prince antérieur fut surnommé Zou-l-Minar, seigneur des phares, parce que dans une expédition au pays des Nègres, il fit dresser des tours garnies de lanternes, afin de retrouver sa route à travers l'océan des Sables.

Un troisième prince, après avoir envoyé dans ce désert plusieurs détachements, qui périrent tous, fit élever sur la frontière des Sables une colonne munie d'une inscription explicative.

Ces expéditions répétées de plusieurs rois successifs, indiquent des motifs puissants de curiosité ou d'ambition, soit pour arriver à quelque pays riche, tel que Tombouctou, soit pour pénétrer jusqu'à l'Océan, dont ils auraient eu connaissance par les caravanes, ou jusqu'à la Méditerranée, vers les lieux où bientôt après s'éleva Carthage, et où déjà florissaient peut-être plusieurs colonies phéniciennes: ce sont autant d'indications d'un commerce déjà ancien, sur l'histoire duquel le savant professeur Heeren[322] nous a donné des idées neuves et lumineuses, qui nous expliquent la prospérité de ces contrées à des époques inconnues.

Quant à la série ascendante de ces rois, elle continue d'être confuse; car au-dessus de Cherâhil, Aboul-feda compte en remontant,

1° Amrou Dou-l-Azaâr; 2° son frère Afriqos, fils 3° d'Abraha-zou-el-Minar, fils 4° d'El-Sab-Zoul-Qarnain, fils 5° de Haret Arraïés.

Hamza, au contraire, supprime el Sâb; prétend qu'Abraha régna 183 ans, Afriqos 164, et Zoûl-Azaâr 25; tandis que, selon Nouèïri, le successeur de Haret fut Hàïar, fils de Galeb, fils de Zeid, lequel Hàïar régna 120 ans: selon Ebn Hamdoun, le successeur d'Afriqos aurait été son fils El-Faï-der Zou-Chanâtir, qui alla en Irâq (Babylonie), et y périt.

Mais tous ces auteurs s'accordent sur Haret-Arraïès, comme ayant été le prince le plus remarquable par ses grandes actions.

«A son avènement (dit Hamza), l'Iémen était partagé en deux états, celui de Saba et celui de Hadramaut. Haret les réunit par conquête. Avant lui, les Iémenais n'avaient point été rassemblés en un seul corps de nation (excepté au temps de Homeir). Ce fut à Haret qu'ils se réunirent tous; ce fut lui qu'ils suivirent tous; d'où lui vint le surnom de Tobba (celui qui se fait suivre), surnom qui ensuite devint le titre spécial de tous ses successeurs. Après avoir soumis l'Iémen, il entreprit de grandes expéditions qui s'étendirent jusqu'au Hend (l'Indus): il vainquit les Turks dans l'Aderbidjan, en une bataille très meurtrière; il en amena une quantité d'enfants en esclavage, et rapporta en Iémen un butin d'une richesse immense; de là lui fut donné le surnom d'Arraïés, celui qui enrichit (mot à mot, qui couvre de plumes, sans doute parce que la plume d'autruche fut chez ces peuples le signe de l'opulence).»

Maintenant comparons ces détails à ceux de Ktésias.

Ninus s'associe au roi d'Arabie. Les historiens de cette contrée assurent qu'il n'y eut point d'autres rois des Arabes que ceux de l'Iémen. Ce roi d'Arabie s'appelait Ariaios ou Araios. Haret a le surnom d'Arraïés... Ariaïos accompagna Ninus contre Pharnus, roi des Mèdes. Arraïés livra une bataille terrible dans l'Aderbidjan, qui est la Médie propre et originelle; il la livra aux Turks, c'est-à-dire à des hommes de teint blanc, tels que sont les montagnards de cette contrée, que les auteurs arabes et persans ont appelés Turks, parce que n'ayant aucune idée des anciens Mèdes, ils ont cru que le pays avait toujours été habité par des Turkmans, comme de leur temps. Arraïés poussa jusqu'à l'Indus.—Selon Ktésias, Ninus y alla aussi. Arraïés importa un butin immense. Ninus combla Ariaïos des plus riches dépouilles. Avec tant de traits d'une si parfaite ressemblance, l'on ne saurait douter que l'Arabe Haret-Arraïés ne soit l'Ariaïos de Ktésias et de Ninus, et nous en verrons une dernière preuve complémentaire dans les traditions perses sur la dynastie Pichedâd. Objectera-t-on que l'intervalle entre Haret et Balqis n'est point rempli d'un nombre suffisant de générations? En effet, les auteurs ne comptent que cinq ou six princes pour 200 ans: mais de Balqis à Alexandre ils n'en comptent que sept, dans environ 670 ans. Il est évident (eux-mêmes s'en plaignent et nous en avertissent) que toutes ces successions sont fracturées et incomplètes, comme le sont aussi les dynasties perses de Kéïan et de Pichedâd, ainsi que nous le verrons. Peut-être est-ce pour combler leurs lacunes, que quelque ancien chronologiste a porté le règne d'Arraïés à 125 ans, selon Nouèïri; à 150 selon Hamza; et les règnes d'Abraha et d'Afriqos, ses successeurs, l'un à 164, l'autre à 183, etc.; nombres absurdes, dont les véritables causes d'erreur sont désormais ignorées. Nous n'avons que des fragments, et il doit nous suffire d'y trouver les principales convenances observées. C'en est une de voir Haret placé au moins cinq ou six règnes avant Balqis, surtout lorsque les récits décousus et mutilés des auteurs nous laissent apercevoir qu'il y eut des troubles civils et des changements de dynastie. Par inverse de l'objection citée, nous devons dire qu'ayant reconnu l'identité de personnage, nous avons en main les moyens de rectifier ces monuments, et d'apprécier leurs erreurs. Enfin nous verrons dans les traditions perses, qu'en comparant les époques respectives des trois Tobbas, surnommés premier, dernier et du milieu, l'identité de Haret et de Ariaïos se trouve encore confirmée.

Alors que Haret fut contemporain de Ninus, son règne en Arabie dut commencer vers 1240; parce qu'avant d'être appelé par Ninus, il lui fallut un laps de temps pour subjuguer l'Iémen, et en joindre les diverses principautés à celle de Hadramaut, qui fut son premier domaine. Ici nous obtenons un moyen de classer un autre événement remarquable, qui nous est cité par les auteurs de M. Schultens:

«Ils nous disent que quinze pères, c'est-à-dire quinze générations avant Haret, avait vécu et régné Homeir, fils de Saba, qui, le premier de la race de Qahtan (Ieqtan), régna sur tout l'Iémen (Hamza). Il était fils de Saba-abd-el-chems, et il chassa les Arabes Temoûd de l'Iémen dans l'Hedjaz (Aboulfeda).

«Ce fut le plus habile cavalier et le plus bel homme de son temps: son nom de Homeir (rouge) lui vint de ce qu'il était toujours vêtu de cette couleur. Il fut le premier qui posa sur sa tête une couronne d'or; il régna 50 ans (Nouèïri).»

Si nous appliquons à ces quinze pères ou générations notre terme moyen de 27 ans, nous avons 405 ans plus 1240, égale 1645 ans: c'est-à-dire que Homeir aurait vécu vers 1650 ans avant notre ère. Notre auteur (Nouèïri) ajoute qu'il fut contemporain de Qaïder, fils d'Ismaël, fils d'Abraham, ce qui dans le système juif, veut dire le 19e siècle avant notre ère. Voilà donc les Arabes de l'Iémen ayant des rois et un état social déjà ancien, plus de 600 ans avant le petit peuple hébreu; et cependant ce n'est pas à beaucoup près l'époque de leur origine.

Mais, pour revenir à Ninus, comment se fait-il que ce roi des Assyriens, vivant à Kélané ou Télané[323], au pays de Sennar en Mésopotamie, par le 36 ½ degré, ait eu l'idée de rechercher l'alliance d'un roi des Arabes vivant à Mareb-Saba, dans l'Arabia felix par le 12° de latitude, à la distance de près de 500 lieues, à travers les déserts du Nadjd?

Au premier coup d'œil ce fait semble élever une grande difficulté; mais elle se résout très-plausiblement par diverses circonstances que nous fournissent les monuments des anciens Arabes.

Ces monuments nous ont déjà dit (Voyez ci-devant, article des Juifs), «que les plus anciens habitants de l'Arabie furent les tribus d'Aâd, de Tamoud, de Tasm et de Djodaï; qu'Aád habita Hadramaut; Tamoud le Hedjaz et le Téhama; Tasm le Haouas à l'est du Tigre et le midi de la Perse; Djoudaï le pays de Hou, qui est le Iémama et que ces anciennes nations avaient soumis et possédé l'Iraq (qui est la Babylonie).»

Ce serait donc celles-là même que Ninus y aurait trouvées; soit qu'elles s'y fussent réfugiées 400 ans auparavant, à l'époque des guerres de Saba, soit qu'elles s'y fussent établies dès avant cette époque, comme il est probable.

Maintenant si, selon ces mêmes traditions, Haret fut un descendant de Saba le Homérite, il fut un Arabe de race ieqtanide, et par conséquent l'ennemi de sang des quatre anciennes tribus kushites, et nous voyons à la fois pourquoi il chassa de l'Iémen celle de Tamoud, et pourquoi il se lia d'amitié avec l'Assyrien Ninus, ennemi politique des quatre tribus.

Il est vrai que selon Aboulfeda, Haret comptait au nombre de ses ancêtres un prince aâdite appelé Shedâd; mais outre qu'Aboulfeda ou ses auteurs peuvent être en erreur, cette circonstance ne changerait rien au fond des faits, parce que des pacifications ont pu occasioner de telles alliances, comme il se pratique même encore chez les Arabes.

D'ailleurs n'oublions pas que, selon les traditions conservées par Helqiah, les Assyriens et les peuples de l'Iémen durent se considérer comme parents, puisqu'ils reportaient également leur origine à Sem, fils de Nouh; et cette parenté semble trouver son appui dans les faits suivants:

1° Leur langage était construit sur les mêmes principes de grammaire et de syntaxe.

2° Le mot ashour (assyrien) se traduit littéralement par les mots latins felix, dives, heureux et riche... Or, l'Iémen n'a pas d'autre nom que celui d'Arabie heureuse chez les anciens Latins et Grecs qui n'ont dû être que les traducteurs des Orientaux: l'Iémen était une Assyrie.

3° Enfin il semble que les lettres alphabétiques furent les mêmes chez les Assyriens et chez les anciens Arabes de l'Iémen: les Arabes modernes, qui depuis le siècle de Mahomet seulement ont adopté l'alphabet syrien, nous apprennent qu'avant cette époque, les autres Arabes, et spécialement ceux de l'Iémen, avaient un système alphabétique totalement différent.

«Nos lettres arabes (disent-ils) s'écrivent de droite à gauche. Celles des Hémiarites (Homérites) s'écrivent de gauche à droite (comme le grec et l'éthiopien): elles sont liées (entre elles) comme les lettres éthiopiennes. On les appelle Mosnad, ou appuyées, ce qui se dit aussi de plusieurs autres lettres anciennes, inconnues[324].

«Il y a douze espèces d'écritures, dit Maula-ebn-Kair; savoir: l'arabique, l'hémiarite, la grecque, la persane, la syrienne, l'hébraïque, la romaine, la copte, la berbère, l'andalouse, l'indienne et la chinoise.»

Dans cette énumération nous pouvons désigner toutes les espèces, excepté l'hémiarite: par berbère il faut entendre l'éthiopien dont Ludolf nous a donné le dictionnaire. L'écriture persane est le zend, que nous ont fait connaître Hyde et Anquetil; l'indienne est le sanscrit; l'andalouse est l'écriture appelée par Velazquez caractères inconnus des anciens espagnols. L'hémiarite reste donc la seule qui n'aurait pas de type connu; mais puisque dans ce tableau nous ne voyons pas l'écriture à clous tracée sur les ruines de Persépolis et sur les briques des murs de fondation de l'ancienne Babylone, n'est-ce pas une raison de penser que cette écriture à clous doit être l'hémiarite? On convient que ces murs et ces briques doivent leur origine à l'Assyrienne Sémiramis; par conséquent ils sont les caractères dont usaient les Assyriens, ces lettres qu'Hérodote appelle lettres assyriennes, analogues aux caractères de Persépolis, mais plus compliqués: or, si à l'époque de Nabukodonosor et de Nabonasar, c'est-à-dire lorsque la race indigène des Chaldéens eut recouvré son indépendance nationale, l'écriture alphabétique des Babyloniens était ce que nous appelons la chaldaïque, analogue à celle des Syriens et des Phéniciens, n'avons-nous pas droit de conclure que les Assyriens et les Homérites, à titre d'enfants de Sem, eurent un système de lettres commun et identique, de même que les Phéniciens et les Arabes Chaldéens, à titre d'enfants de Kush, en eurent aussi un commun, mais différent des précédents, dont ils étaient les ennemis? Pour obtenir la démonstration de cette hypothèse, il nous faudrait la découverte de quelque ancien monument arabe à Mareb, ou en d'autres villes de l'Arabie heureuse[325].

