Récits d'une tante (Vol. 3 de 4): Mémoires de la Comtesse de Boigne, née d'Osmond
CHAPITRE XXI
Abolition de la loi salique en Espagne. — Impression de madame la Dauphine. — Séjour de la Cour de Naples à Paris. — Bal donné par madame la duchesse de Berry. — Bal au Palais-Royal. — Maladie du général de Boigne. — Sa mort. — Incendies en Normandie. — Insurrection à Montauban. — Départ des souverains napolitains. — Modération de madame la Dauphine. — Prise d'Alger. — Ordonnances de Juillet. — Incrédulité, désespoir et fureur du pays.
Le mariage du roi d'Espagne avec la princesse Christine de Naples fut suivi très promptement par la déclaration, désignée sous l'appellation de rappel de la Pragmatique, qui rendait les filles aptes à hériter de la couronne. L'effet de cette mesure fut très vif à notre Cour et nulle part davantage qu'au Palais-Royal.
Madame la duchesse d'Orléans m'en parla avec amertume; elle se trouvait également blessée comme napolitaine et comme française. Je me rappelle qu'elle me dit que cette mesure, si hostile aux autres branches de la maison de Bourbon, avait été regardée comme une offense tellement personnelle par le roi de Naples, son frère, qu'elle avait décidé son départ de Madrid dans les vingt-quatre heures. Cette circonstance m'a toujours fait douter que la reine Christine eût été pour quelque chose dans cette première décision du roi Ferdinand. La mesure, comme tout le monde sait, avait été déjà préparée sous Charles IV.
Quoi qu'il en soit, madame la duchesse d'Orléans me raconta que, la vieille au soir, on avait parlé de cette nouvelle chez madame la Dauphine. Le Roi, monsieur le Dauphin, madame la duchesse de Berry, tous les Orléans, s'étaient prononcés contre cette décision.
Madame la Dauphine seule avait dit: «Oui, je crois bien que c'est une mauvaise chose qui doit déplaire au gouvernement et même à la famille, mais, quant à moi personnellement, je trouve que le roi d'Espagne a raison et que ce qu'il fait est tout simple.»
Madame la Dauphine se serait assez bien accommodée que les filles héritassent des trônes, même de celui de France. Cependant je dois dire qu'elle repoussa avec ridicule et mépris des propositions qui lui arrivèrent de je ne sais quel nid d'intrigants pour l'engager à réclamer la couronne de Navarre.
J'ai quelque souvenir, sans oser l'affirmer, que monsieur de Chateaubriand avait un moment accepté cette idée, croyant par là plaire à madame la duchesse d'Angoulême; je l'appelle ainsi car c'était sous le règne de Louis XVIII.
L'arrivée de la Cour de Naples fut le signal des fêtes. Madame la duchesse de Berry paraissait enchantée de recevoir sa famille chez elle; je ne l'ai jamais vue plus à son avantage que dans cette circonstance. Le Roi son père, auquel la maladie avait donné les apparences d'une caducité prématurée, ne paraissait que le moins possible en public et s'accommodait mieux de l'intérieur plus tranquille de sa sœur, madame la duchesse d'Orléans.
Mais la reine de Naples, toute grosse, toute ronde, tout enluminée, toute prête à se divertir de toutes les façons possibles, mettait à contribution la bonne volonté de madame la duchesse de Berry à la promener dans tout Paris et dans tous les spectacles. C'était ainsi que, de bon accord, nos deux princesses françaises se partageaient l'accueil à faire à leurs parents.
Il y eut spectacle à la Cour; et, pour la première fois, nous vîmes la famille d'Orléans paraître dans la loge royale. Le Roi avait témoigné la veille de la représentation un demi regret que cette loge ne fût pas assez grande pour les y admettre avec les voyageurs, leurs si proches parents.
Monsieur de Glandevès, gouverneur des Tuileries, recueillit ces paroles, fit travailler toute la nuit et le lendemain prévint le Roi que la loge pouvait contenir les princes d'Orléans. Le Roi resta un moment étonné, puis il prit son parti de bonne grâce.
La joie en fut des plus vives au Palais-Royal, et la reconnaissance pour monsieur de Glandevès si sincère que j'en ai constamment retrouvé les traces, même après que les journées de Juillet eurent changé tous les rapports.
Madame la duchesse de Berry donna, dans ses appartements et ceux de ses enfants aux Tuileries, un magnifique bal. Je n'en ai jamais vu de mieux ordonné. Le local forçait à occuper deux étages; mais un escalier, qui n'était pas celui par lequel on arrivait, avait été élégamment décoré; les paliers en étaient transformés en salons confortables, et, les quelques marches qui les séparaient les uns des autres se trouvaient tellement dissimulées sous les tapis et les fleurs que cet escalier fut autant occupé qu'aucune autre pièce et semblait faire partie des appartements.
Malgré la recherche, l'élégance de ce bal où la bonne compagnie se trouvait réunie en nombre immense sans qu'il y eût cohue, malgré la bonne ordonnance et l'air satisfait de la maîtresse de la maison, il régnait dans tous les esprits un instinct d'alarme qui arrêtait la gaîté.
Ce bal fut suivi d'un voyage à Rosny des plus magnifiques. On m'en fit de pompeux récits, mais, n'y ayant pas assisté, je n'ai rien à en dire.
Je voudrais pouvoir passer également sous silence la fête donnée au Palais-Royal, au retour de Rosny, car le souvenir ne m'en est pas agréable. Le roi Charles X ayant consenti à accompagner celui de Naples à ce bal, il semblait naturel que la fête fût pour eux, mais il en arriva tout autrement.
Lorsque j'arrivai au Palais-Royal, les rues étaient tellement encombrées de monde que ce n'était qu'avec beaucoup de peine et à travers les imprécations de la foule que les voitures circulaient. Mon cocher avait dû tourner dans dix rues différentes pour se frayer un chemin. Parvenue enfin à la petite porte de la rue du Lycée, il fallut que les gendarmes, les suisses, etc., fissent une espèce de sortie pour se réunir à mes gens et parvenir à me faire entrer dans le Palais en m'arrachant de la foule.
Dans l'intérieur, la cohue n'était guère moins grande. Tout ce qui avait voulu demander des billets en avait obtenu, et c'était à grand'peine que les aides de camp du prince, réunis à ceux du Roi et aux officiers des gardes du corps, conservaient un espace de quelques pieds autour de la troupe royale. La faire circuler fut longtemps chose impossible.
Je me trouvai lancée par la foule dans cet espace réservé où je n'avais aucune intention de pénétrer, au point de tomber sur le prince de Salerne.
Le duc de Blacas, qui était de service et avec lequel je n'étais pas en trop bons rapports, eut pitié de moi et me prit sous sa protection pendant le passage d'un des flots de cette foule.
J'eus occasion alors d'examiner la physionomie des princes. Le Roi paraissait de bonne humeur, les napolitains étonnés, madame la Dauphine assez mécontente et je le conçois, madame la duchesse d'Orléans fâchée, Mademoiselle embarrassée, monsieur le duc d'Orléans satisfait. Cette satisfaction me déplut, je ne saurais trop dire pourquoi; mais j'avais un sentiment de peur, de chagrin et hâte de m'en aller.
J'étais rentrée chez moi à dix heures; ma mère me voyant arriver de si bonne heure craignit quelque accident. Je lui dis que j'aimais trop les Orléans pour avoir été contente de ma soirée et que, pour la première fois, je ne pouvais me défendre de croire des arrière-pensées à monsieur le duc d'Orléans.
Cette manière de remplir ses salons, fort au delà de ce qu'ils pouvaient contenir, de tous les gens les plus désagréables au Roi pendant qu'il était censé lui donner une fête, et, plus encore, cette illumination de tous les jardins, ce soin de les tenir tous grands ouverts à la multitude, dans un temps où l'impopularité du souverain n'était un secret pour personne, cette affectation à se présenter perpétuellement sur la terrasse pour faire crier: «Vive monsieur le duc d'Orléans», tout cela avait quelque chose de plus que populaire, de populacier, si j'ose le dire, qui me blessait d'autant plus que la circonstance le comportait moins.
Nul n'aurait pu trouver extraordinaire que monsieur le duc d'Orléans, recevant les rois de France et de Naples, s'occupât principalement de ses hôtes royaux. Il y avait donc une sorte de préoccupation politique à transformer cette fête pour des rois en une fête pour le peuple, et cette disposition me peinait.
Au reste, elle porta ses fruits. Cette nuit peut être considérée comme la première émeute de l'année 1830, si fertile en ce genre. La foule, admise sans aucune surveillance dans les jardins et les galeries, finit par s'exalter, sous les conseils de quelques prédicateurs de désordre, et devint tellement turbulente qu'il fallut la faire expulser par la force armée.
Faut-il conclure de là, comme je l'avais exprimé dans ma mauvaise humeur, que monsieur le duc d'Orléans avait des arrière-pensées? Oui et non. Je suis persuadée qu'il n'avait aucun plan de conspiration, mais il soignait ce qu'il appelait sa popularité, et il voulait toujours, selon l'expression de ce pauvre duc de Berry, faire pot à part.
Le lendemain de ce bal, une lettre de Chambéry m'apprit que monsieur de Boigne devenait de plus en plus souffrant et que ses médecins s'en inquiétaient. Je le connaissais trop bien pour hasarder à l'aller trouver sans sa permission. Je lui écrivis sur-le-champ pour demander, sans l'alarmer, à lui faire une visite. Il me fit répondre qu'il venait d'être assez souffrant pour être trop faible pour écrire lui-même, mais qu'il était beaucoup mieux, qu'aussitôt qu'il serait en état de supporter la voiture il se rendrait à des eaux qu'on lui conseillait dans la Tarentaise et qu'il me priait de remettre ma visite à son retour vers la fin de juillet.
Rassurée par cette lettre et celles qui suivirent, mais ne voulant pas aller dans le monde, je m'établis à la campagne dans le commencement de juin. Ce fut là que j'appris que monsieur de Boigne, qu'on disait en pleine convalescence, avait succombé le 21 à une nouvelle attaque d'une maladie dont il était atteint depuis bien des années. Cette dernière crise n'ayant duré que peu d'heures, on assurait qu'il avait été impossible de m'en prévenir. Je dus le croire. Cependant je regrettai de n'avoir pas insisté plus fortement pour me rendre à Chambéry au mois de mai, malgré sa résistance.
Il se passait depuis quelques mois une circonstance bien singulière et qui n'a jamais été expliquée. Nos provinces du nord étaient dévorées d'incendies. Le nombre s'en était tellement multiplié qu'il était impossible de les supposer accidentels et, d'ailleurs, la malveillance se prouvait dans la plupart. La terreur était au comble dans ces pays, et les paysans voyaient partout des incendiaires. Ce fléau gagnait de plus en plus et se rapprochait des environs de Paris. De pauvres bergers, des jeunes filles furent accusés et convaincus du crime d'incendie. Il était évident qu'ils avaient été séduits, fanatisés, mais par qui? C'est ce qu'on n'a jamais pu découvrir. Les partis se sont mutuellement reproché d'avoir employé cette coupable manœuvre pour exalter les esprits. Je ne comprendrais pas dans quel but. Ce qu'il y a de sûr, c'est que les faits étaient vrais et qu'ils n'ont pas été expliqués.
Les élections pour une nouvelle Chambre se faisaient dans un sens de plus en plus hostile au ministère. Les 221, qui avaient voté l'adresse, étaient tous réélus par acclamation, et, dans les autres collèges, les députés sortants étaient en assez grand nombre remplacés par les libéraux.
L'inquiétude commençait à gagner le cabinet et on attendait avec anxiété les nominations successives dont le courrier ou le télégraphe apportait la nouvelle. Lorsqu'il avait appris dans la journée un choix qui lui semblait favorable, le Roi donnait généralement pour mot d'ordre le nom de la ville où l'élection avait eu lieu, en l'accompagnant d'une épithète obligeante.
