Robert Burns. Vol. 2, Les Oeuvres
Il est mort! il est mort! il nous a été arraché!
Le meilleur des hommes qui fut jamais!
Ô Matthew, la nature elle-même te pleurera,
Par bois et par landes,
Où peut-être erre la Pitié solitaire,
Exilée de parmi les hommes!
Vous collines! proches voisines des étoiles,
Qui dressez fièrement sur vos crêtes les cairns[865],
Vous falaises, asiles des aigles qui planent,
Où l'Écho sommeille,
Venez vous joindre, ô les plus rudes enfants de la Nature,
À mes chants qui gémissent!
Pleurez, vous, bosquets que connaît le ramier,
Bois pleins de noisetiers, et vallons pleins d'épines!
Vous ruisselets tortueux qui descendez vos glens,
En trébuchant bruyamment,
Ou en écumant fort, en bondissant vite,
De cascade en cascade.
Pleurez, petites campanules dans les prés,
Vous fastueuses digitales belles à voir,
Vous chèvrefeuilles qui pendez joliment
En bosquets embaumés,
Vous roses sur vos épineuses tiges,
Les premières d'entre les fleurs.
À l'aurore, quand chaque brin d'herbe
Plie avec un diamant à son faîte,
Le soir, quand les fèves répandent leur senteur
Dans la brise bruissante,
Vous lièvres qui courez dans la clairière,
Venez, joignez-vous à mes plaintes.
Pleurez, vous chanteurs des bois,
Vous grouse qui vous nourrissez des bourgeons de bruyère,
Vous courlis qui faites vos appels dans les nuages,
Vous pluviers siffleurs;
Et pleurez aussi, couvées bruyantes de perdrix,
Il est parti pour jamais.
Pleurez, foulques brunes, et sarcelles tachetées,
Vous hérons pêcheurs qui guettez les anguilles,
Vous canards et malarts qui, dans vos cercles aériens,
Enveloppez le lac;
Et vous butors, jusqu'à ce que les fondrières résonnent,
Criez à cause de lui.
Pleurez, râles de genêts qui piaillez à la chute du jour,
Parmi les champs brillant de trèfle en fleur,
Quand vous vous envolerez pour votre voyage annuel,
Loin de nos froids rivages,
Dites à ces terres lointaines qui gît dans l'argile
Qui nous pleurons.
Vous, hiboux, de votre chambre de lierre,
Dans quelque vieil arbre ou quelque tour hantée,
À l'heure où la lune, avec un regard silencieux,
Montre sa corne,
Pleurez à l'heure morne de minuit,
Jusqu'à l'éveil du matin.
Ô rivières, forêts, collines et plaines!
Vous avez souvent entendu mes chants joyeux;
Mais maintenant que me reste-t-il
Sinon des histoires de tristesse?
Et de mes yeux ces gouttes qui tombent
Couleront toujours.
Pleure, Printemps, mignon de l'année!
Chaque corolle de primevère contiendra une larme;
Toi, Été, tandis que les épis des blés
Dressent leur tête,
Déchire tes tresses brillantes, vertes, fleuries,
Pour celui qui est mort.
Toi, Automne, en chevelure dorée,
Déchire de douleur ton manteau jaunâtre!
Toi, Hiver, qui lances à travers les airs
La rafale hurlante,
Annonce à travers le monde dénudé
Le mérite que nous avons perdu.
Pleure-le, toi Soleil, grande source de lumière,
Pleure, impératrice de la nuit silencieuse!
Et vous, brillantes, scintillantes petites étoiles,
Pleurez mon Matthew!
Car à travers vos orbes il a pris son vol,
Pour ne revenir jamais.
Ô Henderson! ô homme, ô frère!
Es-tu parti et parti pour toujours?
Et as-tu traversé cette rivière inconnue,
Limite sombre de la vie?
Le pareil à toi, où le trouverons-nous,
À travers le monde entier?
Allez à vos tombes sculptées, ô grands,
Dans tout le vain clinquant de votre pompe!
Près de ton honnête gazon je resterai,
Ô honnête homme!
Et je pleurerai le destin du meilleur garçon
Qui jamais fut couché en terre.
Il convient de dire que ce morceau n'est pas dans la véritable veine de Burns. Il est de la seconde période de sa vie, il sent l'exercice littéraire. Il est probable qu'il en avait emprunté le modèle à quelque imitation des élégies classiques. C'est la charpente des élégies de Bion et de Moschus, qui s'est propagée dans la littérature à travers mille copies. Si l'on y regarde de près, on verra que c'est au fond presque la même construction que celle de l'Adonaïs de Shelley. Tel qu'il est, c'est un parfait spécimen de l'envahissement de la nature par les sentiments humains. C'est une tendance absolument opposée à l'école moderne de Poésie; et si l'on veut comprendre combien celle-ci a essayé de réagir contre elle, on n'a qu'à relire les vers de Coleridge.
Écoutez! le Rossignol commence sa chanson
Oiseau «très musical, très mélancolique!»
Un oiseau mélancolique! Oh! frivole pensée!
Dans la nature il n'y a rien de mélancolique.
Mais une nuit, un homme a erré, dont le cœur était percé,
Du souvenir de quelque douloureuse injustice,
D'une lente maladie ou d'un amour dédaigné,
Et le malheureux! il a rempli toutes choses de lui-même,
Et fait dire par tous les bruits charmants l'histoire
De sa propre peine. C'est lui, ou un semblable à lui,
Qui a le premier appelé ces notes un chant mélancolique.
Puis plus d'un poète a répété cette imagination...
...Nous avons appris
Une science différente: nous n'avons pas le droit de profaner ainsi
Les douces voix de la nature, toujours pleines d'amour et de joie![866]
C'est une véritable protestation contre cette soumission de la Nature à nos passions, et une revendication de son indépendance vis-à-vis de nous. Ici encore, on voit combien Burns était, sur ce point, en dehors du courant de la poésie moderne.
Mais il y a une méthode toute moderne et toute différente de peindre la Nature avec des épithètes morales. Pour Wordsworth, pour Shelley, ses vrais poètes, et pour les autres poètes dans leurs vrais moments, un caractère appartient bien aux choses. Elles le possèdent, même lorsqu'aucun esprit humain n'est là pour le leur communiquer. La Nature n'est pas à notre disposition. Une expression permanente réside en elle. Elle a des heures et des humeurs différentes. L'Automne, où tout meurt, a une mélancolie réelle; le Printemps, une réelle gaîté. Lorsque Shelley rend en des vers navrants la désolation d'un jardin jonché de dépouilles de fleurs et saisi tout entier par la décomposition automnale[867]; lorsque Wordsworth, à la première douce journée de mars, voyant tout renaître, s'écrie:
Il y a une bénédiction dans l'air,
Qui semble communiquer un sentiment de joie
Aux arbres, aux montagnes nues,
Et à l'herbe, dans les champs verts[868].
ils ne font que rendre strictement un fait extérieur. Ils ne prêtent pas à la Nature leurs propres sentiments; ils la trouvent dans des heures d'abattement ou de renaissance. Elle a une expression qu'ils ne lui apportent pas et qu'ils constatent. Il en est de même pour les sites. Le sourire appartient bien à certains lieux, l'horreur à d'autres, et à d'autres la sérénité. Un paysage où toutes les plantes périssent et pourrissent, où les arbres souffrent, où toute vie est chétive, exténuée et malingre, est triste en soi, sans qu'il soit besoin qu'un homme vienne y gémir. Un autre où tout est robuste et exubérant de sève, est un centre d'existences heureuses; il est gai comme une maison où tous se portent bien. D'autres, où les vents se rencontrent, sont des lieux de combat, dans lesquels les arbres ont quelque chose de ramassé, de convulsif, de nerveux, et des efforts de lutteurs. Ainsi les endroits ont des visages différents, selon la façon même dont ils accueillent d'autres existences que la nôtre; certains terrains sont moroses; d'autres, pleins de cordialité. Cela est encore plus clair pour les arbres et les plantes. Nous ne parlons pas des expressions, générales et composées des types. C'est un sujet encore peu exploré. Mais chacun de ces êtres a une contenance particulière, une façon d'être, une attitude, où se révèlent, sinon des consciences différentes, du moins des habitudes vitales diversement contractées. Ils ont aussi des sensations. «C'est ma croyance, disait Wordsworth, par un jour de printemps, que les fleurs jouissent de l'air qu'elles respirent[869]». Et cette croyance du poète ne sera pas contredite par les botanistes, de plus en plus portés à animer les végétaux[870]. Les minéraux eux-mêmes recèlent peut-être un obscur effort vers l'existence et, par suite, ils parcourent des moments différents et ont des expressions différentes, selon que ces moments sont plus ou moins éloignés de leur idéal d'existence[871]. Ainsi, la Nature est pleine d'expressions individuelles ou collectives. Et celles-ci se modifient avec les saisons, les heures et les températures. Une nuit de gel cause bien d'autres angoisses que parmi les hommes attardés. Il y a des coups de vent qui, balayant un paysage et affligeant les arbres, les fleurs, les oiseaux, le transforment en une véritable scène de souffrance, et y éveillent un chœur douloureux, où chacun, à sa façon, les uns en poussant des cris, les autres en contractant leurs feuilles, se plaint de sa souffrance. Il y a partout dans la Nature un élément moral et dramatique, indépendant de nous.
Nous trouvons donc quelque chose en face de nous. Il peut y avoir de véritables rapports, un véritable commerce entre l'homme et la Nature. Il y a une réalité qui les soutient et en fait autre chose qu'un vain mirage de nous-mêmes. L'expression des choses n'est pas le simple reflet des émotions que nous apportons devant elles. Il y a là une vaste sensibilité à connaître, à étudier, à pénétrer. La Nature ne fait pas que répéter ce que nous disons; elle a quelque chose à nous enseigner; elle sait nous contredire et, si nous allons à elle découragés et las, elle nous répond quelquefois qu'il faut être patient et de bon espoir. C'est par ce caractère indépendant de nous qu'elle a prise sur nous, qu'elle agit sur nous. De là découlent ses vertus salutaires et guérissantes.
Il est hors de doute que cet élément moral donne aux représentations de la Nature un sens, une portée que la description purement pittoresque ne saurait fournir. Il suffit, pour comprendre toute la différence, de comparer deux paysages, l'un décrit avec des épithètes matérielles, l'autre, avec des épithètes morales, et de comparer, par exemple, une page de Théophile Gautier à une page de Michelet. Quand elle s'appuie sur un fond solide et exact de traits matériels, cette touche intellectuelle donne aux scènes de la Nature une profondeur, un charme, et une éloquence qui font paraître insignifiantes et inertes les représentations auxquelles manque cette lueur intime.
Pour discerner le caractère habituel et les émotions accidentelles des choses, il faut une pénétration singulière: une longue étude morale de la Nature, et un don pareil à celui qu'ont les peintres de discerner l'expression d'un visage. Ce don, Wordsworth et Shelley l'ont possédé à un haut degré. Wordsworth surtout a étudié avec une admirable délicatesse, sensible
Aux humeurs
De l'heure et de la saison, au pouvoir moral,
Aux affections et à l'esprit des endroits[872].
Personne n'a su comme lui dégager le génie des lieux. Depuis, les poètes s'y sont appliqués, et le monde a été presque aussi minutieusement interprété que décrit. Il en est résulté, dans la poésie moderne, les éléments d'une sorte de psychologie de la Nature. Elle est probablement destinée à rester vague comme les existences dont elle s'occupe. Pour les animaux toutefois elle est plus facile, et pour quelques-uns, comme dans l'alouette de Shelley[873] et le rossignol de Keats[874], elle semble presque achevée. Il est à peine utile d'ajouter que cette tendance, comme tant d'autres, existait vaguement, et que les poètes, entre autres ceux de la Renaissance, avaient déjà saisi bien des traits moraux de la Nature. Mais, sauf Milton dont la familiarité avec elle est exquise, ils le faisaient tous avec moins de soin et d'exactitude. Cowper avait bien le sentiment de cette influence morale, mais il ne l'a jamais appliqué. Ses descriptions ne sont individuelles que pour la partie pittoresque; il ne sait pas la signification particulière des sites. C'est la gloire de la poésie moderne d'avoir étendu, approfondi, précisé dans tous les sens cette interprétation, et d'avoir animé le monde de joies, de tristesses, de luttes, d'efforts, d'amours, de rêves, d'innombrables ressemblances ou tout au moins d'innombrables analogies avec l'âme humaine.
À la vérité, il y a bien encore quelque chose d'humain dans cette humanisation de la Nature. Nous n'y pouvons échapper, et c'est une des formes de notre limitation. Nous sommes bien obligés de juger des modes inconnus d'existence par le seul que nous connaissons, et de tout comprendre à travers des désignations humaines. Nous faisons ici acte d'anthropomorphisme, non plus en prêtant notre vie à la Nature, mais en essayant de traduire pour notre esprit sa façon d'exister. C'est l'anthropomorphisme inévitable, la catégorie par laquelle il faut que passent toutes nos notions. Nous n'y pouvons échapper. Et, en tout cas, si nous sommes impuissants à exprimer par notre langage des conditions d'être différentes des nôtres, nous sommes autorisés à l'employer pour traduire les relations des choses avec nous. Quelle différence avec le système précédent![875]
Ici donc, quelque chose existe en dehors de nous et d'une façon permanente agit sur nous. L'école historique des milieux, dont les solutions sont encore si enfantines par leur simplicité et leur naïve assurance, ne repose-t-elle pas presque entièrement sur cette idée d'une expression et d'une influence morale des lieux? Mais elle semble ignorer tout le travail de la poésie moderne. Elle ne pourra obtenir de résultats que lorsque l'analyse, infiniment complexe, longue et délicate des caractères des sites, et en même temps l'étude aussi difficile de leur mystérieuse domination, auront été poussées assez loin pour permettre de discerner l'autorité ou la séduction d'un site particulier, et la façon dont il a parlé à tel esprit. Il y a là un travail immense que la poésie a commencé à peine, et dont la science ne semble pas se douter. Lorsqu'il sera achevé, alors seulement la théorie des milieux qui, par suite de la variété des sites et des esprits, ne peut être qu'une série d'applications très complexes et tout à fait individuelles, et qui se complaît jusqu'à présent dans des solutions générales, des simplifications, qui sont sa négation même, donnera des résultats. La seule tentative qui ait été faite dans cette direction est le Prélude de Wordsworth, cette merveilleuse autobiographie, cette histoire de la formation d'un esprit poétique, où sont notés les influences morales, et par suite les aspects moraux des lieux, où pour la première fois on a attentivement écouté et compris ce verbe de la Nature.
