Tableau historique et pittoresque de Paris depuis les Gaulois jusqu'à nos jours (Volume 7/8)
Notes
1: II. Cor. 1, 12.
2: Toutefois il est vrai de dire que ces honteux traités ne furent point l'ouvrage du jeune monarque, mais de Mazarin qui régnoit encore à sa place. Du caractère qu'il étoit, Louis XIV s'en fût sans doute indigné et ne les eût point signés.
3: «Les enfants de Charles Ier se réfugièrent en Espagne. Les ministres espagnols éclatèrent dans toutes les cours, et surtout à Rome, de vive voix et par écrit, contre un cardinal qui sacrifioit, disoient-ils, les lois divines et humaines, l'honneur et la religion, au meurtrier d'un roi, et qui chassoit de France Charles II et le duc d'York, cousins de Louis XIV, pour plaire au bourreau de leur père. Pour toute réponse aux cris des Espagnols, on produisit les offres qu'ils avoient faites eux-mêmes au protecteur. (Voltaire.)» Ainsi la France mettoit au jour la honte de l'Espagne, mais ne se lavoit point de la sienne; et ceci ne prouvoit autre chose, sinon qu'il y avoit entre les deux cabinets rivalité de bassesse et d'immoralité.
4: La mort du duc d'Épernon, colonel-général de l'infanterie, lui fournit l'occasion qu'il souhaitoit de supprimer cette charge comme donnant trop d'autorité à celui qui en étoit revêtu; et tous les mestres de camp, tant d'infanterie que de cavalerie, prirent le titre de colonels particuliers de leurs régiments. Dès lors l'armée tout entière fut, pour ainsi dire, dans sa main; et il se réserva de nommer à tous les grades, ne souffrant pas même qu'il se fît un enseigne qui ne fût de son choix.
5: Les instructions qu'il donnoit à son royal élève se réduisoient à lui recommander de tenir très bas les princes de son sang, de ne point se familiariser avec ses courtisans, surtout de savoir dissimuler avec tout le monde, lui montrant la dissimulation comme le point le plus important de l'art de régner; du reste, il ne lui parloit jamais que vaguement des affaires, et employoit à son égard tous les moyens qu'il jugeoit propres à l'en distraire, à lui ôter la curiosité d'en savoir davantage (Reboulet, t. 1, p. 536, in-4o).
6: Jusqu'alors ils avoient passé leur vie presque entière dans les provinces qui leur étoient confiées, et où ils jouissoient d'une grande indépendance; à peine en sortoient-ils une fois l'an pour aller faire leur cour au souverain; et l'on conçoit ce que leur offroit d'avantages une telle position, soit pour se faire des créatures en répandant les grâces dont ils étoient les seuls distributeurs, soit pour se présenter aux peuples comme des maîtres de qui ils avoient tout à craindre et tout à espérer. Il avoit été prouvé, par la guerre de la Fronde, que Richelieu ne les avoit point encore assez abattus. Louis XIV forma le dessein d'achever ce que ce ministre avoit commencé. La cour devint le séjour ordinaire et forcé de ces personnages éminents, et l'on finit par leur persuader qu'ils ne pouvoient être bien et honorablement nulle autre part, et à un tel point, qu'après quelques années de séjour auprès du prince ils se seroient crus exilés, si on les eût de nouveau confinés dans leurs gouvernements. Enfin, pour achever de leur ôter toute influence, l'autorité attachée à leur charge fut partagée entre les gouverneurs particuliers qui ne relevèrent plus que de la cour, et les intendants qui reçurent la plus grande part de cette autorité; en sorte que cette qualité de gouverneur de province ne fut plus qu'un grand titre auquel étoient attachés de grands revenus. (Reboulet, t. 1, p. 557, in-4o.)
7: Ses autres ministres étoient le marquis de Lionne et Michel Le Tellier, père de Louvois. Ces deux personnages, et le surintendant des finances Fouquet, administroient toutes les affaires sous le cardinal. Le roi les avoit conservés, et lors de la chute de Fouquet, Colbert remplaça celui-ci sous le titre de contrôleur-général.
8: Ces billets d'épargne avoient été jetés par la cour dans le commerce, pendant les temps critiques de la régence; les porteurs en étoient devenus créanciers de l'État; et les besoins toujours croissants du trésor les avoient fait multiplier d'une manière excessive. Ne voyant aucun moyen de les acquitter, Colbert imagina de les décrier; et, pour y parvenir sûrement, il commença par les faire refuser dans les recettes du roi. Le moyen étoit sans doute immanquable, et l'effet en fut tel, qu'à peine trouvoit-on cinquante francs sur un billet de dix mille francs. Alors il en fit racheter d'énormes quantités, et paya ainsi à peu de frais des dettes considérables. Quant aux rentes de l'Hôtel-de-Ville, voici ce qui arriva: dans ces mêmes moments de crise, la cour avoit forcé la ville de Paris à emprunter de très grandes sommes à de gros intérêts, et comme elle ne pouvoit subvenir à les payer, une ordonnance obligea les rentiers à imputer au remboursement du capital, ce que l'on déclaroit excessif dans les intérêts qu'ils avoient reçus; cette opération ruina un grand nombre de familles, dont le plus clair et souvent l'unique revenu étoit en rentes constituées sur l'hôtel-de-ville. (Mém. de l'abbé de Choisi.—Id. du comte de Bussi, t. 3.)
9: Fouquet étoit coupable sans doute; mais Colbert qui, sous le masque hypocrite de la plus ardente amitié, abuse de sa confiance, l'attire dans un piége exécrable, et, lorsqu'il l'y a fait tomber, se montre son ennemi le plus implacable et le plus acharné, Colbert est mille fois plus coupable que lui. On ne peut lire sans indignation, et sans concevoir pour cet homme autant de haine que de mépris, les détails de cette manœuvre atroce et de ce vil espionnage (Voyez les Mémoires de l'abbé de Choisi, t. 1, liv. 3).
10: Le canal du Languedoc.
11: C'étoit un malheureux effet de la licence des guerres qui avoient précédé. Le roi remédia à ce mal en établissant une chambre de justice ambulante qui, sous le nom de grands jours, devoit parcourir les provinces, réprimer et punir toutes ces injustices. Elle commença ses fonctions en Auvergne, où les violences avoient été poussées à de plus grands excès que partout ailleurs. Il en coûta la tête à plusieurs; un grand nombre de seigneurs furent punis par la démolition de leurs châteaux, et la sévérité du prince s'étendit jusque sur les juges subalternes dont ils avoient fait les instrumens de leur tyrannie. (Reboulet, t. 1, p. 635, in-4o.)
12: Mém. du duc de Saint-Simon, liv. 1.—«Son esprit, dit-il, naturellement porté au petit, se plut en toutes sortes de détails. Il entra sans cesse dans les derniers sur les troupes, habillement, évolutions, armement, exercice, discipline, en un mot, dans toutes sortes de bas détails; il ne s'en occupoit pas moins sur ses bâtiments, sa maison civile, ses extraordinaires de bouche: il croyoit toujours apprendre quelque chose à ceux qui en ce genre en savoient le plus, qui recevoient en novices des leçons qu'ils savoient par cœur depuis long-temps. Ces pertes de temps, qui paroissoient au roi avoir tout le mérite d'une application continuelle, étoient le triomphe de ses ministres qui, avec un peu d'art et d'expérience à le tourner, faisoient venir, comme de lui, ce qu'ils vouloient eux-mêmes, et qui conduisoient le grand monarque selon leurs vues et trop souvent selon leurs intérêts, tandis qu'ils s'applaudissoient de le voir se noyer dans les détails.» Il faut sans doute ne se livrer qu'avec quelque méfiance aux récits du duc de Saint-Simon, qui se laisse trop souvent aller à ses préjugés et à ses préventions; mais comme son caractère était la franchise même, on doit le croire, lorsque ce qu'il dit est expliqué et confirmé par les faits.
13: Il rappela l'ambassadeur qu'il avoit à Madrid, fit sortir de France celui d'Espagne, et déclara à son beau-père que, s'il ne reconnoissoit la supériorité de la cour de France et ne lui faisoit pas une satisfaction solennelle d'un tel affront, la guerre alloit recommencer. Philippe IV étoit loin de pouvoir accepter un pareil défi; il lui fallut s'humilier; «et cette cour encore fière, dit Voltaire, murmura long-temps de son humiliation.»
14: Voltaire dit lui-même que le duc Créqui avoit révolté les Romains par ses hauteurs; que ses domestiques commettoient dans Rome les mêmes désordres que la jeunesse indisciplinable de Paris; que ses laquais avoient chargé, l'épée à la main, une escouade de Corses qui protégeoit les exécutions de justice.
15: Avant d'en venir là, le pape avoit vainement employé tous les moyens de conciliation; il avoit fait pendre quelques-uns des soldats qui avoient insulté l'hôtel de l'ambassade; il avoit fait sortir de Rome le gouverneur de cette ville, soupçonné d'avoir favorisé l'attentat. Ni ces actes de déférence, ni les paroles de paix qu'il lui fit porter, ne purent fléchir le roi. Pour l'apaiser quand on l'avoit offensé, il falloit qu'on se mît sous ses pieds. On sait à quoi ce pape fut réduit: il se vit forcé d'exiler de Rome son propre neveu, de casser la garde corse, d'élever lui-même, dans la capitale de ses États et du monde chrétien, une pyramide, avec une inscription qui signaloit à la fois l'injure et la réparation, enfin d'envoyer un légat à latere faire satisfaction au roi, ou, pour mieux dire, lui demander pardon.
16: Par cette distinction, bien digne d'eux assurément, ils reconnoissoient, disoient-ils, avec le pape et les évêques, que la doctrine des cinq propositions étoit justement censurée: c'étoit là le point de droit. Mais ils nioient que cette doctrine fût celle de Jansénius: c'étoit là le point de fait. D'où il résultoit que si l'on eût consenti à leur faire une telle concession, tout en paroissant condamner les cinq propositions, ils les eussent réellement soutenues en soutenant le livre de Jansénius, où elles étoient effectivement.
17: Ce prince, que nous avons vu jouer un rôle dans la Fronde, et que les vicissitudes de sa fortune, ses inconstances et ses bizarreries ont rendu plus célèbre que ses talents militaires qui étoient très réels, fit cette donation au roi, pour se venger de ce que son neveu, à qui il avoit promis la succession de ses États en faveur de son mariage avec mademoiselle de Nemours, usoit de l'entremise même du roi pour obtenir l'exécution d'une promesse que son oncle ne vouloit plus tenir, parce que ce mariage, qui lui avoit plu d'abord, lui déplaisoit maintenant; et Louis XIV, qui s'étoit déclaré le protecteur du jeune prince de Lorraine, ne balança pas à signer une convention qui l'enrichissoit des dépouilles de son protégé, ne répondant autre chose à ses justes plaintes, sinon que les affaires des rois ne se traitoient pas comme celles des particuliers. Toutefois, on sait que ce traité demeura sans effet.
18: Pour violer ce traité, des ministres, et Turenne lui-même que l'on voit avec peine professer de pareilles doctrines, soutinrent que «la promesse qu'avoit faite Mazarin d'abandonner le Portugal étoit une foiblesse contraire à l'équité naturelle, au droit des gens, à la protection que les rois se doivent mutuellement; qu'elle n'étoit pas moins contraire à la politique; que l'intérêt de la France étoit que la couronne de Portugal fût indépendante; que l'Espagne n'étoit point encore assez humiliée, quoiqu'elle le fût beaucoup; qu'il falloit l'abattre tellement, qu'elle ne pût pas se relever, etc. (Mém. de Choisi.). Le roi goûta ces raisons; et, en effet, elles devoient lui sembler bonnes, les affaires des rois ne se traitant pas comme celles des particuliers.
19: «L'Angleterre ravagée par la peste; Londres réduite en cendres par un incendie attribué injustement aux catholiques; la prodigalité et l'indigence continuelle de Charles II, aussi dangereuses pour ses affaires que la contagion et l'incendie, mettoient la France en sûreté du côté des Anglois. L'empereur réparant à peine l'épuisement d'une guerre contre les Turcs; le roi d'Espagne, Philippe IV, mourant, et sa monarchie aussi foible que lui, laissoient Louis XIV le seul puissant et le seul redoutable.» Voilà ce que dit Voltaire; mais il auroit dû ajouter, et l'événement le prouva, que, vu l'état actuel de l'Europe, il n'étoit point de tentation plus dangereuse pour ce prince que cette puissance même et la crainte qu'elle inspiroit.
20: Cette coutume particulière du pays étoit appelée droit de dévolution; elle portoit que «si une femme ou un mari venoient à mourir, la propriété de tous leurs fonds de terre étoit dévolue aux enfants mâles ou femelles issus de ce mariage, sans que ceux du second lit y pussent prétendre, l'époux survivant n'ayant que l'usufruit.» Cette fois-ci Louis XIV jugea que les affaires du prince ne devoient point se traiter autrement que celles des particuliers.
21: «Les premiers historiens de Louis XIV, n'ayant pas tous les documents que l'on a acquis depuis, disent que ce fut au moyen d'un traité d'alliance qu'il fit avec la Suède qu'il s'assura, dans cette guerre, la neutralité de l'empereur, la Suède s'engageant par ce traité à faire entrer douze mille hommes dans les États héréditaires d'Autriche, au moment où l'empereur prendroit parti contre la France. Depuis, l'on a découvert que l'inaction du chef de la maison d'Autriche, dans cette circonstance, avoit pour cause un traité conclu secrètement entre lui et le roi de France, traité à peu près semblable à celui qu'ils entamèrent à la mort de Charles II, roi d'Espagne, et dans lequel ils se partageoient à l'avance les dépouilles de ce roi encore enfant, dont l'un et l'autre étoient les protecteurs naturels.» (Voltaire, Siècle de Louis XIV.)