Quant à l'écriture à clous considérée en elle-même, c'est une autre énigme qui n'a pas encore trouvé son Œdipe[326]. Voyons si en prenant toujours Hérodote pour guide, nous serons plus heureux vis-à-vis de deux sphinx chronologiques, qui jusqu'à ce jour ont fait le désespoir de nos devanciers.

TABLE DES MATIÈRES

CONTENUES DANS CE VOLUME.

CHAPITRE. IerPÉRIODE des rois juifs3
CHAP. II.—Durée des juges26
CHAP. III.—Secours fournis par Flavius Josephus41
CHAP. IV.— Y a-t-il eu un cycle sabbatique52
CHAP. V.—Des temps antérieurs à Moïse et des livres attribués à ce législateur59
CHAP. VI.—Passages du Pentateuque, tendants à indiquer en quel temps et par qui cet ouvrage a été ou n'a pas été composé62
CHAP. VII.—Époque de l'apparition du Pentateuque69
CHAP. VIII.—Suite des preuves81
CHAP. IX.—Problèmes résolus par l'époque citée94
CHAP. X.—Suite du précédent107
CHAP. XI.—Examen de la Genèse en particulier119
CHAP. XII.—Du déluge123
CHAP. XIII.—De la tour de Babel, ou pyramide de Bel à Babylone138
CHAP. XIV.—Du personnage appelé Abraham148
CHAP. XV.—Des personnages Antédiluviens164
CHAP. XVI.—Mythologie d'Adam et d'Ève176
CHAP. XVII.—Mythologie de la création185
CHAP. XVIII.—Examen du chap. 10 de la Genèse, ou système géographique des Hébreux213
CHAP. XIX.—Division de Sem235
 
CHRONOLOGIE DES ROIS LYDIENS.
 
§ I 283
§ II. Solution de quelques difficultés345
REMARQUES sur la traduction de M. LARCHER361
 
CHRONOLOGIE D'HÉRODOTE.
EMPIRE ASSYRIEN DE NINIVE.
 
§ I. Sa durée. Hérodote et Ktésias opposés quant au temps, mais non quant aux faits367
§ II. Idée générale de l'empire assyrien, selon Ktésias, en Diodore, livre II, page 113 et suivantes, édition de Wesseling377
§ III. Exposé d'Hérodote, sur la durée de l'empire assyrien397
§ IV. Calculs d'Hérodote comparés à ceux des Hébreux; dissonance qui en résulte402
§ V. Solution de la difficulté411
§ VI. Coup d'œil sur l'histoire des manuscrits juifs417
§ VII.—Monument arménien confirmatif de notre solution422
§ VIII. Analyse de la liste assyrienne de Ktésias429
§ IX. Époque de la guerre de Troie, selon les Assyriens et les Phéniciens439
§ X. Examen de la liste assyrienne de Ktésias454
§ XI. Chronologie des Arabes homérites, favorable au plan d'Hérodote476
 
FIN DE LA TABLE.

Plan de Babylone.

NOTES:

[1] Fréret, premières pages des Observations générales sur l'Histoire, tome Ier de ses Œuvres, page 55, et Mémoires de l'Académie des Inscriptions, tome VI.

[2] A commencer par Africanus, prêtre, vers l'an 220, premier chronologiste chrétien qui a disloqué toutes les annales païennes pour les adapter au système juif; puis Eusebius Pamphilus, évêque de Kaisarié, vers l'an 326; le moine Georges, dit Syncellus, auteur, vers l'an 800: Joseph-Juste Scaliger, dévot calviniste, publie, en 1583, son livre de Emendatione temporum (Réforme des temps...): Denis Petau, jésuite, son antagoniste, publie, en 1627, sa (vraie) Doctrine des Temps: Usher, dit Usserius, théologien, évêque d'Armagh, publie, en 1651, ses Annales de l'Ancien Testament, ouvrage dogmatique sans discussion ni preuve d'opinion: Alphonse Desvignoles, ministre protestant, publie, en 1732, sa Chronologie, qui est le livre le mieux ordonné en ce genre: voilà les chefs de la science, auxquels il faut joindre Riccioli, jésuite; le chevalier Marsham, dévot catholique... Newton, à l'époque où il commenta l'Apocalypse; l'évêque Bossuet; Pezron et Hardouin, jésuites; l'abbé Fleury; dom Calmet, bénédictin; Rollin, recteur de l'Université; l'abbé Lenglet du Fresnoy; Larcher, traducteur d'Hérodote, etc., etc., etc.

[3] Paralipom., II, chap. 26, v. 21. Reg. II, chap. 15, v. 5.

[4] Super domum regis constitutus.

[5] Samuël, ch. 13.

[6] Lib. VI, chap. 18, in fine.

[7] Antiq. jud., lib. X, cap. 8.

[8] Lib. I, nº 23. Josèphe l'associe à Démétrius de Phalère et à Philon l'ancien, comme étant les trois historiens les mieux informés sur les Juifs. Démétrius fut contemporain et témoin de la version grecque.

[9] Præp. evang., lib. IX, p. 447.

[10] Antiq. jud., lib. X, cap. 8.

[11] Voyez lib. XI, cap. 4, à la fin. Josèphe dit que la monarchie dura, depuis Saül, 532 ans 6 mois. La traduction de Rufin est d'accord; et il a plu à Havercamp d'écrire 522 qui est aussi faux. A l'égard des 80 ans de Salomon, qui de Josèphe ou de ses copistes les a imaginés? Nous l'ignorons; mais l'on ne peut attribuer qu'à lui les 94 ans de vie qu'il donne à ce prince, et qui sont inconciliables avec le temps de l'enlèvement de sa mère, vers la 14e ou la 15e année du règne de David; Salomon dut avoir environ 25 ans à son avènement, et son début ferme et prudent cadre avec cet âge. Au reste, on ne peut disculper partout Josèphe de manque de critique et de bons calculs: par exemple, il dit: «Achaz régna 16 ans, et il en vécut 36... Son fils Ézéqiah régna 29 ans, et en vécut 54». Donc Ézéqiah avait 25 ans lorsqu'il remplaça Achaz, lequel n'ayant vécu que 36 ans, se trouve l'avoir engendré à l'âge de 10 ou de 11 ans.

Deux autres contradictions se présentent encore dans Josèphe relativement à la durée des rois juifs: «Le temple, nous dit-il (lib. X, cap. 8), fut brûlé par Nabukodonosor l'an 18 de son règne, 11e de Sédéqiah, 470 ans 6 mois après sa fondation (par Salomon)». D'abord le Livre des Rois atteste que le temple fut brûlé l'an 19 de Nabukodonosor, par Nabuzardan, l'un de ses généraux; ensuite ces 470 ans sont une erreur manifeste: car le temple ayant été fondé l'an 4e de Salomon, si de la durée totale des rois 493 nous retranchons, 1° les 20 ans de Saül, 2° les 40 de David, 3° les trois premières années de Salomon, total 63; il ne nous reste que 430 et non pas 470 ans; or la différence de 430 à 470 est précisément de ces 40 ans, dont Josèphe a surchargé sans raison, le règne de Salomon, qu'il porte à 80 ans au lieu de 40... Mais si nous comptons ces 470 à reculons, c'est-à-dire en rétrogradant depuis l'an 11 de Sédéqiah, nous trouverons que leur première année coïncide juste à l'an 4 de David, au lieu de l'an 4 de Salomon. Cette méprise ne peut venir que de Josèphe... elle se reproduit au liv. XX, chap. 9, lorsqu'il dit: «Il y a eu dix-huit grands-prêtres depuis la fondation du temple jusqu'à sa ruine, par Nabukodonosor, en un espace de 466 ½.» Voilà encore une variante de 4 ans qui ne peut venir que de cet auteur: il est remarquable que ces 466 ½ comptés en remontant, tombent juste à l'an 8 de David, c'est-à-dire à la 1re année de l'occupation de Jérusalem, lorsque l'arche y fut transférée par ce prince; et cela en comptant Salomon pour 40 ans seulement, ce qui est exact en tout point. Au reste ce passage a le mérite d'indiquer que la liste des grands-prêtres a été un monument particulier, indépendant de toute autre chronique, duquel Josèphe, en sa qualité de fils de prêtre, a eu connaissance, mais dont il a fait emploi sans le discuter ni le confronter à ses autres calculs et autorités.

[12] Sam., lib. I, cap. 17, v. 34

[13] Ibid., cap. 16, v. 18.

[14] Ibid. lib. I, cap. 12, v. 12.

[15] Sam., lib. I,. cap. 25.

[16] Sam., lib. I, cap. 5.

[17] Ibid., lib. I, cap. 3.

[18] Chap. 12, v. 13 et 26.

[19] C'est l'opinion expresse de Usher, de Petau, de Marsham, de Lejay, etc.

[20] A raison des 30 ans qu'il faut ajouter pour Josué et les Vieillards.

[21] Chronologie, tome 1, page 69.

[22] Jug., chap. 19, 20 et 21.

[23] Sam., lib. II, cap. 2.

[24] Voyez Fabricius, notes sur l'Hérésie de Philastre.

[25] Montfaucon, Antiquité expliquée, tome 1, page 127.

[26] Hérodote, lib. II, § XLV.

[27] Servins, notes sur l'Énéide, lib. IV, v. 196. Notez que chez les anciens l'Éthiopie est souvent appelée Inde.

[28] Ovide, Fastes, liv. IV, v. 681 à 712. Cette même fête avait lieu à Rome vers le 20 avril, au coucher des pluvieuses Hyades. Bochart remarque qu'à cette époque on coupe les blés en Palestine et dans la basse-Égypte (Hierozoicon, tome II, page 857). Or, peu de jours après le coucher des Hyades se levait le Renard, à la suite ou queue duquel venaient les feux ou torches de la canicule, signalés, chez les Égyptiens, par des marques rouges peintes sur le dos de leurs animaux.

[29] En arabe Shams-on, Soleil.

[30] Antiq. jud. lib. XI, cap. 4, nº 8.

[31] Chronologie, tome 1, pag. 136.

[32] Antiq. jud., lib. XX, cap. 10, pag. 700 à 702

[33] Antiq. jud., lib. V, cap. 6, in fine.

[34] Le livre d'Esdras, quoique canonique, est bien moins exact que Josèpbe, puisqu'en remontant depuis ce prètre jusqu'à Aaron, il ne compte que 17 têtes, savoir: d'Esdras à Helkyah, sous Josias, 4 têtes en 160 ans; ce qui est absurde. De là à Achitob, sous David, trois têtes en 420; ce qui est encore plus absurde. De là à Aaron, 10 têtes: en général les recensements de générations dans les livres juifs, depuis la captivité de Babylone, sont tronqués et méritent peu de croyance.

[35] Deuteron., chap. 15, v. 1, 12 et suivants.

[36] Nihil in sacris litteris aut in historicis exteris satis expressum legi unde sciri possit, utrum jubileus etiam in Judæa ipsa, necdum in aliena regione ac deportatione, Judæi servaverint.—Primus est is quo Antiochus Eupator, Epiphanis filius, Hierosolymam obsedit. (Voyez chap. 26, p. 59). Voyez aussi: Johan. Davidis Michaelis Commentationes; Bremæ, 1774, Commentatio nona: de anno Sabbatico, où ce savant auteur déclare aussi que cette loi n'a point eu d'exécution.

[37] Tom. I, p. 694.

[38] Desvignoles, tome I, p. 709, où il cite les solides raisons de Godefroi Vendelin.