Le collège de Montauban nomma monsieur de Preissac qui avait voté la fameuse adresse. Mais la canaille de la ville, soulevée par quelques ultras, attaqua les électeurs, poursuivit monsieur de Preissac, força sa maison, insulta sa vieille mère, blessa ceux qui la voulaient défendre et monsieur de Preissac ne dut son salut qu'à la fuite et à la fermeté du duc de La Force qui protégea sa retraite.
Tout le monde fut fort indigné de cette violation brutale de tous les droits constitutionnels. Charles X inventa de donner pour mot d'ordre le nom de la ville de Montauban et ne se refusa pas le sourire de satisfaction. Le duc de Raguse se redressa avec l'air si blessé que le Roi devint fort rouge, balbutia Mont ... Mont ... Montpellier: «Oui, Sire, j'entends, Montpellier», reprit le duc. Ils n'ajoutèrent rien, mais tous deux s'étaient compris; tous deux étaient mécontents l'un de l'autre.
Le duc de Raguse me raconta ce court colloque le soir même. Je trouve que ces petites circonstances dévoilent souvent mieux les hommes que les longs détails de leurs actions.
À mesure que les élections étaient connues, les bruits de coup d'État médités prenaient plus en plus de la consistance. Monsieur le duc d'Orléans s'en était expliqué avec Charles X dans une longue conversation qu'ils avaient eue à Rosny, et le Roi lui assura avec une telle apparence de franchise que rien ne le déciderait à sortir des mesures constitutionnelles qu'il réussit à le tromper.
Malgré toutes les batteries qui se dressaient pour résister légalement à un ministère détesté par le pays, malgré tous les embarras qui en pouvaient surgir, monsieur le duc d'Orléans était persuadé, je le lui ai entendu dire alors et depuis, que la Couronne elle-même ne courait aucun danger tant qu'elle restait dans la lettre de la Charte. La Charte, toute la Charte, rien que la Charte, tel était le vœu du pays et son expression.
La prolongation du séjour des souverains napolitains, établis au palais de l'Élysée, commençait à gêner le Roi. Il voulait quitter Paris pour Saint-Cloud. Madame la Dauphine se chargea de leur demander le jour de leur départ, sous prétexte de fixer celui où elle se mettrait en route pour les eaux. Ils furent très blessés de cette façon de les éconduire, et en nommèrent un assez prochain.
Madame la Dauphine avait une excuse pour cette apparente inhospitalité. Son voyage était annoncé; elle n'aurait pu que difficilement y renoncer, et elle voulait être de retour avant le moment où la réunion des Chambres pouvait être le signal des mesures extrêmes qu'elle combattait seule, mais avec persévérance. Il est étrange, mais pourtant exact, qu'elle avait complètement changé de rôle avec son mari. Plus il était devenu violent et exagéré dans le parti ultra, plus elle, en revanche, était modérée et sage.
Je n'ai pas été suffisamment initiée dans les secrets de cet intérieur pour savoir les motifs de ce revirement de conduite, mais très certainement, à cette époque, madame la Dauphine était contraire à toutes les mesures acerbes et monsieur le Dauphin y poussait. Madame la Dauphine n'avait aucune confiance dans le ministère Polignac; monsieur le Dauphin n'espérait qu'en lui.
La princesse partit, emportant la promesse du Roi qu'aucune décision importante ne serait prise en son absence. Les ordonnances de Juillet ont prouvé comment elle a été tenue.
Mes affaires personnelles m'ayant amenée un matin à Paris, je me trouvai dans les rues au moment où le canon raconta aux habitants la prise d'Alger. Un long cri de joie s'éleva dans toute la ville. Je fus frappée de l'impression générale que je remarquai. J'avais tant entendu tirer ce glorieux canon et avec si peu d'effet sur le citoyen, dans des occasions bien autrement importantes sous l'Empire que je fus très étonnée de la part personnelle prise par tout le monde à ce succès.
Chaque porte ou boutique était remplie des gens de la maison, et les passants s'arrêtaient sans se connaître pour exprimer leur satisfaction. Était-ce la désuétude où était tombé ce genre de bulletin chez nous qui lui donnait plus de prix, ou bien la fatigue des longues guerres de la Révolution et de l'Empire, les sacrifices qu'elles avaient coûtés à presque toutes les familles empêchaient-ils cet airain triomphant de frapper aussi directement sur le timbre de l'orgueil national? Je ne sais. Mais il m'a semblé que la joie pour l'entrée dans Alger a été plus expressive que pour celle dans Vienne ou Berlin. Je ne parle que de mon impression, sans affirmer qu'elle soit exacte.
Le Roi voulut rendre grâce à Dieu du succès de ses armes. Un Te Deum solennel fut chanté à Notre-Dame. Charles X, arrivant dans toute la pompe de la royauté, y fut reçu et harangué par monsieur l'archevêque de Paris. Son discours, fidèlement répété dans le Moniteur, promettait au Roi l'appui de la sainte Vierge pour la croisade qu'il lui prêchait contre les infidèles de l'intérieur aussi bien que contre ceux d'Afrique.
Cet appel du parti prêtre au parti ultra eut un long et fatal retentissement et acheva d'exaspérer les esprits. Les paroles du prélat doivent être comptées au nombre des circonstances qui ont le plus immédiatement provoqué la résistance au gouvernement de Charles X.
L'événement du succès d'Alger, l'espoir d'exploiter la satisfaction que le pays en avait ressenti, peut-être aussi le désir de profiter de l'absence de madame la Dauphine qui annonçait son retour décidèrent le conseil à signer ces historiques ordonnances que les directeurs occultes du Roi réclamaient depuis longtemps et que Charles X souhaitait de toute sa persévérante obstination. C'est bien de lui qu'on a pu dire avec vérité: «Il n'a rien appris, il n'a rien oublié.»
On m'a raconté qu'au dernier conseil, tenu le dimanche, ces fatals papiers, dont la teneur avait été discutée et convenue le mercredi précédent, se trouvèrent sur la table; mais, au moment de les signer, toutes les mains semblèrent se paralyser. Le nom du Roi y était apposé; il s'impatientait des hésitations et sortit du cabinet. Alors monsieur de Polignac, qui a toujours plus de cœur que de cervelle pour savoir le conduire, prit la plume et mit le nom de Polignac sous celui de Charles: «Maintenant, messieurs, dit-il, la signature du Roi est légalisée; la vôtre n'est plus nécessaire, vous signerez si vous voulez. Pour moi, je ne crains pas la responsabilité de mes actes.» Tous signèrent à l'envi.
Malgré le secret dont on entourait cette déplorable décision, il en perçait assez pour provoquer une sérieuse inquiétude. Toutefois, on voyait une telle incurie dans les gens chargés des affaires publiques que les indiscrétions des ultras et des amis du Roi n'éveillaient pas suffisamment l'attention. Cependant plusieurs prêtres avaient parlé, même en chaire, de l'abaissement prochain de l'impie.
Les jésuites se montraient plus exultants que jamais. Le conseil de conscience du Roi ne cachait pas sa satisfaction, et enfin monsieur Rubichon avait révélé à monsieur Greffuhle le texte même des ordonnances sans réussir à le persuader. Cela paraissait si extravagant que l'on n'y pouvait croire, d'autant que rien n'annonçait des mesures prises pour soutenir la révolution qu'on méditait dans le gouvernement du pays.
Monsieur de Rothschild, banquier de l'État et se croyant très avant dans la confiance du gouvernement, alla le dimanche même demander à monsieur de Peyronnet ce qu'il fallait penser des bruits qui circulaient. Le ministre lui exprima son étonnement qu'un homme aussi sage y pût accorder la moindre importance; la malveillance seule, selon lui, pouvait les répandre: «Du reste, ajouta-t-il, voulez-vous une preuve matérielle de leur fausseté? Tenez, regardez.»
Il lui montra son bureau couvert des lettres closes qu'il signait pour convoquer les députés à la séance royale de l'ouverture de la session. La plupart, en effet, furent expédiées pas le courrier de ce jour.
Monsieur de Peyronnet, en quittant monsieur de Rothschild, se rendit à Saint-Cloud où l'on signait les ordonnances; et monsieur de Rothschild alla dîner à la campagne chez madame Thuret où se trouvait invité tout le corps diplomatique.
La visite qu'il avait faite au ministre de l'intérieur et les lettres closes, vues sur son bureau, firent la nouvelle de ce dîner et rassurèrent les esprits. Quelques-uns des convives s'arrêtèrent chez moi au retour, et me racontèrent ce qu'ils y avaient appris.
Le Moniteur du lendemain contenait les ordonnances. Monsieur de Rothschild ne fut pas le seul trompé. Monsieur de Champagny, sous-secrétaire d'État de la guerre et dirigeant le ministère en l'absence de monsieur de Bourmont, était à la campagne; il ne reçut le Moniteur que le mardi soir et ne put arriver à Paris que le mercredi. Aussi monsieur le Dauphin disait-il, en se frottant les mains: «Le secret a été si bien gardé que Champagny ne l'a su que par le Moniteur.» Le duc de Raguse, destiné in petto à soutenir ces insoutenables mesures, avait été tenu dans la même ignorance.
Monsieur de Polignac s'était surpassé dans la profonde incapacité qu'il avait déployée dans toute cette circonstance. Presque tous les chefs de la garde royale étaient absents par congé, aussi bien que les autorités militaires de la ville de Paris; et trois des régiments de la garde avaient été envoyés en Normandie, à l'occasion des troubles excités par les incendies dont j'ai fait mention.
Rien, en un mot, n'avait été prévu, ni préparé; et on se jetait dans ces témérités sans précaution comme sans effroi. Le fait est que, dans leurs étroits cerveaux et ne vivant que sous l'influence de leur propre parti, ni le Roi, ni son ministère n'avaient prévu d'obstacles; et ils ne s'étaient point armés pour une lutte qu'ils ne croyaient pas avoir à redouter. C'est l'explication et peut-être l'excuse de leur conduite. Ils pensaient répondre par les mesures qu'ils adaptaient aux intérêts moraux de la France et se flattaient d'être soutenus, dans cette pieuse entreprise, par une assez grande partie du pays pour que la poignée de factieux qui s'y opposeraient n'osât pas témoigner son ressentiment.
Hélas! il s'est trouvé que c'était la nation toute entière. Je dis toute entière, car, dans les premiers temps, aucune voix, pas même au milieu de ceux qui ont suivi Charles X jusqu'à Cherbourg, n'a osé s'élever pour justifier les démarches qui l'avaient précipité dans cet abîme, et jamais souverain n'est tombé devant un assentiment plus unanime.
APPENDICES
QUELQUES CORRESPONDANTS DE MADAME DE BOIGNE
I
La reine Marie-Amélie.
Twickenham, ce 16 janvier 1817.
Ma chère Adèle, Vous avez été bien aimable de Vous rappeller de moi en m'envoyant un échantillon de votre charmant ouvrage. Nous avons tous admiré le gout, la patience et l'excellence de l'aimable ouvrière, je n'espère pas de pouvoir Vous imiter, mais, avec un si bon modèle sous les yeux, je travailleré avec plus d'ardeur, et mon ouvrage me deviendra doublement agréable en pensant à Vous. Vos dignes Parens ont donné une charmante petite soirée à mes enfans et ceux-ci n'appellent plus Mme d'Osque notre amie. J'espère que Vous serez entièrement quitte du rhûme que vous avez souffert; nous parlons bien souvent de vous avec vos Parens, car je vois bien que c'est la conversation qui leur fait plus de plaisir, et à moi de même. Ma sœur et mon mari me chargent de tous leurs complimens pour Vous et, en Vous embrassant avec toute l'amitié, je suis
Votre bien affectionnée
Marie-Amélie.
Samedi 20 mars 1819.
