Réflexions ou sentences et maximes morales
[148] La honte, la paresse, la timidité ont souvent toutes seules le mérite de nous retenir dans notre devoir, pendant que notre vertu en a tout l'honneur (max. 169, I 177).
[149] On n'a plus de raison quand on n'espère plus d'en trouver aux autres (MS 20, I 103).
[150] Ceux qu'on exécute affectent quelquefois des constances, des froideurs, et des mépris de la mort pour ne pas penser à elle et pour s'étourdir, de sorte qu'on peut dire que ces froideurs et ces mépris font à leur esprit ce que le mouchoir fait à leurs yeux (max. 21, I 24).
[151] L'amour de la justice n'est que la crainte de souffrir l'injustice (max. 78, I 91).
[152] Il n'y a pas moins d'éloquence dans le ton de la voix que dans le choix des paroles (max. 249, I 272, 2e état).
[153] La plupart des hommes s'exposent assez à la guerre pour sauver leur honneur, mais peu se veulent toujours exposer autant qu'il est nécessaire pour faire réussir le dessein pour lequel ils s'exposent (max. 219, I 233).
[154] On ne loue que pour être loué (max. 146, I 150).
[155] Il n'y a que Dieu qui sache si un procédé net, sincère et honnête est plutôt un effet de probité que d'habileté (max. 170, I 178).
[156] La souveraine habileté consiste à bien connaître le prix de chaque chose (max. 244, I 266).
[157] On ne blâme le vice et on ne loue la vertu que par intérêt (MS 28, I 151).
[158] La vérité est le fondement et la justification de la beauté (MS 49, I 260).
[159] Si nous n'avions point d'orgueil, nous ne nous plaindrions pas de celui des autres (max. 34, I 38).
[160] Nous craignons toutes choses comme mortels, et nous désirons toutes choses comme si nous étions immortels (MP 8).
[161] Peu de gens sont assez sages pour aimer mieux le blâme qui leur sert que la louange qui les trahit (max. 147, I 152).
[162] La subtilité est une fausse délicatesse et la délicatesse une solide subtilité (max. 128, I 130).
[163] La vérité est le fondement et la raison de la perfection et de la beauté, car il est certain qu'une chose, de quelque nature qu'elle soit, est belle et parfaite si elle est tout ce qu'elle doit être et si elle a tout ce qu'elle doit avoir. (MS 49, I 260).
[164] Les passions ont une injustice et un propre intérêt qui fait qu'elles offensent et blessent toujours, même lorsqu'elles parlent raisonnablement et équitablement; la charité a seule le privilège de dire quasi tout ce qui lui plaît et de ne blesser jamais personne (max. 9, I 9).
[165] Le monde, ne connaissant point le véritable mérite, n'a garde de pouvoir le récompenser; aussi n'élève-t-il à ses grandeurs et à ses dignités que des personnes qui ont de belles qualités apparentes et il couronne généralement tout ce qui luit quoique tout ce qui luit ne soit pas de l'or (max. 166, I 173).
[166] Comme il y a de bonnes viandes qui affadissent le coeur, il y a un mérite fade et des personnes qui dégoûtent avec des qualités bonnes et estimables (max. 155, I 162, 2e état).
[167] Nous ne sommes pas difficiles à consoler des disgrâces de nos amis lorsqu'elles servent à nous faire faire quelque belle action (max. 235, I 249).
[168] Quand il n'y a que nous qui sachions nos crimes, ils sont bientôt oubliés (max. 196, I 207).
[169] L'intérêt donne toute sorte de vertus et de vices (max. 253, I 276).
[170] Plusieurs personnes s'acquittent des devoirs de la reconnaissance, quoiqu'il soit vrai de dire que personne n'en a effectivement (max. 224, I 238).
[171] Pour s'établir dans le monde, on fait tout ce qu'on peut pour y paraître établi (max. 56, I 65).
[172] Dans toutes les professions et dans tous les arts, chacun se fait une mine et un extérieur qu'il met en la place de la chose dont il veut avoir le mérite, de sorte que tout le monde n'est composé que de mines, et c'est inutilement que nous travaillons à y trouver les choses (max. 256, I 279).
[173] Il y a des gens qui ressemblent aux vaudevilles que tout le monde chante un certain temps quelque fades et dégoûtants qu'ils soient (max. 211, I 223).
[174] Comme dans la nature il y a une éternelle génération et que la mort d'une chose est toujours la production d'une autre, de même il y a dans le coeur humain une génération perpétuelle de passions, en sorte que la ruine de l'une est toujours l'établissement d'une autre (max. 10, I 10).
[175] Je ne sais si cette maxime, que chacun produit son semblable, est véritable dans la physique, mais je sais bien qu'elle est fausse dans la morale et que les passions en engendrent souvent qui leur sont contraires; ainsi l'avarice produit quelquefois la libéralité, et la libéralité l'avarice, on est souvent ferme de faiblesse, et l'audace naît de la timidité (max. 11, I 11).
[176] Peu de gens sont cruels de cruauté, mais tous les hommes sont cruels et inhumains d'amour-propre (MS 32, I 174).
[177] L'intérêt parle toute sorte de langues et joue toute sorte de personnages, même celui de désintéressé (max. 39, I 43).
[178] L'esprit est toujours la dupe du coeur (max. 102, I 112).
[179] Quelque industrie que l'on ait à cacher ses passions sous le voile de la piété et de l'honneur, il y en a toujours quelque coin qui se montre (max. 12, I 12).
[180] La philosophie triomphe aisément des maux passés et de ceux qui ne sont pas prêts d'arriver, mais les maux présents triomphent d'elle (max. 22, I 25).
[181] Ce qui fait tout le mécompte que nous voyons dans la reconnaissance des hommes, c'est que l'orgueil de celui qui donne, et l'orgueil de celui qui reçoit, ne peuvent convenir du prix du bienfait (max. 225, I 239).
[182] La vanité et la honte, et surtout le tempérament, fait la valeur des hommes, et la chasteté des femmes, dont chacun mène tant de bruit (max. 220, I 234).
[183] Il y a des gens dont le mérite consiste à dire et à faire des sottises utilement, et qui gâteraient tout s'ils changeaient de conduite (max. 156, I 163).
[184] On se console souvent d'être malheureux en effet par un certain plaisir qu'on trouve à le paraître (MS 10, I 60).
[185] On admire tout ce qui éblouit, et l'art de savoir bien mettre en oeuvre de médiocres qualités dérobe l'estime et donne souvent plus de réputation que le véritable mérite (max. 162, I 164).
[186] Les rois font des hommes comme des pièces de monnaie, ils les font valoir ce qu'ils veulent et on est forcé de les recevoir selon leur cours et non pas selon leur véritable prix (MS 67, I 165).
[187] La vertu est un fantôme formé par nos passions à qui on donne un nom honnête pour faire impunément ce qu'on veut (MS 34, I 179).
[188] Peu de gens connaissent la mort; on la souffre, non par la résolution, mais par la stupidité et par la coutume, et la plupart des hommes meurent parce qu'on meurt (max. 23, I 26).
[189] L'imitation est toujours malheureuse et tout ce qui est contrefait déplaît avec les mêmes choses qui charment lorsqu'elles sont naturelles (MS 43, I 245).
[190] Dieu a mis des talents différents dans l'homme comme il a planté de différents arbres dans la nature, en sorte que chaque talent de même que chaque arbre a ses propriétés et ses effets qui lui sont tous particuliers; de là vient que le poirier le meilleur du monde ne saurait porter les pommes les plus communes, et que le talent le plus excellent ne saurait produire les mêmes effets des talents les plus communs; de là vient encore qu'il est aussi ridicule de vouloir faire des sentences sans en avoir la graine en soi que de vouloir qu'un parterre produise des tulipes quoiqu'on n'y ait point semé les oignons (MP 9).
[191] L'honneur acquis est caution de celui qu'on doit acquérir (max. 270, I 294).
[192] L'intérêt, à qui on reproche d'aveugler les uns, est ce qui fait toute la lumière des autres (max. 40, I 44).
[193] Il y a des reproches qui louent et des louanges qui médisent (max. 148, I 153).
[194] Ce n'est pas assez d'avoir de grandes qualités, il en faut avoir l'économie (max. 159, I 166).
[195] Une preuve convaincante que l'homme n'a pas été créé comme il est, c'est que plus il devient raisonnable et plus il rougit en soi-même de l'extravagance, de la bassesse et de la corruption de ses sentiments et de ses inclinations (MP 10).
[196] On se mécompte toujours dans le jugement que l'on fait de nos actions quand elles sont plus grandes que nos desseins (max. 160, I 167).
[197] Il faut une certaine proportion entre les actions et les desseins qui les produisent, sans laquelle les actions ne font jamais tous les effets qu'elles doivent faire (max. 161, I 168).
[198] Quoique la vanité des ministres se flatte de la grandeur de leurs actions, elles sont bien souvent les effets du hasard ou de quelque petit dessein (max. 57, I 66).
[199] La nature, qui se vante d'être toujours sensible, est dans la moindre occasion étouffée par l'intérêt (max. 275, I 299).
[200] Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit (max. 209, I 221).
[201] Les grands hommes s'abattent et se démontent à la fin par la longueur de leurs infortunes; cela ne veut pas dire qu'ils fussent forts quand ils les supportaient, mais seulement qu'ils se donnaient la gêne pour le paraître, et qu'ils soutenaient leurs malheurs par la force de leur ambition et non pas par celle de leur âme; cela fait voir manifestement qu'à une grande vanité près les héros sont faits comme les autres hommes (max. 24, I 27).
[202] La plupart des gens ne voient dans les hommes que la vogue qu'ils ont et le mérite de leur fortune (max. 212, I 224).
[203] Il n'appartient qu'aux grands hommes d'avoir de grands défauts (max. 190, I 198).
[204] Toutes les vertus des hommes se perdent dans l'intérêt, comme les fleuves se perdent dans la mer (max. 171, I 180).
[205] Il y a des hommes que l'on estime, qui n'ont pour toutes vertus que des vices qui sont propres à la société et au commerce de la vie (max. 273, I 297).
[206] Il ne faut pas s'offenser que les autres nous cachent la vérité puisque nous nous la cachons si souvent nous-mêmes (MP II).
[207] Rien ne prouve davantage combien la mort est redoutable que la peine que les philosophes se donnent pour persuader qu'on la doit mépriser (MP 12).
[208] Rien ne prouve tant que les philosophes ne sont pas si bien persuadés qu'ils disent que la mort n'est pas un mal que le tourment qu'ils se donnent pour éterniser leur réputation (MS 53, I 285, Ier état).
[209] Il semble que c'est le diable qui a tout exprès placé la paresse sur la frontière de plusieurs vertus (MP 13).
[210] La fin du bien est un mal, la fin du mal est un bien (MP 14).
[211] L'orgueil est égal dans tous les hommes et il n'y a de différence qu'en la manière de le mettre au jour (max. 35, I 39).
[212] On blâme aisément les défauts des autres, mais on s'en sert rarement à corriger les siens (MP 15).
[213] On n'oublie jamais si bien les choses que quand on s'est lassé d'en parler (MS 26, I 144).
[214] Comment peut-on se répondre si hardiment de soi-même puisqu'il faut auparavant se pouvoir répondre de sa fortune? (MS II, I 70.)
[215] L'espérance, toute vaine et toute trompeuse qu'elle est d'ordinaire, sert au moins à nous mener à la fin de la vie par un beau chemin (max. 168, I 175).
[216] La magnanimité est assez définie par son nom; on pourrait dire toutefois que c'est le bon sens de l'orgueil et la voie la plus noble qu'elle ait pour recevoir des louanges (max. 285, I 313).
[217] La clémence c'est un mélange de gloire, de paresse et de crainte dont nous faisons une vertu (max. 16, I 16).
[218] On n'est pas moins exposé aux rechutes des maladies de l'âme que de celles du corps; nous croyons être guéris bien que le plus souvent ce ne soit qu'un relâche ou un changement de mal; quand les vices nous quittent, nous voulons croire que c'est nous qui les quittons; on pourrait presque dire qu'ils nous attendent sur le cours ordinaire de la vie comme des hôtelleries où il faut successivement loger, et je doute que l'expérience même nous en peut [sic] garantir s'il nous était permis de faire deux fois le même chemin (max. 193, 192 et 191, I 204, 203 et 202).
[219] Si l'on juge de l'amour par la plupart de ses effets, il ressemble plus à la haine qu'à l'amitié (max. 72, I 82).
[220] On n'est jamais si ridicule par les qualités que l'on a que par celles qu'on affecte d'avoir (max. 134, I 136).
[221] La durée de nos passions ne dépend pas plus de nous que la durée de notre vie (max. 5, I 5).
[222] Il y a beaucoup de femmes qui n'ont jamais eu de galanteries, mais je ne sais s'il y en a qui n'en aient jamais eu qu'une (max. 73, I 83).
[223] L'amour est à l'âme de celui qui aime ce que l'âme est au corps qu'elle anime (MS 13, I 77).
[224] Il n'y a point de déguisement qui puisse longtemps cacher l'amour où il est, ni le feindre où il n'est pas (max. 70, I 80).
[225] Comme on n'est jamais libre d'aimer ou de cesser d'aimer, on ne peut se plaindre avec justice de la cruauté de sa maîtresse, ni elle de la légèreté de son amant (MS 62, I 81).
[226] La durée de l'amour et ce qu'on appelle ordinairement constance sont deux choses bien différentes: la première vient de ce que l'on trouve sans cesse dans la personne que l'on aime, comme dans une source inépuisable, de nouveaux sujets d'aimer, et l'autre vient de qu'on se fait un honneur de tenir sa parole (max. 176, I 185).
[227] Les vices entrent dans la composition des vertus comme les poisons entrent dans la composition des plus grands remèdes de la médecine, la prudence les assemble, elle les tempère et elle s'en sert utilement contre les maux de la vie (max. 182, I 191).
[228] Les biens et les maux qui nous arrivent ne nous touchent pas selon leur grandeur, mais selon notre sensibilité (MP 16).
[229] La curiosité n'est pas, comme l'on croit, un simple amour de la nouveauté: il y en a d'intérêt, qui fait que nous voulons savoir les choses pour nous en prévaloir; et il y en a une autre d'orgueil, qui nous donne envie d'être au-dessus de tous ceux qui ignorent les choses, et de n'être pas au-dessous de ceux qui les savent (max. 173, I 182).
[230] On est souvent reconnaissant par principe d'ingratitude (max. 226, I 240).
[231] On fait souvent du bien pour pouvoir faire du mal impunément (max. 121, I 125).
[232] Le refus des louanges est un désir d'être loué deux fois (max. 149, I 154).
[233] On peut connaître son esprit, mais qui peut connaître son coeur? (max. 103, I 113).
[234] Le vrai ne fait pas tant de bien dans le monde que le vraisemblable y fait de mal (max. 64, I 73).
[235] La petitesse de l'esprit fait l'opiniâtreté (cf. la maxime suivante).
[236] On ne croit pas aisément ce qui est au-delà de ce que nous voyons (pour cette maxime et la précédente: max. 265, I 288).
[237] Ceux qui prisent trop leur noblesse ne prisent d'ordinaire pas assez ce qui en est l'origine (MP 17).
[238] Le désir de paraître habile empêche souvent de le devenir, parce qu'on songe plus à paraître aux autres qu'à être effectivement ce qu'il faut être (max. 199, I 210).
[239] La jalousie ne subsiste que dans les doutes et ne vit que dans de nouvelles inquiétudes; l'incertitude est sa matière (max. 32, I 35).
[240] Le remède de la jalousie est la certitude de ce qu'on craint, parce qu'elle cause la fin de la vie ou la fin de l'amour; c'est un cruel remède, mais il est plus doux que les doutes et les soupçons (MP 18).
[241] Il est difficile de comprendre combien est grande la ressemblance et la différence qu'il y a entre tous les hommes (MP 19).
[242] C'est être véritablement honnête homme que de vouloir bien être examiné des honnêtes gens en tous temps et sur tous les sujets qui se présentent (max. 206, I 218).
[243] Le désir de vivre ou de mourir sont des goûts de l'amour-propre dont il ne faut non plus disputer que des goûts de la langue ou du choix des couleurs (max. 46, I 52).
[244] Il n'est pas si dangereux de faire du mal à la plupart des hommes que de leur faire trop de bien (max. 238, I 253).
[245] Ce qui fait tant disputer contre les maximes qui découvrent le coeur de l'homme, c'est que l'on craint d'y être découvert (MP 20).
[246] De plusieurs actions diverses que la fortune arrange comme il lui plaît il s'en fait plusieurs vertus (max. I, I 293).
[247] On est sage pour les autres, personne ne l'est assez pour soi-même (max. 132, I 133).
[248] La confiance que l'on a en soi fait naître la plus grande partie de celle que l'on a aux autres (MS 47, I 258).
[249] On peut toujours ce qu'on veut, pourvu qu'on le veuille bien (max. 243, I 265 et 272, Ier état).
[250] La jeunesse est une ivresse continuelle; c'est la fièvre de la santé, c'est la folie de la raison (max. 271, I 295).
[251] Toutes les passions ne sont autre chose que les divers degrés de la chaleur et de la froideur du sang (MS 2, I 13).
[252] Comme c'est le caractère des grands esprits de faire entendre avec peu de paroles beaucoup de choses, les petits esprits en revanche ont l'art de parler beaucoup et de ne dire rien (max. 142, I 145).
[253] De toutes les passions celle qui est la plus inconnue c'est la paresse, elle est la plus violente et la plus maligne de toutes, quoique sa violence soit insensible et que les dommages qu'elle cause soient très cachés; si nous considérons attentivement son pouvoir, nous verrons qu'elle se rend en toutes rencontres maîtresse de nos sentiments, de nos intérêts et de nos plaisirs; c'est le petit poisson qui a la force d'arrêter les plus grands navires, c'est une bonace plus dangereuse aux plus importantes affaires que les écueils et les plus grandes tempêtes; le repos de la paresse est un charme secret de l'âme qui suspend soudainement ses plus ardentes poursuites et ses plus opiniâtres résolutions, et enfin, pour donner la véritable idée de cette passion, il faut dire que la paresse est une béatitude de l'âme qui la console de toutes ses pertes et la fait renoncer à toutes ses prétentions (MS 54, I 290).
[254] La magnanimité méprise tout pour avoir tout (max. 248, I 270).
[255] L'homme est si misérable que, tournant toutes ses conduites à satisfaire ses passions, il gémit incessamment sous leur tyrannie; il ne peut supporter ni leur violence ni celle qu'il faut qu'il se fasse pour s'affranchir de leur joug; il trouve du dégoût non seulement dans ses vices, mais encore dans leurs remèdes, et ne peut s'accommoder ni des chagrins de ses maladies ni du travail de sa guérison (MP 21).
[256] Dieu a permis, pour punir l'homme du péché originel, qu'il se fît un dieu de son amour-propre pour en être tourmenté dans toutes les actions de sa vie (MP 22).
[257] Si nous n'avions point de défauts, nous ne serions pas si aises d'en remarquer aux autres (max. 31, I 34).
[258] Je ne sais si on peut dire de l'agrément séparé de la beauté que c'est une symétrie dont on ne sait pas les règles et un rapport secret des traits ensemble et des traits avec les couleurs et l'air de la personne (max. 240, I 261).
[259] Il y a une infinité de conduites qui ont un ridicule apparent et qui sont dans leurs raisons cachées très sages et très solides (max. 163, I 170).
[260] En vieillissant on devient plus fou et plus sage (max. 210, I 222).
[261] L'espérance et la crainte sont inséparables et il n'y a point de crainte sans espérance ni d'espérance sans crainte (MP 23).
[262] Il semble que plusieurs de nos actions aient des étoiles heureuses ou malheureuses aussi bien que nous, d'où dépend une grande partie de la louange ou du blâme qu'on leur donne (max. 58, I 67).
[263] Il n'y a que d'une sorte d'amour, mais il y en a mille différentes copies (max. 74, I 84).
[264] L'amour aussi bien que le feu ne peut subsister sans un mouvement continuel, et il cesse de vivre dès qu'il cesse d'espérer ou de craindre (max. 75, I 85).
[265] Il est de l'amour comme de l'apparition des esprits: tout le monde en parle, mais peu de gens en ont vu (max. 76, I 86).
[266] L'amour prête son nom à un nombre infini de commerces qu'on lui attribue, où il n'a souvent guère plus de part que le doge en a à ce qui se fait à Venise (max. 77, I 87).
[267] Le pouvoir que les personnes que nous aimons ont sur nous est presque toujours plus grand que celui que nous y avons nous-mêmes (MP 24).
[268] La promptitude avec laquelle nous croyons le mal sans l'avoir assez examiné est aussi bien un effet de paresse que d'orgueil: on veut trouver des coupables, mais on ne veut pas se donner la peine d'examiner les crimes (max. 267, I 291).
[269] Ce qui nous fait croire si facilement que les autres ont des défauts, c'est la facilité que l'on a de croire ce qu'on souhaite (MP 25).
[270] L'intérêt est l'âme de l'amour-propre, de sorte que comme le corps, privé de son âme, est sans vue, sans ouïe, sans connaissance, sans sentiment et sans mouvement, de même l'amour-propre séparé, s'il le faut dire ainsi, de son intérêt, ne voit, n'entend, ne sent et ne se remue plus; de là vient qu'un même homme qui court la terre et les mers pour son intérêt devient soudainement paralytique pour l'intérêt des autres; de là vient le soudain assoupissement, et cette mort que nous causons à tous ceux à qui nous contons nos affaires; de là vient leur prompte résurrection lorsque dans notre narration nous y mêlons quelque chose qui les regarde de sorte que nous voyons dans nos conversations et dans nos traités que dans un même moment un homme perd connaissance et revient à soi selon que son propre intérêt s'approche de lui ou qu'il s'en retire (MP 26).
[271] Les défauts de l'âme sont comme les blessures du corps; quelque soin qu'on prenne de les guérir, la cicatrice paraît toujours et elles se peuvent toujours rouvrir (max. 194, I 205).
[272] Il est aussi ordinaire de voir changer les goûts qu'il est rare de voir changer les inclinations (max. 252, I 275).
Sentences et maximes de morale
(Édition hollandaise de 1664)
[1] Les vices entrent dans la composition des vertus, comme les poisons entrent dans la composition des remèdes de la médecine: la prudence les assemble et les tempère, et elle s'en sert utilement contre les maux de la vie (max. 182, I 191).
[2] La vertu des gens du monde est un fantôme formé par nos passions, à qui on donne un nom honnête pour faire impunément ce qu'on veut (MS 34, I 179).
[3] Toutes les vertus des hommes se perdent dans l'intérêt, comme les fleuves se perdent dans la mer (max. 171, I 180).
[4] Les crimes deviennent innocents, même glorieux, par leur nombre et par leurs qualités; de là vient que les voleries publiques sont des habiletés, et que prendre des provinces injustement s'appelle faire des conquêtes. Le crime a ses héros, ainsi que la vertu (MS 68, I 192, et max. 185, I 194).
[5] La honte, la paresse, et la timidité ont souvent toutes seules le mérite de nous retenir dans notre devoir, pendant que notre vertu en a tout l'honneur (max. 169, I 177).
[6] Si on avait ôté à ce qu'on appelle force le désir de conserver, et la crainte de perdre, il ne lui resterait pas grand'chose (MP 32).
[7] La clémence est un mélange de gloire, de paresse et de crainte, dont nous faisons une vertu; et chez les princes c'est une politique dont ils se servent pour gagner l'affection des peuples (max. 16 et 15, I 16 et 15).