[39] [Chap. 25, v. 11.] «Depuis 23 ans, je vous ai porté la parole de Dieu, vous ne m'avez point écouté; voici ce que dit aujourd'hui le Seigieur: J'amène Nabukodonosor, roi de Babylone; il va dévaster cette terre; elle restera déserte, et tous ses peuples seront en servitude 70 ans, et quand 70 ans seront écoulés, je visiterai Babylone à son tour, et je la détruirai».

[40] [Chap. 29, v. 5-10]. «Bâtissez des maisons à Babylone; plantez-y, semez-y; mariez-vous-y, etc.; car voici ce que dit le Seigneur: Lorsque 70 ans seront écoulés (pendant votre séjour) à Babylone, je vous visiterai et vous ramenerai ici».

[41] La différence de 2 ou 3 ans que nous avons citée n'aurait-elle point pour cause l'intercalation de quelques années, faite dans cet espace de près de 500 ans, par des procédés que nous ignorons; car, quoi que l'on en ait dit, nous ne connaissons pas exactement la forme de l'année juive avant la captivité de Babylone?

[42] Samuel, lib. II, cap. 24, v. 2.

[43] Judic., tout le chapitre premier.

[44] Voyez, entr'autres, le Tractatus Theologico-Politicus, publié en 1665, et l'Histoire critique du Vieux-Testament, in-4°, 1685.

[45] Plusieurs traductions latines altèrent ici et ailleurs le vrai sens des mots, et au lieu de dire ultrà, disent in transitu ou in ripâ; mais il est avoué, de tous les hébraïsans, que b'ăber signifie rigoureusement au delà, ultrà.

[46] Deut., chap. 4, v. 22, Moïse dit: «Voici que je meurs dans cette terre, et je ne passerai point le Jourdain».

[47] Cette phrase est repétée chap. 13, v. 7.

[48] Voyez l'Histoire critique du Vieux-testament, par R. Simon, chap. 5 et 6, etc., et le Tractatus philos. polit., chap. 8, 9 et 10, traduit sous le nom de Recherches curieuses d'un esprit desintéressé, etc., Cologne, 1672, in-12.

[49] On sait, et le texte hébreu déclare, qu'un grand nombre ne sont pas de David: plusieurs chapitres d'Isaïe sont évidemment dans le même cas. Au chap. 12, v. 2, on trouve un demi-verset tiré du cantique composé à l'occasion du passage de la mer Rouge (Exod., chap. 15, v. 2); mais ce cantique, qui nous est indiqué par le texte même comme devenu chant populaire, a pu et dû se conserver en d'autres livres.

[50] Son père se nommait Helqiah, comme le grand-prêtre; ils ont pu être parents.

[51] Cet an 13 de Josiah est l'an 626 avant notre ère, ainsi que nous le prouverons par la suite.

[52] Les Paralipomènes.

[53] Depuis Alexandre on a peine à prouver l'existence des livres de Zerdoust. Quant aux Vedas, on a long-temps douté de la leur; et il a fallu toute la puissance des Anglais pour parvenir à compléter une copie de ces livres, réduits à un seul manuscrit dont rien ne garantit la parfaite pureté.

[54] Voyez le chap. 33 et les précédents, livre des Nombres.

[55] Deut., ch. 29, v. 1er.

[56] Page 70.

[57] Une autre identité a été remarquée par les critiques. On lit, au chap. 21 du livre des Nombres, v. 26, 27 et 28: «Or, la ville de Hesbon avait été enlevée aux Moabites par Séhon, roi amorrhéen; c'est pourquoi il est dit dans le livre des Moshalim: Venez bâtir Hesbon, la ville de Séhon..... Un feu est sorti de Hesbon, une flamme de la ville de Séhon, pour dévorer les villages de Moab sur les hauteurs de l'Arnoun: malheur à toi, ô Moab! il a péri le peuple de Kámôs..., il a livré ses enfants à la fuite, et ses filles à la captivité».

D'autre part, le chapitre 48 de Jérémie, v. 44, 45 et 46, porte: «A l'ombre de Hesbon se sont arrêtés les fuyards de Moab; un feu est sorti de Hesbon, une flamme du milieu de Séhon pour dévorer les pierres angulaires et les sommets des enfants de Châoun. Malheur à toi, Moab! Le peuple de Kámôs a péri; car ses enfants sont emmenés en esclavage, et ses filles en captivité.».—On objecte que le livre des Moshalim a pu être cité par l'auteur des Nombres, comme par Jérémie; mais dans un temps où un manuscrit était rare et souvent unique, sa citation par deux auteurs devient un indice de quelques relations habituelles entre eux, et appuie notre opinion sur celles de Jérémie avec le grand-prêtre Helqiah.

[58] Genèse, ch. 49.

[59] Les interprètes traduisent ce mot au passé, mais il n'en porte pas plus le signe dans l'hébreu que les autres traduits au futur. En général ils font arbitrairement l'échange de ces deux temps.

[60] Genèse, chap. 9.

[61] C'est un jeu de mots, car Iaphet signifie dilaté, vaste, comme le continent des races scythiques. Ham, le pays chaud, brûlé.

[62] Asiatick researches, tome IV.

[63] Mégasthènes fait une remarque expresse de cette ressemblance entre les Indiens et les Juifs pour les opinions théologiques (Eusèbe nous dit, Præpar. Evang., lib. IX, cap. 6), Megasthenis..... clarissimus hic locus est libro suo de Indicis tertio: «Quidquid ab antiquis de naturâ dictum est, eorum etiam qui extra Græciam philosophantur, ut brachmanum apud Indos, et Judæorum in Syriâ sermone celebratur». Un passage de Josèphe, dans son livre Ier contre Appion, est encore remarquable, § XXII: «Cléarque, disciple d'Aristote, en son livre du Sommeil, parlant d'Hyperochides, philosophe juif, observe que les Juifs tirent leur origine des Indiens. Chez les Indiens, dit-il, les philosophes se nomment Kalani, et chez les Syriens, Judæi, à raison du nom de la contrée qu'ils habitent».

[64] Le livre des Nombres, chap. 22, dit que Balaam vint du pays des Ammonites. Le livre du Deutéronome dit, chap. 23, v. 4, qu'il vint de la Mésopotamie (Aramnahrim).

[65] Numeri, chap. 24, v. 5 à 7 et 17 à 20.

[66] Voilà encore une phrase de Jérémie.

[67] Dans la Polyglotte de Walton, pas une des sept traductions grecque, syriaque, arabe, vulgate, chaldaïque, etc., ne ressemble à l'autre; ce qui démontre l'incertitude des auteurs: nous avons suivi le sens le plus littéral et le plus plausible.

[68] Sam., lib. I, cap. 15, v. 6.

[69] Environ 180 ans avant J.-C.

[70] Le texte hébreu porte Dodanim, par confusion de l'R avec le D, qui en hébreu lui ressemble; mais le samaritain, qui n'est pas susceptible de cette confusion, porte Rodanim, et c'est la vraie leçon.

[71] Voyez Isaïe, chap. 23.

[72] En hébreu, tout pays au-delà de la mer s'appelle Ile: Ai. La même chose a lieu en sanscrit.

[73] Hérodote, liv. II, § CLIX.

[74] Supposez qu'en 638, 1re année de Josiah, Helqiah eût 40 ans, il en aura eu 74 en 604.

[75] Sous le règne d'Artaxercès, vers l'an 452 avant J.-C.

[76] Le livre célèbre intitulé, Tractatus theologico-politicus, publié en 1670, est le premier qui ait traité tout ce qui concerne les livres hébreux avec la liberté d'esprit convenable pour y porter la lumière..... Le lecteur y trouvera beaucoup de détails intéressants sur le sujet que nous traitons; mais son auteur, qui a cru qu'Ezdras composa le Pentateuque, nous paraît s'être trompé dans plusieurs de ses raisonnements; son grand mérite est d'avoir ouvert une route où presque personne n'avait osé mettre le pied avant lui.

[77] Exod., chap. 9, v. 23, 31, 32.

[78] Chap. 3, v. 1, 15.

[79] Chap. 4, v. 19.

[80] De Bello judaico.

[81] Censorinus, de Die natali par Lindenbroq. Cantabrigiæ, 1695, in-12, chap. 19. Et in Ægypto antiquissimum ferunt annum bimestrem fuisse; deinde a Pisone rege quadrimestrem factum. Dîodore, liv. I, pag. 22, dit, d'un mois, d'accord avec Plutarque, Pline, Augustin, Varro et Proclus. Item in Achaiâ, Arcades trimestrem habuisse; Cares autem et Acarnanes semestres habuerunt annos, et inter se dissimiles quibus alternis dies augescerent aut senescerent, eosque conjunctos veluti trieterida annum magnum.

[82] Hist. nat., lib. VII, cap. 49.

[83] Voyez Plutarque, de Numa; Diodore, lib. I, Varron; Proclus, Comment. in Timeum.

[84] Cela serait d'autant plus naturel, que n'étant point laboureurs, mais pâtres errants, ils n'avaient pas besoin du calendrier écliptique.

[85] Lorsque ce roi, fuyant Absalon, passe le Jourdain, il est accueilli par un vieillard de 85 ans, que l'historien peint décrépit, tel qu'il serait de nos jours.

[86] Genèse, chap. 15.

[87] Josèphe, Antiq. jud., liv. II, ch. 6 et 15.

[88] Voyez Mémoires de l'Acad. des Inscrip., tome XXXIV, un Mémoire de Gibert sur les années des Juifs.

[89] Contre Appion, liv. I, § XIX.

[90] Ce mot noux est la meilleure orthographe de l'hébreu nouh (Noé), parce que les Grecs n'ayant point l'aspiration h, la remplacent par χ, qui est le ch allemand et latin.

[91] Voyez le Syncelle, pages 38 et 40, ligne 8. Cet auteur cite quelquefois le nom de Bérose; mais tous les passages qu'il produit, finissant par être rapportés à Polyhistor, Abydène et autres copistes de Bérose, il nous semble que déja l'original de Bérose n'existait plus.

[92] Prœpar. Evang., lib. IX, cap. 12.

[93] Nec me fugit Berosum et sequaces ejus Alexandrum Polyhistorem, et Abydenum, etc., page 14.

[94] Le Syncelle, page 30, semble d'abord tirer ce passage de Bérose; mais en le terminant, il dit: Voilà ce qu'écrit Alexandre Polyhistor.

[95] En Égypte ces oiseaux ne quittent pas la maison pendant que le sol est couvert d'eau: quand ils s'absentent, c'est le signe qu'ils trouvent à vivre et que la terre se découvre.

[96] Arcturus, Bootes.

[97] Pline, lib. VI, cap. 27.

[98] Moses Chor., ch. 9. Ce Haïk a tous les caractères d'Apollon, chassé du ciel par Jupiter, qui, de l'aveu des Grecs, est identique au Belus babylonien.

[99] Voyez Dupuis, Origine des Cultes, Table des matières, tome III, in-4°, art. Déluge, Orion, Titan, Géants, Belus, et sa Dissertation sur les grand cycles.

[100] Pluton même est noir comme Cham.

[101] Antiq. jud., liv. I, chap. 7, § II.

[102] Nicolas de Damas, dans son propre texte, ajoute ici: «Son nom est encore célèbre à Damas, où l'on montre un faubourg qui l'a retenu.»

[103] Eusèbe, Præpar. evang., liv. IX, chap. 17.

[104] Probablement l'écriture chaldaïque.

[105] Josèphe, liv. I, chap. 7.

[106] Voyez Moses Maimonides, More Nebuchim, et le livre intitulé Dabistan, publié à Calcutta, 1789, dans le New-Asiatick Miscellany, tome Ier. Ce livre contient à ce sujet des détails qui se lient très-bien avec ceux de Maimonides.

[107] Voyez le fragment de Sanchoniaton, Eusèbe, Præpar. evang., lib. I, cap. ult.

[108] De Religione veter. Persarum, pag. 77, 78.

[109] Genèse, chap. 13, v. 3.

[110] Genèse, chap. 23, v. 6.

[111] De Relig. veter. Persarum, pag. 77, 78.

[112] Voyez Moïse de Chorène, Histoire armén., page 16, note 2.

[113] Josèphe, Antiq. jud.

[114] Eusèbe, Præpar. evang., lib. II, page 37.

[115] Selon la Genèse, chap. 17, v. 5, Dieu changea le nom d'Abram en Abraham, comme signifiant père de la multitude; mais ce mot Rahm manque dans les lexiques.