Ma chère Adèle, Vous avez rendu bien justice à mon cœur en m'apprenant que votre pauvre mère est arrivée heureusement à Paris; j'espère que le repos, la tranquillité et le bonheur de se voir entourée de ses enfans la remettront aussi parfaitement que je le lui souhaite. Dès que ma sœur sera rentrée, je lui donnerai votre billet et je suis sûre d'avance du plaisir qu'elle et mon mari éprouveront en apprenant l'arivée de vos dignes parens, car nous partagions vivement vos inquiétudes à ce sujet. Remerciez bien votre mère du paquet dont elle a bien voulû se charger pour moi, exprimez-lui bien tout l'intérêt que je prends à sa santé et dites-lui mille amitiés tant à Elle qu'à Mr d'Osmond de la part du trio qui est toujours le même. Je partage sincèrement votre joie, ma chère Adèle, et je suis de tout mon cœur en vous embrassant tendrement.
Votre bien affectionnée
Marie Amélie.
Thuileries, ce 29 juillet 1833.
J'étois bien sûre, ma chère amie, que vous prendriez une part bien vive à mes joies de Grand-Mère; vous avez toujours si bien compris et partagé tous mes sentimens. J'ai trouvé votre si aimable lettre ici en sortant de voiture, j'aurois voulu pouvoir vous en remercier tout de suite, mais la fatigue que j'éprouvois avant hier au soir et l'emploi de toute la journée d'hier ne m'en ont pas laissé le temps. J'ai laissé Louise à merveille assise dans son lit, et ayant à ses côtés son joli enfant qu'elle aime déjà beaucoup, et pour lequel j'éprouve tous les sentiments de Grand-Mère; la santé de Louise ne me donnant aucune inquiétude, je tenois beaucoup à me trouver dans ces journées au poste où mon cœur et mon devoir m'appelloient; je suis arrivée avec Clémentine, Marie ayant préféré de rester auprès de sa sœur; je compte partir après demain soir pour aller l'y rejoindre et rester encore quelques jours à soigner Louise. Les journées ici se sont très bien passées, celle de hier a été des plus brillantes; les plaisirs se sont succédés sans discontinuer pendant plus de douze heures, le calme et la tranquillité ont été parfaits et si, pendant la Revue, quelque cri inconvénant s'est fait entendre, il a été étouffé par les acclamations avec lesquelles on a salué le Roi; ces acclamations se sont rénouvellées encore avec plus d'ardeur et d'affection dans la tournée qu'il vient de faire ce matin et aucun autre cri s'y est mêlé. Je suis bien peiné des inquiétudes que vous éprouvés pour la santé de votre père et je sais combien vos tendres soins lui sont nécessaires. Veuillez bien lui dire mille choses de ma part et recevoir Vous même l'assurance de toute mon ancienne et constante amitié.
Votre bien affectionnée
Marie Amélie.
Laeken, ce 5 août 1833.
Il m'a été impossible, ma chère Amie, de trouver un moment avant celui-ci pour Vous remercier de votre lettre du 31 et des intéressants détails que vous m'avez donnés et que j'ai communiqués seulement au Roi. J'espère qu'à votre retour à Châtenay Vous aurés trouvé M. d'Osmond bien, je vous prie de lui dire bien des choses de ma part. J'ai trouvé mon accouchée et son joli enfant à merveille; il sera baptisé solennellement jeudi prochain, et je repartirai samedi pour retrouver mes pénates où je me retrouve toujours avec tant de plaisir; en attendant, je Vous embrasse avec toute l'amitié qui est d'ancienne date.
Brusselles, ce 21 avril 1835.
Ma sœur m'a appris le cruel malheur que Vous avez éprouvé, ma chère amie, et je ne veux pas tarder un moment à Vous exprimer toute la part que j'y prends. Perdre l'objet de tant de soins et d'affections et le perdre d'une manière si affreuse c'est bien déchirant pour un cœur comme le votre, et le mien, qui Vous est bien attaché, s'associe à vos peines. Je ne Vous en dirai pas davantage; je vous plains avec tout le sentiment de la plus sincère amitié.
Votre bien affectionnée
Marie-Amélie.
Je m'empresse, ma Chère Comtesse, de rectifier une erreur involontaire que j'ai commise hier. Il n'est que trop vrai que M. Cholet, chef d'escadron du 6me dragons, brave officier, a péri aux journées de juin 1832, et qu'alors j'ai vû sa veuve et que je me suis intéressée à son sort, il n'y a que le Cousin que je ne puis vérifier. J'ai encore parlé au Roi des deux protégés du Gl Pozzo et il m'a chargée de lui remettre de nouveau des petites notes à leur sujet pour pouvoir les rappeler à ses Ministres; si cela n'a pas encore été fait, ce n'est pas faute de bonne volonté du Roi qui serait charmé de faire quelque chose d'agréable au Général. Adieu, ma Chère, Vous conoissez mon ancienne et bien sincère amitié pour Vous.
Lausanne, ce 10 8bre 1852.
Ma chère Amie, en arrivant ici j'apprends l'affreux malheur qui est arrivé à votre neveu, je sens combien cela doit être douloureux pour Vous et c'est un besoin pour mon cœur de vous exprimer combien je partage votre peine, combien je plains ses pauvres parens. J'ai trouvé Hélène en pleine voie de convalescence et remise de son accident. Je n'ai que le temps de Vous renouveller l'assurance de toute mon amitié.
Ramsgate, ce 7 août 1853.
Ma Chère Comtesse, j'apprends à l'instant le malheur qui vient de Vous frapper et je m'empresse de Vous exprimer la part que j'y prends, je m'associe à votre douleur; il est si cruel de perdre une sœur et une Amie; combien je vous plains; combien je plains votre pauvre frère, ses Enfans, et les pauvres que votre Belle sœur secourait avec tant de zèle et de charité. Elle en retrouvera la récompense dans le ciel. Je me suis fiée à l'aimable complaisance de notre commune Amie, la bonne Mme Mollien, pour vous donner de mes nouvelles et de celles de tout ce qui m'est si cher, mais je n'ai pas voulu lui céder la plume dans un moment ou Vous étiés malheureuse et ou je tenois à Vous exprimer moi même tout ce que mon cœur sentoit pour Vous; je forme des vœux pour que cette secousse n'aie pas causé un nouvel ébranlement à votre chère santé. Je veux, en même temps, Vous remercier de vos deux chères lettres du 21 avril et 5 juin; si je ne réponds pas aussi tôt que je le voudrois, je vous assure pourtant qu'elles me font bien plaisir, prenant le plus vif intérêt à ce qui vous concerne et rien ne pouvant altérer mon ancienne amitié pour Vous. J'espère que la santé du respectable Chancelier se conserve bien, parlez lui de moi, il connait mes sentimens pour lui; j'ai été bien peinée du malheur que ses Enfans ont encore éprouvé. Je suis venue passer quelques jours ici avec Aumale et sa famille qui y sont depuis six semaines; Hélène et ses Enfans sont venus me rejoindre; j'ai de bonnes nouvelles de tous mes chers Absens, et je me dispose à aller passer l'hiver à Seville, si les circonstances le permettent; je vous remercie de tout ce que vous me dites au sujet du mariage de mon petit fils, tout me fait espérer qu'il sera heureux, quoique je le trouve trop jeune. Adieu, ma chère Amie, comptez toujours sur toute l'amitié de votre bien affectionnée
M. A.
Nervi, ce 16 février 1856.
Ma Chère Comtesse, j'ai prié notre commune Amie, la bonne Mme Mollien, d'être mon interprète auprès de Vous, ma santé ne me permettant pas de Vous écrire comme je l'aurois désiré depuis longtemps; mais, à présent, que, graces à un retour de beau temps, mes forces reviennent journellement, je ne veux plus tarder à Vous remercier de votre lettre du 3 de ce mois, des bons vœux qu'elle contient, et à Vous offrir ceux que je forme pour votre conservation et pour votre bonheur. J'ai vû avec peine que la santé du Chancelier vous avoit donné des inquiétudes, heureusement j'ai appris depuis qu'il étoit parfaitement rétabli, j'espère qu'il ne doute pas du vif et constant intérêt que je lui porte. J'ai bien pensé au chagrin que vous avoit causé la mort de M. Molé, il est si triste de voir ainsi finir les uns après les autres des anciens amis qu'on ne retrouve plus. Nemours et sa femme me chargent de Vous remercier de votre bon souvenir et de Vous dire bien des choses de leur part, ils me soignent avec une constante tendresse. Quant à Clémentine; elle est retournée chez Elle depuis le mois de Xbre; et Elle a eu son fils ainé avec une fièvre typhoïde qui l'a fort inquiétée; il en est à présent entièrement rétabli. Adieu, ma Chère Amie, comptez sur tous les anciens et constants sentimens pour Vous de la vieille solitaire, de
Votre bien affectionnée
Marie Amélie.
II
Madame Adélaïde d'Orléans.
Saint Cloud, jeudi 12 mai 1831.
C'est du fond de mon âme ma chère, que je vous plains et que je partage vos regrets, je sais que vous souffrez doublement et de votre douleur et de celle de votre malheureux père, dites lui combien nous sommes occupés de lui, soyez notre bonne interprète auprès de lui, je vous en prie; j'avais besoin de vous exprimer ce que mon cœur sent pour vous dans cette cruelle circonstance et combien il vous comprend; je vous embrasse tendrement
L. Adélaïde L. D'Orléans.
P. S. Faites moi donner de vos nouvelles et de celles de votre pauvre père. Le Roi, la Reine me chargent d'être leur interprète auprès de vous et de lui, c'est au nom de tous.
(Les lignes suivantes sont de la main de la reine Marie-Amélie.)
C'est de tout mon cœur que je m'unis à ma sœur pour vous dire combien je suis occupée de vous et de votre père, combien je vous plains et combien je partage tous vos regrets; vous connaissez mon ancienne amitié pour vous.
St Cloud, 15 juillet 1831.
Je suis bien fâchée de vous avoir manquée hier, ma chère comtesse, nous étions à Paris; je crois, et j'espère que la journée d'hier déconcertera un peu tous les mauvais sujets et les agitateurs de tous les partis par l'indignation que le peuple et les ouvriers ont manifestée aux acteurs de ces coupables tentatives. Je vous remercie beaucoup de votre intéressante lettre, et de l'extrait curieux qu'elle contenait; je regrette que ce soit encore votre projet de venir dimanche, car je ne pourai en profiter; nous allons passer la matinée à Paris, mais j'espère et je vous demande de m'en dédomager un autre jour. Bonjour, ma chère comtesse, vous connaissez tous mes sentimens pour vous, c'est de tout mon cœur que je vous en renouvelle l'expression; soyez, je vous en prie, ma bonne interprète auprès de votre excellent père.
L. Adélaïde L. D'Orléans.
Neuilly, 24 juillet 1833.
Ma chère comtesse, nous sommes bienheureux, nous venons de recevoir la délicieuse nouvelle que notre chère Louise est heureusement accouchée ce matin après deux heures de souffrances d'un beau garçon, elle et son enfant sont aussi bien que possible. Je sais combien vous partagerez notre joie ainsi que votre excellent père. Je vous embrasse bien contente.
III
M. de Chateaubriand.
Paris, 31 juillet 1830.
Sorti hier pour aller vous voir, j'ai été reconnu dans les rues, trainé et porté en triomphe, bien malgré moi, et ramené à la chambre des pairs où il y avoit réunion. Aujourd'hui, je suis si découragé par ma gloire que je n'ose plus sortir; je vais entrer dans une carrière périlleuse où je me trouverai presque seul, mais où je me ferai tuer, s'il le faut. Je veux rester fidèle à mes serments, même envers des parjures. Quel malheur d'être si loin de Vous! point de voiture, aucun moyen de communication.
Mille hommages, Madame, je tâcherai de saisir quelque occasion pour aller jusques dans la rue d'Anjou. La nuit seroit le bon moment, mais je ne puis à cause des frayeurs de Mde de Ch., des malades et des réfugiés qui m'ont demandé l'hospitalité. Mde R. n'est pas revenue, je m'attende à la voir arriver à chaque instant.