[8] La constance des sages n'est qu'un art avec lequel ils savent renfermer dans leur âme leur agitation (max. 20, I 23).
[9] La gravité est un mystère du corps, inventé pour cacher les défauts de l'esprit (max. 257. I 280).
[10] La sévérité des femmes est un ajustement, et un fard qu'elles ajoutent à leur beauté. C'est enfin un attrait fin et délicat, et une douceur déguisée (max. 204, I 216).
[11] La réconciliation avec nos ennemis, qui se fait au nom de la sincérité, de la douceur, et de la tendresse, n'est qu'un désir de rendre sa condition meilleure, une lassitude de la guerre, et une crainte de quelque mauvais événement (max. 82, I 95).
[12] Il est de la reconnaissance comme de la bonne foi des marchands elle soutient le commerce, et nous ne payons pas par la justice de payer, mais pour trouver plus facilement des gens qui nous prêtent (max. 223, I 237).
[13] Les hommes ne sont pas seulement sujets à perdre également le souvenir des bienfaits et des injures, mais ils haïssent ceux qui les ont obligés. L'orgueil et l'intérêt produit partout l'ingratitude. L'application à récompenser le bien, et à se venger du mal, leur paraît une servitude, à laquelle ils ont peine de s'assujettir (max. 14, I 14).
[14] On élève la prudence jusques au ciel, et il n'est sorte d'éloges qu'on ne lui donne. Elle est la règle de nos actions, et de nos conduites; elle est la maîtresse de la fortune; elle fait le déclin des empires; sans elle on a tous les maux; avec elle on a tous les biens; et comme disait autrefois un poète, quand nous avons la prudence il ne nous manque aucune divinité, pour dire que nous trouvons dans la prudence tout le secours que nous demandons aux dieux. Cependant la prudence la plus consommée ne saurait nous assurer du plus petit effet du monde, parce que travaillant sur une matière aussi changeante, et aussi commune, qu'est l'homme, elle ne peut exécuter sûrement aucun de ses projets. Dieu seul, qui tient tous les coeurs des hommes entre ses mains, et qui peut quand il lui plaira en accorder les mouvements, fait aussi réussir les choses qui en dépendent. D'où il faut conclure que toutes les louanges dont notre ignorance, et notre vanité, flatte notre prudence, sont autant d'injures que nous faisons à sa providence (max. 65, I 75).
[15] On n'est jamais si ridicule par les qualités que l'on a que par celles que l'on affecte d'avoir (max. 134, I 136).
[16] Nous promettons selon nos espérances, et nous tenons selon nos craintes (max. 38, I 42).
[17] On est au désespoir d'être trompé par ses ennemis, et trahi par ses amis; et on est souvent satisfait de l'être par soi-même (max. 114, I 119).
[18] Il est aussi aisé de se tromper soi-même sans s'en apercevoir qu'il est difficile de tromper les autres sans qu'ils s'en aperçoivent (max. 115, I 120).
[19] Rien n'est plus divertissant que de voir deux hommes s'assembler, l'un pour demander conseil, et l'autre pour le donner. L'un paraît avec une indifférence respectueuse, et dit qu'il vient recevoir des conduites, et soumettre ses sentiments; et son désir, le plus souvent, est de faire passer le siens, et de rendre celui qu'il fait maître de son avis garant de l'affaire qu'il lui propose. Quant à celui qui est conseiller, il paye d'abord la sincérité de son ami d'un zèle ardent et désintéressé qu'il lui montre, et cherche en même temps dans ses propres intérêts des règles de conseiller: de sorte que son conseil lui devient plus propre qu'à celui qui le reçoit (max. 116, I 118).
[20] La faiblesse de l'esprit est mal nommée: c'est en effet la faiblesse du tempérament, qui n'est autre chose qu'une impuissance d'agir, et un manque de principe de vie (max. 44, I 49).
[21] Rien n'est impossible: il y a des voies qui conduisent à toutes choses; et si nous avions assez de volonté, nous aurions toujours assez de moyens (max. 243, I 265 et 272, Ier état).
[22] La pitié est un sentiment de nos propres maux dans un sujet étranger; c'est une prévoyance habile des malheurs où nous pouvons tomber, qui nous fait donner des secours aux autres pour les engager à nous les rendre dans de semblables occasions: de sorte que les services que nous rendons à ceux qui sont accueillis de quelque infortune, sont à proprement parler des biens anticipés que nous nous faisons (max. 264, I 287).
[23] Celui-là n'est pas raisonnable qui trouve la raison, mais celui qui la connaît, qui la goûte, et qui la discerne (max. 105, I 115).
[24] Nous avouons nos défauts pour réparer le préjudice qu'ils nous font dans l'esprit des autres par l'impression que nous leur donnons de la justice du nôtre (max. 184, I 193).
[25] L'humilité est une feinte soumission, que nous employons pour soumettre effectivement tout le monde. C'est un mouvement de l'orgueil par lequel il s'abaisse devant les hommes pour s'élever sur eux. C'est son plus grand déguisement, et son premier stratagème; et comme il est sans doute que le Protée des fables n'a jamais été, il est certain aussi que l'orgueil en est un véritable dans la nature, car il prend toutes les formes comme il lui plaît. Mais quoiqu'il soit merveilleux et agréable à voir dans toutes ses figures et dans toutes ses industries, il faut pourtant avouer qu'il n'est jamais si rare, ni si extraordinaire, que lorsqu'on le voit les yeux baissés, sa contenance modeste et reposée, ses paroles douces et respectueuses, pleines de l'estime des autres et de dédain pour lui-même: il est indigne de tous les honneurs, il est incapable d'aucun emploi, et ne reçoit les charges où l'on l'élève que comme un effet de la bonté des hommes, et de la faveur aveugle de la fortune (max. 254, I 277).
[26] La modération dans la bonne fortune n'est que la crainte de la honte qui suit l'emportement ou la peur de perdre ce que l'on a. C'est le calme de notre humeur adoucie par la satisfaction de l'esprit; c'est aussi la crainte du blâme et du mépris qui suivent ceux qui s'enivrent de leur bonheur; c'est une vaine ostentation de la force de notre esprit; et enfin, pour la définir intimement, la modération des hommes dans leurs plus hautes élévations, c'est une ambition de paraître plus grands que les choses qui les élèvent (MS 3 et max. 17-18, I 18-19-20).
[27] Qui ne rirait de cette vertu et de l'opinion qu'on a conçue d'elle? Elle n'a garde, ainsi qu'on le croit, de combattre et de soumettre l'ambition, puisque jamais elles ne se peuvent trouver ensemble, la modération n'étant véritablement qu'une paresse, une langueur, et un manque de courage: de manière qu'on peut justement dire que la modération est la bassesse de l'âme, comme l'ambition en est l'élévation (max. 293, I 17).
[28] La chasteté des femmes est l'amour de leur réputation et de leur repos (max. 205, I 217).
[29] Il n'y a point de libéralité, et ce n'est que la vanité de donner que nous aimons mieux que ce que nous donnons (max. 263, I 286).
[30] La sobriété est l'amour de la santé, ou l'impuissance de manger beaucoup (MS 24, I 135).
[31] La fidélité est une invention rare de l'amour-propre par laquelle l'homme, s'érigeant en dépositaire des choses précieuses, se rend lui-même infiniment précieux. De tous les trafics de l'amour-propre, c'est celui où il fait moins d'avance et de plus grands profits. C'est un raffinement de sa politique, car il engage les hommes par leur liberté et par leur vie (qu'ils sont forcés de confier en quelques occasions) à élever l'homme fidèle au-dessus de tout le monde (max. 247, I 269).
[32] L'éducation qu'on donne aux princes est un second amour-propre qu'on leur inspire (max. 261, I 284, Ier état).
[33] Notre repentir ne vient point de nos actions, mais du dommage qu'elles nous causent (max. 180, I 189).
[34] Il est bien malaisé de distinguer la bonté répandue et générale pour tout le monde de la grande habileté (MS 44, I 252).
[35] Qui considérera superficiellement tous les effets de la bonté qui nous fait sortir de nous-mêmes, et qui nous immole continuellement à l'avantage de tout le monde, sera tenté de croire que lorsqu'elle agit, l'amour-propre s'oublie et s'abandonne lui-même, et même qu'il se laisse dépouiller et appauvrir sans s'en apercevoir: en sorte qu'il semble que l'amour-propre soit la dupe de la bonté. Cependant la bonté est en effet le plus propre de tous les moyens dont l'amour-propre se sert pour arriver à ses fins. C'est un chemin dérobé par où il revient à lui-même plus riche et plus abondant. C'est un désintéressement qu'il met à une furieuse usure. C'est enfin un ressort délicat avec lequel il réunit et dispose et tourne tous les hommes en sa faveur (max. 236, I 250).
[36] Nul ne mérite d'être loué de bonté, s'il n'a la force et la hardiesse de pouvoir être méchant; toute autre bonté n'est en effet qu'une privation de vices, et leur endormissement (max. 237, I 251).
[37] L'amour de la justice dans les bons juges qui sont modérés n'est que l'amour de leur élévation; dans la plupart des hommes ce n'est que la crainte de souffrir l'injustice, et qu'une vive appréhension qu'on ne nous ôte ce qui nous appartient. De là vient cette considération et ce respect pour tous les intérêts du prochain, et cette scrupuleuse application à ne lui faire aucun préjudice. Sans cette crainte qui retient l'homme dans les bornes des biens que sa naissance ou la fortune lui a donnés, pressé par la violente passion de se conserver, il ferait des courses continuellement sur les autres (MS 15, I 89; max. 78, I 91; MS 14, I 88).
[38] La véritable justice ne voit que ce qu'il faut voir, la droiture prend tout le bon droit des choses, la délicatesse aperçoit les choses imperceptibles, et le jugement prononce ce que les choses sont. Si on l'examine bien, on trouvera que toutes ses qualités ne sont autre chose que la grandeur de l'esprit, lequel voit en toutes rencontres, dans la plénitude de ses lumières, tous les avantages dont nous venons de parler (cf. la maxime suivante).
[39] Le jugement n'est autre chose que la grandeur de la lumière de l'esprit. On peut dire la même chose de son étendue, et de sa profondeur, de son discernement, de sa justice, de sa droiture et de sa délicatesse: l'étendue de l'esprit est la mesure de la lumière, la profondeur est celle qui découvre le fond des choses, le discernement compare et distingue les choses (pour cette maxime et la précédente: max. 97, I 107).
[40] La persévérance n'est digne de blâme ni de louange, parce qu'elle n'est que la durée des goûts et des sentiments, qu'on ne s'ôte ni qu'on ne se donne (max. 177, I 186).
[41] La vérité qui fait les gens véritables est une imperceptible ambition qu'ils ont de rendre leur témoignage considérable et d'attirer à leurs paroles un respect de religion (max. 63, I 72).
[42] La vérité est le fondement et la justification de la raison, de la perfection et de la beauté, car il est certain qu'une chose, de quelque nature qu'elle soit, est belle et parfaite si elle est tout ce qu'elle doit être et si elle a tout ce qu'elle doit avoir (MS 49, I 260).
[43] La vraie éloquence consiste à dire tout ce qu'il faut, et ne dire que ce qu'il faut (max. 250, I 273).
[44] Il n'y a pas moins d'éloquence dans le ton de la voix que dans le choix des paroles (max. 249, I 272, 2e état).
[45] Les passions sont les seuls orateurs qui persuadent toujours; elles sont comme un art dans la nature, dont les règles sont infaillibles. Par elles l'homme le plus simple persuade mieux que ne fait le plus habile avec toutes les fleurs de l'éloquence (max. 8, I 8).
[46] Rien n'est si contagieux que l'exemple, et nous ne faisons jamais de grands biens, ni de grands maux, qui ne produisent infailliblement leurs pareils. L'imitation d'agir honnêtement vient de l'émulation, et l'imitation des maux vient de l'excès de la malignité naturelle qui, étant comme tenue en prison par la bonté, est mise en liberté par l'exemple (max. 230, I 244).
[47] L'imitation est toujours malheureuse, et tout ce qui est contrefait déplaît avec les même choses qui charment lorsqu'elles sont naturelles (MS 43, I 245).
[48] Ceux qu'on exécute affectent quelquefois des constances, des froideurs, et des mépris de la mort, pour ne pas penser à elle et pour s'étourdir: de sorte qu'on peut dire que ces froideurs, et ces mépris, font à leur esprit ce que le mouchoir fait à leurs yeux (max. 21, I 24).
[49] Peu de gens connaissent la mort; on la souffre non par résolution, mais par stupidité et par coutume, et la plupart des hommes meurent parce qu'on meurt (max. 23, I 26).
[50] Nous craignons toutes choses comme mortels, et nous les désirons toutes comme si nous étions immortels (MP 8).
[51] La subtilité est une fausse délicatesse, et la délicatesse est une subtilité solide (max. 128, I 130).
[52] Le monde, ne connaissant point le véritable mérite, n'a garde de pouvoir le récompenser; aussi n'élève-t-il à ses grandeurs et à ses dignités que des personnes qui ont de _belles qualités apparentes, et il couronne généralement tout ce qui luit, quoique tout ce qui luit ne soit pas de l'or (max. 166, I 173).
[53] Comme il y a de bonnes viandes qui affadissent le coeur, il y a un mérite fade, et des personnes qui dégoûtent avec des qualités bonnes et estimables (max. 155, I 162, 2e état).
[54] On admire tout ce qui éblouit, et l'art de savoir bien mettre en oeuvre de médiocres qualités dérobe l'estime, et donne souvent plus de réputation que de [sic] véritable mérite (max. 162, I 164).
[55] Les rois font des hommes comme des pièces de monnaie: ils les font valoir ce qu'ils veulent, et on est forcé de les recevoir selon leurs cours, et non pas selon leurs véritables prix (MS 67, I 165).
[56] Ce n'est pas assez d'avoir de grandes qualités, il en faut avoir l'économie (max. 159, I 166).
[57] Il y a des gens dont le mérite consiste à dire et à faire des sottises utilement, et qui gâteraient tout s'ils changeaient de conduite (max. 156, I 163).
[58] Il y en a même à qui leurs défauts siéent bien, et d'autres qui sont disgraciés de leurs bonnes qualités (max. 251, I 281).
[59] Il y a des gens niais qui se connaissent fort sots, et qui emploient habilement leurs sottises (max. 208, I 220).
[60] Dieu a mis des talents différents dans l'homme, comme il a planté de différents arbres dans la nature, en sorte que chaque talent, de même que chaque arbre, a ses propriétés et ses effets qui lui sont tous particuliers. De là vient que le poirier le meilleur du monde ne saurait porter des pommes les plus communes, et que le talent le plus excellent ne saurait produire les mêmes effets des talents les plus communs. De là vient encore qu'il est aussi ridicule de vouloir faire des semences sans avoir la graine en soi, que de vouloir qu'un parterre produise des tulipes quand on n'y a pas planté les oignons (MP 9).
[61] Pour s'établir dans le monde on fait tout ce qu'on peut pour y paraître établi; dans toutes les professions et dans tous les arts chacun se fait une mine et un extérieur, qu'il met en la place de la chose dont il veut avoir le mérite. De sorte que tout le monde n'est composé que de mines, et c'est inutilement que nous travaillons à y trouver les choses (max. 56 et 256, I 65 et 279).
[62] Il y a des gens qui ressemblent à ces vaudevilles que tout le monde chante un certain temps, quelque fades et dégoûtants qu'il soient (max. 211, I 223).
[63] L'honneur acquis est caution de celui qu'on doit acquérir (max. 270, I 294).
[64] Comme dans la nature il y a une éternelle génération, et que la mort d'une chose est toujours la production d'une autre, de même il y a toujours dans le coeur humain une génération perpétuelle de passions: en sorte que la ruine de l'une est toujours le rétablissement de l'autre (max. 10, I 10).
[65] Je ne sais si cette maxime, que chacun produit son semblable, est véritable dans la physique; mais je sais bien qu'elle est fausse dans la morale, et que les passions en engendrent souvent qui leur sont contraires. Ainsi l'avarice produit quelquefois la libéralité, on est souvent ferme de faiblesse, et l'audace naît de la timidité (max. II, I II).
[66] Une preuve convaincante que l'homme n'a pas été créé comme il est, c'est que plus il devient raisonnable, plus il rougit en soi-même de l'extravagance, de la bassesse et de la corruption de ses sentiments et de ses inclinations (MP 10).
[67] On se mécompte toujours dans le jugement que l'on fait de nos actions quand elles sont plus grandes que nos desseins (max. 160, I 167).
[68] Il faut une certaine proportion entre les actions et les dessins qui les produisent; les actions ne font jamais tous les effets qu'elles doivent faire (max. 161, I 168).
[69] La passion fait souvent du plus habile homme un sot, et rend quasi toujours les plus sots habiles (max. 6, I 6).
[70] Chaque homme n'est pas plus différent des autres hommes qu'il l'est souvent de lui-même (max. 135, I 137).
[71] Tout le monde trouve à redire en autrui ce qu'on trouve à redire en lui (MS 5, I 33).
[72] Un homme d'esprit serait bien souvent embarrassé sans la compagnie des sots (max. 140, I 142).
[73] Les pensées et les sentiments ont chacun un ton de voix, une action et un air qui leur sont propres (cf. la maxime suivante).
[74] C'est ce qui fait les bons et les mauvais comédiens, et c'est ce qui fait aussi que les personnes plaisent ou déplaisent (pour cette maxime et la précédente: max. 255, I 278).
[75] La confiance de plaire est souvent un moyen de plaire infailliblement (MS 46, I 256).
[76] Rien ne doit tant diminuer la satisfaction que nous avons de nous-mêmes, que de voir que nous avons été dans les états et dans les sentiments que nous désapprouvons à cette heure (max. 51, I 58).
[77] Nous n'avons presque jamais assez de force pour suivre toute notre raison (max. 42, I 46).
[78] Ce qui nous fait aimer les connaissances nouvelles n'est pas tant la lassitude que l'on a des vieilles, ni le plaisir de changer, que le dégoût que nous avons de n'être pas assez admirés de ceux qui nous connaissent trop, et l'espérance que nous avons de l'être davantage de ceux qui ne nous connaissent guère (max. 178, I 187).
[79] Les grandes âmes ne sont pas celles qui ont moins de passions et plus de vertus que les âmes communes, mais celles seulement qui ont de plus grandes vues (MS 31, I 161).
[80] On se vante souvent mal à propos de ne se point ennuyer, et l'homme est si glorieux qu'il ne veut pas se trouver de mauvaise compagnie (max. 141, I 143).
[81] La santé de l'âme n'est pas plus assurée que celle du corps, quelque éloignés que nous paraissions être des passions que nous n'avons pas encore ressenties. Il faut croire toutefois que l'on n'y est pas moins exposé qu'on l'est à tomber malade quand on se porte bien (max. 188, I 197).
[82] Les passions ont une injustice, et un propre intérêt, qui fait qu'elles offensent et blessent toujours, même lorsqu'elles parlent raisonnablement et équitablement. La charité a seule le privilège de dire quasi tout ce qu'il lui plaît et de ne blesser jamais personne (max. 9, I 9).
[83] L'esprit est toujours la dupe du coeur (max. 102, I 112).
[84] Quelque industrie que l'on ait à cacher ses passions sous le voile de la piété et de l'honneur, il y a toujours quelque endroit qui se montre (max. 12, I 12).
[85] La philosophie triomphe aisément des maux passés et de ceux qui ne sont pas prêts d'arriver, mais les maux présents triomphent d'elle (max. 22, I 25).
[86] La durée de nos passions ne dépend pas plus de nous que la durée de notre vie (max. 5, I 5).
[87] Quoique toutes les passions se dussent cacher, elles ne craignent pas néanmoins le jour; la seule envie est une passion timide et honteuse qu'on ne peut jamais avouer (max. 27, I 30).
[88] L'amitié la plus sainte et la plus sincère n'est qu'un trafic où nous croyons toujours gagner quelque chose (max. 83, I 94).
[89] Ce qui rend nos amitiés si légères et si changeantes, c'est qu'il est aisé de connaître les qualités de l'esprit, et difficile de connaître celles de l'âme (max. 80, I 93).
[90] Nous nous persuadons souvent mal à propos d'aimer les gens plus puissants que nous: l'intérêt seul produit notre amitié, et nous ne leur promettons pas selon ce que nous voulons leur donner, mais selon ce que nous voulons qu'ils nous donnent (max. 85, I 98).
[91] L'amour est en l'âme de celui qui aime ce que l'âme est au corps qui l'anime (MS 13, I 77).
[92] Il n'y a point d'amour pur et exempt du mélange de nos autres passions (max. 69, I 79).
[93] Il est malaisé de définir l'amour; tout ce qu'on peut dire est que dans l'âme c'est une passion de régner, dans les esprits c'est une sympathie, et dans les corps ce n'est qu'une envie cachée et délicate de jouir de ce que l'on aime après beaucoup de mystère (max. 68, I 78).
[94] On s'est trompé quand on a cru que l'amour et l'ambition triomphaient toujours des autres passions; c'est la paresse, toute languissante qu'elle est, qui en est le plus souvent la maîtresse: elle usurpe insensiblement l'empire sur tous les desseins, et sur toutes les actions de la vie; elle y détruit et y consomme toutes les passions et toutes les vertus (max. 266, I 289).
[95] Il n'y a point de déguisement qui puisse longtemps cacher l'amour où il est, ni le feindre où n'est pas (max. 70, I 80).
[96] Comme on n'est jamais libre d'aimer ou de n'aimer pas, on ne peut se plaindre avec justice de la cruauté d'une maîtresse, ni elle de la légèreté de son amant (MS 62, I 81).
[97] Si on juge de l'amour par la plupart de ses effets, il ressemble plus à la haine qu'à l'amitié (max. 72, I 82).
[98] On peut trouver des femmes qui n'ont jamais fait de galanteries, mais il est rare d'en trouver qui n'en ait jamais fait qu'une (max. 73, I 83).
[99] Il y a deux sortes de constance en amour: l'une vient de ce que l'on trouve sans cesse de nouveaux sujets d'aimer en la personne que l'on aime, comme en une source inépuisable, et l'autre vient de ce qu'on se fait honneur de tenir sa parole (max. 176, I 185).
[100] Toute constance en amour est une inconstance perpétuelle qui fait que notre coeur s'attache successivement à toutes les qualités de la personne que nous aimons, donnant tantôt la préférence à l'une, tantôt à l'autre, de sorte que cette constance n'est qu'une inconstance arrêtée et renfermée dans un sujet (max. 175, I 184).
[101] Il y a deux sortes d'inconstances, la première vient de la légèreté de l'esprit, qui à tous moments change d'opinion, ou plutôt de la pauvreté de l'esprit, qui reçoit toutes les opinions des autres; la seconde, qui est plus excusable, vient de la fin du goût des choses que l'on aimait (max. 181, I 190).
[102] Les grandes et éclatantes actions qui éblouissent les yeux sont représentées par les politiques comme les effets des grands intérêts, au lieu qu'ils sont d'ordinaire les effets de l'humeur et des passions. Ainsi la guerre d'Auguste et d'Antoine, qu'on rapporte à l'ambition qu'ils avaient de se rendre maîtres du monde, était un effet de jalousie (max. 7, I 7).
[103] Les affaires et les actions des grands hommes ont (comme les statues) leur point de perspective. Il y en a qu'il faut voir de près, pour en discerner toutes les circonstances; et il y en a d'autres dont on ne juge jamais si bien que quand on en est éloigné (max. 104, I 114).