[116] Or quand Moïse entrait dans le tabernacle, la nuée descendait à l'entrée et parlait à Moïse, en présence de tout le peuple prosterné en adoration; et Dieu parlait à Moïse comme un ami à son ami; et quand il revenait au camp, le jeune Josué, fils de Noun, qui l'assistait dans le tabernacle, y restait et n'en sortait point. (Exode, chap. 33, v. 10.).

[117] Il est encore dit, au chap. 32, v. 17, que lorsque Moïse descendit du mont Sinaï, Josué l'accompagnait: preuve qu'il y fut avec lui pendant les 40 jours que Moïse y resta; qu'il y fut l'interlocuteur et le scribe de la loi attribuée à Dieu; et l'on a le droit de dire qu'il y prépara tout l'appareil de pyrotechnie dont l'Exode nous montre les effets, en même temps qu'il y porta les provisions dont Moïse et lui vécurent pendant les 40 jours du prétendu jeûne, également raconté et cru sans preuves ni témoins.

[118] Il y a une exagération, palpable dans le nombre de six cent mille hommes portant les armes, qui, selon le texte, sortirent d'Égypte avec Moïse. Ce nombre suppose une quantité proportionnelle d'enfants, de femmes et de vieillards invalides; il est même ajouté qu'une populace innombrable suivit avec des troupeaux. (Exode, chap. 12, v. 37).

Cette quantité ne peut pas être évaluée moins de trois têtes pour chaque homme armé; ainsi ce serait une masse de 2,400,000 âmes, sans les troupeaux. Pour qui connaît l'Égypte et le désert, cela est une pure absurdité, et cette absurdité est décelée par plusieurs circonstances. 1° Dieu est censé dire (Exode, chap. 24): «Je n'exterminerai point les Kananéens devant votre face en une seule année, de peur que le pays ne soit réduit en un désert, et que les bêtes féroces ne se multiplient contre vous.» Nous remarquons que le pays de Kanaan n'a pas plus de 30 lieues de long sur autant de large, faisant 900 lieues carrées environ, dont beaucoup en terres rocailleuses et désertes; ce serait près de 3,000 âmes par lieue carrée, ce qui ne se voit en aucun pays. 8 à 900 âmes par lieue carrée sont une forte population: toute la Syrie, toute l'Égypte, qui ont plus de 3,000 lieues carrées chacune, ne contiennent pas plus de 2,000,000 d'âmes chaque. 2° Au Deutéronome, chap. 7, v. 1, il est dit «que la terre de Kanaan contenait 7 peuples, plus forts et plus nombreux chacun que le peuple hébreu.» Ce petit pays de 900 lieues carrées aurait donc contenu 16,800,000 âmes! On voit l'extravagance. Mais quel peut être le nombre vrai? Nous croyons qu'il y a erreur décimale, et qu'au lieu de 600,000 il faut lire 60,000: le calcul décimal paraît avoir été très-usité chez les Chaldéens, les Perses et les Mèdes; l'on trouve répétées dans le Zend Avesta les progressions décuples: «Ormusd, y est-il dit, donne-moi 100 chevaux, 1,000 bœufs, 10,000 lièvres, 9 bénédictions, 90 bénédictions, 900 bénédictions, etc.» Dans le cas dont nous traitons, le signe décuple se serait introduit mal à propos. 60,000 hommes armés supposeraient 240,000 âmes en tout, ce qui est déjà trop de monde à nourrir dans le désert: ce nombre eût donné 266 têtes par lieue carrée au pays de Kanaan, qui en aurait eu déjà plus de 1,700. (C'est trop). Un passage du livre de Josué indique un nombre plus modéré, et ce témoignage à d'autant plus de poids, que ce livre, étranger au Pentateuque, a été hors de l'influence de Helqiah. Il est dit chap. 7 et 8, «que Josué voulant attaquer la ville de Haï, ses éclaireurs lui rapportèrent que le nombre d'hommes qu'elle contenait ne méritait pas la peine de faire marcher toute l'armée, et que 2 ou 3,000 hommes suffiraient.» Josué envoya 3,000 hommes qui furent battus avec perte de 36 hommes. Cet échec, tout léger qu'il était, effraya beaucoup les Hébrèux. Pour les rassurer Josué imagina l'expiation dont Achan fut victime; puis, il dressa, pendant la nuit, une embûche de 30,000 hommes en un ravin près la ville, avec l'instruction que le lendemain, lorsqu'il aurait attiré au dehors le roi et ses gens armés par une fuite simulée, ils eussent à y entrer et à la saccager. Cela fut fait; la ville fut prise: tout fut égorgé, et le nombre total, y compris vieillards, femmes et enfants, fut de douze mille. Ces 12,000 ames supposent au plus trois mille hommes en état de combattre. Les premiers 3,000 que Josué envoya supposent encore moins, puisqu'ils furent regardés comme plus forts. L'embuscade de trente mille est improbable; ce dut être aussi trois mille. Il est encore dit que Josué embusqua 5,000 hommes entre Haï et Bethel, et qu'il se présenta avec tout le reste: il ne dut pas présenter un nombre beaucoup plus fort que la veille, de peur d'effrayer trop le roi et son monde: supposons encore 3 ou 4,000 hommes, cela ne produit pas plus de 12,000 hommes. Josué n'a pas dû avoir une réserve plus considérable, et tout ce récit n'indique pas 30,000 combattants. Il est étonnant que la perte de trente-six hommes ait pu effrayer cette armée; c'était encore moins pour soixante mille. Si toute l'armée de Josué né fut que de 25 à 30,000 hommes, sa population totale ne dut être que de 120 à 130,000 têtes. Les 7 peuples plus nombreux donneraient alors 1,050,000 ames, c'est-à-dire, plus de 1,000 ames par lieue carrée. Au lieu de 600,000 hommes armés, ne serait-ce pas plutôt 60,000 ames qui seraient sorties de l'Égypte, et qui ensuite se seraient recrutées dans le désert arabe? Les exemples de ces exagérations décimales se reproduisent dans les 1,000 livres d'argent qu'Albimelek donne à Sara (au lieu de 10), les 1,000 Philistins que tue Samson, les 3,000 qu'il précipite de la terrasse d'un temple; les 50,000 Betsamites qui périssent pour avoir regardé dans l'arche (peut-être 50); les 300,000 guerriers que Saül mena contre Nahas, roi des Ammonites (sans doute 30,000), et voilà comme s'écrit l'histoire! et l'on y croit!

[119] Pages 17 à 18.

[120] Annus, annulus. En arabe, aïn désigne le rond de l'œil, le rond du soleil, le rond d'une fontaine.

[121] Voyez Asiatik researches, tome II, pages 111 et suivantes.

[122] Aristot. Meteor., lib. I, chap. 14, et Julius Firmicus, lib. III, chap. 1, page 47, et Epiphan. hæres., chap. 19.

[123] Deut., chap. 32, v. 8.

[124] Alexandre Polyhistor remarque (dans Eusèbe, Præpar. evang., lib. IX, chap. 17), qu'Enoch, selon plusieurs savants, est le même qu'Atlas, par conséquent le même que Bootes, sur les épaules de qui tourne le pôle, et qui, par cette raison, a été peint comme portant le globe. C'est saint Christophe. Voyez Bochart, sur Sem, Cham, Seth, etc.

[125] Voyez la sphère de Coronelli.

[126] A proprement parler, le système des deux principes, considéré relativement à l'hiver et à l'été, ne convient point au climat de l'Égypte, où l'hiver est une saison douce et agréable: l'on peut dire qu'il n'y est point un système primitif et naturel..... Mais lorsque les prêtres furent parvenus à la connaissance générale des phénomènes du globe, tant par leurs propres recherches que par les relations des Phéniciens et des Scythes; alors, embrassant sous un seul point de vue les opérations de la nature végétante et animée, ils imaginèrent l'hypothèse de la diviser en un principe de vie, qui fut le soleil, et un principe de mort qui fut le froid et les ténèbres; et c'est sur cette base, vraie à bien des égards; que se sont échafaudées des fictions qui ont tout défiguré! Quant au changement des signes du Zodiaque par la précession des équinoxes, on l'estime à 2130 ans par signe, à raison de 71 ans pour chaque degré, et de 50 secondes par an.

[127] Genèse, chap. 3, v. 15. La Vulgate dit: elle (la femme) écrasera; mais le texte hébreu porte le genre masculin lui, relatif au rejeton (Zara).

[128] Voyez Alphabetum thibetanum, in-4°, page 186. L'auteur missionnaire fait cette remarque intéressante, que le système des Boudhistes du Thibet diffère de celui des Brahmes, en ce que, dans ce dernier, les figures des 7 mers et des 7 montagnes qui sont les 7 sphères célestes, et leurs intervalles, sont elliptiques ou ovales, tandis que dans le premier elles sont purement circulaires: c'est une raison de penser (ajoutée à plusieurs autres), que la secte de Boudha est plus ancienne que celle des Brahmes, les formes elliptiques étant un perfectionnement des premières idées, qui furent les circulaires pures.

[129] De là, le mot latin fretum.

[130] Voyez Bailly, Astronomie indienne, et l'Histoire de l'astronomie ancienne. Voyez aussi les Mémoires asiatiques.

[131] Ce nom de Iahouh n'est employé, pour la première fois, qu'au 4e verset du chap. 2; le latin le rend par Dominus, il devrait dire existens per se.

[132] Flavius Josèphe, Antiq. jud., liv. I, chap. I.

[133] Eusèbe, Præpar. evang., lib. I, pag. 37.

[134] Article Tyrrhenia.

[135] Les peintures découvertes par nos savants français dans les catacombes des rois de Thèbes, achèvent de certifier cette opinion. Les vases, les meubles et les ornements que représentent ces peintures, sont absolument du même style que ceux des vases étrusques;voy. le tom. II de la Commission d'Égypte; et relativement à Moïse, son arche d'alliance a totalement la forme du coffre ou tombeau d'Osiris.

[136] Asiatick researches, tome I.

[137] Ce mot signifie, dit-il, racine donnée ou donné par la racine, c'est-à-dire origine, Genèse des choses.

[138] Hérodote, liv. III, § XCIV.

[139] Mémoire de M. Joinville, page 413.

[140] Voyez Mémoires de l'Académie des Inscriptions, tome 31, page 254, Mémoire de l'abbé Mignot.

[141] Voyez Legentil, Mémoires de l'Académie des Sciences, 1772, tome II, page 190; Abraham Roger, Mœurs des Brahmines, part. II, chap. 5, page 179; le Père Beschi, Grammaire tamoulique.

[142] Syncelle, pages 28 et 29.

[143] Voyez Dupuis, t. II, in-4°, p. 208 et 228; t. III, pag. 186.

[144] Alphab. thibet., page 184.

[145] Phaleg et Kanaan.

[146] Commentaires sur la Bible.

[147] Histoire du Ciel.

[148] Geographiæ Hebræorum exteræ spicilegium.

[149] Roush montre sa trace dans l'Erusheti de Danville, canton à l'ouest de Gokia.

[150] Hérodote, liv. VII.

[151] Selon la plupart des chronologistes modernes, 1130 ans avant J.-C.: comment concilient-ils cette date avec la composition de la Genèse par Moïse 300 ans avant?

[152] Hérodote, lib. VII.

[153] Scholiast. Aristophanis in Acharn.

[154] Page 49.

[155] Hérodote, lib. II, § XLIV.

[156] Phaleg., lib. IV, chap 27.

[157] Le nom de Kush semble s'être conservé dans guiz ou guis, qui est le nom antique du langage éthiopien; l'idiome guiz.

[158] Odyss., lib. I, v. 22. Strabon entend ce vers d'Homère des Éthiopiens sur la rive ouest, et des Arabes sur la rive est du golfe arabique, et c'est l'idée de la Genèse.

[159] Voyez Ptolomée, Geog. in-fol., Tabula Asiæ sexta.

[160] Danville, carte d'Asie première.

[161] Voyez Danville, carte d'Arabie; hagiar ou hagar signifie pierre, pierreux, et tels sont les rochers de Hidjar.

[162] Sam., lib. I, chap. 15, v. 7.

[163] Paralipomènes, liv. II, chap. 14.

[164] Strabon aurait donc eu raison d'interpréter en ce sens le vers d'Homère qui partage les Éthiopiens en deux pays (par la mer).