22: Le maréchal de Turenne commandoit en chef sous le roi; et il y avoit deux autres corps d'armée, l'un sous les ordres du maréchal d'Aumont, l'autre commandé par M. de Créqui. Les villes de Charleroi, Armentières, Saint-Vinox, Furnes, Ath, Tournay, Douay, Courtray, Oudenarde et le fort de la Scarpe, furent pris dans l'espace de deux mois par ces trois corps d'armée manœuvrant chacun séparément. La campagne fut terminée par le siége de Lille, auquel le roi assista, et qui se rendit, le 27 août, après neuf jours de tranchée.
23: Louvois, sous qui tout plioit, et qui vouloit la faveur pour lui seul, étoit profondément blessé du ton d'indépendance et quelquefois de supériorité que prenoit à son égard le maréchal de Turenne, placé trop haut dans l'estime et dans la confiance de son maître, pour qu'il pût espérer d'en faire, ainsi que des autres généraux, l'admirateur de ses conceptions et l'esclave de ses volontés. Ce fut donc lui qui détermina Louis XIV, en faisant valoir mille raisons de bienséance, à employer, dans cette expédition, le prince de Condé, alors gouverneur de la Bourgogne, province voisine de celle qu'il s'agissoit d'envahir, et à qui, depuis sa rentrée en France, le jeune monarque n'avoit encore accordé aucune marque de confiance. Quant à Condé, il désiroit sa part de ces lauriers que Turenne depuis long-temps moissonnoit à lui seul, et ce sentiment jaloux n'avoit rien qui fût indigne de son noble caractère.
24: Besançon se rendit dans deux jours; Dôle, après quatre jours de siége; le reste fit encore moins de résistance.
25: Dans leurs gazettes, publiées sous l'autorité de leurs magistrats, et dans une foule d'autres petits écrits dont ils inondoient l'Europe, ils se présentoient comme les libérateurs et les conservateurs des Pays-Bas, qu'ils prétendoient avoir seuls empêchés de devenir la proie du roi de France. On les accusoit, en outre, d'avoir fait frapper des médailles, dont les inscriptions étoient personnellement outrageantes pour Louis XIV.
26: Cette négociation est fameuse par le voyage mystérieux que fit auprès de son frère la duchesse d'Orléans, Henriette d'Angleterre, voyage que suivit de près sa mort violente et subite; elle l'est encore par l'indiscrétion de Turenne à qui une foiblesse amoureuse arracha le secret de l'État.
27: Les électeurs de Trèves, de Mayence, et le Palatin, avoient promis de demeurer dans l'alliance qu'ils avoient faite avec lui, ou du moins de garder la neutralité; et ce dernier tenoit encore à la France par le mariage que venoit de contracter le duc d'Orléans avec sa fille. L'électeur de Bavière, que le roi avoit flatté de l'espérance de voir une de ses filles épouser le dauphin, étoit également dans les meilleures dispositions à l'égard de la France. Il en étoit de même de plusieurs autres princes de l'empire qui, lors de la paix de Munster, lui avoient été redevables de la restitution d'une partie plus ou moins considérable de leurs souverainetés.
28: Le roi étoit informé que ce prince traitoit secrètement avec les Hollandois pour être admis dans la triple alliance, et qu'il faisoit en même temps solliciter l'Espagne de prendre une attitude plus décisive dans des circonstances où l'union des puissances menacées par Louis XIV pouvoit seule les préserver de ses entreprises; et certes, il n'y avoit rien en cela qui ne fût d'un esprit judicieux et prévoyant.
29: Voltaire, Siècle de Louis XIV.
30: Le prince Guillaume d'Orange n'avoit alors que vingt-deux ans.
31: Boileau.
32: L'infanterie hollandoise, voyant la cavalerie françoise toucher le rivage où elle s'étoit retranchée, mit bas les armes et demanda quartier; le jeune prince, la tête pleine, dit-on, des fumées du vin, tira un coup de pistolet en criant: Point de quartier pour cette canaille. Alors, poussés au désespoir, les Hollandois firent une décharge dont il fut tué. Le prince de Condé reçut en cette rencontre une blessure, qui lui fracassa le poignet, et la seule qu'il ait jamais reçue dans toutes ses campagnes.
33: Ils lui offroient la ville de Maëstricht en échange de toutes les places dont il s'étoit emparé, et dix millions pour le dédommager des frais de la guerre.
34: Tandis que les Hollandois fuyoient ainsi sur terre devant Louis XIV, sans oser lui opposer la moindre résistance, leur flotte, commandée par Ruyter, tenoit tête aux flottes combinées de France et d'Angleterre, qui jusqu'alors n'avoient remporté sur elle aucun avantage décisif.
35: Il demandoit pour lui vingt millions de dédommagement, et, en échange des trois provinces qu'il avoit conquises, toutes les places dont il s'étoit emparé sur la Meuse, en deçà du Rhin; pour le roi d'Angleterre, cent mille livres sterling, et l'engagement de saluer à l'avenir son pavillon.
36: Les deux frères s'étoient mis à la tête de la faction dite de Louvestein, dont le but étoit d'abattre la maison d'Orange, la grandeur de cette maison, depuis l'entreprise hardie du père de Henri Guillaume sur la ville d'Amsterdam, leur semblant incompatible avec la sûreté et l'indépendance de leur pays. Il n'étoit point d'efforts qu'ils n'eussent faits pour y parvenir; c'étoit dans cette intention qu'ils avoient recherché l'appui de la France; et ils seroient parvenus à ce but s'ils eussent pu conserver une aussi puissante protection. Déjà ils avoient fait abolir la dignité de stathouder; et le prince d'Orange avoit été forcé de jurer qu'il ne l'accepteroit jamais, quand même elle lui seroit offerte.
37: Immédiatement après la mort des deux frères de Witt, son parti avoit forcé les magistrats à révoquer la loi qui, sous le nom d'édit perpétuel, abolissoit à jamais le stathouderat, et à joindre cette dignité à celle de général des troupes de terre et d'amiral, qui déjà lui avoient été déférées.
38: Par une conséquence nécessaire d'un tel mandement, il étoit ordonné aux princes qui avoient des troupes au service des puissances étrangères, de les en retirer sous peine d'être mis au ban de l'empire.
39: Les troupes impériales et celles de l'électeur de Brandebourg formoient ensemble une armée de quarante-trois mille hommes; Turenne n'en avoit que douze mille à leur opposer.
40: Pour faire cette expédition, il avoit voulu profiter d'une forte gelée qui rendoit praticables les pays inondés. Le dégel, qui survint tout à coup, sauva les Hollandois. Ce fut dans cette expédition que les François enlevèrent d'assaut Bodegrave et Swrammerdam, qu'ils détruisirent de fond en comble, après en avoir massacré tous les habitants avec une barbarie dont il y a peu d'exemples chez les peuples que le christianisme a civilisés.
41: Ils étoient cinq, et la plupart catholiques dans le cœur. C'est la fameuse cabale, ou plutôt cabal selon l'orthographe angloise. Cette association fut ainsi nommée parce que les premières lettres de leurs noms formoient le mot cabal.
42: Il se montroit favorable aux catholiques, parce qu'il lui étoit démontré qu'on pouvoit compter sur leur fidélité pour rétablir le pouvoir monarchique dans toute sa plénitude.
43: C'est-à-dire le serment de profession de la religion anglicane, serment qui se réduisit d'abord à une abjuration de la présence réelle dans le sacrement de l'Eucharistie. Shaftsbury y fit ajouter une loi pénale qui excluoit de tous emplois civils ou militaires, ou les réfractaires, ou ceux qui refuseroient de signer le Test, d'où s'ensuivoit à plus forte raison, pour un prince catholique, l'impuissance de succéder à la couronne.
44: Ils demandoient que le duc de Lorraine, vassal du roi de France, fût admis au congrès comme puissance indépendante, et que ses ministres y traitassent d'égal à égal avec ceux de son suzerain.
45: Le duc de Lorraine étoit d'avis que l'on transportât le fort de la guerre dans la Franche-Comté, la France étant tout ouverte de ce côté, d'où il devoit résulter qu'au premier avantage que l'on remporteroit, ce qui étoit plus que probable avec des troupes si supérieures en nombre, les alliés entreroient sans obstacle dans la Lorraine où il avoit des intelligences et qui se soulèveroit immanquablement. Ce projet, mieux conçu que celui qui fut suivi, et dont l'exécution eût jeté la France dans de grands embarras, fut rejeté par l'empereur et le roi d'Espagne qui préféroient faire la guerre en Flandres et sur les bords du Rhin, dans l'espoir d'y faire des conquêtes plus à leur bienséance et plus faciles à conserver. (Mém. du marquis de Beauveau.)
46: Un historien assure que la reddition de Grave avoit été concertée entre le roi de France et le roi d'Angleterre, celui-ci ayant vivement sollicité Louis XIV d'abandonner cette place à son neveu, afin qu'il ne fût pas dit qu'ayant eu, pendant toute cette campagne, des forces si supérieures à celles de France, il l'eût achevée sans avoir remporté le moindre avantage (Histoire de France sous Louis XIV, par le sieur de Laraye, t. 4). Il est certain que le roi ménageoit le prince d'Orange, en raison de l'influence qu'il exerçoit sur les affaires, et vouloit plaire en même temps au roi d'Angleterre. Aveugles tous les deux de ne pas reconnoître que, par sa position et par son caractère, le prince d'Orange étoit leur plus dangereux ennemi!
47: L'électeur Palatin étoit appelé infidèle pour avoir rompu son alliance avec la France, et fait cause commune avec le corps germanique dont il étoit membre, dans une cause qui intéressoit la sûreté de l'empire! Certes, il est difficile d'abuser des termes d'une manière plus révoltante, surtout quand on s'en sert pour justifier de semblables atrocités. L'ordre en fut donné à Turenne par Louvois. Il auroit dû désobéir, et c'est une tâche à sa gloire que rien ne peut effacer.
48: Ce général, plus habile que les autres, étoit encore le duc de Lorraine. Il vouloit qu'on lui donnât toute la cavalerie de l'armée, avec laquelle il se proposoit d'entrer dans ses États où un parti nombreux n'attendoit que sa présence pour se rallier à lui. Maître de la Lorraine, il coupoit aussitôt au maréchal de Turenne toutes ses communications avec la France, et lui ôtoit tout moyen de subsister, tandis que le duc de Bournonville l'auroit tenu en échec avec le reste de l'armée. Ce plan étoit sans doute le meilleur, quoique le duc l'eût proposé dans des vues intéressées; il fut néanmoins obstinément rejeté par tous les autres généraux.
49: Les relations du temps nous apprennent qu'ils s'y montrèrent à la fois insolents et débauchés, comme s'ils ne fussent allés à Messine que pour en vexer les habitants et y insulter à la pudeur de toutes les femmes, sans en excepter même les plus qualifiées. Aussi presque tous les Messinois, d'abord si animés contre les Espagnols, commencèrent-ils à regretter leur domination.
50: Les maréchaux de Créqui, d'Humières, de Schomberg, de La Feuillade, de Lorge.
51: La jalousie de Louvois contribua beaucoup à cette retraite du prince de Condé; et la hauteur de Louis XIV envers les princes de son sang s'y montra tout entière. Condé avoit demandé qu'on lui associât dans le commandement son fils, le duc d'Enghien, dont le roi n'étoit pas content. Louvois persuada à celui-ci que le prince vouloit profiter de la circonstance et du besoin qu'on avoit de lui pour arracher une faveur à son souverain. L'orgueil du monarque fut blessé, et la disgrâce du plus grand général qui restât alors à la France fut le résultat de cette démarche que tout devoit justifier. (Mém. pour servir à l'Histoire du prince de Condé, t. 2.)
52: Cette haine contre la France étoit telle que, désespéré de cette paix, il ne craignit point, même après qu'elle eut été conclue et signée, de se déshonorer en allant, avec des forces supérieures, attaquer le maréchal de Luxembourg qui bloquoit alors la ville de Mons, et qui, se confiant sur la foi déjà jurée, étoit loin de s'attendre à une semblable violation du droit des gens. Quoique pris à l'improviste, celui-ci battit son déloyal ennemi, lui tua quatre mille hommes, et le força de se retirer, n'emportant d'une telle action que la honte de l'avoir entreprise. Elle est désignée dans l'histoire sous le nom de bataille de Saint-Denis. (Journal historique du règne de Louis XIV.)
53: Les Hollandois, qui l'avoient outragé autrefois par des médailles insolentes, en firent frapper une sur laquelle, autour de l'image de ce prince couronné de lauriers, on lisoit: Ludovicus magnus, orbis pacificator. (Histoire de France sous Louis XIV, par de Lahaye.)
54: «Ce projet a plus d'éclat que de solidité, disoit l'abbé de Saint-Pierre, et, ce nous semble, avec juste raison; car il en coûte à la nation trois cents livres par soldat pour les nourrir et entretenir à Paris; au lieu qu'en donnant cent livres à chacun d'eux dans leurs villages, ils se trouveroient beaucoup plus heureux, et on en entretiendroit beaucoup davantage.» Il n'est pas besoin de dire que, pour une semblable évaluation, il faut se reporter au temps où écrivoit l'auteur; mais les résultats n'en sont pas moins les mêmes aujourd'hui avec des évaluations différentes.
55: Les travaux qu'il fit faire à cet effet furent tels, que tous les passages par où les ennemis auroient pu pénétrer en France du côté de la Lys, de l'Escaut, du Rhin, de la Sarre, de la Moselle et de la Meuse, leur furent fermés; il garantit la frontière des Pyrénées en faisant construire la forteresse de Mont-Louis en Cerdagne. (Mém. de l'abbé de Choisi.)