[104] La jalousie est raisonnable et juste en quelque manière, puisqu'elle ne cherche qu'à conserver un bien qui nous appartient, ou que nous croyons nous devoir appartenir; au lieu que l'envie est une fureur qui nous fait toujours souhaiter la ruine du bien des autres (max. 28, I 31).
[105] L'amour-propre est l'amour de soi-même, et de toutes choses pour soi; il est plus habile que le plus habile homme du monde; il rend les hommes idolâtres d'eux-mêmes, et les rendrait les tyrans des autres si la fortune leur en donnait les moyens. Il ne repose jamais hors de soi, et ne s'arrête dans les sujets étrangers que comme les abeilles sur les fleurs, pour en tirer ce qui lui est propre. Rien n'est si impétueux que ses désirs, rien de si caché que ses desseins, rien de si habile que ses conduites: ses souplesses ne se peuvent représenter, ses transformations passent celles des métamorphoses, et ses raffinements ceux de la chimie. On ne peut sonder la profondeur de ses projets, ni en percer les ténèbres; là il est à couvert des yeux les plus pénétrants. Il y fait mille insensibles tours et retours; là il est souvent invisible à lui-même. Il y conçoit, il y nourrit, et il y élève (sans le savoir) un grand nombre d'affections, et de haines. Il en forme quelquefois de si monstrueuses que lorsqu'il les a mises au jour, il les méconnaît, ou il ne peut se résoudre à les avouer. De cette nuit qui les couvre, naissent les ridicules persuasions qu'il a de lui-même; de là viennent ses erreurs, ses ignorances, ses grossièretés, et ses niaiseries sur son sujet; de là vient qu'il croit que ses sentiments sont morts lorsqu'ils ne sont qu'endormis, qu'il s'imagine n'avoir plus envie de courir quand il se repose, et pense avoir perdu tous les goûts qu'il a rassasiés. Mais cette obscurité épaisse qui le cache à lui-même n'empêche pas qu'il ne voie parfaitement ce qui est hors de lui, en quoi il est raisonnable à nos yeux qui découvrent tout et sont aveugles seulement pour eux-mêmes. En effet, dans ses plus grands intérêts et ses plus importantes affaires où la violence de ses souhaits appelle toute son attention, il voit, il sent, il entend, il imagine, il soupçonne, il pénètre, il devine tout: de sorte qu'on est tenté de croire que chacune de ses passions a une magie qui lui est propre. Rien n'est si intime et si fort que ses attachements, qu'il essaie de rompre inutilement à la vue des malheurs extrêmes qui le menacent. Cependant il fait quelquefois en peu de temps, et sans aucun effort, ce qu'il n'a pu faire avec tous ceux dont il est capable dans le cours de plusieurs années. D'où l'on pourrait conclure assez vraisemblablement que c'est par lui-même que ses désirs sont allumés, plutôt que par la beauté et par le mérite de ses objets; que son goût est le prix qui les relève et le fard qui les embellit; que c'est après lui-même qu'il court, et qu'il suit son gré. Il est tous les contraires, il est impérieux et obéissant, sincère et dissimulé, miséricordieux et cruel, timide et audacieux, et il a de différentes inclinations selon la diversité des tempéraments qui le tournent, et le dévouent pour l'ordinaire à la gloire ou aux richesses ou aux plaisirs. Il en change selon le changement de nos âges, de nos fortunes, et de nos expériences; mais il lui est indifférent d'en avoir plusieurs ou de n'en avoir qu'une parce qu'il se partage en plusieurs et se ramasse en une quand il le faut et comme il lui plaît; il est inconstant, et outre les changements qui lui viennent des causes étrangères il y en a une infinité qui naissent de lui et de son propre fonds. Il est inconstant d'inconstance, de légèreté, d'amour, de nouveauté, de lassitude et de dégoût; il est capricieux, et on le voit quelquefois travailler avec la dernière application et avec des travaux incroyables à obtenir des choses qui ne lui sont point avantageuses, et qui même lui sont nuisibles, mais qu'il poursuit parce qu'il les veut. Il est bizarre, et met souvent toute son application dans les emplois les plus frivoles. Il trouve tout son plaisir dans les plus fades, et conserve toute sa fierté dans les plus méprisables. Il est dans tous les états de la vie et dans toutes les conditions. Il vit partout, il vit de tout et il vit de rien, et il s'accommode des choses et de leur privation. Il passe même par pitié dans le parti des gens qui lui font la guerre. Il entre dans leurs desseins et, ce qui est admirable, il se hait lui-même avec eux, il conjure sa perte, il travaille même à sa ruine; enfin il ne se soucie que d'être: pourvu qu'il soit, il veut bien être son ennemi. Il ne faut pas s'étonner s'il se joint à la plus sévère pitié et s'il entre si hardiment en société avec elle pour se détruire, parce que dans le même temps qu'il se ruine en un endroit, il se rétablit en un autre; quand on pense qu'il quitte son plaisir, il le change seulement en satisfaction, et lors même qu'il est vaincu, et qu'on croit en être défait, on le retrouve dans les triomphes de sa défaite. Voilà la peinture de l'amour-propre, dont toute la vie n'est qu'une grande et longue agitation; la mer en est une image sensible, et l'amour-propre trouve dans la violence de ses vagues continuelles une fidèle expression de la succession turbulente de ses pensées et de ses éternels mouvements (MS I, I I, et max. 4, I 4).
[106] Comme si ce n'était pas assez à l'amour-propre d'avoir la vertu de se transformer lui-même, il a encore celle de transformer les objets, ce qu'il fait d'une manière fort étonnante. Car non seulement il les déguise si bien qu'il y est lui-même abusé, mais aussi, comme si ses actions étaient des miracles, il change l'état et la nature des choses soudainement en effet. Lorsqu'une personne nous est contraire, et qu'elle tourne sa haine et sa persécution contre nous; c'est notre amour-propre qui juge ses actions. Il donne même une étendue à ses défauts, qui les rend énormes, et met ses bonnes qualités dans un jour si désavantageux qu'elles deviennent plus dégoûtantes que ses défauts. Cependant, dès que cette même personne nous devient favorable ou que quelqu'un de nos intérêts la réconcilie avec nous, notre seule satisfaction rend aussitôt à son mérite le lustre que notre aversion venait de lui ôter. Tous ses avantages en reçoivent un fort grand du biais dont nous les regardons; toutes ses mauvaises qualités disparaissent, et nous appelons même toute notre intelligence pour la forcer de justifier la guerre qu'elles nous ont fait (cf. la maxime suivante).
[107] Quoique toutes les passions montrent cette vérité, l'amour le fait voir plus clairement que les autres; car nous voyons un amoureux, agité de la rage où l'a mis un visible oubli, ou pour une infidélité découverte, conjurer le ciel et les enfers, et néanmoins, aussitôt que sa maîtresse s'est présentée et que sa vue a calmé la fureur de ses mouvements, son ravissement rend cette beauté innocente. Il n'accuse plus que lui-même, il condamne ses condamnations, et par cette vertu miraculeuse de l'amour-propre il ôte la noirceur aux actions mauvaises de sa maîtresse, et en sépare le crime pour en changer [sic] ses soupçons (pour cette maxime et la précédente: max. 88, I 101).
[108] La familiarité est un relâchement presque de toutes les règles de la vie civile que le libertinage a introduit dans la société pour nous faire parvenir à celle qu'on appelle commode (début de MP 33).
[109] C'est un effet de l'amour-propre qui, voulant tout accommoder à notre faiblesse, nous soustrait à l'honnête sujétion que nous imposent les bonnes moeurs et, pour chercher trop les moyens de nous les rendre commodes, le fait dégénérer en vices [sic] (MP 33, suite).
[110] Les femmes, ayant naturellement plus de mollesse que les hommes, tombent plutôt dans ce relâchement, et y perdent davantage: l'autorité du sexe ne se maintient pas, le respect qu'on lui doit diminue, et l'on peut dire que l'honnête y perd la plus grande partie de ses droits. Peu de gens sont cruels de cruauté, mais l'on peut dire que la plupart de hommes sont cruels et inhumains d'amour-propre (MP 33, fin, et MS 32, I 174).
[111] L'amour de la gloire, et plus encore la crainte de la honte, le dessein de faire fortune, le désir de rendre notre vie commode et agréable, et l'envie d'abaisser les autres, font naître cette valeur qui est célèbre parmi les hommes (max. 213, I 226)
[112] La vanité et la honte, et surtout le tempérament, fait la valeur des hommes, et la chasteté des femmes, dont on fait tant de bruit (max. 220, I 234).
[113] La parfaite valeur et la poltronnerie complète sont des extrémités où l'on arrive rarement; l'espace qui est entre deux est vaste, et contient toutes les autres espèces de courages: il n'y a pas moins de différence entre eux qu'il y en a entre les visages et les humeurs. Cependant ils conviennent en beaucoup de choses. Il y a des hommes qui s'exposent volontiers au commencement d'une action, et qui se relâchent et se rebutent aisément par sa durée. Il y en a qui sont assez constants quand ils ont satisfait à l'honneur du monde et qui font fort peu de chose au-delà. On en voit qui ne sont pas toujours également maîtres de leur peur; d'autres se laissent quelquefois emporter à des épouvantes générales; d'autres vont à la charge pour n'oser demeurer dans leurs postes. Enfin il s'en trouve à qui l'habitude des moindres périls affermit le courage et les prépare à s'exposer à de plus grands. Outre cela il y a un rapport général que l'on remarque entre tous les courages des différentes espèces dont nous venons de parler, qui est que la nuit, augmentant la crainte et cachant les bonnes et les mauvaises actions, leur donne la liberté de se ménager. Il y a encore un autre ménagement plus général, qui à parler absolument s'étend sur toutes sortes d'hommes c'est qu'il n'y en a point qui fassent tout ce qu'ils seraient capables de faire dans une action s'ils avaient une certitude d'en revenir, de sorte qu'il est véritable que la crainte de la mort ôte quelque chose à leur valeur et diminue son effet (max. 215, I 228).
[114] La pure valeur, s'il y en avait, serait de faire sans témoins ce qu'on est capable de faire devant le monde (max. 216, I 229).
[115] L'intrépidité est une force extraordinaire de l'âme par laquelle elle empêche les troubles, les désordres et les émotions que la vue des grands périls a accoutumé d'élever en elle. Par cette force les héros se maintiennent dans un état paisible et conservent l'usage libre de toutes leurs fonctions dans les accidents les plus terribles et les plus surprenants. Cette intrépidité doit soutenir le coeur dans les conjurations, au lieu que la seule valeur lui fournit toute la fermeté qui lui est nécessaire dans les périls de la guerre (max. 217 et MS 40, I 230 et 231).
[116] On ne veut point perdre la vie, et on veut acquérir de la gloire de là vient que les braves ont plus d'adresse et d'esprit pour éviter la mort que les gens de chicane pour conserver leurs biens (max. 221, I 235).
[117] La valeur dans les simples soldats est un métier périlleux qu'ils ont pris pour gagner leur vie (max. 214, I 227)
[118] La plupart des hommes s'exposent assez à la guerre pour sauver leur honneur; mais peu se veulent toujours exposer autant qu'il est nécessaire pour faire réussir le dessein pour lequel ils s'exposent (max. 219, I 233).
[119] Les grands et les ambitieux sont plus misérables que les médiocres: il faut moins pour contenter ceux-ci que ceux-là (MP I).
[120] La générosité est un désir de briller par des actions extraordinaires; c'est un habile et industrieux emploi du désintéressement, de la fermeté, de l'amitié et de la magnanimité pour aller promptement à une grande réputation (max. 246, I 268).
[121] Quelques grands avantages que la nature donne, ce n'est pas elle, mais la fortune, qui fait les héros (max. 53, I 62).
[122] La félicité est dans le goût, et non pas dans les choses, et c'est pour avoir ce qu'on aime qu'on est heureux, et non pas pour avoir ce que les autre trouvent aimable (max. 48, I 54).
[123] On pourrait dire qu'il n'y a point d'heureux ni de malheureux accidents, parce que les habiles gens savent profiter des mauvais et que les imprudents tournent bien souvent les plus avantageux à leur préjudice (max. 59, I 68).
[124] La nature fait le mérite, et la fortune le met en oeuvre (max. 153, I 160).
[125] Les biens et les maux sont plus grands dans notre imagination qu'ils ne le sont en effet; et on n'est jamais si heureux, ni si malheureux, que l'on pense (max. 49, I 56).
[126] Quelque différence qu'il y ait entre les fortunes, il y a pourtant une certaine proportion de biens et de maux qui les rend égales (max. 52, I 61).
[127] Ceux qui se sentent du mérite se piquent toujours d'être malheureux, pour persuader aux autres et à eux-mêmes qu'il sont de véritables héros, puisque la mauvaise fortune ne s'opiniâtre jamais à persécuter que les personnes qui ont des qualités extraordinaires: de là vient qu'on se console souvent d'être malheureux par un certain plaisir qu'on trouve à le paraître (MS 10, I 60).
[128] On n'est jamais si malheureux qu'on croit, ni si heureux qu'on espère (MS 9, I 59).
[129] La plupart des gens ne voient dans les hommes que la vogue qu'ils ont, et le mérite de leur fortune (max. 212, I 224).
[130] Il n'appartient qu'aux grands hommes d'avoir de grands défauts (max. 190, I 198).
[131] Quoique la prudence des ministres se flatte de la grandeur de leurs actions, elles sont bien souvent l'effet du hasard ou de quelque petit dessein (max. 57, I 66).
[132] La haine qu'on a pour les favoris n'est autre chose que l'amour de la fortune et de la faveur; c'est aussi la rage de n'avoir point de faveur, qui se console et s'adoucit un peu par le mépris des favoris. C'est enfin une secrète envie de les détruire, qui fait que nous leur ôtons nos propres hommages, ne pouvant pas leur ôter les qualités qui leur attirent ceux de tout le monde (max. 55, I 64).
[133] Les grands hommes s'abattent et se démontent enfin par la longueur de leurs infortunes; cela ne veut pas dire qu'ils fussent forts quand ils les supportaient, mais seulement qu'ils se donnaient la géhenne pour le paraître, et qu'ils soutenaient leurs malheurs par la force de leur ambition et non pas par celle de leur âme. Cela fait voir manifestement qu'à une grande vanité près les héros sont faits comme les autres hommes (max. 24, I 27).
[134] Ceux qui voudraient définir la victoire par sa naissance seraient tentés, comme les poètes, de l'appeler la fille du ciel, puisqu'on ne trouve point son origine sur la terre. En effet elle est produite par une infinité d'actions qui, au lieu de l'avoir pour but, regarde seulement les intérêts particuliers de ceux qui les font, puisque tous ceux qui composent une armée, allant à leur propre gloire, et à leur élévation, procurent un bien si grand et si général (MS 41, I 232).
[135] On ne fait point de distinction dans les espèces de colères, bien qu'il y en ait une légère et quasi innocente, qui vient de l'ardeur de la complexion, et une autre très criminelle, qui est, proprement parler, la fureur de l'orgueil et de l'amour-propre (MS 30, I 159).
[136] Nous nous apercevons des emportements et des mouvements extraordinaires de nos humeurs et de notre tempérament, comme de la violence de la colère; mais personne quasi ne s'aperçoit que ces humeurs ont un cours ordinaire et réglé, qui meut et tourne doucement notre volonté à des actions différentes. Elles roulent ensemble (s'il faut ainsi dire) et exercent successivement leur empire, de sorte qu'elles ont une part considérable à toutes nos actions, dont nous croyons être les seuls auteurs, et le caprice de l'humeur est encore plus bizarre que celui de la fortune (max. 297 et 45, I 48 et 50).
[137] L'orgueil a bien plus de part que la charité aux remontrances que nous faisons à ceux qui commettent des fautes, et nous les reprenons bien moins pour les en corriger que pour les persuader que nous en sommes exempts; et si nous n'avions point d'orgueil, nous ne nous plaindrions pas de celui des autres (max. 37 et 34, I 41 et 38).
[138] Nous sommes préoccupés de telle sorte en notre faveur que ce que nous prisons souvent pour des vertus n'est en effet qu'un nombre de vices qui leur ressemblent, et que l'orgueil et l'amour-propre nous ont déguisés (épigraphe de 1678. I 181).
[139] L'orgueil se dédommage toujours, et il ne perd rien lors même qu'il renonce à la vanité (max. 33. I 36).
[140] L'aveuglement des hommes est le plus dangereux effet de leur orgueil. Il sert à le nourrir et à l'augmenter, et c'est bien pour manquer de lumière que nous ignorons toutes nos misères et tous nos défauts (MS 19. I 102).
[141] Rien ne nous plaît tant que la confiance des grands et des personnes considérables par leurs emplois, par leur esprit ou par leur mérite. Elle nous fait sentir un plaisir exquis et élève merveilleusement notre orgueil, parce que nous la regardons comme un effet de notre fidélité. Cependant nous serions remplis de confusion si nous considérions l'imperfection et la bassesse de sa naissance; car elle vient de la vanité, de l'envie de parler et de l'impuissance de retenir les secrets. De sorte qu'on peut dire que la confiance est un relâchement de l'âme, causé par le nombre et par le poids des choses dont elle est pleine (max. 239. I 255).
[142] Les philosophes, et Sénèque surtout, n'ont point ôté les crimes par leurs préceptes, ils n'ont fait que les employer aux bâtiments de l'orgueil (MS 21, I 105).
[143] L'orgueil, comme lassé des ses artifices et des différentes métamorphoses, après avoir joué tout seul tous les personnages de la comédie humaine, se montre avec un visage naturel, et se découvre par la fierté, de sorte qu'à proprement parler la fierté est l'éclat et la déclaration de l'orgueil (MS 6. I 37).
[144] Quand la vanité ne fait point parler, on n'a pas envie de dire grand'chose (max. 137. I 139).
[145] On ne saurait compter toutes les espèces de vanité. Pour cela il faut savoir le détail des choses, et comme il est presque infini. De là vient que si peu de gens sont savants, et que nos connaissances sont superflues et imparfaites. On décrit les choses au lieu de les définir. En effet on ne les connaît et on ne les peut connaître qu'en gros, et par des marques communes. C'est comme si quelqu'un disait que le corps humain est droit, et composé de différentes parties, sans dire la matière, la situation, les fonctions, les rapports et les différences de ses parties (MP 6 et max. 106, I 116).
[146] C'est plutôt par l'estime de nos sentiments que nous exagérons les bonnes qualités des autres, que par leur mérite; et nous nous louons en effet, lorsqu'il semble que nous leur donnons des louanges. La modestie, qui semble les refuser, n'est en effet qu'un désir d'en avoir de plus délicates (max. 143 et MS 27, I 146 et 147).
[147] On n'aime point à louer, et on ne loue jamais personne sans intérêt. La louange est une flatterie habile, cachée et délicate, qui satisfait différemment celui qui la donne et celui qui la reçoit: l'un la prend comme une récompense de son mérite, l'autre la donne pour faire remarquer son équité et son discernement (max. 144. I 148).
[148] Nous choisissons souvent des louanges empoisonnées qui découvrent par contre-coup des défauts en nos amis, que nous n'osons divulguer (max. 145, I 149).
[149] Nous élevons la gloire des uns pour abaisser par là celle des autres, et on louerait moins Monsieur le Prince et Monsieur de Turenne, si on ne voulait pas les blâmer tous deux (max. 198, I 149. 2e état).
[150] Peu de gens sont assez sages pour aimer mieux le blâme qui leur sert que la louange qui les trahit (max. 147. I 152).
[151] Il y a des reproches qui louent, et des louanges qui médisent (max. 148, I 153).
[152] La raillerie est une gaieté agréable de l'esprit, qui enjoue la conversation, et qui lie la société si elle est obligeante, ou qui la trouble si elle ne l'est pas (début de MP 34).
[153] Elle est plus pour celui qui la fait que pour celui qui la souffre (suite de MP 34).
[154] C'est toujours un combat de bel esprit, que produit la vanité; d'où vient que ceux qui en manquent pour la soutenir, et ceux qu'un défaut reproché fait rougir, s'en offensent également, comme d'une défaite injurieuse qu'ils ne sauraient pardonner (suite de MP 34).
[155] C'est un poison qui tout pur éteint l'amitié et excite la haine, mais qui corrigé par l'agrément de l'esprit, et la flatterie de la louange, l'acquiert ou la conserve; et il en faut user sobrement avec ses amis et avec les faibles (fin de MP 34).
[156] L'intérêt fait jouer toute sorte de personnages, et même celui de désintéressé (max. 39, I 43).
[157] Il n'y a que Dieu qui sache si un procédé est net, sincère, et honnête (max. 170, I 178).
[158] La sincérité est une naturelle ouverture du coeur; on la trouve en fort peu de gens, et celle qui se pratique d'ordinaire n'est qu'une fine dissimulation pour arriver à la confiance des autres (max. 62, I 71).
[159] Un habile homme doit savoir régler le rang de ses intérêts, et les conduire chacun dans son ordre. Notre avidité les trouble souvent, en nous faisant courir à cent choses à la fois. De là vient que pour désirer trop les moins importantes nous ne faisons pas assez pour obtenir les plus considérables (max. 66, I 76).
[160] L'intérêt, à qui on reproche d'aveugler les uns, est tout ce qui fait la lumière des autres (max. 40, I 44).
[161] On ne blâme le vice, et on ne loue la vertu, que par intérêt (MS 28, I 151).
[162] La nature, qui se vante d'être toujours sensible, est dans la moindre occasion étouffée par l'intérêt (max. 275, I 299).
[163] Les philosophes ne condamnent les richesses que par le mauvais usage que nous en faisons: il dépend de nous de les acquérir et de nous en servir sans crime, au lieu qu'elles nourrissent et accroissent les vices comme le bois entretient et augmente le feu. Nous pouvons les consacrer à toutes les vertus, et les rendre même par là plus agréables et plus éclatantes (MP 3)
[164] Le mépris des richesses, dans les philosophes, était un désir caché de venger leur mérite de l'injustice de la fortune, par le mépris des mêmes biens dont elle les privait… C'était un secret qu'ils avaient trouvé pour se dédommager de l'avilissement de la pauvreté. C'était enfin un chemin détourné pour aller à la considération qu'ils ne pouvaient avoir par les richesses (max. 54, I 63).
[165] La finesse n'est qu'une pauvre habileté (MP 2).
[166] Rien n'est si dangereux que l'usage des finesses, que tant de gens d'esprit emploient communément. Les plus habiles affectent de les éviter toute leur vie, pour s'en servir dans quelque grande occasion et pour quelque grand intérêt (max. 124, I 126).
[167] Comme elles sont l'effet d'un petit esprit, il arrive quasi toujours que celui qui s'en sert pour se couvrir en un endroit se découvre en un autre (max. 125, I 127).
[168] La plus déliée de toutes les finesses est de faire semblant de tomber dans les pièges que l'on nous rend. On n'est jamais si aisément trompé que quand on songe à tromper les autres (max. 117, I 121).
[169] Chacun pense être plus fin que les autres; et si l'on était habile, on ne ferait jamais de finesse ni de trahison (MP 5 et max. 126, I 128).
[170] La folie nous suit dans tous les temps de la vie; et si quelqu'un paraît sage, c'est seulement parce que ses folies sont proportionnées à son âge et à sa fortune (max. 207, I 219).
[171] Les plus sages le sont dans les choses indifférentes, mais ils ne le sont presque jamais dans leurs plus sérieuses affaires; et qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit (MS 22, I 132, et max. 209, I 221).
[172] La faiblesse fait commettre plus de trahisons que le véritable dessein de trahir (max. 120, I 124).
