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Théologie hindoue. Le Kama soutra.

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TITRE IV

DES DIFFÉRENTES MANIÈRES DE SE TENIR ET D'AGIR DANS L'UNION SEXUELLE

CHAPITRE I

Classification des hommes et des femmes d'après les dimensions de leurs organes sexuels, l'intensité de leur passion et la durée de l'acte charnel.

On divise les hommes en trois classes, d'après les dimensions de leur linga.

Classe N° 1, Le lièvre.—N° 2, Le taureau.—N° 3, L'étalon.

On divise également les femmes en trois classes correspondantes d'après les dimensions de leur yoni.

N° 1, La gazelle.—N° 2, La cavale.—N° 3, L'éléphant (Voir l'Appendice, N° 1).

Il y a ainsi trois unions égales, c'est-à-dire entre des classes qui se correspondent, et six inégales, c'est-à-dire qui ne se correspondent pas.

Les unions du N° 2 (taureau) avec le N° 1 (gazelle), et du N° 3 (étalon) avec le N° 2 (cavale), sont dites supérieures.

Celle du N° 3 (étalon) avec le N° 1 (gazelle) est dite très supérieure.

Les unions N° 1 (lièvre) avec N° 2 (cavale), et N° 2 (taureau) avec
N° 3 (éléphant), sont dites unions inférieures.

Celle N° 1 (lièvre) avec N° 3 (éléphant) est dite très inférieure.

Les unions supérieures sont celles qui procurent le plus de satisfaction.

On classe de la même manière les hommes et les femmes, d'après le degré d'intensité de la passion génésique, faible, moyen et fort (Appendice N° 2).

Ce point de vue donne, pour les unions, autant de combinaisons que le précédent.

Il y a, en outre, une troisième classification semblable, d'après le temps au bout duquel se produit, chez l'homme et chez la femme, le spasme génésique, et elle donne lieu, pour les unions, aux mêmes combinaisons (Appendice N° 3).

En combinant entre eux les numéros des trois classifications, on a un très grand nombre de cas.

Il appartient aux hommes, et surtout aux maris, de prendre, dans chaque cas, les moyens les plus propres à atteindre le but de l'union (Appendice N° 4).

Dans le premier acte d'une réunion pour l'accouplement, la passion de l'homme est intense et son terme court; c'est le contraire dans les actes suivants. Chez la femme, c'est l'inverse qui a lieu.

APPENDICE AU CHAPITRE I

N° 1.—Dimensions des organes.

Beaucoup de rhétoriciens connaissent les distiques suivants:

OVIDE

  Noscitur e pedibus quantum sit virginis antrum
  Noscitur e naso quanta sit hasta viro.

  Chez une femme: petit pied, petit bijou;
  Chez un homme: gros nez, gros membre.

MARTIAL

Mentula tant magna est, lantus tibi, Papile nasus Ut possis, quoties arrigis, olfacere.

Littéralement: Ton nez est si long, Hapilus, et ta mentule si grande que tu peux la flairer quand elle est debout.

  En vers: Jean a le nez si long et la verge si grande
  Qu'il peut se moucher quand il bande.

Le même, Livre XI, 71.

Lydie est aussi large que le derrière d'un cheval de bronze, qu'un vieux soulier tombé dans la boue, qu'un matelas vide de sa laine. On dit que j'ai besogné Lydie dans une piscine d'eau de mer; c'est bien plutôt une piscine que j'ai besognée.

N° 2.—Intensité de la passion.

Martial X. 60.—Sur Chloé et Phlogis.

Vous demandez laquelle de Chloé ou Phlogis vaut le mieux pour l'amour. Chloé est plus belle, mais Phlogis est un volcan qui rajeunirait Nestor. Chloé, au contraire, ne sent rien, ne dit rien. On la croirait absente ou de marbre. Dieu fasse que Phlogis ait les formes de Chloé et Chloé le feu de Phlogis.

Docteur Villemont, Amour conjugal.—C'est un péché plus grand de forniquer avec une laide qu'avec une belle. Se griser avec du bon vin est un péché véniel; avec du mauvais, un péché mortel.

Docteur P. Garnier.—La science repousse aujourd'hui l'ancienne théorie de la toute puissance du clitoris sur la production des désirs vénériens chez la femme et son développement exagéré n'est point la cause directe de la luxure et de la tribadie. Beaucoup de femmes sont insensibles aux titillations de cet organe puisqu'un certain nombre se masturbent en introduisant dans le vagin des corps qui ont la forme de phallus.

L'absence de l'un des organes génitaux, clitoris, vagin ou ovaire, suffit quelquefois, mais exceptionnellement, à'éteindre le désir chez la femme. Le sens génésique se trouve dans toutes les parties du système génital de la femme, il n'est exclusivement dans aucune d'elles. Certaines femmes très amoureuses n'éprouvent aucune sensibilité spéciale dans le clitoris et dans les bulbes du vagin, cette sensibilité est répandue uniformément dans tout l'appareil génital, dans les seins plus qu'ailleurs. C'est du coeur et de l'imagination qu'émanent les désirs de la femme et c'est en excitant ses sentiments qu'on peut et qu'on doit les provoquer.

La menstruation ne se développe pas seule. L'excitabilité génitale se décèle souvent avec cet âge par le prurit et la masturbation chez les petites filles et persiste encore plus souvent après chez de vieilles femmes lascives.

L'état passif de la femme dans la copulation lui rend cet acte possible indéfiniment, tandis que l'âge et les excès limitent l'homme étroitement à cet égard.

L'embonpoint n'éteint point le désir chez la femme, mais les femmes passionnées sont généralement très maigres.

La frigidité féminine a ses degrés et n'est souvent que relative. Malgré sa fréquence, la répulsion en est très rarement la cause; l'attraction, le plaisir font seuls défaut. Elle n'empêche que très rarement la femme de se marier, ne la rend jamais stérile ni mère imparfaite.

Il existe des hommes et des femmes qui vivent continuellement sous l'influence des organes génitaux. Ce sont ordinairement des sujets pauvres d'intelligence et des idiots.

Phacès cite un prince maure qui, en trois jours, donnait satisfaction à ses quarante femmes. On cite une femme publique qui, pendant dix ans, a reçu tous les jours dix hommes sans en souffrir.

C'est surtout chez la femme douée d'une ardente imagination que la continence provoque l'exaltation cérébrale et celle de l'organe génital.

No 3.—Durée de l'acte charnel.

Ovide, Art d'aimer, Livre II.

Allez doucement dans l'hyménée et ne vous hâtez pas d'atteindre le but; ne laissez pas votre maîtresse en arrière, et ne souffrez pas non plus qu'elle vous devance dans la course. Le plaisir n'est parfait que lorsque, également vaincus, l'homme et la femme rendent en même temps les armes.

J'aime à entendre la voix émue de ma maîtresse exprimer son bonheur et me prier de le faire durer.

Qu'il m'est doux de la voir se pâmer de plaisir et me demander merci.

La nature n'a point accordé cet avantage à la première jeunesse de la femme; il est réservé à l'âge qui suit le septième lustre.

A cet âge, et même à un âge plus avancé, les femmes instruites par l'expérience, qui seule forme les artistes, savent mieux tous les secrets de l'art d'aimer.

Elles rajeunissent leur corps à force de soins; par mille attitudes savantes, elles savent varier et doubler les plaisirs de Vénus; elles font goûter le plaisir sans recourir à des moyens honteux pour rallumer vos feux; la jouissance qu'elles procurent, elles la partagent également. C'est pour vous, c'est pour elles qu'elles agissent alors.

Nous emprunterons la note suivante et quelques autres au _Bréviaire de l'amour expérimental _de Jules Guyot, petit livre publié après la mort de l'auteur par trois savants très haut placés dans l'estime publique, pour l'usage des gens du monde, même les plus chatouilleux au point de vue de la décence.

N° 4.—Simultanéité des spasmes.

Docteur Jules Guyot, 11° méditation.

La meilleure préparation pour la fécondation est la continence de l'homme.

L'époque la plus favorable à la conception est le septennaire qui suit la menstruation.

Les conditions nécessaires sont la simultanéité des deux spasmes ou, à défaut, le spasme de la femme provoqué le plus tôt possible après celui de l'homme.

L'ignorance ou la négligence de cette pratique est la cause des neuf dixièmes des unions stériles (cela explique et corrobore le conseil de Sanchez).

Cependant, par une déplorable facilité à la conception, la fécondation se produit très souvent sans que le spasme de la femme ait eu lieu.

CHAPITRE II

Positions et attitudes diverses dans l'acte sexuel qui permettent la fécondation.

Dans l'union supérieure, la femme doit se placer de manière à ouvrir l'yoni.

Dans l'union égale, elle se couche sur le dos dans la position naturelle et laisse l'homme lui faire un collier de ses bras.

Dans l'union inférieure, elle se pose de façon à rétrécir l'yoni; il est bon aussi qu'elle prenne des médicaments propres à hâter le moment où sa passion est satisfaite.

Pour la femme Gazelle, N° 1, couchée, il est trois positions:

PLEINEMENT OUVERTE.—Elle tient sa tête très basse, de manière à élever le milieu du corps. L'homme doit alors appliquer sur son linga ou sur l'yoni de la salive ou quelque onguent lubréfiant pour faciliter l'introduction.

BAILLANTE.—La femme lève les cuisses et les écarte.

CELLE DE L'ÉPOUSE D'INDRA.—Elle croise ses pieds sur ses cuisses, ce qui exige une certaine habitude. Cette position est très utile pour l'union très supérieure (N° 4 étalon, avec N° 1 gazelle).

Pour les unions inférieures et très inférieures, on a:

1° La position bouclante: l'homme et la femme étant couchés, ont leurs jambes étendues et appliquées directement, celles de l'un sur celles de l'autre.

La position peut être horizontale, de côté; dans cette dernière position, l'homme doit se tenir sur le côté gauche.

Cette règle doit être suivie toute les fois que l'on est couché et quelque soit le numéro typique de la femme.

POSITION DE PRESSION.—Après que la connexion s'est faite dans la position bouclante, la femme serre son amant avec ses cuisses.

POSITION ENTRELACÉE.—La femme croise, avec l'une de ses cuisses, la cuisse de l'homme.

POSITION DITE DE LA CAVALE.—La femme serre, comme dans un étau, le linga engagé dans son yoni. Cela s'apprend seulement par la pratique et se fait, principalement, par les femmes du pays d'Andra.

Souvarnanabha donne en outre:

LA POSITION MONTANTE.—Dans laquelle la femme lève ses jambes toutes droites.

LA POSITION BAILLANTE.—La femme place ses deux jambes sur les épaules de l'homme.

LA POSITION SERRÉE.—L'homme serre contre lui les deux pieds croisés et relevés de la femme; si un pied seulement est levé, la position est demi-serrée. La femme met un pied sur l'épaule de l'homme et étend l'autre jambe de côté; puis elle prend une position semblable du côté opposé, et continue ainsi alternativement.

L'ENFONCEMENT DU CLOU.—Une des jambes de la femme est sur la tête de l'homme et l'autre est étendue de côté.

LA POSITION DU CRABE.—Les deux pieds de la femme sont tirés et placés sur son estomac.

LE PAQUET.—La femme lève et croise ses cuisses.

LA FORME DU LOTUS.—Dans cette position, la femme croise ses jambes l'une sur l'autre, en tenant les cuisses écartées. Cette position est celle indiquée plus haut sous le nom de l'épouse d'Indra.

LA POSITION TOURNANTE.—L'homme, pendant la connexion, tourne autour de la femme sans se détacher d'elle, ni interrompre l'acte, tandis que la femme tient son corps embrassé; cela s'apprend seulement en s'y exerçant.

Il est facile et il convient, dit Souvernanabha, de s'unir de toutes les manières possibles étant dans le bain; mais Vatsyayana condamne toute connexion dans l'eau, comme contraire à la loi religieuse.

Quand la femme se tient sur ses mains et ses pieds comme un quadrupède, et que son amant la monte comme un taureau, cela s'appelle l'union de la vache. Dans cette position, on peut faire sur le dos toutes mignardises qui se font ordinairement sur le devant du corps. L'homme peut aussi saisir avec sa main droite les seins et avec la main gauche titiller le clitoris, tandis qu'il meut son linga dans le vagin, ce qui double la volupté de la femme ainsi caressée et peut hâter son spasme de manière à le faire coïncider avec celui de l'homme.

C'est la position où la matrice est la mieux située pour la conception, car alors son fond est plus bas que son orifice. C'est la plus naturelle et la moins voluptueuse, car le clitoris n'est point touché, à moins qu'on n'y porte la main.

APPENDICE AU CHAPITRE II

Note 1.—OVIDE, _Art d'aimer. _Livre III.

Ovide ne voit dans les attitudes diverses qu'un moyen de coquetterie pour les belles.

Que les femmes dit-il, apprennent à se connaître pour s'offrir avec tous les avantages aux combats de l'amour.

Si vous brillez par la beauté de vos traits, couchez-vous sur le dos; si vous avez une croupe élégante, présentez en aux yeux toute les richesses. Si vos jambes sont bien faites, placez les sur les épaules de votre amant, comme Mélanion posait sur ses épaules les jambes d'Alalante. Si vous êtes de petite taille, que votre amant remplisse le rôle de coursier. Celle dont la taille a des inflexions voluptueuses appuiera ses genoux sur le lit, en inclinant légèrement la tête. Celle dont les cuisses ont la ferme beauté de la jeunesse, dont les seins ont une courbure gracieuse, se couchera obliquement sur le lit de manière que son amant, debout près d'elle, la voie dans cette position charmante.

Celle dont les flancs portent les traces des travaux de Lucine combattra comme le Parthe, le dos tourné.

Vénus, la mère des amours, en sait varier les jeux de mille manières; mais la position la plus simple et la moins fatigante, est de s'étendre sur le côté droit.

Déjazet avait l'habitude de dormir sur le dos, parce que, disait-elle, «arrive qui plante!»

Note 2.—Théologiens.

Le P. Gury, art. 997.—Les fins qui rendent honnête l'acte conjugal sont:

1° La génération qui est l'une des principales;

2° Le moyen de satisfaire les obligations entre époux;

3° Le moyen de prévenir l'incontinence chez les époux;

4° Le désir d'animer ou de faire naître un amour honnête, de montrer ou provoquer l'affection conjugale.

(On peut remarquer que les deux dernières fins légitiment tous les plaisirs naturels entre époux, même stériles par le fait de leur conformation naturelle).

Art. 911.—La position tout à fait licite est celle que la nature elle-même enseigne; c'est-à-dire, la femme couchée dessous et l'homme dessus (faire la bête à deux dos, comme dit Rabelais).

Aucune position, quoique contre nature, n'est, en principe, gravement défendue, pourvu que l'acte conjugal puisse être accompli, parce qu'il n'y a pas d'obstacle à la génération.

Toute position contre nature, prise pour un motif légitime, est exempte de faute; car, parfois, ces positions sont plus commodes ou seules possibles; et toute commodité ou nécessité peut rendre légitime cette dérogation, légère en elle-même, à l'ordre naturel.

Art. 912.—Cela peut arriver pour différentes causes, même celle de la froideur, lorsqu'on est plus excité dans cette position.