56: Le port de Rochefort.
57: Les commis devinrent les maîtres de l'État, non pas au degré où ils le sont aujourd'hui, ce qu'alors on n'eût pas même cru possible, mais assez pour éteindre toute émulation, et créer partout des mécontents. En effet, rien de plus insensé pour un prince que de vouloir tout tenir dans sa main, tout régler, tout diriger, ne rien abandonner, dans les détails, à l'intelligence et à la conscience des administrateurs civils ou des chefs militaires. Du moment que l'orgueil ou la méfiance lui ont inspiré de mettre à exécution un semblable projet qui est au dessus des forces d'un seul homme, les subalternes s'emparent de lui, et, bien loin de tout conduire, il devient entre leurs mains un instrument au moyen duquel ils oppriment, insultent et dépouillent qui il leur plaît, comme il leur plaît, et dans toutes les classes de la société. Ainsi se trouve avili un gouvernement despotique en même temps qu'il devient odieux, ce qui est surtout vrai dans les sociétés chrétiennes où l'intelligence de l'homme acquiert son plus grand développement et oppose une plus grande résistance aux excès du pouvoir.
58: On appeloit de ce nom certains droits utiles et honorifiques dont les rois de France jouissoient sur quelques églises de leur royaume pendant la vacance des siéges: ils en percevoient les revenus, ils présentoient aux bénéfices, ils les conféroient même directement, etc.
«Que l'Église reconnoissante, dit le comte de Maistre, ait voulu payer, dans l'antiquité, par ces concessions ou par d'autres, la libéralité des rois qui s'honoroient du titre de fondateurs, rien n'est plus juste sans doute; mais il faut avouer aussi que la régale étoit une exception odieuse aux plus saintes lois du droit commun: elle donnoit nécessairement lieu à une foule d'abus. Le concile de Lyon, tenu sur la fin du XIIIe siècle, sous la présidence du pape Grégoire X, accorda donc la justice et la reconnoissance en autorisant la régale, mais en défendant de l'étendre.» (De l'Église gallicane, p. 116.)
59: «Une de leurs raisons pour généraliser ce droit, c'est que la couronne de France étoit ronde (Opusc. de Fleury, p. 137 et 140). C'est ainsi que ces grands jurisconsultes raisonnoient.» (De l'Église gallicane, p. 117.)
60: Reboulet, t. 2, in-4o, p. 294.
61: À la mort d'une de leurs supérieures, le roi, de sa pleine autorité, en avoit nommé une autre sur la proposition de l'archevêque de Paris qui l'installa lui-même, et la déclara perpétuelle. Ces religieuses se plaignirent hautement d'un acte qui violoit une de leurs règles fondamentales, laquelle établissoit le droit qu'elles avoient de faire elles-mêmes l'élection de leurs supérieures, et vouloit que la supériorité ne fût que triennale. N'ayant point obtenu satisfaction, elles portèrent leurs plaintes au Saint-Siége: elles en obtinrent un bref qui les maintint dans leur droit, et leur enjoignoit de procéder sur-le-champ à l'élection; de là des débats très animés entre le parlement de Paris et la cour de Rome, dans lesquels cette compagnie passa, suivant son usage, toute mesure.
62: Le comte de Maistre. (De l'Église gallicane, p. 116.)
63: Collections et Additions pour les nouveaux Opuscules de Fleury, p. 16.
64: Il n'arriva en France qu'au commencement du mois de mai, et les résolutions de l'assemblée étoient prises et arrêtées dès le milieu de mars; ainsi l'on ne peut alléguer, pour leur excuse, qu'ils furent poussés à faire la déclaration par le chagrin et le dépit que leur causèrent les vifs reproches du souverain pontife. (Voyez Reboulet, t. 2, p. 301, in-4o.)
65: Ce grand et beau génie, cet homme, le plus puissant par la parole qui ait peut-être jamais existé, avoit pénétré beaucoup des profondeurs du christianisme; mais il ne paroît pas qu'il en eût parfaitement compris les vrais rapports avec le pouvoir temporel; et sa Politique tirée de l'Écriture Sainte, livre que l'on vante et que l'on admire sur parole, uniquement parce qu'il est de Bossuet, nous semble une preuve frappante du vague de ses idées sur un point aussi important. Il y propose pour modèle aux rois chrétiens cette Théocratie juive, où les chefs du peuple, ministres des volontés de Dieu, étoient, pour ainsi parler, en communication directe avec lui, oubliant que, depuis Jésus-Christ, nous vivons sous les lois d'une médiation et d'une autorité divine qui se manifeste humainement: oubli fort étrange dans un évêque lorsqu'il traite de matières politiques, et qui ne va pas moins qu'à remplacer par une sorte de méthodisme politique ce chef-d'œuvre de la société humaine que l'on nomme chrétienté.
66: La Flandre, l'Espagne, l'Italie, s'élevèrent contre cette inconcevable aberration; l'Église de Hongrie, dans une assemblée nationale, la déclara absurde et détestable (décret du 24 octobre 1682); l'université de Douai crut devoir s'en plaindre directement au roi. (De l'Église gallic., p. 152.)
67: Reboulet, t. 2, in-4o, p. 302.
68: Ces franchises consistoient à faire un lieu d'asile du quartier des ambassadeurs, pour tout individu qui s'y réfugioit.
69: Cette publication de son excommunication eut lieu parce que, la veille de cette fête, l'ambassadeur étoit allé publiquement, et suivi de sa maison, faire ses dévotions dans l'église de Saint-Louis, qui étoit celle de l'ambassade. L'église fut interdite, et la même interdiction fut prononcée contre le curé et les prêtres qui la desservoient, pour l'avoir admis à la participation des sacrements.
70: Reboulet, t. 2, p. 383, in-4o.
71: Reboulet, t. 2, p. 384-385, in-4o.
72: Il lui avoit déjà donné l'évêché de Strasbourg comme première récompense des services que ce prince lui avoit rendus, et y avoit ajouté sa nomination au cardinalat, auquel il avoit été promu, malgré les oppositions de la cour de Vienne. C'étoit une des qualités de Louis XIV d'être reconnoissant envers ceux qui l'avoient servi.
73: Reboulet, t. II, p. 390, in-4o.
74: Cet homme, que la faveur du roi ne pouvoit satisfaire si elle étoit partagée par quelques autres, voyoit d'un œil jaloux les longues et fréquentes audiences que le roi donnoit, à l'occasion de ces affaires des calvinistes, à l'archevêque de Paris François de Harlay, au père Lachaise et à Pélisson, qui, après avoir servi fidèlement et courageusement le surintendant Fouquet, s'étoit attaché à Colbert et ne le servoit pas avec moins de fidélité. Ces trois personnages cherchoient à arriver, par les moyens les plus doux, à l'extinction de l'hérésie; Louvois poussoit aux moyens violents, dont le résultat devoit être de faire cesser leurs rapports intimes avec le roi, et l'espèce d'influence qui en pouvoit résulter. (Mém. de l'abbé de Choisi.—Histoire de la révocation de l'Édit de Nantes.)
75: Oui, sans doute, l'exécution de cette loi fut tyrannique; mais il n'appartient de la trouver telle qu'aux catholiques, qui seuls connoissent l'esprit de douceur et de charité de la religion sainte qu'ils professent dans toute sa pureté, qui seuls peuvent en être profondément pénétrés. Les fauteurs du protestantisme n'en ont pas le droit, eux qui se sont montrés plus intolérants et plus barbares envers ceux qu'ils appellent papistes que les païens eux-mêmes à l'égard des premiers chrétiens; eux qui, pendant des siècles, ont inondé les échafauds de leur sang, inventant pour leurs victimes des tortures nouvelles et des supplices nouveaux; qui, même encore aujourd'hui, dans une île fameuse que l'on peut considérer comme le centre de la réforme expirante, nous offrent le spectacle hideux et lamentable de plusieurs millions de catholiques en butte à tous les genres d'oppression, en proie à toutes les horreurs de la misère, jetés en quelque sorte hors de la société. Le docteur Lingard, dans son Histoire d'Angleterre, vient de nous révéler les horribles secrets du passé, et l'Europe chrétienne n'a qu'un cri d'indignation contre ce qui se passe présentement au milieu de cette nation, que nos politiques niais appellent encore la terre classique de la liberté.
76: Le traité de Westphalie avoit cédé à la France la souveraineté entière des trois évêchés de Metz, Toul et Verdun. Avant qu'ils eussent été ainsi réunis à la couronne de France, il s'étoit fait, à diverses époques, des démembrements très considérables de plusieurs fiefs qui en dépendoient, et cela par divers motifs de convenances qu'il est inutile de rappeler ici. Quelles que fussent les origines de ces démembrements, la possession en étoit fort ancienne, et les possesseurs invoquoient justement la prescription. Louvois sut persuader au roi qu'il falloit passer outre; et deux chambres de justice furent instituées, l'une à Metz, l'autre à Brisac, à l'effet d'examiner les titres de ceux qui possédoient les terres contestées. Le roi de Suède y fut ajourné pour le duché des Deux-Ponts, celui d'Espagne pour le comté de Chinci, et successivement l'électeur de Trèves, le Palatin, l'évêque de Spire, le Landgrave et plusieurs autres princes de l'empire; et nonobstant leurs plaintes, ces réunions se firent en vertu des sentences rendues par ces deux chambres de justice.
L'autre affaire n'intéressoit que le roi d'Espagne: il s'agissoit de régler les dépendances, tant des places que le roi avoit rendues à cette couronne par le dernier traité de paix, que de celles qu'il lui avoit été accordé de retenir pour lui-même. Les deux puissances n'étoient point d'accord sur les limites de ces territoires, et chacune faisoit valoir ses raisons et ses droits, le traité n'ayant rien déterminé sur ce point.
77: La France, en vertu de ce traité provisoire, rendit Courtrai et Dixmude dans l'état où se trouvèrent ces deux places, c'est-à-dire démantelées, et retint Luxembourg, Bouvines, Beaumont et Chinci, ce qui régla l'affaire des dépendances. De son côté, l'empereur consentit à ce que Louis XIV gardât Strasbourg et tout ce qui lui avoit été adjugé par les chambres de Metz et de Brisac; et ainsi se termina l'affaire des réunions.
78: Ce démêlé s'étoit élevé à l'occasion des prétentions de la duchesse d'Orléans, sœur de l'électeur palatin qui venoit de mourir, sur diverses parties de sa succession, et entre autres sur plusieurs fiefs dont elle prétendoit pouvoir hériter. Le nouvel électeur lui contestoit ce droit; le roi de France soutenoit vivement les prétentions de sa belle-sœur. Il avoit d'abord parlé de faire mettre sous le séquestre les terres contestées, et bien qu'il se fût ensuite fort radouci, et que, sur la demande de l'empereur et de plusieurs princes de l'empire, il eût consenti à soumettre cette affaire à l'arbitrage du pape, l'électeur n'étoit point tranquille; et sans doute, avec un semblable adversaire, il avoit quelque sujet de ne point se tranquilliser.
79: Ses troupes passèrent le Rhin et s'emparèrent en peu de temps de Philisbourg, Keiserloutre, Manheim, Spire, Trèves, Worms, Oppenheim, et d'un grand nombre d'autres places qui formèrent comme une nouvelle barrière pour la France; elles se répandirent dans la campagne, mettant tout le pays à contribution, et portèrent la terreur jusqu'aux portes d'Ausbourg.
80: Pendant tout le cours de ce règne, et à l'occasion de toutes les guerres où l'ambition de Louis XIV engagea l'Europe presque entière, les papes ne cessèrent point de s'offrir comme médiateurs entre les princes chrétiens, mais avec peu de succès. Ils avoient été plus heureux dans ces siècles du moyen âge que l'on est convenu d'appeler barbares, et pour le repos des peuples et pour le salut des souverains eux-mêmes, que cette médiation puissante et salutaire préserva si souvent des périls où les avoient jetés leurs propres fureurs. On entendoit autrement les choses dans le bel âge de la civilisation: tout s'y faisoit entre les princes chrétiens sans le pape, malgré le pape ou contre le pape.
81: En 1692.
82: Le roi avoit découvert le projet que ce ministre avoit formé de le brouiller avec les Suisses, dans la seule vue de rendre la conclusion de la paix plus difficile et ses services plus nécessaires; il avoit acquis en outre la conviction que la guerre entre la France et la Savoie étoit encore un résultat de ses manœuvres coupables et intéressées; et que, si la rupture avoit eu lieu, c'étoit lui qui en avoit fourni au duc le prétexte, en empêchant un de ses courriers d'arriver à la cour. (Mém. de l'abbé de Choisi.)
83: Voyez ses Mémoires, liv. 1er, ch. v. Voici le début de ce passage remarquable: «On a déjà vu les funestes obligations de la France à ce pernicieux ministre: des guerres sans mesure et sans fin pour se rendre nécessaire, pour sa grandeur, pour son autorité, pour sa toute-puissance; des troupes innombrables qui ont appris à nos ennemis à en avoir autant, qui chez eux sont inépuisables, et qui ont dépeuplé le royaume; enfin la ruine de la marine, de notre commerce, de nos manufactures, de nos colonies, par sa jalousie de Colbert, de son frère et de son fils, entre les mains desquels étoient les départements de ces choses, et le dessein trop bien exécuté pour culbuter Colbert, il reste à voir comment il a, pour être pleinement le maître, arraché les dernières racines des bons capitaines en France, et a mis l'État radicalement hors des moyens d'en plus porter, etc.»
En bon janséniste, le duc de Saint-Simon se garde bien de dire du mal de Colbert, qu'il vénéroit sans doute comme le principal auteur des libertés gallicanes. D'ailleurs, il est vrai de dire que les vices de son matérialisme administratif ne pouvoient être alors aperçus, et qu'il n'y auroit même rien à reprendre dans son système, s'il n'étoit démontré qu'il croyoit gouverner et non pas simplement administrer; ne voyant rien au delà de sa besogne, et la monarchie tout entière existant pour lui dans les manufactures, les finances et le commerce.