Dans cette dernière catégorie si moderne du sentiment de la Nature, Burns n'a pour ainsi dire pas pénétré. Il n'a jamais songé à discerner l'expression morale d'un site. Quand il humanise la Nature, c'est presque toujours, plutôt par une comparaison trop humaine, une simple métaphore, une rencontre de mots, que à dessein et après une étude de la physionomie particulière des endroits. Encore ces essais sont-ils chez lui très rares et indécis. Il faut fouiller toute son œuvre pour découvrir quelques expressions comme celles-ci: «Le joyeux matin lève son œil rosé, et les larmes du soir sont des larmes de joie»[876], «quand le doux soir pleure au-dessus des prés»[877], «le matin rose lève son œil, comptant tous les bourgeons que la nature arrose de larmes de joie»[878]. Le plus souvent, ce ne sont que des comparaisons sans aucune intention. «Quand le jour, expirant dans l'ouest, tire le rideau du repos de la nature»[879] «Je cueillerai l'aubépine avec sa chevelure d'un gris argenté, là où, comme un homme âgé, elle se tient à la pointe du jour»[880]. Ce qu'il y a de plus avancé dans cette direction se trouve dans une strophe écrite pendant le voyage des Hautes-Terres.
Sauvagement, ici, sans contrôle,
La nature règne seule et gouverne tout,
Dans cette humeur calme et pensive,
La plus chère aux âmes qui ressentent;
Elle plante la forêt, répand les eaux.
Pendant la petite journée de la vie, je rêverai,
Et, à la nuit, je trouverai pour abri une caverne,
Où les eaux coulent et les bois sauvages rugissent,
Près du beau château de Gordon[881].
Il faut, pour trouver ces quelques indications si douteuses, passer au crible tout ce qu'il a écrit. C'est insignifiant. Cela ne dépasse pas les idées qu'on atteint parfois involontairement par la seule force des mots et des images.
C'est qu'il est toujours sur le terrain des sentiments et qu'il ne sort jamais de sa passion pour s'occuper de la Nature en dehors de lui-même. Il est en cela fidèle à la tradition humaine, mais il est hors de l'étude attentive et psychologique des choses, et il n'est pas dans les préoccupations de la poésie moderne.
Enfin, au-delà et au sommet des degrés que nous avons parcourus, se trouve une conception générale de la Nature considérée comme un tout, et de nos rapports avec elle, une métaphysique de la Nature, avec son influence sur notre destinée. On peut dire que cette conception a envahi la poésie moderne. Dans la littérature anglaise, comme dans les autres, elle remplace presque entièrement l'élément religieux. Celui-ci ne se trouve plus à l'état pur que dans des poètes secondaires, comme Montgomery, Pollock ou Keble; ou, s'il se rencontre chez des poètes principaux comme Cowper, il n'y occupe qu'une place secondaire et ce n'est pas par lui qu'ils sont grands. Si Cowper ne possédait pas l'élément humain il ne serait pas beaucoup au-dessus de Young. Le sens religieux qui persiste dans Wordsworth s'est ranimé et rajeuni en se combinant avec une conception de l'univers; et pour certains poètes comme Shelley, cette conception a été toute une religion. Pour tous, bien qu'à des degrés divers, la vie humaine n'apparaît qu'à travers un système du monde, et pour quelques-uns elle y disparaît. Ce qui reste de mysticisme, de vénération et d'attente confiante, dans la poésie moderne, n'existe que mélangé à une philosophie de la Nature. C'est là seulement que les poètes de notre temps puisent leurs plus hautes inspirations; là seulement qu'ils ont trouvé les paroles d'enseignement supérieur et sacré qui semble indispensable à toute grande poésie. C'est là que les espérances de In Memoriam ou des Contemplations se suspendent. Pour quelques-uns, il y a la Nature sans religion; pour personne, il n'y a plus de Religion sans l'aide de la Nature.
Ces divers systèmes ont trouvé leur expression dans la poésie moderne. La plus répandue peut-être et, dans notre poésie occidentale, la plus ancienne, est la conception théologique. Elle consiste à considérer le jeu en quelque sorte mathématique des lois naturelles, à admirer la succession des saisons et le cours régulier des astres. Les mondes lointains, dont les orbites d'or pareils à des ressorts célestes se meuvent avec une immortelle précision, y tiennent une place importante. L'Univers apparaît comme un mécanisme qui décèle un ouvrier d'une puissance et d'une sagesse infinies. L'idée du Créateur et principalement du Régulateur efface celle de la Création; la pensée de la Divinité se substitue à celle de la Nature, et presque toujours la description poétique se termine par un hymne à l'Invisible. C'est la conception chrétienne, celle des esprits religieux, comme Fénelon ou Lamartine[882], le lieu commun d'une innombrable quantité de prédicateurs. Dans le domaine plus restreint de la poésie anglaise, c'est la conception de Thomson et celle de Cowper[883].
Mais ce n'est pas là un bien profond système de la Nature. En réalité, cette conception tend à supprimer la Nature, à n'en faire qu'un moyen de raisonnement, par lequel se démontre l'existence d'un Dieu personnel. L'esprit ne s'attache pas à elle, il ne la considère pas en elle-même, il ne l'étudie que pour la personne qu'elle lui révèle. L'Univers s'efface pour laisser voir derrière lui une Providence abstraite. Il en est de lui comme du triangle découvert sur une plage déserte, qu'on n'examine pas en soi, mais uniquement pour la main dont il est le signe. L'homme ne reste pas en contact avec la Nature; il n'en perçoit que la régularité abstraite, pour arriver à l'idée d'un législateur. C'est une conception inorganique et presque inanimée du monde, une conception astronomique, et, pour employer l'expression de George Eliot, télescopique[884]. Les lois qui le régissent apparaissent plus que les faits qui le constituent. Aussi est-elle froide, et si elle prête parfois à l'éloquence, elle manque presque toujours d'accent. C'est la conception vers laquelle Coleridge, impuissant à se soutenir dans le système supérieur de Wordsworth, est retombé dans son Hymne au Mont-Blanc.
Dans un autre système poétique, la Nature absorbe la vie humaine. Celle-ci n'existe pas, ne subsiste pas en dehors d'elle, elle se confond avec elle, y disparaît. Mais il y a deux façons bien différentes d'accepter cette même conviction, et qui ont donné naissance à deux lignées bien différentes de poètes.
Pour les uns, la Nature est la dévoratrice insatiable, le gouffre ouvert toujours où tombent d'interminables multitudes, le néant effroyable ou souhaité dans lequel disparaissent les bonheurs ou les lassitudes de la vie. Ils la regardent avec terreur et avec haine, soit qu'ils se soient haussés à un mépris stoïque comme de Vigny, ou qu'ils soient torturés par une impuissante révolte comme Mme Ackermann. Cette vue toute négative de la Nature, cette façon de n'apercevoir en elle que la destruction indifférente et implacable a produit quelques-unes des plus puissantes inspirations de la poésie moderne. Nous empruntons, par exception, nos citations à notre littérature, parce que nous ne connaissons pas, dans la littérature anglaise, de passage où ce sentiment soit exprimé avec autant de force. Lorsque de Vigny dit:
Ne me laisse jamais seul avec la Nature,
Car, je la connais trop pour n'en avoir pas peur;
Elle me dit: «Je suis l'impassible théâtre
Que ne peut remuer le pied de ses acteurs;
Mes marches d'émeraude et mes parvis d'albâtre,
Mes colonnes de marbre ont les dieux pour sculpteurs.
Je n'entends ni vos cris, ni vos soupirs, à peine
Je sens passer sur moi la comédie humaine
Qui cherche en vain au ciel ses muets spectateurs.
Je roule avec dédain, sans voir et sans entendre,
À côté des fourmis, les populations;
Je ne distingue pas leur terrier de leur cendre,
J'ignore en les portant les noms des nations.
On me dit une mère, et je suis une tombe,
Mon hiver prend vos morts comme son hécatombe.
Mon printemps ne sent pas vos adorations.»
C'est là ce que me dit sa voix triste et superbe,
Et dans mon cœur alors, je la hais, et je vois
Notre sang dans son onde et nos morts sous son herbe,
Nourrissant de leurs sucs la racine des bois.[885]
Lorsque Mme Ackermann, que de Vigny, ce grand précurseur envers lequel on est ingrat, avait devancée, pousse avant de sombrer le cri déchirant et l'anathème qui fait frissonner l'oiseau et épouvante les vents, lorsqu'elle lance à la Nature son imprécation:
Sois maudite, ô marâtre, en tes œuvres immenses,
Oui, maudite à ta source et dans tes éléments,
Pour tous tes abandons, tes oublis, tes démences
Aussi pour tes avortements!
Qu'envahissant les cieux, l'Immobilité morne
Sous un voile funèbre éteigne tout flambeau,
Puisque d'un univers magnifique et sans borne
Tu n'as su faire qu'un tombeau.[886]
Tous deux ils traduisent, avec une tristesse hautaine ou un emportement farouche, la sombre poésie qu'il y a dans cette conception. À la vérité, c'est peut-être moins regarder la Nature en soi que la vie humaine par rapport à elle. Car, en admettant que nos vies sont des bulles éclatant à la surface des forces, il se peut que des âmes plus résolues ou plus résignées soient heureuses de participer à ce renouvellement de l'être et de se sentir emportées par cette onde immense d'existences qui déferle à travers les temps.
C'est ce qui arrive à d'autres esprits. Pour eux aussi la vie humaine n'est pas plus que le moindre des bourgeons; elle s'ouvre un instant et périt pour jamais. C'est encore le matérialisme avec l'engloutissement irréparable de l'homme. Mais ils envisagent les choses par la face de la reproduction plutôt que de la destruction; ils considèrent le rajeunissement éternel plutôt que la décrépitude. Dans le cercle alternativement noir et blanc de naissance et de mort qui forme le travail de l'Univers, ils disent que la seconde n'est que la condition de la première, et pour eux les nuits ne sont pas les tombeaux des jours, mais des berceaux d'aurores. Ils ne sont pas sensibles à la terreur que leur existence sera un jour supprimée, mais à la joie qu'elle ait été produite. Ils sont heureux de prendre part un moment à la vie universelle, dont ils sentent en eux le tressaillement profond; et, reconnaissants d'avoir existé, ils retombent sans regrets dans le courant des métamorphoses. Cette façon de voir dans la Nature une évocation infatigable de l'être, une profusion, un épanouissement, une floraison de forces suffit pour remplacer une révolte inutile par une satisfaction tranquille. La plupart des âmes humaines sont, il est vrai, trop encastrées dans leur personnalité pour faire autre chose que de comprendre cette idée. Elles sont impuissantes à la ressentir: trop captives pour se perdre en elle, et trop étroites pour la recevoir en soi. Elles se contentent de l'exprimer dans une forme intellectuelle qui déjà ne manque pas de grandeur. Elles en tirent une fermeté tout humaine, semblable à celle que put éprouver une âme comme Littré, quelque chose comme la gratitude du convive rassasié dont parle noblement le poète latin.
Mais, lorsque cette idée tombe dans une âme comme celle de Shelley, capable de toutes les métamorphoses, les plus ténues et les plus puissantes, fluide, mobile, légère, impressionnable, incirconscrite et universelle comme l'air, susceptible comme lui d'être une brise ou un orage, recevant toutes les teintes, s'embrasant avec les soleils et plus rêveuse que les pâles étoiles, une des plus étonnantes âmes humaines qui aient existé et la plus éperdue de nature qui fut jamais, alors on a un exemple unique de la poésie que peut contenir ce sentiment de la vie universelle. Shelley a eu, vis-à-vis des forces de la Nature, la même flexibilité que Shakspeare vis-à-vis des âmes humaines. C'est le poète des existences élémentaires. Son affinité avec elles est un phénomène psychologique. Pour la première fois, du moins en occident, on a vu une âme humaine, perdant ses contours, sa conscience, se plonger passionnément dans la Nature. Elle est descendue plus bas que les existences déjà individualisées des plantes ou des animaux; la folie aérienne de l'alouette ou la tristesse pensive de la plante sensitive sont encore trop concrètes[887]. Elle a pénétré jusqu'aux existences plus vagues, plus diffuses, plus rudimentaires. Elle est redevenue primitive, antérieure à toute forme, elle s'est faite semblable aux éléments, aux flottants phénomènes de l'atmosphère. Elle a été le crépuscule, la nuit, L'éclair, la neige, que les rayons des étoiles bleuissent sur les sommets silencieux des monts[888], l'automne pensif[889], elle a crié au vent d'ouest, au sauvage vent d'ouest, alors que sa large haleine passait sur la terre:
«Sois, ô esprit farouche,
Mon propre esprit, sois moi-même, ô impétueux![890]».
Elle a été la nue, puisant aux ruisseaux et à la mer de fraîches averses pour les fleurs altérées, la fille de la terre et de l'eau, qui change et ne peut mourir, la nue aux mille métamorphoses[891]. Elle s'est perdue dans toutes les manifestations les plus indécises, les plus originaires, les plus profondes de la force inconnue.
Shelley a eu un instinct si puissant de la vie générale qu'il ne s'arrêtait pas aux attributs de forme ou de couleur des phénomènes. Il a pénétré jusqu'à leur vie intime, leur âme obscure, leurs aspirations inconscientes, le sens épars de leur fonction et la vague allégresse de leur course, car peut-être le mouvement est la joie des choses. Aussi jamais la matière n'a été plus immatérialisée. La force inchoative, la vie centrale, y perce partout, en sorte que, derrière la mince matérialité des attributs, on rencontre l'immatériel. La profondeur même de ce matérialisme conduit à quelque chose qui ressemble à du spiritualisme. La matière disparaît presque, se pénètre de vie et de mouvement, perd sa pesanteur qui, en réalité, n'est qu'une idée humaine, prend sa vraie légèreté, son bondissement, son allégresse cosmiques. Alors, tous les phénomènes allégés, spiritualisés, vus par leur face intérieure et impalpable, passent, se croisent, comme s'ils étaient purement lumineux et des jeux rapides de forces. À cet enivrement de mouvements infinis, s'ajoute l'idée qu'ils sont eux-mêmes dans un autre mouvement plus vaste, qui les soulève vers le progrès; l'idée d'une transformation, d'un déroulement du Monde vers la perfection. On a non-seulement l'exaltation d'appartenir à la grande vie, mais l'enthousiasme d'être emporté par l'immense roue de l'Univers courant au mieux. C'est pourquoi, lorsqu'il parle de la Nature, Shelley ne trouve d'autre moyen d'expression que le lyrisme violent et tendu. Des hymnes seuls peuvent rendre cette ivresse de panthéisme. Il a ainsi donné la poésie de la Nature la plus vraie, la plus centrale, la plus organique, la plus riche, qui ait jamais paru. Il chante au cœur même de la Nature. La chétive vie humaine disparaît entièrement, ne devient plus qu'une des voix qui célèbrent la vie immense.
Enfin, il y a un troisième système qui, bien que dérivé des philosophies, est, en poésie, la création et le glorieux domaine de Wordsworth. Dans cette conception nouvelle l'homme et la Nature existent également; il ne la supprime pas au profit de la Divinité; elle ne l'absorbe pas. Tous deux vivent: la Nature dans sa richesse; lui, dans son indépendance vis-à-vis d'elle. Mais il est toujours en contact avec elle; il y a entre eux une sorte d'harmonie préétablie; il est créé pour la percevoir; elle, pour être perçue par lui.