Paris, le 13 mai 1831.
Je me suis présenté à votre porte pour deux bien tristes raisons. Croyez, Madame, à toute la part que je prends à Votre douleur ainsi qu'à celle de Monsieur d'Osmond. Je vais quitter la France, je ne sais si je vous reverrai jamais. Si vous voulez bien me conserver, un souvenir, j'en serai plein de reconnoissance.
Recevez, Madame, je vous prie, avec mes adieux, l'hommage empressé de mon respect.
Chateaubriand.
IV
Le Baron Séguier,
consul général de France à Londres.
Londres, le 13 août 1830.
Madame,
Quoique très affairé et non moins souffrant, je ne veux pas laisser passer ce courrier sans vous accuser au moins réception de votre lettre du cinq du courant, et de l'incluse que je n'ai pu encore remettre, mais que je remettrai s'il y a lieu.
La manière dont vous parlez de notre nouvel état de choses m'a fait grand plaisir, car elle prouve qu'il se confirme, et c'est la confiance en nous même, avec l'union, qui peut achever de nous sauver. On est ici dans l'admiration de nous; les papiers anglais ne sont pleins que d'amendes honorables sur notre mauvaise réputation passée; nous ne sommes plus bons à faire seulement des danseurs et des perruquiers, nous sommes ce qu'il y a de mieux dans le monde après les Anglais. Tous ces nouveaux éloges semblent donnés de bonne foi, et, si nous continuons à les mériter, une noble estime peut se former entre les deux peuples; nous marcherions alors unis, hand in hand, et le bonheur avec la liberté de l'Europe seraient assurés.
Pouvez vous lire ce griffonage! ma main me refuse le service.
Adieu, Madame, présentez l'hommage de mon dévouement à votre famille et ne doutez jamais de mon aussi réel que respectueux attachement
bon Séguier.
V
Adrien de Montmorency, duc de Laval.
Monsures, 5 Sepbre.
Ma vieille amitié se sent très touchée, très émue des expressions singulièrement tendres et pénétrantes que je viens de lire dans votre lettre du 2. Vous accordez beaucoup d'intérêt et de pitié, à mes nouvelles douleurs. Cet excès de malheur, qui comble la mesures de mes misère, a remué en vous les souvenirs de notre intimité passée. Vous m'adressez de doux reproches que je suis très loin de mal recevoir.
Mais pourquoi ai-je été blessé? c'est, pour ne rien dissimuler, que, depuis quelques années, notre amitié déjà si vieille, et si intime s'étoit encore resserrée par une confiance sans bornes de ma part. C'est que je vous aimois comme une sœur de mon choix; c'est que je trouvois en vous, ma chère Adèle, une amie douée de raison, de jugement, de dévouement avec un charme infini dans le commerce de la vie; il y avoit alors sympathie en toutes choses, en toutes circonstances, entre vous, et moi. Nous étions alors amis dans toute la perfection de ce sentiment.
Ainsi que nos parens nous avoient donné l'exemple de cette union inaltérable, cette seconde génération d'amis me sembloit réunir à la fois ce qu'il y avoit de plus solide, de plus doux et de plus honorable pour le cœur.
Qui donc a changé et bouleversé cet état de choses? qui a formé de nouvelles amitiés, de nouveaux liens, qui a repoussé nos vieux souvenirs? ce n'est pas moi. Vous avez raison lorsque vous dites qu'il ne faut pas rompre les vieilles liaisons pour en chercher de nouvelles; personne plus que moi n'est pénétré de ces puissantes admirables expressions de Shakespeare
«those friends thou hast, and their adoption tried
grapple them to thy soul with hooks of steel.»
Je veux répondre à votre procédé avec tendresse, et sans récrimination; j'irai vous voir incessament; s'il ne s'agissoit que de vous aimer comme une ancienne connoissance, de m'en tenir à l'agrément de votre esprit, à la distraction d'une des maisons les plus agréables qui existent encore à Paris, ce seroit déjà fait, ou plutôt, je ne vous aurois témoigné aucun dissentiment. Vous n'avez à vous plaindre de mes froideurs que parce que vous étiez placée beaucoup plus intimement dans mon affection, dans mon estime, dans ma confiance; encore une fois, je le répète, j'irai vous voir à ma 1re course au val, je vous serrerai la main comme autrefois, et nous essayerons tous deux de fermer cette playe et de guérir cette profonde blessure.
Je retourne demain pour quelques jours à la r. de l'université; et bien loyalement je vous déclare, ma chère adèle, que j'ai été bien sensible à la lettre [que] je réponds.
Je remets à Mad. Recamier ce mot pour vous, je pars pour Genève, et vous savez les consolations que j'y vais chercher: ne seroit-ce que ce secret, en commun avec moi, notre amitié seroit éternelle, et à l'abri des révolutions; la France, le pauvre pays pourroit être bouleversée dans ses entrailles que notre vieille amitié fraternelle n'en pourroit être altérée, n'importe la différence de nos couleurs.
Ainsi pardonnez moi ma solitude, et jurez moi amitié; c'est un serment qui ne sera changé, ni violé par moi.
Adrien.
Samedi 28.
Écrivez à M. Louis Bellanger, poste restante à Genève.
Avant hier soir à 11 h. 1/2 lorsque je lisois quelques pages angloises de Walter-Scott pour endormir mes chagrins sans y réussir, est entré dans ma chambre un ambassadeur poudré, de la meilleure compagnie, de doctrine pas si bonne à mon sens, mais si agréable dans les manières et si amical dans les souvenirs, que j'ai joui beaucoup de cette visite inattendue.
Vous pénétrez que c'est d'un de vos amis, ou au moins d'une de vos connoissances que je veux parler; il alloit en toute diligence là où je l'avois accueilli, il y a cinq ans, avec sa femme et sa famille.
Depuis mon départ de Paris, je n'avois rencontré si bonne, intéressante, instructive conversation; cet entretien a éclairci, a raffraichi toutes mes idées sur des sujets, des complications bien confuses pour ma pauvre ignorance.
Il est reparti immédiatement en toute diligence pour sa destination.
Il me parait évident que vous êtes trop loyal dans votre cabinet pour ne pas vouloir de guerre, pour en rejetter les horreurs et les chances, à quelque prix que ce soit, pourvû que vous soyez les Maîtres, ce qui peut n'arriver pas; il est permis de s'en inquiéter.
Vous étiez bien aimable, amical dans votre dniére lettre. Vous vouliez me consoler de choses inconsolables; ce qui n'est pas dans la puissance humaine. Vous reverrais-je dans quelques semaines, quelques mois? Je ne le sais. Toujours, et dès ma jeunesse, j'ai eu horreur des injures et des outrages qui ne peuvent se venger avec l'aide d'un seul bras; me garantirez vous le repos dans la dignité? dans toute l'Europe, je puis voyager. Mon nom, j'ose le dire, est un noble passeport, ma conduite une bonne lettre de recommandation; avec ces deux choses, je puis aller, séjourner dans toutes les monarchies de tous les tempéramens, comme dans les 22 républiques de la Suisse; je trouve ma place au 1er rang de la société, à Genève, comme à Londres, Vienne, Rome, etc. Chez nous, il n'y a rien de cela; ce nom et cette conduite, c'est un soupçon, c'est une surveillance, une perquisition.
Dieu m'est témoin que les nobles inconvéniens, les dangers, je ne les appréhende pas.
En vérité, je ne sais si ce n'est pas une inconvenance, un mal-à-propos de causer ainsi tout haut, et de vous importuner de mes irrésolutions; quoiqu'il en soit, c'est la franchise de l'amitié; et la mienne est de si vieille date et de si bonne trempe que vous n'avez jamais pû recueillir un plus sincère hommage.
Je m'étonne que notre amie Juliette ne m'envoie jamais un souvenir; je m'en sens plus humilié que blessé, puisqu'enfin j'étois le plus ancien de ses amis; j'ai souvenance d'une petite lettre sans réponse au commencement de l'année.
Mille complimens à Poz...; j'avais vû son neveu à Florence, aimé et goûté dans la meilleure compagnie.
25 mai, Milan [1831]
Une lettre du 17 que je reçois à l'instant de Caroline m'informe de l'objet d'une course qu'elle fesoit à Paris pour donner à votre pauvre père un témoignage de son intérêt à sa profonde douleur. Cette douleur, ma chère amie, est également la vôtre; et qui sait mieux que moi en mesurer l'étendue, et apprécier tout ce qu'elle renferme d'amertume! une mère dont jamais vous ne vous étiez séparée; la famille la plus unie, la plus dévouée, la plus intimement dévouée les uns envers les autres qui exista jamais! je connois donc tout ce que vous devez souffrir, tout le poids de cette insupportable douleur, tout ce que le ciel a réservé de chagrins pour les vieux jours de votre si bon et si vénérable père. Veuillez lui offrir les intimes hommages de ma vieille amitié héréditaire; je sens pour lui ce que sentiroit mon angélique Mère, si elle étoit encore sur cette terre; dans toutes les circonstances qui nous brisent le cœur, nous devons les partager; nous aimer beaucoup enfin, par la raison que les sentimens prennent une double force lorsqu'ils sont transmis de génération en génération.
Voilà, ma très chère Adèle, l'expression des 1ers mouvements que produit dans mon âme si ouverte à toutes les émotions douloureuses la lettre de Caroline. Veuillez, je vous en conjure, vous en pénétrer, et offrir aussi à votre frère les assurances de toute ma sensibilité.
Le 4 de ce mois, je vous répondois, et je vous disois les alarmes que me causoit la poitrine de mon petit compagnon. C'est cette cruelle maladie qui nous retient ici depuis 5 semaines; il est en convalescence à présent; le médecin très habile se flatte que la playe au poumon est cicatrisée; nous espérons pouvoir nous mettre en route dans une 12aine de jours. Nous voyagerons lentement avec les plus excessives précautions; nous irons d'abord séjourner à Lausanne; c'est là que je vous demande une réponse; vous ne la refuserez pas à une vieille amitié qui sympathise si étroitement avec vos chagrins. À Lausanne, je prendrai mes dernières résolutions, c. à. d. des résolutions pour quelques semaines, quelques mois; ce n'est pas la moindre des peines que de vivre toujours dans le doute, et d'user sa vie dans l'incertitude du lendemain.
Les papiers fois annoncent que leur héros est parti pour Genève. Je n'apprends pas que Juliette ait encore prit ce parti. Mais quel est l'établissement que va former son ami? et de qui le compose-t-il? son génie et sa femme ne lui suffisent pas. C'est sans doute à la campagne qu'il va le poser, on m'avoit parlé de Coppet; cela n'appartient-il pas à la veuve d'Auguste?
J'ai vu des arrivans de Vienne qui disent des merveilles de votre ami Marm., de ses habitudes avec un jeune homme de 20 ans, et de ses intimités avec un ministre de Po. Il y a là dedans plus de diplomatie que d'affection.
Adieu, chère et malheureuse amie; quelque soit votre sort et le mien, je ne cesserai de vous aimer de la tendresse la plus fraternelle.
VI
M. Thiers
Madame,
Je vous demande pardon de ne pas avoir répondu plutôt à votre aimable lettre; quand vous recevez ma réponse, vos vœux seront ou déçus ou accomplis.
Vous savez que j'ai toujours le plus grand penchant à faire ce qui vous est agréable, et à me conserver votre amitié; permettez-moi de ne pas vous en dire davantage aujourd'hui, et de faire ce que je n'ai jamais fait, c'est à dire le mystérieux.
En attendant que j'aie le plaisir de vous voir, agréez, madame, l'hommage de mon respect et de mon attachement.
A. Thiers
Jeudi 14.