84: Il étoit mort en 1683.
85: Aveu exprès de Bossuet fait à son secrétaire confident, l'abbé Ledieu. (Hist. de Bossuet, l. vi, no 12, p. 161.)
86: Reboulet, t. 2, p. 396, in-4o.
87: C'est une accusation qu'en bon parlementaire le président Hénault n'a pas manqué de répéter: «La mort d'Innocent XI, ennemi déclaré de la France, arrivée le 12 août de l'année précédente (1690), et l'exaltation d'Ottoboni, sous le nom d'Alexandre VIII, suspendirent, dit-il, les différends de Rome et de la France.» À l'entendre, ne sembleroit-il pas qu'Alexandre VIII se montra beaucoup plus accommodant qu'Innocent XI? Nous ne tarderons pas à voir ce qui en arriva, et ce que gagnèrent au change les libertés gallicanes.
88: Après avoir passé en revue tous les prétendus griefs que le roi élevoit contre le pontife, et les avoir réduits à leur juste valeur, on y disoit, relativement aux desseins du prince d'Orange, «qu'en supposant qu'il eût des dispositions hostiles contre l'Angleterre, le meilleur moyen d'en empêcher l'exécution, et par suite le préjudice qu'en pourroit éprouver la religion catholique dans ce royaume, seroit de ne point engager sans sujet, et comme malgré eux, les princes chrétiens dans une guerre qui les mît hors d'état de secourir sa majesté britannique.» (Reboulet, t. 2, p. 399.) L'événement prouva que ce conseil étoit bon et en quelque sorte prophétique.
89: «Le pape Alexandre VIII, dit le comte de Maistre, par sa bulle Inter multiplices (prid. non. Aug., 1690), condamna et cassa tout ce qui s'étoit passé dans l'assemblée de 1682. Mais la prudence ordinaire du Saint-Siége ne permit point au pape de publier cette bulle, et de l'environner des solennités nécessaires. Quelques mois après cependant, et au lit de la mort, il la fit publier en présence de douze cardinaux. Le 30 janvier 1691, il écrivit à Louis XIV une lettre pathétique, pour lui demander la révocation de cette fatale déclaration, faite pour bouleverser l'Église; et quelques heures après avoir écrit cette lettre, qui tiroit tant de force de sa date, il expira.» (Zaccaria, Antifebronius vindicatus, t. 3, dissert. v, cap. v, p. 398.)
90: Les gallicans cherchent encore à chicaner sur le sens de cette lettre, qu'ils prétendent n'être qu'un acte de déférence à l'égard du pape, et à peu insignifiant en tout ce qui touche le fond de la question. En voici le contenu: «Prosternés aux pieds de V. S., nous venons lui exprimer l'amère douleur dont nous sommes pénétrés dans le fond de nos cœurs, et plus qu'il ne nous est possible de l'exprimer, à raison des choses qui se sont passées dans cette assemblée, et qui ont souverainement déplu à V. S. ainsi qu'à ses prédécesseurs. En conséquence, si quelques points ont pu être considérés comme décrétés dans cette assemblée sur la puissance ecclésiastique et sur l'autorité pontificale, nous les tenons comme non décrétés, et nous déclarons qu'ils doivent être regardés comme tels.»
91: Personne ne s'opposa plus fortement que Louvois à cette déclaration si avilissante pour le roi. Ce fut un vrai service qu'il lui rendit, et que madame de Maintenon ne lui pardonna point. Il n'échappa que par la mort à la vengeance de cette femme, qui se croyoit profondément outragée pour n'avoir pas été déclarée reine de France.
92: Le prince électoral de Bavière y étoit désigné roi d'Espagne; le dauphin y avoit pour sa part les royaumes de Naples et de Sicile, les places dépendantes de la monarchie espagnole situées sur la côte de Toscane ou îles adjacentes, la ville et le marquisat de Final, la province de Guipuscoa, nommément les villes de Fontarabie et Saint-Sébastien, situées dans cette province, et le port du passage. On donnoit à l'archiduc Charles d'Autriche le duché de Milan.
93: Relativement au dauphin, ce traité ne changeoit rien à ce qui avoit été établi dans le premier, si ce n'est qu'on y ajoutoit la Lorraine; le duc Léopold recevoit en dédommagement le Milanois, que l'on ôtoit à l'archiduc pour lui donner tout le reste de la monarchie espagnole.
94: Elle étoit juste sans doute, mais les réflexions suivantes de l'abbé de Saint-Pierre n'en méritent pas moins d'être remarquées: «Si, dit-il, depuis la paix de Nimègue il avoit donné jusqu'en 1700 des preuves de modération et de justice à ses voisins, il est vraisemblable que, lorsqu'en mourant Charles II appela le duc d'Anjou au trône d'Espagne, les Hollandois, les Anglois, les Italiens et les Allemands, excepté l'empereur, ne se seroient pas réunis pour donner cette couronne à l'archiduc, au préjudice de la famille d'un prince dont ils n'auroient pas redouté l'ambition. C'est donc encore à ce funeste défaut de Louis XIV qu'on doit attribuer la guerre désastreuse de la succession, dont on ne pourra jamais apprécier les dommages.
»Je me suis tant arrêté, ajoute-t-il, à prouver que ce monarque pécha toujours par excès de vanité, qu'il étoit idolâtre de la fausse gloire, et qu'il ne connut jamais la véritable, qui consiste à être modéré, juste et prudent; j'ai insisté sur ce point, parce que cette fausse gloire a été son principal défaut, le principe de presque toutes ses entreprises; qu'elle a causé les plus grands malheurs de sa vie, les plus grands malheurs de l'Europe et les plus grands malheurs de ses sujets.»
95: Le président Hénault.
96: Voltaire assure que ce fut le roi lui-même qui ordonna à Catinat de ne point s'opposer au passage du prince Eugène, pour n'avoir pas l'air de commencer les hostilités. Bien que, selon son usage, il ne cite à ce sujet aucune autorité, cet ordre de Louis XIV s'accorderoit très bien avec celui qu'il donna à l'égard des bataillons hollandois trouvés dans les villes de Flandre (voyez la note, p. 144); mais ce qu'il y a de certain, c'est que le prince Eugène avoit carte blanche et étoit véritablement le chef de son armée, et qu'il n'en alloit pas de même pour les généraux françois.
97: «Le duc de Bavière, à qui Charles II avoit donné le gouvernement des Pays-Bas, fit entrer des troupes françoises dans Nieuport, Oudenarde, Ath, Mons, Charleroi, Namur et Luxembourg. Il y avoit vingt-deux bataillons hollandois dans ces villes; le roi eut la délicatesse de ne vouloir pas les arrêter, pour qu'on ne lui imputât pas d'avoir fait les premiers actes d'hostilité (principe aussi faux que dangereux).» (Hénault.)
Saint-Simon ajoute: «En Flandre, on ne fit que se regarder sans aucune hostilité. Ce fut une grande faute, émanée de ce même misérable principe de ne vouloir pas être l'agresseur, c'est-à-dire de laisser à ses ennemis tout le temps de s'arranger, de se concerter, et d'attendre le signal d'une guerre dont on ne pouvoit plus douter. Si, au lieu de cette fausse et pernicieuse politique, l'armée du roi eût agi, elle auroit pénétré dans les Pays-Bas, où rien n'étoit prêt ni en état de résistance, eût fait crier miséricorde aux ennemis au milieu de leur pays, les eût mis hors d'état de soutenir la guerre, auroit déconcerté cette grande alliance dont la bourse des Hollandois fut l'âme et le soutien, auroit mis l'empereur hors d'état de pousser la guerre, faute d'argent; l'Empire n'auroit pas pris forcément, comme il le fit, parti pour l'empereur; et, malgré la faute d'avoir rendu vingt-deux bataillons hollandois, on auroit encore obtenu la paix par les succès d'une seule campagne, et assuré la totalité de la monarchie d'Espagne à Philippe V.» (Liv. II, ch. 3.)
98: «Le Portugal nous avoit manqué, dit le duc de Saint-Simon; nous avions manqué au Portugal, avec qui on ne put exécuter ce que nous lui avions promis, nos forces navales pour le mettre à couvert de celles de l'Angleterre. L'exécution en étoit d'autant plus essentielle, qu'il étoit clair que les Portugais ne pouvoient pas se défendre, par leurs propres forces, d'ouvrir leurs ports aux flottes ennemies. Il ne l'étoit pas moins que l'Espagne ne pouvoit être attaquée que par le Portugal, et que l'archiduc ne pouvoit mettre le pied ailleurs pour y porter la guerre.»
99: «Il la fit venir à son lit de mort, et après lui avoir donné connoissance de l'état actuel des affaires, des traités qu'il avoit faits, des mesures qu'il avoit prises, il lui rappela ensuite les maximes générales, desquelles les rois d'Angleterre ne devoient jamais s'écarter, savoir que, pour régner tranquillement sur les Anglois, il faut leur donner de l'occupation; que les guerres étrangères, et principalement contre la France, étoient un des meilleurs moyens de se maintenir paisiblement sur le trône, et d'être maîtresse dans ses États, parce qu'elles lui assureroient l'appui de tous les princes protestants de l'Europe et de la maison d'Autriche.» (Reboulet, t. 3, p. 113, in-4o.)
100: Ce démêlé eut lieu à l'occasion de quelques opérations militaires que projetoit l'électeur, et qui semblèrent à Villars de nature à compromettre le sort de l'armée qu'il commandoit. On va voir ce qui arriva après son départ.
101: Cette expédition, si heureusement commencée, et qui auroit peut-être mis fin à la guerre, manqua par la friponnerie d'Orry, chargé de l'intendance des vivres, et favori de la princesse des Ursins, qui, comme on sait, gouvernoit absolument la reine d'Espagne, et par elle le roi. Il avoit reçu des sommes considérables pour ces approvisionnements, avoit assuré que tout étoit préparé; et lorsqu'on arriva sur la frontière, on ne trouva ni vivres ni convois. Cet événement pensa perdre la favorite, dont Louis XIV exigea le renvoi; mais elle rentra bientôt en grâce par l'adresse de madame de Maintenon qui en étoit engouée, et il ne tint pas à ces deux femmes, qui intriguoient et correspondoient ensemble, dirigeoient toutes les affaires, faisoient et défaisoient les généraux au gré de leurs caprices et de leurs intérêts, que Philippe V ne perdît l'affection de ses peuples, et avec elles son royaume qui en dépendoit. «De là, dit le duc de Saint-Simon, cette autorité sans bornes de madame des Ursins, de là la chute de tous ceux qui avoient mis Philippe V sur le trône et de ceux dont les conseils pouvoient l'y soutenir; de là le néant de nos ministres sur l'Espagne, dont aucun ne put s'y maintenir qu'en s'abandonnant sans réserve à la des Ursins.»
102: Cette révolte, dite des Camisars, et dont le foyer principal étoit dans les Cévennes, eut d'abord de foibles commencements; mais bientôt, par le peu d'activité que l'on mit à l'éteindre, elle prit tous les caractères de violence et d'atrocité qui signaloient les révoltes des religionnaires. Ils se livrèrent, ainsi qu'ils avoient déjà fait et si souvent, à des cruautés inouïes contre les catholiques, et exercèrent dans les églises les plus horribles profanations. Le mal parut assez grave pour que l'on crût nécessaire d'envoyer contre eux une petite armée et un maréchal de France pour la commander. C'étoit le maréchal de Montrevel. Il les poursuivit vigoureusement, exerçant contre eux de terribles représailles; et il les eût sans doute facilement détruits sans ces continuels secours qu'ils recevoient des Anglois, et plus particulièrement des Hollandois. Le maréchal de Villars prit la place de Montrevel, lorsque leur courage étoit déjà abattu, tant par les défaites qu'ils avoient essuyées que par le peu de succès qu'avoit obtenu le duc de Savoie dans sa tentative d'irruption. Ces troubles ne tardèrent point à finir par la mort de quelques chefs, la soumission des autres, et une amnistie générale accordée au reste des rebelles.
103: Ce prince, d'un caractère hautain et impérieux, abusa violemment de la victoire, tant à l'égard des princes de l'Empire qui avoient suivi le parti de la France et de l'Espagne, qu'à l'égard des princes italiens qui s'en étoient faits les auxiliaires. Mais ce fut surtout contre le pape que ses persécutions prirent un caractère plus odieux; elles n'alloient pas moins qu'à le dépouiller d'une grande partie de ses états, et ne cessèrent que lorsqu'il eut obtenu de lui cette reconnoissance des prétendus droits de l'archiduc, reconnoissance évidemment arrachée par la force, qui fut considérée comme telle par toutes les puissances de l'Europe, et que Philippe V eut seul le tort de prendre au sérieux.
104: «C'est un grand Diable d'Anglois, sec, qui va toujours droit devant lui,» disoit la reine d'Espagne, qui ne le trouvoit pas assez homme de cour. Ce fut elle qui le fit rappeler; peu s'en fallut qu'elle ne payât de la perte du trône cette fantaisie de qu'un général d'armée eût en même temps la souplesse d'un courtisan.
105: Un parti hollandois avoit eu la hardiesse de pénétrer de Courtrai jusqu'auprès de Versailles, et avoit enlevé le premier écuyer du roi, croyant se saisir de la personne du dauphin. Il est vrai que le premier écuyer fut délivré, et que ceux qui avoient tenté ce coup si hardi furent tous faits prisonniers. Mais l'avoir seulement osé tenter et avoir été sur le point de réussir, prouve en quel état étoit alors la France.