Si l'homme, dit Sanchez, ne peut être amené à connaître sa femme hormis dans une certaine position, qui doutera que la femme est tenue de la prendre?

La position, quelle qu'elle soit, n'est condamnée en aucune façon, si elle est la seule possible.

C'est aussi l'opinion de saint Thomas et de plusieurs autres grands théologiens, notamment en ce qui concerne la position à retro.

Note 3.—Les hommes de l'art.

Docteur Debay, Hygiène de l'homme et de la femme.

Toutes attitudes favorables à la fécondation sont permises, toutes celles qui y mettent obstacle doivent être proscrites. Ainsi les attitudes assises, indolentes, paresseuses éludent souvent le but de la nature. L'attitude droite est on ne peut plus fatigante, elle expose l'homme à de graves accidents, par exemple des tremblements convulsifs et des paralysies dans les jambes dans la seconde jeunesse.

La posture à retro doit être recommandée dans l'état de grossesse ou d'obésité de la femme et lorsque le membre viril n'a pas la longueur requise.

Lorsque celui-ci est trop long, il peut blesser le col de l'utérus et l'homme doit limiter son introduction à l'aide d'un bourrelet.

Aujourd'hui on applique à la racine de la verge, avant l'érection, un anneau creux en caoutchouc de la longueur nécesaire; il est aussi facile à mettre qu'à retirer. A son défaut, dit Venête (Cologne 1696), la femme pourra le remplacer agréablement par sa main.

CHAPITRE III

Attitudes qui ont pour but unique la volupté.

Lorsque l'homme et la femme s'unissent debout, appuyés l'un contre l'autre ou bien contre un mur ou un pilier, c'est l'union appuyée.

Quand l'homme, adossé à un mur, soulève et soutient la femme assise sur ses mains jointes et entre ses bras, tandis que celle-ci, les bras entrelacés autour de son cou, l'embrasse avec ses cuisses vers le milieu du corps, et s'imprime à elle-même un mouvement, à l'aide de ses pieds qui touchent le mur auquel l'homme est appuyé, cela s'appelle la connexion par suspension.

(Cette position est figurée dans la collection des fermiers généraux, reproduction des camées érotiques antiques).

On peut, de même, imiter l'acte du chien, du bouc, du daim, la montée et la pénétration forcée de l'âne et du chat, le bond du tigre, le frottement du verrat et la saillie de la jument par l'étalon, en opérant comme ces différents animaux avec leurs femelles.

L'UNION D'UN HOMME AVEC DEUX FEMMES.

Quand un homme caresse deux femmes dans le même moment, cela s'appelle l'union double. Elle peut se faire lorsque deux femmes se tiennent horizontalement sur le bord d'un lit, l'une sur l'autre, face à face, comme deux amants, et les jambes en dehors du lit; le linga passe alternativement d'un yoni dans l'autre, par des coups successifs, les uns à recto, les autres à retro.

L'union simultanée avec plusieurs femmes s'appelle l'union avec un troupeau de vaches.

On a de même _l'union dans l'eau; _c'est celle de l'éléphant avec plusieurs femelles, qui ne se pratique, dit-on, que dans l'eau; _l'union avec plusieurs chèvres, celle avec plusieurs gazelles, _c'est-à-dire que l'homme reproduit avec plusieurs femmes les mêmes actes que ces animaux avec plusieurs femelles.

Dans le Gramaneré, plusieurs hommes jeunes jouissent d'une femme qui peut être l'épouse de l'un d'eux, l'un après l'autre ou tous en même temps. La femme est étendue sur l'un d'eux; un autre consomme l'hyménée de l'yoni et du linga; un troisième se sert de sa bouche, un quatrième embrasse étroitement le milieu de son corps et ils continuent de cette manière, en jouissant alternativement des différentes parties de la femme (App. n° 1).

La même chose peut se faire quand plusieurs hommes sont en compagnie avec une courtisane, ou quand il n'y a qu'une courtisane pour satisfaire un grand nombre d'hommes.

L'inverse peut se faire par les femmes du harem royal, quand, accidentellement, elles peuvent y introduire un homme.

Dans le sud de l'Inde, on pratique aussi l'union basse, c'est-à-dire l'introduction du linga dans l'anus (App. n° 2).

L'aphorisme suivant forme, en deux vers, la conclusion du sujet:

«L'homme ingénieux multiplie les modes d'union en imitant les quadrupèdes et les oiseaux; car ces différents modes pratiqués suivant l'usage de chaque pays et les goûts de chaque personne inspirent aux femmes l'amour, l'amitié et le respect.»

APPENDICE AU CHAPITRE III

N° 1. Martial, livre X.—«Deux galants se rencontrèrent un matin, chez Phillis, elle les satisfit tous les deux en même temps: l'un la prit par devant, et l'autre par derrière.»

N° 2. La Sodomie.—Dans l'Inde, cette pratique, à cause des souillures qu'elle est censée entraîner, n'a jamais eu beaucoup de faveur.

Les musulmans l'y ont propagée en l'approuvant.

Il ne paraît être ici question que de l'union basse, entre un homme et une femme; elle est moins révoltante que la sodomie parfaite, qualification que les théologiens donnent à l'union avec un mignon.

Le P. Gury, art. 434.—«La sodomie parfaite n'est pas de la même espèce que la sodomie imparfaite, parce que, dans la première, l'homme est porté vers le même sexe et contre la nature, dans la seconde il est porté contre la nature.

«La première a un nom grec: la Philopédie [Grec: Philopaidia], amour des jeunes garçons.»

On sait combien la Philopédie était en faveur chez les Grecs et les Romains. Tous les vers d'Anacréon sont consacrés à Batyle. Qui ne connaît le vers de Virgile:

«Formosum pastor Corydon ardebat Alexim!

N° 3. Les Latins.—Parmi les poètes latins qui ont chanté l'amour,
Ovide est le seul qui se taise sur les mignons.

Catulle et Tibulle se montrent attachés à leurs mignons autant qu'à leurs maîtresses. Catulle, poésie XV. «Je te recommande mes amours, Aurélius, toi qui es redoutable à tous les adolescents beaux ou laids. Satisfais ta passion quand et comme il te plaira, dans toutes les ruelles où tu trouveras un mignon de bonne volonté, je n'en excepte que le mien seul; mais si la fureur lubrique s'attaque à lui, malheur à toi! Puisses-tu, les mains liées, publiquement exposé, subir l'affreux supplice que le raifort et les mulets font souffrir à l'adultère (sans doute le même qu'en Chine).

Tibulle, dans l'Élégie IV, livre I, donne des leçons aux amants des jeunes garçons.

«Prête-toi à toutes les fantaisies de l'objet que tu aimes.

«Pour l'accompagner, ne crains ni la fatigue de la route, ni le chaud, ni le froid, ni les intempéries.

«Veut-il traverser l'onde azurée, prends la rame.

«Veut-il s'exercer à l'escrime, badine d'une main légère, et souvent laisse ton flanc à découvert, alors tu pourras essayer de lui ravir un baiser qu'il laissera prendre en résistant.

«Bientôt, il accordera ces baisers à tes prières, et enfin, de lui-même, il s'enlacera à ton cou.

«Mais hélas, les jeunes garçons ont pris l'habitude d'exiger des présents. Enfants, aimez les doctes poètes, l'or ne doit pas l'emporter sur la muse. Que le barbare qui est sourd à leur voix, qui vend son amour, soit attaché au char de Cybèle, qu'il se mutile honteusement au son de la flûte phrygienne.

«Vénus elle-même veut qu'on écoute les doux propos; elle s'intéresse aux plaintes de l'amant qui supplie, à ses larmes touchantes.»

Dans son célèbre chapitre: Des Amours, Lucien complète ces leçons par la description de la séduction finale.

Après avoir vu et contemplé, le désir vient de se rapprocher par l'attouchement. Il commence par le chatouiller seulement du bout des doigts en quelque endroit découvert, puis il promène la main sur tout son corps de la même manière, ce qu'on lui permet sans difficulté. Ensuite il essaie de prendre un baiser, chaste d'abord, où ses lèvres sont simplement juxtaposées à celles de son ami et s'en écartent avant de les avoir touchées complètement, de manière à n'éveiller chez lui aucun soupçon. A mesure qu'il trouve plus de complaisance, il renouvelle les baisers et les prolonge comme dans une sorte d'effusion, sans passion, mais alors, aucune de ses mains ne reste inactive. Ces embrassements apparents dans les vêtements condensent la volupté et augmentent progressivement l'excitation; alors par une manoeuvre lubrique, il glisse la main sous le sein de son ami et presse les mamelons qui entrent en érection; ensuite il caresse mollement de ses doigts le ventre arrondi et ferme et descend dans la tendre touffe qui ombrage la puissance des organes.

«Si enim vel summis tantum digitis attigerit, totum corpus fructus ille percurrit. Hoc ubi facilè consecutus est, tertio tentat osculum, non statim luxuriosum illud sed placidè admovens labia labiis quæ prius etiam quam plane se contigerint desistant, nullo suspicionis relicto vestigio. Deindè concedenti se quoque accommodans longioribus amplexibus quasi illiquescit, etiam placidè os diducens nullamque manum otiosam esse patitur: nam manifesta illa in vestimentis complexionis voluptatem conglutinant, aut latenter lubrico lapsu dextra sinum subiens, mamillas premit paulum ultrà naturam tumentes, et duriusculi ventris rotonditatem digitis molliter percurrit, post hoc etiam primæ laluginis in pube florem.»

L'amour, trouvant une occasion favorable, s'emporte à une entreprise plus hardie et frappe enfin le but qu'il a visé.

Dans sa satyre VI contre les femmes, l'austère Juvénal conseille de prendre un mignon plutôt qu'une épouse.

«Le lit conjugal a été souillé dès l'âge d'argent, et tu te laisses,
Posthume, atteler au joug.

«Manques-tu de moyens pour y échapper? N'y a-t-il plus de cordes? plus de fenêtres aux derniers étages? N'as-tu pas le pont Emilien près de ta demeure?

«Et s'il te déplaît de quitter ce monde, pourquoi ne préfères-tu pas à une fiancée cet adolescent qui dort près de toi? Lui au moins ne profitera pas, la nuit, de votre intimité, pour te tourmenter, pour te demander des cadeaux; il n'exige point que tu t'attaches à ses flancs et que tu te mettes hors d'haleine aussi longtemps qu'il lui plaît.»

On peut voir dans ce conseil une simple boutade poétique; de même il ne faut voir qu'une ironie dans la conclusion de Lucien sur le même sujet.

N°4.—Dans le chapitre XXXVIII déjà cité, Lucien se met en scène avec un partisan des femmes et un Philopède, qui l'ont pris pour juge entre eux, Chariclès, l'avocat de l'amour avec les femmes, parle avec beaucoup de raison et d'éloquence et termine ainsi:

«On peut, à la rigueur, concevoir jusqu'à un certain point que l'homme use de la femme comme vous usez d'un mignon, mais jamais et en aucune façon il ne doit remplir l'office de femme.

«Si le commerce d'un homme avec son semblable est honnête, qu'à l'avenir les femmes puissent s'aimer et s'unir entre elles! que ceinte de ces instruments infâmes, inventés par le libertinage, monstrueuse imitation faite pour la stérilité (peut-être importés à Rome de l'Inde où nous verrons plus loin qu'ils étaient fort en usage), une femme embrasse une autre femme comme le ferait un homme, que l'obscénité de nos tribades triomphe impudemment. Que nos gynécées se remplissent de Philénis qui se déshonorent par des amours androgynes. Et combien ne vaudrait-il pas mieux qu'une femme poussât la fureur de sa luxure jusqu'à vouloir faire l'homme que de voir celui-ci se dégrader au point de jouer le rôle d'une femme.»

L'avocat de la philopédie, un rhéteur d'Athènes, réplique:

«L'amour avec un mignon est le seul qui puisse allier la volupté à la vertu, car les femmes sont une chaîne et souvent un tourment qui ne laisse point l'homme maître de lui-même, tandis qu'un jeune garçon peut être un ami, un disciple, un compagnon d'exercices de tout genre. D'ailleurs l'amour masculin a sur l'autre la supériorité du plaisir sur la fonction, du superflu sur le nécessaire, etc. etc.»

Ce discours ressemble beaucoup à celui de l'avocat dans les Plaideurs de Racine, et Lucien le prête au philopède avec une intention évidente de ridicule. La cause est entendue, le juge prononce la sentence suivante, fine ironie contre la philosophie et les philosophes de son temps:

«Le mariage est infiniment utile aux hommes; il rend heureux quand on rencontre bien. Mais la philopédie, considérée comme la sanction d'une amitié pure et chaste (cas de Socrate et d'Alcibiade), n'appartient, selon moi, qu'à la seule philosophie. Je permets donc à tous hommes de se marier, mais les philosophes seuls ont le droit d'aimer les jeunes gens; la vertu des femmes n'est pas pour eux assez parfaite. Ne sois point fâché, Chariclès, si Corinthe (la ville des courtisanes) le cède à Athènes (la ville des philosophes et des mignons).»

N° 5.—Martial adresse nombre d'épigrammes aux philopèdes et aux gitons.

IX, 64.—«Tous les gitons t'invitent à souper, Phébus; celui qui vit de sa mentule n'est pas, je pense, un homme pur.

XI, 22.—Il maudit un pédéraste masturbant.

XI, 26.—Au jeune Théophorus. «Donne-moi, enfant, des baisers parfumés de Falerne et passe-moi la coupe après y avoir trempé les lèvres. Si tu m'accordes en outre les vraies jouissances de l'amour, moins heureux sera Jupiter avec son Ganymède.»

XII, 64.—Sur Cinna. D'un esclave plus blond, plus frais que le fût jamais esclave, Cinna fait son cuisinier, Cinna est un fin gourmet.»

XII, 69.—A Paullus. «Comme pour tes coupes et tes tableaux, Paullus, tu n'as, en fait d'amis, que des modèles.»

XII, 75.—Sur les mignons. «Politimus n'est bien qu'avec les jeunes filles; Atticus regrette ingénument d'être garçon; Secundus a les fesses nourries de glands; Diodymus est lascif et fait la coquette; Amphion pouvait naître fille. Je préfère, ami, les douces faveurs de ces mignons, leurs dédains superbes et leurs caprices à une dot d'un million de sesterces.»

XI, 43.—Contre Sabellus.

«Tu m'as lu, Sabellus, sur des scènes de débauche, des vers par trop excessifs et tels que n'en contiennent pas les livres obscènes d'Elephanta. Il s'agit de nouvelles postures érotiques, de l'accouplement par cinq formant une chaîne, enfin de tout ce qu'il est possible de faire quand les lumières sont éteintes; ce n'était pas la peine d'être si éloquent.»

«N° 6. La sodomie dans les armées et chez les femmes.

D'après Catulle, la philopédie était de son temps tout à fait générale à Rome, dont la plupart des citoyens étaient encore à cette époque des soldats. C'est dans les camps, sans doute, qu'ils avaient contracté ces habitudes qu'on trouve déjà chez les Grecs dans les armées.