[165] Tom. II, col. 1239 et 1240. Voyez aussi Assemani, Biblioth. syriac., tom. III, pars II, pag. 744.

[166] Voyez ci-après page 278.

[167] Hieronym. Quest. in Genes., cap. 10, nº 10.

[168] Plusieurs divinités chez les Chaldéens ont eu le nom de Bel ou Baal, qui signifie Dieu et Seigneur. Alexandre Polyhistor parle de Bélus l'ancien, appelé Kronos (ou Saturne), de qui naquirent un second Bélus ou Bélus le jeune, ayant pour frère Kanaan. Il ajoute que Kanaan fut père des Phéniciens et eut pour fils Chum, appelé par les Grécs Asbolos, c'est-à-dire couleur de suie, lequel Chum eut pour frère Mesraim, père des Éthiopiens et des Égyptiens: l'on voit ici une autre version des mêmes idées, des mêmes traditions que la Genèse. Voyez Eusèbe, Præpar. evang., lib. IX, chap. 17. Dans la Chronique d'Alexandrie, page 17, un premier Bélus est Saturne; après lui Picus règne 30 ans; après Picus un second Bélus règne 2 ans: celui-ci est la planète de Mars, dont la révolution dure effectivement 2 ans; c'est par erreur que l'auteur attribue les 30 à Picus-Jupiter, puisqu'ils appartiennent à Saturne, dont la révolution dure cet espace de temps.

[169] Zend-Avesta, tome II, pages 402 et 456; et tome I, partie II, page 272, note 3.

[170] Phaleg. et Chanaan, lib. II, cap. 6.

[171] Geographia Hebræorum extera, page 114.

[172] Sam., lib. II, cap. 8, v. 5 et 6.

[173] Le psaume LX a commis la même faute.

[174] Voyez Assemani, Biblioth. syriac., tome I, pag. 533 à 539; tome III, part. 1, page 3.

[175] Sam., lib. I, chap. 14, v. 4.

[176] Eusèbe, Præpar. evang., lib. IX, chap. 30.

[177] Reg. II, cap. 18.

[178] Jérémie, chap. 49, v. 23.

[179] Ce pays de Qir, prononcé Koïr par les Arméniens, doit être celui du fleuve Kur, au nord de l'Arménie: à moins que l'on ne préfère le pays des Karhi, peuples belliqueux, mentionnés par Polybe, lib. V, chap. 10, comme habitant les vallées de l'ouest du lac de Van. Isaïe, chap. 22, et Amon, ch. 1, v. 5, parlent de Qir au grand bouclier.

[180] Peut-être un jour des dieux (un an).

[181] Jérémie, chap. 39 et 49.

[182] Numeri, 33, v. 23.

[183] Specimen historiæ Arabum.

[184] Agatharçhides, de mari Rubro, page 59; Artemidorus in Strabone, lib. XVI; Diodor. Sicul., lib. III, § XLV.

[185] Recherches sur la Géographie des anciens, par M. Gosselin, in-4°, tome I, page 124.

[186] Mémoire de M. Tychsen, De commerciis et navigatione Hebræorum, page 165.

[187] Eusèbe, Præpar. evang., lib. IX, cap. 30.

[188] M. Seetzen, dans la Correspondance de M. le baron de Zach, nomme celui-ci Ophir, en toutes lettres, ut énonce la même opinion d'identité. (Note communiquée).

[189] C'est la valeur des 540 stades allégués par Hérodote, lib. II, § CVI, de l'espèce de ceux dont on comptait 1620 entre Héliopolis et la mer Scylax, qui compte un jour et demi de navigation entre la Corse et l'Italie, nous donne la même mesure, puisqu'il y a 23 lieues.

[190] Hérodote, lib. IV, § XLIV: ce Scylax est l'auteur même du Périple qui porte son nom, comme l'a démontré Sainte-Croix.

[191] Arrien, Rerum Indicarum, chap. 43; et De expeditione Alexandri, lib. 7, chap. 20: il est étonnant qu'Arrien, homme d'esprit, n'ait pas vu que la prétendue impossibilité alléguée de sortir du golfe Persique eut la même cause que le découragement qui, sur les bords de l'Indus, s'opposa à ce que le conquérant poussât plus loin les expéditions guerrières dont son armée était excédée.

[192] Voyez Thévenot, Voyage, liv. II, chap. 24; Niebuhr, Voyage, tome I, page 172: et Volney, Voyage en Syrie, t. I; tous témoins oculaires de ces transports.

[193] L'hébreu autorise également le futur et le présent.

[194] Liv. II, chap. 9, v. 22; chap. 20, v. 36.

[195] Et aussi du mot Almogim, qu'il altère en Algomim, comme il a fait Argoun au lieu d'Argmoun dans Ezéqiel, chapitre 28. Un autre exemple d'altération et d'erreur de la part des Paralipomènes, est le pays de Parvaim ou Pherouim, dont ils vantent l'or. Quelques paraphrastes n'ont pas craint d'y voir le Pérou; nous y voyons tout simplement l'altération du mot Sapherouim, dont l's initial a disparu, et qui désigne l'un des peuples cités par Sennachérib, et connu des Grecs sous le nom de Sapires et Saspires, voisin de la Colchide, et riche en or natif recueilli dans les torrents.

[196] Des savants modernes sont du même avis. En rendant hommage à leur talent, nous ne pouvons souscrire à cette opinion, parce que ses principaux motifs pèchent dans leurs bases. «Les Phéniciens, dit Hérodote, ayant navigué dans la mer australe, quand l'automne fut venu, abordèrent à l'endroit de la Lybie où ils se trouvèrent, et ils semèrent du blé. Ils attendirent le temps de la moisson, et après la récolte ils se remirent en mer.»

L'on attaque ce récit: on nie que les Phéniciens aient connu l'état des saisons de l'autre côté de l'équateur, et qu'ils aient pu semer en temps opportun: l'on veut même que cette expression de semer en automne, prouve un mensonge de leur part.

Laissons à part leurs connaissances possibles qui sont des conjectures: quant aux mots semer en automne, ils ne viennent pas des Phéniciens, mais d'Hérodote qui, écrivant 150 ans après eux sur le récit des prêtres, et qui n'ayant aucune idée de ce qui se passait de l'autre côté de la ligne, y a supposé l'ordre physique et rural de celui-ci: il a même supposé qu'ils semèrent du blé, et cela par le préjugé des Européens, qui croient qu'on ne vit pas sans blé, tandis que chez les Asiatiques, tels que les Égyptiens et les Syriens, il n'est qu'une très-petite portion dés comestibles: l'on peut assurer que les navigateurs qui ont eu l'idée d'une telle entreprise, auront préféré toute autre espèce de grain, exigeant le moins de temps possible pour être récolté, tel que les lentilles, les pois, les haricots, le doura, le maïs et l'orge, auxquels 2 ou 3 mois de terre suffisent, et sur la convenance desquels les Phéniciens auront eu des connaissances préliminaires acquises dans leurs voyages antérieurs sur les côtes d'Éthiopie et d'Arabie.

«A leur retour en Égypte, ils racontèrent qu'en faisant voile autour de la Libye, ils avaient eu le soleil à leur droite. Ce fait, ajoute Hérodote, ne me paraît pas croyable: peut-être le paraîtra-il à quelque autre.»

L'on veut que cette circonstance soit une preuve de fausseté, parce que, dit-on, les Phéniciens ne pouvant se guider que par les étoiles de l'un ou de l'autre pôle, n'ont pu avoir le soleil qu'au visage ou au dos, et que pour l'avoir à main droite, il aurait fallu qu'ils prissent leur point de direction au couchant, ce qu'on ne peut admettre. Nous pensons, tout au contraire, voir ici une preuve de vérité d'autant plus lumineuse qu'Hérodote n'y croit point. Cet auteur, comme tous les Grecs, a cru que l'on ne pouvait passer sous la ligne à cause d'une prétendue chaleur excessive; il a donc conçu que les Phéniciens avaient fait le tour de l'Afrique sans avoir passé l'équateur; que dans ce cas, naviguant vers l'occident, ils ont dû avoir toujours le soleil sur leur gauche; mais puisque les Phéniciens traversèrent l'équateur, alors ils arrivèrent au cap de Bonne-Espérance; forcés par la direction de cette côte de se diriger au couchant pendant plusieurs semaines, ils eurent réellement le soleil sur leur droite; et toutes ces circonstances, combinées avec le temps suffisant qu'ils employèrent, nous paraissent mettre leur navigation hors de doute.

[197] Notice des manuscrits orientaux, tome I, extrait du Moroudj-el-Dahab, page 28.

[198] Si les Phéniciens sont vraiment originaires du Tehama, ils seraient de cette race, et cela est indiqué par la parenté de Kanaan avec Kush

[199] Le mot Éthiopie n'est point connu des Arabes, qui le remplacent par le mot Habash, dont les Européens ont fait Abissin, Abissinie; mais ce mot Habash a précisément le sens du mot Arab, car l'un et l'autre signifient mélange d'hommes divers. En hébreu Arab signifie turba mixta, en arabe Habash aussi turba mixta. Voyez les Dictionnaires.

[200] L'on ne saurait douter qu'à l'époque où écrivit Helqiah, 620 ans avant notre ère, les livres sacrés des Indiens désignés sous le nom de Pouranas, ne fussent connus des Assyriens, qui avaient des relations de commerce avec la Syrie. Or, il est vraiment remarquable que les conditions établies pour la composition d'un Pourana se trouvent exactement observées dans le Pentateuque. «Les savants Brahmes (dit Sr W. Jones, tome VI de ses Œuvres in-4°, page 445) disent que cinq conditions sont requises pour constituer un véritable Pourana:

«1° Traiter de la création de la matière en général;

«2° De la création ou production des êtres secondaires matériels et spirituels;

«3° Donner un abrégé chronologique des grandes périodes du temps;

«4° Un abrégé généalogique des grandes familles qui ont régné dans le pays; «5° Enfin l'histoire de quelques grands personnages en particulier.»

N'est-ce pas là précisément le sommaire de la Genèse et des quatre autres livres; et n'est-il pas probable que le grand-prêtre a été guidé et encouragé dans son travail par des modèles accrédités et par le succès de tout livre de ce genre?

[201] Voyez surtout l'Art de vérifier les Dates, par les Bénédictins de Saint-Maur.

[202] Ciliciens.

[203] Les Thraces.

[204] Vie de Pittacus.

[205] Larcher a disposé assez bien toutes les dates de Pisistrate et de ses enfants. Voyez sa chronologie, tome 7; mais comme il calcule à la manière des chronologistes, il compte une année de trop, attendu que dans le véritable calcul, selon les astronomes, l'an Ier avant Jésus-Christ et l'an Ier de Jésus-Christ exigent que cette dernière année soit, comptée zéro.

[206] Et lorsqu'ensuite nous voyons au siége de Sardes que ce prince avait aussi un traité avec les Égyptiens, il devient évident que la députation en Lybie n'avait encore été qu'un prétexte.

[207] Et réellement plusieurs de ses contes sur les vertus magiques et talismaniques de certaines pierres, de certains poissons, se retrouvent dans les Orientaux, et indiquent pour source ancienne et commune les Indiens et les Perses.

[208] [Solinus Polyhist., page 8]. Memoriam perimit metus, interdum vice versa vocem excitat. Quum olympiade octava et quinquagesima (58) victor Cyrus intrasset Sardis Asiæ oppidum, ubi tunc latebat Crœsus, Atys filius regis mutus ad id locorum in vocem erupit vi timoris: exclamasse enim dicitur: Parce patri meo, Cyre, et hominem te esse vel casibus disce nostris.

[209] Cette phrase est mal construite dans la traduction: muet à la vue du Perse: on croirait qu'il est devenu muet à cette vue.—Saisi d'effroi, fit un effort; effroi, effort. Il fallait dire: Le jeune prince muet, saisi d'effroi à la vue du Perse; mais Larcher a tellement su le grec, qu'il a un peu moins su le français.