106: Le bruit courut qu'il avoit intrigué en Espagne dans le dessein de détrôner Philippe V; deux de ses agents, nommés Flotte et Deslandes, dont les démarches et les paroles avoient semblé suspectes, furent arrêtés. Le duc d'Orléans fut un moment considéré comme un traître, et, en France comme en Espagne, il n'y eut qu'un cri contre lui. Or il fut bientôt démontré que si ce prince avoit eu quelques vues sur la couronne d'Espagne, ce n'avoit été que dans le cas d'une renonciation formelle de Philippe, dont il étoit déjà question même dans le cabinet de Versailles, et qu'il sembloit, vu la situation critique où se trouvoient ses affaires, assez disposé à faire. Ce n'étoit point à lui, mais à l'archiduc d'Autriche, que le duc d'Orléans vouloit, dans un tel cas, tenter d'enlever cette couronne; et un tel projet, qui ne blessoit point la justice, avoit quelque chose de louable et de grand. Le véritable crime du duc d'Orléans étoit de s'être montré en diverses occasions opposé aux vues ambitieuses de la princesse des Ursins, et d'avoir lancé sur elle quelques sarcasmes trop piquants.
107: C'est le traité connu sous le nom de la Barrière. Les États-Généraux s'engageoient à maintenir la succession à la couronne d'Angleterre dans la ligne protestante, et le cabinet anglois prenoit de son côté l'engagement de concourir avec ses alliés à s'emparer à leur profit de tous les Pays-Bas espagnols, et d'autant de Villes fortes qu'il seroit nécessaire pour les mettre à couvert tant du côté de la France que de toutes les autres puissances qui les avoisinoient. Ce traité prodigieux souleva justement la reine et toute l'Angleterre contre celui qui en étoit l'auteur.
108: Madame Guyon.
110: Les instructions pastorales étoient des évêques de Luçon et de La Rochelle, le mandement étoit de l'évêque de Gap.
111: Le cardinal poussa plus loin son ressentiment et jusqu'à l'excès le plus condamnable; car supposant, sans en avoir aucune preuve, que deux jeunes ecclésiastiques, neveux de deux de ces évêques, et qui étudioient au séminaire de Saint-Sulpice, n'étoient point étrangers à l'affront qu'il venoit de recevoir, il ordonna qu'ils fussent à l'instant même chassés de cette maison. Cependant il fut prouvé par la suite que c'étoit très injustement qu'ils avoient été soupçonnés; et sans doute il étoit plus injuste encore de les avoir condamnés sur un simple soupçon.
112: Cette proposition, devenue fameuse par les débats qu'elle fit naître, porte «que la crainte d'une excommunication injuste ne doit jamais nous empêcher de faire notre devoir.» Or, qui ne voit qu'une semblable doctrine tend à rendre chaque individu juge en dernier ressort, et de son devoir, et des censures de l'Église dont il est libre ainsi de toujours contester à son égard la juste application, ce qui établit pleinement le principe protestant du jugement particulier, et toutes ses conséquences.
113: Ce que dit Voltaire au sujet des jésuites et des Provinciales où ils étoient si odieusement diffamés, mérite d'être remarqué. Après avoir présenté ce livre comme un modèle d'éloquence et de bonnes plaisanteries: «Il est vrai, ajoute cet écrivain, qu'en totalité il portoit sur un fondement faux. On attribuoit adroitement à toute la société les opinions extravagantes de plusieurs jésuites espagnols et flamands. On les auroit déterrées aussi bien chez les casuistes dominicains et franciscains; mais c'étoit aux seuls jésuites qu'on en vouloit. On tâchoit, dans ces lettres, de prouver qu'ils avoient un dessein formé de corrompre les mœurs des hommes, dessein qu'aucune secte, aucune société n'a jamais eu et ne peut avoir. Mais il ne s'agissoit pas d'avoir raison, il s'agissoit de divertir le public.» (Siècle de Louis XIV.)
Voilà ce qu'a dit le patriarche de la philosophie moderne, ce qui n'empêche pas de braves philosophes de continuer à nous présenter tous les jours, comme la doctrine fondamentale de la compagnie de Jésus, toutes les folies et toutes les absurdités que Pascal a recueillies dans son livre.
Il ne sera peut-être pas hors de propos de faire connoître ici comment fut reçu, à son apparition, ce livre classique, ce chef-d'œuvre, devant lequel s'extasient les rhéteurs, les littérateurs de collége, et toute cette tourbe de pédants qui, dans les ouvrages d'esprit, ne voient que l'arrangement des paroles, et s'inquiètent peu que l'auteur ait du sens, pourvu que ses phrases soient nombreuses et ses périodes bien arrondies.
À peine les Provinciales eurent-elles paru, que Rome les condamna. De son côté, Louis XIV nomma pour l'examen de ce livre treize commissaires, archevêques, évêques, docteurs ou professeurs de théologie, qui donnèrent la décision suivante:
«Nous soussignés, etc., certifions, après avoir diligemment examiné le livre qui a pour titre: Lettres provinciales (avec les notes de Vendrock-Nicole), que les hérésies de Jansénius, condamnées par l'Église, y sont soutenues et défendues.... Certifions de plus que la médisance et l'insolence sont si naturelles à ces deux auteurs, qu'à la réserve des jansénistes, ils n'épargnent qui que ce soit, ni le pape, ni les évêques, ni le roi, ni ses principaux ministres, ni la sacrée faculté de Paris, ni les ordres religieux; et qu'ainsi ce livre est digne des peines que les lois décernent contre les libelles diffamatoires et hérétiques. Fait à Paris, le 4 septembre 1660. Signé: Henri de Rennes, Hardouin de Rhodez, François d'Amiens, Charles de Soissons, etc.»
Sur cet avis des commissaires, ce livre fut condamné au feu par arrêt du conseil d'état.
114: Le foyer du jansénisme étoit à quelques lieues de Paris, dans une maison attenante à l'abbaye de Port-Royal-des-Champs, et dans laquelle s'étoient retirés Arnauld, Saint-Cyran, et les autres chefs du parti. Ils y élevoient des jeunes gens, et leurs disciples se répandoient ensuite dans le monde où ils propageoient leurs doctrines. Ils gouvernoient en même temps les religieuses de ce monastère et celles de Port-Royal-de-Paris; et ces filles, très régulières d'ailleurs, étoient jansénistes sans trop savoir pourquoi, mais, suivant l'esprit de la secte, très obstinées dans leurs opinions, et fortement persuadées que cette révolte de leur esprit étoit une véritable force d'aine et un amour ardent de la vérité, qui les rendoit fort agréables à Dieu. Lors de la signature du formulaire, elles avoient d'abord refusé de signer, donnant pour raison les motifs qui leur étoient dictés par leurs directeurs. La cour s'irrita de cet entêtement; et, sur un ordre du roi, le lieutenant civil alla à Port-Royal-des-Champs, et en fit sortir tous les prétendus solitaires qui s'y étoient retirés, et tous les jeunes gens qu'ils y élevoient. Peu s'en fallut qu'alors les deux monastères ne fussent détruits; mais on crut suffisant de disperser dans d'autres couvents les plus récalcitrantes de ces religieuses; et quelques jansénistes furent mis à la Bastille par suite de cette affaire. La signature du formulaire les en fit sortir, et fit rentrer dans leur couvent les religieuses exilées. Il n'est pas besoin de dire que tout ce troupeau janséniste signa avec les restrictions mentales qu'il reprochoit aux jésuites, et qui lui étoient beaucoup plus familières qu'à ces religieux.
Cependant la secte se fortifioit par les persécutions, et Port-Royal étoit toujours signalé comme le centre de toutes ses manœuvres. On en eut la preuve lorsqu'il fut question d'y faire signer la bulle de Clément XI sur le cas de conscience: ces filles consentirent à signer, mais sans déroger à la doctrine du droit et du fait et à celle du silence respectueux. Cette fois-ci le roi se montra moins indulgent; mais voulant procéder dans les formes, il commença par demander au pape la suppression de leur monastère; et l'ayant obtenue, toutes les religieuses en furent enlevées et renfermées sans retour dans d'autres couvents. Le lieutenant de police reçut l'ordre de faire démolir leur maison de fond en comble, et les corps inhumés dans l'église et dans le cimetière furent déterrés et transportés ailleurs. Quesnel, condamné peu de temps après, se sauva dans les Pays-Bas, où Arnauld avoit si long-temps vécu exilé et se consolant jusqu'à sa mort de son exil par les combats que sa plume ne cessoit de livrer au pape et aux cinq propositions. La Bastille se remplit une seconde fois de jansénistes qui y restèrent jusqu'à la fin de ce règne. S'ils furent traités avec cette rigueur, ce ne fut pas pour leurs opinions religieuses dont il est probable que Louis XIV se seroit très peu occupé, quelque dangereuses qu'elles fussent en effet, mais pour leur ardeur à les répandre, et leur caractère remuant et séditieux. C'étoit là ce qui l'irritoit contre eux, et finit par le rendre inexorable pour tout ce qui tenoit de près ou de loin à ce parti.
115: «À son retour de Rome, dit le duc de Saint-Simon, Amelot me conta que le pape l'avoit pris en amitié, et qu'il gémissoit de se voir la boule et l'instrument du plus fort des partis de l'Église de France, tellement qu'après s'être laissé aller à donner la Constitution, dans la persuasion où les lettres de Le Tellier l'avoient mis, que le roi étoit le maître absolu de tout son royaume, il se trouvoit dans l'embarras.»
«Là dessus, Amelot, qui le savoit bien, lui demanda pourquoi il ne s'étoit pas contenté de censurer en gros quelques propositions de Quesnel, au lieu de faire une censure baroque de cent et une: «Eh! M. Amelot, que vouliez-vous, dit le pape, que je fisse? Le Tellier avoit assuré le roi qu'il y avoit dans ce livre plus de cent propositions censurables: il n'a pas voulu passer pour menteur; on m'a tenu le pied sur la gorge pour s'en mettre plus de cent.»
«Amelot, ajoute-t-il, étoit vrai et avoit de la probité.» Permis au duc de Saint-Simon de le croire, et, en bon janséniste, de trouver cette anecdote tout à fait vraisemblable. Quant à nous, nous ne craindrons pas de prononcer hardiment que cet honnête et véridique M. Amelot a fait un impudent et grossier mensonge; et, en effet, pour que la chose fût vraie, deux conditions seroient nécessaires: la première, que Clément XI eût été un malhonnête homme, absolument sans foi, ni loi; la seconde, qu'il eût eu la bonhomie d'en convenir. Tout, dans ce misérable conte, jusqu'au ton indécent de cette prétendue conversation, outrage le sens commun et décèle l'imposture.
Cependant aujourd'hui encore, et lorsqu'après plus d'un siècle on sait sans doute à quoi s'en tenir sur le livre de Quesnel, il se trouve des écrivains qui répètent gravement cette prodigieuse sottise comme une vérité historique des plus incontestables.
116: «Les ministres avoient su persuader au roi l'abaissement de tout ce qui étoit élevé; et leur refuser le traitement (le titre de monseigneur qu'ils exigeoient de tous, sans exception), c'étoit mépriser son autorité et son service dont ils étoient les organes, parce que d'ailleurs, et par eux-mêmes, ils n'étoient rien. Le roi, séduit par ce reflet prétendu de grandeur sur lui-même, s'expliqua si rudement à cet égard, qu'il ne fut plus question que de ployer sous ce nouveau style ou de quitter le service, et de tomber en même temps, en le quittant, dans la disgrâce marquée du roi, et sous la persécution des ministres dont les occasions se rencontroient à tous moments; de là l'autorité personnelle et particulière des ministres montée au comble, jusqu'en ce qui ne regardoit ni les ordres, ni le service du roi, sous l'ombre que c'étoit la sienne; de là ce degré de puissance qu'ils usurpèrent; de là leurs richesses immenses, et les alliances qu'ils firent à leur choix.» (Mém. de Saint-Simon, liv. IV.)
117: «Il me paroît, a dit un homme très au fait de la matière, que ces prélats (les auteurs de la déclaration) ont semé dans le cœur des princes un germe funeste de défiance contre les papes, qui ne pouvoit qu'être fatal à l'Église. L'exemple de Louis XIV et de ces prélats a donné à toutes les cours un motif très spécieux pour se mettre en garde contre les prétendues entreprises de la cour de Rome. De plus, il a accrédité auprès des hérétiques toutes les calomnies et les injures vomies contre le chef de l'Église, puisqu'il les a affermis dans les préjugés qu'ils avoient, en voyant que les catholiques même et les évêques faisoient semblant de craindre les entreprises des papes sur le temporel des princes; et, enfin, cette doctrine répandue parmi les fidèles a diminué infiniment l'obéissance, la vénération, la confiance pour le chef de l'Église, que les évêques auroient dû affermir de plus en plus.» (Lettres sur les quatre articles dits du Clergé de France, lettre II, p. 5.)
118: L'Angleterre exceptée; c'est là que, sous Henri VIII et ses successeurs, ce prodige s'est réalisé.
119: «Louis XIV, dit le comte de Maistre, avoit bien accordé quelque chose à sa conscience et aux prières d'un pape mourant (Alexandre VIII): il en coûtoit néanmoins à ce prince superbe d'avoir l'air de plier sur un point qui lui sembloit toucher à sa prérogative. Les magistrats, les ministres, et d'autres puissances, profitèrent constamment de cette disposition du monarque, et le tournèrent enfin de nouveau du côté de la déclaration, en le trompant comme on trompe toujours les souverains, non en leur proposant à découvert le mal que leur droiture repousseroit, mais en le voilant sous la raison d'état.