Avec, quelle délicatesse l'Esprit individuel
(Et peut-être tout autant les facultés progressives
De l'espèce entière) au Monde extérieur
S'adapte; avec quelle délicatesse aussi,
(Et ceci est un thème que les Hommes ont pu entendre)
Le monde extérieur s'adapte à l'esprit[892].
Il y a donc une sorte d'ajustement, de fiançailles, d'union, entre l'esprit humain et la Nature. Il la perçoit dans sa vie innombrable et splendide; mais cette vie n'est pas tout: la raison d'être de l'Univers n'est pas comprise en lui-même, ni sa signification; il n'est que la révélation de quelque chose de plus grand. Cette manifestation est tout ce qu'il nous est donné de saisir. Nous ne pouvons connaître que la Nature; mais elle nous parle de quelque chose d'au-delà d'elle. Dans son langage mystérieux et immense, elle nous révèle l'existence d'une force supérieure, de modes d'être inconnus, d'une puissance lointaine et invisible. Dès lors, la Nature n'est pas seulement un fait, elle est un signe; il ne suffit pas de la regarder, il faut l'interpréter; un élément idéal se mêle par là à son étude.
Il est aisé de voir que cette doctrine diffère des autres. Avec le système de Cowper, il n'y a ni étude de la Nature pour elle-même, ni interprétation donnée à ses millions de formes. On ne s'arrête pas à elle. Il n'y a pas de relation continue; dès qu'on a trouvé, par l'idée de loi, l'idée d'un Régulateur, on a tout découvert; il n'y a plus qu'à chanter ses louanges. Ici, au contraire, la Nature reste au premier plan. Elle est l'objet d'une lecture constante, comme un texte qu'on ne se lasse pas de relire et de commenter, pour en pénétrer le sens. Le système qu'on a appelé «Wordsworthien» conserve l'homme, conserve la Nature, et ne ferme pas toute ouverture sur l'inconnu. On comprend qu'il offre au point de vue poétique plus de ressources, qu'il est en quelque sorte plus large et plus hospitalier. Il est réaliste, car il s'attache à la Nature, il tire d'elle tout ce qu'il sait, vit de sa vie, s'élargit en la connaissant plus, a besoin d'être constamment nourri par son observation. Il est idéaliste, car, prenant la Nature comme une révélation et un signe, il met derrière ses faits des pensées; il la spiritualise constamment, et, en laissant subsister sa réalité sur quoi tout s'appuie, il en tire des enseignements et de l'espérance. En même temps, il reste en quelque sorte dans le rayon scientifique des faits, car il ne tire de la Nature que ce que celle-ci peut donner: quelque chose de confus, de vague, de lointain, de mystérieux, l'idée de cet Inconnaissable redoutable qui est de l'autre côté des murs flamboyants du monde. Rien de défini, de précis, d'humain comme le Dieu de Cowper, qui est plutôt fourni par la révélation; mais la présence devinée d'une impérissable puissance dont la Nature n'est que le voile de notre côté. C'est, après tout, l'idée de plus d'un philosophe scientifique; Wordsworth l'a exprimée dans une image qui en rend à la fois le grandiose et l'obscur.
J'ai vu
Un enfant curieux, qui vivait dans une plaine
À l'intérieur des terres, appliquer à son oreille
Les spirales d'un coquillage aux lèvres lisses;
Silencieux, suspendu, avec son âme même,
Il écoutait intensément; et bientôt son visage
S'éclaira de joie, car il entendait sortir du dedans
Des murmures, par quoi le coquillage exprimait
Une union mystérieuse avec sa mer natale.
Pareil à ce coquillage est l'univers lui-même
À l'oreille de la Foi; et il y a des moments,
Je n'en doute pas, où il vous communique
D'authentiques nouvelles de choses invisibles,
De flux et de reflux, d'une puissance éternelle
Et d'une paix centrale, subsistant au cœur
D'une agitation sans fin. Alors vous restez debout,
Vous révérez, vous adorez, sans le savoir,
Pieux au-delà de l'intention de votre Pensée,
Religieux au-dessus du dessein de votre Volonté[893].
Pour mesurer l'importance de la Nature aux yeux de Wordsworth, il faut ajouter qu'il en a tiré toute une psychologie et toute une éducation morale. Pour lui, la Nature est faite de sérénité, de mystère, de grandeur, de majesté; et l'âme humaine est, selon son expression, bâtie par les impressions de la Nature[894]. Elles entrent en elle, s'y déposent comme une lente alluvion de beauté, de calme et de douceur. La splendeur des couchers de soleil, la pensivité des soirs, la fraîcheur des matins, les diverses qualités des paysages y pénètrent, s'y perdent, et, par superpositions successives, l'édifient sans qu'elle s'en doute. Ce qu'il y a de meilleur dans l'homme, ce qui le soutient et l'anoblit, n'est que l'accumulation de ces rêveries devant la Nature, et la somme de ces moments rares et bénis. Ces instants grandioses, il faut aller au-devant d'eux, mais non pas délibérément, avec le parti pris de les rencontrer à telle heure ou à tel endroit. Ils se manifestent quand il leur plaît. Il faut aller s'offrir à eux, s'exposer sur une éminence, sur la rive d'un lac, quand les premières étoiles commencent à se mouvoir le long des collines[895]. Il faut mener son âme devant la Nature, et là, l'ouvrir toute grande, se mettre en état de sage passivité. Alors, sans que nous le sachions, des influences secrètes agissent sur nous; mille voix, mille spectacles, le silence même, entrent en nous et secrètement y déposent des germes de sagesse et de patience.
L'œil ne peut s'empêcher de voir,
Nous ne pouvons commander à l'oreille de cesser d'agir,
Nos corps sentent partout où ils se trouvent,
Contre ou avec notre volonté.
Je pense de même qu'il y a des pouvoirs
Qui d'eux-mêmes font impression sur nos esprits,
Et que nous pouvons nourrir notre esprit
Dans une sage passivité.
Pensez-vous, dans cette puissante somme
Des choses qui parlent sans cesse,
Que rien ne viendra de soi-même,
Et qu'il nous faut toujours courir après?
Ne demandez donc plus pourquoi ici,
Conversant comme je le peux,
Je reste assis sur cette vieille pierre grise,
Et perds mon temps à rêver[896].
Cette manière inconsciente d'apprendre est supérieure à la science et à son travail analytique. Celle-ci n'est qu'une façon de voir les objets «dans une disconnection morte et inerte»; divisant toujours de plus en plus, elle brise toute vie et toute grandeur, jamais satisfaite tant que la dernière petitesse peut encore devenir plus petite[897]. Elle est impuissante à rendre la complexité et la beauté des choses, qui sont la réalité et la seule vérité. Les laisser entrer en soi, telles qu'elles sont dans leur ensemble et dans leurs rapports, c'est étudier mieux que dans tous les livres.
Et écoutez! comme joyeusement la grive chante!
Elle aussi est un bon prédicateur,
Venez, venez à la lumière des choses,
Que la Nature soit votre préceptrice.
Elle a tout un monde de trésors préparés
Pour enrichir les cœurs et les esprits:
Une sagesse spontanée, exhalée par la santé,
La vérité exhalée par la gaîté.
Une impression venant d'un bois printanier
Peut vous enseigner plus sur l'homme,
Plus sur le bien et le mal moraux,
Que tous les sages ensemble.
Douce est la science que donne la Nature;
Notre intelligence affairée
Déforme la beauté des choses,
Et tue afin de disséquer.
Assez de Science et d'Art,
Fermez ces froids feuillets,
Venez, sortons, et apportez avec vous
Un cœur qui veille et qui sache recevoir[898].
On pourrait croire qu'il est à peine possible de saisir cette insensible pénétration de l'homme par la Nature, ces moments où elle s'épand en nous en noyant notre conscience, ces minutes trop profondes pour des mots. Wordsworth les a pourtant aperçus, avec une délicatesse et une subtilité qui font de lui un psychologue presque aussi pénétrant qu'il est grand peintre de la Nature. Avec quelle finesse il note ce petit choc imperceptible et cette surprise, par lesquels une âme perdue se réveille tout à coup et s'aperçoit qu'elle déborde de nature.
Alors quelquefois, dans ce silence, lorsqu'il était suspendu
À écouter, un faible choc de douce surprise
A transporté loin dans son cœur la voix.
Des torrents montagneux; ou bien la scène visible
Entrait, sans qu'il le sût, dans son esprit,
Avec son décor solennel, ses rochers,
Ses bois, et ce ciel mouvant, reflété
Dans le sein de l'immobile lac[899].
Ces heures de divine réceptivité, ces moments mémorables et consacrés, Wordsworth les a décrits avec de merveilleuses ressources de langage. Il a su exprimer des états d'âme presque inexprimables et qui n'avaient jamais été révélés. C'est une contemplation qui, peu à peu, se spiritualise; la scène extérieure, tout en persistant avec sa netteté et ses détails, s'affine, devient immatérielle, se change en rêve; elle passe du dehors dans l'âme qui la contemple, avec une ineffable douceur, entrant en elle, se transformant en elle. Sensations intraduisibles et désespérantes pour les lourds termes humains, et que Wordsworth a su rendre dans une transparente immatérialité et avec précision.
Oh alors, l'eau calme
Et sans un soupir s'étendit sur mon âme
Avec une pesanteur de plaisir, et le ciel
Qui n'avait jamais été si beau descendit
Dans mon cœur et me tint comme un rêve[900].
Et ailleurs parlant «d'un de ces jours célestes qui ne peuvent pas mourir[901]».
Souvent, dans ces moments, un calme si profond et si saint
Se répandait sur mon âme, que les yeux du corps
Étaient entièrement oubliés, et que ce que je voyais
M'apparaissait comme quelque chose en moi-même, un songe,
Une perspective dans l'esprit[902].
En accumulant ainsi de nobles impressions et de beaux spectacles, l'âme s'enrichit, se fait des provisions de calme, de santé et de haute jouissance. Elle en est profondément pénétrée comme d'une fraîcheur. Dans chacun de ces moments, il y a de la vie et de la nourriture pour les années futures. Et cette influence, qui sait jusqu'où elle peut s'étendre? Jusqu'aux moindres actes de la vie quotidienne. Elle affecte la continuité même de l'âme.
Ces beaux spectacles,
Pendant une longue absence, n'ont pas été pour moi
Comme un paysage pour l'œil d'un homme aveugle;
Mais souvent, dans les chambres solitaires, parmi le fracas
Des villes et des cités, je leur ai dû,
Dans les heures de lassitude, des sensations douces,
Ressenties dans le sang, ressenties jusqu'au fond du cœur,
Qui passaient jusque dans la partie la plus pure de mon esprit,
Me réconfortant tranquillement. Je leur ai dû ainsi des sentiments
De plaisir non remémoré, de ceux qui, peut-être,
N'ont une influence ni légère, ni triviale,
Sur cette meilleure portion de la vie d'un honnête homme,
Ses petits actes, ignorés, oubliés,
De bonté et d'amour[903].
Peu à peu, ces extases mûrissent en un plaisir plus calme; l'esprit devient une demeure pour toutes les formes aimables; la mémoire est l'habitation de sons et d'harmonies pleines de douceur. L'âme, remplie de ces belles choses, devient belle à son tour. Elle en est pour ainsi dire construite et chaque nouvelle impression la rend plus complète et plus noble. Elle prend les habitudes mêmes de la Nature. Elle devient sereine, calme, pleine de bonté, de pardon, d'indifférence aux petites choses, pleine de sérieux, de gravité, et d'un sentiment de respect religieux.
La Nature fait encore davantage. Elle enseigne également à l'homme ses devoirs envers ses semblables, ou plutôt elle le façonne également envers eux. C'est une des originalités de Wordsworth que d'avoir suspendu à l'étude de l'Univers sa sympathie pour l'homme. L'esprit, fait à ces contemplations sublimes, est rendu incapable de sentiments inférieurs et plus étroits. Il s'y sent mal à l'aise, dans une atmosphère moins haute. Il est, au milieu de l'envie et de la haine, ainsi qu'un exilé. Le poète a marqué le lien qui rattache la bonté pour les autres à l'amour de la Nature dans le magnifique passage qui clôt le quatrième livre de l'Excursion, et peut-être que quelque chose de son éloquence peut se faire sentir même à travers notre prose. Pour lui, l'homme qui est en communion avec les formes de la Nature, qui ne connaît et n'aime que des objets qui n'excitent ni les passions morbides, ni l'inquiétude, ni la vengeance, ni la haine, cet homme doit forcément ressentir si profondément la joie de ce pur principe d'amour que rien de moins pur et de moins exquis ne saurait désormais le satisfaire. Malgré lui, il cherchera dans ses semblables les objets d'un amour et d'une joie pareils. Le résultat est que, par degrés, il s'aperçoit que ses sentiments d'aversion s'amoindrissent et s'adoucissent; une tendresse sacrée envahit et habite son être. Il regarde autour de lui, cherchant le bien, et il trouve le bien qu'il cherche, jusqu'à ce que la haine et le mépris deviennent des choses qu'il ne connaît que de nom; s'il entend sur d'autres bouches le langage qu'ils parlent, il est plein de compassion. Il n'a pas une pensée, pas un sentiment qui puisse subjuguer son amour. La Nature ne l'éloigne jamais de l'homme. Au milieu d'elle, il ne cesse pas d'entendre «la tranquille et triste musique de l'humanité[904]». Quand il assiste au riant travail un jour de printemps, il ne peut se défendre d'avoir des pensers mélancoliques. Au milieu de la joie de tous les êtres, il ne cesse jamais de songer que l'homme seul, par ses souffrances, désobéit au dessein de bonheur universel.
Sur des touffes de primevères, dans ce petit bois,
La petite pervenche traînait ses guirlandes,
Et c'est ma croyance que chaque fleur
Jouit de l'air qu'elle respire.
Les oiseaux autour de moi sautillaient et jouaient,
Je ne puis mesurer leurs pensers,
Mais le moindre mouvement qu'ils faisaient
Semblait un frisson de plaisir.
Les rameaux bourgeonnants ouvraient leurs éventails
Pour saisir la brise légère;
Et je ne pouvais m'empêcher de penser
Qu'il y avait du bonheur autour de moi.
Si cette croyance est envoyée du ciel,
Si tel est le plan de la Nature,
N'ai-je pas raison de me lamenter
De ce que l'homme a fait de l'homme[905].
C'est ainsi que la Nature est l'éducatrice de l'homme. Elle le forme et le compose, à la lettre. Elle lui donne non-seulement la Piété naturelle, l'Humilité, le Calme, l'Indifférence pour les biens passagers, la Sérénité et la Joie; elle lui verse encore, comme une mère intarissable, ce qu'on a appelé le lait de la bonté humaine. C'est ainsi que le noble poète a pu dire qu'un instant avec elle peut donner plus que des années de raison travaillante[906]; c'est ainsi qu'il a pu dire que son école favorite avait été les champs, les routes, les sentiers agrestes[907], et qu'il a pu lui rendre un hommage de reconnaissance presque filiale,
Heureux de reconnaître
Dans la Nature et le langage des sens
L'ancre de mes plus pures pensées, la nourrice,
La conductrice, la gardienne de mon cœur, l'âme
De tout mon être moral[908].