Ainsi on lit dans la Retraite des Dix mille (Xénophon) que, pour alléger la marche, on ne permit aux mercenaires d'emmener avec eux aucun impedimentum, butin ou esclave, excepté un jeune garçon pour chaque soldat.

Les Mille et une Nuits sont un recueil de Sodomies que la traduction de Galand a transformées en galanteries décentes.

Cette débauche existe dans nos corps indigènes d'Afrique et, pour ce motif, on ne devrait point y admettre de Français, même comme engagés volontaires.

Malheureusement on la trouve aussi dans les compagnies de discipline. On voit à quelle démoralisation sont exposés les enfants de famille honnêtes condamnés par les conseils de guerre.

Il fut un temps où quelques officiers d'Afrique avaient pris goût à la sodomie imparfaite.

Les patronnes de quelques maisons de tolérance de France se plaignaient des offenses faites par eux à la dignité de leurs nymphes.

Cependant quelques femmes provoquent à cette débauche et y prennent un certain plaisir (la proximité du rectum et du canal vaginal établit une sympathie du premier avec le vagin et l'utérus) et elles l'accompagnent ou la font accompagner d'une autre, le clytorisme. On a remarqué dans les hôpitaux que, chez toutes les femmes traitées pour ulcérations anales, on trouve en même temps des déformations vulvaires provenant de la manualisation et du saphisme. La crainte de la conception est sans doute le motif déterminant de cette double débauche. Cependant on a vu des femmes qui avaient remplacé le vagin absent par l'urètre et le rectum, être ainsi fécondées.

A la clinique gynécologique et siphyligraphique de l'hôpital de
Lourcine, le docteur Martineau s'exprimait ainsi:

«Ceux d'entre vous qui assistent à mes visites ont pu s'assurer de la fréquence de la sodomie chez les femmes qui fréquentent l'hôpital de Lourcine. Si je la vois coïncider chez les filles publiques avec la prostitution ordinaire, je la constate le plus souvent chez les femmes qui ignorent l'abjection d'un acte qui leur est imposé par leur mari.

«A l'hôpital de Lourcine je dois même dire que c'est le cas le plus ordinaire; je l'observe bien plus fréquemment chez les femmes mariées, chez les jeunes femmes, chez les filles débauchées, il est vrai, mais non prostituées. En consultant mes observations, je trouve surtout des domestiques, des couturières, des modistes, des demoiselles de café, etc, etc., et très rarement des prostituées. La sodomie donc, pas plus que les déformations vulvaires provenant de la manualisation et du saphisme, n'appartient pas à la prostitution. On la rencontre indifféremment chez la femme mariée et chez celle qui vit dans le concubinage; chez toutes on trouve, en même temps que les traces de sodomie, des déformations vulvaires provenant de la manualisation et du saphisme.

La sodomie s'observe à tous les âges de la femme, depuis huit ans jusqu'à cinquante et même plus; elle est surtout fréquente entre seize et vingt-cinq ans parmi les observations recueillies à l'hôpital de Lourcine. Les femmes qui viennent là ne présentent pas des habitudes invétérées de sodomie comme les prostituées.»

A. Tardieu avait fait les mêmes remarques, et il nous dit:

«Chose singulière, c'est principalement dans les rapports conjugaux que se sont produits les faits de cette nature. C'est, en général, très peu de temps après le mariage que les hommes commencent à imposer à leurs femmes leurs goûts dépravés. Celles-ci, dans leur innocence, s'y soumettent d'abord; mais plus tard, averties par la douleur ou renseignées par une amie, par leur mère, elles se refusent plus ou moins opiniâtrement à des actes qui ne sont plus dès lors tentés ou accomplis que par la violence. C'est dans ces derniers cas seulement que le médecin intervient, consulté par la justice. La cour suprême a rendu plusieurs arrêts consacrant le principe que le crime d'attentat à la pudeur peut exister de la part du mari se livrant sur sa femme à des actes contraires à la fin légitime du mariage, s'ils ont été accomplis avec violence physique.»

Les révélations des hommes de l'art expliquent comment des théologiens ont pu, sans être des érotomanes ou des exploiteurs de consciences, tracer aux confesseurs la règle suivante:

«Immédiatement avant le mariage, avertir la fiancée qu'elle devra se refuser à tout ce qui est contraire à la procréation, et en cas de doute sur l'application de cette prescription dans le mariage, consulter au besoin son confesseur.»

Il peut arriver, surtout dans le bas peuple, qu'une femme ne trouve pas chez une autre de son intimité, pas même chez sa mère, les lumières ou la moralité nécessaires pour être bien et suffisamment renseignée.

CHAPITRE IV

Le rôle de l'homme dans l'union.

L'homme doit faire tout ce qu'il peut pour procurer le plaisir à la femme.

Lorsque la femme est sur son lit et comme absorbée par sa conversation, l'homme défait le noeud de son vêtement inférieur; et, si elle le querelle, il lui ferme la bouche par des baisers.

Beaucoup d'auteurs sont d'avis qu'il doit commencer par lui sucer le mamelon des seins.

Lorsque son linga est en érection, il la touche avec les mains en différents endroits et caresse agréablement les diverses parties de son corps.

Si la femme est timide et se rencontre avec lui pour la première fois, il placera sa main entre ses cuisses qu'elle serrera instinctivement.

Si c'est une très jeune fille, il mettra les mains sur ses seins qu'elle couvrira sans doute avec les siennes, sous les aisselles et sur le cou.

Si c'est une femme mûre, il fera tout ce qui pourra plaire à tous deux et ce qui conviendra pour l'occasion.

Puis il lui prendra la chevelure et le menton entre ses doigts pour les baiser.

Si c'est une jeune fille, elle rougira et fermera les yeux.

Par la manière dont elle recevra ses caresses, il devinera ce qui lui plaît le plus dans l'union.

A ce sujet, Souvarnanabha dit: Quelque chose que l'homme fasse dans l'union pour son plaisir, il doit toujours presser la partie du corps de la femme vers laquelle elle tourne les yeux.

Voici quels sont les signes de la jouissance et de la satisfaction chez la femme.

Son corps se détend, ses yeux se ferment, elle perd toute timidité, fait effort pour que les deux organes soient unis aussi étroitement que possible.

Quand, au contraire, elle n'éprouve point de jouissance, elle frappe sur le lit avec les mains, ne laisse point l'homme avancer, elle est maussade, mord l'homme, lui donne des coups de pied et continue son mouvement quand l'homme a fini.

Dans ce cas, l'homme doit frotter, en l'ébranlant, le yoni de la femme avec sa main et ses doigts (comme l'éléphant frotte avec sa trompe) avant de commencer l'union, jusqu'à ce qu'il soit humide, et, ensuite, y introduire son linga.

Il reprend le même mouvement avec sa main après son spasme, si celui de la femme ne s'est pas encore produit (voir à ce sujet l'appendice).

Il y a neuf actes que l'homme doit accomplir.

1° LA PÉNÉTRATION OU MOUVEMENT EN AVANT.—Les deux organes se portent tout droit l'un vers l'autre, exactement en face;

2° LA FRICTION ou BARATEMENT.—Le linga tenu dans la main est tourné en rond dans le yoni, autour des bords (comme dans le baratement du beurre);

3° LE PERCEMENT.—Le yoni est abaissé et le linga frappe sa partie supérieure;

4° LE FROTTEMENT.—Dans la même situation, le linga frappe contre la partie inférieure du yoni;

5° LA PRESSION.—Le linga presse le yoni pendant un temps long;

6° LE COUP.—Le linga, tiré hors du yoni, y revient ensuite et le frappe fort et à fond; la sortie rend de la vigueur au linga, retarde le spasme de l'homme; le retour tend à accélérer celui de la femme;

7° LE COUP DU VERRAT.—Le linga revient frapper seulement une partie du yoni;

8° LE COUP DU TAUREAU.—Le linga dans sa rentrée frappe à la fois les deux côtés du yoni;

9° LE SPORT DU MOINEAU.—Le linga a un mouvement très rapide de va et vient dans le yoni sans en sortir.

Cela se fait généralement vers la fin de l'union, lorsque l'homme sent qu'il ne peut plus retarder son spasme.

APPENDICE AU CHAPITRE IV

PLAISIR DE LA FEMME DANS L'UNION

Vatsyayana discute longuement les opinions des anciens sages sur la semence de la femme; nous préférons donner les résultats de la science moderne sur ces questions si vieilles.

Dans l'union, le clitoris grossit et se dresse; les grandes et les petites lèvres se gonflent; le tissu érectile du vagin entre en action, excité par le frottement; la muqueuse vulvo-utérine sécrète, conjointement avec les glandes, une humeur visqueuse qui rend le canal plus glissant.

Cette sécrétion, bien qu'elle apparaisse quelquefois sous la forme d'un fluide laiteux, n'est point une éjaculation, car la femme n'a pas d'appareil éjaculateur.

Le plaisir, chez la femme, est dû, pour la plus grande partie, aux chatouillements exercés sur le clitoris, et, pour le reste, aux frottements produits sur les parois du vagin et les petites lèvres, pendant l'action.

Si le spasme voluptueux a moins de violence chez la femme, il est par contre plus prolongé que chez l'homme.

Les femmes nerveuses ou à imagination ardente éprouvent un plaisir très vif au moindre chatouillement des parties. Tout contact par l'homme les impressionne.

Les femmes lymphatiques, grasses, n'arrivent au spasme vénérien qu'après de longues caresses et excitations des organes.

Le Docteur Jules Guyot, _bréviaire de l'amour Expérimental, _s'exprime ainsi sur le sujet, dans sa 3e méditation.

«Tant que le spasme n'est pas déterminé dans les deux parties, la fonction n'est pas accomplie; l'homme n'a pas émis le fluide vivant, la femme n'a pas projeté de ses limbes, dans l'utérus, des ovules avec toute l'énergie nécessaire.»

Une cause déterminante du spasme réside dans les mamelles et surtout dans les titillations et la succion des mamelons.

Beaucoup de jeunes filles croient permis et permettent à leurs amies et quelquefois à leurs amis la titillation et la succion de leurs seins; leur pudeur ne s'en effarouche point comme de l'attouchement des parties secrètes. C'est ce que le docteur Gauthier appelle l'onanipumammaire, très commun dans les pensionnats.

L'impression ressentie détermine constamment l'érection du clitoris; et la friction de ce dernier organe, simultanée à la succion ou à la friction des mamelons, amène nécessairement le spasme génésique.

Rarement, le baiser avec les lèvres et dans la bouche peut produire un pareil résultat.

Dans l'état de besoin et de désir, les lèvres vaginales de la femme sont fermes et vibrantes, les seins sont gonflés et les mamelons en érection.

Si la femme ne présente pas ces signes, l'homme doit les déterminer par ses caresses, et ne doit accomplir la connexion que lorsqu'il est parvenu à produire le désir chez la femme.

Dans ce cas, il commence par toucher délicatement le clitoris.

Le clitoris est placé en haut et en avant de la vulve, sous deux petites lèvres, tout près et au-dessous du pubis ou mont de Vénus, à la commissure supérieure des grandes lèvres, comme serait un bouton de violette caché sous les feuilles supérieures; il est court, et le plus souvent a 2 ou 3 centimètres de long; il est de quelques centimètres au-dessus du vagin, canal de 4 à 10 centimètres de diamètre qui monte de la vulve à la matrice ou utérus.

La vulve ou vestibule des organes génitaux de la femme s'ouvre de haut en bas par deux replis membraneux placés de chaque côté; ce sont les grandes et les petites lèvres, celles-ci au-dessous de celles-là, qui, par leur accolement naturel, forment le vestibule.

Par suite de cette disposition, le pénis, en s'introduisant dans le vagin, ne touche que rarement le clitoris; mais il le touche dans la connexion complète, par le contact et le frottement extérieur des surfaces supérieures du pénis et des parties subspubiennes de la femme; en d'autres termes, le pénis qui se meut de bas en haut vient choquer ou presser la tête du clitoris qui lui se dirige toujours de haut en bas. Dans ce cas, l'excitation du clitoris se communique nécessairement à tout le reste de l'appareil génital de la femme.

Lorsque le vagin entre en érection, soit spontanément, soit par l'excitation des autres organes, il se porte en avant, s'entr'ouvre et favorise ainsi l'introduction du pénis qui, si cette introduction était intempestive ou violente, pourrait déchirer les parois du vagin et blesser la femme au col de l'utérus.

«La matrice,» dit Platon, «est un animal qui se meut extraordinairement quand elle hait ou aime passionnément quelque chose. Son instinct est surprenant lorsque par son mouvement précipité elle s'approche du membre de l'homme pour en tirer de quoi s'humecter et se procurer du plaisir[28].

[Note 28: Cuveillier.—La matrice (mater) ou utérus (utriculus, outre) est l'organe de la gestation, le vase où se produit la fécondation par la semence virile des oeufs détachés de l'ovaire.]

Si les parties de la femme n'entrent point en érection, le pénis se meut dans le vagin qui reste insensible; dans ce cas l'homme seul éprouve un plaisir et le spasme, par l'effet de la friction exercée sur les parois internes du vagin par le pénis.

L'homme peut ainsi s'épuiser sans que la femme éprouve aucun plaisir, parce que, soit par ignorance de la nature de la femme, soit par impétuosité passionnelle, il n'agit que sur les muqueuses vaginales.

Dans ces conditions, la femme reste froide, insensible, souvent même elle souffre; l'homme s'offense de son inertie, de sa stérilité, car elle ne peut concevoir en cet état.

De là naissent la désaffection et l'infidélité souvent réciproques qui seraient évitées sûrement par des rapports mieux compris entre époux.

C'est sans doute pour éviter ces fâcheux effets que des théologiens permettent et même conseillent à la femme des attouchements sur elle-même qui suppléent à l'insuffisance du mari pour déterminer son spasme et pour, autant que possible, le faire coïncider avec celui de l'homme.

La matrice est située dans l'excavation du bassin; son axe, dirigé obliquement de haut en bas et d'avant en arrière, occupe la ligne médiane entre la vessie et le rectum. Il est maintenu dans sa position par les ligaments ronds et les ligaments larges qui, lâches et flexibles, lui permettent de flotter, pour ainsi dire, dans l'excavation du bassin et d'y exécuter des mouvements plus ou moins étendus. C'est pour quoi on l'attire facilement vers la vulve dans certaines opérations chirurgicales et, lors de la grossesse, elle se déplace et s'élève dans l'abdomen.

CHAPITRE V

Ce qui se passe quand la femme prend le rôle actif.

Certaines conditions physiques dans lesquelles se trouve l'un des amants, notamment la fatigue de l'homme à la suite d'efforts prolongés sans crise finale (il est des hommes qui restent ainsi indéfiniment en érection), peuvent déterminer la femme à prendre alors le rôle actif. Souvent l'amour du changement et la curiosité suffisent pour l'y décider.

Il y a deux cas: celui ou la femme, durant la connexion, pivote sur l'homme de manière à continuer l'union sans interrompre le plaisir; et celui où elle prend la position de l'homme dès le début de l'action.