Deux jeunes ecclésiastiques, l'abbé de Saint-Aignan et le neveu de l'évêque de Chartres, reçurent, en 1713, de la part du roi, l'ordre de soutenir une thèse publique où les quatre articles reparoîtroient comme des vérités incontestables; cet ordre avoit été déterminé par le chancelier de Pontchartrain[119-A], homme excessivement attaché aux maximes parlementaires. Le pape se plaignit hautement de cette thèse, et le roi s'expliqua dans une lettre qu'il adressa au cardinal de la Trémouille, alors son ministre près du Saint-Siége. Cette lettre, qu'on peut lire en plusieurs ouvrages, se réduit néanmoins en substance à soutenir «que l'engagement pris par le roi se bornoit à ne plus forcer l'enseignement des quatre propositions, mais que jamais il n'avoit promis de l'empêcher; de manière qu'en laissant l'enseignement libre, il avoit satisfait à ses engagements envers le Saint-Siége[119-B].»
Dès qu'on eut arraché la permission de soutenir les quatre articles, le parti demeura réellement vainqueur. Ayant pour lui une loi non révoquée et la permission de parler, c'étoit, avec la persévérance naturelle aux corps, tout ce qu'il falloit pour réussir. (De l'Église gallicane, p. 163.)
119-A: Nouvelles additions et corrections aux Opuscules de Fleury, p. 36. Lettre de Fénélon, rapportée par M. Émery.
119-B: Histoire de Bossuet, t. II, liv. vi, no 13, p. 215 et seqq.
120: Le jugement qu'il porta de lui-même dans ces derniers moments où finissent toutes les illusions de l'homme, n'est guère moins rigoureux que celui de la postérité.
«Prêt à mourir, il fit appeler le dauphin qui devoit lui succéder. Ce prince n'avoit que quatre ans et demi; ainsi le discours que son aïeul lui tint étoit plutôt une déclaration de ses sentiments adressée à ceux qui l'environnoient, qu'une instruction pour cet enfant qui ne devoit être de long-temps en état de l'entendre et d'en profiter: «Mon fils, lui dit-il, je vous laisse un grand royaume à gouverner; je vous recommande surtout de travailler autant que vous pourrez à diminuer les maux et à augmenter les biens de vos sujets; et, pour cet effet, je vous demande avec instance de conserver toujours précieusement la paix avec vos voisins comme la source des plus grands biens, et d'éviter soigneusement la guerre comme la source des plus grands maux. Ne faites donc jamais la guerre que pour vous défendre ou pour défendre vos alliés. Je vous avoue que, de ce côté-là, je ne vous ai pas donné de bons exemples. Ne m'imitez pas: c'est la partie de ma vie et de mon gouvernement dont je me repens davantage.» (L'abbé de Saint-Pierre.)
121: L'abbé Lebeuf, t. I, p. 416.
122: Mémoire imprimé pour l'église Saint-Séverin, 1764, p. 1.
123: Manuscrit de Saint-Germain, côté 1027.
124: Mémoire pour les Curé et Marguilliers de Saint-Sulpice contre ceux de Saint-Séverin, 1764, p. 27.
125: Dans son Histoire de l'abbaye Saint-Germain.
126: On la voyoit encore, en 1789, dans la maison des religieux de la Charité, située, dans le Xe siècle, hors des murs. Elle y étoit désignée sous le nom de Chapelle de la Vierge.
127: Le premier curé dont les titres lui aient offert le nom se nommoit Raoul (Radulphus presbyter Sancti Sulpitii). Il étoit en contestation avec le curé de Saint-Séverin au sujet des limites des deux paroisses; et cette contestation fut terminée par une sentence arbitrale rendue en 1210; mais il n'est pas dit qu'il n'y avoit pas eu avant lui d'autres curés dans cette église.
128: Ce chœur présente un carré long de quarante-deux pieds de large sur soixante-huit pieds de long, terminé au sommet par un demi-cercle de vingt pieds de rayon, et percé dans son pourtour de sept arcades, dont les pieds-droits sont ornés de pilastres corinthiens qui soutiennent l'entablement. Sa hauteur dans œuvre, depuis le pavé jusqu'au milieu de la voûte, est de quatre-vingt-douze pieds. Les bas-côtés, larges de vingt-quatre pieds, et élevés de quarante-six, sont décorés d'un ordre composé que Gittard avoit imaginé, dans l'intention bizarre d'en faire un ordre françois. Ces constructions ne furent achevées qu'au bout de dix-huit ans. Alors on commença à travailler à la croisée, dont la dimension est de cent soixante-seize pieds de long sur quarante-deux de large, grandeur qui surpasse de quatorze pieds la longueur de la croisée de Notre-Dame. Le côté gauche de cette croisée, en entrant, fut achevé, jusqu'à l'entablement, de 1672 à 1674; et l'on éleva en même temps le premier ordre du portail de ce côté. C'est alors que les travaux furent interrompus.
129: Les colonnes du premier ordre ont cinq pieds de diamètre et quarante de hauteur; leur entablement est de dix pieds: celles du second ordre ont trente-huit pieds de haut sur un diamètre de quatre pieds trois pouces, et neuf pieds d'entablement. On monte au porche par un perron de vingt-deux marches, auquel on reproche de n'avoir pas assez de développement, ce qui ôte à l'ordre inférieur beaucoup de sa majesté; mais Servandoni fut obligé de le renfoncer ainsi dans l'intérieur, parce qu'il élevoit son portail dans une rue étroite, vis-à-vis le séminaire de Saint-Sulpice, qu'on ne vouloit point abattre.
130: Cette tour présente un plan carré composé de colonnes que surmontent des frontons triangulaires. Au dessus règne un dernier ordre de huit colonnes érigées sur un plan circulaire, et terminées par une balustrade.
131: Voyez pl. 181. On a abattu, pour former cette place, le séminaire Saint-Sulpice, une partie de la rue Férou et quelques maisons de la rue du Pot-de-Fer. Au milieu de ce grand espace, on avoit élevé une fontaine, dont les dimensions étoient visiblement trop petites pour la place et pour le monument; elle vient d'être enlevée et transportée dans l'enceinte du marché Saint-Germain. Le nouveau séminaire Saint-Sulpice occupe, à droite, toute la partie latérale de cette nouvelle place qui est loin d'être encore terminée. (Voyez l'article Monuments nouveaux à la fin de ce volume.)
132: Il a été remplacé depuis peu par un nouvel autel d'une composition plus simple et plus heureuse. (Voy. l'article Monuments nouveaux.)
133: La coupole de cette chapelle avoit été fort endommagée par l'incendie de la foire Saint-Germain, arrivé au mois de mars 1763.
134: Voyez pl. 182.
135: La seconde coupole, élevée après l'incendie, a été peinte par Callet.
136: Cet autel étoit, dans le principe, recouvert d'un baldaquin doré d'une très grande dimension, mais suspendu par trois cordes visibles, ce qui étoit de l'effet le plus ridicule. On ne tarda pas à s'en apercevoir, et le baldaquin fut supprimé.
137: Ces statues ainsi placées sur des culs-de-lampes, à dix pieds au dessus du sol, offroient à l'œil un porte-à-faux effrayant, et produisoient un effet peu agréable à l'œil. Enlevées de cette église pendant le régime révolutionnaire, elles viennent de lui être rendues, et ont repris la même place qu'elles occupoient auparavant et sur les mêmes culs-de-lampes. Il eût été possible, puisque l'occasion s'en présentoit, de les disposer plus heureusement.
138: M. Languet avoit obtenu de la piété des fidèles des sommes assez considérables pour faire exécuter en argent la statue de la Vierge, sur un modèle de Bouchardon, et dans une proportion de six pieds; mais la richesse de la matière exigeant une surveillance continuelle, on prit le parti de lui substituer la Vierge en marbre dont nous venons de parler. La Vierge d'argent, renfermée alors dans la sacristie, a été détruite pendant la révolution; quant à celle de Pigale, on l'a replacée dans sa niche, au milieu de sa gloire et de tous les autres accessoires dont elle étoit d'abord entourée. Il est difficile de voir de plus médiocres sculptures et des ornemens d'un plus mauvais goût.
139: Son portrait, dans un médaillon de marbre, avoit été déposé aux Petits-Augustins.
140: Le pasteur est représenté à genoux, levant les mains et les yeux au ciel. Le génie de l'Immortalité, placé devant lui, soulève une draperie funéraire, sous laquelle on aperçoit le squelette de la mort qui semble frappé d'épouvante. Sur le piédestal étoient les deux génies de la Charité et de la Religion; ils ont été détruits. Ce mausolée, conservé pendant la révolution, dans le musée des Petits-Augustins, et qui, par son volume ainsi que par la beauté des marbres qu'on y a employés, doit avoir coûté des sommes considérables, nous semble le monument le plus curieux de ce dernier degré de corruption auquel les arts du dessin étoient enfin arrivés sur la fin du règne de Louis XV. Il n'y a point d'expression qui puisse rendre à quel point tout, dans cette sculpture, draperies, figures, composition, est faux, lourd, ignoble et maniéré. Le sculpteur, Michel-Ange Sloldtz, considéré de son temps comme un grand artiste, ignorant même jusqu'aux limites de son art, paroît avoir voulu, par le mélange du bronze et des marbres de diverses couleurs, produire quelques uns des effets de la peinture, ce qui ajoute encore la bizarrerie et le ridicule à tous ses autres défauts. Les deux figures sont en marbre blanc, la mort en bronze, la draperie de deux sortes de marbres, bleu turquin et albâtre jaunâtre. Les coussins sur lesquels le pasteur est à genoux sont en marbre jaune de Rennes, etc. (Ce monument a été rendu à l'église Saint-Sulpice.)
141: Ce monument, en demi-relief, représente une femme éplorée, enveloppée d'une draperie, et s'appuyant sur une urne. C'est de la sculpture la plus médiocre. (Déposé aux Petits-Augustins.)
142: L'église de Saint-Sulpice a été rendue au culte. Presque entièrement dépouillée de son ancienne magnificence, elle doit au zèle et à la libéralité du digne curé qui l'administre maintenant des décorations nouvelles, non moins riches et d'un meilleur goût. (Voyez l'article Monuments nouveaux.)
143: La vue perspective que nous donnons de cette église a été levée d'après une ancienne gravure exécutée avant cette démolition. (Voyez pl. 187.)
144: Histoire de Paris, t. 5, p. 191.
145: Ce couvent a été changé en maison particulière.
146: Maintenant rue Servandoni.
147: Mademoiselle L'Échassier, et M. Raguier de Poussé, curé de Saint-Sulpice.
148: Le bâtiment qu'ils occupoient est habité maintenant par les Sœurs de la Charité.
149: Cette institution a été rétablie, comme nous venons de le dire, dans la maison des Orphelins.
150: Voyez tome 2, 2e partie, page 1085.
151: La plupart des historiens donnent à la mère Catherine de Bar le nom de Mectilde du Saint-Sacrement; cependant il est certain qu'elle ne le prenoit point dans les actes; et celui de Catherine de Bar du Saint-Sacrement est le seul que l'on trouve dans la requête présentée à l'abbé de Saint-Germain et dans les lettres-patentes.
152: Le couvent de ces religieuses est maintenant une habitation particulière.
153: Voyez tome 3, 2e partie, page 647.
154: Paul V, Grégoire XV, Urbain VIII, Innocent X et Innocent XII.
155: L'église a été détruite, et l'on a changé les bâtiments en habitations particulières.
156: Histoire de Paris, tome 4, page 183.
157: Les bâtiments sont habités par des particuliers. L'église rendue au culte est maintenant l'une des paroisses succursales de Paris, et l'une des plus pauvrement décorées de cette capitale.
158: L'église a été détruite, et les bâtiments sont devenus des habitations particulières.
159: Cette épitaphe étoit de Pélisson: Nous la citerons, quoique longue, parce qu'elle nous semble digne d'être remarquée:
ICI REPOSE
Très illustre et vertueuse princesse Marie-Éléonore de Rohan, premièrement abbesse de Caen, puis de Malnoue, seconde fondatrice de ce prieuré, qu'elle redonna à Dieu, et où elle voulut finir ses jours. Plus révérée par ses grandes qualités que par sa haute naissance, le sang des rois trouva en elle une ame royale: en sa personne, en son esprit, en toutes ses actions, éclata tout ce qui peut rendre la piété et la vertu plus aimables. Sa professions fut son choix, et non pas celui de ses parents: elle leur fit violence pour ravir le royaume des cieux. Capable de gouverner des états autant que de grandes communautés, elle se réduisit volontairement à une petite, pour y servir, avec le droit d'y commander. Douce aux autres, sévère à elle-même, ce ne fut qu'humanité au dehors, qu'austérité au dedans. Elle joignit à la modestie de son sexe le savoir du nôtre; au siècle de Louis-le-Grand, rien ne fut ni plus poli, ni plus élevé que ses écrits: Salomon y vit, y parle, y règne encore, et Salomon en toute sa gloire. Les constitutions qu'elle fit pour ce monastère serviront de modèle pour tous les autres. Comme si elle n'eût vécu que pour sa sainte postérité, le même jour qu'elle acheva son travail, elle tomba dans une maladie courte et mortelle, et y succomba le 8 d'avril 1681, en la cinquante-troisième année de son âge. Jusqu'en ses derniers moments, et dans la mort même, bonne, tendre, vive et ardente pour tout ce qu'elle aimoit, et surtout pour son Dieu. Tant que cette maison aura des vierges épouses d'un seul époux, tant que le monde aura des chrétiens, et l'Église des fidèles, sa mémoire y sera en bénédiction: ceux qui l'ont vue n'y pensent point sans douleur, et n'en parlent point sans larmes.
Qui que vous soyez, priez pour elle, encore qu'il soit bien plus vraisemblable que c'est maintenant à elle à prier pour nous; et ne vous contentez pas de la regretter ou de l'admirer, mais tâchez de l'imiter et de la suivre.