[210] Ce Périandre, fils de Kypselus, gouverna Corinthe 44 ans, comme nous l'apprend Aristote dont le témoignage ici n'est pas récusable (Politic., lib. V, ch. 12). Néanmoins Larcher, contre toute autorité, argumentant d'un vers du poète Théognis contre la race de Kypselus, veut que ce tyran ne soit mort qu'en 563, après un règne de 70 ans. Malheureusement pour cette hypothèse, un critique judicieux a remarqué{*} qu'outre le Corinthien Kypselus, père de Périandre, il avait existé un autre Kypselus, Athénien, père de Miltiade, et que c'était à la famille de celui-ci que le vers de Théognis convenait par les rapports de temps et d'affaires. Aussi l'hypothèse de Larcher a-t-elle été rejetée par l'abbé Barthélemy et par M. de Sainte-Croix, qui ont préféré l'autorité d'Aristote et de Sosicrates, confirmée par les rapports de cette famille avec les rois de Rome, en la personne de Lucumon.

{*} (Voyez Mélanges de géographie et de chronologie ancienne, par M. de Fortia-d'Urban, in-8°, page 16.)

[211] Malignité d'Hérodote.

[212] C'est absolument la même doctrine théologique que celle des Hébreux..... Je poursuivrai le crime d'Israël jusqu'à la 3e et 4e génération. C'est aussi la théologie de tous les sauvages, et cette identité dérive de ce que l'état sauvage a été l'état primordial de tous les peuples anciens, sans exception.

[213] Voyez note 73, première édition, et note 75, deuxième édition.....

Larcher nous assure aussi dans sa préface, qu'il a commencé par se mettre Hérodote dans la tête; mais l'on voit en suivant sa métaphore, qu'Hérodote a fini par s'en tirer heureusement, et qu'il en est sorti intact comme Jonas..... Ces expressions triviales se mettre dans la tête, Crésus se mettant à rire (note 62), mettre la plume à la main, et autres semblables qui se trouvent dans le livre de Larcher, nous feraient hésiter sur un fait que l'on nous garantit certain: ce fait est que depuis que Larcher fut reçu membre de l'Académie des Inscriptions, jamais aucun de ses écrits ne fut imprimé sans que, par un esprit de corps raisonnable, quelqu'un de ses confrères n'eût rendu à son style hellénique le service de le franciser; mais il est quelquefois arrivé que, fidèle à son propre esprit, Larcher a recorrigé ses correcteurs; et cela explique, tout.... Il nous révèle dans sa note 177 que le savant Barthélemy dut beaucoup à M. de Sainte-Croix, qui a dressé entre autres la table chronologique du jeune Anacharsis..... Qui nous révélera ce que Larcher doit à l'abbé Barthélémy, à M. de Sainte-Croix, à M. Dacier, etc.?

[214] Voyez la table des époques du jeune Anacharsis, tome 7.

[215] Voyez les tables de Barthélémy et de Sainte-Croix; Voyage d'Anacharsis, tome VII.

[216] Lorsque l'on considère à quels hommes les anciens Grecs appliquèrent le nom de Sage (Solon, Pittacus, Périandre même), l'on s'aperçoit qu'ils ne l'entendaient pas dans le sens de nos modernes correcteurs moralistes:—Soyez sage, petit garçon, asseyez-vous, et ne faites pas de bruit; mais dans le sens de habile et savant, c'est-à-dire dans le sens précis du mot oriental kakîm qui a pour racine kakam, gouverner, d'où kakem, gouvernant (soi et les autres avec habileté et science), et par extension kakim, médecin, savant, habile dans les sciences physiques et naturelles: c'est par ces motifs réunis qu'il fut donné à Salomon, dont nous autres occidentaux avons peine à concilier la sagesse avec son harim de 700 femmes. Cette conformité d'idées est digne d'attention chez les anciens. Après ces hommes célèbres, Pythagore, savant pour son temps, et de plus modeste, ne voulut point accepter le titre de Sage; il prit et institua celui d'ami ou amant de la sagesse: philosophos. Il ne se doutait pas qu'un jour ce nom deviendrait un nom odieux, une injure atroce; comme nous l'apprend Larcher, page 231, ligne 8; et cela parce que les incrédules se le sont attribué..... De manière que si les habitués de Bicêtre s'attribuaient, par cas très-possible, le titre d'honnêtes gens, il deviendrait aussi une injure atroce. Avec cette logique, nos dictionnaires tourneront comme nos têtes. En 1787 Larcher nous assurait qu'il était philosophe plus que Voltaire, c'était la mode, personne ne le contraria: en 1802 il proteste qu'il n'est pas philosophe; la mode a changé; personne ne réclame; et il se fâche; A qui en veut-il? Qu'a de commun la philosophie avec ses notes? Puisse-t-il nous donner une troisième édition en 1817!

[217] En remarquant qu'il y eut deux Damasias archontes, et que le premier le fut en 640, ne serait-ce pas quelque équivoque de cette date qui aurait induit Apollodore en erreur?

[218] Il est très-probable que relativement à Pittacus, l'opinion de Lucien et de Suidas s'est formée par les mêmes moyens, la vie de ce sage ayant été mêlée à celle de Crésus; dans tous les cas l'avis de ces auteurs n'est pas une autorité équivalente aux citations très-expresses de Diogène qui articule positivement que Pittacus mourut âgé de plus de 70 ans, accablé de vieillesse et sous l'archontat d'Aristomènes, l'an 3 de la 52e olympiade (570). Au compte de Suidas, c'est 82 (né en 652): Lucien aura calculé ses 100 ans en le supposant mort l'an 552.

[219] Voyez tome I, note 190 de la première édition, page 308 et note 204 de la deuxième édition, page 331.

[220] Solin., pag. 25: bello quod gestum est olympiade 49 (584) inter Alyattem et Astyagem, anno post Ilium 604.

[221] Transact. philos.; année 1753, pages 17 et 221.

[222] Voyez à ce sujet la note 72, page 223 de la première édition; et note 75, § XXX de la deuxième, page 236, second alinéa.

[223] Traduction de Larcher, tome I, liv. I, § CII. Nous observons au lecteur que presque toutes nos remarques vont porter sur ce tome et sur ce livre premier; que tous nos renvois y seront relatifs; et parce que les pages des deux éditions diffèrent de chiffres arabes, nous ne citerons le texte que par les §§ dont les chiffres romains ne diffèrent pas.

[224] Larcher traduisant immédiatement du grec, aurait dû conserver l'orthographe grecque, sans faire passer les noms par l'orthographe latine qui en défigure pour nous la prononciation: nous les rétablirons partout.

[225] Mais nous ne nous servirons point avec lui de la période julienne, dont il embarrasse tous ses calculs d'autant plus mal à propos, que cette période inventée par Jules Scaliger, en l'an 1582 de notre ère, et composée de 7980 années, de 365 jours 6 heures précises, selon le calendrier de Jules-César, est un système aussi idéal en chronologie, que celui de Fahrenheit en barométrie, et de plus, compliqué, inutile et inexact en astronomie, ne se liant à aucun événement, comme l'a démontré un savant académicien, Louis Boivin, dans sa dissertation de 1703. Le choix seul d'une mesure aussi vicieuse est d'un fâcheux augure pour le goût et le genre d'esprit d'un chronologiste. On supprimerait 30 pages entières de Larcher, si l'on en retirait toutes les citations: nous n'emploîrons que l'échelle ascendante avant notre ère, dont le seul inconvénient est de calculer en sens inverse; mais l'on y est bien vite accoutumé, et l'on a des idées toujours nettes du temps.

[226] Voyez Mémoires de l'Académ. des Inscript., tome 42, page 115 de la partie de l'Histoire.

[227] 625 selon les astronomes, et 626 selon le vulgaire des chronologistes.

[228] Voyez Abrégé d'Astronomie, in-8°, 1813, par M. Delambre, qui dit, page 335: «Hérodote en indique l'année d'une manière si vague, que l'on doute si elle est arrivée en l'an 581, 585, 597 ou 607 avant J.-C.; encore aucune de ces éclipses n'a-t-elle dû être totale et ramener cette obscurité qui n'est peut-être qu'une fiction d'Hérodote ou de ceux qui lui en parlèrent.» Nous répondons qu'Hérodote ne paraît vague qu'à ceux qui ne l'ont pas lu attentivement. Notre analyse démontre sa précision; mais M. Delambre, à qui nous l'avions soumise, n'en a tenu compte.

[229] Voyez, à ce sujet, la critique des Observations astronomiques de Ptolomée, faite par Riccioli, dans son Astronomia reformata, in-fol., livre III, chap. 4, pages 108 et suivantes; chap. 5, pages 115 et suivantes; et plus particulièrement celle des 19 éclipses de lune rapportées dans l'Almageste, livre III, chapitre 9, pages 133 et 134; et chapitre 7, page 129, article Eclipses ex mera conjectura.

[230] On sait à quel point les Brahmanes chez les Indiens modernes sont jaloux de leurs notions astronomiques. Ils sont en cela, comme en bien d'autres choses, l'image des anciens savants, c'est-à-dire, des prêtres dont la puissance était fondée sur la possession exclusive des sciences parmi lesquelles la prédiction des phénomènes célestes tenait le premier rang. Aussi Julius Firmicus nous apprend-il que même les adeptes prêtaient serment de ne point communiquer les principes; et Albaténius se fait un mérite de dire clairement ce que les anciens n'ont dit que par énigmes, quæ ab antiquis per involucrum dicta sunt explicavi. Nous connaissons un savant critique qui par des compensations de 3 ou de 5 ou de 7 minutes, tantôt en plus, tantôt en moins, ramène toutes les anomalies de Ptolomée à l'état vrai, à commencer par la mesure de l'année solaire qu'il a évidemment altérée.

[231] Il faut d'ailleurs convenir que les anciens avec leurs manuscrits non collationnés et difficiles à lire, ont eu bien moins de commodités que nous avec nos imprimés.

[232] D'après les indications d'Hérodote, Kyaxarès en 625 n'ayant encore que 9 ans de règne, son fils Astyages dut être âgé d'environ 20 ans; par conséquent il dut en avoir 85 environ, lorsqu'il fut détrôné par son petit-fils. Ce grand âge explique très-bien la clémence du vainqueur qui lui laissa la vie, et qui voulut brûler vif Crésus, âgé de 50 ans, et jouissant d'un grand crédit en Asie. Grâce aux Juifs, Cyrus est devenu un héros de roman; mais lorsque l'on connaît les mœurs de l'Asie et de l'antiquité, l'on sent qu'Hérodote qui nous le représente avec le caractère et le génie de Tamerlan, a peint le véritable chef insurgé des Perses sauvages vêtus des peaux crues de leurs troupeaux et de leurs chasses.

[233] Voyez le tome VII contenant la chronologie, page 152: Jérémie cité chap. 4—6, et chap. 6—22—24.

[234] Excerpta Valesii, page 452.

[235] Krœsus, âgé de 35 ans lorsqu'il règne en 570, est par conséquent né en 605: nous le retrouvons en Égypte à la suite de Kambyse en 525: par conséquent il était âgé de 80 ans. Xanthus de Lydie et Plutarque en observant qu'Alyattes son père eut plusieurs femmes, nous indiquent assez qu'il fut d'un autre lit que cette fille d'Alyattes.

[236] Note 19, page 183.

[237] Les amateurs d'antiquités keltiques ou celtiques savent que Kimr est le nom national que se donnent les Gâlois ou peuple du pays de Galles, qui, comme les Bas-Bretons, sont les descendants des anciens Keltes, et les restes de la souche keltique: le nom de Kimr a fait aussi Kimbri ou les Cimbres.

[238] Voyez sa Chronologie, page 355.

[239] Voyez la note à la fin de ce chapitre.

[240] Note 20 sur le § VII.

[241] Quamquam apud Herodotum patrem historiæ, et apud Theopompum sunt innumerabiles fabulæ. Cicero, de Legibus, lib. I, § 1.

[242] Traité de la malignité d'Hérodote.

[243] Directes en plusieurs passages, indirectes au sujet de la mer Caspienne et du voyage des Phéniciens à Cadix.

[244] En faveur d'Hérodote sont Denys d'Halicarnasse, Ussérius, Conringius, Marsham, Prideaux, Newton, Bossuet, Montfaucon, Dom Calmet, etc. En faveur de Ktésias sont Diodore, Justin, Eusèbe, Scaliger, Petau, Pezron, Desvignoles, etc.

[245] Bibliothèque grecque, page 107.

[246] Lucien, Traité de la manière d'écrire l'histoire, vers la fin.