Avec ces éléments, Wordsworth a créé la poésie de la Nature la plus complète, la mieux enchaînée et la plus profonde que l'esprit humain ait encore produite. Comme l'univers est un livre qu'il faut étudier et lentement comprendre, sa poésie devait être méditative, de même que celle de Shelley a été lyrique. Le mouvement, l'élan, la passion sûrement y sont moindres. C'est qu'en effet, elle est, par un côté, inférieure à celle de Shelley. L'idée du progrès que fera l'esprit humain dans l'intelligence du monde y est bien; le progrès du monde lui-même n'y saurait trouver place. La Nature n'est pas une improvisation continuelle, un discours qui se déroule, profitant à chaque instant de sa clarté et de son éloquence acquises; c'est un livre écrit pour jamais. Le sens en est arrêté. Il n'y aura d'avancement que dans l'explication de son texte mystérieux.
De quelque côté pourtant qu'entraînent les préférences, eux deux sont de beaucoup les deux plus grands poètes de la Nature, on pourrait presque dire les deux seuls. Chez tous les autres, chez Cowper, chez Byron, chez Keats, chez Coleridge, chez Tennyson, il y a des fragments exquis ou puissants; mais combien l'ensemble est inférieur en richesse et en fidélité, moins substantiel, souvent même composé d'éléments contradictoires. Les deux noms de Shelley et de Wordsworth se dressent au-dessus de tous. Le sentiment moderne de la Nature réside en eux, comme le soleil sur deux pics, les seuls assez hauts pour voir l'aurore et le crépuscule, et connaître le cercle entier du jour.
Pour compléter cette esquisse du sentiment moderne de la Nature, il faudrait étudier le retentissement que ces systèmes ont sur les autres sentiments. Ceux-ci en sont affectés diversement, et toute la vie prend une teinte différente selon le ciel qu'on met au-dessus d'elle. Pour ceux qui, comme Cowper, voient surtout dans l'Univers la main et l'intervention d'un Être supérieur, c'est la pensée religieuse mêlée à tout, les moindres actes surveillés par des scrupules, parfois dans l'expression des sentiments les plus sincères, une sorte de contrainte comme de quelqu'un qui se sait observé. Pour ceux qui y voient le néant, c'est toute la vie pétrie d'un levain de désespoir; l'angoisse que donne à toutes les joies le savoir qu'elles sont condamnées; la détresse affreuse de songer que ces étreintes qui se jurent d'être éternelles, vont crouler en poussière; l'amertume de sentir, dans l'amour même, l'arrière-goût de la mort. Ceux qui se réjouissent de participer à la grande vitalité communiquent à leurs passions quelque chose de leur enthousiasme panthéiste. Ils leur prêtent un caractère général, ils les font dépendre d'un instinct immense; leur amour n'est plus qu'une parcelle de l'universel désir, la partie personnelle se perd dans quelque chose de plus vaste. L'amour ainsi compris est peut-être ramené aux vraies proportions des choses; il est dépouillé de son caractère impérieux, absolu; il cesse d'être tout, la passion infranchissable dans laquelle un cœur est enfermé et se débat. Chez ceux enfin que la Nature pénètre de respect et de méditation, les passions humaines s'affaiblissent et s'épurent. Sa sérénité n'accepte pas leurs orages; les âmes qu'elle forme à son image n'acceptent les émotions que tranquilles et raisonnables. Leurs chagrins aussi sont moindres, presque aussitôt sanctifiés par la même influence. Ainsi, de toutes parts, par des voies tumultueuses ou paisibles, ces systèmes aboutissent à la petitesse de la vie humaine. Dès qu'elle se met à considérer la Nature, l'âme humaine a beau faire, elle perd de son importance, elle se néglige et s'oublie. Dans cette contemplation prodigieuse, elle sent son infime existence disparaître, goutte d'eau noyée dans l'immense balancement des mers. Pénétrée d'universel, emportée hors des réalités et loin des mesures humaines, troublée, éperdue, ivre d'enthousiasme, d'épouvante ou d'espérance, elle perd conscience d'elle-même dans son effort pour rejoindre la conscience diffuse et obscure du monde. Le battement de nos petites forces disparaît dans les larges et uniformes pulsations de l'existence infinie. «Des centaines et des centaines de pics sauvages, dans la dernière lumière du jour; tous brillants d'or et d'améthyste comme les esprits géants du désert; là, dans leur silence et dans leur solitude, comme la nuit où le déluge de Noé se dessécha pour la première fois. Admirable, bien plus, solennel était ce spectacle au voyageur. Il contemplait ces masses prodigieuses avec émerveillement, presque avec un élan de désir. Jusqu'à cette heure, il n'avait jamais connu la Nature, et qu'elle était une, et qu'elle était sa mère, et qu'elle était divine. Et comme la lumière pourpre s'évanouissait en clarté dans le ciel et que le soleil était maintenant parti, un murmure d'éternité et d'immensité, de mort et de vie passa à travers son âme; et il ressentit comme si la mort et la vie étaient une, comme si la Terre n'était pas inanimée, comme si l'Esprit de la Terre avait son trône dans cette splendeur, et que son propre esprit avait communion avec lui»[909]. Où sommes-nous donc? Dans quelles sphères nouvelles de pensée? Dans quel éther et quelles froides sublimités où les passions expirent?
On voit par quels larges degrés nous nous sommes éloignés de plus en plus des régions moyennes qu'occupe le travail des hommes. Nous n'apercevons plus que de bien loin, comme du haut des sommets alpestres, cette plaine animée au bruit des semailles ou des moissons dans laquelle naguère nous vivions avec Burns. Il est demeuré là-bas, à nos pieds, ignorant ces vertiges et ces ivresses, occupé à la besogne humaine, travaillant, labourant, aimant, souffrant, et trouvant que son travail, son amour et sa souffrance sont toute sa vie. Des distances immenses, des abîmes et des monts, sont entre lui et ceux qui méditent sur les cimes. Si l'on voulait mesurer, d'une façon frappante, quelle étendue le sépare du sentiment de la Nature moderne, on n'aurait qu'à imaginer deux promenades, l'une faite par Wordsworth, et l'autre par lui. Il n'y aurait pas de contraste plus frappant. On verrait le premier sortant de son jardin de Ridal-Mount, sérieux, avec une sorte de recueillement et l'attente de rencontrer dans sa promenade des leçons morales. Il va puiser à la grande sérénité, pour entretenir celle de son âme. Il marche dans la Nature, comme dans une cathédrale, où se déroulent des cérémonies religieuses dont il ne peut pénétrer le sens, mais dont le caractère solennel le remue. Le soir, il revient dans un état d'âme grave et respectueux, comme après une communion sacrée. S'il avait pu emporter quelques troubles, ils seraient apaisés; même les douleurs les plus saintes, celle que cause la mort d'un frère, se calment, s'élèvent, et prennent leur place dans la haute harmonie de l'âme. Combien la promenade de Burns est différente! Il sort de Mossgiel, le cœur agité de passions, ne cherchant qu'à songer plus librement à son angoisse. Il emporte avec lui des sentiments auxquels il appartient tout entier; il souhaite seulement un endroit où rien ne les vienne distraire. Chemin faisant, il jette un rapide regard sur les champs de blés verts, mais c'est son œil seul qui perçoit la scène; son esprit ne s'en mêle pas. La préoccupation intérieure continue, se plaçant machinalement dans ce cadre. Il rentre rapportant les mêmes peines, plus violentes et plus orageuses, de cette promenade où rien ne les a gênées. La Nature n'a eu pour lui aucune vertu, aucun baume calmant. Elle reste indifférente à ses douleurs; lui, l'a à peine aperçue.
Et si l'on reprenait un à un tous les traits du sentiment de la Nature tel que nous avons essayé de le dégager de la poésie moderne, on verrait qu'il ne s'en trouve pas un seul dans Burns. La peinture minutieuse, la recherche d'effets neufs et rares ne se rencontre pas chez lui; il se contente des effets ordinaires et il les peint sommairement d'un seul trait. Le mélange d'âme humaine et de Nature, ce commerce nouveau, cette humanisation des sites et des objets, n'apparaît guère chez lui, qu'en quelques passages et si rapidement qu'on ne sait si ce n'est pas un hasard de métaphore. Quant aux méditations sur la vie universelle et à leur influence sur les sentiments, il les a absolument et toute sa vie ignorées. En réalité, il ne s'est jamais occupé de la Nature pour elle-même, ce qui est le trait caractéristique de la poésie moderne. Il n'a été en contact avec elle que par le travail champêtre ou pendant quelques promenades de paysan désœuvré. Sa personnalité était trop vigoureuse, trop active et trop exigeante pour faire les moindres concessions à un sentiment vague et épars. Il est resté vis-à-vis de la Nature sur le véritable terrain humain, ne la prenant que comme un cadre étroit à ses passions et à son travail. Par là, il est presque unique dans la littérature contemporaine. On peut dire que, seul parmi les modernes, il a aimé la Nature à la façon antique.
Pour trouver son analogue il faut remonter, par delà les Latins, jusqu'aux Grecs. Un critique pénétrant a bien montré que chez les premiers le sentiment de la nature était, en partie, le désir d'échapper à l'existence des cités. «Les écrivains romains, pour se soustraire aux fatigues, aux dégoûts, aux périls de la vie publique, cherchant partout la paix au milieu des agitations civiles, se tournent vers la Nature... Le poète, le philosophe, l'homme de méditation inquiet de l'avenir et se tournant plus volontiers du côté du passé, frappé des maux de la société, blessé de ses injustices, affligé de ses vices, désireux d'échapper en quelque sorte à la civilisation et de remplir le vide de son âme d'affections nouvelles, s'achemine vers la solitude et se donne à la Nature[910].» Peut-être faudrait-il faire un coin d'exception pour Virgile, encore que sa vie des paysans, vraie par bien des côtés, soit trop représentée comme un reste de l'âge d'or. Il y avait déjà dans ce besoin de solitude quelque chose de notre sentiment moderne, la soif de ceux qui vivent enfermés dans les immenses cités. Les Grecs seuls ont aimé la Nature avec la simplicité, la naïveté que nous trouvons dans Burns. Ils vivaient en elle, car même les habitants des petites capitales provinciales n'étaient pas soustraits à son spectacle. Eux seuls l'ont dépeinte comme toujours subordonnée à l'homme et recouverte par ses travaux. Et si parmi les écrivains grecs nous devions choisir celui qu'il conviendrait le plus de rapprocher de Burns, ce ne serait pas Hésiode que nous prendrions; il est trop didactique; son commerce avec la Nature est, il est vrai, utilitaire et pratique, mais trop en préceptes, trop dégagé de la vie et de ses passions. Ce ne serait pas non plus Théocrite, malgré sa précision d'observation et son sens de la vie réelle. C'est un artiste achevé, mais qui représente plus qu'il ne ressent, qui décrit les paysans et n'est pas l'un d'entre eux. D'ailleurs le vers presque épique de son récit communique à ses représentations les plus familières de la lenteur et de la gravité; le poème par lequel Burns se rapprocherait le plus de lui serait Le Samedi soir du Villageois, justement à cause de cette forme solennelle. Ce qui fournirait peut-être le mieux le sentiment de nature tel qu'il est exprimé par Burns est celui qui est rendu par les paysans des merveilleux chœurs d'Aristophane[911]. Là on trouve le campagnard parlant pour lui-même, aimant la terre sans philosophie, pour les bienfaits qu'elle lui accorde, et pour le travail qu'il lui donne. Il y a la même manière naïve, bornée, la même connaissance des détails, le même patriotisme local, le même réalisme parfois brutal. Il n'est pas jusqu'à l'allure lyrique et rapide, jusqu'à la sobriété et la brièveté de la forme, qui ne soient encore des points de ressemblance. Il y a dans Burns un peu plus de tristesse, qui tient à ce qu'il cultivait un sol plus ingrat, sous un ciel moins lumineux. Et aussi il faut noter que ses descriptions de nature n'ont pas la disposition au bas-relief, à l'ornementation claire et sur un seul plan, qu'ont souvent celles des anciens, qui prennent aisément un tour de décoration artistique. Mais on voit assez qu'il a ressuscité un état poétique disparu et qui est bien lointain de nos âges.[Lien vers la Table des matières.]
CHAPITRE V.
CONCLUSION.
Lorsqu'on étudie un objet longuement, en le décomposant, on s'expose à quelque danger de perdre de vue ses proportions. Non seulement on l'a soumis au grossissement de la loupe, mais surtout on l'a isolé et, durant cet isolement, tous rapports disparaissent. Tandis qu'une fleur est sous le microscope, elle n'est plus ni grande ni petite, elle existe seule. Mais, toutes ses parties démontées et explorées, sans quoi il n'y a pas d'examen complet, il convient de les réunir, de la reconstituer, de reprendre la notion de sa physionomie et de ses dimensions. Ainsi, après avoir minutieusement pénétré dans les diverses parties du génie de Burns, voudrions-nous essayer d'en rétablir l'ensemble et d'en saisir l'importance.
Ceci est un travail plus incertain et plus flottant que le premier, parce que, dans les questions de relations, les chances d'erreur se multiplient par le double de tous les points de contact, et que ces questions ont en outre toujours quelque chose de factice. Constater les qualités d'un homme est déjà malaisé; les comparer avec les qualités d'autres hommes, alors que celles-ci sont dissemblables ou parfois opposées, et les mesurer ensemble est une tentative presque vaine. Toutefois il faut convenir que la critique littéraire vit en partie de ces comparaisons. Il est utile alors de les maintenir autant que possible en d'étroites limites, de les faire porter seulement sur des choses assez proches. Développer les différences entre des objets qui n'ont pas de rapport entre eux, c'est juxtaposer deux définitions prises au hasard; c'est confronter l'hysope et le cèdre, l'alouette et l'aigle; cet amusement n'est pas toujours absent des histoires littéraires. C'est pourquoi on ne trouvera pas ici de ces laborieux parallèles avec Béranger, ou Jasmin, ou Pierre Dupont, ou Byron, ou Moore, ou d'autres[912]. Les rapprochements dont nous nous servirons ne portent guère que sur des ressemblances, des rencontres particulières. De plus ils n'ont nullement l'intention d'être des comparaisons et d'établir des jugements. Ils ont simplement pour objet, en évoquant une impression nette, bien établie et acquise, de suggérer ou d'éclairer une impression neuve ou vague, soit par contraste, soit par nuance. Nous les employons comme des moyens de préciser, et non comme des instruments d'évaluation. C'est avec toutes ces réserves que nous voudrions marquer la place de Burns dans l'histoire littéraire.