Dans ce dernier cas, avec des fleurs dans ses cheveux flottants, et des sourires mêlés de gros soupirs, elle presse le sein de son amant avec ses seins, et, baissant la tête un grand nombre de fois, elle le caresse de toutes les manières dont il avait l'habitude de la caresser et de l'exciter, en lui disant: «Vous avez été mon vainqueur, je veux, à mon tour, vous faire demander grâce.»

Par intervalles, elle jouera la honte, la fatigue et le désir de terminer la connexion.

Cependant, outre les neuf actes propres à l'homme elle fera encore les trois suivants.

Les PINCES.—Elle tient le linga dans l'yoni, le fait pénétrer par une sorte d'aspiration répétée, le serre et le garde ainsi longtemps..

Le PIVOT.—Pendant la connexion, la femme tourne autour de l'homme comme une roue horizontale autour d'un axe vertical.

Le BALANCEMENT.—C'est l'inverse du baratement; l'homme soulève le milieu de son corps et la femme imprime au milieu du sien et aux organes engagés ensemble un mouvement oscillatoire et tournant (App. n° 1).

Quand la femme est fatiguée, elle pose sa tête sur celle de son amant et reste ainsi, les organes continuant à être unis; quand elle est reposée, l'homme tourne autour d'elle et recommence l'action (App. _n°2).

APPENDICE AU CHAPITRE V

N° 1.—Dans Pétrone, Satyricon, CXI.

«Une mère amène sa fille à Eumolpe. Le vieillard se couche sur le dos dans son lit, fait étendre la jeune fille sur son corps, membres contre membres; puis il enjoint à son valet Coréas de se glisser sous le lit et s'appuyer sur le parquet pour soulever son maître avec ses reins. L'ordre est d'aller doucement. Il obéit et répond par des mouvements égaux à ceux de l'habile écolière.

«Cependant l'exercice touche à sa fin, Eumolpe crie à l'esclave de presser la mesure, et ainsi balancé entre la nymphe et Coréas, il semble jouer à l'escarpolette.

N° 2.—Ovide, _Art d'aimer, _livre III.

«Femmes, laissez-vous aller à la volupté; qu'elle remue jusqu'à la moelle de vos os et que le plaisir soit égal et pour vous et pour votre amant; qu'il s'exhale en petits cris de joie, en tendres paroles, en doux murmures, que les propos licencieux redoublent votre ardeur.

«Que je plains la femme qui ne ressent point le plaisir, qu'elle feigne au moins d'en éprouver et qu'elle ne se trahisse point dans cette feinte!

«Que ses cris, ses yeux tournés, ses torsions concourent à nous tromper et que sa voix mourante, sa respiration oppressée achèvent l'illusion.

«O honte! la volupté a ses tricheries et ses mystères!

«Aussi n'ayez point dans votre chambre à coucher une lumière trop vive; beaucoup de choses, chez une belle, ont besoin du demi-jour.»

CHAPITRE VI

De l'Auparishtaka ou hyménée avec la bouche.

DES EUNUQUES ET AUTRES PERSONNES QUI SONT LES INSTRUMENTS DE CETTE UNION
(App. n° 1).

Il y a deux sortes d'eunuques: ceux qui s'habillent en hommes et ceux qui se font passer pour des femmes.

Ce que l'on fait aux femmes sur le Jadgana, se fait dans la bouche de ces eunuques; cela s'appelle l'auparishtaka (App. n° 2). C'est le moyen d'existence de ces eunuques qui vivent comme des courtisanes (App. n°3).

Les eunuques qui s'habillent en hommes cachent leurs désirs. Quand ils veulent y donner cours, ils font le métier de masseurs.

Un eunuque de cette sorte tire à lui les cuisses de l'homme qu'il masse et lui touche les joints des cuisses et le jadgana.

S'il trouve le linga en érection, il l'excite par le jeu de la main.

Si l'homme, qui connaît par là son intention, ne lui-dit pas de procéder à l'auparishtaka, il commence de lui-même à besogner.

Si, au contraire, l'homme lui en fait la demande, l'eunuque paraît s'offenser d'une telle proposition, n'y consent et ne s'y prête qu'avec difficulté.

Il se livre alors à huit exercices gradués, mais ne passe de l'un à l'autre que sur la demande de l'homme.

1° L'UNION NOMINALE.—L'eunuque, tenant le linga dans la main et le pressant entre ses lèvres, imprime un mouvement à sa bouche.

2° La MORSURE SUR LES CÔTÉS.—L'eunuque saisit avec ses doigts ramassés comme le bouton d'une plante ou d'une fleur le bout du linga et il en serre les côtés avec ses lèvres et même avec les dents.

3° La SUCCION EXTÉRIEURE.—L'eunuque presse le bout du linga avec ses lèvres fortement serrées elle pousse dehors par cette pression, et puis le reprend avec ses lèvres et répète le même jeu.

4° La SUCCION INTÉRIEURE.—L'eunuque introduit le linga Dans sa bouche, le presse avec ses lèvres et le tire en dehors; puis il le reprend dans sa bouche et continue ainsi.

5° Le BAISER.—L'eunuque, tenant le linga dans sa main, le baise à la manière décrite pour le baiser de la lèvre inférieure.

6° Le LÈCHEMENT.—Après le baiser, l'eunuque touche le linga de tous les côtés avec la langue et en lèche le bout.

7° La SUCCION DE LA MANGUE.—L'eunuque met la moitié du linga dans sa bouche et le suce avec force.

8° L'AVALEMENT.—L'eunuque introduit le linga tout entier dans sa bouche et en presse le bout au fond de sa gorge, comme s'il voulait l'avaler.

Les domestiques mâles font quelquefois l'auparishtaka à leur maître. Il se pratique aussi entre intimes.

Quelques femmes du harem, très ardentes, se le font aussi entre elles, en unissant la bouche à l'yoni (c'est un mode des amours lesbiennes ou saphiques, la titillation du clitoris par la langue).

Quelques hommes caressent ainsi le yoni des femmes et y font les mêmes actes et mignardises que dans le baiser de la bouche (App. 4 et 5). Dans ce cas, quand la femme est renversée, la tête en bas, vers les pieds de l'homme, celui-ci caresse le yoni avec sa bouche et sa langue. C'est l'union de la corneille (figurée au temple souterrain d'Éléphanta).

Par passion pour cette sorte de plaisirs, des courtisanes quittent des amants généreux et possédant de bonnes qualités pour s'attacher à des esclaves et à des cornacs (App. 6).

Contrairement à l'opinion des anciens casuistes qui sont plus sévères, Vatsyayana est d'avis que l'Auparishtaka n'est défendu qu'aux maris avec leurs femmes. Il ajoute que, pour les pratiques de l'amour, on ne doit obéir qu'à l'usage du pays et à son propre goût.

On retrouve cette maxime chez les philosophes grecs et chez ceux du
XVIIIe siècle.

«L'amour, dit Zenon, est un dieu libre, n'ayant d'autre fonction à remplir que l'union et la concorde.»

«Tout est femme dans ce qu'on aime, dit Lamettrie, l'amour ne connaît d'autres bornes que celles du plaisir.»

Ce principe a été appliqué sans réserve, aussi bien dans le siècle du grand Frédéric que dans celui de Périclès. Frédéric lui-même passait pour sodomiste; Catherine de Russie se livrait à toutes les dépravations et avait constamment deux amants bien choisis. Que n'a-t-on pas dit du Régent et de ses filles!

APPENDICE AU CHAPITRE VI

N° 1.—Usage actuel de l'Auparishtaka.

L'auparishtaka, aujourd'hui relégué dans les mauvais lieux et dans les ménages onanistes (Gauthier, Onanisme buccal), parait avoir été très commun anciennement dans l'Inde.

On en trouve dans les gravures du chevalier Richard Payne, intitulé le Culte de Priape, une représentation empruntée au temple souterrain d'Éléphanta, et où l'homme agit sur la femme qui a la tête en bas.

Les différentes sortes d'auparishtaka se voient aussi dans les sculptures des temples de Civa, à Bhuvaneshwara, près de Cuttak, dans l'Orissa, qui remontent jusqu'au VIIIe siècle.

L'auparishtaka ne paraît pas habituel maintenant dans l'Hindoustan.

Il y a, en Algérie, des Arabes qui provoquent les hommes à cette débauche; pour quelques-uns, c'est un moyen de chantage ou de vol.

Dans les maisons de tolérance de Paris, celles mêmes qui sont tenues sur un grand pied, les femmes se prêtent à cette pratique et y provoquent même.

Beaucoup de célibataires d'un âge mûr qui fréquentent ces maisons préfèrent cette pratique à la connexion, non par libertinage, mais parce qu'elle satisfait, sans danger pour leur santé, ce qui n'est chez eux qu'un simple besoin d'hygiène analogue au bain.

N° 2.—Emploi ancien des eunuques.

L'emploi des eunuques est fort ancien en Orient, puisque Putiphar était eunuque.

(Comme Puliphar avait une fille, il faut admettre, ou que la mère de cette fille avait rencontré mieux que Joseph, ou que Puliphar n'était eunuque qu'en apparence et par hermaphrodisme).

A Rome, beaucoup de maris en avaient un pour garder leur femme.

Ovide, livre II, Les Amours, adresse à Bagoas l'Élégie deuxième pour qu'il ne soit pas un gardien trop sévère:

«O toi, Bagoas, qui n'es ni homme ni femme, gardien de ma maîtresse, laisse-lui prendre à la dérobée un peu de liberté, et tout ce que tu lui en accorderas, elle te le rendra. Consens à être de complicité avec elle. Un complice discret gouverne la maison, il ne sent plus le fouet. Pour cacher au mari la vérité, on le berce de chimères, et maîtres autant l'un que l'autre, le complice et le mari approuveront ce qu'approuvé la femme.

«Une femme caressante obtient de son époux tout ce qu'elle désire.

«Toutefois, que de temps en temps elle te querelle; qu'elle feigne de verser des larmes et te traite de bourreau.

«Tu lui reprocheras alors des fantes dentelle se justifiera aisément; elle deviendra par là irréprochable aux yeux de son mari. Ces complaisances te seront bien payées, et tu y gagneras bientôt ta propre liberté.»

N° 3.—Autre emploi des eunuques.

Aujourd'hui les eunuques servent de plastron pour la sodomie aux musulmans de l'Inde; ils ne se déguisent plus en femmes, attendu que ceux-ci préfèrent les jeunes garçons, à tel point que les Bayadères qui vont chanter et danser chez les princes musulmans s'habillent quelquefois en hommes, pour répondre à leur goût (voir les Chants des Bayadères).

Dans tout l'Orient, les masseurs des bains, qui sont des adolescents, s'offrent d'eux-mêmes comme plastrons.

Le nombre des eunuques alla toujours en augmentant à Rome, malgré un édit de Domitien qui interdit la castration, et que Martial a loué dans son Épigramme 3 du livre, VI:

«On se faisait un jeu de violer les droits sacrés du mariage, un jeu de mutiler des hommes innocents. Vous défendez cette infamie, César! et vous rendez service aux générations futures. Personne, sous votre règne, ne sera eunuque ni adultère. Avant vous, cependant, ô moeurs! l'eunuque lui-même était un adultère.»

Déjà considérable sous les empereurs grecs, le nombre des eunuques le devint bien plus encore sous les successeurs de Mahomet.

On alla jusqu'à faire des eunuques femelles. On fendait le ventre aux jeunes filles pour extirper les ovaires et on coupait le clitoris jusqu'à sa racine, ensuite on fermait la vulve en rétrécissant les grandes lèvres par des points de suture. On obtenait des êtres sans sexe et sans désirs dont on était plus sûr que des eunuques, mâles encore capables de désirs ou bien dont, à défaut même des sens, le coeur pouvait être captivé.

N° 4.—Obscénités sur les chars sacrés de l'Inde.

Cette caresse est la principale de celles figurées sur le char sacré de Mazulipatam par un groupe de six personnes: un homme besognant cinq femmes avec sa langue, ses pieds et ses mains. Rien de plus dégoûtant que cette peinture de grandeur plus que naturelle, dont les enfants des deux sexes se montrent tous les détails constamment exposés à tous les yeux.

Très souvent la masturbation, comme manifestation d'amour, est figurée sur les chars sacrés Sur celui de Chandernagor une gopi s'y livre en regardant Krishna. Les cariatydes d'un char récemment fait à Pondichéry sont des singes se masturbant.

N° 5.—Épigrammes de Martial.

L'Auparishtaka était fort pratiqué à Rome du temps de Domitien, ainsi que le montrent les épigrammes suivants de Martial:

L. II, 49. «Je ne veux pas épouser Thalisma, c'est une libertine… mais elle se donne à de jeunes garçons… Je l'épouse.»

L. JI, 50. Contre Lesbie: «Tu suces et tu bois de l'eau, Lesbie; c'est très bien, tu laves l'endroit qui en a besoin.»

L. II, 73. «Lyris suce, même quand elle n'est pas ivre.»

L. 111, 75. Contre Luperculus. «Depuis longtemps, Luperculus, ta mentule a perdu toute vigueur et les aphrodysiaques n'ont pu lui rendre sa vertu. Maintenant tu commences à corrompre à force d'argent des bouches pures, et tu ne réussis pas mieux. Il t'en a bien coûté pour rester impuissant!

L. III, 88. Contre deux frères impudiques. «Ils sont frères jumeaux, mais lèchent chacun un sexe différent; dites s'ils sont plus ressemblants que différents!»

L. III, 96. «Tu lèches ma maîtresse et tu ne lui fais rien autre chose; puis tu babilles comme si tu étais besogneur. Si je t'y prends, Gargitius, je te ferai taire (en te coupant la langue).»

Dans l'épigramme 43 du livre IV, Martial reproche à Coracinus d'être cunnilingue.

L. IV, 50. «Pourquoi, Thaïs, me répéter que je suis trop vieux? on n'est jamais trop vieux pour lécher.»

L. XI, 25. «Cette libertine éhontée, cette connaissance intime de tant de fillettes, la mentule de Lunius, ne peut plus se dresser; gare à sa langue !» Dans l'épigramme 46 du livre XI, Martial conseille l'Auparishtaka à un vieillard.

L. XI, 47. «Pourquoi Blattara fuit-il tout commerce avec les femmes?
Pourquoi joue-t-il de la langue?—Pour ne pas besogner (impuissant).»

L. XI, 61. Sur Mantius. «Mantius ne peut plus raidir sa langue libertine, car pendant qu'il la plongeait dans une vulve gonflée de luxure, et qu'il y demeurait attaché, entendant dans l'intérieur les vagissements de l'enfant, une maladie honteuse a paralysé cette langue avide; aujourd'hui il n'est plus possible à Mantius d'être pur ni impur.»

L. XII, 86. Contre Fabullus. «Les philopèdes, dis-tu, puent de la bouche; dis-moi, ô Fabulus, que sentent les cunnilingues?»

On a peine à croire à un tel dévergondage; cependant, comme Martial adresse plusieurs de ses épigrammes aux hommes qui vivent de leur impudicité, on peut admettre tout comme possible. Le docteur Garnier cite une classe de faits de ce genre et les explique naturellement ainsi que la sodomie, en faisant remarquer que souvent l'anus est un foyer érogène.

N° 6.—Talents intimes.