[247] D'après la remarque de Pamphilia, savante dame romaine, citée par Aulugelle, Hérodote avait 53 ans lors de la première année de la guerre du Péloponèse; par conséquent il était né l'an 484 avant J.-C. Xercès passa en Grèce en 480. Pamphilia fut célèbre à Rome, sous Néron, pour divers écrits sur l'histoire et sur la musique. Elle avait fait un abrégé de Ktésias, en trois livres.

[248] Voyez lib. II, §§ III, IV et XLIV; lib. I, § CLXXXIII; lib. IV, §§ XLIII, CLXV et CLXXXVI.

[249] Il commet d'ailleurs une fausse citation, en le plaçant sous Darius au lieu de Nékos. Voyez Strabon, Géogr., liv. II, pages 98 et 100.

[250] Nous en avons un bel exemple récent, dans les pierres tombées du ciel, sur lesquelles Fréret écrivit, il y a un demi-siècle, un mémoire alors peu goûté: l'on ne croyait, pas à ce prodige... Il est prouvé: comment s'opère-t-il? Les savants prononcent.. Nous disons: Il faut douter et observer. Ce genre de grêle métallique finira par s'expliquer.

[251] Ce qui n'empêche pas Cicéron d'en parler avec éloge, en quatre autres endroits; par exemple, il dit, lib. II, de Oratore: Namque et Herodotum, qui princeps hoc genus ornavit, in causis nil omnino versatum esse accepimus. Atqui tanta est eloquentia, ut me quidem quantum ego græce scripta intelligere possum magnopere delectet

[252] Voyez Hornemann, Voyage en Afrique. Hérodote a cité pour ses autorités les voyages et négociants carthaginois. lib. IV, § XLIIICLXVCLXXXVI.

[253] Nous n'employons point la traduction française de Terrasson, parce que depuis Rhodoman, qu'il a suivi, M. Wesseling a donné une traduction latine bien plus correcte, et parce que Terrasson, pour rendre son style plus français, a écarté une foule d'images et de termes techniques très-importants au sujet. Lorsque l'on traduit des historiens, surtout anciens, l'on peut dire que c'est un mérite au style, d'avoir la physionomie quelconque de l'original.

[254] En persan moderne, Bag signifie jardin. Bag-Estan, pays ou lieu du jardin.

[255] Ce nombre de 1360 est certainement une erreur de nos imprimés et du manuscrit qu'ils représentent. Les anciens n'ont point lu ainsi; ils ont lu 1306 ans, et cela, en citant ce même passage de Diodore.... Témoin Agathias, qui, après avoir dit qu'Arbakes et Bélésis enlevèrent à Sardanapale l'empire de l'Asie, ajoute que, «à cette époque, il s'était écoulé, depuis que Ninus avait fondé l'empire, une durée totale de treize cent six ans, comme en convient Diodore de Sicile, d'accord avec les calculs de Ktésias

Agathias, lib. II, p. 63.

Témoin encore George le Syncelle, qui dit également, page 359: «Ainsi les Assyriens possédèrent l'empire pendant un espace de 1306 ans, comme le dit Diodore, sur l'autorité et le témoignage de Ktésias.» Les 1360 ans de nos imprimés doivent donc être une faute de copiste, par une méprise décimale de 60 pour 6. Le nombre de 1306 doit d'autant mieux être la vraie leçon, que Diodore, à la fin de ce fragment, va nous donner le nombre rond de 1300, comme son synonyme, ce qui ne pourrait se dire de 1360. Enfin Justin ou Trogue-Pompée n'a lu que 1300 ans.

A cette occasion, remarquons que nos premières éditions ont en général été une source d'erreurs, parce que les savants n'eurent pas alors toutes les facilités de consulter beaucoup de manuscrits; et que depuis lors, ces premiers imprimés, en faisant négliger et perdre les manuscrits mêmes, sont devenus le type défectueux de toutes nos copies.

[256] Voyez à ce sujet un intéressant mémoire de M. de Guignes, qui prouve que la morale de Salomon, dans le Cantique, dans les Proverbes et dans l'Ecclésiaste, est absolument la même: il eût dû ajouter que le système appelé épicurisme a, comme tous les autres systèmes des Grecs, été puisé en Asie, où il régnait depuis des siècles. (Mémoires de l'Académie des Inscriptions, tome XXXIV). Solon dit à Krœsus: «Ne donnez pas le titre d'heureux à un homme avant sa mort.» L'Ecclésiaste dit: Ante mortem ne hominem laudes.

[257] Le stade de Ktésias est celui de 833 et 1/3 au degré, ce qui donne ici environ 4782 toises, ou 2 lieues 1/4.

[258] Confrontez la page 383 [%%N° page] ci-devant.

[259] Tout ce prétendu extrait d'Hérodote est faux, comme nous l'allons voir ci-après.

[260] Par conséquent, 23 livres, qui, avec celui des Indiens, font 24, en imitation d'Homère.

[261] Voyez page 433 [%%N° page]. Pour la fin du règne de Sardanapale, il cite Ktésias en son livre second: les Mèdes ont dû commencer avec le livre III.

[262] «J'avais ouï dire qu'il s'était fait quelque chose de semblable à Ninive, ville des Assyriens. Quelques voleurs, instruits du lieu souterrain où Sardanapale, roi de Ninive, conservait d'immenses sommes d'argent, formèrent le complot de les enlever. Pour cet effet, après avoir bien mesuré leur distance au palais du roi, ils ouvrirent une mine dans la maison qu'ils habitaient, et pendant la nuit, jetant les terres provenues de leur fouille dans le Tigre, qui baigne Ninive, ils finirent par arriver au but qu'ils désiraient.» Hérodote, lib. II, § CL.

[263] Larcher a traduit: y rendait la justice; ce terme ne se dit que d'un juge déja constitué: Deïokès, encore simple particulier, la pratiquait; il ne la rendit que lorsqu'ensuite il fut élu juge.

[264] Voyez Photius, Biblioth. historica, pages 114 et 115.

[265] Cambyse règne 8 ans, dans le Kanon, parce que cette liste, qui n'admet point de fractions, lui donne les 5 mois de Smerdis.

[266] Lib. I, § CXXX.

[267] Ihouïkin, disent leurs annales, fut tiré de prison l'an 37 de sa captivité, première année d'Aouil-Mérodak:or il y avait été jeté l'an 8 de Nabukodonosar; donc, etc.

[268] Kalakène, Gauzanitèz et Kaboras de Ptolémée. Ces deux derniers situés en Mésopotamie, à 50 et 60 lieues de Ninive. Le Kalakène est à l'est du Tigre, sur le Grand-Zab, ou Lycus.

[269] Joseph. Antiq. judaic., lib. XI, n° 2, initio.

[270] Reg. II, chap. 18.

[271] Voyez Josèphe, contre Appion, lib. I.

[272] Histoire des Juifs, partie II, lib. I, in fine.

[273] Le Syncelle, page 502; et ces 10 ans sont aussi la leçon du manuscrit alexandrin, qui ne lit point deux, mais dix.

[274] Vers 277 avant J.-C.

[275] Voyez Prideaux, année 277.

[276] Moses Chorenensis Historia Armeniaca, cap. VII, p. 20.

[277] Les Parthes des Grecs et des Romains ne sont pas autre chose que les Kurdes et les Mèdes ressuscités.

[278] Fréret a voulu douter de ce fait, par la raison que Ninive n'existait plus. Mais outre que le nom de Ninive, à cette époque, est encore mentionné par Tacite et Ptolomée, les Arméniens ont pu en donner le nom à une ville voisine, par exemple à celle que les Arabes ont appelée Moussol: Fréret a douté, parce que ce fait contrariait son hypothèse. Ammien-Marcellin dit positivement (lib. XVIII, cap. VII), «Sapor passe par Ninive, ville immense: (et page 355, il ajoute) dans l'Adiabène est Ninive.»

[279] Il ajoute que ce fut 80 ans avant Nabukodonosar; mais ce calcul, qui est de lui, est erroné.

[280] Il ne cite en aucun endroit le livre de Ktésias, mais seulement Diodore, page 231.

[281] L'initiale Eu est ajoutée comme dans Eu-phrat-es, qui en syrien est seulement pharat.

[282] Mém. de l'Académ. des Inscript., tome XLV, pages 351-361 et suivantes, année 1783.

[283] L'un des généraux de San-Harib est appelé Rabb-Saris, qui signifie littéralement chef des eunuques. Un autre est nommé Rabb-Sakès, ou plutôt Rabb-Shaqeh, chef de ceux qui versent à boire, le grand échanson: phal ou pal pourrait être une altération de bal ou bel. Teglat est le mot Diglit, nom du fleuve Tigris, que Pline nous apprend signifier une flèche, et tout ce qui est rapide..... Ana-baxarès pourrait être aïna-batsar, soleil d'or, ou source d'or. Enfin, l'un des noms de Sardanapale, Thonos-Koun-Kolèros, s'explique en partie, base et soutien (Koûn.) de toute la terre (Kôl arts). Memno lui-même, ce général de Teutam, est un mot pur chaldéen et arabe, signifiant investi de confiance; m'amnou, par emphase m'amnoûn.

[284] Voyez le fragment cité en Diodore.

[285] Mosès, page 59.

[286] Il suffit de lire le chap. 4 avec quelque attention, pour être convaincu de ce fait. Kyrus permet de rebâtir...... on intrigue auprès de lui. L'effet de sa permission demeure suspendu tous les jours de sa vie. Ahshouroush (Cambyse) règne après lui; on lui écrit contre les Juifs dès le début de son règne; il empêche de bâtir. Artah-Shata (Smerdis) lui succède. Les Samaritains écrivent encore. Enfin Darius arrive; les Juifs réclament et obtiennent la permission de bâtir. Prendre Artahshata pour Artaxerce, c'est tout confondre sans motif.

[287] Dictionn. de Castelli, page 28.

[288] Præp. evang., lib. IX.

[289] Valesii excerpta, in-4°, page 427.

[290] C'est la description qu'en fait Athénée, lib. XII.

[291] Gar est un mot persan, qui signifie faiseur, et qui termine tous les noms de métiers. Nous ignorons ce que signifie ag.

[292] Voyez Chronologie de Larcher, article prise de Troie et rois de Lacédémone.

[293] Le règne d'Agis est réduit à un an, quoiqu'il ait été, dit-on, le plus riche en grands événements.

[294] Clemens Alexandr. Strom., lib. I, pag. 402.

[295] Ces noms grecs sont évidemment la traduction des noms, tyriens, ayant le même sens.

[296] Tatian. Orat. ad Grœcos, I, pag. 273, n° 37.

[297] Lib. II, § LIII.

[298] Plutarque, vie de Lycurgue.

[299] Théopompe et Satyrus, historiens spéciaux des rois macédoniens, comptent onze générations, comme Strabo. Velleïus en compte 16; mais Velleïus est un compilateur tardif, peu sûr en chronologie.

[300] Chronologie, art. des rois de Sparte.

[301] La prise, de Troie étant placée à l'an 1022, il s'ensuit que l'anachronisme de Virgile n'est pas de 400 ans, comme le veut le traducteur d'Hérodote, ni de 300 et plus, comme on l'inférerait des autres opinions. Il se réduit à 151 ans: car la fuite de Didon en Afrique étant arrivée 143 ans 8 mois après la fondation du temple de Salomon, selon Josèphe, qui s'autorise des Annales de Tyr (contre Appion, lib. I, n° 17 et 18); et cette fondation répondant à l'an 1015 avant notre ère, il s'ensuit que l'arrivée de Didon en Afrique tombe à l'an 871, tandis que la prise de Troie répond à l'an 1022: différence 151.

[302] Lib. I, cap. 6.

[303] La liste de Mosès de Chorène ne porte pas de nombres; mais nous lui transportons ceux de l'Eusèbe vulgaire.

[304] Moses Chor., pag. 231.

[305] Idem, pag. 51.

[306] Voyez Velleïus, liv. I, chap. VI.

[307] Larcher, Chronologie, page 144, assure que Diodore et Sura comptent 1310 ans, et l'on voit que cela n'est vrai ni pour l'un ni pour l'autre.

[308] Voyez le Syncelle, page 167. A cette occasion, le Syncelle fait une remarque importante sur la manière dont Eusèbe a dressé ses tableaux comparatifs: «Eusèbe, dit-il, en approuvant l'opinion de Castor, qui renferme l'empire assyrien dans une durée de 1280 ans, ne lui en donne pas moins celle de 1300, avec le nombre de 36 rois. Son motif a été de couvrir l'erreur où il s'est laissé induire sur le temps écoulé entre le déluge et Abraham, par divers faux raisonnements, entre autres par l'omission qu'il fait du nom et des années du Caïnan, 13e depuis Adam, selon Luc (st.), etc.»