[173] Quelque prétexte que nous donnions à nos afflictions, ce n'est que l'intérêt et la vanité qui les causent (max. 232. I 246).
[174] Il y a une espèce d'hypocrisie dans les afflictions; car, sous prétexte de pleurer une personne qui nous est chère, nous pleurons la diminution de notre bien, de notre plaisir, ou de notre considération, en la personne que nous avons perdue. De cette manière les morts ont l'honneur des larmes qui ne coulent que pour ceux qui les pleurent. J'ai dit que c'était une espèce d'hypocrisie, parce que par elle l'homme se trompe seulement lui-même. Il y en a une autre, qui n'est pas si innocente, et qui impose à tout le monde. C'est l'affliction de certaines personnes qui aspirent à la gloire d'une belle et immortelle douleur. Car le temps, qui consomme tout, ayant consommé ce qu'elles pleurent, elles ne laissent pas d'opiniâtrer leurs pleurs, leurs plaintes et leurs soupirs; elles prennent un personnage lugubre, et travaillent à persuader par toutes leurs actions qu'elles égaleront la durée de leurs pleurs à leur propre vie. Cette triste et fatigante vanité se trouve pour l'ordinaire dans les femmes ambitieuses, parce que, leur sexe leur fermant tous les chemins à la gloire, elles se jettent dans celui-ci, et s'efforcent à se rendre célèbres par la montre d'une inconsolable douleur (cf. la maxime suivante).
[175] Outre ce que nous avons dit, il y a encore quelques autres espèces de larmes qui coulent de certaines petites sources, et qui par conséquent s'écoulent incontinent. On pleure pour avoir la réputation d'être tendre, on pleure pour être pleuré, et on pleure enfin de honte de ne pas pleurer (pour cette maxime et la précédente: max. 233, I 247).
[176] Les faux honnêtes gens sont ceux qui déguisent la corruption de leur coeur aux autres et à eux-mêmes; les vrais honnêtes gens sont ceux qui la connaissent parfaitement et la confessent aux autres (max. 202, I 214).
[177] Le vrai honnête homme est celui qui ne se pique de rien (max. 203, I 215).
[178] Une des choses qui fait que l'on trouve si peu de gens qui nous paraissent raisonnables et agréables dans la conversation, c'est qu'il n'y a quasi personne qui ne pense plutôt à ce qu'il veut dire qu'à répondre précisément à ce qu'on lui dit, et que les plus habiles et les plus complaisants se contentent de montrer seulement une mine attentive, au même temps que l'on voit dans leurs yeux et dans leurs esprits un égarement et une précipitation de retourner à ce qu'ils veulent dire, au lieu de considérer que c'est un mauvais moyen de plaire ou de persuader les autres, de chercher si fort à se plaire à soi-même, et que bien écouter et bien répondre c'est une des grandes perfections qu'on puisse avoir (max. 139. I 141).
[179] La coquetterie est le fonds de l'humeur de toutes les femmes, mais toutes n'en ont pas l'exercice, parce que la coquetterie de quelques-unes est arrêtée et enfermée par leur tempérament et par leur raison (max. 241. I 263).
[180] La galanterie est un tour de l'esprit par lequel il pénètre les choses les plus flatteuses, c'est-à-dire celles qui sont les plus capables de plaire (max. 100, I 110).
[181] La politesse est un tour de l'esprit par lequel il pense toujours des choses agréables, honnêtes et délicates (max. 99. I 109).
[182] Il y a de jolies choses que l'esprit ne cherche point, et qu'il trouve toutes achevées en lui-même de sorte qu'il semble qu'elles y soient cachées, comme l'or et les diamants dans le sein de la terre (max. 101. I III).
[183] La politesse des États est le commencement de leur décadence, parce qu'elle applique tous les particuliers à leurs intérêts propres et les détourne du bien public (MS 52, I 282).
[184] La civilité est une envie d'en recevoir; c'est aussi un désir d'être estimé poli (max. 260. I 283).
[185] La souveraine habileté consiste à bien connaître le prix de chaque chose (max. 244, I 266).
[186] On hait souvent les vices, mais on méprise toujours le manque de vertu (max. 186, I 195).
[187] Quand on ne trouve point son repos en soi-même, il est inutile de le chercher ailleurs (MS 61, I 55).
[188] Ce qui nous empêche souvent de bien juger des sentences qui prouvent la fausseté des vertus, c'est que nous croyons trop aisément qu'elles sont véritables en nous (MP 7).
Sentences et maximes de morale par M. D. L. R. 1663
(B.N., Collection Smith-Lesouef, ms. 90)
[1] Les vices entrent dans la composition des vertus…, comme H I. (Cf. L 227.)
[2] Si on avait ôté de ce que l'on appelle force…, et la suite comme H 6.
[3] La clémence est un mélange de gloire…, et la suite comme L 217 et le début de H 7.
[4] On n'est jamais si ridicule…, comme H 15. (Cf. L 220.)
[5] La durée de nos passions…, comme H 86 et L 221.
[6] L'amour est à l'âme…, comme L 223. (Cf. H 91.)
[7] La folie suit…, et la suite comme L I. (Cf. H 170.)
[8] L'orgueil a bien plus de part que la charité aux remontrances que nous faisons à ceux qui commettent des fautes, et nous les reprenons bien moins pour les en corriger que pour les persuader que nous en sommes exempts. (Cf. L 2 et début de H 137.)
[9] Nous sommes préoccupés de telle sorte en notre faveur que ce que nous prenons…, et la suite comme H 138. (Cf. L 3.)
[10] Nous promettons…, comme L4 et H 16. suivie de L 5
[11] Ce qui rend nos amitiés…, comme L 6 et H 89.
[12] Nous nous persuadons souvent mal à propos d'aimer…, et la suite comme L 7 (Cf. H 90.)
[13] Les Français ne sont pas seulement sujets…, comme L 8. (Cf. H 13.)
[14] Les faux honnêtes gens…, comme L9 et H 176.
[15] On est au désespoir d'être trompé…, comme H 17. (Cf. L 10.)
[16] Les plus sages le sont…, comme L II et début de H 171.
[17] L'amour-propre est plus habile…, comme L 12. (Cf. une phrase au début de H 105.)
[18] Il est aussi aisé de se tromper soi-même…, comme L 13 et H 18.
[19] Rien n'est impossible de soi, il y a des voies qui conduisent à toutes choses; si nous avions assez de volonté, nous aurions toujours assez de moyens. (Cf. L 14 et H 21.)
[20] L'intérêt fait jouer…, comme L 15 et H 156, suivi de L 16 (cf. H 8) et de L 17 (H. 173).
[21] C'est plutôt par l'estime de nos sentiments…, comme L 18 et le début de H 146.
[22] L'homme est conduit…, comme L 19.
[23] La modestie qui semble refuser…, comme L 20. (Cf. fin de H 146.)
[24] L'orgueil se dédommage toujours…, comme L 21 et H 139.
[25] L'amitié la plus sainte…, comme L 22. (Cf. H 88.)
[26] La félicité est dans le goût…, comme L 23. (Cf. H 122.)
[27] Quand on ne trouve point son repos…, comme L 24 et H 187.
[28] On ne fait point de distinction dans les espèces de colères, bien qu'il y en ait…, et la suite comme L 25. (Cf. H 135.)
[29] Quoique toutes les passions…, comme L 26 et H 87.
[30] La jalousie est raisonnable et juste en quelque manière parce qu'elle ne cherche…, et la suite comme L 27 et H 104.
[31] Quelque différence qu'il y ait entre les fortunes, il y a pourtant une certaine proportion des biens et des maux qui les rend égales (Cf. L 28 et H 126.)
[32] On n'aime point à louer…, comme H 147 (cf. début de L 29), sauf deux variantes: celui qui la reçoit et celui qui la donne (au lieu de: celui qui la donne et celui qui la reçoit); un la prend (au lieu de: l'un la prend.)
[33] Nous choisissons toujours des louanges empoisonnées qui découvrent par contre-coup des défauts en nos amis, que nous n'osons divulguer. (Cf. suite de L 29 et début de H 148.)
[34] Nous élevons la gloire des uns…, comme H 149. (Cf. fin de L 29.)
[35] Il est malaisé de définir l'amour; tout ce qu'on peut dire est que dans l'âme c'est une passion de régner, dans les esprits c'est une sympathie, et dans le corps ce n'est qu'une envie cachée et délicate de jouir de ce que l'on aime après beaucoup de misères. (Cf. L 30 et H 93.)
[36] Quelques grands avantages que la nature donne…, comme L 31 et H 121.
[37] Il n'y a point de libéralité…, comme L 32 et H 29.
[38] L'amour de la gloire…, comme H III (Cf. L 33.)
[39] On pourrait dire qu'il n'est point…, et la suite comme L 34 et H 123.
[40] On ne veut point perdre la vie…, comme H 116. (Cf. L 35.)
[41] La valeur, dans les simples soldats…, comme L 36 et H 117.
[42] Les crimes deviennent innocents, et même glorieux, par leur nombre et par leur excès; de là vient que les voleries publiques sont des habiletés, et que prendre des provinces injustement s'appelle faire des conquêtes. Le crime a ses héros ainsi que la vertu. (Cf. L 37 et H 4.)
[43] Les grands et les ambitieux…, comme H 119. (Cf. L 38.)
[44] Le vrai honnête homme est celui qui ne se pique de rien. (Comme H 177, cf. L 39.)
[45] La générosité c'est un désir de briller…, comme L 40. (Cf. H 120.)
[46] Le jugement n'est autre chose… de son étendue, de sa profondeur, de son discernement, de sa justesse, de sa droiture, et de sa délicatesse. L'étendue de l'esprit est la mesure de sa lumière; la profondeur est celle qui découvre le fond des choses; le discernement compare et distingue les choses. La justesse ne voit que ce qu'il faut voir; la droiture prend toujours le bon droit des choses; la délicatesse aperçoit les choses imperceptibles, et le jugement prononce ce que les choses sont. Si on l'examine bien, on trouvera que toutes ces qualités ne sont autre chose que la grandeur de l'esprit, lequel voyant tout remontre dans la plénitude de ces lumières tous les avantages dont nous venons de parler. (Cf. L 41 et H 38-39.)
[47] Quand la vanité ne fait point parler…, comme L 42 et H 144.
[48] La sincérité est une naturelle ouverture…, et la suite comme L 43. (Cf. H 158.)
[49] La finesse n'est qu'une pauvre habileté. (Comme L 44 et H 165.)
[50] Dieu seul fait les gens de bien…, comme L 45, mais sans la citation italienne.
[51] Nous récusons tous les jours des juges pour le plus petit intérêt, et nous commettons…, et la suite comme L 46.
[52] Rien n'est si dangereux que l'usage des finesses, que tant de gens d'esprit emploient communément, les plus habiles affectant de les rejeter toute leur vie pour s'en servir en quelque grand intérêt. (Cf. L 47 et H 166.)
[53] Comme la finesse est l'effet…, comme L 48. (Cf. H 167.)
[54] On s'est trompé quand on a cru, après tant de grands exemples, que l'amour et l'ambition triomphent toujours des autres passions; c'est la paresse, toute languissante qu'elle est, qui en est le plus souvent la maîtresse; elle usurpe insensiblement sur tous les desseins et sur toutes les actions de la vie; elle y détruit et y consomme toutes les passions et toutes les vertus. (Cf. L 84 et H 94.)
[55] Rien ne nous plaît tant…, comme H 141, sauf une variante: leur emploi au lieu de leurs emplois, et la fin: que la confiance est comme un relâchement de l'âme, causé par le nombre et par le poids des choses dont elle est pleine. (Cf. L 49.)
[56] Nous ne nous apercevons que des emportements et des mouvements extraordinaires de nos humeurs et de notre tempérament, comme de la violence, de la colère, etc., mais personne quasi ne s'aperçoit que ces humeurs ont un cours ordinaire et réglé qui meut et tourne doucement et imperceptiblement notre volonté à des actions différentes; elles veulent ensemble…, et la suite comme L 50. (Cf. H 136.)
[57] La pitié est un sentiment…, comme L 51 et H 22, sauf un mot: actions au lieu de occasions.
[58] Qui considérera superficiellement tous les effets de la bonté…, comme H 35, sauf la fin: il réunit, il dispose et tourne tous les hommes en sa faveur. (Cf. L 52.)
[59] L'humilité est une feinte soumission…, comme H 25, sauf deux différences: I sous toutes ses figures au lieu de dans toutes ses figures; 2 où on l'élève au lieu de où l'on l'élève. (Cf. L 53.)
[60] La parfaite valeur et la poltronnerie complète sont des extrémités où l'on arrive rarement. L'espace qui est entre les deux est vaste, et contient toutes les autres espèces de courage: il y a plus de différence entre elles qu'il y en a entre les visages et les humeurs; cependant elles conviennent en beaucoup de choses. Il y a des hommes qui s'exposent volontiers au commencement d'une action, et qui se relâchent et se rebutent aisément par sa durée; il y en a qui sont assez contents quand ils ont satisfait à l'honneur du monde, et qui font fort peu de choses au delà. On en voit qui ne sont pas toujours également maîtres de leur peur. D'autres se laissent quelquefois emporter à des épouvantes générales. D'autres vont à la charge pour n'oser demeurer dans leurs postes. Enfin il s'en trouve à qui l'habitude des moindres périls affermit le courage, et les prépare à s'exposer à des plus grands. Outre cela, il y a un rapport général que l'on remarque entre tous les courages des différentes espèces dont nous venons de parler, qui est que la nuit, augmentant la crainte et cachant les bonnes et les mauvaises actions, leur donne la liberté de se ménager. Il y a encore un autre ménagement plus général qui, à parler plus absolument, s'étend sur toutes sortes d'hommes c'est qu'il n'y en a point qui fassent ce qu'ils seraient capables de faire dans une occasion s'ils avaient une certitude d'en revenir; de sorte qu'il est visible que la crainte de la mort ôte quelque chose à leur valeur et diminue son effet. (Cf. L 54 et H 113.)
[61] On élève la prudence jusques au ciel., comme L 55. sauf une différence aussi peu connue au lieu de inconnue. (Cf. H 14.)
[62] Rien n'est plus divertissant que de voir…, comme L 56 sauf deux différences: I recevoir des conseils au lieu de recevoir des conduites; 2 il pare d'abord la sincérité de son avis au lieu de il paie d'abord la sincérité de son ami. (Cf. H 19.)
[63] Il y a une espèce d'hypocrisie dans les afflictions, car, sous prétexte de pleurer une personne qui nous est chère, nous pleurons les nôtres, c'est-à-dire la diminution de notre bien, de notre plaisir ou de notre considération, en la personne que nous pleurons. De cette manière les morts ont l'honneur des larmes qui ne coulent que pour ceux qui les pleuraient. J'ai dit que c'était une espèce d'hypocrisie parce que par elle l'homme se trompe seulement lui-même. Il y en a une autre qui n'est pas si innocente et qui impose à tout le monde, c'est l'affliction de certaines personnes qui aspirent à la gloire d'une belle et immortelle douleur; car, le temps, qui consomme tout, l'ayant consommée, elles ne laissent pas d'opiniâtrer leurs plaintes et leurs soupirs; elles prennent un personnage lugubre et travaillent à persuader par toutes leurs actions qu'elles égaleront la durée de leurs pleurs à leur propre vie. Cette triste et fatigante vanité se trouve pour l'ordinaire dans les femmes ambitieuses, parce que, leur sexe leur fermant tous chemins à la gloire, elles se jettent dans celui-ci, et s'efforcent à se rendre célèbres par la montre d'une inconsolable douleur. (Cf. L 57 et H 174.) Suivi de Outre ce que nous avons dit…, comme L 58 et H 175.
[64] Les philosophes, et Sénèque surtout…, comme L 59. (Cf. H 142.)
[65] Les affaires et les actions des grands hommes…, comme L 60 et H 103, sauf les derniers mots: on est éloigné au lieu de on en est éloigné.
[66] Comment prétendons-nous qu'un autre…, comme L 61.
[67] Les philosophes ne condamnent les richesses que par les mauvais usages …, et la suite comme L 62. (Cf. H 163.)
[68] Celui-là n'est pas raisonnable…, comme L 63 et H 23.
[69] La plus déliée de toutes les finesses…, comme H 168. (Cf. L 64.)
[70] La pure valeur (s'il y en avait)…, comme L 65 et H 114.
[71] L'intrépidité est une force extraordinaire…, comme L 66 et H 115.
[72] L'orgueil, comme lassé de ses artifices…, comme H 143. (Cf. L 67.)
[73] La politesse est un tour de l'esprit…, comme H 181. (Cf. L 68.)
[74] La galanterie de l'esprit est un tour de l'esprit par lequel il pénètre les choses les plus flatteuses, c'est-à-dire celles qui sont les plus capables de plaire aux autres. (Cf. L 69 et H 180.)
[75] Qui ne rirait de la modération…, comme L 70. (Cf. H 27.)
[76] La modération dans la bonne fortune…, comme L 71 et le début de H 26.
[77] La politesse des États…, comme L 72 et H 183.
[78] La faiblesse de l'esprit…, comme H 20. (Cf. L 73.)
[79] La gravité est un mystère du corps…, comme L 74 et H 9; suivi de: La sévérité des femmes c'est un ajustement et un fard qu'elles ajustent [sic] à leur beauté…, et la suite comme H. 10. (Cf. L 75.)
[80] Ceux qui voudraient définir la victoire…, comme L 76, mais avec omission des mots comme les poètes (Cf. H 134)
[81] La modération dans la bonne fortune…, comme L 77, (Cf. fin de H 26.)
[82] La persévérance n'est digne de blâme ni de louange…, comme L 78 et H 40.
[83] La nature fait le mérite, et la fortune le met en oeuvre. La civilité est une envie d'en recevoir, c'est aussi un désir d'être estimé poli. (Comme L 79-80, et H 124 suivi de H 184.)
[84] La vérité qui fait les gens véritables est une perceptible ambition…, et la suite comme L 81 et H 41.
[85] Nous avouons nos défauts…, comme L 82 et H 24.
[86] La clémence des princes est une politique…, comme L 83. (Cf. fin de H 7)
[87] Ceux qui s'appliquent trop aux petites choses…, comme L 85.
[88] Il y a deux sortes d'inconstance: l'une qui vient de la légèreté de l'esprit qui à tous moments change d'opinion, ou plutôt de la pauvreté de l'esprit qui reçoit toutes les opinions des autres; l'autre, qui est plus excusable, vient de la fin du goût des choses que l'on aimait. (Cf. L 86 et H 101.)
[89] La sobriété est l'amour de la santé…, comme L 87 et H 30.
[90] La chasteté des femmes est l'amour de leur réputation et de leur repos. (Cf. L 88 et H 28.)
[91] Le mépris des richesses, dans les philosophes…, comme H 164, sauf une variante: un chemin détourné de la pauvreté au lieu de un chemin détourné. (Cf. L 89.)
[92] La fidélité est une invention rare…, comme H 31, à une légère différence près: quelque occasion au singulier. (Cf. L 90.)
[93] L'éducation qu'on donne aux princes est un second amour-propre qu'on leur inspire. (Comme L 91 et H 32.)
[94] Notre repentir ne vient point de nos actions…, comme L 92 et H 33.
[95] Il y a des héros en mal comme en bien. (Comme L 93.)
[96] L'amour-propre est l'amour de soi-même…, comme L 94, sauf les variantes suivantes:
Ier alinéa: leur en donnait les moyens (au lieu de leur en ouvrait les moyens)—des métamorphoses (au lieu de de la métamorphose)
2e alinéa: On ne peut en sonder la profondeur (au lieu de On ne peut sonder la profondeur)—il y conçoit (sans et)—il en forme quelquefois de si monstrueuses (sans même).
3e alinéa: lorsqu'il les a rassasiés (au lieu de qu'il a rassasiés).
5e alinéa: plutôt que par les beautés (au lieu de plutôt que par la beauté)—qu'il court lorsqu'il suit les choses (sans les mots et qu'il suit son gré).
6e alinéa: Il est tout le contraire (au lieu de II est tous les contraires)—il est impérieux, il est obéissant (au lieu de il est impérieux et obéissant).
7e alinéa: qui le tournent (au lieu de qui les tournent)—à la gloire et aux richesses (au lieu de à la gloire ou aux richesses) —il y en a une infinité (au lieu de il en a une infinité)— omission des mots car il est naturellement inconstant de toutes manières.
8e alinéa: mais qu'il poursuit parce qu'il les veut (au lieu de et qu'il poursuit seulement parce qu'il les veut).
9e alinéa: conserve sa fierté (sans toute)
10e alinéa: et il s'accommode (au lieu de il s'accommode).
IIe alinéa: il ruine (au lieu de il se ruine)—il se change seulement (au lieu de il le change seulement)—dans les triomphes de sa défaite (au lieu de dans le triomphe de sa défaite). (Cf. H 105)
[97] L'intention de ne jamais tromper nous expose à être souvent trompés. (Comme L 95.)
[98] On aime mieux dire du mal de soi que de n'en point parler. (Comme L 96.)
[99] La ruine du prochain plaît aux amis et aux ennemis. (Comme L 97.)
[100] La haine qu'on a pour les favoris n'est autre chose que l'amour de la faveur; c'est aussi la rage de n'avoir point la faveur, qui se console et s'adoucit par le mépris des favoris; c'est enfin une secrète envie de la détruire qui fait que nous leur ôtons nos propres hommages, ne pouvant pas leur ôter ceux de tout le monde. (Cf. L 98 et H 132.)
[101] Chaque homme n'est pas plus différent…, comme L 99 et H 70.
[102] Il est de la reconnaissance…, comme L 100, sauf une variante: trouver facilement au lieu de trouver plus facilement. (Cf. H 12)
[103] La coutume que nous avons de nous déguiser aux autres pour acquérir leur estime fait qu'enfin nous nous déguisons nous-mêmes. (Cf. L 101)
[104] Les biens et les maux sont plus grands…, comme L 102 et H 125.
[105] Il y a des personnes à qui leurs défauts siéent bien…, comme L 103. (Cf. H 58.)
[106] La réconciliation avec nos ennemis…, comme L 104 et H II
[107] Le mal que nous faisons aux autres ne nous attire point tant leur persécution et leur haine que les bonnes qualités que nous avons. (Cf. L 105.)
[108] Une des choses qui fait que nous trouvons si peu de gens qui paraissent raisonnables et aimables dans la conversation est qu'il n'y a…, et la suite comme L 106. (Cf. H 178.)
[109] Comme si ce n'était pas assez à l'amour-propre…, comme L 107, sauf les différences suivantes: celle de transformer les objets (au lieu de celle de transformer ses objets)—lorsque personne ne nous est contraire (au lieu de lorsqu'une personne nous est contraire)—notre amour-propre juge les actions (au lieu de notre amour-propre juge ses actions)—du biais dont nous le regardons (au lieu de des biais dont nous les regardons). (Cf. H 106.)
[110] Quoique toutes les passions montrent cette vérité…, comme L 108, sauf trois variantes: ou l'infidélité au lieu de ou infidélité—omission des mots contre sa maîtresse—que la vue a calmé au lieu de que sa vue a calmé. (Cf. H 107.)
[111] La justice n'est qu'une vive appréhension…, comme L 109, sauf les différences suivantes: qu'on ne nous ôte au lieu de qu'on nous ôte—cette considération et le respect au lieu de cette considération et ce respect—que la naissance ou la fortune lui ont donnés au lieu de que la naissance ou la fortune lui a donnés. (Cf. fin de H 37.)