L'œuvre de Burns n'est ni très élevée, ni très complexe, ni très profonde. Il n'était pas de ces âmes prophétiques, comme ce siècle en a connu, qui gravissent les plus hauts sommets du présent, pour entrevoir l'avenir et annoncer des terres nouvelles; ni de ces âmes subtiles qui découvrent dans le cœur humain de nouvelles couches de souffrance, de joie, de scrupule, ou de rêverie; ni de ces âmes tourmentées des problèmes de la destinée qui se meurtrissent contre le mur d'Inconnu qui enferme le monde. C'était un esprit qui habitait les régions moyennes. Il s'est contenté de la réalité courante. Il a reproduit la vie humaine la plus commune, et il l'a plutôt peinte que pénétrée. Cette représentation est courte et décousue; elle consiste en une suite d'esquisses, de croquis détachés. Dans ce qu'elle exprime le mieux, elle ne découvre rien, et même n'entre pas très avant. Les sentiments et les personnages sont ordinaires; on dirait presque qu'ils tiennent du lieu commun, s'ils n'étaient si précis et si serrés. Ils sont admirablement saisis, mais ils sont un peu superficiels par suite de la rapidité du trait; ils sont même un peu diminutifs, de petite stature. Cependant quelle vérité, quelle intensité, quel mouvement, quelle action incessante et, quand il le faut, quelle énergie! Il prend la réalité d'un tel poignet qu'il en fait sortir le comique ou l'éloquence rien qu'en la pressant. Et aussi quelle variété, non seulement dans les sentiments, mais dans les situations et dans la forme même! Oui, il est vrai, sa représentation de la vie est réduite et sommaire; il n'en connaît ni les grandeurs, ni les héroïsmes, ni les sacrifices, ni les subtilités, ni les dépravations, ni les fruits rares, ni les fleurs délicates; il n'en offre que le pain bis. Mais on peut dire que, à l'échelle où il prend l'existence, il la reproduit tout entière. Il ressemble à ces montreurs qui ont un petit théâtre, et cependant mettent tout un monde dans leur boîte. Dans maint grand théâtre pompeux, prétentieux et riche, il n'y a pas le quart de la vitalité, de l'observation et de la vérité qui s'agitent dans cette baraque populaire.
Avec cela, il a des côtés plus aériens. Il possède un don de lyrisme qui, par le seul essor des strophes, s'empare de ce réalisme et l'enlève presque hors de la réalité. Ce don, qui paraît dans presque toutes ses pièces, éclate dans ses chansons. Elles atteignent à cette hauteur où le sens des mots se fond en émotion musicale, où les paroles chantent comme des notes. Mais là encore, toutes légères et ailées qu'elles soient, elles sont réelles, elles restent terrestres. Les seules chansons modernes qu'on puisse leur comparer, pour la qualité musicale, sont celles de Shelley. Celles-ci n'ont pour ainsi dire plus de corps, sont choses purement éthérées. La chanson de Burns est l'alouette, quand on la voit encore voleter au-dessus des blés.
L'alouette éveillée, gazouillante, s'élance
Et monte dans le ciel matinal,
Secouant joyeuse ses ailes emperlées,
Dans le regard rose du matin.[913]
Celle de Shelley est l'alouette devenue invisible, alors qu'il n'existe plus d'elle que des notes tombant du ciel.
Le soir d'une pourpre pâle
Se fond autour de ta fuite;
Comme une étoile du ciel
Dans la pleine lumière du jour,
Tu es invisible, mais j'entends ta voix perçante.[914]
Ce qu'elle chante est sûrement ce que le langage humain a produit de plus immatériel, de plus purement musical; ce sont des vibrations de cristal, sœurs des nuances irisées de l'arc-en-ciel. Mais la chanson de Shelley tient en quelques notes; celle de Burns a autrement de variété, et, dans cette variété, de passion; elle voltige au-dessus de tous les sentiments humains. Quant aux chansons des autres poètes modernes, elles sont très loin de celles-là; celles de Moore n'ont qu'un gazouillement charmant, un ramage élégant, parfois un soupir mélancolique; les quelques-unes de Coleridge ont plus d'éclat de mots que de musique; celles de Tennyson manquent de vol, elles n'ont qu'une modulation monotone et lente, c'est un mauvis qui chante perché, et redit une note de flûte douce et moelleuse. Il n'y a, dans la littérature anglaise, pour tenir tête aux chansons de Burns, que le recueil de celles qu'on a extraites des grands dramaturges du XVIe siècle: les merveilles de Shakspeare et, presque au même degré, celles de Beaumont et Fletcher[915]. Ces chansons de la Renaissance ont peut-être plus de caprice, de fantaisie inattendue; elles ont le reflet d'une pensée plus haute, plus riche, plus souple et plus subtile aussi; elles sont faites d'images plus raffinées et plus rares; elles ont quelque chose de plus désintéressé; mais elles n'ont pas la solidité d'observation et la rougeur de passion de celles de Burns. À tout prendre il est difficile de choisir entre sa seule production et l'anthologie de ces riches génies. Cela seul est une gloire.
Sa forme est admirable; elle est parfaite. Il est peut-être l'écrivain le plus classique qu'il y ait dans la littérature anglaise, j'entends à la façon des Grecs, et non des Latins, qui ont manqué de spontanéité et de mouvement. Il l'est par la clarté et la solidité de la construction, la proportion exacte entre l'expression et la pensée, le dédain des ornements, la sobriété des mots, la vigueur simple, le muscle net et maigre de la phrase, quelque chose de ramassé, de compact et de nu. Il l'est aussi par un langage moyen qui ne vise jamais au haut ni au profond, toujours concret, qui revêt les vérités même élevées d'une forme solide et terrestre, comme les anciens. Et il est impossible de ne pas remarquer aussi, bien que ce ne soit pas uniquement une question de forme, qu'il possède encore cet inimitable privilège des anciens d'élargir le précis, et de donner à un fait particulier un aspect général et un intérêt humain. Il est bien plus près des modèles grecs que les pseudo-classiques du XVIIIe siècle, qui avaient un certain goût des ordonnances classiques, surtout oratoires, mais chez qui la prétention verbale, l'apprêt de la phrase, la symétrie des mots, ont raidi la forme et l'ont détachée de la pensée. D'ailleurs ils n'ont visé au classique que dans l'abstrait, au classique noble. La seule œuvre poétique anglaise qui nous donne l'impression d'une mesure aussi parfaite est ce chef-d'œuvre, Enoch Arden, où pas un mot ne dépasse son rôle. Mais c'est le classique d'un alexandrin, un mélange riche de métaux, ouvré par un art inimitable, comme par la main d'un Théocrite moins réel et plus touchant. Tout au plus pourrait-on dire que Burns est trop véhément; il a un entassement et une bousculade de sens, un mouvement trop pressé: il n'a pas le loisir antique.
Ces dons s'exercent avec une aisance telle qu'on n'en trouverait d'exemple que chez les improvisateurs dont les productions ne s'élèvent pas à l'art. Tout cela sourd à bouillons vifs et limpides, comme d'une de ces sources de collines, intarissables. Aucun poète n'a écrit avec plus de facilité et en même temps de condensation, et c'est en quoi il est surprenant. Ses œuvres furent le simple exercice d'un esprit tellement surabondant et vigoureux qu'elles sont fortes sans effort. Une sincérité incomparable enveloppe tout ce qu'il a produit, comme une atmosphère. «L'excellence de Burns, dit Carlyle, est, à la vérité, parmi les plus rares, soit en poésie, soit en prose, mais en même temps elle est claire et facilement reconnaissable: sa sincérité, son indiscutable air de vérité[916]».
Burns est absolument en dehors, à l'écart, de la littérature anglaise moderne. Il ne s'y rattache point par ses origines, qui sont celles que nous avons vues, toutes locales et écossaises. Il n'y tient point par sa manière et son inspiration, qui sont aussi différentes de celles de la poésie moderne qu'il est possible de l'imaginer. Il suffirait de reprendre les points que nous avons étudiés en lui pour voir qu'ils s'opposent exactement, un à un, aux points analogues chez les poètes récents. Il est inutile de revenir sur le sentiment de la Nature. La différence dans la façon de comprendre l'amour n'est pas moindre. Ici la démonstration ne peut se faire par un exposé de doctrines, mais par une notation de sentiments. Qu'on songe que de notre temps cette passion est surtout rêveuse, et, quand elle le peut, gracieuse; parfois elle a une certaine ferveur morale, le plus souvent de la tristesse, presque jamais de vraie flamme, jamais d'ardeur physique, ou, si cette dernière apparaît chez quelques poètes plus récents, elle n'est qu'une surexcitation raffinée, douloureuse, et souvent vicieuse. Nous avons vu combien chez Burns la passion est directe, franche, matérielle, toujours gaie et saine. Chez lui, l'amour est vraiment ce qu'il doit être, le coq clair, joyeux, ivre de lumière, qui, selon l'expression de Milton:
Scatters the rear of darkness thin,
And to the stack or the barn door
Stoutly struts his dames before[917].
Dans l'école moderne, c'est un héron qui rêve au bord d'une source, près d'un saule, au crépuscule. Il est fort triste! Pour la peinture de la vie humaine, l'opposition n'est-elle pas plus accusée encore? La poésie contemporaine tout entière est méditative, elle est occupée des aspects généraux et des problèmes de la destinée humaine; elle essaie des études psychologiques qui ont de la subtilité, parfois de la profondeur, et pas de vie, elle a su rendre des états d'âmes et jamais des êtres; elle est toujours noble, grave; même quand elle s'applique à des sujets familiers, elle reste digne. La véritable vie, l'action, le don de créer des êtres qui se détachent d'elle et vivent ensuite de leur vie propre, lui fait irrémédiablement défaut. Or ce sont là précisément les qualités maîtresses de Burns. Il est, dans la poésie moderne, le seul qui ait vraiment reproduit la vie, dans une forme familière et animée. Que d'autres différences encore! Il est le seul, absolument le seul, qui ait connu le rire, le rire vrai, franc, sans arrière-pensée. Tous les poèmes modernes, avec leurs nuances d'enjouement, ou de sarcasme, sont sérieux; à peine y trouve-t-on quelques éclairs de gaîté mince et superficielle. Encore est-elle souvent pénible. Il semble que la Joie ait cessé de vivre parmi les Muses. Depuis les livres de Fielding et de Smollett, il n'y a vraiment, dans la haute littérature anglaise, que deux œuvres où l'on rencontre le rire, ce sont les drôleries de Burns et l'immense bouffonnerie de Pickwick. Enfin quelle différence dans l'allure générale, dans la manière d'être! La poésie moderne est toujours lente. Celle de Burns seule est agile, pressée d'arriver, bondissante; elle court d'un pied rapide, d'un pas gymnastique, à cent lieues des méditations prolongées et de la démarche péripatéticienne des autres. De quelque façon qu'on les rapproche, on voit qu'il n'a rien eu de commun avec ses rivaux modernes. Il a été ému par les mêmes faits parce qu'il vivait dans les mêmes temps, mais, là encore, son émotion est différente de la leur. On a pu le voir à propos de la Révolution française. C'est avec raison que Shairp a dit que Burns, «par rapport à ses contemporains, peut être regardé comme un accident: il a grandi si entièrement à part et en dehors des influences littéraires de son temps. Sa poésie était un ruisseau qui coulait à l'écart sans être atteint par le grand courant de la littérature[918]».
Chose singulière—et c'est une idée qui nous est revenue à plusieurs reprises au cours de cette étude—il semblerait bien plutôt fait pour prendre sa place dans la littérature française. Invinciblement il fait penser à Régnier, à Villon, parfois à St-Amant, à Olivier Basselin. Ce quelque chose de dru et de dégagé, de vert, de net et de court dans la forme, de sensé et de moyen dans la pensée, ce mouvement leste, cette franchise à tout dire, cette bonne humeur, cette jovialité, cette gauloiserie, cette clarté, font qu'il serait moins une anomalie dans notre littérature que dans la littérature anglaise. En même temps, ce caractère passionné, ce décousu et ce débraillé de la vie, ce tempérament bohême, insouciant et révolté, et aussi cette manière d'être envers les femmes, entrent plutôt dans l'idée qu'on se fait ordinairement de notre race. Il aurait chez nous des frères, des gens de même sang et de même existence, des compagnons et, pour dire le mot, des camarades. En Angleterre, il n'en a pas, ou en a de moins frappants. Il reste isolé au milieu de la surprise de tous, comme un phénomène qui ne se rattache à personne. Le Perfervidum ingenium Scotorum, par lequel on l'explique, a lui-même quelque chose de français, de celtique tout au moins. Un illustre géologue écossais, et passionné pour la poésie de son pays, nous disait récemment qu'en effet Burns ressemblait plutôt à un Français qu'à un Anglais. Est-il nécessaire d'ajouter très vite que nous ne revendiquons pas Burns? Nous désirons seulement nous servir des idées admises sur les deux littératures pour préciser les qualités d'un écrivain; et c'est une preuve de plus combien ces gros jugements généraux sur les races sont défectueux, puisqu'ils ne s'obtiennent qu'en ignorant des transpositions comme celles-ci.
Quant à l'influence de Burns sur la littérature anglaise, on peut dire qu'elle a été nulle. Nous avons été surpris de trouver, chez un critique aussi perspicace que M. Shairp, «que s'il avait été peu affecté par ses contemporains, il avait eu beaucoup de pouvoir sur ceux qui sont venus après lui. Wordsworth avoue que ce fut de Burns qu'il apprit le pouvoir de chants fondés sur l'humble vérité[919]». M. Shairp, qui ne cite que le seul Wordsworth, appuie ce jugement sur une unique strophe du poème intitulé Sur la tombe de Burns. La voici:
Je pleurai avec des milliers, mais comme un
De ceux qui furent le plus affligés, car il était disparu
Celui dont j'avais salué la lumière quand elle brilla d'abord,
Et montra à ma jeunesse
Comment la Poésie peut bâtir un trône princier
Sur l'humble vérité[920].