On voit, non-seulement dans l'Inde, mais en tout pays, des hommes distingués enchaînés par des femmes sans jeunesse, esprit ni beauté, mais possédant quelques talents intimes comme ceux qui ont fait la fortune de la du Barry.

Diderot donne, dans les _Bijoux indiscrets, _sous le titre: le _Bijou voyageur, _les récits d'une femme laide et sotte qui a gagné une grande fortune par une complaisance cosmopolite. Ceux qui concernent l'Allemagne, l'Italie, et l'Espagne, et qui sont écrits respectivement en latin, en italien et en espagnol, sont curieux; ils nous mettent au courant des vices dominant dans ces pays au XVIIIe siècle. A Vienne, ce sont les raffinements indiens, les mignardises et l'hyménée par la bouche, les seins, etc. En Italie, ce sont les amours florentins (in vas non naturale); en Espagne, des tours de force de prouesses amoureuses, des nuits de plaisir sans trêve ni merci. Pourquoi le _Bijou voyageur _ne se sert-il du français que pour lier et commenter ses indiscrétions polyglottes? Diderot fait lui-même la réponse:

«Le lecteur français veut être respecté.»

N° 7.—Docteur GARNIER, Onanisme buccal.

L'onanisme en général et souvent l'onanisme buccal est aujourd'hui fréquent. Il est la règle dans les unions libres, sans être une exception dans les autres. L'influence directe d'organes étrangers, actifs, conscients, pour ainsi dire, comme les lèvres, la bouche et surtout la langue, a pour effet une impression beaucoup plus vive et profonde que les rapports naturels.

L'odeur spéciale qui se dégage des organes secrets de la femme est, pour certains vert-galants, comme Henri IV, le souverain excitant de l'amour. Elle les surexcite au point qu'ils fouillent avec la bouche et le nez les parties sexuelles et en aspirent les liquides. De là leur nom de renifleurs.

Excitées directement par la succion, l'aspiration et le lèchement de tous leurs organes, les femmes, parvenues au paroxysme, lancent dans la bouche de l'homme, par leur conduit afférent, le mucus glaireux sécrété par les glandes vulvo-vaginales. Le plaisir que cette éjaculation procure aux femmes passionnées leur fait rechercher cette débauche. Les femmes galantes la considèrent comme la plus grande preuve d'amour qu'elles puissent, recevoir de leurs sigisbés et comme le moyen le plus sur de les fixer (des femmes dites honnêtes et du monde ont ce goût).

Pour ne pas avoir à rougir d'un office vil non partagé, c'est ordinairement par réciprocité alternative, et souvent simultanée, que des amants libres ou des époux se livrent ensemble à ces écarts. Opposés l'un à l'autre de la tête aux pieds, ils agissent ensemble, chacun de leur côté, avec une telle passion qu'ils en deviennent inconscients [29]. Ce vice a quelquefois pour conséquence, chez la femme, l'hystérie, chez l'homme, la paralysie plus ou moins complète des membres et du cerveau.

[Note 29: Cette pratique devenue fréquente est appelée par les libertins
FAIRE 69.]

La succion du clitoris et le lèchement de la vulve avec la langue constitue le saphisme. Le saphisme féminin est préféré par les femmes lubriques à tous les autres moyens de plaisir. Le saphisme détermine un état particulier du clitoris très caractéristique.

L'auparishtaka ou onanisme buccal entre hommes paraît s'être répandu dans ces derniers temps. Quelques libertins choisissent criminellement pour cet office de jeunes enfants dans la bouche desquels le pénis se meut comme dans le vagin.

TITRE V

COMMENT, POUR L'ACTE SEXUEL, ON VIENT EN AIDE A LA NATURE

CHAPITRE I

Des attouchements.

Lorsqu'un homme ne peut satisfaire une femme Hastini (type éléphant) il est obligé de recourir à des moyens propres à l'exciter. Il commence par lui frotter le yoni avec les doigts ou la main et n'entre en connexion avec elle que lorsqu'elle éprouve déjà du plaisir.

APPENDICE AU CHAPITRE I

N° 1.—Opinion des Théologiens.

Ici, comme dans tout le corps du Soutra, le but poursuivi est la satisfaction de la femme, indépendamment même de la génération ou du dessein d'augmenter l'amour réciproque. Ainsi que nous l'avons fait remarquer dans une note précédente, ces deux dernières fins peuvent, aux yeux des théologiens que nous avons cités, légitimer l'attouchement recommandé par l'auteur indien. Cela résulte, d'ailleurs, implicitement, dans le cas de mariage, du premier alinéa de l'art. 920 de la théologie morale du P. Gury.

920.—Il n'y a pas de péché grave, ni même léger, suivant l'opinion plus commune et plus probable, de la part d'une épouse qui s'excite par des attouchements à répandre sa semence aussitôt après l'acte dans lequel le mari seul l'a répandue:

1° Parce que cette semence est destinée à accomplir l'acte conjugal, pour que les époux ne soient promptement qu'une seule chair, et, de même que l'époux peut se préparer à l'acte par des attouchements, l'épouse peut également le terminer par des attouchements.

2° Parce que, si les femmes, après une telle excitation, étaient tenues de réprimer les mouvements naturels, elles risqueraient de pécher gravement.

Sanchez dit: Conjugi tardivo ad seminandum consuledum est ut ante concubitum tactibus venerem excitet, ut vel sic possit in ipso concubitu effundere semen.

Cet avis est sans doute fondé sur l'opinion généralement admise que la coïncidence des deux spasmes génésiques favorise la conception (se reporter à la note 4 de l'appendice du Chapitre I et à l'appendice du Chapitre IV du Titre IV).

On doit le supposer: 1° à cause de la question suivante que pose
Sanchez:

An sit mortale quoties non simul conjuges semen consulte effundant.

Y a-t-il péché mortel quand les deux époux s'entendent pour empêcher la simultanéité de leur spasme respectif?

2° Parce que, en tout autre cas, les attouchements personnels sont défendus, ainsi qu'il résulte de l'alinéa ci-après de l'article 920 déjà en partie cité du Père Gury:

«Les attouchements sur soi-même en vue du plaisir vénérien en l'absence de l'autre époux, selon l'opinion de plusieurs, constituent un péché grave, parce que l'époux n'a pas le droit de se servir de son propre corps pour son plaisir, mais seulement pour l'acte conjugal. Saint Alphonse considère cette opinion comme plus probable et comme devant être suivie dans la pratique.»

Il n'est question nulle part dans le Kama Soutra des attouchements personnels. La facilité des moeurs doit les rendre très rares dans l'Inde, excepté pour ceux qui font voeu de chasteté. Mais comme les casuistes indiens croient ces derniers incapables d'aucune sorte d'incontinence, ils ont dû considérer les attouchements personnels comme une quantité négligeable.

N° 2—Opinion des médecins.

AMBROISE PARÉ

Dans son traité de la génération de l'homme (1573) Ambroise Paré conseille au mari de préparer sa femme afin que les deux semences se puissent rencontrer ensemble:

«L'homme étant couché avec sa compagne la doit mignardiser, chatouiller, caresser et émouvoir s'il trouvait qu'elle fut dure à l'éperon; et le cultivateur n'entrera dans le champ de nature humaine à l'estourdy, sans que premièrement n'ait fait ses approches afin qu'elle soit esguillonée et titilée tant qu'elle soit éprise du désir du masle et que l'eau lui en vienne à la bouche, afin qu'elle prenne volonté et appétit d'habiter et faire une petite créature de Dieu et que les deux semences se puissent rencontrer ensemble, car aucunes femmes ne sont pas si promptes à ce jeu que les hommes.»

Le Docteur Jules Guyot cite et appuie l'avis d'Ambroise Paré; Paul
Garnier le combat.

Docteur PAUL GABSIER (De l'Onanisme).

«Sauf de rares exceptions, la femme ne ressent point spontanément l'incitation qui chez l'homme résulte de l'érection de ses organes; elle ne l'éprouve que par son contact avec lui lorsqu'il la provoque et la transmet par ses caresses. De là la nécessité des préludes tout en observant cette règle:»que les organes génitaux de l'un des sexes ne doivent recevoir que l'action naturelle des organes génitaux de l'autre sexe à l'exclusion de tout autre contact ou ébranlement, les caresses des époux avant et après l'union ne devant point s'étendre à ces organes. Des pratiquas contraires mènent à l'onanisme à deux qui a pour la femme les conséquences les plus funestes: la dépravation et la perte de la santé. L'onanisme à deux détermine presque toujours l'onanisme isolé, et chacun de ces onanismes engendre fréquemment soit l'hystérie, soit le gonflement et par suite l'hypertrophie des glandes vaginales, soit l'allongement du col de la matrice, soit un développement du clitoris qui en nécessite l'excision, soit le cancer de la matrice. Le plus grand de ces maux est la nymphomanie et le moindre la perte de la voix.

CHAPITRE II

Les Apadravyas.

L'homme peut aussi, pour satisfaire une femme, user des apadravyas ou objets qui, mis sur le linga ou autour, en augmentent la longueur ou la grosseur, de manière qu'il corresponde aux dimensions du yoni[30].

[Note 30: Les apadravyas ayant pour objet la satisfaction de la femme, leur invention, bien que bizarre à nos yeux, part cependant d'un bon sentiment; et, sous ce rapport, les hindous valent mieux que les chinois qui estropient leurs femmes pour resserrer les lèvres par le gonflement des cuisses.

Au point de vue du P. Gury, les apadravyas pourraient être permis, quand ils ne forment pas obstacle à la génération.

Nous avons vu plus haut Chariclès, dans Lucien, les qualifier de monstrueux parce que généralement leur emploi a pour objet ou conséquence la stérilité. Ce emploi était commun à Rome où sans doute l'Inde les avait importés.]

Bathravia est d'avis que ces objets doivent être d'or, d'argent, de cuivre, de fer, d'ivoire, de corne de buffle, de bois de différentes sortes, en peau, en cuir, doux, frais, provoquant l'érection, et bien appropriés à leur but.

Vatsyayana, sous ce rapport, s'en remet au goût de chacun.

Voici les différentes sortes d'Apadravyas.

1° L'anneau de la longueur du linga au-dessous de sa tête; sa surface extérieure doit être rude et garnie de petites saillies hémisphériques ou globuleuses de manière à former une lime à frottement doux qui n'use point.

2° Le couple: formé de deux anneaux.

3° Le bracelet: formé de plusieurs anneaux ayant ensemble la longueur du linga.

4° La spirale: elle s'obtient en enroulant autour du linga un fil métallique, comme du laiton, dont les tours sont très rapprochés.

5° Le Jalaka, tube métallique ouvert à ses deux extrémités; à l'extérieur, il est rude et parsemé de saillies hémisphériques douces au toucher; il a les dimensions du yoni; on l'attache à la ceinture.

6° A défaut du Jalaka, un tube fait de bois de pommier ou du goulot d'une gourde ou d'un roseau amolli avec de l'huile et des essences, qui s'attache à la ceinture avec des cordons; ou bien une foule de petits anneaux de bois doux et attachés ensemble.

Les tubes peuvent servir, soit en entourant le linga, soit seuls et à sa place[31].

[Note 31: Ces apadravyas paraissent grossiers ou dangereux. Un industriel qui s'aiderait de la science pourrait, aujourd'hui, en fabriquer d'inoffensifs avec le caoutchouc, et vu leur bon usage, il en pourrait vendre beaucoup dans l'Inde. On peut rattacher à cette sorte d'apadravyas qui peuvent fonctionner sans le linga tous les engins imaginés pour le remplacer (Voir appendice N° 3).]

Il est d'usage, dans le sud de l'Inde, de se faire un trou dans la peau du linga, comme on s'en fait aux oreilles pour y suspendre des boucles; à ce trou on accroche divers apadravyas, ceux mentionnés plus haut et d'autres de formes appropriées pour le plaisir de la femme.

L'auteur indique comment on fait grossir le linga pour un mois en le frictionnant avec certaines plantes.

Il prétend que, dans les pays dravidiens, on obtient un grossissement qui persiste indéfiniment en le frottant d'abord avec les soies de certains insectes qui vivent dans les arbres, comme les chenilles: ensuite pendant deux mois avec de l'huile, puis de nouveau avec les soies de chenilles et ainsi de suite.

Le linga gonfle graduellement; quand il est assez gros, l'homme se couche sur un hamac percé d'un trou, à travers lequel il laisse pendre son linga; il fait ensuite passer la douleur du gonflement avec des lotions froides[32].

[Note 32: Voir la fin du N° 2 de l'Appendice.]

Un onguent, fait avec le fruit de l'asteracantba longiflora rétrécit pour une nuit le yoni d'une femme éléphant[33].

[Note 33: Aujourd'hui, dans le sud de l'Inde, les femmes usent beaucoup d'astringents pour rétrécir leur yoni. Il en est, dit-on, qui par ce moyen se refont une virginité.

Un jeune médecin de la marine avait commencé une étude de ces procédés qu'il croyait pouvoir être utilisés en Europe; mais ayant du quitter l'Inde plus tôt qu'il ne pensait, il ne put réaliser son projet.

Les prostituées qui font abus des astringents perdent toute sensibilité dans la paroi vaginale.]

Un autre onguent composé du fruit et du jus de plusieurs plantes élargit le yoni d'une femme gazelle.

APPENDICE AU CHAPITRE II

N° 1.—Secret de Popée

Dans la note précédente, nous avons parlé des moyens employés par les femmes de l'Inde pour resserrer le yoni.

Le Docteur Debay en indique qui ne sont point dangereux et qui sont usités en France.

Nous citerons seulement le secret de Popée pour paraître toujours vierge.

«Lavez la partie avec de l'eau blanchie par quelques gouttes d'alcool benzoïque; séchez la ensuite avec des linges fins, et saupoudrez la intérieurement avec de l'amidon. L'effet est très remarquable.

N° 2.—Les ennemis de la virilité

Les transports d'une imagination lubrique et les désirs charnels excessifs sont les plus dangereux ennemis de la virilité.

L'homme raisonnable attend que la nature parle, sans provocation artificielle, et cela même dans l'intérêt de la fréquence de l'acte sexuel; le seul stimulant doit être l'attrait de la personne.

Tout ce qui échauffe le sang, en accélère la circulation, et le porte au cerveau, prédispose à la frigidité.

Les abus alcooliques et l'usage des mets échauffants détruisent aussi la virilité.

La fréquence excessive de l'acte sexuel nuit à la qualité de la procréation.

Pour ce sujet nous renvoyons au traité fort savant, fort bien écrit et pensé, du docteur Garnier (impuissance physique et morale de l'homme et de la femme). Nous lui empruntons l'application suivante.

Chez un jeune client la verge était recouverte par le prépuce et, en érection, avait à peine la grosseur d'une plume sur deux pouces de long; les proportions de tout l'appareil génital étaient aussi lilliputiennes.

Un cylindre en caoutchouc, de la forme et du volume d'un pénis ordinaire, avec un canal intérieur dont le diamètre était proportionné à la verge en érection, fut adapté au pubis par une lanière passée sur les lombes comme un bandage de corps. Son élasticité, en permettant aux mouvements du cylindre de se transmettre au pénis emprisonné à l'intérieur, donna un succès complet. En s'essayant ainsi, avec un régime tonique, après un temps assez long, la verge s'étant accrue, le sujet primitivement impuissant put se livrer naturellement au coït.