[112] La justice, dans les bons juges qui sont modérés, n'est que l'amour dans leur élévation [sic]. (Cf. L 110 et début de H 37.)
[113] Rien n'est si contagieux que l'exemple…, comme L III, sauf une variante: l'imitation d'agir honnêtement au lieu de l'imitation des biens. (Cf. H 46.)
[114] Nul ne mérite d'être loué…, et la suite comme H 36. (Cf. L 112.)
[115] Chacun pense être plus sage que les autres. (Cf. L 113 et début de H 169.)
[116] L'aveuglement des hommes…, comme L 114 (Cf. H 140.)
[117] La constance en amour…, comme L 115. (Cf. H 100.)
[118] Nous ne regrettons pas la perte de nos amis suivant leurs mérites, mais selon nos besoins…, et la suite comme L 116.
[119] Il n'y a point d'amour pur et exempt du mélange…, et la suite comme L 117. (Cf. H 92.)
[120] On hait souvent les vices, mais on méprise toujours le manque de vertu. (Comme L 118 et H 186.)
[121] La passion fait souvent du plus habile homme un sot et rend quasi les plus sots habiles. (Cf. L 119 et H 69.)
[122] Il y a des gens niais qui se connaissent sots et qui emploient habilement leur sottise (Cf. L 120 et H 59.)
[123] Tout le monde trouve à redire en autrui ce qu'on trouve à redire en lui (Comme H 71; cf. L 121.)
[124] On ne saurait compter toutes les espèces de vanité. Pour les savoir, il faut savoir le détail des choses, et comme il est presque infini, de là vient que si peu de gens sont savants et que nos connaissances sont superficielles et imparfaites; on décrit les choses au lieu de les définir; en effet on ne les connaît et on ne les fait connaître qu'en gros et par des marques communes. C'est comme si quelqu'un disait que ce corps humain est droit et composé de différentes parties, sans dire le nombre, la situation, les fonctions, les rapports et les différences de ces parties (Cf. L 122-123, et H 145.)
[125] Il est bien malaisé de distinguer la bonté…, comme L 124 et H 34.
[126] On incommode toujours les gens quand on est persuadé de ne les pouvoir jamais incommoder. (Cf. L 125.)
[127] Les grandes et éclatantes actions…, comme H 102, sauf deux différences comme des effets des grands intérêts, au lieu que ce sont d'ordinaire des effets de l'humeur (au lieu de: comme les effets des grands intérêts, au lieu qu'ils sont d'ordinaire les effets de l'humeur)—l'ambition d'être maîtres du monde (au lieu de: l'ambition qu'ils avaient de se rendre maîtres du monde). (Cf. L 126.)
[128] Les passions sont les seuls orateurs…, comme L 127, sauf une différence: et l'homme le plus simple les persuade mieux, au lieu de et l'homme le plus simple, qui sent, persuade mieux. (Cf. H 45.)
[129] La vraie éloquence consiste à dire tout ce qu'il faut et ne dire que ce qu'il faut. (Cf. L 128 et H 43.)
[130] Ceux qui se sentent du mérite…, comme L 129 et début de H 127, sauf une variante des véritables héros au lieu de de véritables héros.
[131] La coquetterie est le fond de l'humeur…, comme L 130 et H 179.
[132] Un homme d'esprit serait souvent bien embarrassé sans la compagnie des sots. (Cf. L 131 et H 72.)
[133] Les pensées et les sentiments ont chacun un ton de voix…, comme L 132. sauf les derniers mots: et déplaisent au lieu de ou déplaisent. (Cf. H 73-74.)
[134] Il y a des jolies choses que l'esprit…, et la suite comme L 133 et H 182.
[135] La confiance de plaire est souvent un moyen de plaire infailliblement. (Comme H 75, cf. L 134.)
[136] L'approbation qu'on donne à l'esprit et à la beauté et à la valeur les augmente, les perfectionne et leur fait faire de plus grands effets qu'ils n'avaient été capables de faire d'eux-mêmes (Cf. L 136.)
[137] Rien ne doit tant diminuer la satisfaction…, comme H 76. (Cf. L 137.)
[138] La faiblesse fait connaître [sic] plus de trahisons que les véritables desseins de trahir. (Cf. L 135 et H 172)
[139] Nous n'avons pas assez de force pour suivre notre raison. (Cf. L 138 et H 77.)
[140] Ce qui nous fait aimer les connaissances nouvelles…, comme H 78. (Cf. L 139.)
[141] Les grandes âmes ne sont pas celles qui ont moins de passions et plus de vertus que les âmes communes, mais seulement celles qui ont de plus grandes vues. (Cf. L 140 et H 79.)
[142] On n'est jamais si malheureux qu'on croit, ni si heureux qu'on espère. (Comme H 128; cf. L 141.)
[143] On se vante souvent mal à propos…, comme L 142 et H 80, sauf une omission: l'homme au lieu de et l'homme.
[144] Ce qui nous empêche souvent de bien juger…, comme L 143 et H 188, sauf une variante: est que au lieu de c'est que.
[145] La santé de l'âme n'est pas plus assurée…, comme H 81, sauf trois variantes: que nous puissions au lieu de que nous paraissions—point encore au lieu de pas encore—que l'on est au lieu de qu'on l'est. (Cf. L 144.)
[146] On blâme l'injustice, non pas pour la haine qu'on a pour elle, mais pour le préjudice qu'on en reçoit. (Cf. L 145.)
[147] Un habile homme doit savoir régler le rang de ses intérêts…, comme L 146.
[148] Le caprice de l'humeur est encore plus bizarre que celui de la fortune. (Comme L 147 et fin de H 136.)
[149] La honte, la paresse et la timidité…, et la suite comme L 148 et H 5.
[150] On a plus de raison quand on espère plus d'en trouver aux autres. (Cf. L 149.)
[151] Ceux qu'on exécute affectent…, comme L 150 et H 48, sauf une variante: ce qu'un mouchoir au lieu de ce que le mouchoir.
[152] L'amour de la justice n'est que la crainte de souffrir l'injustice. (Comme L 151; cf. début de H 37.)
[153] Il n'y a pas moins d'éloquence dans le ton de la voix que dans le choix des paroles. (Comme L 152 et H 44.)
[154] La plupart des hommes s'exposent assez…, comme L 153 et H 118.
[155] On ne loue que pour être loué. (Comme L 154.)
[156] Il n'y a que Dieu qui sache…, comme L 155. (Cf. H 157.)
[157] La souveraine habileté consiste à bien connaître le prix de chaque chose. (Comme L 156 et H 185.)
[158] Si on était assez habile, on ne ferait point de finesses ni de trahisons (Cf. fin de H 169.)
[159] On ne blâme le vice et on ne loue la vertu que par l'intérêt. (Cf. L 157 et H 161.)
[160] La vérité est le fondement et la justification de la beauté. (Comme L 158 et début de H 42.)
[161] Si nous n'avions point d'orgueil, nous ne nous plaindrions pas de celui des autres. (Comme L 159 et fin de H 137.)
[162] Nous craignons toutes choses comme mortels, et nous désirons toutes choses comme si nous étions immortels. (Comme L 160; cf. H 50.)
[163] Peu de gens sont assez sages pour aimer mieux le blâme qui leur sert que la louange qui les trahit. (Comme L 161 et H 150.)
[164] La subtilité est une fausse délicatesse, et la délicatesse est une subtilité solide. (Comme H 51; cf. L 162.)
[165] La vérité est le fondement et la raison de la perfection et de la beauté…, comme L 163 et H 42.
[166] Les passions ont une injustice…, comme L 164, sauf une variante; dire tout ce qui lui plaît au lieu de dire quasi tout ce qui lui plaît. (Cf. H 82.)
[167] Le monde, ne connaissant point le véritable motif, n'a garde de le pouvoir récompenser…, et la suite comme L 165 et H 52, sauf deux variantes des belles qualités au lieu de de belles qualités—ne soit point de l'or au lieu de ne soit pas de l'or.
[168] Comme il y a des bonnes viandes…, et la suite comme L 166 et H 53.
[169] Nous ne sommes pas difficiles à consoler des disgrâces de nos amis lorsqu'elles aident à nous faire faire quelques belles actions. (Cf. L 167.)
[170] Quand il n'y a que nous qui savons nos crimes, ils sont bientôt oubliés. (Cf. L 168.)
[171] L'intérêt donne toutes sortes de vertus et de vices. (Cf. L 169.)
[172] Plusieurs personnes s'acquittent du devoir de la reconnaissance…, et la suite comme L 170.
[173] Pour s'établir dans le monde, on fait tout ce qu'on peut pour y paraître établi. (Comme L 171 et début de H 61)
[174] Dans toutes les professions et dans tous les arts…, comme L 172 et la fin de H 61.
[175] Il y a des gens qui ressemblent aux vaudevilles que tout le monde chante un certain temps, quelque sots et dégoûtants qu'ils soient. (Cf. L 173 et H 62.)
[176] Comme dans la nature il y a une éternelle génération…, comme L 174, sauf une variante: des passions au lieu de de passions. (Cf. H 64.)
[177] Je ne sais si cette maxime, que chacun produit son semblable…, comme H 65. (Cf. L 175.)
[178] Peu de gens sont cruels de cruauté, mais les hommes sont cruels et inhumains d'amour-propre. (Cf. L 176 et fin de H 110.)
[179] L'intérêt parle toute sorte de langues…, comme L 177.
[180] L'intérêt est toujours la dupe du coeur. (Cf. L 178 et H 83.)
[181] Quelque industrie que l'on ait à cacher ses passions…, comme H 84. (Cf. L 179.)
[182] La philosophie triomphe aisément des maux passés…, comme L 180 et H 85.
[183] Ce qui fait tout le mécompte dans la reconnaissance qu'on attend des grâces qu'on a fait, c'est que…, et la suite comme L 181.
[184] La vanité, et la honte, et surtout le tempérament, fait la valeur des hommes, dont on fait tant de bruit (Cf. L 182 et H 112.)
[185] Il y a des gens dont le mérite…, comme L 183 et H 57.
[186] On se console souvent d'être malheureux en effet pour certain plaisir qu'on trouve à le paraître. (Cf. L 184 et fin de H 127.)
[187] On admire tout ce qui éblouit…, comme L 185, sauf une variante: qui donne souvent au lieu de et donne souvent. (Cf. H 54.)
[188] Les rois font des hommes comme des pièces de monnaie…, comme L 186. (Cf. H 55.)
[189] La vertu est un fantôme…, comme L 187 (Cf. H 2.)
[190] Peu de gens connaissent la mort…, comme L 188, sauf l'omission d'un et (par la coutume au lieu de et par la coutume). (Cf. H 49)
[191] L'imitation est toujours malheureuse et tout ce qui est contrefait déplaît, et les seules choses charment qui sont naturelles. (Cf. L 189 et H 47.)
[192] Dieu a mis des talents différents dans l'homme comme il a planté des différents arbres dans la nature…, et la suite comme H 60, sauf la fin: ne saurait produire les effets des talents les plus communs; de là vient qu'il est aussi ridicule de vouloir faire des semées sans en avoir la graine en soi que de vouloir qu'un parterre produise des tulipes quoiqu'on n'y ait pas semé de ses oignons. (Cf. L 190.)
[193] L'honneur acquis est caution de celui qu'on doit acquérir. (Comme L 191 et H 63.)
[194] L'intérêt, à qui on reproche…, comme H 160. (Cf. L 192.)
[195] Il y a des reproches qui louent, et des louanges qui médisent. (Comme L 193 et H 151.)
[196] Ce n'est pas assez d'avoir de grandes qualités, il en faut avoir l'économie. (Cf. L 194 et H 56.)
[197] Une preuve convaincante que l'homme n'a pas été créé comme il est, est que plus il devient raisonnable…, et la suite comme L 195 et H 66.
[198] On se mécompte toujours dans le jugement…, comme L 196 et H 67: suivie de Il faut une certaine proportion entre les actions et les desseins qui les produisent, ou les actions ne font tous les effets qu'elles doivent faire (cf. L 197 et H 68.)
[199] Quoique la grandeur des ministres se forme par la grandeur de leurs actions, elles sont bien souvent l'effet du hasard ou de quelque petit dessein. (Cf. L 198 et H 131.)
[200] La nature, qui se vante d'être toujours sensible, est dans la moindre occasion étouffée par un intérêt. (Cf. L 199 et H 162.)
[201] Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit. (Comme L 200 et fin de H 171.)
[202] Les grands hommes s'abattent et se démontent enfin…, et la suite comme L 201 et H 133.
[203] La plupart des gens ne voient dans les hommes…, comme L 202 et H 129.
[204] Il n'appartient qu'aux grands hommes d'avoir de grands défauts. (Comme L 203 et H 130.)
[205] Toutes les vertus des hommes se portent dans l'intérêt, comme les fleuves se perdent dans la mer. (Cf. L 204 et H 3.)
[206] Il n'y a point de déguisement qui puisse longtemps cacher l'amour où il est ou le feindre où il n'est pas. (Cf. L 224 et H 95.)
[207] Comme on n'est jamais libre…, comme L 225, sauf les derniers mots: de ses amants au lieu de son amant (Cf. H 96.)
[208] Si on jugeait de l'amour…, et la suite comme L 219 et H 97.
[209] On peut trouver des femmes qui n'ont point fait de galanteries…, et la suite comme H 98. (Cf. L 222.)
[210] Il y a deux sortes de constances en amour…, et la suite comme H 99, sauf une variante: que l'on se fait un honneur au lieu de qu'on se fait honneur. (Cf. L 226.)
Manuscrit édité par Édouard de Barthélemy
[1] Nous sommes préoccupés de telle sorte en notre faveur…, comme L 3.
[2] De plusieurs actions diverses que la fortune arrange comme il lui plaît, il se fait plusieurs vertus. (Cf. L 246.)
[3] La modération dans la bonne fortune…, comme L 71.
[4] L'amour-propre est plus habile que le plus habile homme du monde. (Comme L 12.)
[5] La durée de nos passions ne dépend pas de nous plus que la durée de notre vie. (Cf. L 221.)
[6] La passion fait souvent un sot du plus habile homme, et rend souvent le plus sot habile. (Cf. L 119.)
[7] Dieu a mis des talents différents dans l'homme comme il a planté des arbres différents dans la nature, en sorte que chaque talent ainsi que chaque arbre a sa propriété et son effet qui leur sont particuliers; de là vient que le poirier le meilleur du monde ne saurait porter les pommes les plus communes, et que le talent le plus excellent ne saurait produire les mêmes effets du talent le plus commun. De là aussi vient qu'il est aussi ridicule de vouloir faire des sentences sans en avoir la graine en soi, que de vouloir qu'un parterre produise des tulipes quoiqu'on n'y ait point semé d'oignons. (Cf. L 190.)
[8] La vérité est le fondement et la justification de la beauté. (Comme L 158.)
[9] La ruine du prochain plaît aux amis et aux ennemis. (Comme L 97.)
[10] Rien n'est si dangereux que l'usage des finesses que tant de gens d'esprit emploient si communément; les plus habiles affectent de les éviter toute leur vie pour s'en servir à quelque grande occasion et par quelque grand intérêt. (Cf. L 47.)
[11] Il y a des hommes que l'on estime…, comme L 205, avec toute vertu au singulier.
[12] La vertu est un fantôme formé par nos passions à qui on donne un nom honnête afin de faire impunément ce qu'on veut. (Cf. L 187.)
[13] On ne saurait compter toues les espèces de vanités. (Cf. L 122.)
[14] La vérité qui fait les hommes véritables…, et la suite comme L 81.
[15] Chaque homme n'est pas plus différent des autres hommes qu'il l'est souvent de lui-même. (Comme L 99.)
[16] L'amour-propre est l'amour de soi-même… Long développement semblable à la maxime I de la première édition (MS I), à trois petites variantes près: il travaille lui-même à sa ruine (au lieu de il travaille même à sa ruine)—on le trouve qui triomphe (au lieu de on le retrouve qui triomphe)—trouve dans la violence continuelle de ses vagues (au lieu de trouve dans le flux et le reflux de ses vagues continuelles). (Cf. L 94.)
[17] Enfin l'orgueil, comme lassé de ses artifices…, comme L 67, sauf une variante: un visage naturel (au lieu de son visage naturel).
[18] Ces grandes et éclatantes actions…, et la suite comme L 126, à l'exception des derniers mots: un effet de jalousie (au lieu de un effet de la jalousie).
[19] Les passions sont les seuls orateurs…, comme au début de L 127, jusqu'à infaillibles.
[20] Les passions ont une injustice…, comme L 164 (à ceci près que la fin comporte des lapsus qui la rendent inintelligible).
[21] Tout le monde est plein de pelles qui se moquent du fourgon. (Cf. L 121.)
[22] Ceux qui prisent trop leur noblesse ne prisent pas assez d'ordinaire ce qui en est l'origine. (Cf. L 237.)
[23] On blâme l'injustice, non par la haine qu'on en a, mais pour le préjudice qu'on en reçoit. (Cf. L 145.)
[24] On ne blâme le vice et on ne loue la vertu que par intérêt. (Comme L 157.)
[25] On ne fait point de distinction dans la colère…, comme L 25.
[26] Les rois font des hommes comme des pièces de monnaie…, comme L 186.
[27] Peu de gens sont cruels de cruauté, mais tous les hommes sont cruels d'amour-propre. (Cf. L 176.)
[28] Dieu a permis, pour punir l'homme du péché originel…, comme L 256.
[29] Comme dans la nature il y a une éternelle génération…., comme L 174.
[30] Quelque industrie qu'on ait à cacher ses passions…, et la suite comme L 179.
[31] L'intérêt est l'ami de l'amour-propre, de sorte que comme le corps privé de son âme est sans vie, sans ouïe, sans connaissance, sans sentiment et sans mouvement, de même l'amour-propre séparé, s'il faut dire ainsi, de son intérêt, ne vit, n'entend…, et la suite comme L 270.
[32] Les Français ne sont pas seulement sujets à perdre, comme la plupart des hommes, le souvenir des bienfaits et des injures, mais ils haïssent ceux qui les ont obligés; l'orgueil et l'intérêt produisent partout l'ingratitude…, et la suite comme L 8.
[33] La clémence des princes est une politique…, comme L 83
[34] La clémence est un mélange de gloire, de paresse et de crainte dont nous faisons une vertu. (Cf. L 217.)
[35] La modération des personnes heureuses est le calme de leur humeur adoucie par la possession du bien. (Cf. début de L 77.)
[36] Nous craignons toutes choses comme mortels…, comme L 160, avec le deuxième toute chose au singulier.
[37] Il semble que c'est le diable qui a tout exprès placé la paresse sur la frontière de plusieurs vertus. (Comme L 209.)
[38] On n'a plus de raison quand on n'espère plus d'en trouver aux autres. (Comme L 149.)
[39] Les philosophes, et Sénèque surtout…, comme L 59.
[40] Les plus sages le sont dans toutes les choses indifférentes…, et la suite comme L II.
[41] Toutes les passions ne sont que les divers degrés de la chaleur et de la froideur du sang. (Cf. L 251.)
[42] La sobriété est l'amour de la santé ou l'impuissance de manger beaucoup. (Comme L 87.)
[43] Les grandes âmes ne sont pas celles…, comme L 140, sauf la fin: les plus grandes vues au lieu de de plus grandes vues.
[44] La crainte du blâme et du mépris qui suivent ceux qui s'enivrent de leur bonheur, c'est une vaine ostentation de la force de notre esprit, enfin…, et la suite comme la fin L 77.
[45] Nous avons tous assez de force pour supporter les maux d'autrui. (Comme L 5.)
[46] La constance des sages n'est qu'un art avec lequel ils savent renfermer leur agitation dans leur coeur. (Cf. L 16.)
[47] Ceux qu'on exécute affectent quelquefois…, comme L 150.
[48] La philosophie triomphe aisément des maux passés…, comme L 180.
[49] Peu de gens connaissent la mort…, comme L 188.
[50] On se console souvent d'être malheureux en effet…, comme L 184.
[51] Quand on ne trouve pas son repos en soi-même, il est inutile de le chercher ailleurs. (Cf. L 24.)
[52] Comment peut-on répondre si hardiment de soi-même, puisqu'il faut auparavant pouvoir répondre de sa fortune? (Cf. L 214.)
[53] L'amour est à l'âme de celui qui aime ce que l'âme est au corps qu'elle anime. (Comme L 223.)
[54] Comme on n'est jamais libre d'aimer ou de cesser d'aimer, on ne peut se plaindre avec justice de la cruauté de ses maîtresses, ni de la légèreté de son amant. (Cf. L 225.)
[55] La justice dans les bons juges n'est que l'amour de l'approbation; dans les ambitieux, c'est l'amour de leur élévation. (Cf. L 110.)
[56] Comment prétendons-nous qu'un autre garde notre secret si nous n'avons pas pu le garder nous-mêmes? (Cf. L 61.)
[57] Les grands hommes s'abattent et se démontent…, comme L 201, sauf une variante: et non pas par celle de leur coeur au lieu de et non pas par celle de leur âme.
[58] On n'oublie jamais si bien la chose [sic] que quand on s'est lassé d'en parler. (Cf. L 213.)
[59] Quoique toutes les passions se dussent cacher…, comme L 26
[60] La jalousie est raisonnable en quelque manière…, comme L 27.
[61] Le mal que nous faisons aux autres ne nous attire point tant les persécutions et leur haine que les bonnes qualités que nous avons. (Cf. L 105.)
[62] Rien n'est impossible de soi…, comme L 14.
[63] Ce qui nous fait croire si facilement que les autres ont des défauts, c'est la facilité que l'on a à croire ce qu'on désire. (Cf. L 269.)
[64] Si nous n'avions pas de défauts, nous ne serions pas si aises d'en remarquer aux autres. (Cf. L 257.)
[65] Le remède de la jalousie est la certitude de ce qu'on a craint…, et la suite comme L 240, sauf la fin: le doute et les soupçons au lieu de les doutes et les soupçons.
[66] L'orgueil se dédommage toujours…, comme L 21.
[67] Si nous n'avions pas d'orgueil, nous ne nous plaindrions pas de celui des autres. (Cf. L 159.)
[68] L'orgueil est égal dans tous les hommes…, comme L 211.
[69] L'orgueil a bien plus de part que la bonté aux remontrances que nous faisons à ceux qui commettent des fautes; et nous ne les reprenons pas tant pour les en corriger que pour leur persuader que nous en sommes exempts. (Cf. L 2.)
[70] Dieu seul fait les gens de bien…, comme L 45.
[71] Les crimes deviennent innocents et même glorieux…, comme L 37, sauf une variante: s massacres de provinces au lieu de les massacres des provinces.
[72] Ceux qui voudraient définir la victoire…, comme L 76.
[73] L'imitation est toujours malheureuse…, comme L 189. sauf une variante: plaisent au lieu de charment.
[74] Nous promettons selon nos espérances, et nous tenons selon nos craintes. (Comme L 4.)
[75] L'intérêt fait jouer toute sorte de personnages et même celui de désintéressé. (Comme L 15.)
[76] On n'est jamais si ridicule par les qualités que l'on a que par celles que l'on affecte d'avoir. (Cf. L 220.)
[77] L'espérance et la crainte sont inséparables…, comme L 261.
[78] Il ne faut pas s'offenser que les autres nous cachent la vérité…, comme L 206.
[79] L'intérêt, à qui on reproche d'aveugler les uns…, comme L 192.
[80] Ceux qui s'appliquent trop aux petites choses peuvent difficilement s'appliquer aux grandes…, et la suite comme L 85.