Sœur Françoise de Longaunay, première prieure de cette maison, sa plus chère fille, l'autre moitié d'elle-même, dans l'espérance de la rejoindre bientôt, lui a fait élever ce tombeau.
Le moindre et le plus affligé de ses serviteurs eut l'honneur et le plaisir de lui faire cette épitaphe, où il supprima, contre la coutume, beaucoup de justes louanges, et n'ajouta rien à la vérité.
160: Ces filles ont été réinstallées dans leur maison.
161: Histoire de Paris, t. 2, p. 1060.—Piganiol, t. 7, p. 391.—Labarre, t. 5, p. 352.
162: Jaillot, Quart. du Luxembourg, p. 86.
163: Le bâtiment destiné à cette dernière espèce de malades étoit séparé des autres et situé dans la rue de la Chaise. Nous aurons occasion d'en reparler.
164: Cet établissement est tel qu'il étoit avant la révolution; seulement on n'y reçoit plus que des personnages âgés et infirmes.
165: Les bâtiments de cette communauté sont maintenant habités par des particuliers.
166: Tome Ier, page 494.
167: Cet hôpital est resté tel qu'il étoit avant 1789.
168: Cet établissement existe encore sous le nom d'Hospice de madame Necker.
169: Cette communauté, fondée en 1676, ne subsistoit plus à cette époque.
170: Ses bâtiments servent maintenant d'hôpital aux pauvres enfants malades.
171: Sauval, t. Ier, p. 600.—Gallia Christ., t. 7, col. 646.
172: Voyez tom. 3, 2e partie, p. 466.
173: Voyez pl. 188.
174: Cette statue, vantée comme un chef-d'œuvre dans toutes les descriptions de Paris, et qui étoit un présent fait aux Carmes-Déchaussés par le cardinal Barberin, a été déposée dans une des chapelles de la cathédrale. C'est un ouvrage très médiocre.
175: Une partie des bâtiments a été détruite, et sur cet emplacement on a percé une rue nouvelle qui donne dans celle de Vaugirard. L'église a été rendue au culte: l'autre portion du couvent est habitée par des religieuses carmélites.
176: Cette maison a fait depuis partie du séminaire des Missions-Étrangères.
177: Les bâtiments de ce couvent sont habités par des particuliers.
178: Tome Ier, pages 489 et 708.
179: Le Maire.
180: Voyez pl. 188. L'église n'existe plus: la maison avoit été détruite avant la révolution.
181: Ce précieux tableau est dans la collection du Musée.
182: Cette maison est maintenant habitée par des particuliers.
183: L'une de ces maisons se nommoit de Montherbu, l'autre, l'hôtel des Trois Rois. (Jaillot.)
184: Les bâtiments de cette maison servent maintenant de caserne à la gendarmerie d'élite.
185: Jaillot, Quartier du Luxembourg, p. 100 et seqq.
186: Voyez pl. 183 et 184.
187: Voyez pl. 185.
188: Voyez pl. 184.
189: Il a été opéré dans le plan de cet édifice un changement auquel la disposition intérieure a beaucoup gagné, c'est celui de l'escalier et du vestibule. Cette partie de l'ancien plan étoit justement regardée comme la plus défectueuse. L'escalier étoit mal situé, lourd, d'un aspect désagréable. Il vient d'être reporté dans l'aile droite de la cour, qu'il occupe presque tout entière. On y a prodigué toute la richesse de l'architecture et de la sculpture, ainsi que dans la petite galerie et dans le vestibule, qui, tous les deux, servent de passage pour arriver au jardin.
190: Ce tableau est maintenant dans le Musée du Roi.
191: Cette collection entière a été gravée par divers graveurs célèbres, sous la direction et d'après les dessins de Nattier. Elle orne maintenant le Musée du Roi.
192: Ce terrain s'étendoit jusqu'au bassin qui forme maintenant le milieu du parterre.
193: Voyez pl. 188.
194: Ce jardin a été, depuis la révolution, considérablement augmenté et embelli sous la direction de M. Chalgrin, architecte, auquel on doit aussi les améliorations, changements et augmentations dans le palais. De grands terrains y ont été ajoutés aux dépens des maisons voisines et de l'emplacement des Chartreux; et son intérieur, plus riant et plus agréable qu'autrefois, a été enrichi d'un grand nombre de statues. (Voyez l'article Monuments nouveaux.)
195: Ce second hôtel fut bâti sur l'emplacement de la maison vendue à Marie de Médicis par le duc de Pinei-Luxembourg.
196: On a démoli cet hôtel, pour former, de ce côté, une entrée particulière au jardin. Les murs de pignons de cette entrée ont été restaurés suivant l'ordonnance générale du palais, et ce bel édifice se trouve maintenant, de toutes parts, isolé.
197: Il en resta long-temps des traces dans la fête scandaleuse connue sous le nom de fête des Fous, et qu'on doit regarder comme un reste déplorable des superstitions païennes. Au jour qui lui étoit consacré, des prêtres, des clercs, les uns travestis en femmes, les autres vêtus comme des bouffons, chantoient dans le chœur des vers obscènes, mangeoient des soupes grasses sur l'autel, jouoient aux dés à côté du ministre tandis qu'il célébroit le sacrifice, infectoient l'église des ordures qu'ils faisoient brûler dans leurs encensoirs; et réunis à une foule de gens masqués qui accouroient de toutes parts dans l'église, dansoient, tenoient les propos les plus infâmes, imitoient les postures les plus indécentes. Poussant plus loin encore leurs bouffonneries sacriléges, ils élisoient des évêques, des archevêques et même un souverain pontife, auquel on donnoit le nom de pape des fous, qui officioit pontificalement et donnoit sa bénédiction au peuple. Eudes publia, l'an 1198, un mandement à l'effet de réprimer des désordres si abominables; mais il y a grande apparence que son autorité échoua contre un usage qui charmoit un peuple superstitieux et grossier, car la fête des Fous subsistoit encore deux cent quarante ans après, comme le prouve la censure de la faculté de théologie de Paris, en date du 12 mars 1444. Il fallut ce long espace de temps et touts la vigilance des prélats et de la partie la plus saine du clergé pour déraciner enfin cet opprobre du christianisme.
198: La rue des Ménétriers.
199: Voyez tome 2, 1re partie, p. 495.
200: L'action duroit souvent un demi-siècle, et quelquefois davantage. Jésus-Christ prononçoit des sermons moitié françois, moitié latins; s'il donnoit la communion aux apôtres, c'étoit avec des hosties. Dans sa transfiguration sur le mont Thabor, on le voyoit paroître entre Moïse et le prophète Élie, en habit de Carme. Sainte Anne et la Vierge accouchoient dans une alcôve pratiquée sur le théâtre: on avoit soin seulement de tirer les rideaux du lit. Si les auteurs de ces pièces monstrueuses inventoient quelque épisode, il se ressentoit de leur grossière ignorance. Par exemple, Judas tuoit le fils du roi de Scarioth, à la suite d'une querelle qu'il avoit prise avec lui en jouant aux échecs; il assommoit ensuite son père, et devenoit le mari de sa mère, ce qui produisoit une reconnoissance et des fureurs. Mahomet, dont on faisoit mention sept cents ans avant sa naissance, étoit compté parmi les divinités du paganisme. Le gouvernement de Judée vendoit les évêchés à l'enchère. Satan prioit Lucifer de lui donner sa bénédiction. Les diables, les satellites des tyrans, les bourreaux, les archers, les voleurs, étoient ordinairement les personnages plaisants de ces compositions dramatiques.
201: Clément Marot composa, dit-on, des pièces pour les Enfants sans souci, et partagea leurs amusements. Louis XI les honoroit d'une protection particulière, et assistoit souvent à leurs spectacles. Les guerres civiles qui survinrent ensuite jetèrent de l'amertume et de l'aigreur dans ces jeux d'esprit, et convertirent les acteurs en factieux. Les plus modérés abandonnèrent alors cette société, qui ne fut plus composée que de libertins et de gens perdus de réputation.
202: La Bazoche, fondée peu de temps après que le parlement eut été rendu sédentaire à Paris, avoit obtenu, en 1303, la permission de se choisir un chef avec le nom de roi. Philippe-le-Bel, qui régnoit alors, lui ayant en même temps concédé le droit de justice souveraine, la cour de son chef fut composée de grands officiers, comme chancelier, maîtres des requêtes, avocat et procureur du roi, grand référendaire, grand audiencier, etc., tous pris parmi les Bazochiens. Le roi de la Bazoche eut aussi le droit de faire frapper une monnoie qui avoit cours parmi les clercs, et de gré à gré parmi les marchands. Ceci dura jusqu'au règne de Henri III, qui abrogea le titre de roi, ce qui rendit le chancelier chef de cette singulière juridiction.
Vers la mi-juillet, le roi de la Bazoche faisoit la montre générale de tous ses clercs ou sujets distribués en douze compagnies, commandées par autant de capitaines. Après cette cérémonie, ils alloient donner des aubades à MM. du parlement, et représentoient une de leurs moralités. Ce spectacle se renouveloit trois fois par année, à la fête de l'Épiphanie, à la cérémonie du mai[202-A] et après la montre générale. D'abord ils n'eurent point de théâtre fixe, et leurs jeux se faisoient tantôt au Palais, tantôt au Châtelet, et le plus souvent dans des maisons particulières. Ce fut à Louis XII qu'ils durent de pouvoir dresser leur théâtre sur la fameuse table de marbre qui occupoit toute la largeur de la salle du Palais, et qui fut détruite dans l'incendie de 1618. Les Bazochiens, de même que les Enfants sans souci, eurent plus d'une fois besoin d'être réprimés pour l'insolence de leurs satires et de leurs allusions, dans lesquelles ils n'épargnèrent pas même la personne du bon roi à qui ils étoient redevables de leur dernier théâtre.
202-A: Voyez tome 1er, 1re partie, p. 166.
203: Ils exigeoient cependant une rétribution des spectateurs; et le parlement, chargé de la police de leurs jeux, la fixa à deux sous, qui en valoient alors huit des nôtres. Leurs représentations commençoient à une heure après midi, et duroient jusqu'à cinq heures sans intervalle. L'arrêt qui fixoit le prix des places, ordonnoit en outre qu'ils paieroient mille livres par an au trésorier des pauvres de la ville.
204: Jodèle fit jouer ses premières pièces sur deux théâtres qu'on éleva dans les colléges de Reims et de Boncourt. Henri II y assista avec toute sa cour.
205: Cette maison étoit située au coin de la rue de la Poterie, près de la place de Grève. Pour avoir le droit de jouer, la troupe qui l'occupoit payoit un écu tournois par représentation aux confrères de la Passion.
Dans cette même année (1660) on vit à Paris des comédiens espagnols; ils avoient suivi la reine, femme de Louis XIV, et restèrent douze ans à Paris avec une pension du roi; mais ils ne purent s'y soutenir.
En 1661, une troupe de comédiens de province, appelés à Paris par Mademoiselle, établit son théâtre au faubourg Saint Germain; mais n'ayant point eu de succès, elle se dispersa après le temps de la foire.
En 1662, une troupe d'enfants, qui prit le nom de troupe du Dauphin, parut aussi à la foire Saint-Germain. Ce fut là que débuta le célèbre Baron, âgé alors d'environ douze ans.
En 1677 commença le théâtre des Bamboches, établi au Marais, dans lequel ne paroissoient que de très petits enfants. Il n'eut que quelques mois d'existence.
En 1684, des comédiens de province venus à Paris louèrent une grande salle dans l'hôtel Cluni, et osèrent y jouer sans aucune permission. Leur théâtre fut fermé presque aussitôt par arrêt du parlement.
D'autres comédiens de province étoient déjà venus, en 1632, établir un théâtre dans un jeu de paume de la rue Michel-le-Comte; mais à peine eurent-ils ouvert leur spectacle qu'il fut fermé, sur la demande des habitants du quartier.
Les comédiens forains avoient paru à Paris dès 1596.
206: Voyez pl. 186.
207: Cet incendie arriva dans le mois de mars 1799. Ce théâtre avoit alors le nom d'Odéon, qu'on lui avoit donné en 1794, et étoit occupé par la troupe du sieur Picard. Abandonné pendant plusieurs années, il fut reconstruit sous la direction de feu Chalgrin, qui, si l'on en excepte la décoration intérieure de la salle et quelques détails de construction, eut le bon esprit de ne point s'écarter du plan des deux premiers architectes. Ce théâtre a été depuis la proie d'un second incendie. (Voyez l'article Monuments nouveaux.)
208: Le théâtre de la comédie françoise étoit occupé, en 1799, par les bouffons italiens et par l'ancienne troupe établie d'abord dans la rue de Louvois; ces deux troupes y jouoient alternativement sous la même direction. Plusieurs autres troupes se sont succédé depuis sur ce théâtre; aujourd'hui il est occupé par des acteurs qui jouent alternativement la tragédie, la comédie et l'opéra. Les comédiens françois n'ont point quitté, jusqu'à présent, la grande salle du Palais-Royal, destinée, dans le principe, à la troupe dite des Variétés. (Voyez t. 1, 2e partie, p. 887.)
209: Voyez tome 1er, 2e partie, p. 982.
210: Sur cet emplacement étoit une tour carrée, anciennement appelée la tour Gaudron, et une maison qui en portoit encore le nom en 1640.
211: Les inscriptions placées sous les premières pierres portoient qu'elles avoient été posées par M. Antoine de Barillon, seigneur de Morangis, et par M. Louis de Rochechouart, comte de Maure.
212: La maison des Feuillants est maintenant habitée par des particuliers.
213: Page 454.
214: Quartier du Luxembourg, p. 44.
215: Les religieux y mangeoient ensemble les dimanches, les fêtes, et les jeudis; les autres jours, chacun prenoit ses repas en particulier dans sa cellule.