Il semble que le sens précis de ces derniers vers soit que Wordsworth avait vu, par l'exemple de Burns, comment on peut atteindre à la renommée en traitant des sujets vulgaires. Mais il n'y a là aucune influence littéraire par la raison qu'il n'y a aucune ressemblance. Les poèmes familiers de Wordsworth, réfléchis, moraux, péniblement simples, jusqu'à être parfois enfantins, très lents d'allure, n'ont aucun rapport, ni de sujet, ni de manière, avec les robustes tableaux de Burns. Ils dérivent bien plutôt, pour le ton, des curieux et tendres passages sur les Humbles, épars dans la Tâche de Cowper. Qu'on lise les épisodes de Kate la folle[921], des Gypsies[922], du Conducteur de chariot dans la neige[923], et surtout du Ménage des Pauvres paysans[924], on aura la nuance des poèmes de Wordsworth. D'ailleurs Crabbe avait plus nettement encore donné la poésie des Pauvres. Les grandes descriptions de vie campagnarde et les portraits de bergers et de paysans, semés dans l'Excursion, relèvent bien plutôt de ce dernier genre, traité par un peintre harmonieux et élevé, au lieu de l'être par un maître réaliste et morne. Quant au reste de l'école anglaise, Byron, Shelley, Coleridge, Keats, Tennyson, Browning, Swinburne et même Tom Hood, il suffit d'évoquer, par leurs noms, la poésie qu'ils ont créée, pour voir qu'ils ne tiennent rien de Burns[925]. On a dit que Burns avait contribué à rendre à la poésie anglaise, le sens de la Nature. Nous avons vu combien cela est faux. On a dit aussi qu'il lui avait rendu la passion. Si l'on veut dire qu'il l'a enrichie d'un livre où il y a de la passion, oui; si l'on veut dire qu'il a communiqué cette passion à d'autres, non! C'est un don qui ne se transmet pas, qui meurt avec celui qui en a souffert et en reste immortel. Bien plus, dans la poésie écossaise elle-même, son influence n'est pas beaucoup plus sensible. Celui qui est après lui le plus grand poète écossais, Hogg, est un disciple des vieilles ballades et de Walter Scott. Les chansonniers qui continuent la tradition écossaise, comme Tannahill, la baronne Nairn, Robert Nicoll, ont simplement imité les vieilles chansons, ainsi que Burns l'avait fait lui-même. Charles Kingsley remarque avec justesse que les chansons «écrites avant lui sont évidemment d'une valeur très supérieure, à celles écrites après lui[926]». On n'a rien fait qui ait continué son Tam de Shanter, ou ses Joyeux Mendiants, ou ses Petits Poèmes, ou ses Épîtres. Les formes elles-mêmes semblent abandonnées et paraissent appartenir au vieux temps. C'est qu'en réalité Burns a été le point culminant d'une littérature indigène qui semble close maintenant. Il a été le plus brillant, le plus savoureux, le dernier fruit, sur le plus haut rameau du vieil arbre écossais.
Ce n'est pas à dire qu'il n'ait pas d'influence. Il en a, au contraire, une considérable. S'il n'a pas une influence étroite de manière littéraire, il a une influence littéraire générale, comme les grands écrivains qui sont des modèles, et chez qui les hommes de tous temps vont prendre des leçons pour le maniement de la pensée. Là, son influence est toute de nerf, de marche directe et prompte. Il est impossible de vivre avec lui pendant quelque temps sans prendre goût à la simplicité, sans s'éloigner de ce qui sent le développement, la longueur et l'afféterie. Son commerce est ferme et mâle. Il n'est point de poète qui puisse mieux remplacer les anciens. Il a, avec celle-là, une influence plus grande encore, et, à ce qu'il semble, constamment grandissante. Sa poésie a une vertu d'action. Elle est pratique et efficace. Elle parle de gaîté, de bonté, de vaillance, avec un accent qui convainc. Elle est faite, non pour les hauts dilettantes de rêverie, mais pour les travailleurs de la vie, ceux qui ont besoin d'un mot viril pour se remettre le cœur, de chanter un vers allègre pour se redonner de l'espoir. Elle circule dans le peuple. C'est une source de proverbes, de refrains, de préceptes brefs et portatifs. Il est peut-être à cette heure le poète moderne le plus cité dans le monde. Ses chansons résonnent en Amérique, en Australie, aux Indes, partout où est la langue anglaise, et ses vers—à lui qui aimait si peu les prêtres—sont cités jusque dans la chaire par les voix les plus graves et les plus pures[927]. Il a augmenté le nombre de ces livres bienfaisants où les hommes cherchent des moments de tendresse, de gaîté, d'enthousiasme, supérieurs à la vie qu'ils mènent. Et par là encore il est devenu tout d'un coup un classique, sans passer par cette épreuve d'influence et de mode littéraires, dans laquelle les plus grands subissent des critiques, souffrent des élaguements, connaissent la discussion, les vicissitudes et les dénigrements, pour prendre ensuite leur rang définitif.
Il est assuré de chances singulières de durée. Son langage est si simple qu'il ne vieillira pas. Il n'est pas jusqu'à l'emploi d'un dialecte séparé, soustrait désormais aux fluctuations de la langue littéraire, qui ne le place d'abord dans un langage clos et définitif. Et il est, par un autre côté, préservé d'autres causes de ruine ou de délabrement. La part de considérations générales est importante chez les poètes modernes. Les plus grands: Wordsworth, Shelley, Byron, Tennyson, en sont chargés. Leur poésie est philosophique. Une portion de leur influence est due ou a été due—car il faut déjà parler ainsi—à cet élément de pensée abstraite. La force, la hauteur, la portée de leur esprit s'y manifestent. Mais que c'est là une grandeur périlleuse! Ce qui fait leur puissance sur leur génération est peut-être ce qui la détruira auprès des générations futures. Les solutions, bien plus, les aspirations philosophiques se transforment; rien n'est plus susceptible de vieillir que ces conceptions; la part de vérité qu'elles renferment les abandonne, se combine autrement avec les besoins et les clartés de nouvelles époques. Les systèmes sont délaissés, comme des temples où la divinité ne réside plus: la poésie, souvent magnifique, qui s'y trouvait comprise, en souffre; les arceaux et les voûtes s'écroulent, le plan de l'édifice disparaît; il ne demeure plus que des fragments disjoints. Combien un cri de passion ou la simple représentation de la vie sont plus indestructibles! Et cette dévastation se fait rapidement. Où en est la philosophie des Méditations? Où s'en vont les élucubrations philosophiques de Hugo? La richesse d'images et de tableaux qui y est versée n'eût-elle pas fourni une œuvre plus solide, si elle eût été appliquée à des sujets concrets, comme les Pauvres gens ou Eviradnus. Qui sait si, dans un siècle, la profondeur de In Memoriam ne sera pas comblée? Peut-être l'avenir tient-il en réserve un peu de la destinée de du Bartas pour quelques-uns de nos poètes. Or toute cette partie conjecturale et caduque n'existe pas dans Burns. Sa poésie est faite d'action et de passion; on n'y rencontre de philosophie que ce que la réalité en contient. Et cela suffit bien. Car, à y regarder de près, où est la philosophie des grands peintres humains? En dehors des aphorismes sur la brièveté du présent, sur l'incertitude de l'avenir, qui sont des lieux communs, il n'y a pas pour deux oboles de philosophie dans Shakspeare ou dans Molière. Ils appliquent l'énergie de leur esprit et leur puissance de sentir aux conceptions ordinaires de leur temps. Leur mérite n'est pas de trouver que les hommes sont égaux, sont frères, qu'il faut travailler, pardonner, tous préceptes acquis à l'humanité, mais de les exprimer avec nouveauté; de même qu'ils rajeunissent l'expression de l'amour. C'est pure manie que de vouloir tirer de la philosophie des poètes; la critique allemande, qui s'est appliquée sérieusement à cette besogne, en extrait des banalités et des niaiseries, quelque chose comme le résidu d'un mauvais sermon de pasteur. Il faut, en tous cas, reprendre les œuvres de ces poètes avec des cerveaux critiques ou systématiques, appeler toute une théorie sur une pointe de mots, pour leur trouver des vues sur l'existence qui dépassent les aphorismes qu'on dit couramment sur elle. Ce n'est pas à dire que leur peinture ne contienne pas de réflexions, et que celles-ci ne puissent avoir de la profondeur. La vie charrie de la philosophie. Les problèmes qu'elle rencontre sont éternels. Un paysan qui dit: «On ne sait pas où on va quand on est mort» a dit le dernier mot des philosophies humaines. Il arrive parfois que les plus subtiles questions soient posées par les êtres les plus simples, et que les réponses des plus grands penseurs soient trouvées par des ignorants.
À ces raisons pour qu'il soit épargné dans le bris de renommées que fait le temps, s'ajoute la curiosité de sa situation exceptionnelle. Il est l'unique poète des paysans et des misérables. D'autres ont essayé de raconter leurs misères et leurs joies; ils ont chanté les pauvres. Ici ce sont les pauvres qui chantent. Ils parlent pour leur propre compte; ils relèvent le front; ils se déclarent aussi fiers et plus joyeux que les autres; ils revendiquent l'honneur d'être pleinement des hommes, souvent meilleurs que ceux au-dessus d'eux. Wordsworth a parlé d'eux comme un pasteur vertueux et optimiste, Crabbe comme un médecin pénétrant et attristé. Quelque sympathie sereine ou sévère qu'ils aient éprouvée, il y a en eux un peu de conseil et de pitié, qui sent la supériorité. Burns est un paysan. S'il a dit, en accents poignants, leurs détresses, il a été aussi le poète de leur fierté, de leurs efforts, et de leurs amours. Il a rendu l'existence des campagnards d'une façon définitive, très exacte et très humaine à la fois; la force de son génie, par un phénomène qui ne se renouvellera peut-être plus, l'a fait sortir de sa sphère de poète local pour se mettre au rang des poètes universels. Il restera un cas unique en littérature, «un homme représentatif», selon l'expression d'Emerson; le type glorieux de tant de pauvres poètes rustiques, qui ne purent jamais s'élever au-dessus de la glèbe.
En arrivant à son terme, cette étude, quelque longue et minutieuse qu'elle ait été, a la conscience de n'avoir point tout dit. Nous n'épuisons jamais une œuvre d'art; nous en prenons ce que nous pouvons pour notre consommation, pour notre nourriture personnelle, et nous en assimilons des parties différentes selon nos tempéraments et nos besoins. C'est pourquoi la critique varie et se renouvelle avec les individus, avec les époques; elle n'est jamais achevée, jamais fermée. Une œuvre d'art est comme une source éternelle; des hommes de cieux et de siècles divers y viennent en longs pèlerinages. Chacun y puise avec le vase qu'il y apporte, l'un avec un gobelet d'argent, l'autre avec une coupe de cristal, l'autre avec une jarre de grès, l'autre avec un riche calice d'émail, l'autre avec une pauvre écuelle d'argile. Chacun en boit une quantité différente et la goûte diversement; mais elle les rafraîchit tous et met sa douceur sur leurs lèvres. À travers les temps, par milliers, ils se succèdent; et jamais deux d'entre eux n'en prendront la même quantité et n'y trouveront la même saveur. Cette pensée donne à tout travail de critique une amertume, la connaissance qu'il est incomplet, provisoire, éphémère. Même à cette petite fontaine retirée, qui a été pour nous un lieu de prédilection, dont nous avons goûté la fraîcheur longuement, trop longuement peut-être, et dont nous avons essayé de dire le charme, d'autres hommes viendront à qui notre façon de sentir paraîtra insuffisante, qui trouveront que nous l'avons mal comprise. Mais, après tout, nous y aurons bu une eau saine et claire; et peut-être aussi en aurons-nous montré le sentier à ceux dont les pas recouvriront les nôtres.
BIBLIOGRAPHIE.
Nous n'avons pas l'intention de donner ici la bibliographie de Burns. C'est un travail qui n'incombe pas à la critique littéraire. D'ailleurs ce travail a été fait par des hommes qui y ont consacré presque une existence et par des maîtres de la bibliographie. Les curieux de ce genre de renseignements pourront les trouver dans les ouvrages suivants:
Bibliotheca Burnsiana. Life and Works of Burns: title pages and imprints of the various editions in the Private Library of James Mac Kie, Kilmarnock, prior to date 1866. Kilmarnock, James Mac Kie, printer 1866.
Sauf les reproductions de titres, on trouvera le contenu de ce premier ouvrage, épuisé, dans le
Catalogue of the Mac Kie Burnsiana Library. Kilmarnock. Printed by James Mac Kie, August 1883.
Enfin, on trouvera la bibliographie complète de Burns, dans le livre qui est né de la ferveur et de la longue patience avec lesquelles Mac Kie a réuni tous les renseignements sur Burns, durant de nombreuses années.
The Bibliography of Robert Burns, with Biographical and Bibliographical notes and Sketches of Burns Clubs, Monuments and Statues. Kilmarnock, Printed by James Mac Kie, 1881, 340 pages.
On trouve d'intéressantes notes bibliographiques sur Burns et une liste des éditions clairement disposées par années, dans:
The Burns Calendar. Kilmarnock, Printed and Published by James Mac Kie, 1874.
À ces bibliographies, il faut ajouter celle que M. J.-A. Anderson du British Museum a jointe à la vie de Burns par J.-S. Blackie, dans la collection des Great Writers. Elle fait partie de cette remarquable suite de travaux dans laquelle M. Anderson aura, pour ainsi dire, écrit l'histoire littéraire bibliographique de l'Angleterre. Ce sont des modèles de clarté et de conscience. Nous sommes heureux de remercier ici M. J.-A. Anderson de la courtoisie et de l'infatigable obligeance avec lesquelles il nous a permis de recourir à son savoir.
Il était inutile et, on peut le dire, impossible de refaire des choses si bien faites. Nous ne donnons donc ici que la bibliographie de notre livre, les ouvrages qui nous ont servi. La plupart d'entre eux correspondent à des renvois; quelques-uns, sans offrir de renseignement précis, ont fourni certaines impressions et comme l'atmosphère de quelques coins de vie écossaise.
Nous avons présenté cette bibliographie par sujets. C'est un système qui a quelque inconvénient, en ce que les recherches y sont moins promptes. Il a l'avantage de présenter une vue moins dispersée et de donner une bibliographie organisée. Il est plus instructif. D'ailleurs comme peu d'ouvrages et seulement les plus généraux et les plus faciles à retrouver servent en plusieurs endroits, ce désavantage sera peu considérable et sera compensé par la commodité d'avoir la bibliographie de chaque chapitre ramassée au fur et à mesure de la lecture.[Lien vers la Table des matières.]
PREMIÈRE PARTIE.
BIBLIOGRAPHIE DE BURNS.
I.
OUVRAGES SUR LE DIALECTE ÉCOSSAIS DES BASSES-TERRES ET LA LANGUE DE
BURNS.
An Etymological Dictionary of the Scottish Language, to which is prefixed a Dissertation on the origin of the Scottish Language, by John Jamieson. A new edition carefully revised and collected, with the entire supplement incorporated, by John Longmuir and David Donaldson. 4 vols. Paisley, Alexander Gardner, 1879.
Jamieson's Dictionary of the Scottish Language, abridged by John Johnston, a new edition revised and enlarged, by John Longmuir. Edinburgh, William P. Nimmo, 1867.
The Poetry and Humour of the Scottish Language by Charles Mackay. Alexander Gardner, Paisley, 1882.
A Dictionary of Lowland Scotch by Charles Mackay. London, Whittaker and Co, 1888.
Est en partie fondé sur le précédent ouvrage.
The Dialect of the Southern Counties of Scotland, its Pronounciation, Grammar and Historical Relations. With an Appendix on the present limits of the Gaelic and Lowland Scotch, and the Dialectical Divisions of the Lowland Tongue, by J. A. H. Murray. London, Published for the Philological Society, by Asher, 1873.
The Scottish Language, in the Edinburgh Review no 324, October 1883.