Madame,
Je suis tout disposé à prendre votre femme de chambre, mais à une condition c'est que vous ne l'avertirez que lorsque je vous donnerai le signal; alors je vous prie de l'envoyer prendre, de me la faire arriver sur le champ, sans aucune explication préalable. Quant à moi, je la mettrai en voiture et la ferai partir sans qu'elle ait pu voir toute la nation Carliste et prendre leurs ordres, leurs instructions, et surtout leur télegraphie. Je vous demande pardon de ces précautions, mais, depuis que ma fatale destinée a fait de moi un chef d'assassins, Elle en a fait aussi un geolier, et je suis obligé à mille manœuvres révoltantes.
Adieu, madame, croyez-moi l'un de vos amis les plus respectueux et les plus dévoués
A. Thiers
Samedi matin 24.
Madame,
Vous auriez grand tort de croire que je vous ai oubliée, car ce serait me supposer ingrat. Je ne le suis pas, je vous assure, et je songe toujours avec une reconnaissance bien sentie à la bienveillance que vous m'avez témoignée. Ce n'est pas chose si commune que la bienveillance pour la si mal accueillir. Mille affaires, mille soucis m'ont toujours empêché d'aller vous présenter mes hommages. Je n'ose même plus en former le projet, tant j'acquiers l'expérience de l'instabilité de nos pauvres projets à nous, gens tourmentés. Je saisirai la première occasion de votre passage à Paris pour aller vous demander ma grâce. En attendant, je ne manquerai pas d'attacher un grand prix à votre recommandation en faveur de M. de Chateaugiron. Je le sais homme de mérite et d'expérience et propre à bien administrer. J'ai beaucoup et beaucoup de candidats, mais je vous promets de placer celui-ci en bon rang.
Croyez, Madame, à mon respectueux et sincère attachement.
A. Thiers
11 septembre 1834.
VII
M. Hyde de Neuville
de la préfecture de police, 18 juin 1832.
Je vous remercie mille fois, Madame; je reconnais, à votre obligeante lettre adressée à Madame de Neuville, votre bienveillante amitié pour moi, vous savez tout le prix que j'y attache et combien je vous suis dévoué; quand même, je viens vous demander un service, c'est, quelque traitement qu'on me fasse éprouver, de ne rien demander pour moi à un gouvernement dont je n'accepterais aucune faveur ... je ne le crains point, je ne l'aime point et, après ce qui vient de se passer, vous pouvez concevoir aisément tous les sentimens que je lui voue. Il n'a rien contre moi, il le sait; il sait plus, il sait qu'il ne peut rien avoir contre moi car il n'y a pas une de mes actions qui ne puisse être produite au plus grand jour, mais il a voulu justifier des mesures odieuses, arbitraires, et il s'est empressé de profiter d'une accusation absurde, qui part d'un courtisan du pouvoir ou d'un sot, pour mettre en avant des noms que la France connait et qu'à juste titre elle estime. C'est à nous maintenant à demander compte de l'accusation. Pour moi, j'étais très éloigné de croire qu'il fut utile de conspirer contre un gouvernement qui sait si bien se suicider et travailler à sa ruine; je disais à tous, laissez faire et je suivais cette règle avec autant de modération que de patience; je mettais quelque dignité, après m'être retiré des affaires en homme de cœur, à garder le silence, et à attendre tout, du tems, de la raison publique, de la force des choses, ... mais, enfin, on me déclare la guerre; je l'accepte et j'espère que toute la France sera pour moi. Un ilote est encore bien fort quand il a du sang français dans les veines, du courage et l'amour le plus sincère du pays et de ses libertés, enfin quand il peut publier tous ses actes et afficher tous ses écrits.
Voici la lettre que je reçois à l'instant d'un homme de beaucoup de talent dont les opinions ne sont pas les miennes.
«Votre arrestation m'a causé autant de douleur que de surprise; je suis moi-même à moitié proscrit, mais, si le ministère et l'assistance d'un homme auquel votre caractère public et privé a inspiré une haute estime, peuvent vous être utiles, disposez de moi.»
Si cette lettre était tombée aux mains de Mr le procureur général de Rennes, ce serait là un chef grave d'accusation; un homme du mouvement, écrivant à un légitimiste disposez de moi—à coup sur j'ai dirigé non seulement les mouvemens de l'ouest mais aussi les républicains de l'église St Merry—il y a des hommes qui ne conçoivent pas qu'on puisse avoir du cœur et se montrer noble et généreux dans tous les partis.
Adieu, Madame; je souffre encore beaucoup; je vais demander au juge d'instruction une maison de santé ou Made de Neuville pourra me suivre; je suis, du reste, accablé de soins par Mr Carlier qui a bien voulu me retirer chez lui, et me faire sortir d'un nid de voleurs, mais mon état de faiblesse exige des soins particuliers. Je verrai si M. le juge d'instruction croit ma parole aussi sure que des verroux. Agréez l'hommage de mon respect et de mon attachement
Hyde de Neuville
VIII
L'Amiral de Rigny
Paris, lundy [1832].
J'espère, Madame, que vous êtes plus au courant que moi d'une situation qui me paraît s'embrouiller de plus en plus; vos amis vous instruisent et, comme on me dit qu'ils se plaignent de moi, je n'ose, devant vous, être trop contradictoire.
Il est bon cependant, que vous sachiez, (bon, j'entends pour moi), du vrai, sans le vernis obligé.
M. de Broglie était un homme trop honorable pour que je fasse une objection personnelle et, malgré quelque précipitation désobligeante de la part du Roi envers mon oncle, accusé déjà, si je refusais, de faire manquer une combinaison si difficile à terminer, j'acceptais si le duc de Broglie se décidait.
Cela se passait le dimanche; le mardi, M. de B. apporta ses conditions au Roi: il s'agissait de Guisot, Seb ... et un autre qu'il fallait faire entrer sans portefeuille.
Ici, je fis objection, et contre le sistème des ministres sans portefeuille et un peu contre l'invasion trop complette de ce qu'on appelle les doctrinaires, et j'offris ma place; Barthe en fit de même, et Thiers déclarat qu'il ne croyait pas cette combinaison possible avec la chambre.
C'était un sine qua non de la part du duc de B.; force fut de retourner à Dupin; à l'heure où je vous écris, on attend sa réponse et son arrivée. Je n'y compte pas trop, car c'est un singulier personage qui n'acceptera pas la présidence du maréchal.
Je passe rapidement sur les épisodes et les intrigues; toute la mienne est là sous vos yeux et, plus que jamais, je désire d'être hors d'un cercle vicieux où on ne peut dire la vérité sans choquer quelqu'un, ou blesser ses amis, où la prévoyance est taxée de dissolvance et les calculs raisonés de calculs égoïstes.
M. de Taleyrand part demain soir. Le dehors ne s'embellit pas; Matuchewitz a fait manquer à Londres une Coërtion fiscale qu'aurait sans lui adoptée la conférence.
Pozzo crie sur les toits à Vienne que c'est une horreur de vouloir dépouiller encore le roi de Hollande; la Prusse ne veut pas de nos rassemblements de troupes, pas de siège d'Anvers, et se borne à ne rien dire contre la coertion navale que chaque jour rend désormais illusoire; chacun parle de sa dignité nationale, de son intérieur et prétend ne plus rien sacrifier au notre. Voilà comme nous allons aborder la session, et de plus les recriminations et le reste.
Je vous confie ces embarras, Madame, dont les doctrinaires ne nous sauveraient pas!
On peut voir maintenant si j'avais tant de tort, en priant de différer les épousailles, et de ne pas presser le départ, toujours à tems, des princes, de Gérard, et de tout ce monde belliqueux.
Quant à la composition ministérielle, j'ignore ce qui se fera. Le maréchal a été soufflé de mettre d'Argout aux aff. étr. il veut Bassano ou Rayneval et tous les deux; moi, si j'ai voix et que je reste, je demanderai Thiers. On dit qu'Humann ne veut plus; M. Louis en tous cas ne voudra plus rester, Montalivet dit qu'il se retirera, mais le Roi veut encore essayer de s'arranger avec Dupin.
Voilà des noms et des projets en l'air; veuillez les prendre pour ce qu'ils valent et n'en pas nommer le narrateur, votre humble et dévoué, Madame.
H. de R.
Il est 9 heures du matin, et rien de fait ou du moins de connu pour moi.
Le Roi est reellement le plus embarassé, et s'est embarassé lui-même.
M. de Broglie a decidément refusé encore, hier soir, d'entrer sans le cortège qu'il demandait.
Reste toujours la question de savoir si on le prendra tel qu'il veut être accompagné ou si on essayera une combinaison entre lui et Dupin exclusivement, alors viennent les embarras des noms: Human ne veut entrer qu'avec M. de Broglie. Sans M. de Broglie, on ne trouvera pas de ministre des Aff. Etr.
Mais peut être, après tout, vois-je mal de mon coin! le dehors n'est rien moins que complaisant et le deviendra d'autant moins encore.
Thiers est furieux contre les doctrinaires de ce qu'ils ne veulent céder sur rien; on se brouille avec ses amis; on s'envenime mutuellement et la partie va grand train.
Je crois cependant que ce soir on finira par un méli-mélo. Je m'arrache les cheveux d'être dans cette galère car la rame est inutile.
Adieu, Madame; tout cela est bien triste, mais j'espère que cela l'est moins a Pt chartrain que dans la rue d'Anjou où je craindrais bien d'être mal famé en ce moment.
Mille hommages.
Mercredy matin,
jeudi, à 8 h du matin
Voilà, Madame, le plus pénible, le plus laborieux, et le plus forcé des accouchements ministériels.
Nous sommes restés enfermés aux thuileries de deux heures à minuit. On criera au ministère Polignac et c'est cette considération qui m'a décidé a ne pas me séparer de l'adon nouvelle.
Je crois fermement à la majorité! Alors! Alors.
Pardon de ce décousu mais j'en suis encore ahuri.
J'ai reçu ici un billet de vous qui n'était pas destiné à aller si loin; je n'ai pu y répondre plutôt.
Après avoir balloté, cahoté un rhumatisme pendant deux mois par terre et par mer, le premier moment de repos a été une crise dont je ne prévois pas la fin. Le jour même de mon arrivée ici, j'ai eu une attaque sur la poitrine et les poumons, et, depuis 8 jours et huit nuits, j'étouffe dans des angoisses sans cesse renouvellées; je suis couvert de sangsues, de cataplasmes et de vésicatoires, et je compte les heures, les minutes de chaque jour et de chaque nuit. En ce moment même, je vous écris sur mon séant; j'ai peine à finir chaque mot. Ce voyage me coûtera cher peut être.
Jugez du spectacle que je donne à une femme grosse, nerveuse et malade. Je ne sais quand j'aurai du repis et si je pourrai reprendre la route de Paris. J'ai fait venir mon médecin qui était à la suite de Mde Thiers et qui va être obligé de s'en retourner.
Je pense aux plaques du maréchal qui seraient ici bien insuffisantes.
Adieu, Madame; ayez quelque pitié d'un agonisant en lui donnant quelques lignes
mille hommages
H. de Rigny
Mons, 15.
Je vous remercie bien d'avoir pensé à moi. C'est une bien bonne distraction pour un malade qu'un souvenir d'amitié; je suis dans un assez triste état; je suffoque jour et nuit. Les douleurs aiguës ont un peu cédé, mais il me reste un mal que je ne comprends pas et que je crois n'être pas plus compris des médecins; le mien vient de repartir pour rejoindre la caravane avec laquelle voyage Thiers.
Vous me dites que j'ai eu tort de partir avant que rien ne fut décidé; mais d'abord rien ne devait se faire qu'au retour de Thiers, et je ne prévoyais pas que je serais impotent. Ce qui se fera, je ne le sais; j'ai eu une explication avec le Roi la veille de mon départ. Son embarras est grand, entre Gérard, auquel il a promis, et Sebastiany auquel il a promis encore.