216: Pierre de Navarre, fils de Charles II, roi de Navarre, donna, en 1396, pour l'entretien de quatre Chartreux, une somme de 5,000 liv., que ces religieux employèrent à faire l'acquisition de la terre de Villeneuve-le-Roi; et Jeanne d'Évreux affecta sa terre d'Yères à l'entretien de l'église qu'elle avoit fait bâtir.
217: Voyez pl. 187.
218: Personne n'ignore que ce prétendu miracle, lequel donna lieu, dit-on, à la retraite de saint Bruno et à l'institution de son ordre, est mis au nombre des fables par les meilleurs critiques.
219: Quelques années avant la révolution, le roi avoit fait l'acquisition de ces chefs-d'œuvre pour les mettre dans sa collection: ils sont passés de la galerie du Luxembourg dans le Musée royal.
220: Pour empêcher la dégradation entière de ce monument, MM. de Châtillon le firent masquer, en 1712, par une boiserie, sur laquelle on avoit peint tout ce qui étoit sculpté derrière; ce qui faisoit un tableau de quinze pieds de largeur sur quatre de hauteur.
221: Cette statue et celle d'Amé de Genève n'avoient point été déposées aux Petits-Augustins.
222: Ces deux statues, d'une exécution gothique assez soignée, se voyoient dans ce Musée.
223: L'ancien chemin d'Issy passoit autrefois le long du terrain où elle avoit été bâtie.
224: On voyoit sur leur tombe un écusson ayant une botte en pal, chargée d'un oiseau sur la genouillière.
225: L'église et le couvent des Chartreux ont été entièrement détruits; sur leur terrain on a établi une très grande pépinière, et plusieurs avenues plantées d'arbres qui font partie du jardin du Luxembourg. (Voyez l'article Monuments nouveaux.)
226: Madame Hurault de Chiverni, veuve du marquis d'Aumont, acquitta toutes les dettes de la communauté, fit bâtir le chœur et les logements pratiqués au dessus, éleva les murs de clôture du jardin, etc.; la marquise de Sablé fit construire le corps de logis et le chapitre au bout du chœur; la princesse de Guémenée, la sacristie et partie d'un des côtés du cloître. Mesdames de Pontcarré, de Choiseul-Praslin, de La Guette de Champigny, de Boulogne, de Rubantel, etc.; MM. de Sévigné, Le Maître de Séricourt-Sacy, Le Roi de La Potherie, etc., comblèrent les religieuses de libéralités, et plusieurs de ces dames s'y renfermèrent après la mort de leurs maris. Louise-Marie de Gonzague de Clèves, reine de Pologne, qui avoit été élevée à Port-Royal, signala sa reconnoissance par de riches présents.
228: Elle existe encore, ainsi que la maison qui sert maintenant d'hospices pour les pauvres femmes en couche. C'est un ouvrage bien médiocre. (Voyez pl. 188.)
229: Ce beau tableau est maintenant dans le Musée du Roi.
230: Ce dernier monument a été donné au collége de Juilly.
231: Cette maison, réunie au monastère de Port-Royal, sert maintenant d'hospice pour les femmes en couche.
232: Voyez l'article Monuments nouveaux.
233: Arch. de Saint-Germain, A. 4, 1, 1.
234: Histoire de l'abbaye Saint-Germain, p. 109.
235: Quartier du Luxembourg, p. 12.
236: Voyez tome 1er, 2e partie, p. 718.
237: Arch. de Saint-Germain, A. 4, 1, 3.
238: Arch. de Saint-Germain, A. 4, 1, 6.
239: Ibid., A. 4, 1, 4.
240: Ibid., A. 4, 1, 5.
241: Cette ancienne foire étoit alors admirée comme un des morceaux de charpente les plus hardis qu'il fût possible d'imaginer. Elle se composoit d'un seul bâtiment divisé en deux halles contiguës, qui, chacune, avoient cent trente pas de long sur cent de large. Neuf rues tirées au cordeau, et qui se coupoient à angles droits, les partageoient en vingt-quatre parties[241-A]. Chaque loge étoit composée d'une boutique au rez-de-chaussée et d'une chambre au dessus. Quelques-unes étoient accompagnées de cours, où il y avoit des puits pour éteindre le feu en cas d'accident, précaution que la violence du vent rendit inutile dans cette nuit désastreuse. Au bout de l'une des halles on avoit pratiqué une chapelle, dans laquelle on disoit la messe tous les jours pendant la durée de la foire.
241-A: Ces rues étoient distinguées par les noms des divers marchands qui y étaloient, tels que ceux de rue aux Orfèvres, aux Merciers, aux Drapiers, aux Peintres, aux Tabletiers, aux Fayenciers, aux Lingères, etc.
242: Indépendamment des foires Saint-Laurent et Saint-Germain, la ville de Paris avoit encore plusieurs autres foires, qui se tenoient en divers lieux et à des époques différentes.
La foire des Jambons ou du parvis Notre-Dame. Cette foire, qui appartenoit à l'archevêque et au chapitre de la cathédrale, ne durait qu'un jour, et se tenoit le mardi-saint.
La foire du Temple. Elle appartenoit au grand-prieur de France, et s'ouvroit dans l'enclos du Temple le jour de saint Simon et saint Jude. On y vendoit principalement de la mercerie, des manchons, des fourrures, beaucoup de nèfles, etc., etc.
La foire Saint-Ovide. Établie d'abord sur la place Vendôme, elle fut transférée, en 1771, sur la place Louis XV. Toutes les boutiques, disposées sur un plan circulaire, y étoient accompagnées d'une galerie qui tournoit autour, et sous laquelle on se promenoit à l'abri. Elle duroit un mois entier, et attiroit un grand concours de monde, tant par le nombre et la variété de ses boutiques que par les spectacles forains qui venoient de toutes parts s'y établir.
La foire Saint-Clair. Elle se tenoit, le jour de la fête de ce saint, devant l'abbaye Saint-Victor, et duroit huit jours. Les marchands y occupoient la rue Saint-Victor jusqu'au jardin des Plantes, celle des Fossés et toute la place de la Pitié.
Du reste, il se tenoit une foire devant chaque église, le jour de la fête de son patron, laquelle duroit plus ou moins long-temps, comme la foire des Prémontrés de la Croix-Rouge, etc.
243: Arch. de Saint-Germain, A. 4, 2, 2.
244: La maison de cette communauté a été démolie pour former la place Saint-Sulpice; le nouveau séminaire qui se prolonge dans la rue Pot-de-Fer, a sa façade sur un des côtés de cette place. (Voyez l'article Monuments nouveaux.)
245: Cette maison et la précédente sont aujourd'hui des habitations particulières.
246: La chapelle a été détruite; la maison est habitée par des particuliers.
247: Voyez t. 3, 2e partie, p. 529.
248: Ce collége est habité maintenant par des particuliers.
249: Il avoit déjà établi une communauté du même genre en 1685, près de l'église Saint-Marcel, dans le quartier de la place Maubert.
250: Les bâtiments en furent d'abord changés en caserne pendant la révolution, et l'église devint le magasin des décorations du Théâtre-François, dit l'Odéon; maintenant on en a fait une usine où se confectionne le gaz hydrogène qui sert à l'éclairage de Paris.
251: Arch. de Saint-Germain.
252: Jaillot, Quartier du Luxembourg.
253: Il sert maintenant de dépôt au cabinet de minéralogie.
254: C'est dans cet hôtel que se tiennent les séances du conseil de guerre de la première Division militaire.
255: Cet édifice existe encore, et n'a point changé de destination.
256: Tome 1er, page 111.
257: Elle fut aussi nommée, suivant un auteur, rue du Cimetière-Saint-Sulpice. Il est vrai qu'il y en avoit un dans cette rue, lequel fut béni le 10 juin 1664; mais on ne trouve nulle part qu'on en ait donné le nom à la rue. (Ce cimetière a été détruit pendant la révolution, et changé en jardin.)
258: Tome 1er, page 111.
259: Voyez p. 352. Elle se nomme maintenant rue Montfaucon.
260: Traité de Police, t. 2, p. 1208 et 1215.
261: Traité de la Police, t. 1er, p. 118.
262: Manuscrit de Blondeau à la Bibliothèque du Roi, tome 66, premier cahier.
264: Arch. de Saint-Germain, A. 2, 33, 1.
265: Quartier du Luxembourg, p. 11.
266: Tome 1, page 121.
267: Le pilori, dont cette rue avoit pris le nom, étoit situé au carrefour où elle aboutit, et près de l'endroit où fut depuis la barrière des sergents. Il paroît que ce fut un droit accordé à l'abbaye Saint-Germain, ou confirmé par la charte de Philippe-le-Hardi, du mois d'août 1275. (Histoire de l'Abbaye, Preuves, no 98.)
268: À la fin du XIVe siècle, auprès d'une maison de cette rue, dont l'enseigne étoit le chef Saint-Jean, il y avoit une rue ou ruelle qui portoit aussi ce nom: elle n'existe plus.
270: Tome 1, page 126.
271: Quartier du Luxembourg, p. 23.
272: Tome 1, page 127.
273: Près de là, on prit des jardins situes entre les rues du Sépulcre et des Saints-Pères, pour leur servir de cimetière. Vis-à-vis étoient la justice de l'abbaye et une voirie, sur l'emplacement de laquelle on fit construire des maisons, dont une partie a servi depuis de couvent aux Petites-Cordelières.
274: Dans cette rue est un cul-de-sac qui porte le même nom. On l'appela d'abord rue de la Magdeleine, ensuite de Sainte-Catherine, parce qu'il fait la continuation de cette dernière rue.
275: Jaillot seroit porté à adopter l'opinion de ceux qui pensent que ce nom d'Enfer vient plutôt de sa situation; qu'étant plus basse que la rue Saint-Jacques, qui lui étoit parallèle, et qu'on appeloit via Superior, on l'avoit nommée via Inferior, via Infera, et que ce mot a été altéré et changé en celui d'Enfer. (Quartier du Luxembourg, p. 38.)
276: Tome 1, page 133.
277: Elle porte aujourd'hui le nom de rue Servandoni.
278: Tome 1, page 135.
279: Quartier du Luxembourg, p. 61.
280: Jaillot, Quartier du Luxembourg, p. 63.
281: Au commencement du XVIIe siècle il y avoit dans cette rue un marché, situé à son extrémité, près de celle des Cordeliers; il contenoit quatre toises de large sur sept de long. M. le Prince en ayant demandé la suppression en 1634, il fut transféré rue Sainte-Marguerite en 1636.
282: Tome 2, page 454.
283: Quartier du Luxembourg, p. 65.
284: Tome 1, page 140.
285: Spicil., in-fol., t. 3, p. 116.
287: À côté de cette rue, est un cul-de-sac qui portoit autrefois ce nom de Notre-Dame-des-Champs. Il a pris celui de la rue de Fleurus qui vient y aboutir. (Voyez Rues nouvelles.)
Il existe, dans cette même rue, un passage planté d'arbres et formant avenue, qui donne dans la rue de l'Ouest. (Voyez Rues nouvelles.)
288: Tome 1, page 159.
289: La rue et la place du Théâtre-François ont pris le nom de rue et place de l'Odéon.
290: Tome 1, page 166.
291: Jaillot, Quartier du Luxembourg, p. 100.
292: Il y avoit dans cette rue un cul-de-sac portant le même nom, lequel retournoit en équerre jusqu'au mur du préau de la foire. On y avoit pratiqué une porte pour faciliter l'entrée et la sortie du théâtre de l'Opéra-Comique. Ce cul-de-sac est aussi indiqué sous les noms de cul-de-sac de la Foire et de l'Opéra-Comique.
La rue des Quatre-Vents a été ouverte jusqu'à la rue des Boucheries, et de là dans une ligne droite jusqu'à celle de Buci, pour établir une communication directe, de la rue de Seine au palais du Luxembourg.
293: M. Depierre.
294: En examinant ces peintures exécutées par des artistes d'un vrai talent, et qui néanmoins s'y sont montrés au dessous d'eux-mêmes dans tout ce qui touche la pratique de l'art, c'est-à-dire dans la couleur, la touche, l'harmonie, on est porté à croire que ces défauts, qu'on ne retrouve point dans les tableaux qu'ils ont exécutés à l'huile, ne peuvent provenir que d'une connoissance imparfaite du procédé de la fresque, qui ne leur a pas permis de développer ici tout ce qu'ils ont d'habileté de main et de facilité de pinceau; et ce qui vient à l'appui de cette conjecture, c'est que les galeries du Musée du Louvre contiennent des fresques exécutées par des artistes inférieurs à ceux-ci sous le rapport du style et du dessin, lesquelles cependant offrent, dans l'exécution, ces autres qualités du peintre que l'on cherche vainement dans celles que nous décrivons. La peinture à fresque est encore chez nous à son enfance, et demande de nouveaux efforts et de nouvelles études pour être amenée au point de perfection où l'ont portée les peintres d'Italie.
295: Les rues de Vaugirard, d'Enfer, de Fleurus et de l'Ouest.
296: Le jardin des Tuileries offre également, et de toutes parts, les mêmes nudités. On les retrouve encore dans le parc de Versailles et dans d'autres endroits publics. Le jardin du Palais-Royal, où de tels monuments sembleroient moins déplacés qu'ailleurs, n'en avoit point encore: il vient d'en recevoir un, c'est la copie en bronze de l'Apollon du Belvédère.
Penseroit-on que, dans tels cas, la perfection du travail dût demander grâce pour l'indécence du sujet? ce seroit là une erreur bien grossière: les yeux du vulgaire ne comprennent rien à cette perfection.
297: Vers le milieu de ce boulevard, on a ouvert un passage qui donne dans la rue Notre-Dame-des-Champs.