[81] Nous n'avons pas assez de force pour suivre toute notre raison. (Comme L 138.)
[82] L'homme est conduit lorsqu'il croit se conduire, et pendant que par son espoir [sic] il vise à un endroit, son coeur s'achemine insensiblement à un autre. (Cf. L 19.)
[83] Le caprice de l'homme est encore plus bizarre que celui de la fortune. (Cf. L 147.)
[84] Le désir de vivre ou de mourir sont des goûts de l'amour-propre dont il ne faut pas plus disputer que des goûts de la langue ou du choix des couleurs. (Cf. L 243.)
[85] La félicité est dans le goût et non pas dans les choses, et c'est pour avoir ce qu'on aime est heureux, et non pas pour avoir ce que les autres trouvent amiable [sic]. (Cf. L 23.)
[86] On n'est jamais si malheureux qu'on craint, ni si heureux qu'on espère. (Comme L 141.)
[87] Nous ne regrettons pas la perte de nos amis selon leur mérite, mais selon nos besoins, et selon l'opinion que nous croyons leur avoir donnée de ce que nous valons. (Cf. L 116.)
[88] Il est bien malaisé de distinguer la bonté générale et répandue pour tout le monde de la grande habileté. (Cf. L 124.)
[89] La confiance de plaire est souvent le moyen de plaire infailliblement. (Comme L 134.)
[90] La confiance que l'on a en soi fait naître la plus grande partie de celle que l'on a aux autres. (Comme L 248.)
[91] Ce qui nous empêche souvent de bien juger…, comme L 143.
[92] La dévotion qu'on donne aux princes est un second amour-propre. (Cf. L 91.)
[93] La fin du bien est un mal, et la fin du mal est un bien. (Cf. L 210.)
[94] Les biens et les maux sont plus grands dans notre imagination…, comme L 102.
[95] Ceux qui se sentent du mérite…, comme L 129, à un mot près: poursuivre au lieu de persécuter.
[96] Rien ne doit tant diminuer la satisfaction…, comme L 137.
[97] Quelque disproportion qu'il y ait entre les fortunes, il y a pourtant toujours une certaine proportion de biens et de maux qui les rend égales. (Cf. L 28.)
[98] Quelques grands avantages que la nature donne, ce n'est pas elle, mais la fortune, qui fait les héros. (Comme L 31.)
[99] Le mépris des richesses était dans les philosophes…, et la suite comme L 89, à un mot près: garantir au lieu de dédommager.
[99 bis] Les philosophes ne condamnent les richesses…, comme L 62, sauf une variante: elles nourrissent et accroissent les crimes comme le bois entretient le feu, au lieu de: elles nourrissent et accroissent les vices, comme le bois entretient et augmente le feu.
[100] Comme la plus heureuse personne du monde…, comme L 38, sauf une variante: puisqu'il leur faut au lieu de qu'il leur faut.
[101] La haine qu'on a pour les favoris n'est autre chose que l'amour de ces faveurs [sic]. C'est aussi la rage de n'avoir pas la faveur qui console et adoucit [sic] par le mépris des favoris; c'est aussi une secrète envie de la détruire qui fait que nous leur ôtons nos propres hommages, ne pouvant que leur ôter ce qui leur attire celles de tout le monde [sic]. (Cf. L 98.)
[102] Une preuve convaincante que l'homme n'a pas été créé…, comme L 195, sauf une variante: lui-même au lieu de soi-même.
[103] Ce qui fait tant disputer contre les maximes…, comme L 245.
[104] Pour s'établir dans le monde, on fait tout ce qu'on peut pour y paraître établi. (Comme L 171.)
[105] Quoique la vanité des ministres…, comme L 198, sauf une variante, elle suit au lieu de elles sont.
[106] Il semble que plusieurs de nos actions aient des étoiles heureuses et malheureuses…, et la suite comme L 262.
[107] On pourrait dire qu'il n'y a point d'heureux ni de malheureux accidents…, comme L 34, sauf la fin: à leur préjudice les plus avantageux, au lieu de les plus avantageux à leur préjudice.
[108] La sincérité c'est une naturelle ouverture du coeur…, et la suite comme L 43.
[109] Le vrai ne fait pas tant de mal dans le monde que le vraisemblable y fait de mal (Cf. L 234).
[110] On élève la prudence jusqu'au ciel…, comme L 55, sauf les variantes suivantes: de nos actions et de notre conduite (au lieu de de nos actions et de nos conduites)—tout le secours que nous demandons (au lieu de tous les secours que nous demandons)— quand il veut (au lieu de quand il lui plaît)—à la Providence (au lieu de à sa providence).
[111] Un habile homme doit savoir régler…, comme L 146. sauf la fin: nous ne la faisons pas servir pour obtenir les plus considérables, au lieu de nous ne les faisons pas assez servir à obtenir les plus considérables.
[112] Il est malaisé de définir l'amour…, comme L 30, sauf une variante: et dans le corps que ce n'est, au lieu de et dans le corps ce n'est.
[113] Il n'y a point d'amour pur et exempt de mélange des autres passions…, et la suite comme L 117.
[114] Il n'y a point de déguisement… comme L 224.
[115] Si on juge de l'amour par la plupart de ses effets, il ressemble plus à la haine qu'à l'amitié. (Cf. L 219.)
[116] Il y a beaucoup de femmes qui ont jamais fait [sic] de galanterie, mais je ne sais s'il y en a qui n'en aient jamais fait qu'une. (Cf. L 222.)
[117] Le pouvoir que les personnes que nous aimons…, comme L 267.
[118] On blâme aisément les défauts des autres…, comme L 212.
[119] Il n'y a que d'une sorte d'amour, mais il y en a de mille différentes copies. (Cf. L 263.)
[120] L'amour aussi bien que le feu…, comme L 264.
[121] Il est de l'amour comme de l'apparition des esprits: tout le monde en parle et peu de gens en ont vu. (Cf. L 265.)
[122] L'amour prête son nom à un nombre infini de commerces…, comme L 266.
[123] L'amour de la justice n'est que la crainte de souffrir l'injustice. (Comme L 151.)
[124] La justice n'est qu'une vive appréhension qu'on ne nous ôte ce qui nous appartient; de là vient cette considération et ce respect pour tous les intérêts du prochain et cette scrupuleuse application à ne lui faire aucun préjudice. Cette crainte retient l'homme dans les bornes des biens que la naissance ou la fortune lui ont donnés, et sans cette crainte il ferait des courses continuelles sur les autres. (Cf. L 109.)
[125] Ce qui rend nos amitiés si légères et si changeantes…, comme L 6.
[126] La réconciliation avec nos ennemis…, comme L 104.
[127] Rien ne prouve tant que les philosophes…, comme L 208.
[128] La jalousie ne subsiste que dans les doutes et ne vit que dans les nouvelles inquiétudes. (Cf. L 239.)
[129] Il y a des reproches qui louent et des louanges qui médisent. (Comme L 193.)
[130] L'amitié la plus sainte et la plus sacrée…, comme L 22.
[131] Nous nous persuadons souvent d'aimer des gens plus puissants…, et la suite comme L 7.
[132] Le jugement n'est autre chose que la lumière de l'esprit…, comme L 41, sauf ces différences, c'est la mesure de sa lumière (au lieu de est la mesure de sa lumière)—La délicatesse aperçoit l'imperceptible, et le jugement prononce ce qu'elle sent (au lieu de. La délicatesse aperçoit les imperceptibles. Et le jugement prononce ce qu'elles sont.)—Si on les examine bien (au lieu de. Si on l'examine bien).—Suivie de L 44. La finesse n'est qu'une pauvre habileté.
[133] La politesse de l'esprit est un tour par lequel il pense toujours des choses honnêtes et délicates. (Cf. L 68.)
[134] La galanterie de l'esprit est un tout de l'esprit…, comme L 69.
[135] Il y a de jolies choses que l'esprit ne cherche point…, comme L 133. sauf une variante: le diamant au lieu de les diamants.
[136] L'esprit est toujours la dupe du coeur. (Comme L 178.)
[137] On peut connaître son esprit, mais qui peut connaître son coeur? (Comme L 233.)
[138] Les affaires et les actions des grands hommes, comme les statues, ont leur point de perspective. Il y en a qu'il faut voir de près pour en discerner toutes les circonstances; il y en a d'autres dont on ne juge jamais si bien que quand on est éloigné. (Cf. L 60.)
[139] Pour savoir, il faut savoir le détail des choses, et comme il est infini, de là vient qu'il y a si peu de gens qui sont savants, et que nos connaissances sont superficielles et imparfaites, et qu'on décrit des choses au lieu de les définir…, et la suite comme L 123.
[140] On est au désespoir d'être trompé par ses ennemis…, comme L 10.
[141] Il est aussi facile de se tromper soi-même…, et la suite comme L 13.
[142] Rien n'est plus divertissant que de voir deux hommes assemblés, l'un pour demander conseil, et l'autre pour le donner; l'un paraît avec une déférence respectueuse, et dit qu'il vient recevoir des instructions pour sa conduite et soumettre ses sentiments; et son dessein, le plus souvent, est de faire passer les siens, et de rendre celui qu'il vient consulter garant de l'affaire qu'il lui propose. Celui qui conseille paie d'abord la confiance de son ami des marques d'un zèle ardent et désintéressé, et il cherche…, et la suite comme L 56.
[143] La plus déliée de toutes les finesses…; comme L 64, sauf une variante: qu'on nous tend, au lieu de que l'on nous tend.
[144] L'intention de ne jamais tromper nous expose à être souvent trompés: (Comme L 95.)
[145] La coutume que nous avons de nous déguiser aux autres…, comme L 101.
[146] La faiblesse fait commettre plus de trahisons que le véritable dessein de trahir. (Comme L 135.)
[147] On fait souvent du bien pour pouvoir faire du mal impunément. (Comme L 231.)
[148] Comme la finesse est l'effet d'un petit esprit…, comme L 48.
[149] La finesse n'est qu'une pauvre habileté. (Comme L 44.)
[150] On est sage pour les autres personnes, personne ne l'est assez pour soi-même. (Cf. L 247.)
[151] Quand la vanité ne fait point parler, on n'a pas envie de dire grand'chose. (Comme L 42.)
[152] On aime mieux dire du mal de soi que de n'en point parler. (Comme L 96.)
[153] Une des choses qui fait que l'on trouve si peu de gens…, comme L 106, sauf deux variantes: ce qu'on lui dit. Les plus habiles (au lieu de ce qu'on lui dit, et que les plus habiles)— une précipitation pour retourner (au lieu de une précipitation de retourner).
[154] Un homme d'esprit serait souvent bien embarrassé sans la compagnie des sots. (Cf. L 131.)
[155] On se vante souvent de ne se point ennuyer…, et la suite comme L 142.
[156] On ne loue que pour être loué. (Comme L 154.)
[157] Comme c'est le caractère des grands esprits de faire entendre en peu de paroles beaucoup de choses, les petits esprits en revanche ont l'air [sic] de parler beaucoup et de ne dire rien. (Cf. L 252.)
[158] C'est plutôt par l'estime de nos sentiments…, comme L 18.
[159] On n'aime point à louer, on ne loue personne jamais sans intérêt…, et la suite comme L 29, sauf la fin: on louerait moins le duc de Turenne et Monsieur le Prince si on ne voulait pas les blâmer tous deux, au lieu de: on louerait moins Monsieur le Prince et Monsieur de Turenne si on ne voulait pas les blâmer tous les deux.
[160] Peu de gens sont assez sages pour aimer mieux le blâme qui leur est utile à la louange qui les trahit [sic]. (Cf. L 161.)
[161] La modestie qui semble refuser les louanges n'est en effet qu'un désir d'en avoir de plus délicates. (Comme L 20.)
[162] La nature fait le mérite et la fortune le met en oeuvre. (Comme L 79.)
[163] Il y a des gens dont le mérite consiste à dire…, comme L 183.
[164] Ce n'est pas assez d'avoir de grandes qualités, il en faut avoir l'économie. (Comme L 194.)
[165] On se mécompte toujours dans le jugement…, comme L 196.
[166] Il faut une certaine proportion…, comme L 197, sauf une variante: sans lesquels au lieu de sans laquelle.
[167] On admire tout ce qui éblouit…, comme L 185, sauf une variante: dérobe souvent l'estime, au lieu de dérobe l'estime.
[168] Il y a une infinité de conduites qui ont un ridicule apparent et qui dans leurs raisons cachées sont très sages et très solides. (Cf. L 259.)
[169] Le monde, ne connaissant pas le véritable mérite…, et la suite comme L 165, à une variante près: de belles qualités (sans le mot apparentes).
[170] L'espérance, toute vaine et fourbe qu'elle est d'ordinaire, sert au moins à nous mener à la fin de la vie par un beau chemin agréable. (Cf. L 215.)
[171] La honte, la paresse et la timidité conservent toutes seules le mérite…, et la suite comme L 148.
[172] Il n'y a que Dieu qui sache…, comme L 155.
[173] Comme il y a de bonnes viandes qui affadissent le coeur…, comme L 166, sauf une variante: dégoûtent des qualités, au lieu de dégoûtent avec des qualités.
[174] Toutes les vertus des hommes se perdent dans l'intérêt comme les fleuves se perdent dans la mer. (Comme L 204.)
[175] La constance en amour est une inconstance perpétuelle…, comme L 115. Suivie de: La durée de l'amour et ce qu'on appelle ordinairement la constance sont deux sortes de choses bien différentes la première vient de ce que l'on trouve sans cesse dans la personne que l'on aime de nouveaux sujets d'amour, comme dans une source inépuisable; la seconde vient de ce que l'on se fait un honneur de tenir sa parole (cf. L 226).
[176] La persévérance n'est digne de blâme ni de louange…, comme L 78, avec un mot de plus à la fin: qu'on ne se donne point (au lieu de qu'on ne se donne).
[177] Je ne sais si cette maxime, que chacun produit son semblable…, comme L 175.
[178] Ce qui nous fait aimer les nouvelles connaissances n'est pas tant…, et la suite comme L 139.
[179] Notre repentir ne vient point de nos actions, mais du dommage qu'elles nous causent. (Comme L 92.)
[180] Il y a deux sortes d'inconstances…, comme L 86, sauf la fin: qui vient du dégoût des choses, au lieu de: vient de la [fin] du goût des choses que l'on aimait.
[181] Les vices entrent dans la composition des vertus…, comme L 227.
[182] Nous avouons nos défauts pour réparer le préjudice qu'ils nous font dans l'esprit des autres par l'impression que nous donnons de la justice des nôtres [sic]. (Cf. L 82.)
[183] Il y a des héros en mal comme en bien. (Comme L 93.)
[184] On hait souvent les vices, mais on méprise toujours le manque de vertu. (Comme L 118.)
[185] La santé de l'âme n'est pas plus assurée que celle du corps, et quelque éloignés que nous paraissions des passions que nous n'avons pas encore ressenties, il faut croire toutefois qu'on n'est pas moins exposé que l'on est à tomber malade quand on se porte bien. (Cf. L 144.)
[186] On n'est pas moins exposé aux rechutes des maladies de l'âme…, comme L 218, sauf les différences suivantes: une relâche au lieu de un relâche—nécessairement au lieu de successivement —s'il était permis au lieu de s'ils nous était permis.
[187] Il n'appartient qu'aux grands hommes d'avoir de grands défauts. (Comme L 203)
[188] Quand il n'y a que nous qui sachions nos crimes, ils sont bientôt oubliés. (Comme L 168.)
[189] Le désir de paraître habile empêche souvent de le devenir…, comme L 238, sauf une variante: plus à le paraître au lieu de plus à paraître.
[190] Les faux honnêtes gens sont ceux qui déguisent la corruption…, comme L 9.
[191] Le vrai honnête homme c'est celui qui ne se pique de rien. (Comme L 39.)
[192] La sévérité des femmes est un ajustement…, et la suite comme L 75, sauf deux variantes: la leur au lieu de le leur— c'est un attrait au lieu de c'est enfin un attrait.
[193] La chasteté des femmes est l'amour de leur réputation et de leur repos. (Comme L 88.)
[194] C'est être véritablement honnête homme que de bien vouloir être examiné des honnêtes gens en tous temps et sur tous les sujets qui se présentent (Cf. L 242.)
[195] L'enfance nous suit dans tous les temps de la vie…, comme L I.
[196] Il y a des gens niais qui se connaissent niais et qui emploient habilement leur niaiserie. (Comme L 120.)
[197] Comme si ce n'était pas assez à l'amour-propre…, comme L 107-108, sauf les variantes suivantes:
Dans la partie correspondant à L 107: transformer les objets (au lieu de transformer ses objets)—mais soudainement il change l'état et la nature des choses (au lieu de mais aussi, comme si ses actions étaient des miracles, il change l'état et la nature des choses soudainement)—juge de ses actions (au lieu de juge ses actions)—il donne à ses défauts une étendue qui les rend énormes, et il met (au lieu de il donne même une étendu à ses défauts qui les rend énormes, et met)—la réconcilie (au lieu de l'a réconciliée)—un fort grand du biais (au lieu de un fort grand des biais) Dans la partie correspondant à L 108: l'oubli ou l'infidélité de ce qu'il aime (au lieu de un visible oubli ou infidélité découverte)—méditer pour sa vengeance tout ce que cette passion inspire de plus violent (au lieu de conjure[r] le ciel et les enfers contre sa maîtresse)—Néanmoins, aussitôt que sa vue (au lieu de et néanmoins, aussitôt qu'elle s'est présentée et que sa vue)—aux mauvaises actions (au lieu de aux actions mauvaises).
[198] L'aveuglement des hommes est le plus dangereux effet…, comme L 114, sauf la fin, et nos défauts au lieu de et tous nos défauts
[199] Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit. (Comme L 200.)
[200] En vieillissant on devient plus fou et plus sage. (Comme L 260.)
[201] Il y a des gens qui ressemblent aux vaudevilles…, comme L 173, à un mot près: raconte au lieu de chante.
[202] La plupart des gens ne voient dans les hommes…, comme L 202.
[203] La parfaite valeur et la poltronnerie complète sont des extrémités où l'on arrive rarement…, et la suite comme L 54, sauf les variantes suivantes: qu'entre les visages (au lieu de qu'il y en a entre les visages)—elle donne la liberté au lieu de leur donne la liberté—un autre ménagement plus général (au lieu de un autre ménage plus général)—une certitude de réussir (au lieu de une certitude d'en revenir).
[204] La pure valeur (s'il en avait)…, comme L 65, sauf la fin: tout le monde au lieu de le monde.
[205] L'intrépidité est une force extraordinaire de l'âme…, comme L 66, sauf deux variantes, dans les accidents les plus surprenants et les plus terribles (au lieu de dans les accidents les plus terribles et les plus surprenants)—dans la conjuration (au lieu de dans les conjurations)—qui leur est nécessaire (au lieu de qui lui est nécessaire).
[206] L'approbation que l'on donne à l'esprit, à la beauté, à la valeur…, et la suite comme L 136.
[207] La vérité est le fondement et la raison de la perfection…, comme L 163, sauf l'omission des mots car il est certain qu'.
[208] La politesse des États est le commencement de la décadence…, et la suite comme L 72.
[209] De toutes les passions celle qui est la plus inconnue c'est la paresse…, comme L 253, sauf les variantes suivantes: les plus grands vaisseaux (au lieu de les plus grands navires)—et que les plus grandes tempêtes (au lieu de et les plus grandes tempêtes)—et ses opiniâtres résolutions (au lieu de et ses plus opiniâtres résolutions)—et pour donner enfin (au lieu de et enfin, pour donner)—et qui la fait renoncer (au lieu de et la fait renoncer).
[210] L'amour de la gloire, plus encore la crainte de la honte…, et la suite comme L 33, sauf une variante: font cette valeur au lieu de fait cette valeur.
[211] La valeur dans le simple soldat est un métier périlleux qu'ils ont pris pour gagner leur vie [sic]. (Cf. L 36.)
[212] La plupart des hommes s'exposent assez à la guerre…, comme L 153.
[213] La vanité et la honte, et surtout le tempérament, font…, et la suite comme L 182.
[214] On ne veut point perdre la vie…, comme L 35, sauf une variante: dans les parties, au lieu de dans la justice.
[215] Plusieurs personnes s'inquiètent du devoir de la reconnaissance…, et la suite comme L 170.
[216] Ce qui fait tout le mécompte que nous voyons dans la reconnaissance…, comme L 181.
[217] On est souvent reconnaissant par principe d'ingratitude. (Comme L 230.)
[218] Rien n'est si contagieux que l'exemple, et nous ne faisons jamais de grands biens ni de grands maux qui ne produisent infailliblement leur pareil: l'imitation du bien vient de l'émulation, et des maux [sic] de l'excès de la malignité naturelle, qui, étant comme retenue prisonnière par la honte, est mise en liberté par l'exemple. (Cf. L III.)
[219] Quelque prétexte que nous donnions à nos afflictions.., comme L 17.
[220] Il y a dans les afflictions une espèce d'hypocrisie, car sous prétexte de pleurer la perte d'une personne qui nous est chère, nous pleurons la nôtre, c'est-à-dire la diminution de notre bien, de notre plaisir, de notre considération…, et la suite comme L 57-58, sauf les variantes suivantes:
Dans la partie correspondant à L 57: parce qu'elle impose (au lieu de et qui impose)—qu'elle égalerait la durée de leur déplaisir, leur propre vie (texte manifestement fautif, au lieu de qu'elles égaleront la durée de leur déplaisir à leur propre vie)— d'ordinaire (au lieu de pour l'ordinaire)—Comme leur sexe leur ferme tous les chemins qui mènent à la gloire, elles s'efforcent de se rendre (au lieu de parce que, leur sexe leur fermant tous les chemins à la gloire, elles se jettent dans celui-ci, et s'efforcent à se rendre)
Dans la partie correspondant à L 58: Il y a, outre ce que nous avons dit, encore quelques espèces de larmes (au lieu de Outre ce que nous avons dit, il y a encore quelques autres espèces de larmes)—on pleure pour être plaint, on pleure pour être pleuré, enfin on pleure de la honte de ne pleurer pas (au lieu de on pleure pour être pleuré, et on pleure enfin de honte de ne pas pleurer).
[221] Nous ne sommes pas difficiles à consoler…, comme L 167.
[222] Nul ne mérite d'être loué de bonté s'il n'a pas la force et la hardiesse de pouvoir être méchant. Toute autre bonté n'est en effet qu'une privation du vice, ou plutôt la timidité du vice et son endormissement. (Cf. L 112.)
[223] Qui considérera superficiellement tous les effets de la bonté qui nous fait sortir hors de nous-mêmes…, et la suite comme L 52, sauf une variante: la bonté est le plus prompt de tous les moyens dont se sert l'amour-propre (au lieu de: la bonté est en effet le plus prompt de tous les moyens dont l'amour-propre se sert). En outre la maxime est incomplète: elle s'interrompt brusquement après les mots plus riche et plus.
[224] Il n'est pas si dangereux de faire du mal à la plupart des hommes que de leur faire trop de bien. (Comme L 244.)
[225] Rien ne nous plaît tant que la confiance des grands.., comme L 49.
[226] On ne sait si on peut dire de l'agrément…, et la suite comme L 258, sauf une variante: de traits ensemble au lieu de des traits ensemble.
[227] La coquetterie est le fond de l'humeur de toutes les femmes…, et la suite comme L 130, sauf une variante: renfermée au lieu de enfermée.
[228] On incommode toujours les autres quand on est persuadé de ne les pouvoir jamais incommoder. (Comme L 125.)