Ce phallus artificiel est imité du congesteur de Mondat contre le défaut d'érection par anaphrodysie; de jeunes pucelles pourraient en tenir lieu.

En somme, le moyen de beaucoup le meilleur de développer l'organe est de rendre son action possible et fréquente. Dans ce but les Arabes donnent à leurs fils adolescents des femmes étroites ou habiles à les exciter.

N° 3,—Onanisme mécanique (Docteur GARNIER)

Dès la plus haute antiquité les femmes de l'Orient faisaient un fréquent usage de phallus et autres objets matériels, ainsi que le prouve un passage du prophète Ezéchiel.

Chez les anciens le phallus était l'instrument le plus répandu; plusieurs spécimens de divers modèles trouvés dans les ruines de Pompéi et Herculanum sont exposés au musée de Naples.

On les fabrique à Canton avec un mélange gommo-résineux d'une certaine souplesse et coloré en rosé, et on les vend publiquement à Tien-Tsin, ainsi que des albums représentant des femmes nues qui font usage de ces instruments attachés à leurs talons. On les exhibe même au théâtre pour en indiquer aux jeunes femmes l'emploi contre la génération.

On en fabrique aussi à Paris en caoutchouc rouge durci, parfaitement imités, que l'on vend secrètement à des adresses connues de toutes les intéressées. Ils se gonflent à volonté, et du lait ou tout autre liquide placé à l'intérieur, s'échauffant au contact du vagin, s'échappe et se répand au moment psychologique pour rendre l'illusion plus complète.

Les boules japonnaises, en usage aussi en Chine et dans les sérails de l'Inde, consistent en deux boules creuses d'égale grosseur, formées par une feuille mince de laiton. L'une est vide, tandis que l'autre contient une boule ou une certaine quantité de mercure coulant; c'est le mâle. Introduite, dans le vagin, la boule vide la première, elles produisent, au plus petit mouvement des cuisses, du bassin, ou même par l'érection spontanée du tissu érectile, cette secousse légère qui fait les délices des femmes par la titillation voluptueuse qui en résulte et qui se prolonge à volonté.

On sait que l'usage de la machine à coudre est un véritable onanisme mécanique.

N° 4.—Anaphrodisie. MONTAIGNE, L'ARIOSTE, OVIDE.

La crainte et la honte de rester en affront devant une femme est une des causes les plus fréquentes de syncope génitale, surtout chez les hommes de la seconde jeunesse.

Il existe chez les jeunes gens une espèce d'aphrodisie accidentelle occasionnée par l'excès de l'amour sentimental. Montaigne raconte qu'il s'est trouvé dans ce cas.

Enfin, l'application soutenue à l'étude et la méditation produisent aussi l'anaphrodisie accidentelle et même habituelle (souvent sans doute chez les religieux).

L'Arioste a décrit, avec beaucoup d'esprit, l'anaphrodisie d'un vieil ermite.

Orlando furioso. Canto Ottavo.

Angelica e l'Ermita.

  Giù resupina nel l'arena giace
  À lutte voglie dell'ucchio rapace,
  Egli l'abbraccia et a placer la tocca;
  Ed ella dorme et non puo far ischermo;
  Hor le baccia il bel petto, Hor la bocca;
  Non e chi lo vèddia in quel loco aspro ed ermo
  Ma, nell'incontro, il suo destrier trabocca;
  Chè al desio non risponde il corpo infermo;
  Ed era mal alto perche ave va troppi anni;
  E potra peggio quanto pru l'affanni.
  Tulle le nie, lutte i modi tenta;
  Ma quel pigro rozzon non pern s'alza,
  Inderno il fren gli scuote e lo tormenla
  E non puo far che tenga la testa alla.
  Al fin pressa alla donna s'addormenta.

Angélique et l'Ermite

La plage l'a reçue comme une épave, nue gisante sur le dos, évanouie, à la merci de l'oiseau de proie.

  Le vieil ermite l'embrasse et la palpe à plaisir;
  Il lui baise tantôt les seins, tantôt la bouche;
  Car personne ne le voit dans ce lieu sauvage et désert.
  Mais son coursier trébuche à la rencontre.
  Son cerveau est en feu, mais son corps est de glace,
  Et son dépit ajoute encore à son impuissance;

  Il a beau faire tous les efforts, tenter tous les essais,
  Sa rosse fourbue ne veut point se lever;
  En vain, il secoue le frein et la tourmente de la main,
  Il ne parvient point à lui faire tenir la tête haute.
  Enfin, à bout d'efforts, il s'endort près de la belle.

OVIDE.—_Les Amours. _Livre III, Élégie 7e.

Corine entrelaçait autour de mon cou ses bras d'albâtre; elle me donnait des baisers lascifs, elle glissait amoureusement sa cuisse sous la mienne, m'appelait son vainqueur, ajoutant tout ce qu'on peut dire pour exalter la passion; et malgré tout, mes membres sont demeurés engourdis et je n'ai pu me servir de l'instrument du plaisir.

Cache toi pleine de honte, ô la plus vile partie de mon corps! par toi, j'ai été trouvé en défaut; tu m'as fait éprouver le plus sensible affront. Ma maîtresse, cependant, ne dédaigne pas de me secourir, dans ma détresse, de sa main délicate; mais voyant que rien ne pouvait lui rendre la vie, et qu'il demeurait malgré tout insensible: Pourquoi, dit-elle, te joues-tu de moi? Qui le forçait, insensé, devenir malgré toi partager ma couche?

Ou tu as été ensorcelé par une magicienne, ou tu t'es épuisé avec une autre avant de venir me trouver.

Aussitôt elle sauta hors du lit, à peine vêtue de sa tunique, et s'enfuit pieds-nus.

CHAPITRE III

Les Aphrodisiaques.

Voici comment on les prépare.

Dans du lait sucré, on met beaucoup de poivre Ghaba, et on y ajoute tantôt: 1° Une décoction de la racine de l'uchala, ou bien des graines de la sanseviera, roxbourgiana, et, 2° de l'hédysarum gangeticum, ou du jus de cette plante avec elle, 3° Du jus de Kuiti et de la Kshirika, 4° Ou bien une pâte composée avec l'asperge rameuse et des plantes schvadaustra et goudachi, avec addition de miel et de gui (on sait que ce dernier jouait un rôle dans une préparation magique chez les Druides). 5° Ou bien une décoction des deux dernières plantes, avec des fruits de premna spinosa. 6° Lait sucré dans lequel on fait bouillir des testicules de bouc ou de bélier. 7° Mélange de miel, de sucre et d'esprit, tous trois en quantités égales. Le jus de fenouil dans le lait est un aphrodisiaque saint, qui prolonge la vie et se boit comme le nectar. 8° Une décoction multiple, analogue aux cinq premières indiquées ci-dessus, fouettée avec des oeufs de moineau (comme oiseau très amoureux) rend un homme capable de satisfaire beaucoup de femmes.

Une autre composition très compliquée, ne renfermant que des végétaux, donne à l'homme le pouvoir de servir un nombre illimité de femmes.

L'aphorisme suivant (en vers) donne la règle générale sur la matière:

Les moyens de produire la vigueur et l'amour sexuels doivent être empruntés à la médecine, aux védas, à la magie, et à des parents discrets.

On ne doit en essayer aucun d'un effet douteux ou nuisible à la santé ou nécessitant soit la mort d'un animal quelconque, soit un contact qui occasionne une souillure.

On ne doit user que de ceux qui sont saints, consacrés par l'expérience et approuvés par les brahmanes[34].

[Note 34: Les mots en italique montrent bien le caractère religieux, c'est-à-dire obligatoire que le Kama Soutra attache aux conseils et aux règles qu'il formule.]

APPENDICE AU CHAPITRE III

Les Orientaux se sont, de tous temps, occupés des aphrodisiaques; leurs auteurs les divisent en deux classes: les naturels et mécaniques, tels que la flagellation, et les artificiels ou médicinaux.

On cité, dans la première classe, les insectes qu'appliquaient des tribus sauvages, et l'exemple de la jeune femme d'un vieux brahmane qui voulait de nouveau le faire piquer par une guêpe.

Ovide, _Art d'aimer, _livre II, nous conseille la discrétion sur les aphrodisiaques.

Il en est qui conseillent de prendre pour stimulants des plantes dangereuses: du poivre mêlé avec la semence de l'ortie ou du pyrètre broyé, mêlé à du vin vieux. Autant de poisons selon moi, et de moyens qu'interdit Vénus.

Je ne vous défends point cependant l'oignon blanc de Mégare, les herbes stimulantes, les oeufs, le miel de l'Hymelte, les pommes de pin.

Mais pourquoi, divine Erato, traiter de ces matières qui regardent l'art d'Esculape?

Pétrone s'élève avec force contre les empoisonneuses qui, par leurs drogues, prétendaient exciter l'ardeur génitale.

Il cite la rage de Caligula causée par un hippomane que lui avait donné
Caesonie.

Eusèbe cite la folie de Gallus due à un aphrodisiaque. Lucullus, le gourmand légendaire, et Lucrèce, l'auteur du poème de Natura Rerum, seraient morts au milieu des fureurs frénétiques causées par des breuvages hippomaniques.

Comme Ovide, nous renvoyons aux médecins; nous leur emprunterons seulement quelques indications sommaires.

Les aphrodisiaques les mieux connus sont:

La flagellation, l'urtication, la scarification, l'électricité, les lotions stimulantes sur les organes génitaux avec de l'eau à la glace, de l'eau salée et de l'eau aromatique, le phosphore.

Dans le règne végétal, la sarriette, la menthe poivrée, le cresson alénois, le céleri, l'artichaut et l'asperge, la cinéraire sibérienne, la benoîte, la muscade, le poivre, la girofle et tous les condiments fortement aromatiques, la vanille et le cacao, le genseng, le salep, la truffe parfumée, l'oronge, la morelle, le bole, le phallus et plusieurs autres champignons, le safran.

Dans le règne animal (poissons et coquillages) les crustacés, tels que le homard, les écrevisses, les mollusques, les cétacés, les pétoncles, les huitres et les autres bivalves, l'ichthyophagie en général.

L'ambre gris, la civette, le castor et le musc, les cantharides; ces dernières et le phosphore sont presque toujours mortels.

Ambroise Paré cite un homme qui mourut de priapisme et d'hémorragie urétrale causée par une potion cantharidée qu'une courtisane, sa maîtresse, lui avait fait prendre.

Le baume de tolu, celui de la Mecque et du Pérou, sont aussi des excitants.

En Chine et dans les contrées de l'extrême Orient on fait un grand usage de l'opium et du hatchi qui procurent, le dernier surtout, des rêves délirants et une ivresse dans laquelle on goûte toutes les joies du paradis de Mahomet. Une personne qui a été empoisonnée avec du hatchi nous a décrit les sensations vraiment extraordinaires qu'elle a éprouvées.

Selon le docteur Gauthier, pour réveiller l'amour, rien n'égale l'expérience d'une prostituée consommée dans les pratiques du métier.

CHAPITRE IV

Des embellissements artificiels.

Ceux qui sont disgraciés à la fois de la nature et de la fortune peuvent pour plaire recourir à des moyens artificiels tels que ceux-ci:

Un onguent fait avec la coronaria tabernamontana, le costus speciosus ou arabicus et la calaphracta flacourtia. On en frotte tout le corps et on se rend ainsi agréable à la vue.

Si on passe une poudre fine extraite des plantes ci-dessus à la flamme d'une lampe alimentée avec de l'huile de vitriol bleu, on obtient un fard noir qui se met sur les cils.

On emploie, de la même manière que le premier onguent ci-dessus mentionné, des huiles extraites de plusieurs plantes: l'herbe de porc, l'échites putrida; et des fards noirs tirés des mêmes plantes ou de leur mélange, et un onguent composé de même.

On attribue la même propriété à une poudre formée de quelques végétaux et que l'on mange après l'avoir mélangée avec du miel.

Un os de paon ou de hyène doré attaché à la main rend un homme agréable aux yeux des autres[35].

Même succès si l'on s'attache à la main un chapelet de grains de jujubier et de coquilles, enchanté de la manière indiquée par l'Atharva-Véda (livre des incantations magiques) ou par un habile magicien (Appendice 2).

[Note 35: Nous donnons ce détail comme singularité de goût, et le suivant comme exemple de superstition.]

APPENDICE AU CHAPITRE IV

N° 1.—Conseils d'Ovide

Nous préférons à ces recettes singulières les conseils d'Ovide, Art d'aimer, Livre III.

Il est peu de figures et de corps sans défauts, sachez les dissimuler.

Si vous êtes de petite taille, restez assise ou étendue sur votre lit et là, pour qu'on ne s'aperçoive pas de votre taille, recouvrez vos pieds de votre robe.

Si vous êtes trop mince, portez des vêtements épais et non collants.

Avez-vous le teint pâle? mettez un peu de rouge.

Êtes-vous trop brune, employez le poison de Pharos (blanc tiré des entrailles du crocodile, remplacé aujourd'hui par la poudre de riz).

Une belle chaussure doit toujours cacher un pied difforme. Une jambe sèche et maigre doit toujours être bien entourée. Que de minces coussinets rendent les épaules égales; qu'un léger voile couvre les seins quand ils sont trop élevés ou trop amples.

Si vous avez des doigts épais, des ongles peu polis, faites le moins de gestes possible en parlant.

Ne parlez point à jeun si vous avez l'haleine mauvaise et tenez-vous toujours loin de votre interlocuteur.

Évitez de rire, si vous avez les dents noires, trop longues ou mal rangées.

N° 2.—Filtres et magie

Vatsyayana donne encore beaucoup d'autres recettes, les unes superstitieuses, les autres singulières. Nous en donnerons seulement une idée.

1° Compositions bizarres de 6 poudres; un homme qui oint son linga avec l'une d'elles se rend maître de telle femme qu'il veut.

2° Des fards composés avec le résidu de la combustion d'os de chameaux, de chouettes, de vautours et de paons donnent un pouvoir illimité de séduction.

Une certaine composition mélangée de crottes de singes et jetée sur une jeune fille comme un sort l'empêche de jamais se marier.

Si une laque saturée sept fois avec de la sueur des testicules d'un cheval blanc est appliquée à une lèvre rouge, celle-ci devient blanche; elle redevient rouge, si on la frotte avec un certain composé végétal.

De tout temps, jusqu'à la fin du moyen âge, on a cru à la puissance des filtres et de la magie pour faire aimer ou détester, enrichir, vivre ou mourir.

Du temps d'Ovide et de Pétrone, on faisait remonter aux sorcières de la
Thessalie cet art porté à Rome sans doute d'abord par les Grecs.

Dans les siècles suivants, l'influence des idées et des superstitions indiennes fut prépondérante à Rome, surtout sur les païens (Juvénal dans ses satires cite plusieurs fois les Indiens). Elle dominait à Constantinople et dans tout l'Orient pendant le bas Empire, alors même que régnait le mysticisme; sous Justinien, au VIe siècle, tout le monde croyait à la magie. Il y avait des recettes vendues au poids de l'or, surtout pour faire mourir. On employait communément des herbes enchantées, notamment la mandragore et aussi le poisson Rémora, des os de grenouilles, la pierre astroïte, l'hippomane et autres drogues.