Celui-ci veut s'en retourner à Londres maréchal; l'autre veut la légion d'honneur; il faut que ces prétentions là soient satisfaites avant les miennes. Cependant, aux tourments que j'endure et qui ne sont dus qu'à ce voyage de Naples, il me semble qu'on me devrait compter aussi.
J'aurai fait triste figure à votre dîner de Mde de Lieven, moi qui n'ai pas voulu aller à Pétersbourg. Maison ne demanderait mieux que de donner sa place à Sebastiany.
Du reste, je ne sais rien de ce qui se passe, je désire beaucoup être en état de monter en voiture car je m'ennuie fort ici. Mais comment faire avec 3 vésicatoires, des cataplasmes et des synapismes sur tout le corps; la patience commence à être à bout.
Quant à Mde de Rigny elle quitte décidément le pays, ce qui la force à rester jusqu'à la fin du mois pour ses arrangements de cloture.
Voulez vous faire mes compliments à Mr Pasquier.
J'aurais voulu lui dire mon entrevue avec le Roi qui m'a dit qu'il n'y avait plus que Duperré qui fit obstacle et qu'il était, lui, consentant à me nommer amiral.
Adieu, madame, que votre bonté ne s'épuise pas.
mille hommages
H. de R.
À moins d'empéchements absolus, je compte arriver à Paris lundi 26. Mde de Rigny vient avec moi, et le médecin qui m'a traité m'accompagne une partie de la route; c'est une entreprise que je fais car je ne sais si je supporterai la voiture. J'ai beaucoup souffert; depuis hier je suis plus calme et j'ai enfin pu dormir artificiellement deux ou trois heures. J'étais venu ici pour des affaires dont il m'a été impossible de m'occuper. Je les laisse en souffrance; quant à celles de Paris, je m'en occuppe encore moins; il parait qu'on trouve des difficultés à tout. Je ne sais pas ce qui fait dire que je demande qu'on renvoie Seb. de Londres pour m'y mettre ou qu'on renvoie Dup. de la marine pour m'y mettre encore. Je n'ai rien demandé de tout cela; je ne désire la place de personne, j'ai le jour de mon départ, demandé au Roi quelles objections il avait à me nommer amiral, il a fini par me dire aucune!
Je demande un grade qui n'est et ne peut être l'ambition de personne, mais il faut que je trouve là Seb. à la traverse. Les arrangements ministériels devaient se faire au retour de Thiers; la vérité est que si on ne les brusque pas, il ne se fera rien.
Je serai vraisemblablement plusieurs jours à Paris sans pouvoir sortir. Si M. Pasquier pouvait disposer d'un 1/4 d'heure pour moi, je lui en serai bien reconnaissant, le mardi ou le mercredi; de cette manière, j'aurai de vos nouvelles.
J'ai besoin de vous dire combien j'ai été sensible à vos bonnes attentions, et de vous renouveler tous mes hommages.
H. de Rigny.
Mons, ce 22.
IX
M. Duchatel.
Londres, 1er 9bre 1848
Lowndes Square, 5
Nous venons de nous établir de nouveau à Londres, madame, et l'on m'écrit que vous êtes de retour à Paris. Je profite de ce rapprochement pour me rappeler à votre souvenir. Je ne sais quand il nous sera donné de nous revoir; je doute toujours que ce soit bientôt. Je cherche à ne pas penser à cette époque du retour; c'est la meilleure manière d'éviter les déceptions et l'impatience.
J'ai trouvé bien des malades à Claremont. La Reine surtout et le Pce de Joinville ont été cruellement atteints. Je crains que la Reine ne se remette difficilement. Les médecins ont déclaré pendant un grand mois qu'ils ne comprenaient rien à ces maladies si opiniâtres; ils les attribuaient à une influence du choléra, bien qu'elles eussent des caractères complètement contraires. Enfin, il y a deux jours, on a eu l'idée d'analyser l'eau; on l'a trouvée empoisonnée et contenant je ne sais quelle substance de plomb.
Alors on a examiné tous les symptômes, et l'on a reconnu que toutes les indispositions n'avaient d'autre cause que l'empoisonnement, qui est attribué à quelque dérangement dans les conduites qui amènent l'eau. Le Roi lui-même, et les princesses qui ne sont pas malades, ont les gencives bleues et portent la trace du poison. J'ai bien peur que la Reine n'en soit frappée trop gravement pour permettre d'espérer un retour complet à la santé. C'est ce que disaient hier les médecins.
L'horizon politique me parait bien sombre. On dit ici que l'élection de L. Bonaparte est inévitable. Est-ce un bien? est-ce un mal? je ne me permets pas de prononcer. Je crains avant tout, pour notre pays et pour la société, la domination de cette coterie républicaine qui n'a ni principes d'honneteté, ni capacité de gouvernement et qui nous mènerait lentement et sourdement aux mêmes abîmes que la république rouge.
Veuillez me rappeler à l'amitié du Chancelier. Ma femme me charge de tous ses souvenirs pour vous. Daignez agréer l'hommage de mes sentiments de respectueux attachement
D.
X
Madame Lenormant,
Nièce de Mme Récamier.
Ce 1er juillet 1848.
Chère Madame, j'ai vu hier chez ma tante le petit mot que vous avez bien voulu adresser à M. Ampère et c'est dans les circonstances présentes une joie vive que d'entendre parler de ses amis.
Ma tante va assez bien; elle a traversé ces affreuses journées avec tout le courage qu'on pouvait attendre d'elle. Nous avons été séparés trois jours entiers d'elle, sans lettres, ni communications. C'était une horrible angoisse. Hélas, et qu'est-ce qui n'était pas angoisse dans ces terribles moments! pendant cinq jours et cinq nuits, je ne voyais qu'à de rares intervalles mon mari dont la légion et le bataillon ont tant souffert, et je craignais à toute heure de le voir revenir blessé; ils ont perdu 8 hommes et comptent 80 blessés. Pour lui, le ciel l'a protégé.
Aynard de La Tour du Pin a été blessé d'une balle et même depuis l'extraction souffre toujours beaucoup. M. Beaudon souffre peu, mais sa belle-mère a dit à ma tante qu'avant plusieurs jours encore on ne serait pas certain d'éviter l'amputation.
Le duc de Noailles est revenu à Paris le vendredi 23 avec son fils Jules; l'un et l'autre ont fait le service le plus actif dans la 10e légion. Mais cela ne suffisait pas au jeune courage de Jules de Noailles, il a échappé à son père, s'est joint à la garde mobile, a traversé avec elle à plat ventre sous le feu des insurgés le pont du canal St Martin, s'est battu à la barricade de la Bastille et son père l'a ramené mercredi à la duchesse de Noailles après l'avoir, disait-il, un peu grondé de son héroïsme, mais en étant bien fier.
Sitôt qu'on a pu sortir, on s'est cherché avec un empressement bien mêlé de terreur. Au milieu de toutes ces circonstances si effroyables dont l'âme est encore navrée après la victoire, l'état de M. de Chateaubriand a fait de rapides progrès vers une fatale conclusion. Je venais d'être un mois sans le voir quand mercredi je suis allé chez lui. Sa maigreur est effrayante, il tousse presque sans cesse et il s'est joint à ses autres maux un catarrhe à la vessie qui lui cause par intervalles des douleurs très aiguës. Hier on n'a pas pu le lever. Il m'a semblé que cet état de douleurs physiques avaient plutôt réveillé qu'abattu ses facultés morales. Il m'a parfaitement reconnue et m'a témoigné même une affection qui m'a touchée.
Quelques traits d'héroïsme de ces petits mobiles que je lui ai racontés l'ont vivement ému. Il parle peu toujours, sa figure est beaucoup plus altérée mais l'expression y vit. La douleur a vaincu la paralysie. C'est plus déchirant à voir; c'est moins triste, l'être intelligent reprend l'empire. Mais je crois, chère Madame, que cela ne peut pas durer long-tems. Le catarrhe à la vessie dans les circonstances de maladie où se trouvait déjà M. de Chateaubriand est des plus dangereux. Nous approchons donc de ce terrible-moment qui sera le plus rude coup pour ma pauvre tante; à mesure que je le vois approcher j'en conçois plus d'effroi. Elle ne le voit pas et ne juge pas de l'altération de sa figure; il est fort patient et même dans les plus vives souffrances se borne à gémir sans se plaindre, cela contribue à lui faire illusion. Adieu, chère Madame, agréez mille tendres et respectueux hommages.
ce 3 juillet 1848.
Chere Madame, M. de Chateaubriand a reçu l'extrême onction hier à deux heures. Ma pauvre tante s'est établie hier dans cette maison pour ne plus la quitter. Vous imaginez aisément l'état où elle est; hélas! ce malheur est prévu depuis bien long-tems, et il semble frapper à l'improviste. Il a une fièvre violente, une toux presque continuelle. Il ne dit rien et souffre avec une admirable résignation.
Ma pauvre tante épie là, au pied de ce lit, une parole, un mot, un adieu, qui ne viendront peut-être pas. Mais il sait qu'elle est là et n'y souffre nul autre.
Je vous ferai donner le bulletin de la journée et de la nuit prochaine, si tout n'est pas fini avant la nuit.
Mille hommages.
Jeudi [6 juillet 1848].
Je ne reçois rien de vous, chère Madame, mais vous devez avoir appris par M. Lenormant la fin de M. de Chateaubriand; hélas! vous devinez bien l'état de ma pauvre tante. Elle ne peut croire encore à ce malheur; l'étourdissement de ce terrible coup, la fatigue physique l'empêchent de sentir le vide dont je suis plus épouvantée que je ne puis dire. Il faut espérer que le bon Dieu nous viendra en aide, car je ne sais ce qui serait assez puissant pour la soutenir dans de tels momens, si ce n'est une grâce d'en haut.
La cérémonie religieuse aura lieu samedi à midi précises à l'église des Missions; le corps, déposé d'abord dans les caveaux, sera dans quelques jours transporté à St Malo.
À partir du dimanche après la réception des derniers sacremens, que M. de Chateaubriand a reçu avec toute sa connaissance et beaucoup de joie, il n'a plus adressé un mot à qui que ce soit. La fièvre qui avait une terrible intensité l'accablait, il était très rouge et entendait pourtant sans doute ce qui se faisait autour de lui, car il faisait un effort pour soulever ses paupières quand on s'approchait du lit, mais hélas, n'y parvenait pas. Mardi, à huit heures et demie, sa vie s'est éteinte tout doucement, sans agonie, sans souffrance. Ma pauvre tante, M. Louis de Chateaubriand, l'abbé de Guerry et une sœur de Marie-Thérèse étaient seuls présents dans cette chambre à ce solennel moment.
On n'a point retrouvé de testament; les scellés ont été apposés, ce qui me fait croire que M. L. de Ch. n'a accepté la succession que sous bénéfice d'inventaire. L'ébranlement est tel pour ma pauvre tante que ses idées sont encore toute confuses et, jusqu'à présent, elle n'a exprimé aucun désir, formé aucun projet. Elle confond, dans la même douleur, deux douleurs bien différentes, deux pertes bien intenses, celle de M. Ballanche et celle de M. de Chateaubriand. Hélas, c'était la meilleure part de sa vie et je n'ose regarder en avant.
Vendredi 7.
Cette lettre que j'avais laissée hier ouverte sur ma table, chère Madame, a été interrompue parce que j'ai été passé la journée à l'Abbaye aux bois. J'y ai trouvé la lettre que Monsieur Pasquier m'a fait l'honneur de m'écrire et qui a vivement émue ma tante.