[229] La souveraine habileté consiste à bien connaître le prix des choses. (Cf. L 156.)
[230] La véritable éloquence consiste à dire tout ce qu'il faut et à ne dire que ce qu'il faut. (Cf. L 128)
[231] Il y a des personnes à qui les défauts siéent bien, et d'autres qui sont disgraciées de leurs bonnes qualités. (Cf. L 103.)
[232] Il est aussi ordinaire de voir changer les goûts qu'il est extraordinaire de voir changer les inclinations (Cf. L 272.)
[233] On ne blâme le vice et on ne loue la vertu que par intérêt. (Comme L 157.)
[234] La générosité est un désir de briller…, et la suite comme L 40, sauf la fin: pour aller plus tôt à un plus grand intérêt (au lieu de: pour aller promptement à une grande réputation).
[235] La fidélité est une invention rare de la réputation par laquelle un homme…, et la suite comme L 90.
[236] La magnanimité méprise tout pour avoir tout. (Comme L 254.)
[237] Il est aussi ordinaire de voir changer les goûts que de voir changer les inclinations. (Cf. L 272.)
[238] L'intérêt donne toutes sortes de vertus et de vices. (Cf. L 169.)
[239] L'humilité n'est souvent qu'une feinte soumission que nous employons pour soumettre effectivement tout le monde; c'est un mouvement de l'orgueil par lequel il s'abaisse devant les hommes pour s'élever sur eux. C'est ce qui fait les bons ou les mauvais comédiens, et c'est ce qui fait aussi que les personnes plaisent ou déplaisent. C'est son plus grand déguisement et son premier stratagème. C'est comme il est sans doute que le Protée des fables n'a jamais été; il en est un véritable dans la nature…, et la suite comme L 53, sauf les variantes suivantes: sous toutes ses figures (au lieu de sur toutes ses figures)—sa parole douce et respectueuse, pleine de l'estime (au lieu de ses paroles douces et respectueuses, pleines de l'estime)—Il ne reçoit les charges auxquelles on l'élève (au lieu de et ne reçoit les charges où on l'élève).
[240] Les peines [sic] et les sentiments ont chacun un ton de voix…, et la suite comme L 132, sauf une variante les bons ou les mauvais comédiens, au lieu de les bons et les mauvais comédiens.
[241] Dans toutes les professions et dans tous les arts…, comme L 172.
[242] La civilité est une envie d'en recevoir; c'est aussi un désir d'être estimé poli. (Comme L 80.)
[243] La pitié est souvent un sentiment de nos propres maux dans les sujets étrangers. C'est une habile prévoyance…, et la suite comme L 51, sauf les variantes suivantes: en de semblables occasions (au lieu de dans de semblables occasions)—de quelques infortunes (au lieu de de quelque infortune)—des biens que nous nous faisons anticipés (au lieu de des biens anticipés que nous nous faisons).
[244] On ne croit pas aisément ce qui est au-delà de ce que nous voyons. (Comme L 236)
[245] Il n'y a point de libéralité et ce n'est que la vanité de donner que nous aimons mieux que ce que nous donnons. (Comme L 32.)
[246] La petitesse d'esprit fait l'opiniâtreté. (Cf. L 235.)
[247] On s'est trompé quand on a cru…, comme L 84, sauf deux variantes: triomphent (au lieu de triomphaient)—enfin elle émousse (au lieu de et enfin elle émousse).
[248] La promptitude avec laquelle nous croyons le mal…, comme L 268.
[249] Nous récusons tous les jours des juges pour les plus petits intérêts, et nous faisons dépendre notre gloire et notre réputation, qui sont les plus grands biens du monde, du jugement des hommes qui nous sont tous contraires, ou par leur jalousie, ou par leur malignité, ou par leur préoccupation, ou par leur sottise; et c'est pour obtenir d'eux un arrêt en notre faveur que nous exposons notre repos et notre vie en cent manières, et que nous les condamnons à une infinité de soucis, de peines et de travaux. (Cf. L 46)
[250] L'honneur acquis est caution de celui qu'on doit acquérir. (Comme L 191.)
[251] La jeunesse est une ivresse continuelle; c'est la fièvre de la santé, c'est la folie de la raison. (Comme L 250.)
[252] La nature, qui se vante d'être toujours sensible, est dans la moindre occasion étouffée par l'intérêt (Comme L 199.)
[253] La magnanimité est assez définie par son nom; néanmoins on pourrait dire que c'est le bon sens de l'orgueil et la voie la plus noble pour recevoir des louanges. (Cf. L 216.)
[254] On peut toujours ce qu'on veut, pourvu qu'on le veuille bien. (Comme L 249.)
[255] Nous ne nous apercevons que des emportements.., comme L 50.
[256] Chacun pense être plus fin que les autres. On peut être plus fin qu'un autre, mais non pas plus fin que tous les autres. (Cf. L 113.)
[257] L'homme est si misérable que, tournant toute sa conduite à satisfaire ses passions, il gémit incessamment sur leur tyrannie…, et la suite comme L 255, sauf une variante: du chagrin de sa maladie, au lieu de des chagrins de ses maladies.
[258] Les biens et les maux qui nous arrivent…, comme L 228.
[259] Rien ne nous prouve davantage combien la mort est redoutable…, et la suite comme L 207.
Variantes tirées du manuscrit Gilbert attestées par l'édition des grands écrivains.
1 Variantes se rapportant a des maximes de l'édition de 1678. Épigraphe.—Nous sommes préoccupés de telle sorte…, comme L 3 et B 1.
Max. 1.—De plusieurs actions diverses…, comme B 2.
Max. 6.—La passion fait souvent un sot du plus habile homme et rend souvent les plus sots habiles.
Max. 8.—Les passions sont les seuls orateurs…, comme B 19.
Max. 9.—Les passions ont une injustice et un propre intérêt qui fait qu'elles offensent et blessent toujours, même lorsqu'elles parlent raisonnablement et équitablement. La charité a seule le privilège de dire tout ce qui lui plaît et de ne blesser jamais personne.
Max. 10.—Début plus développé: Comme dans la nature il y a une éternelle génération, et que la mort d'une chose est toujours la production d'une autre, de même il y a dans le coeur humain…
Max. 11.—Début plus développé: Je ne sais si cette maxime, que chacun produit son semblable, est véritable dans la physique; mais je sais bien qu'elle est fausse dans la morale, et que les passions…
Max. 12.—Comme la Ire édition (Quelque industrie que l'on ait…, I 12).
Max. 14.—Les Français ne sont pas seulement sujets à perdre…, comme B 32.
Max. 15.—Manque le mot souvent.
Max. 16.—La clémence est un mélange de gloire, de presse et de crainte, dont nous faisons une vertu. (Comme B 34.)
Max. 18.—Des mots ajoutés: pour la définir intimement (et enfin, pour la définir intimement, la modération des hommes…).
Max. 21.—Ceux qu'on fait mourir affectent…, et la suite comme
L 150 et B 47.
Max. 22.—La philosophie ne fait des merveilles que contre les maux passés ou contre ceux qui ne sont pas prêts d'arriver, mais elle n'a pas grande vertu contre les maux présents.
Max. 23.—Peu de gens connaissent la mort…, comme L 188 et B 49.
Max. 24.—Fin de la maxime, après leurs infortunes: cela fait voir manifestement qu'à une grande vanité près les héros sont faits comme les autres hommes.
Max. 29.—Le mal que nous faisons aux autres ne nous attire point tant leur persécution et leur haine que les bonnes qualités que nous avons. (Comme SL 107.)
Max. 31.—Comme la Ire édition (Si nous n'avions point de défauts…, I 34, et aussi L 257).
Max. 32.—La jalousie ne subsiste que dans les doutes, et ne vit que dans les nouvelles inquiétudes. (Comme B 128.)
Max. 33.—Comme la Ire édition (L'orgueil se dédommage…, I 36, et aussi L 21 et B 66).
Max. 40.—L'intérêt, à qui on reproche…, comme L 192 et B 79.
Max. 41.—Ceux qui s'appliquent trop aux petites choses…, comme B 80.
Max. 45.—Le caprice de l'humeur…, comme L 147.
Max. 46.—Le désir de vivre ou de mourir…, comme L 243.
Max. 49.—Les biens et les maux sont plus grands…, comme L 102 et B 94.
Max. 50.—Fin de la maxime: et à eux-mêmes qu'ils sont de véritables héros, puisque la mauvaise fortune ne s'opiniâtre jamais à poursuivre que les personnes qui ont des qualités extraordinaires.
Max. 52.—Quelque disproportion qu'il y ait entre les fortunes…, comme B 97.
Max. 54.—Fin de la maxime: à la considération que les richesses donnent.
Max. 55.—Fin de la maxime, après les mots l'amour de la faveur: c'est aussi la rage de n'avoir pas la faveur, qui se console et s'adoucit par le mépris des favoris, c'est aussi une secrète envie de la détruire, qui fait que nous leur ôtons nos propres hommages, ne pouvant pas leur ôter ce qui leur attire ceux de tout le monde.
Max. 58.—Comme la Ire édition (Il semble que nos actions…, I 67).
Max. 59.—On pourrait dire qu'il n'y a point d'heureux ni de malheureux accidents…, comme B 107.
Max. 63.—La vérité, qui fait les hommes véritables, est souvent une imperceptible ambition qu'ils ont de rendre leurs témoignages considérables, et d'attirer à leurs paroles un respect de religion.
Max. 64.—Le vrai ne fait pas tant de bien…, comme L 234.
Max. 65.—Comme la Ire édition (On élève la prudence…, I 75), à l'exception de la fin, après les mots aucun de ses projets:
Dieu seul, qui tient tous les coeurs des hommes entre ses mains, et qui, quand il veut, en accorde tous les mouvements, fait aussi réussir les choses qui en dépendent: d'où il faut conclure que toutes les louanges dont notre ignorance et notre vanité flattent notre prudence sont autant d'injures que nous faisons à la Providence.
Max. 73.—Il y a beaucoup de femmes qui n'ont jamais fait de galanterie; mais je ne sais s'il y en a qui n'en aient jamais fait qu'une.
Max. 74.—Début: Il n'y a d'amour que d'une sorte…
Max. 76.—Comme la Ire édition (Il est de l'amour comme de l'apparition…, I 86, et aussi L 265).
Max. 77.—L'amour prête son nom…, comme L 266.
Max. 83.—L'amitié la plus sainte et la plus sacrée…, comme L 22 et B 130.
Max. 85.—Fin de la maxime, après les mots qui produit notre amitié: et nous ne leur promettons pas selon ce que nous leur voulons donner, mais selon ce que nous voulons qu'ils nous donnent.
Max. 88.—Comme la Ire édition (I 101), sauf trois variantes: I si bien qu'il y est lui-même abusé, mais soudainement il change l'état (au lieu de: si bien qu'il y est lui-même trompé, mais il change aussi l'état)—2 que notre aversion venait d'effacer. Tous ses avantages en reçoivent un fort grand du biais dont nous les regardons; toutes ses mauvaises qualités disparaissent; nous rappelons même (au lieu de: que notre aversion venait de lui ôter; les mauvaises qualités s'effacent, et les bonnes paraissent avec plus d'avantage qu'auparavant; nous rappelons même)—3 pour en charger ses soupçons (derniers mots de la maxime, au lieu de: pour s'en charger lui-même).
Max. 89.—Mots ajoutés à la fin: parce que tout le monde croit en avoir beaucoup.
Max. 97.—Mots ajoutés après les mots la grandeur de la lumière de l'esprit: On peut dire la même chose de son étendue, de sa profondeur, de son discernement, de sa justesse, de sa droiture, de sa délicatesse.
Max. 103.—On peut connaître son esprit; mais qui peut connaître son coeur? (Comme L 233 et B 137.)
Max. 104.—Les affaires et les actions des grands hommes, comme les statues, ont leur point de perspective: il y en a qu'il faut voir de près, pour en bien discerner toutes les circonstances; il y en a d'autres dont on ne juge jamais si bien que quand on en est éloigné.
Max. 106.—Pour bien savoir les choses, il en faut savoir le détail, et comme il est presque infini, de là vient qu'il y a si peu de gens qui sont savants, que nos connaissances sont superficielles…, et la suite comme L 123.
Max. 109.—Fin de la maxime: par l'habitude, au lieu de par l'accoutumance.
Max. 120.—La faiblesse fait commettre plus de trahisons que le véritable dessein de trahir. (Comme L 135 et B 146.)
Max. 124.—Début plus développé: Rien n'est si dangereux que l'usage des finesses, que tant de gens emploient si communément; les plus habiles.
Max. 125.—Comme la finesse est l'effet d'un petit esprit…, comme L 48 et B 148.
Max. 132.—On est sage pour les autres personnes…, comme B 150.
Max. 135.—Chaque homme n'est pas plus différent des autres qu'il l'est souvent de lui-même.
Max. 150.—Comme la Ire édition (L'approbation que l'on donne à l'esprit…, I 156), sauf l'omission des mots les perfectionne.
Max. 154.—La fortune nous corrige plus souvent que la raison.
Max. 160.—On se mécompte toujours quand les actions sont plus grandes que les desseins.
Max. 161.—Il faut une certaine proportion…, comme L 197.
Max. 162.—On admire tout ce qui éblouit…, comme L 185.
Max. 166.—Le monde, ne connaissant pas le véritable mérite, n'a garde de le vouloir récompenser; aussi n'élève-t-il pas à ses grandeurs et à ses dignités que des personnes qui ont de belles qualités, et il couronne généralement tout ce qui luit quoique tout ce qui luit ne soit pas de l'or.
Max. 168.—Début de la maxime: L'espérance, toute vaine et fourbe qu'elle est d'ordinaire…
Max. 169.—La honte, la paresse et la timidité., comme B 171.
Max. 170.—Début de la maxime: Il n'y a que Dieu qui sache si un procédé…
Max. 175.—Fin de la maxime: n'est que notre inconstance arrêtée et renfermée dans un même sujet.
Max. 176.—La durée de l'amour, et ce qu'on appelle ordinairement la constance, sont deux sortes de choses bien différentes…, et la suite comme L 226.
Max. 179.—On se plaint de ses amis pour justifier sa légèreté.
Max. 180.—Notre repentir ne vient point du regret de nos actions, mais du dommage qu'elles nous causent.
Max. 181.—Il y a deux sortes d'inconstance: l'une qui vient de la légèreté de l'esprit, qui à tout moment change d'opinion, ou plutôt de la pauvreté de l'esprit, qui reçoit toutes les opinions des autres; l'autre, qui est plus excusable, qui vient de la fin du goût des choses.
Max. 183.—Il faut demeurer d'accord, pour l'honneur de la vertu, que les plus grands malheurs des hommes sont ceux où ils tombent par leurs crimes.
Max. 184.—Nous avouons nos défauts…, comme L 82, sauf l'omission du mot leur.
Max. 186.—On hait souvent les vices…, comme L 118 et B 184.
Max. 188.—La santé de l'âme n'est pas plus assurée que celle du corps; et quelque éloignés que nous paraissions des passions que nous n'avons pas encore ressenties, il faut croire toutefois qu'on n'y est pas moins exposé que l'on est à tomber malade quand on se porte bien.
Max. 191.—On pourrait presque dire que les vices nous attendent, dans le cours ordinaire de la vie, comme des hôtelleries où il faut nécessairement loger; et je doute que l'expérience même nous en pût garantir, s'il était permis de faire deux fois le même chemin.
Max. 192.—Comme la Ire édition (Quand les vices nous quittent…, I 203).
Max. 193.—On n'est pas moins exposé aux rechutes…, comme le début de L 218 (jusqu'à changement de mal) sauf une variante: une relâche au lieu de un relâche.
Max. 194.—Les défauts de l'âme sont comme les blessures du corps…, comme L 271.
Max. 195.—Mots ajoutés à la fin: à la fois.
Max. 196.—Comme la Ire édition (Quand il n'y a que nous qui savons…, I 207).
Max. 199.—Le désir de paraître habile…, comme B 189.
Max. 201.—Début de la maxime: Celui qui croit pouvoir se passer de tout le monde…
Max. 202.—Comme la Ire édition (Les faux honnêtes gens sont ceux…, I 214, et aussi L 9 et B 190).
Max. 204.—Mots ajoutés à la fin: C'est comme un prix dont elles l'augmentent.
Max. 205.—La chasteté des femmes est l'amour de leur réputation et de leur repos. (Comme L 88 et B 193.)
Max. 206.—C'est être véritablement honnête homme…, comme L 242.
Max. 207.—Début de la maxime: L'enfance nous suit dans toute la vie…
Max. 208.—Il y a des gens niais…, comme L 120 et B 196.
Max. 209.—Celui qui vit sans folie n'est pas si raisonnable qu'il veut faire croire.
Max. 211.—Il y a des gens qui ressemblent aux vaudevilles…, comme B 201.
Max. 212.—Comme la Ire édition (La plupart de gens ne voient…, I 224).
Max. 214.—La valeur, dans les simples soldats, n'est qu'un métier périlleux pour gagner leur vie.
Max. 217.—Comme la Ire édition (L'intrépidité est une force extraordinaire…, I 230).
Max. 218.—L'hypocrisie est un hommage que le vice se croit forcé de rendre à la vertu.
Max. 219.—On est presque toujours assez brave pour sortir sans honte des périls de la guerre; mais peu de gens le sont assez pour s'exposer toujours autant qu'il est nécessaire pour faire réussir le dessein pour lequel ils s'exposent.
Max. 220.—La vanité, la honte, et surtout le tempérament, font la valeur des hommes et la chasteté des femmes, dont chacun mène tant de bruit.
Max. 221.—On ne veut point perdre la vie…, comme L 35, sauf une variante: que l'on remarque dans les parties, au lieu de: qu'on remarque dans la justice.
Max. 222.—Début de la maxime: Il n'y a point de gens qui…
Max. 224.—Plusieurs personnes s'acquittent du devoir de la reconnaissance…, et la suite comme L 170.
Max. 225.—Ce qui fait tout le mécompte…, comme L 181 et B 216.
Max. 226.—On est souvent reconnaissant par principe d'ingratitude. (Comme L 230 et B 217.)
Max. 227.—Fin de la maxime: quand la fortune les soutient
Max. 228.—Début plus développé: Ce qui fait encore le mécompte dans les bienfaits, c'est que l'orgueil…
Max. 230.—Rien n'est si contagieux que l'exemple…, comme B 218, sauf deux variantes: leurs pareils au pluriel—l'imitation des biens au lieu de l'imitation du bien.
Max. 231.—On est fou de vouloir être sage tout seul.
Max. 233.—Il y a une espèce d'hypocrisie dans les afflictions, car sous prétexte de pleurer la perte d'une personne qui nous est chère, nous pleurons la nôtre, c'est-à-dire la diminution… Puis un passage sans variantes indiquées. Les variantes reprennent après les mots immortelle douleur: car le temps, qui consume tout, l'ayant consumée, elles ne laissent pas d'opiniâtrer leurs pleurs, leurs plaintes et leurs soupirs; elles prennent un personnage lugubre, et travaillent à persuader, par toutes leurs actions, qu'elles égaleront la durée de leur déplaisir à leur propre vie Cette triste et fatigante vanité se trouve d'ordinaire dans les femmes ambitieuses, parce que, leur sexe leur fermant tous les chemins qui mènent à la gloire, elles se jettent dans celui-ci, et s'efforcent à se rendre célèbres par la montre d'une inconsolable douleur. Il y a, outre ce que nous avons dit, quelques espèces de larmes qui coulent de certaines petites sources, et qui, par conséquent, s'écoulent incontinent: on pleure pour avoir la réputation d'être tendre; on pleure pour être plaint, ou pour être pleuré, et on pleure quelquefois de honte de ne pleurer pas.
Max. 234.—Début de la maxime: C'est par orgueil qu'on s'oppose avec tant d'opiniâtreté…
Max. 235.—Nous ne sommes pas difficiles à consoler…, comme L 167 et B 221.
Max. 236.—Comme la Ire édition (Qui considérera superficiellement…, I 250), sauf une variante: en sorte qu'il semble que la bonté soit la niaiserie et l'innocence de l'amour-propre; cependant la bonté est plus prompt de tous les moyens (au lieu de: de sorte qu'il semble que l'amour-propre soit la dupe de la bonté; cependant c'est le plus utile de tous les moyens).
Max. 237.—Fin de la maxime: toute autre bonté n'est en effet qu'une privation du vice, ou plutôt la timidité du vice, et son endormissement.
Max. 238.—Il est plus dangereux de faire trop de bien aux hommes que de leur faire du mal.
Max. 239.—Comme la Ire édition (Rien ne flatte plus notre orgueil…, I 255).
Max. 240.—Début de la maxime: Je ne sais si on peut dire de l'agrément, sans la beauté, que c'est une symétrie…
Max. 241.—Début de la maxime: La coquetterie est le fond et l'humeur de toutes les femmes…
Max. 242.—On incommode d'ordinaire, quand on est persuadé de n'incommoder jamais.
Max. 243.—Début de la maxime: Il n'y a point de choses impossibles, et…—Le manuscrit donne d'autre part: I Rien n'est impossible de soi…, comme L 14 et B62.—2 On peut toujours ce qu'on veut…, comme L 249 et B 254.
Max. 244.—Mots ajoutés à la fin: et l'esprit de son temps.
Max. 246.—La générosité est un désir de briller…, comme B 234.
Max. 248.—La magnanimité méprise tout, pour qu'on lui donne tout.
Max. 250.—L'éloquence est de ne dire que ce qu'il faut.
Max. 251.—Fin de la maxime: qui sont dégoûtantes, malgré toutes les bonnes qualités.
Max. 252.—Le goût change, mais l'inclination ne change point.
Max. 253.—Comme la Ire édition (L'intérêt donne toutes sortes de vertus et de vices. I 276, et aussi B 238).
Max. 254.—Comme la Ire édition (L'humilité n'est souvent qu'une feinte soumission…, I 277), sauf une variante: c'est son plus grand déguisement et son premier stratagème; c'est comme il est sans doute que le Protée des fables n'a jamais été; il en est un véritable dans la nature, car il prend toutes les formes, comme il lui plaît; mais quoiqu'il soit merveilleux et agréable à voir sous toutes ses figures et dans toutes ses industries (au lieu de: c'est un déguisement et son premier stratagème; mais quoique ses changements soient presque infinis, et qu'il soit admirable sous toutes sortes de figures).
Max. 255.—Début de la maxime: Les peines et les sentiments ont chacun un ton de voix, une action et un air de visage qui leur sont propres; c'est ce qui fait les bons ou les mauvais comédiens.
Max. 256.—Dans toutes les professions et dans tous les arts…, comme L 172 et B 241.
Max. 257.—La gravité est un mystère de corps qu'on a trouvé pour cacher le défaut d'esprit.
Max. 259.—Le plaisir de l'amour est l'amour même, et il y a plus de félicité dans la passion que l'on a que dans celle que l'on donne.
Max. 261.—Deux versions distinctes: I Fin de la maxime: un second orgueil qu'on leur inspire.—2 La dévotion qu'on donne aux princes est un second amour-propre (comme B 92).
Max. 264.—Comme la Ire édition (La pitié est un sentiment…, I 287), sauf deux variantes: sont accueillis de quelque infortune (au lieu de en ont besoin)—des biens que nous nous faisons anticipés (au lieu de des biens anticipés que nous nous faisons à nous-mêmes).
Max. 265.—«Les deux membres de phrase dont se compose cette réflexion forment deux maximes séparées.»
Max. 266.—On s'est trompé quand on a cru…, comme B 247.