A Critical Inquiry into the Scottish Language, with the view of illustrating the Rise and Progress of Civilisation in Scotland by Francisque Michel. William Blackwood and Sons, Edinburgh, 1882.
A Complete Word and Phrase Concordance to the Poems and Songs of Robert Burns, incorporating a Glossary of Scotch Words, with Notes, Index and Appendix of Readings, compiled and edited by J. B. Reid. Glasgow, Kerr and Richardson, 1889.
Complete Glossary to the Poetry and Prose of Robert Burns, by John Cuthbertson Paisley, Alexander Gardner, 1886.
Editorial Remarks on Scottish Language. Part. I. Scottish Language. Part. II. Language of Burns by Hately Waddell.
Dans son édition de Burns citée plus bas.[Lien vers la Table des matières.]
II.
PRINCIPALES ÉDITIONS DE BURNS, ET PRINCIPALES BIOGRAPHIES.
Les éditions de Burns sont très nombreuses. Dans son Burns Calendar, Mac Kie en donne une liste, jusqu'à 1874, qui en comprend 403. Il faudrait sans doute en ajouter une cinquantaine pour compléter le chiffre jusqu'aujourd'hui. Il ne saurait être question de reproduire ces nomenclatures. Nous nous contenterons d'indiquer les principales éditions de Burns, celles qui ont un intérêt particulier, parce qu'elles contiennent quelques renseignements nouveaux sur lui.
Poems chiefly in the Scottish Dialect, by Robert Burns.
The simple Bard, unbroke by rules of Art,
He pours the wild effusions of the heart;
And if inspir'd 'tis Nature's pow'rs inspire;
Her's all the melting thrill, and her's the kindling fire.
Anomymous.
Kilmarnock, Printed by John Wilson, M,DCC,LXXXVI.
C'est la première édition de Burns. L'exemplaire du British Museum porte les noms propres, qui étaient indiqués par des astérisques dans l'impression, écrits de la grande écriture droite et ferme de Burns. Il contient aussi le poème Reflections on a Sick-bed, qui semble aussi être de sa main. Mais un autre poème, Verses written on the Hermitage at Taymouth by Mr Burns, est d'une main différente.
Poems chiefly in the Scottish Dialect, by Robert Burns. Edinburgh, printed for the author and sold by William Creech, M,DCC,LXXXVII.
Cette édition est curieuse à cause de la liste des souscripteurs, et surtout à cause du petit portrait de Burns, gravé par Beugo, d'après le portrait à l'huile par Nasmyth, avec de légères modifications. La gravure est peut-être plus réelle que le portrait, certains traits de physionomie paysanne y sont plus indiqués.
Poems chiefly in the Scottish Dialect, by Robert Burns, 2 vols. Edinburgh, Printed for T. Cadell, 1793.
Cette édition est connue sous le nom de Seconde Édition d'Édimbourg. Elle comprend de nouveaux poèmes, entre autres Tam o' Shanter, Lament for James Earl of Glencairn, Lament of Mary Queen of Scots, the Wounded Hare, etc.
The Scots Musical Museum, Humbly dedicated to the Catch Club. Instituted at Edinburgh, June 1771. By James Johnson, 6 vols. Edinburgh, Printed and sold by James Johnson (1787-1803).
Thomson's Collection of the Songs of Burns, Sir Walter Scott, Bart., and other eminent Lyric Poets, ancient and modern, united to the select melodies of Scotland, and of Ireland and Wales, with symphonies and accompaniments for the Piano-forte, by Pleyel, Haydn, Beethoven, etc. The whole composed for and collected by George Thompson F. A. S., Edinburgh. In six volumes (quarto). London, Printed and sold by Preston, 1822.
C'est le fameux recueil de Thomson auquel on doit une partie des chansons de Burns et une portion considérable de sa correspondance.
Outre ces éditions, il a été publié, pendant la vie de Burns, neuf autres éditions, les unes qui étaient des réimpressions des éditions d'Édimbourg, faites à Londres; d'autres qui étaient des contrefaçons. Ainsi il a été publié deux éditions à Belfast, deux à Dublin, une à New-York, une à Philadelphie. Ces éditions n'ont d'autre intérêt que de montrer la rapide et étendue popularité de l'œuvre de Burns. Les principales Éditions publiées depuis sa mort sont les suivantes:
The Life of Robert Burns with a Criticism on his Writings, by James Currie, M. D. originally published in connection with the works of Burns in 1800,—here considerably extended by additional remarks, many of which were never before made public. Edinburgh. Published by William and Robert Chambers, 1838.
Cette édition est la réimpression de la fameuse édition de Currie, avec des notes par R. Chambers. L'exemplaire que nous possédons et qui a appartenu à William Scott Douglas porte des notes manuscrites de cet excellent éditeur de Burns.
Poems ascribed to Robert Burns, the Ayrshire Bard, not contained in any Edition of his works hitherto published (a thin octavo). Glasgow, Thomas Stewart, 1801.
Cette édition contient un certain nombre de pièces imprimées pour la première fois: The Kirk's Alarm, The Twa Herds, Holy Willie's Prayer, et surtout les immortels Jolly Beggars.
The Poetical Works of Robert Burns. A new edition. To which is prefixed a Sketch of his Life. 3 vols. London, Cadell and Davies, 1804.
La vie de Burns contenue dans cette Édition est par Alexander Chalmers.
Reliques of Robert Burns, consisting Chiefly of original letters, poems and critical observations on Scottish Songs. Collected and Published by R. H. Cromek, fourth edition. London, Cadell and Davies, 1817.
Cette publication (dont la première Édition est de 1808) augmenta beaucoup les documents sur Burns. Elle donnait 62 lettres nouvelles, les Common-place Books, et des anecdotes dont quelques-unes sont utiles.
Poems by Robert Burns with an Account of his Life and Miscellaneous Remarks on his Writings. Edinburgh, Printed for the Trustees of the late James Morison, 1811.
C'est dans cette édition que se trouve la biographie de Burns par Josiah Walker. Celui-ci, on l'a vu dans la biographie, avait beaucoup connu et admiré Burns; ses souvenirs, a tout prendre, très exacts et très justes, restent un des documents les plus précieux sur le poète.
The Life and Works of Robert Burns, as originally edited by James Currie, to which is prefixed a Review of the Life of Burns and of various criticisms on his character and writings, by Alexander Peterkin. Edinburgh, Macredie, Skelly, etc., 1815, 4 vols.
Cette édition, outre la vie de Burns par Peterkin, comprend comme documents nouveaux des lettres de Gilbert Burns, de James Gray, d'Alexandre Findlater et de George Thomson, à l'éditeur.
The Poems and Songs of Robert Burns with a Life of the Author, by the Rev Hamilton Paul. Ayr. Wilson, Mac Cormick and Carnie, 1819.
La vie de Burns, qui est en tête de l'édition et qui est une défense intrépide du poète, déchaîna contre le Rev. Hamilton Paul des colères cléricales. Il manqua être traduit devant le presbytère.
The Works of Robert Burns, with an account of his Life and criticism on his writings. To which are prefixed some observations on the character and condition of the Scottish Peasantry. By James Currie M. D.—To which are now added some further particulars of the Author's Life, new notes, illustrative of bis Poems, and Letters, and many other Additions, by Gilbert Burns. London, T. Cadell and W. Davies, 1820.
Cette édition fut demandée à Gilbert Burns par les éditeurs. Gilbert devait recevoir 500 livres si la publication atteignait une seconde édition. Ce fut un échec, car elle ne contenait qu'une portion insignifiante de matériaux nouveaux. Gilbert reçut donc seulement 250 livres. C'est avec cette somme qu'il put rembourser à Jane Armour les 180 livres que Robert lui avait prêtées trente-trois ans auparavant, sur les bénéfices de la première Édition d'Édimbourg.
The Poetical Works of Robert Burns. London, William Pickering, 1830.
Cette édition faisait partie de l'Aldine Collection des Poètes anglais. Elle mérite d'être signalée à cause de l'intéressante biographie de Burns par Sir Harris Nicolas. On trouvera cette biographie dans l'édition actuelle des Aldine Poets.
The Works of Robert Burns, with Life, by Allan Cunningham. Edinburgh, Ingles and Jack. n. d. La première édition de A. Cunningham en 2 vol. a paru en 1834.
Celle-ci est une réimpression de l'édition de 1840. Allan Cunningham a laissé, sur le séjour de Burns à Ellisland et à Dumfries, des souvenirs précieux, encore que parfois un peu dramatisés. Son père, qui était fermier, avait connu Burns lorsque celui-ci était venu s'établir sur les bords de la Nith.
The Works of Robert Burns, edited by the Ettrick Shepherd and William Motherwell, 5 vols. Glasgow. Archibald Fullarton, 1836.
Cette édition contient la vie de Burns par James Hogg. C'était ce jeune berger qui grandissait dans la vallée d'Ettrick, au moment où Burns faisait son voyage des Borders. Il était devenu maintenant célèbre. Le chapitre II du Memoir sur Burns, intitulé On the Peasantry of Scotland, donne bien l'idée de la poésie qui vivait dans le peuple. La fin comprend une discussion de l'Essai de Carlyle (que Hogg écrit Carlisle); il défend Tam o' Shanter contre le singulier jugement de Carlyle. Motherwell est surtout connu pour avoir publié une collection de ballades: Minstrelsy Ancient and Modern.
The Correspondence between Burns and Clarinda, with a Memoir of Mrs Mac Lehose (Clarinda), arranged and edited by her Grandson, W. C. Mac Lehose. Edinburgh, William Tait, 1843.
Ce volume contient les lettres de Clarinda à Burns et la vie de Clarinda où nous avons trouvé les renseignements qui nous ont permis d'essayer de reconstituer son caractère.
The Works of Robert Burns, with a complete Life of the Poet and an Essay on his Genius and Character, by Professor Wilson, 2 vols. Blackie and Son, 1853.
C'est l'édition connue sous le nom de l'édition de Blackie, intéressante à cause du grand nombre de gravures, de paysages, et de portraits. Cette édition contient l'essai très surfait de John Wilson sur Burns. C'est une déclamation pompeuse et verbeuse, presque constamment hors de tout contact avec le vrai, sans critique et sans réelle pénétration. La première date de cette édition est de 1846.
The Life and Works of Robert Burns, edited by Robert Chambers. Library Edition, 4 vols. W. and R. Chambers. Edinburgh, 1856.
Cette édition est indispensable pour la lecture de Burns; elle mélange le récit de la vie et les œuvres de la façon la plus instructive, la plus juste en somme, et la plus consciencieuse. C'est un modèle de travail honnête et modeste.
The Complete Works of Robert Burns, with a memoir by William Gunyon. Edinburgh, William Nimmo, 1866.
Sans grande nouveauté, cette édition est compacte et commode pour le travail. Le mémoire de Gunyon est d'un homme qui connaît bien Burns et en parle avec franchise.
The Poetical Works of Robert Burns, edited by the Rev Robert Airis Wilmott. London, Routledge, 1858.
L'introduction par le Rev. Wilmott contient des passages intéressants sur Burns et sort des biographies ordinaires.
Poems Songs and Letters, being the Complete Works of Robert Burns, by Alexander Smith (The Globe Edition). London, Macmillan, 1879.
La biographie par A. Smith est faite par un poète. Toute la partie qui touche aux sentiments de Burns pendant son séjour à Édimbourg est pénétrante. On croirait que quelques passages de la vie d'Alex. Smith l'ont aidé à comprendre la situation de Burns au milieu de cette société élégante. L'apparition de l'édition Smith date de 1865.
Life and Works of Robert Burns, by P. Hately Waddell. Glasgow, Printed and published by David Wilson, 1867.
C'est une édition consciencieuse qui a apporté quelques détails nouveaux et donné les derniers portraits de Burns. Il y a aussi, dans les Memoranda, des anecdotes qui n'avaient point paru auparavant. Dans sa notice biographique Hately Waddell veut trop obstinément excuser Burns de toute erreur. Il ferme les yeux à l'évidence.
The Complete Works of Robert Burns, edited by William Scott Douglas, 6 vols. Edinburgh, William Paterson, 1838.
Cette belle édition critique est la plus complète et la plus soignée; elle donne les variantes des poèmes. Le nom de William Scott Douglas restera attaché à celui de Burns, comme ceux de Chambers, de Lockhart, de Currie. Il est inutile de rappeler que c'est lui qui a élucidé l'histoire de Mary Campbell et dissipé l'obscurité dans laquelle Burns avait espéré la laisser.
The National Burns, edited by Rev. George Gilfillan, including all the Airs of all the Songs, and an original Life of Burns by the editor. Edinburgh, William Mackenzie, 1879-80.
La vie que Gilfillan a écrite pour cette édition est une des plus courageuses et des plus sincères qui aient été écrites en ces derniers temps sur Burns.
Burns selected Poems, edited with introduction and notes, and a glossary, by J. Logie Robertson. Clarendon Press Series, Oxford, 1889.
Nous citons cette édition pour indiquer l'entrée pour ainsi dire officielle de Burns dans l'éducation des jeunes Anglais. Il est consacré, par la plus haute autorité en matière d'enseignement, comme un des classiques avec lesquels on forme la jeunesse d'une nation.
Outre les biographies contenues dans les éditions que nous venons de citer, dont quelques-unes comme celles de Currie, de Allan, de Cunningham, de Chambers, sont des plus précieuses, un certain nombre d'autres ont été publiées à part, qui sont également nécessaires pour la connaissance de Burns.
A Memoir of the Life of the late Robert Burns, written by R. Heron. Edinburgh, Printed for T. Brown, 1797.
C'est la première des vies de Burns qui ait été publiée. Elle avait paru dans The Monthly Magazine and British Register, for 1791, from January to June inclusive. Robert Héron avait connu Burns. Il mena lui même une vie misérable de besogne littéraire et de débauche, et finit par mourir de misère à l'hôpital en 1807, après avoir passé dans la prison de Newgate les dernières années de sa vie. Nous avons trouvé ce mémoire reproduit intégralement dans le Scottish Biographical Dictionary de R. Chambers.
The Lives of the Scottish Poets, with Preliminary Dissertation on the Literary History of Scotland, etc., by David Irving, 2 vols. Edinburgh, Alex. Lawrie, 1804.
La vie de Burns se trouve dans le second volume. David Irving, l'historien de la Poésie écossaise, était entré en 1796 à l'Université d'Édimbourg. Il avait donc connu beaucoup de personnes qui avaient connu Burns. Après une vie de travail d'archéologie littéraire, il mourut à Édimbourg en 1860.
The Life of Robert Burns, by J. C. Lockhart, enlarged edition, revised and corrected from the latest text of the Author, with new annotations and appendices, by William Scott Douglas. London, George Bell and Sons, 1882.
C'est la célèbre biographie de Lockhart, revue par le dernier des éditeurs de Burns. C'est un excellent livre, très bien fait, sobre, plein de renseignements, d'équité, d'indulgence, et de tous points digne de sa réputation. Il reste, malgré des endroits arriérés, une des plus intéressantes lectures sur Burns.