L'empereur Justinien se croyait thaumaturge et aimait à le faire croire aux autres. On disait dans le peuple que l'Empereur était un démon et pouvait se transformer à volonté. Le grave jurisconsulte Tribonien lui disait avec conviction ou par flatterie qu'il pouvait se faire quand il voulait un pur esprit et se transporter partout surnaturellement.

TITRE VI

DES DIVERS MODES DE MARIAGE

CHAPITRE I

Préceptes généraux.

(Ces préceptes sont conformes aux lois de Manou).

On doit se marier dans sa caste, avec une vierge bien apparentée, riche, noble, belle, et qui a au moins trois ans de moins que soi.

On ne doit point rechercher en mariage une jeune fille dans les cas suivants.

C'est une amie ou une soeur plus jeune; on la tient cachée; son nom n'est pas harmonieux; elle a le nez écrasé; elle a le nombril effacé et saillant, au lieu d'être creux; elle est hermaphrodite (App. 1). Sa taille est courbée ou déformée; elle est nouée; elle a le front proéminent; elle manque de tête; elle est malpropre; elle a appartenu à un homme; elle est affectée de goitre ou d'autres glandes saillantes; elle est défigurée plus ou moins; elle a dépassé l'âge de puberté; elle transpire continuellement des mains et des pieds (App. 2).

Il faut surtout éviter les mésalliances. Celui qui entre dans une famille supérieure à la sienne n'est considéré ni de sa femme ni des parents de celle-ci. Celui qui épouse une femme de rang inférieur au sien n'obtient point pour elle, dans sa propre famille, les égards ordinaires (App. 3).

Voici quelques aphorismes au sujet du mariage.

Une jeune fille fort recherchée doit prendre pour époux l'homme qu'elle aime et qui lui paraît devoir satisfaire ses désirs de toute nature.

Si ses parents la donnent à un homme riche, uniquement à cause de sa fortune, ou à un homme qui a plusieurs femmes, elle ne s'attachera jamais à lui, quelles que soient ses qualités.

Mieux vaut un mari pauvre et de peu d'apparence, mais tout entier à elle, qu'un homme beau et attrayant qui se doit à plusieurs femmes.

Les femmes d'un homme riche, bien qu'elles jouissent de tous les avantages et plaisirs qu'elles peuvent désirer, ont toujours des amants[36].

On ne doit pas accepter pour mari un homme sans jugement ou déchu de sa position sociale[37], ou passionné pour les voyages, ou chargé de femmes et d'enfants, ou adonné au jeu.

Le véritable époux d'une jeune fille est l'homme qui a toutes les qualités qu'elle aime.

Celui-là seul a sur elle de l'ascendant et du prestige, parce qu'il est l'époux de l'amour.

[Note 36: Aujourd'hui la polygamie est très rare dans l'Inde. Tous les mariages se font par les parents, sans même que les fiancés se connaissent avant la cérémonie. Il n'en est autrement que chez les Indiens convertis et chez les Brahmanes des grandes villes anglaises qui ont eu beaucoup de rapports avec les Européens; on devrait bien répandre parmi tous les Hindous les aphorismes ci-dessus.]

[Note 37: La déchéance, c'est l'exclusion de la caste, qui est une sorte de mort civile ou d'excommunication. Une condamnation à une peine infamante (prononcée toujours par des juges européens) n'entraîne pas la déchéance aux yeux des Hindous.]

APPENDICE AU CHAPITRE I

N° 1.—Hermaphrodisme.

Les hermaphrodites femelles ou femmes à long clitoris, ou tribades, ont généralement les seins, la matrice, les ovaires très peu développés; le pubis aplati, les hanches étroites, les formes sèches, le système pileux abondant, la lèvre supérieure garnie de poils, la voix forte et tous les traits d'une virago.

Elles n'ont aucun penchant pour les hommes. La plupart recherchent, au contraire, les femmes pour les caresser virilement. Cette sorte de tribades était nombreuse à Rome[38].

[Note 38: La tribadie est le vice qui fait rechercher aux femmes leurs semblables pour se frotter l'une contre l'autre par plaisir; d'où le nom de fricatrices qui leur a été donné.]

Les tribades examinées par le docteur Martineau dans sa clinique n'ont offert rien de particulier (sauf le développement des grandes lèvres) dans la conformation de leurs organes sexuels. Les seules remarques que Roubaud ait faites sur elles est l'absence presque complète des seins et leur goût très prononcé pour l'équitation.

Martial, 67 du livre VII, a fait contre l'une d'elles l'épigramme suivante:

«La tribade Philenis sodomise de jeunes garçons; toujours en érection, jamais assouvie, jamais ne molissent, elle dévore en un jour onze jeunes filles. La robe retroussée, les membres frottés de la poudre jaune, elle lance le disque et reçoit toute souillée de boue dans la lutte les coups de fouet des lutteurs. Elle ne se met à table qu'après avoir vomi sept mesures de vin, puis elle en avale autant avec seize des pains préparés pour les athlètes. Après cela, elle plonge sa langue, non dans la bouche des hommes, mais dans les appats secrets des jeunes filles, pour faire acte de virilité.»

Hermaphrodites mâles.

Les hermaphrodites mâles ou hommes imparfaits dont les testicules sont restés dans le ventre ont une espèce de vulve, un simulacre de vagin, des mamelles quelquefois assez développées, des formes arrondies, une voix grêle, peu ou point de barbe. Ces êtres languissent dans l'impuissance jusqu'à ce qu'un effort de la nature ou un accident jette hors du ventre les testicules qui y étaient restés cachés: alors ces sujets équivoques deviennent des hommes.

Dorothée Perrin, née en Russie en 1780, réunissait complètement les deux sexes; les organes virils étaient placés au-dessus du vagin; elle aurait pu se féconder elle-même.

N° 2.—Causes d'empêchement au mariage aux yeux de l'Église.

Toutes les causes d'empêchements énumérées par Vatsyayana sont physiques ou sociales. Il n'est pas sans intérêt de les rapprocher de quelques causes d'empêchement au mariage aux yeux de l'Église.

Nous avons déjà donné, au chapitre III du titre II, les article 810, 811, 812 de la Théologie morale du P. Gury, relatifs à l'alliance. Voici, maintenant, ceux qui concernent l'impuissance.

855. «L'impuissance antécédente et perpétuelle, soit absolue, soit relative, rend le mariage non-valable, d'après le droit naturel, parce que l'objet du contrat conjugal fait absolument défaut, puisque l'union sexuelle est impossible.

«L'impuissance, connue d'une manière certaine, rend l'usage du mariage illicite, même pour un simple essai; du moment que l'union sexuelle ne peut être parfaite, la fin qui rend ce commerce licite n'existe pas.

859. «Sont réputés impuissants: les eunuques privés des deux testicules, mais non ceux qui n'en n'ont qu'un.

«Dans le doute au sujet de l'impuissance antécédente ou conséquente, on permet l'union aux époux jusqu'à ce qu'ils se soient bien assurés que leurs efforts sont restés impuissants.»

N° 3.—Croisements.

Les empêchements pour cause de mésalliance étaient évidemment motivés, chez les brahmanes, par la connaissance de l'hérédité. Cette hérédité a été reconnue de tout temps, et n'est guère contestée aujourd'hui. Les interdictions pour cause d'alliance doivent avoir été motivées par la connaissance qu'on avait déjà, du temps de Vatsyayana, de l'effet avantageux et même de la nécessité du croisement des races et des familles. Ces interdictions sont légales et absolues en Chine.

Influence du père et de la mère dans la procréation.

Le père transmet à ses filles les formes de la tête, de la charpente pectorale et des membres supérieurs, tandis que la conformation du bassin, de l'abdomen et des extrémités inférieures est transmise par la mère.

Pour les fils, c'est le contraire: d'où il résulte que les garçons procréés par des femmes intelligentes seront intelligents, que les filles procréées par des pères capables hériteront de leurs capacités.

En général, la mère transmet à ses fils ses qualités morales, et le père transmet les siennes à ses filles (docteur Debay).

Le croisement des races, des nationalités, des tempéraments et des constitutions, est une des conditions principales de la callipédie. C'est pourquoi les régions non susceptibles d'être cultivées par des Européens sont prédestinées à être de plus en plus peuplées et dirigées par des mulâtres. De même qu'Abdel-Kader l'a observé pour la race chevaline, il a été reconnu aux colonies que, dans le croisement des races humaines, l'influence du père est prépondérante surtout pour les formes et les qualités extérieures, notamment pour la couleur.

Un fait généralement constaté, c'est l'attrait des blonds ou races blondes pour les brunes ou races de couleur. Les femmes espagnoles et arabes, et les femmes noires ou cuivrées à tous les degrés aiment les Anglais et les Français, sans doute à cause de leur fraîcheur. Le goût des blonds pour les brunes est bien moins général, aussi les croisements tendent-ils à faire prédominer et à répandre les qualités supérieures des races blondes.

L'imagination et la vue continuelle de beaux types ont une grande influence sur la callipédie. Les belles statues, les belles peintures qui autrefois remplissaient la Grèce, et remplissent encore l'Italie, jouent certainement un rôle important à ce point de vue.

Le très grand développement qu'ont pris, depuis un demi-siècle, en Europe et principalement en France, les arts du dessin, la photographie, la sculpture, etc., doit avoir eu déjà et avoir dans l'avenir une influence dans le sens de la callipédie, surtout au point de vue de l'expression de la physionomie.

N° 4.—Anomalies sexuelles.

Les anomalies sexuelles si bien étudiées déjà par le docteur Gautier pourront, par les progrès de la science, entrer de plus en plus dans le droit civil et ecclésiastique, comme empêchement au mariage.

Certaines peuplades, notamment en Afrique (Delaporte, le Voyageur français, 1872), sont signalées comme pratiquant le mariage à l'essai. C'est le seul criterium absolument complet des incompatibilités sexuelles. Le relâchement des moeurs et l'abandon croissant de l'institution de la famille en propagent l'application. Malheureusement ce remède est pire que le mal à conjurer.

CHAPITRE II

Mode de mariage ordinaire entre gens honorables.

Quand le moment est venu de marier une fille, les parents doivent la produire le plus possible; faire bon accueil à ceux qui viennent, accompagnés de leurs parents et amis, pour rechercher sa main; et, sous un prétexte quelconque, la leur présenter bien parée.

Quand la demande est faite par des intermédiaires, les parents de la jeune fille invitent ces personnes à prendre le bain et à dîner, mais ajournent leur réponse, pour ne pas paraître trop pressés.

Le prétendant doit se retirer en cas de mauvais présages; par exemple si, au moment où on présente sa demande, la jeune fille dort, crie ou est absente de la maison.

Le prétendant doit faire agir ses amis auprès des parents de la jeune fille; ils dénigrent par tous les moyens possibles ses rivaux et le louent lui-même jusqu'à l'exagération, surtout sous les rapports auxquels la mère de la jeune fille attache le plus d'importance.

L'un des amis, sous le déguisement d'un astrologue[39], pronostique la prospérité et la richesse futures du prétendant, en faisant voir les présages et les signes heureux, la bonne influence des planètes, l'entrée opportune du soleil dans le signe du zodiaque le plus favorable, les étoiles propices et les marques de bon augure sur son corps.

D'autres affidés éveillent la jalousie de la mère, en lui insinuant que le prétendant a chance de faire un mariage plus avantageux, lors même que cela ne serait pas [40].

Lorsque les parents ont consenti au mariage, celui-ci s'accomplit suivant les rites prescrits par le livre saint pour les quatre sortes de mariage (App. n° 1 et 2).

[Note (39): On voit que, déjà à cette époque, l'astrologie était un moyen de tromperie et de charlatanisme d'un usage général.]

[Note (40): Il appert de là que la supercherie et le mensonge étaient en toute occasion des moyens autorisés et même conseillés par les Brahmanes.]

APPENDICE AU CHAPITRE II

N°1.—Conventions matrimoniales.

Dans la classe riche, le père de la mariée fait tous les frais de la cérémonie, du trousseau et des cadeaux de noces; quelquefois, les dépenses sont partagées entre les deux familles. Manou défend à tous les gens honorables, même aux Soudras, de rien accepter pour eux-mêmes, de celui qui épouse.

Ils ne peuvent recevoir que des cadeaux pour leur fille.

Dans la classe peu fortunée, les parents du marié ont à faire toutes les dépenses du mariage et du trousseau, et, de plus, ils doivent payer, comme prix de la fille, à ses parents, une somme d'argent déterminée par les usages de la caste; car, dans les idées du bas peuple, prendre une femme en mariage ou l'acheter, c'est tout un.

On sait qu'il en est de même chez les Arabes de l'Algérie.

Les gens qui n'ont absolument rien, remettent leur fille, sans condition, aux parents du garçon qui règlent toutes choses comme ils l'entendent en donnant seulement ce qu'ils veulent comme prix de la fille.

N° 2.—Fêtes du mariage chez les Hindous.

Les cérémonies du mariage diffèrent peu pour les trois castes aryennes: brahmanes, nobles et vaïssias.

On se réunit sous un pandal ou salle provisoire, formée d'une légère charpente ornée de draperies. Les trois premiers jours sont consacrés à des actes préparatoires; les cinq jours suivants à la célébration du mariage. Le premier jour de la célébration est le mahourta, ou le jour de la commune assemblée, que nous allons décrire.

D'abord, on évoque et on appelle au mariage les dieux principaux et les mânes; on offre un sacrifice au dieu Pouléar (dieu du foyer domestique), et les femmes mariées parent magnifiquement les deux fiancés. Ceux-ci s'étant placés sur une estrade, on réunit l'un à l'autre, par un fil double, deux morceaux de safran sur lesquels on a prié tous les dieux de venir se fixer. L'époux fixe l'un des morceaux de safran au poignet gauche de l'épouse, et celle-ci lui attache l'autre morceau au poignet droit.

Vient alors le don de la vierge par son père; il met la main de sa fille dans celle de son époux, verse dessus un peu d'eau et lui présente du bétel en gage de donation.

On déroule devant les époux une pièce de soie qui est soutenue par douze brahmanes qui la dérobent à la vue. Les brahmanes invoquent successivement les couples des grands dieux: Brahma et Sarasvati, Vischnou et Lakshmi, Civa et Oumar, afin d'attirer leur faveur sur les nouveaux mariés. Puis, on procède à la cérémonie du Tahly ou cordon terminé par un bijou d'or que les femmes mariées portent au cou, comme signe qu'elles sont en puissance de mari. On place le Tahly sur un coco qui repose sur deux poignées de riz, placées dans un vase de métal; on lui offre un sacrifice de parfums, on le fait toucher à tous les invités hommes et femmes, qui lui donnent des bénédictions. On allume quatre grandes lampes à quatre mèches, et d'autres lampes faites avec du riz, et quatre femmes les tiennent élevées; en même temps, on en allume d'autres en grand nombre, tout autour. Alors l'époux, récitant un mantra, attache, en le nouant de trois noeuds, le Tahly au cou de sa jeune compagne qui a la face tournée vers l'Orient.