Max. 267.—Un variante indiquée: est souvent un effet de paresse, qui se joint à l'orgueil, au lieu de: est un effet de l'orgueil et de la paresse.
Max. 269.—Il n'y a guère d'homme assez pénétrant pour apercevoir tout le mal qu'il fait.
Max. 270.—L'honneur que l'on acquiert est caution de celui que l'on doit acquérir.
Max. 272.—Une variante indiquée: quelque louange au lieu de de grandes louanges.
Max. 273.—Il y a des hommes que l'on estime…, comme B II.
Max. 274.—Début de la maxime: La nouveauté est à l'amour ce que la fleur est sur le fruit: elle lui donne…
Max. 275.—La nature, qui se pique d'être si sensible, est d'ordinaire arrêtée par le plus petit intérêt.
Max. 276.—Début de la maxime: L'absence fait que les médiocres passions diminuent, et que les grandes croissent, comme le vent…
Max. 279.—Comme la Ire édition (Le plus souvent, quand nous exagérons…, I 307), sauf la fin: juger avantageusement de notre mérite, au lieu de: juger de notre mérite.
Max. 280.—Comme la Ire édition (L'approbation que l'on donne…, I 308), sauf la fin: bien établis, au lieu de: établis.
Max. 281.—L'orgueil, qui inspire souvent de l'envie contre les autres, sert parfois aussi à la calmer.
Max. 282.—Il y a des tromperies déguisées qui imitent si bien la vérité que ce serait mal juger que de ne s'y pas laisser prendre.
Max. 285.—Début de la maxime: La magnanimité s'entend assez d'elle-même…
Max. 286.—On n'aime pas une seconde fois, quand on a cessé d'aimer.
Max. 292.—L'humeur, comme la plupart des bâtiments, a des faces qui ne sont pas les mêmes.
Max. 294.—Fin de la maxime: mais nous n'aimons pas toujours de même ceux que nous admirons.
Max. 295.—Il s'en faut bien que nous ne sachions tout ce que nous voulons.
Max. 296.—Il est difficile d'aimer ce que nous n'estimons pas, et il l'est aussi d'aimer ce que nous estimons plus que nous.
Max. 297.—Comme la Ire édition (Nous ne nous apercevons que des emportements…, I 48), sauf deux variantes: de la violence, de la colère, etc. (au lieu de: de la violence de la colère)—dont nous croyons être les seuls auteurs (à la fin, au lieu de: sans que nous le puissions reconnaître).
Max. 298.—Les hommes sont reconnaissants des bienfaits, pour en recevoir de plus grands.
Max. 299.—Presque tout le monde s'acquitte des petites obligations, et aussi des médiocres; mais il n'y en a guère qui aient de la reconnaissance pour les grandes.
Max. 300.—Il y a des folies que l'on prend des autres, comme les rhumes et les maladies contagieuses.
Max. 301.—Il y a des gens qui méprisent le bien, mais peu savent le bien donner.
Max. 302.—Ce n'est que dans les petits intérêts où nous consentons de ne pas croire aux apparences.
Max. 306.—On ne fait point d'ingrats tout le temps qu'on peut faire du bien.
Max. 309.—Il y a des gens qui sont nés pour être fous, et qui ne font pas seulement des folies par eux-mêmes, mais que la fortune contraint d'en faire.
Max. 311.—S'il y a des gens dont on ne trouve point le ridicule, c'est qu'on ne cherche pas bien.
Max. 312.—Début de la maxime: Ce qui fait que les amants ont du plaisir d'être ensemble…
Max. 313.—Pourquoi faut-il que nous ayons toujours assez de mémoire pour retenir tout ce qui nous est arrivé, et que nous n'en ayons jamais assez pour savoir combien de fois nous l'avons conté à une même personne?
Max. 315.—Ce qui fait que nous nous cachons à nos amis, n'est pas la défiance que nous avons d'eux, mais celle que nous avons de nous.
Max. 316.—Les gens faibles ne sauraient avoir de sincérité.
Max. 318.—On a des moyens pour guérir des fous de leur folie, mais on n'en a point pour redresser des esprits de travers.
Max. 320.—Louer les rois des qualités qu'ils n'ont pas n'est que leur dire des injures.
Max. 329.—On croit haïr les flatteurs, mais on ne hait que les mauvais.
Max. 331.—Il est difficile de demeurer fidèle à ce qu'on aime quand on en est heureux.
Max. 337.—Il est souvent des bonnes qualités comme des sens: ceux qui ne les ont pas ne s'en peuvent douter.
Max. 338.—La haine met au-dessous de ceux que l'on hait.
Max. 341.—La jeunesse est souvent plus près de son salut que les vieilles gens.
Max. 347.—Nous ne sommes du même avis qu'avec les gens qui sont du nôtre.
Max. 351.—Un mot ajouté: quand on ne s'aime déjà plus, au lieu de quand on ne s'aime plus.
Max. 353.—Il n'y a pas de ridicule à être amoureux comme un fou, mais il y en a toujours à l'être comme un sot.
Max. 354.—Il y a de certains défauts qui, étant bien mis dans un certain jour, plaisent plus que la perfection de la beauté.
Max. 358.—L'humilité est la seule et véritable preuve des vertus chrétiennes, et c'est elle qui manque le plus dans les personnes qui se donnent à la dévotion; cependant, sans elle, nous conservons tous nos défauts, malgré les plus belles apparences, et ils sont seulement couverts par un orgueil qui demeure toujours, et qui les cache aux autres, et souvent à nous-mêmes.
Max. 359.—«Les deux propositions de la réflexion définitive formaient deux maximes séparées.»
Max. 363.—Une variante indiquée: nous sont quelquefois moins pénibles, au lieu de: nous font souvent moins de peine.
Max. 365.—On voit des qualités qui deviennent défauts lorsqu'elles ne sont que naturelles, et d'autres qui demeurent toujours imparfaites lorsqu'on les a acquises; il faut, par exemple, que la raison nous fasse devenir ménagers de notre bien et de notre confiance, et il faut, au contraire, que la nature nous ait donné la bonté et la valeur.
Max. 366.—Quoique nous ayons peu de créance dans la sincérité, nous croyons toujours qu'on est plus sincère avec nous qu'avec les autres.
Max. 367.—Il y a bien d'honnêtes femmes qui sont lasses de leur métier. (Comme le supplément de l'édition de 1693, n XXIII.)
Max. 374.—Si l'on croit aimer sa maîtresse pour l'amour d'elle, l'on est bien souvent trompé.
Max. 378.—On donne des conseils, mais on ne donne point la sagesse d'en profiter. (Comme le supplément de l'édition de 1693, n XLII.)
Max. 382.—Nos actions sont comme des bouts-rimés, que chacun tourne comme il lui plaît. (Comme le supplément de l'édition de 1693, n XLV.)
Max. 386.—Il n'y a personne qui ait plus souvent tort que celui qui ne veut jamais en avoir.
Max. 387.—Un sot n'a pas assez de force, ni pour être méchant, ni pour être bon.
Max. 391.—La fortune ne nous paraît aveugle que lorsque nous en sommes maltraités.
Max. 392.—Début de la maxime: Il faut se conduire avec la fortune comme avec la santé…
Max. 394.—Maxime liée à la maxime posthume 5: Chacun pense être plus fin que les autres; on peut l'être plus qu'un autre, mais non pas que tous les autres.
Max. 396.—Fin de la maxime: point un second, au lieu de point de second.
Max. 398.—Fin de la maxime (après de la paresse): nous nous flattons qu'elle comprend toutes les vertus paisibles, et qu'elle ne nuit point aux autres.
Max. 402.—Ce qui se rencontre le moins dans les femmes qui ont pris l'habitude de l'amour, c'est le goût de l'amour.
Max. 406.—Les coquettes feignent d'être jalouses de leurs amants, tandis qu'elles ne sont qu'envieuses des autres femmes qu'elles craignent.
Max. 412.—De quelque honte que l'on soit couvert, on peut toujours rétablir sa réputation.
Max. 414.—Le sot ne voit jamais que par l'humeur, parce qu'il ne peut voir par l'esprit.
Max. 419.—Nous pouvons quelquefois paraître grands dans des emplois au-dessous de nous, mais nous sommes toujours petits dans ceux qui sont plus grands que nous ne sommes.
Max. 420.—Nous croyons quelquefois supporter les malheurs avec constance, quand ce n'est que par abattement, et que nous les souffrons sans oser nous retourner, comme les poltrons qui se laissent tuer de peur de se défendre.
Max. 422.—L'amour nous fait faire des fautes, comme les autres passions, mais il nous en fait faire de plus ridicules.
Max. 425.—Une variante indiquée: de prophétie au lieu de de deviner.
Max. 431.—Ce qui nous empêche d'être naturels, c'est l'envie de le paraître.
Max. 436.—Une variante indiquée: tous les hommes au lieu de l'homme en général.
Max. 444.—Il y a plus de vieux fous que de jeunes.
Max. 446.—Ce qui fait que la honte et la jalousie sont les plus grands de tous les maux, c'est que la vanité ne nous aide pas à les supporter.
Max. 447.—La bienséance est la moindre de toutes les lois, et c'est elle que l'on suit le plus.
Max. 454.—Début de la maxime: Il n'y a pas d'occasion…
Max. 459.—S'il y a des remèdes pour guérir de l'amour, il n'y en a point d'infaillibles.
Max. 462.—L'orgueil, qui fait que nous blâmons les défauts que nous croyons ne point avoir, fait aussi que nous méprisons les bonnes qualités que nous n'avons pas.
Max. 475.—Le désir qu'on nous plaigne ou qu'on nous admire fait toute notre confiance.
Max. 477.—Fin de la maxime: n'en ont jamais de longues, au lieu de: n'en sont presque jamais véritablement remplies.
Max. 485.—Quand on a eu de grandes passions, on se trouve heureux et malheureux d'en être guéri.
Max. 488.—Ce qui fait le calme ou l'agitation de notre humeur n'est pas tant ce qui nous arrive de plus considérable dans notre vie, que ce qui nous arrive de petites choses tous les jours.
Max. 490.—On va de l'amour à l'ambition, mais on ne va pas de l'ambition à l'amour.
Max. 496.—Les querelles ne seraient pas longues si on n'avait tort que d'un côté.
Max. 497.—Il est presque également inutile d'avoir de la jeunesse sans beauté, ou de la beauté sans jeunesse.
Max. 498.—Il y a des personnes si légères qu'elles n'ont pas plus des défauts que des qualités.
Max. 499.—On ne compte la première galanterie des femmes qu'à leur seconde.
Max. 501.—L'amour ne nous plaît pas tant par lui-même que par la manière dont il se montre à nous.
Max. 503.—La jalousie, qui est peut-être le plus grand de tous les maux, est aussi celui dont on a le moins de pitié, lorsqu'on le cause.
2 Variantes se rapportant à des maximes supprimées MS 1 (G.E.F. 563).—L'amour-propre est l'amour de soi-même…, comme B. 16.
MS 2 (G.E.F. 564).—Toutes les passions ne sont que les divers degrés de la chaleur et de la froideur du sang. (Comme B 41.)
MS 3 (G.E.F. 565).—La modération dans la bonne fortune…, comme L 71 et B 3.
MS 5 (G.E.F. 567).—Tout le monde est plein de pelles qui se moquent du fourgon (Comme B 21.)
MS 6 (G.E.F. 568).—Enfin l'orgueil, comme lassé de ses artifices…, comme B 17.
MS 7 (G.E.F. 569).—Cf. supra, variante de la maxime 41.
MS 8 (G.E.F. 570).—Début de la maxime: On est heureux de connaître…
MS 9 (G.E.F. 572).—On n'est jamais si malheureux qu'on craint, ni si heureux qu'on espère. (Comme L 141 et B 86.)
MS 10 (G.E.F. 573).—On se console souvent d'être malheureux en effet par un certain plaisir qu'on trouve à le paraître. (Comme L 184 et B 50.)
MS 11 (G.E.F. 574).—Comme peut-on répondre si hardiment…, comme B 52.
MS 15 (G.E.F. 579).—La justice dans les bons juges…, comme B 55.
MS 16 (G.E.F. 580).—On blâme l'injustice…, comme B 23.
MS 17 (G.E.F. 582).—Début de la maxime: La joie que nous avons du bonheur…
MS 19 (G.E.F. 585).—Fin de la maxime, après à l'augmenter: et c'est pour manquer de lumières que nous ignorons toutes nos misères et nos défauts.
MS 22 (G.E.F. 591).—Les plus sages le sont dans toutes les choses indifférentes…, comme B 40.
MS 26 (G.E.F. 595).—On n'oublie jamais mieux les choses que quand on s'est lassé de les conter.
MS 30 (G.E.F. 601).—On ne fait point de distinction dans la colère…, comme L 25 et B 25.
MS 31 (G.E.F. 602).—Les grandes âmes ne sont pas celles…, comme B 43.
MS 32 (G.E.F. 604).—Peu de gens sont cruels de cruauté…, comme B 27.
MS 33 (G.E.F. 605).—Dieu seul fait les gens de bien…, comme L 45.
MS 34 (G.E.F. 606).—La vertu est un fantôme produit par nos passions, du nom duquel on se sert afin de faire impunément ce qu'on veut.
MS 37 (G.E.F. 611).—Ceux qui sont incapables de commettre des crimes n'en soupçonnent pas aisément les autres.
MS 40 (G.E.F. 614).—Cette maxime formait la fin de la maxime 217 (de même que dans tous les autres manuscrits et dans l'édition de Hollande).
MS 43 (G.E.F. 618).—L'imitation est toujours malheureuse…, comme B 73.
MS 46 (G.E.F. 622).—La confiance de plaire est souvent le moyen de déplaire infailliblement.
MS 49 (G.E.F. 626).—Deux versions différentes: I La vérité est le fondement et la justification de la beauté (comme L 158 et B 8). 2 La vérité est le fondement et la raison…, comme B 207.
MS 52 (G.E.F. 629).—La politesse des États est le commencement de la décadence…, comme B 208.
MS 53—Rien ne prouve tant que les philosophes ne sont pas si bien persuadés…, comme L 208 et B 127.
MS 54 (G.E.F. 630).—De toutes les passions, celle qui est la plus inconnue…, comme L 253, sauf les variantes suivantes: les plus grands vaisseaux (au lieu de les plus grands navires)—et que les plus grandes tempêtes (au lieu de et les plus grandes tempêtes)—pour donner enfin (au lieu de et enfin, pour donner) —et qui la fait renoncer (au lieu de et la fait renoncer).
MS 56 (G.E.F. 635).—Début de la maxime: Les femmes se rendent…—Manquent, à la fin, les mots quoiqu'ils ne soient pas plus aimables.
MS 58 (G.E.F. 637).—Une variante indiquée: qu'ils sont aimés au lieu de qu'on les aime.
MS 62 (G.E.F. 577).—Comme on n'est jamais libre d'aimer…, comme B 54.
MS 67 (G.E.F. 603).—Les rois font des hommes…, comme L 186 et
B 26.
MS 68 (G.E.F. 608).—Les crimes deviennent innocents et même glorieux…, comme B 71.
3 Variantes se rapportant a des maximes posthumes
MP I (G.E.F. 522).—Comme la plus heureuse personne du monde…, comme B 100.
MP 3 (G.E.F. 520).—Les philosophes ne condamnent les richesses…, comme B 99 bis.
MP 5—Cf. supra, variante de la maxime 394.
MP 9 (G.E.F. 505).—Dieu a mis des talents différents…, comme B 7, sauf une variante: qui lui sont particuliers au lieu de qui leur sont particuliers.
MP 10 (G.E.F. 523).—Une preuve convaincante que l'homme n'a pas été créé…, comme B 102.
MP 11 (G.E.F. 516).—Fin de la maxime: à nous-mêmes (au lieu de nous-mêmes).
MP 14 (G.E.F. 519).—La fin du bien est un mal, et la fin du mal est un bien (Comme B 93.)
MP 17 (G.E.F. 508).—Manque le mot d'ordinaire.
MP 18 (G.E.F. 514).—Le remède de la jalousie est la certitude…, comme B 65.
MP 21 (G.E.F. 527).—L'homme est si misérable que, tournant toute sa conduite…, comme B 257, sauf une variante: non seulement en elles, mais dans leurs remèdes (au lieu du lapsus non seulement dans leurs remèdes).
MP 25 (G.E.F. 513).—Ce qui nous fait croire si aisément que les autres ont des défauts, c'est la facilité que l'on a de croire ce que l'on souhaite.
MP 26 (G.E.F. 510).—Une variante: ce soudain assoupissement au lieu de le soudain assoupissement.
Lettres relatives aux maximes
I. Lettres concernant la rédaction des maximes (1ère Édition)
1. Lettre de La Rochefoucauld à Mme de Sablé. 1659.
Je vous envoie vos sentences d'aujourd'hui, et j'ai écrit à M. Esprit pour venir demain voir l'ouvrage tout entier. Je vous supplie très humblement de ne rien dire à personne de l'espérance que je vous ai dit que j'avais que Mlle de Liancourt vous ferait gagner votre gageure, car on pourrait lui écrire des choses qui fortifieraient les sentiments contraires à ceux que je lui souhaite.
2. Lettre de La Rochefoucauld à Jacques Esprit. 24 octobre 1659 (?).
Je vous envoie l'opéra dont je vous ai parlé, je vous supplie que Mme la marquise de Sablé le voie, car j'espère au moins qu'elle approuvera mon sentiment, et qu'elle sera de mon côté. Vous m'avez fait un très grand plaisir d'avoir rectifié les sentences. Je prétends que vous en userez de même de l'opéra et de quelque autre chose que vous verrez, que l'on pourrait ajouter, ce me semble, à l'Éducation des Enfants que Mme la marquise de Sablé m'a envoyée. Voilà écrire en vrai auteur, que de commencer par parler de ses ouvrages. Je vous dirai pourtant, comme si je ne l'étais pas, que je suis très véritablement fâché du retranchement de vos rentes, et que si vous croyez que pour en écrire à Gourville comme pour moi-même, cela vous fût bon à quelque chose, je le ferai assurément comme il faut. Ma femme a toujours la fièvre double quarte; il y a pourtant deux ou trois jours qu'elle n'en a point eu. Je lui ai dit le soin que vous avez d'elle, dont elle vous rend mille grâces. Je pourrai bien vous voir cet hiver à Paris. Je vous donne le bonsoir.
Le 24 octobre, à Verteuil.
Au reste, je vous confesse à ma honte que je n'entends pas ce que veut dire: «La vérité est le fondement et la raison de la beauté.» Vous me ferez un extrême plaisir de me l'expliquer, quand vos rentes vous le permettront; car enfin, quelque mérite qu'aient les sentences, je crois qu'elles perdent bien de leur lustre dans un retranchement de l'Hôtel de Ville, et il y a longtemps que j'ai éprouvé que la philosophie ne fait des merveilles que contre les maux passés ou contre ceux qui ne sont pas prêts d'arriver, mais qu'elle n'a pas grande vertu contre les maux présents. Je vous déclare donc que j'attendrai votre réponse tant que vous voudrez; mais je vous la demande aussi sur l'état de vos affaires. La honte me prend de vous envoyer des ouvrages. Tout de bon, si vous les trouvez ridicules, renvoyez-les-moi sans les montrer à Mme de Sablé.
3. Lettre de La Rochefoucauld à Mme de Sablé. 5 décembre 1659 ou 1660.
Ce que vous me faites l'honneur de me mander me confirme dans l'opinion que j'ai toujours eue, que l'on ne saurait jamais mieux faire que de suivre vos sentiments, et que rien n'est si avantageux que d'être de votre parti. Le Père Esprit me mande néanmoins que M. son frère n'en est pas, et qu'il nous veut détromper. Je souhaite bien plus qu'il en vienne à bout que je ne crois qu'il le puisse faire. Je vous rends mille très humbles grâces de ce que vous avez eu la bonté de dire à M. le commandeur Souvré. J'espère suivre bientôt son conseil, et avoir l'honneur de vous voir à Noël. J'avais toujours bien cru que madame la comtesse de Maure condamnerait l'intention des sentences et qu'elle se déclarerait pour la vérité des vertus. C'est à vous, Madame, à me justifier, s'il vous plaît, puisque j'en crois tout ce que vous en croyez. Je trouve la sentence de M. Esprit, la plus belle du monde. Je ne l'aurais pas entendue sans secours, mais à cette heure elle me paraît admirable. Je ne sais si vous avez remarqué que l'envie de faire des sentences se gagne comme le rhume: il y a ici des disciples de M. de Balzac qui en ont eu le vent, et qui ne veulent plus faire autre chose.
À Verteuil, le 5 de décembre.
4. Lettre de La Rochefoucauld à Jacques Esprit. 1662.
La faiblesse fait commettre plus de trahisons que le véritable dessein de trahir.
«Un habile homme doit savoir régler le rang de ses intérêts et les conduire chacun dans son ordre; notre avidité le trouble souvent en nous faisant courir à tant de choses à la fois. De là vient que, pour désirer trop les moins importantes, nous ne les faisons pas assez servir à obtenir les plus considérables;»
«On est presque toujours assez brave pour sortir sans honte des périls de la guerre, mais peu de gens le sont assez pour s'exposer toujours autant qu'il est nécessaire pour faire réussir le dessein pour lequel on s'expose.»
«Le caprice de l'humeur est encore plus bizarre que celui de la fortune.»
Vous n'aurez que cela pour cette heure. Mandez ce qu'il en faut changer. Je ne sais plus aucune de vos nouvelles, ni domestiques, ni chrétiennes, ni politiques. Je crois que j'irai cet hiver à Paris, et que nous recommencerons de belles moralités au coin du feu. Cependant apprenez-moi l'état où vous êtes, et qui vous fréquentez. J'ai tout de bon ici des occupations plus agréables que vous n'aviez cru, et ma belle-fille est la plus aimable petite créature qui se puisse voir. Je vous prie de montrer à Mme de Sablé nos dernières sentences: cela lui redonnera peut-être envie d'en faire, et songez-y aussi de votre côté, quand ce ne serait que pour grossir notre volume. Il n'y a personne ici qui ne se plaigne de vous, et qui ne s'attendît à quelque marque de votre souvenir. Pour moi, qui connais son étendue, je n'ai pas cru qu'il vous obligeât à de grands soins. Je vous conjure de m'envoyer la condamnation de Brutus; je vous déclare que jusqu'ici je suis pour lui contre vous.
5. Lettre de La Rochefoucauld à Mme de Sablé. 17 août 1662.
Je suis bien fâché d'avoir appris par M. Esprit que vous continuez de faire les choses du monde les plus obligeantes pour moi; car je voulais être en colère contre vous de ne me faire jamais réponse, et de dire tous les jours mille maux de moi à La Plante. J'ai quelquefois envie de croire que c'est par malice que vous me faites tant de bien, et pour m'ôter le plaisir d'avoir sujet de me plaindre de vous. Au reste, M. Esprit me mande qu'il est ravi de quelque chose que vous avez écrit; je vous demande en conscience s'il est juste que vous écriviez de ces choses-là sans me les montrer; vous savez avec combien de bonne foi j'en ai usé avec vous, et que les sentences ne sont sentences qu'après que vous les avez approuvées. Il me parle aussi d'un laquais qui a dansé les tricotets sur l'échafaud où il allait être roué: il me semble que voilà jusqu'où la philosophie d'un laquais méritait d'aller; je crois que toute gaieté en cet état-là vous est bien suspecte. Je pensais avoir bientôt l'honneur de vous voir; mais mon voyage est un peu retardé. Je vous baise très humblement les mains.