M. le Chancelier permettra que je ne lui réponde pas aujourd'hui. Je viens aussi de recevoir à l'instant votre billet d'hier. Je vais le porter à ma pauvre chère tante. Il est bien certain que votre amitié est celle sur laquelle elle compte le plus, que votre nom est celui qu'elle prononce le plus et que vous êtes, chère Madame, la seule personne qu'elle pourrait voir avec joie. Je vais lui dire votre tendre pensée, je sais d'avance qu'elle en sera profondément attendrie. Je ne sais pas si elle l'acceptera. Je ne pense pas qu'elle veuille quitter Paris tant que le corps de M. de Ch. y sera. De plus, elle a une vive inquiétude du parti qui va être pris pour la publication des Mémoires et voudra être édifiée à ce sujet. Le seul désir qu'elle m'ait témoigné c'est de faire le voyage de St Malo. La route la plus courte est celle de Caen. Peut être nous arréterions nous quelques jours ou quelques semaines chez moi en Normandie avant de continuer ce triste pélerinage. Je vous écrirai sans doute demain et vous manderai ce qu'elle aura résolu.
Mille respectueux et tendres hommages.
Chère Madame, c'était aujourd'hui une cruelle journée et dont ma pauvre tante a bien souffert. Elle est dans un accablement qui fait pitié.
Je lui ai lu votre bonne et tendre lettre, elle en a été vivement émue; personne mieux que vous ne la comprend, personne mieux que vous ne sait la plaindre, personne plus que vous ne pourrait la consoler. L'hospitalité si tendre que vous lui offrez aurait eu pour elle le seul charme qu'elle puisse encore ressentir, mais elle ne veut pas quiter Paris sans être éclaircie sur beaucoup de points qui l'inquiètent. M. Vertamy, qui était le conseil et en quelque sorte l'homme d'affaires de M. de Chateaubriand, absent de Paris, y est revenu seulement aujourd'hui. C'est par lui qu'on connaîtra les volontés de M. de Ch., au moins relativement à ses mémoires. Ma tante est d'ailleurs chargée d'accomplir un des legs de M. de Chateaubriand, c'est-à-dire de remettre à la ville de St Malo le portrait de Girodet qui était déposé chez elle.
À la nouvelle de la mort de M. de Ch., le duc de Noailles est sur le champ revenu de Maintenon. M. Briffaut entoure aussi ma pauvre tante des soins les plus délicats. Mais, hélas! qu'est-ce que tout cela pour son pauvre cœur brisé? De projets, nous n'en formons aucun. Elle dit qu'elle a peine à suivre, à lier, à retrouver ses pensées. Dans quelques jours peut-être pourrons-nous la déterminer à quelque chose. Je désirerais bien ardemment qu'elle s'éloignât au moins momentanément de l'Abbaye aux bois; si vous aviez été à Chatenay, peut-être aurait-elle été vous y retrouver.
Paul David va tout à fait bien; sa chute n'a été qu'un accident sans suite fâcheuse et, grâce à Dieu, cette inquiétude là est du moins épargnée à notre pauvre affligée. Adieu, chère Madame, agréez le tendre hommage de mes sentimens.
Vous avez écrit à ma pauvre tante, chère Madame, une bonne, longue et si tendre lettre qu'elle lui a fait du bien. Elle me charge de vous en remercier vivement. Votre langage est si tendre, si délicat, si sensible et si sensé que, de toutes façons, il devait arriver à son cœur. C'est avec une extrême émotion qu'elle l'a entendu. Elle veut que je vous dise combien vous avez bien su lui dire les seules choses qu'elle puisse entendre. Ses impressions, ses sentiments sont en parfaite harmonie avec ceux que vous exprimez; elle se travaille dans le sens même que vous lui conseillez et elle dit qu'elle croit qu'elle obtient quelque chose. Peut-être, en effet, commence-t-il à y avoir quelque chose de moins âpre, de moins amer dans sa douleur; mais, il ne faut pas se le dissimuler, le vide est infini. Rien ne l'intéresse plus, rien ne la touche plus, elle est comme absente d'elle-même. À force de prières, j'ai obtenu qu'elle sortit un peu presque tous les jours (elle ne voulait plus sortir de son appartement), mais c'est là tout. Elle ne dort point et sa pâleur est effrayante. Quand je m'inquiète de sa santé, elle me répond qu'elle s'étonne encore de supporter de tels coups. J'aurais voulu pour tout au monde lui faire quitter Paris ne fut-ce que pour quinze jours; je n'obtiens rien, car je compte bien peu sur la promesse qu'elle me fait de venir me retrouver en Normandie. Aussi, chère Madame, j'ai le cœur bien navré. Ma santé est si détruite que, depuis six mois, je ne crois pas avoir eu huit jours sans souffrance. On me presse d'aller prendre les eaux bonnes à la campagne puisque je ne peux pas aller les prendre aux Pyrénées, et je partirai samedi prochain pour profiter des derniers jours de chaleur. Mais, quoiqu'il en soit, je ne consentirais peut-être pas à partir si je n'espérais un peu que cette absence la déterminera à partir aussi.
Voilà où nous en sommes. M. Ampère ne la quittera pas. Si elle venait en Normandie, il irait passer ce temps en Angleterre et Paul l'accompagnerait chez moi, mais, je le répète, j'espère bien peu qu'elle se décide. Ses pauvres yeux ont achevé de se perdre dans toutes ces émotions et ses larmes. C'est un obstacle de plus à lui faire arriver la moindre distraction.
La famille de M. de Chateaubriand est indigne pour elle; croirez vous que L. de Chateaubriand, après avoir assisté avec elle à cette dernière et terrible scène de la mort, témoin de son dévouement si rare, si complet, si angélique, n'a pas même mis une carte chez elle, n'a pas éprouvé le besoin de lui exprimer sa reconnaissance au nom de toute la famille de l'ami qui sans elle aurait été livré à des gens de service....
Le portrait de Girodet est légué à St Malo, ma tante le savait, elle a prévenu toute demande et fait écrire au maire qu'elle était chargée du soin de remettre ce legs à la ville natale de M. de Ch. Elle vient d'en faire faire une copie qu'elle garde, mais, hélas, qu'elle ne verra pas. Le buste en marbre de David est légué au chateau de Combourg. Ma tante attend que M. L. de Chateaubriand le fasse réclamer. Dieu sait avec quelle mauvaise grâce cela sera fait. Tout porte la trace des volontés de Mme de Chateaubriand. Elle a abusé de l'affaiblissement de son mari pour lui faire signer avant sa mort à elle toutes sortes de dispositions qui n'auraient pas été sa volonté à lui; et, comme sa mémoire était tout à fait éteinte, il n'en avait nulle conscience.
C'est grand pitié!
M. Piscatory, que j'ai vu au moment de son départ pour Tours, m'avait promis de vous parler de moi.
Adieu, chère Madame, permettez-moi de vous demander d'écrire encore, d'écrire de tems à autre à votre pauvre amie. De tous les amis qui lui restent encore, elle dit que vous êtes celle de [qui] l'absence lui est le plus pénible. Vous nous viendrez en aide cet hiver.
Veuillez agréer l'hommage de mes bien tendres sentimens.
XI
La Comtesse Mollien
Claremont 21 août [1850].
Vous serez sans doute, Madame, quelque peu surprise du rapprochement de la date et de la signature de cette lettre. En passant par Paris dernièrement, je m'étais informée si vous y étiez pour vous demander vos commissions pour la Reine, pour vous dire aussi comment et pourquoi je me rendais près d'elle; c'est une consolation que je ne sais pas repousser que de croire à votre intérêt.
Depuis mon arrivée, je me promettais tous les jours de vous donner des nouvelles du Roi: elles ne sont rien moins que bonnes; la Reine est inévitablement menacée d'un malheur pareil au mien et le chemin qui l'y conduit est bien autrement rude! Un triste événement vient encore d'aggraver les soins et les soucis qui dévorent sa vie. Mme la desse d'Aumale, il y a quelques jours, est, tout à coup accouchée à 8 mois, d'un enfant mort. C'était une fille, si chétive, si peu bien conformée que, fut-elle venue à terme, on assure qu'elle ne pouvait pas vivre. Le chagrin a donc été médiocre, mais le trouble a été grand. On devait partir le lendemain pour Richmond, il a fallu d'abord rester. Il faudrait maintenant y aller, parce que Mme la Desse d'Orléans y est, que la Psse Clémentine y arrive, et que le Roi se persuade que le changement d'air et de place lui sera salutaire.
La Dsse d'Aumale est très bien; on ne se ferait pas de scrupule de la laisser ici, parce que la Psse de Joinville resterait avec elle. Ce n'est donc plus elle qui retient, mais c'est Mgr le duc de Nemours qui garde la chambre depuis quelques jours. On parlait de clous mal placés, le médecin dit aujourd'hui que c'est une entraxe (un anthrax) pour laquelle on sera obligé de recourir à une petite opération chirurgicale, et le départ est encore ajourné presqu'indéfiniment, au grand déplaisir du Roi. Autour de lui le sentiment est tout contraire et l'anxiété que cause son état de faiblesse, qui ne fait que s'accroître, s'augmente encore par la pensée de le voir dans cette situation quitter un lieu très digne, très convenable de tous points, où il est en repos et bien logé, pour s'aller mettre à l'auberge.
Je suis fort de cet avis et, pour mon compte, je regretterais Claremont si je pouvais regretter ou désirer quelque chose; mais, en acceptant de venir passer quelque tems auprès de la Reine, je me suis promis de ne plus penser à moi et cet effort m'a été moins difficile que je ne croyais. Sa patience vraiment sainte est une grande leçon de résignation.
Quelle que soit la douleur dont on puisse être atteint, quelque profond que soit le malheur dont on se sente écrasé, en face d'elle on aurait honte de se plaindre.
Elle sait que je vous écris et elle me charge, Madame, de tous ses sentimens pour vous; elle veut en même tems que je vous dise qu'elle regrette bien de ne pouvoir vous donner elle même de ses nouvelles et de celles du Roi aussi souvent qu'elle le voudroit, mais qu'elle compte sur votre attachement pour être sûre que vous comprener toutes les difficultés de sa vie; et il est certain qu'en suivant l'emploi de toutes les minutes de chacune de ses journées on se demande comment en effet elle a le tems de vivre. Grâce au Ciel, sa santé est très bonne; je ne l'ai jamais vue mieux. Mme la dsse d'Orléans est bien quoiqu'encore maigrie; ses fils sont grandis et fortifiés.
Je retournerai en France probablement au commencement de septembre. Avant de rentrer dans mon triste manoir, où je passerai peut-être une partie de l'hyver, je m'arréterai deux jours à Paris, et mon premier soin, Madame, si vous y êtes, sera d'aller vous donner, avec un peu plus de détails, de plus fraîches nouvelles des personnes et des lieux que j'aurai quittés. J'espère que le séjour de Trouville aura eu comme l'année dernière un bon effet sur votre santé. Je veux espérer encore autre chose, Madame, c'est de vous trouver un peu de bienveillante affection pour la pauvre malheureuse isolée. Vous savez quel haut prix j'ai toujours su y mettre et, maintenant, je n'ai plus rien à perdre
A. D. Ctesse Mollien
Claremont, mardy 3 [septembre 1850].
Tout est fini, chère Madame, toutes traces de mort ont disparu de ce triste lieu. Les huit chevaux du char funèbre ont seuls marqué d'un signe royal ce royal cercueil et il repose maintenant sous une simple pierre, dans le tout petit caveau d'une toute petite chapelle particulière. Il ne sera conduit à Dreux que lorsque ses fils auront droit de rentrer en France avec lui. Cette résolution est hautement annoncée et toute permission, qui par impossible pourrait être accordée, ne la changerait pas. On ne veut pas laisser à cet égard le moindre doute.
La journée d'hier a été rude pour la Reine; j'ai attendu qu'elle fut passée pour pouvoir répondre d'autant mieux à votre désir d'avoir de ses nouvelles. Elle ne s'est rien épargné, mais son courage n'a point faibli; il est admirable et au-dessus de tout ce qu'on pouvait espérer. Une seule fois, je l'ai crue vaincue; la première lettre de la Reine des Belges, en renouvelant de douloureuses émotions, donnait aussi de fâcheux détails sur sa santé; elle aggravait les inquiétudes et il fut facile de voir que tous les malheurs peuvent être supportés excepté celui là. Il y a là un abyme qu'on n'ose pas sonder. Que Dieu la ménage, cette sainte si vraiment sainte, et lui mesure l'épreuve!