Essay on Burns, by Thomas Carlyle.
C'est le fameux Essai qui parut dans le No 96 de l'Edinburgh Review (1828) à propos de la publication de la vie de Burns par Lockhart. C'est un morceau admirable de pénétration et d'éloquence et ce qui a été écrit de plus fort sur Burns.
Carlyle s'est encore occupé de Burns dans ses lectures On Heroes, Hero-Worship and the Heroic in History (1840). Dans la sixième Lecture: The Hero as Man of Letters. Johnson, Rousseau, Burns. Il y a là aussi de remarquables pages sur le poète.
Robert Burns as a Poet and as a Man, by Samuel Tyler (note manuscrite de Scott Douglas: Of the Maryland Bar). Dublin, published by James Mac Glashan, 1849. (au-dessous de la date se trouve cette seconde note, également de la main de Scott Douglas: This is a reprint of the author's edition, published in New-York by Baker and Scribner 1848.)
Robert Burns by Principal Shairp, In the collection of English Men of Letters Macmillan. London, 1879.
Une vie sagement écrite, à laquelle il manque, par suite de l'austérité de la vie et de l'esprit de l'auteur, non seulement un peu de sympathie, mais même un peu d'intelligence des côtés faibles et répréhensibles de Burns.
Robert Burns, a Summary of his Career and Genius, by John Nichol. Edinburgh, William Paterson, 1882.
Life of Robert Burns, by John Stuart Blackie. London, Walter Scott, 1888.
Ce travail qui fait partie de la série des Great Writers, éditée par le Professeur Eric S. Robertson, est, comme tout ce qui sort de la plume de John Stuart Blackie, jeune et vivant. Il y a bien un peu de ce que Burns appelait lui-même «l'honnête préjugé de ses concitoyens».[Lien vers la Table des matières.]
III.
RENSEIGNEMENTS SUR LA FAMILLE DE BURNS, SUR DES PÉRIODES PARTICULIÈRES
DE SA VIE, SES CONTEMPORAINS. DOCUMENTS DIVERS.
Genealogical Memoirs of the Family of Robert Burns, and of the Scottish House of Burns, by the Rev Charles Rogers. Edinburgh, W. Paterson, 1877.
A Manual of Religious Belief, composed by William Burnes, for the instruction of his Children. Kilmarnock. Mr Kie, 1875.
C'est une sorte de résumé de catéchisme, par questions et réponses, qui avait été écrit par le père de Burns. Il est intéressant comme une preuve du soin que cet homme apportait à l'éducation de ses enfants.
The Book of Robert Burns, Genealogical and Historical Memoirs of the Poet, his Associates, and those celebrated in his writings, by the Rev Charles Rogers, 3 vols. Edinburgh, printed for the Grampian Club.
Burns and his Kilmarnock Friends, by Archibald Mac Kay. Kilmarnock, Archibald Mac Kay, 1874.
The Contemporaries of Burns and the more recent Poets of Ayrshire, with selections from their writings. Hugh Paton, Edinburgh, 1840.
Robert Burns at Mossgiel, with reminiscences of the Poet by His Herd-Boy, by William Jolly. Paisley, Alexander Gardner, 1881.
A Winter with Robert Burns, being annals of his Patrons and Associates in Edinburgh, during the year 1786-87. Edinburgh, Printed by Peter Brown, 1846.
Burns in Dumfriesshire, a Sketch of the last eight Years of the Poet's Life, by William Mac Dowall. Edinburgh, Adam and Charles Black, 1870.
Some Account of the Glenriddell Mss of Burns's Poems, with several poems never before published, edited by Henry A. Bright (printed for private distribution) Liverpool. Gilbert G. Walmsley, 1874.
Nous avons l'exemplaire offert à Robert Carruthers d'Inverness, par William Scott Douglas.
Chambers. Edinburgh Journal, no 340, New Series. Saturday July 6, 1830. A Heroine of Burns.
Cet article est le compte rendu de la communication faite par Scott Douglas à propos de Mary Campbell. Il a été relié, avec quelques notes manuscrites de Scott Douglas, dans notre copie de l'édition de Currie revue par Chambers, qui était celle de Scott Douglas.
Phrenological Development of Robert Burns, from a cast of his skull moulded at Dumfries, the 31st. day of March 1834, with remarks by George Combe, Author of «A system of Phrenology», etc. Edinburgh, W. et A. K. Johnson, 1859.
The Burns Calendar, a Manual of Burnsiana, relating events in the Poets's History, etc. Kilmarnock, James Mac Kie, 1874.
Burnsiana: a collection of Literary Odds and Ends relating to Robert Burns, compiled by John D. Ross. Paisley, Alexander Gardner, 1892.[Lien vers la Table des matières.]
IV.
LA CONTRÉE DE BURNS.
A Pilgrimage to the Land of Burns, containing anecdotes of the Bard and of the characters he immortalized. (By Hugh Ainslie) Deptford, 1822.
The Land of Burns, a series of Landscapes and Portraits, illustrative of the Life and Writings of the Scottish Poet, by John Wilson and Robert Chambers. The landscapes from paintings made expressly for the work by D. O. Hill. 2 vols. Glasgow. Blackie and Son, 1840.
Ward and Lock's Illustrated Guide to and Popular History of the Land of Burns. London. Ward, Lock and Co. n. d.
Paterson's Guide to Glasgow, the Clyde, and Land of Burns. Edinburgh, William Paterson, n. d.
Guide to Ayr and the Land of Burns, Ayr, Printed and Published by H. Henry, n. d.
A Ramble Among the Scenery of Burns (from the Highland Note-Book by R. Carruthers. Inverness).
Se trouve réimprimé dans l'édition de Blackie.
Rambles through the Land of Burns, by Archibald R. Adamson. Kilmarnock. Dunlop and Drennan, 1819.
Ceci est un gentil livre, assez bien fait, aimable, et celui qu'il convient le mieux d'emporter avec soi quand on va visiter le pays de Burns.
In Ayrshire. A Descriptive Picture of the County of Ayr, by William Scott Douglas Kilmarnock. Mac Kie and Diennan, 1874.
Auld Ayr. At the office of the Ayr Observer, n. d.
The History of Kilmarnock, by Archibald Mac Kay, fourth edition. Kilmarnock, Archibald Mac Kay, 1880.
Rambles Round Kilmarnock, with a sketch of the Town, by Archibald R. Adamson Kilmarnock, Dunlop and Drennan, n. d. (second edition).
Views of in North Britain, illustrative of the Works of Robert Burns, by James Storer and John Greig. London. Vernor and Hood, 1805.
Memorials of St Michaels, the old Parish Churchyard of Dumfries, by William Mac Dowall. Edinburgh, William and Charles Black, 1876.
The Visitor's Guide to Dumfries and Vicinity, by William Mac Dowall. Dumfries, Currie and Co, 1871.
History of the Burgh of Dumfries, by William Mac Dowall. Second Edition. Edinburgh, Adam and Charles Black, n. d.
Troon and Dundonald with their Surroundings, Local and Historical, by the Rev J. Kirk Wood. Kilmarnock, James Mac Kie, 1881.
Ardrossan, Saltcoast, and Neighbourhood, by Arthur Guthrie. Ardrossan. Arthur Guthrie.
Rambles in Galloway, Topographical, Historical, Traditional, and Biographical, by Malcolm Mac Lachlan Harper. Edinburgh, Edmonston and Douglas, 1876.
Il faut ajouter à ces ouvrages locaux les portions des ouvrages sur l'Écosse cités plus loin, qui touchent aux endroits où a vécu Burns.[Lien vers la Table des matières.]
V.
PRINCIPAUX ARTICLES DE CRITIQUE MORALE OU LITTÉRAIRE SUR BURNS.
DISCOURS. — VERS.
Walter Scott. Review of Reliques of Robert Burns by R. H. Cromek, in the Quarterly Review, February and May, 1809.
Cet article est reproduit dans les Œuvres complètes de sir Walter Scott. Nous l'avons trouvé dans les Prose Works publiés par Baudry.
Francis Jeffrey. Review of «Reliques Robert Burns» in The Edinburgh Review October 1808, January 1809.
Nous avons trouvé cet article dans le choix d'articles de la Revue d'Édimbourg publié par Baudry.
A Critique on the Poems of Robert Burns, illustrated by engravings. Edinburgh, John Brown, 1812.
William Wordsworth. A Letter to a Friend of Robert Burns, occasioned by an intended republication of the account of the Life of Burns by Dr Currie and of the selection made by him from his letters (octavo pamphlet). London, Longman, 1816.
L'ami auquel cette lettre était adressée était le Rev. James Gray, maître de la Grammar School de Dumfries, qui avait été fort lié avec Burns. Cette lettre se trouve dans les Prose Works de Wordsworth édités par Grosart.
Lives of Scottish Poets (by the Society of Ancient Scots), 6 vols. London, Printed for Thomas Boys, 1822.
An Essay on English Poetry with notices of the British Poets, by Thomas Campbell. London, John Murray, 1848.
Lectures on the English Poets, delivered at the Surrey Institution, by William Hazlitt. Lecture VII. On Burns and the old English Ballads.
Satire and Satirists, by James Hannay. Lecture V: Political Satire and Squibs, Burns. London, David Bogue, 1854.
Robert Carruthers (of Inverness). Life of Burns, dans la Cyclopædia of English Literature de Chambers.
Robert Burns, a memoir by the Rev. James White, author of «The Landmarks of English History». London, Routledge, Warnes, 1859.
Genius, and Morality of Robert Burns. A Lecture, a Eulogy, by Hately Waddell. Ayr, Published at Ayrshire Express Office, 1859.
Burns the Ploughman-Poet, a Memorial Tribute by William Ballingal. Peckham, S. E., n. d.
Burns in Drama, together with saved Leaves, edited by James Hutchison Stirling. Edinburgh, Edmonston and Co, 1878.
The Loves of Burns, by G. D. Mac Kellar. Glasgow, A. F. Sharp and Co, n. d.
Lives of Famous Poets by William Michael Rossetti. London, E. Moxon, Son and Co, 1878.
Literary and General Lectures and Essays, by Charles Kingsley. Burns and his School. London, Macmillan, 1880.
Essays on English Writers, by the author of The Gentle Life. London, Sampson Low, Marston, etc., 1880.
Wrecked Lives; or Men who have Failed, by W. H. Davenport Adams. Second series. Published under the direction of the committee of general Literature and Education, appointed by the Society for Promoting Christian Knowledge. London, Society for Promoting Christian Knowledge, 1880.
Familiar Studies of Men and Books, by Robert-Louis Stevenson. Some aspects of Robert Burns. London, Chatto and Windus, 1882.
Memorials of Robert Burns, by the Grandson of Robert Aiken. London, Sampson Low, Marston, 1886.
Robert Burns, three lectures, by Rev. David Macrae. Dundee, J. P. Mathew and Co, 1886.
Robert Burns, an inquiry into certain aspects of His Life and Character, and the moral influence of his Poetry, by a Scotchwoman (Miss M. S. Gairdner). London, Elliot Stock, 1887.
Chronicle of the Hundredth Birthday of Robert Burns, collected and edited, by James Ballantine. A. Fullarton, Edinburgh, 1859.
Ce gros volume comprend les comptes-rendus de tous les meetings qui ont eu lieu dans le monde entier à l'occasion du centième anniversaire de la naissance de Burns, avec un resumé des discours, toasts, récitations, banquets, etc. On prend à le manier une idée de la popularité universelle de Burns. Il n'y a pas eu moins de 872 de ces réunions enthousiastes et respectueuses.
Round Burns' Grave, the Pæans and Dirges of many Bards, gathered together by John D. Ross. Paisley, Alexander Gardner, 1892.
Ce volume est une collection des nombreuses pièces de vers écrites sur Burns. On pense bien qu'il y en a beaucoup d'insignifiantes. Il a l'avantage de les réunir. Il nous tombe sous les yeux au moment ou nous achevons cette Bibliographie.[Lien vers la Table des matières.]
VI.
QUELQUES OUVRAGES FRANÇAIS SUR BURNS
Il existe en français quelques travaux sur Burns et quelques traductions ou fragments de traductions de ses œuvres. Nous en citons ceux que nous avons rencontrés, sans avoir aucunement la prétention de tout donner.
Morceaux choisis de Burns, Poète Écossais. Traduits par MM. James Aytoun et J.-B. Mesnard. Paris. Ferra Jeune, 1826.
Poésies imitées de R. Burns par L. Demouceaux. Paris, 1865.
Burns, traduit de l'Écossais, avec préface par Richard de la Madeleine, 1874. Imprimé à Rouen par E. Cagniard.
Poètes Anglais contemporains, Robert Burns, etc. Traduction inédite par A. Buisson du Berger. (Nouvelle Bibliothèque Populaire). Henri Gautier, 1890.
M. Taine a consacré à Burns un chapitre dans son Histoire de la Littérature anglaise.
M. André Theuriet a publié dans le Parlement un joli article sur Robert Burns et Brizeux, plein du sentiment de la poésie rustique. Il a bien voulu nous en communiquer le manuscrit augmenté, nous l'en remercions ici, en regrettant qu'il n'ait pas reproduit ce travail dans son volume de Sous Bois.
Dans la Nouvelle Revue (tome 56. Janvier-Février 1889) Mlle Marie-Anne de Bovet a publié un article sur Burns: Un Barde moderne. Robert Burns.
Nous voudrions dire notre estime et notre respect pour la traduction des poésies de Burns par M. Léon de Wailly: C'est un travail sérieux et fait dans une excellente méthode de traduction. Il se trouve bien çà et là quelques erreurs, dues à une connaissance incomplète de quelques usages locaux écossais, à des allusions imparfaitement saisies. Ce sont de petites taches, presque inévitables dans une entreprise plus difficile lorsqu'elle fut faite (1843) qu'aujourd'hui, car les bonnes éditions de Burns sont récentes. Le véritable défaut de la traduction de M. de Wailly est peut-être dans un certain manque de couleur et de saveur. Les mots qui font saillie et brillent ne sont pas assez saisis et rendus; la traduction très fidèle est parfois un peu terne. Nous nous sommes imposé de ne pas ouvrir le livre de M. de Wailly pendant notre travail. Cependant son système de traduction est si exact qu'il arrive que sa traduction et la nôtre se juxtaposent. Nous désirons que le mérite de ces passages—où cette similitude nous rassure—revienne tout entier à notre prédécesseur.—La traduction de M. de Wailly, publiée par Charpentier en 1843, a été republiée par Delahays en 1857, dans la Bibliothèque d'un Homme de goût.[Lien vers la Table des matières.]
SECONDE PARTIE.
BIBLIOGRAPHIE DES POINTS D'HISTOIRE, DE VIE SOCIALE OU RELIGIEUSE, DE DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE OU PITTORESQUE, D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE L'ÉCOSSE, QUI SERVENT À L'ÉTUDE DE LA VIE OU DES ŒUVRES DE BURNS.
I.
HISTOIRES GÉNÉRALES