Ici le Syncelle nous révèle son propre secret et celui de tous les anciens auteurs dits ecclésiastiques, qui, à l'exemple du prêtre Africanus, leur modèle, ont pris pour base de tous leurs calculs la création du monde selon les Juifs, et ont commis la faute ridicule de partir d'un point aérien par lui-même et non fixé dans leur propre système (puisque les textes grec et hébreu diffèrent de plus de 1500 ans), pour descendre, comme en ballon, d'un temps inconnu au connu, quand le plus simple bon sens prescrivait de partir des temps connus et certains, pour remonter, d'échelon en échelon, à ceux qui le sont le moins: dans le cas présent, ayant d'abord adopté sans examen le système de Ktésias, et trouvant que tel nombre d'années plaçait Ninus vers le temps d'Abraham, ces calculateurs mécaniques descendent tête baissée à travers toutes les difficultés, même celles de la période des juges, pour aboutir, sans savoir comment, aux rois de Ninive et de Babylone, cités par les Hébreux. Le Syncelle reproche à Eusèbe d'avoir substitué le nombre 1300 (et cependant notre liste d'Eusèbe porte 1239) aux 1280 de Castor, et lui-même, suivant la trace d'Africanus, a porté à 1460 ans la durée de l'empire assyrien, par l'introduction arbitraire de quatre rois inconnus de tous les anciens. Avec ces inexactitudes et ces infidélités renouvelées à chaque instant, et communes à tous les anciens auteurs ecclésiastiques, l'on ne peut avoir aucune confiance en leurs assertions, et l'on ne doit en avoir qu'une très-circonspecte dans les citations qu'ils nous donnent.

[309] Sync., page 167.

[310] Ita ut vicennalis obiret nullus. Si l'on disait que pas un ne vécut 20 ans, le sens serait absurde, et la succession impossible... Képhalion continue: Que si l'on veut savoir le nombre de ces rois, Ktésias en citera, je crois, 23 noms. (Mais Diodore et Mosès en attestent 30)... Or, environ 640 ans après Ninus, Bélimus s'empara de l'empire des Assyriens... Que si vous comptez 1000 ans depuis Sémiramis jusqu'à Methræus... (Il y a ici une lacune). A Methræus succéda Tautanès, vingt-deuxième roi. (Mais si Ktésias n'a compté que 23 noms, Sardanapale ne saurait suivre Tautanès. Il y a évidemment ici mutilation du texte de la part du Syncelle). Voyez page 167 de sa Chronographie.

[311] Stephanus, de Urbibus, au mot Chaldæi.

[312] Voyez la note ci-devant, page 462 [%%N° page].

[313] Nabopolassarus, pater Nabuchodonosori... Hunc Sardanapalum vocat Polyhistor Alexander, qui ad Astyagem Mediæ satrapam misent et filiam ejus Aroïtem uxorem filio suo Nabuchodonosoro sumpserit. Hic traditis sibi copiis a Sarako Chaldæorum rege præpositus, in Sarakum ipsum, et Ninivem civitatem arma vertit; cujus impetum et adventum veritus Sarakus, incensa regia igne se absumpsit. Imperium vero Chaldæorum et Babylonis collegit Nabopolassarus, pater Nabuchodonosori.

[314] Dans son commentaire sur le chap. 20 d'Isaïe, saint Jérôme remarque que Sargoûn eut sept noms différents, et nous en trouvons sept à Sennacherib; savoir, Anakindarax, Anabachères, Acrazanes ou Acraganes, Épecherès, Ocrapazes et Sargoûn. Cet interprète doit avoir emprunté cette opinion des rabbins, ses maîtres; et il semble les désigner, lorsqu'il ajoute, chap. 36 du même Isaïe: d'autres pensent qu'un seul et même roi d'Assyrie est appelé de plusieurs noms... Ces autres-là avaient raison contre lui dans le passage suivant:

«J'ai lu quelque part, dit-il, que Sennacherib fut le même roi qui prit Samarie: mais cela est faux; car l'Histoire sacrée nous dit qu'un premier roi, Phul, sous Manahem, dévasta les 10 tribus; qu'un second roi, Teglat-phal-asar, sous Phakée, vint à Samarie; qu'un troisième Salmanasar, sous Osée, prit cette ville; qu'un quatrième, Sargon, prit Azot; qu'un cinquième, Asaradon, après avoir déporté Israël, établit des Samaritains pour gardiens de la Judée; et qu'un sixième, Sennacherib, sous Ézéchias, après avoir pris Lachis et toutes les autres villes, assiégea Jérusalem... D'autres pensent qu'un seul et même prince est appelé de plusieurs noms.» Comment, sur Isaïe, chap. 36, tome III, page 286.

Il y a plusieurs fautes dans ce passage. Sargon n'est point nommé dans les Chroniques, mais dans Isaïe, qui écrivit plus de 200 ans avant leur rédaction, et qui, de son côté, ne nomme point Sennacherib. Avant d'en faire deux rois, il eut fallu les discuter. 2° Esdras ou son rédacteur, dit, lib. I, cap. 4, v. 2, qu'Asar-Hadon déporta les tribus; mais la lettre originale des Samaritains, v. 10, dit que ce fut Asnafar; et d'après le témoignage exprès des Chroniques, cet Asnafar fut Salmanasar. Asar-Hadon doit être une interprétation du rédacteur. 3° Sennacherib ne fut pas roi sixième, postérieur à Asaradon; car l'Histoire sacrée dit positivement qu'Asaradon fut son fils le plus jeune. Il y a ici plus que négligence, il y a défaut de jugement et de critique; et tel a été le caractère de tous les écrivains ecclésiastiques: occupés uniquement d'objets qui n'exigeaient que la foi implicite, ils ont ignoré ou rejeté l'art de la discussion et de la critique.

[315] Dans la liste d'Eusèbe, nous avons un Balétorès à l'an 659; ce qui ne diffère pas matériellement: et ce nom babylonien, Bal-atsar, va reparaître dans le Bélitaras d'Agathias, bien clairement Bélésys.

[316] Post Sardanapalum Assyriorum imperium Ninum obtinuisse alii asserunt, e quorum numero prodit Castor, qui hæc verba scribit: Primo quidem ordine reges Assyriorum generis et imperii seriem a Belo ducentes locavimus; quanquam de ejus imperii tempore certa et aperta notitia non constet, nominis equidem agimus memoriam. A Nino quoque Chronographiæ principium duximus, et in Ninum Sardanapali successorem desinimus. Syncelle, page 206.

[317] Ninus primo videtur imperium stabilisse, et post eum Semiramis, ac deinceps omnes horum posteri ad Belum Derketadæ filium. Cumque in hoc Belo Semiramicæ stirpis successio desineret, Belitaras quidam vir insitor et hortorum qui in regia erant curator et magister, imperium sibi mira ratione vindicavit, suoque generi inserit, prout Bion et Alexander Polyhistor memoriæ prodiderunt, donec, Sardanapalo regnante, ut illi scribunt, quum emarcuisset imperium, Arbakes Medus et Belesys Babylonius illud Assyriis eripuerunt interfecto rege, et ad Medos transtulerunt, sex et trecentis jam supra mille et paulo amplius annis elapsis ex quo Ninus primum summam rerum obtinuerat. Ita enim Ktesia Cnidio tempora describenti, Diodorus assentitur. Medi itaque rursum imperium sunt adepti: Agathias, lib. II, page 63.

[318] Quant au motif de cette faute, nous n'en apercevons qu'un seul qui nous semble plausible. Le médecin grec Ktésias, devenu prisonnier des Perses à la bataille de Kounaxa, l'an 401 avant Jésus-Christ, arriva à la cour d'Artaxerces, environ 13 ans après que les Égyptiens se furent révoltés, c'est-à-dire eurent recouvré leur indépendance nationale, ravie 112 ans auparavant, par Cambyse, fils de Kyrus. Le Grand-Roi irrité leur faisait la guerre, mais avec peu de succès. Ses diplomates durent, selon l'usage, donner à cette guerre les motifs les plus légitimes, ou les plus adaptés à l'esprit des peuples. Dans tous les pays, l'antériorité de possession a toujours été considérée comme l'un des droits établissant la propriété. Selon les Égyptiens, leur roi Sésostris avait subjugué la Perse vers l'an 1354 avant notre ère; et quoiqu'il ne l'eût soumise qu'en passant, les Égyptiens pouvaient s'en prévaloir, pour dire que ce n'était pas eux, mais les Perses qui étaient des rebelles. Ce dut donc être une étude, un besoin de la part de ceux-ci, de prouver ou de rendre plausible, que les Assyriens, dont ils se prétendaient les héritiers et les représentants, avaient possédé l'Égypte long-temps avant cette époque; il devenait d'autant moins aisé de les refuter, que cette possession était plus antique. De là le système de falsification qui plaça Ninus à plus de 2000 ans avant notre ère, et qui lui attribua, ainsi qu'à Sémiramis, une étendue de conquêtes qui n'avait pas eu lieu. En attribuant à Ktésias le doublement des Mèdes, nous ne voudrions pas garantir qu'il ne fût l'ouvrage des savants, de la cour d'Artaxerces; mais nous croyons que celui des Assyriens leur appartient exclusivement, et que Ktésias lui-même a été induit en erreur: ce qui rendra croyable et même vraisemblable cette imposture historique de la part des Perses anciens, c'est que dans notre chapitre de Zoroastre, l'on verra l'exemple avoué d'une autre imposture semblable, commise par un roi de Perse, Sasanide, d'accord avec son clergé, relativement à la dynastie des Parthes.

[319] Specimen Historiæ Arabum

[320] Historia imperii vetustissimi Iectanidarum in Arabia felice. In-4°, Harderovici Gueldrorum, 1786.

[321] Le latin observe la même analogie de mots et d'idées car vincere (vaincre) n'est qu'une modification de vincire, lier, vinctus, victus, vinctor, victor. L'historien Hamza déclare que l'étymologie de Saba l'embarrasse; mais, elle est exacte dans l'hébreu, ou sabah (shabah) signifie emmener captif. Ainsi l'antique homérite était analogue à l'hébreu, et nous en verrons un autre exemple dans les noms de Zohák.

[322] Idées sur les relations politiques et commerciales des anciens peuples de l'Afrique, en allemand; par A. H. L. Heeren, professeur de philosophie à Gœttingue, etc., l'un des meilleurs livres historiques publiés de nos jours, dont nous n'avons qu'une traduction bien incomplète publiée en l'an VIII (1800).

[323] Voyez Étienne de Byzance, qui écrit Télané, probablement par l'altération de K en T, ou parce que les Syriens ont prononcé le , tché, comme les Arabes.

[324] Voyez un Mémoire très-approfondi de M. de Sacy, sur la littérature des Arabes et sur les monuments, tome XLVIII des Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, pages 247 et suivantes.

[325] Une maladie grave empêcha l'estimable Niebuhr d'avoir une copie qu'on lui disait prise sur une ancienne inscription; mais la main de qui il l'eût tenue, nous eût laissé des doutes légitimes.

[326] On a cru un instant que M. Grotefend avait eu ce bonheur; mais son explication n'a pas eu de suites, et elle ne devait pas en avoir, car elle est fondée sur deux mots dont nous croyons l'orthographe très-vicieuse. M. Grotefend dit que Darios devait être écrit Darheusch, et Xerces, Khsch-h-er-Sché: il est très-probable que le Xerces des Grecs n'a point eu pour type un mot si compliqué, et qu'il est seulement la double syllabe shir shah qui, en persan moderne, signifie le lion-roi; et tout l'édifice s'écroule. Espérons que les planches d'airain trouvées à Cochin par les missionnaires anglais, et sur lesquelles ont été gravés au 3e ou 4e siècle, en lettres à clous, des privilèges accordés aux juifs ou aux chrétiens, nous donneront une clef plus heureuse. Voyez sur cette matière une savante et judicieuse lettre de M. de Sacy, dans le Magasin encyclopédique, année 8, page 438; et pour les lettres hémiarites, voyez le mémoire du même savant, tome XLVIII de l'Académie des Inscriptions.


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