Vous savez, sans doute, Madame, qu'on ne forme aucun projet que de rester non seulement unis, mais réunis. Le dernier veu du Roi, la première parole de la Reine en se relevant des bords de ce lit de mort, auront leur entier accomplissement; on ne quittera pas Claremont. Mme la desse d'Orléans vient de louer à un quart d'heure de distance une fort bonne maison pour y passer l'hyver. Il n'y a nulle part nulle intention de voyage. Ce faisceau de famille dont le pilier vient de disparaitre ne semble devoir être brisé par rien, jusqu'à présent du moins. L'administration des biens ne sera même pas divisée, elle reste telle qu'elle est formée maintenant et dans les mêmes mains. Cette unité de sentiments et de vie répondra, je crois, aux veux de leurs amis. Elle serait habile si, dans ce moment, ils pouvaient être servis par quoi que ce soit d'une manière utile; mais, lors même qu'on n'agirait pas en vue de l'avenir, ce qu'on fait là est bon et bien, surtout on se garantit de tout regret, et c'est toujours là la grande affaire.
La santé de la Reine se maintient; elle se promène tous les jours dans le parc et dort passablement. Sa douleur bien profonde est calme; l'agitation ne vient que de la Belgique.
Je lui ai remis sur le champ votre lettre, ainsi que celle de M. le Chancelier. Elle répondra bien promptement à toutes deux. J'ai à m'accuser d'une petite indiscrétion, qui, je pense, cependant me sera facilement pardonnée; je lui ai fait lire aussi la lettre que vous m'avez écrite en m'envoyant les deux autres. Il m'a semblé que je n'irais pas contre votre intention en lui donnant cette preuve de plus de vos sentiments pour elle. Ce dont je suis sûre c'est qu'elle en a été très touchée.
Chère Madame, je ne vous parle pas de moi, j'en aurais honte; devant cette mort dans l'exil, comment oser se plaindre! devant la Reine, comment ne pas essayer d'avoir du courage! mais je suis loin d'avoir son admirable force et toutes ces lugubres scènes m'ont trouvée faible, je l'avoue. Vous avez deviné qu'il en pouvait être ainsi et je vous remercie de cette affectueuse pensée. Ce que vous avez deviné aussi, et je vous en remercie plus encore, c'est combien je m'applaudis d'avoir été près de la Reine dans ces tristes et si solennels momens. C'est un grand souvenir qui ne me quittera plus et un nouveau lien qui m'attache à jamais à elle. Je suis aise aussi d'avoir revu le Roi.
Voilà encore un long bonheur fini! mais le cœur de la Reine est encore plein. Ce qu'il y a de profondément décourageant c'est de le sentir vide et de n'être plus rien pour personne.
Adieu, chère Madame, conservez moi un peu de bonne amitié; vous savez quel haut prix j'y sais mettre et de quelle consolation elle peut être pour moi.
A. D. Ctesse Mollien.
TABLE DES MATIÈRES
SEPTIÈME PARTIE
De 1820 à 1830
CHAPITRE I
Mes habitudes et mes habitués. — Récompense nationale au duc de Richelieu. — La reine de Suède le suit dans son voyage. — Salon de la duchesse de Duras. — Goût de madame de La Rochejaquelein pour la guerre civile. — Madame de Duras se fait auteur. — Mariage de Clara de Duras. — La duchesse de Rauzan. 1
CHAPITRE II
La princesse de Poix. — Son salon. — Anecdote sur la princesse d'Hénin. — La comtesse Charles de Damas. — L'abbé de Montesquiou. — Le comte de Lally-Tollendal. — Salon de la marquise de Montcalm. — Rapports de famille du duc de Richelieu. — La duchesse de Richelieu. — Mesdames de Montcalm et de Jumilhac. 10
CHAPITRE III
Carnaval de 1820. — Le Palais-Royal. — Bal à l'Élysée. — Humeur de monsieur le duc de Berry. — Bal masqué chez monsieur Greffulhe. — Mascarade chez madame de La Briche. — Assassinat de monsieur le duc de Berry. — Son courage. — Détails sur cet événement. — Préventions contre le comte Decazes. — Il est forcé de se retirer. — Le duc de Richelieu le remplace. — Promesses de Monsieur. 20
CHAPITRE IV
Second ministère du duc de Richelieu. — Cadeaux éphémères au duc de Castries. — Procès de Louvel. — Intrigues du parti ultra. — Madame la duchesse de Berry y entre. — Exécution de Louvel. — Agitation politique. — Établissements faits à Chambéry par monsieur de Boigne. — Monsieur Lainé. — La reine Caroline d'Angleterre. — Sa conduite en Savoie. — Naissance de monsieur le duc de Bordeaux. — Mot du général Pozzo. — Promotion de chevaliers des ordres. 38
CHAPITRE V
Insurrections militaires. — Congrès de Troppau. — Habileté du prince de Metternich. — Il se raccommode avec l'empereur Alexandre. — Conduite du vieux roi de Naples. — La «Paüra». — Description qu'il en fait. — Insurrection du Piémont. — Le prince de Carignan. — Conduite du général Bubna à Milan. — Mort de l'empereur Napoléon. 53
CHAPITRE VI
Intrigues contre le ministère. — Madame du Cayla. — Retraite du ministère. — Formation du nouveau ministère dont monsieur de Villèle est le chef. Son caractère. — La Congrégation. — Ses projets. 62
CHAPITRE VII
Mort du duc de Richelieu. — Persévérance de l'attachement de la reine de Suède. — Son désespoir. — Mort de lord Londonderry. — Monsieur de Chateaubriand ambassadeur à Londres. — Il s'y ennuie. — Le vicomte de Montmorency. — Congrès de Vérone. — Le duc Mathieu de Montmorency. — Sa vie et sa mort. 74
CHAPITRE VIII
Madame de Duras fait nommer le duc de Rauzan. — La guerre d'Espagne. — Départ de monsieur le duc d'Angoulême. — Marchés de Bayonne. — Habileté d'Ouvrard. — Intrigues du parti ultra. — Sagesse de monsieur le duc d'Angoulême. — Mécontentement contre lui. — Madame de Meffray. — Campagne en Espagne. — Prise du Trocadéro. — Conduite du prince de Carignan. — Les grenadiers lui donnent des épaulettes en laine. — Mot du duc de Reichstadt à ce sujet. — Madame à Bordeaux. — Le baron de Damas remplace le maréchal de Bellune. — Retour de monsieur le duc d'Angoulême. 93
CHAPITRE IX
Le duc de Rovigo et le prince de Talleyrand. — Pavillon de Saint-Ouen. — Détails sur cette fête. — Le duc de Doudeauville remplace le marquis de Lauriston au ministère de la maison du Roi. — Lauriston est nommé maréchal de France. 105
CHAPITRE X
Le duc de La Rochefoucauld-Liancourt est destitué de places gratuites. — Exécution de quatre jeunes sous-officiers. — Élections gouvernementales. — Renvoi de monsieur de Chateaubriand. — Sa colère. — L'indemnité aux émigrés et la réduction des rentes. — L'archevêque de Paris, monsieur de Quélen. — Situation politique de monsieur de Villèle. — Le père Élisée. — Répugnance du Roi à quitter les Tuileries. — Quel en était le motif. 112
CHAPITRE XI
Dernière maladie du roi Louis XVIII. — Habileté de madame du Cayla. — Mort du Roi. — «Passez, monsieur le Dauphin». — Enterrement du Roi. — Le titre de Madame refusé à madame la duchesse de Berry. — Celui d'Altesse Royale donné aux princes d'Orléans. — Réception à Saint-Cloud. — Entrée à Paris du roi Charles X. 122
CHAPITRE XII
Monsieur le Dauphin entre au Conseil. — Exigences de la Congrégation. — Loi sur le sacrilège. — Disposition des princes pour l'armée. — Soirées chez madame la Dauphine. — Madame la duchesse de Berry à Rosny. — Ses habitudes. — Ses goûts. — Sa popularité. — Sacre du Roi à Reims. — Fêtes à Paris. 132
CHAPITRE XIII
L'ambassadeur d'Autriche refuse de reconnaître les titres des maréchaux de l'Empire. — Cercles chez le Roi. — Indemnité des émigrés. — Influence du parti prêtre. — Naissance de Jeanne d'Osmond. 144
CHAPITRE XIV
Mort de l'empereur Alexandre. — Inquiétudes de ses dernières années. — Mission du duc de Raguse près de l'empereur Nicolas. — Illusions du duc de Raguse. — Mort de Talma. — Monsieur de Talleyrand est insulté et frappé par Maubreuil. 155
CHAPITRE XV
Loi sur le droit d'aînesse. — Enterrement du duc de Liancourt. — La garde nationale est licenciée. — Sosthène de La Rochefoucauld et monsieur de Villèle. — Le Roi au camp de Saint-Omer. — Sagesse de monsieur le Dauphin. 163
CHAPITRE XVI
Bataille de Navarin. — Élections de 1827. — Société aide-toi, Dieu t'aidera. — Intrigues du parti ultra. — Chute de monsieur de Villèle. — Séjour de dom Miguel à Paris. — Le ministère Martignac. — Désappointement de monsieur de Chateaubriand. — Il accepte l'ambassade de Rome. — Nouvelle intrigue de monsieur de Polignac. — Jeu bizarre de la nature. 172
CHAPITRE XVII
Changement survenu dans les dispositions de monsieur le Dauphin. — Nomination du baron de Damas comme gouverneur de monsieur le duc de Bordeaux. — Ordonnances de juin 1828 contre les jésuites. — Voyage du Roi en Alsace. — Quadrilles chez madame la duchesse de Berry. — La petite Mademoiselle. — Son éducation. 186
CHAPITRE XVIII
Difficultés suscitées de toutes parts au ministère Martignac. — Réponse du Roi au duc de Mortemart. — Campagne des russes contre les turcs. — Le Roi se déclare pour l'empereur Nicolas. — Intrigues dans la Chambre des députés. — Mort de l'évêque de Beauvais. — Progrès du parti prêtre. — Langage différent tenu par le Roi à messieurs de Martignac et de La Ferronnays. — Erreur des prévisions. 198
CHAPITRE XIX
Chute du ministère Martignac. — Réprobation générale contre le ministère Polignac. — Refus de l'amiral de Rigny. — Démission de monsieur de Chateaubriand. — Projet de mariage pour la princesse Louise d'Orléans. — Maladie de madame la duchesse d'Orléans. — Ovations à monsieur de Lafayette en Dauphiné. — Le Roi croit pouvoir justifier monsieur de Bourmont. — Le maréchal Marmont fait décider l'expédition d'Alger. — Il est complètement joué par monsieur de Bourmont. — Fureur du maréchal. 208
CHAPITRE XX
Le premier jour de l'année 1830. — Séance royale au Louvre. — Le Roi laisse tomber son chapeau; monsieur le duc d'Orléans le ramasse. — Testament de monsieur le duc de Bourbon. — Expédition d'Afrique. — Un mot de monsieur de Bourmont. — Le Roi et l'amiral Duperré. — Voyage de monsieur le Dauphin à Toulon. — Messieurs de Chantelauze et Capelle entrent dans le ministère. 223
CHAPITRE XXI
Abolition de la loi salique en Espagne. — Impression de madame la Dauphine. — Séjour de la Cour de Naples à Paris. — Bal donné par madame la duchesse de Berry. — Bal au Palais-Royal. — Maladie du général de Boigne. — Sa mort. — Incendies en Normandie. — Insurrection à Montauban. — Départ des souverains napolitains. — Modération de madame la Dauphine. — Prise d'Alger. — Ordonnances de Juillet. — Secret gardé. — Incrédulité, désespoir et fureur du pays. 234