C'est l'instant solennel et l'on y fait le plus de bruit possible avec la musique et le chant des femmes. On apporte du feu dans un réchaud, le Pourohita (brahmane officiant), fait le Homan ou sacrifice au feu. Alors l'époux, tenant sa femme par la main, et suivi de tout le cortège des invités réunis par couples et magnifiquement parés, les femmes couvertes de bijoux, fait trois fois le tour du réchaud, en prenant le feu à témoin de ses serments. Puis on apporte au milieu du pandal deux bambous rapprochés; au pied de chacun d'eux on pose une corbeille de bambous dans laquelle l'un des époux se tient placé debout; on apporte deux autres corbeilles pleines de riz et les invités viennent processionnellement leur verser du riz sur la tête comme pour leur souhaiter l'abondance des biens temporels.

Ces cérémonies où ne figurent que des produits de la terre, des fleurs, des fruits, des grains, du beurre, du lait, du miel, sont très gracieuses dans leur ensemble; elles sont relevées par l'éclat des parures indiennes qui, dans les hautes castes, sont très remarquables chez les femmes et les enfants, par les chants et la musique, les danses et les pantomimes des bayadères, et par le costume écarlate des Pourohitas, qui est très pittoresque.

A la cérémonie à laquelle j'ai assisté, il y avait deux Pourohitas qui employèrent tous les intermèdes de leurs fonctions à se disputer la plus grosse part des dons en nature qu'ils reçoivent pour leur office.

On fait aux pauvres de larges distributions de riz.

Ensuite on s'asseoit à un grand festin auquel les époux n'assistent pas. C'est seulement lorsqu'il est terminé que les époux prennent ensemble un repas qui leur est servi sur des feuilles de bananier. C'est la seule fois que l'époux indien fasse à sa femme l'honneur de manger avec elle.

Les quatre derniers jours se passent en cérémonies et réjouissances semblables. La fête se termine par une procession aux flambeaux dans les rues. Les époux magnifiquement parés sont assis en face l'un de l'autre, dans un superbe palanquin; quelquefois ils sont portés sur un éléphant.

Quand les familles sont très riches, rien n'égale la splendeur du cortège; la procession est féerique et coûte jusqu'à 30,000 francs et plus. Éléphants, bayadères, cavaliers, musiciens, chars richement ornés, pyramides et feux tournants s'avançant sur des chariots, rues pavoisées et jonchées de verdure, arcs de triomphe, pièces d'artifices, etc., en un mot, tout ce qui fait l'éclat des fêtes orientales s'y trouve réuni avec un goût parfait.

Les mariages des Soudras (4e caste, non-aryenne) se célèbrent avec moins de cérémonies, mais cependant avec toute la pompe qu'ils peuvent déployer.

Les dépenses que l'usage rend obligatoires pour les mariages sont la cause de la ruine de la plupart des Indiens.

Après ces fêtes, la mariée reste chez ses parents jusqu'à ce qu'elle devienne pubère. Ce moment est l'occasion de nouvelles fêtes semblables. Les Soudras font également des fêtes pour la puberté de leurs filles, lors même qu'elles ne sont pas mariées. C'est, dans ce cas, une sorte d'appel aux épouseurs.

N° 3.—Les noces chez les Romains.

Nous pourrions recourir aux érudits pour les cérémonies du mariage chez les Grecs et les Romains, nous nous bornerons à en donner un aperçu en citant l'épithalame de Manlius et de Julie par Catulle:

Collis ô Heliconis aime Cultor, Uranioe genus, Qui rapis teneram ad virum Virginem, ô hymeneæ, hymen, Hymen, ô hymeneæ.

Ad dominum dominam voca Conjugis cupidam novi Mentem amore revinciens Ut timax hoedera, hue et hue Arborem implicat errans.

«Divin habitant de l'Hélicon, fils d'Uranie, qui mets la tendre vierge aux bras de l'époux, hymen, dieu d'hymenée!

«Appelle à une nouvelle demeure dont sera la maîtresse la jeune fille qui désire un époux. Que l'amour les lie tous deux, comme le lierre timide enlace l'arbre capricieusement.

  «Vos item simul integræ virgines,
  Virgines quibus advenit
  Par dies, agite in modum,
  Dicite: ô hymeneæ hymen
  Hymen ô hymeneae.

  «Nil potest sine te Venus
  Fama quod bona comprobet
  Commodi capere; at potest
  Te volente. Quis huic deo
  Comparare ausit?

  «Claudia pandite januæ,
  Virgo adest. Video ut faces
  Splendidas quatiunt comas
  Sed moraris, abiit dies
  Prodeas, nova nupta.

  «Flere desine. Non tibi
  Aurunculcia periculum est,
  Ne qua fæmina pulchrior
  Clarum ab Oceano diem
  Viderit venientem.

  «Tollite, ô pueri, faces.
  Flammæum video venire
  Ite, concinite ia modum
  Io hymen, hymeneæ lo,
  Io hymen hymeneæ.

  «Sordebant tibi villuli,
  Concubine hodie atque heri;
  Nunc tuum cinerarius
  Toudet os miser, ah miser
  Concubine nuces da.

  «Diceris male a tuis
  Unguentate glabris marite
  Abstinere. Sed abstine
  Io hymen.

  «Scimus hæc tibi quæ licent
  Sola cognita, sed marito
  Ista non eadem licent.
  Io hymen.»

«Et vous, vierges pures qu'attend le même bonheur, chantez en cadence: «ô hymen, dieu d'hyménée! Dieu d'hyménée, hymen!

«Les plaisirs que Vénus donne sans toi entachent la bonne renommée; avec toi, ils sont légitimes. Quel dieu pourrait-on égaler à toi.

«Que les portes s'ouvrent. Voici la vierge. Les torches secouent leur brillante chevelure. Mais elle tarde et le jour fuit. Viens, nouvelle épouse!

«Sèche tes larmes; ne crains rien, car jamais une beauté plus grande n'a vu le soleil se lever sur l'Océan.

«Enfants, levez les torches. J'aperçois le flammeum (voile rouge que l'épouse portait pour la cérémonie) qui s'avance. Allez, chantez en coeur: «Io hymen, dieu d'hyménée, Io hymen.»

«Et toi, dont hier et aujourd'hui encore les joues s'ombrageaient d'un léger duvet, mignon désormais inutile, le barbier va raser ton menton. Jette des noix aux enfants.

«Et toi, époux parfumé, tu regrettes, dit-on, tes mignons. Il faut leur dire adieu pour toujours. O hymen, dieu d'hyménée!

«Ce qui t'était permis avant le mariage ne l'est plus aujourd'hui. O hymen, dieu d'hyménée!»

«Nupta, tu quoque quæ tuus Vir petit, cave ne neges; Ne petitum aliundè est; Io hymen!

«Aspice intus ut accubans Vir luus Tyrio in toro Totus immineat tibi. Io hymen!

«Mitte bracchiolum teres Prætexlate, puellulie; Jam cubile adest viri Io hymen!

«Vos bonae, senibus viris Cognitae bene feminæ Collocate puellulam. O hymen!

«Jam licet venias, marite, Uxor in thalamo est tibi Ore florido nitens;
Alba Parthenia velut Luteum ve papaver.

«Laudite ut lubet et brevi Liberos date. Non decet Tam vetus sine liberis Nomen esse: sed indidem Semper ingenerari.

«Claudile ostia, virgines; Lusimus satis. At boni Conjuges, bene vivete et Munere assiduo valentem Exercete juventam.»

«Et toi, jeune épouse, ne refuse rien aux désirs de ton époux, de peur qu'il qu'il ne cherche ailleurs. Io hymen!

«Vois ton époux impatient de quitter le lit de pourpre du festin, tout entier à l'attente et au désir. Io hymen!

«Guide de la vierge, adolescent qui portes encore la prétexte, quitte son bras arrondi, car voici le lit nuptial. Io hymen!

«Et vous, matrones respectées de tous, placez-y la jeune épouse. Io hymen!

«Tu peux venir maintenant, ô époux, elle est à toi; elle est dans le lit, brillante de jeunesse, les couleurs du pavot pourpré et de la blanche pariétaire se partagent son visage pudique.

«Soyez tout à l'amour fécond: Donnez vite des rejetons à une race antique dont le nom ne doit pas périr.

«Jeunes filles, fermez la chambre nuptiale et vous, couple charmant, vivez heureux; que votre vaillante jeunesse ne fasse jamais trêve aux amoureux ébats.»

Cet épithalame est complété par un choeur de jeunes gens et de jeunes filles dont nous donnerons seulement une strophe (voir pour le latin, Catulle, LXII, le chant entier):

«La vigne née solitaire dans un champ nu ne s'élève point et ne porte point de doux raisins; elle retombe de son poids et confond ses rameaux avec ses racines. Jamais le vigneron ne s'arrête près d'elle. Mais si elle s'accouple à l'orme tutélaire, elle devient aussitôt l'objet de soins empressés. Ainsi, la jeune fille qui vît sans époux vieillit délaissée. Celle au contraire qui contracte une union opportune, obtient à la fois l'amour d'un époux et une affection plus vive de ses parents satisfaits.»

CHAPITRE III

La lune de miel.

Lorsque les fêtes et les cérémonies du mariage sont terminées (après la puberté), dans la nuit du dixième jour seulement, le mari reste seul avec sa femme; il lui adresse de tendres paroles, l'attire à lui et la presse doucement sur son sein, d'abord de la manière que la jeune fille aime le mieux, et chaque fois pendant quelques instants seulement.

Ensuite, il procède aux attouchements et commence d'abord par le haut du corps, parce que c'est plus aisé et plus simple.

Si la jeune fille est timide et complètement ignorante, et s'il n'est pas encore familiarisé avec elle, il essaiera ses premières caresses dans l'obscurité. Si elle se laisse faire, il lui mettra dans la bouche une bamboula (noix et feuille de bétel); il usera de toute son éloquence pour la lui faire accepter; au besoin, il s'agenouillera devant elle; car on sait qu'une femme, quelle que soit sa timidité ou sa colère, ne repousse jamais l'homme qui est suppliant à ses pieds.

Tout en lui donnant la bamboula, il la baisera sur la bouche doucement et gentiment. Puis il la fera causer, en lui adressant des questions sur des choses qu'il dira ne pas connaître et qu'elle pourra expliquer en quelques mots. Si elle ne répond pas, il ne la brusquera pas; il répètera ses questions avec douceur, et la pressera de répondre en la flattant; car, dit Govakamoukka, «les jeunes filles écoutent tout des hommes, mais sans mot dire.»

A force d'instance, il obtiendra qu'elle réponde, au moins par des signes de tête. Quand il lui demandera si elle l'aime, si elle le désire, longtemps elle gardera le silence; puis, enfin, à force d'être pressée, elle finira par approuver de la tête.

Une amie, présente pour la circonstance, pourra répondre pour elle, et même lui fera dire plus qu'elle n'a dit, ce dont la jeune fille la grondera en souriant, et tout en jetant à son mari un regard d'acquiescement.

Si la jeune fille est familière avec son mari, elle lui mettra au cou une guirlande de fleurs, suivant le désir qu'il lui en aura exprimé; il profitera de ce moment pour lui toucher les seins et les chatouiller avec les doigts. Si elle l'en empêche, il lui dira: Je ne recommencerai plus, mais à la condition que vous me tiendrez embrassé.

Quand elle sera dans cette position, il lui passera la main à plusieurs reprises sur le cou et tout autour. De temps à autre, il la placera sur ses genoux, la pressera sur son sein, et s'efforcera d'obtenir son consentement à l'union. Si elle ne veut pas céder, il la menacera de faire sur elle et sur lui-même des marques aux bras et aux seins avec les ongles et les dents, et de dire ensuite que c'est elle qui les lui a faites.

Les deux nuits suivantes, comme la jeune fille se confie et s'abandonne davantage, il la caressera par tout le corps avec les mains et la couvrira partout de baisers; il lui placera les mains sur les cuisses et les palpera doucement. De là, il passera aux aînes; si elle écarte ses mains, il lui dira: quel mal y a-t-il à cela? et la décidera à le laisser faire.

Cette faveur obtenue, il lui touchera les parties sexuelles, il détachera sa ceinture et le noeud qui retient son vêtement inférieur, et massera le haut de ses cuisses mises à nu. Tout cela se fera sous divers prétextes, mais sans commencer l'union. Puis il lui enseignera les soixante-quatre manières du Kama, en lui exprimant tout son amour et tout ce qu'il espère d'elle. Il lui promettra fidélité pour toujours, et l'assurera qu'elle sera sans rivale.

Enfin, après avoir vaincu sa timidité, il consommera l'union et jouira d'elle sans l'effrayer.

En agissant ainsi, suivant les dispositions d'une jeune fille, l'homme gagne son amour et sa confiance.

On ne réussit ni par une soumission absolue ni par une violence brutale faite à la volonté de la femme; la prude méprise, comme ne connaissant rien au coeur des femmes, l'homme qui tient trop de compte de ses refus; et d'un autre côté, la jeune fille violentée prend en haine celui qui a manqué de ménagements pour elle [41].

[Note 41: Les Pariahs livrent leurs filles à peine nubiles, afin que leur virginité soit matériellement démontrée.

Il en est de même des Arabes de l'Algérie.

Dans ces conditions, la consommation du mariage est un véritable viol.

Le mariage avant l'entier développement, joint a l'excès du travail, fait que les femmes arabes sont petites et chétives pendant que les hommes sont grands et forts.]

APPENDICE AU CHAPITRE III

N° 1.—Conseils d'Ovide.

Ovide, Art d'aimer, livre I. «Quel amant un peu habile ne joint point aux tendres propos de doux baisers? Si on ne lui en donne point, qu'il s'en prenne à lui-même. D'abord la belle l'appellera méchant, mais en résistant elle désire sa défaite.

«Prenez garde seulement de blesser par de brusques caresses ses lèvres délicates. Après un baiser pris, si vous ne prenez pas tout le reste, vous méritez qu'on vous refuse même les faveurs qu'on vous a accordées; car une sotte timidité a pu seule vous arrêter.

«La violence plaît aux belles. Ce qu'elles veulent donner, elles aiment qu'on le leur ravisse. Toute femme prise de force, dans un mouvement passionné, s'en réjouit et rien ne lui est plus doux.

«Mais si, lorsque vous pouvez la prendre d'assaut, vous la laissez se retirer intacte du combat, son visage en exprimera la joie, mais la tristesse sera dans son coeur. Quand la force triomphe d'une belle, c'est qu'elle l'a bien voulu.»

N° 2.—Le docteur J. Guyot.

VIIIe méditation. «La meilleure condition pour le mariage, c'est l'amour réciproque.

«S'il n'existe pas chez la femme, l'homme pourra le créer par l'art qu'il apportera dans ses caresses.

«La femme, dans la première jeunesse, est toujours moins ardente et plus faible que l'homme; les apparences contraires viennent, le plus souvent, de ce que la fonction sensoriale reste inachevée chez la première.

«La lune de miel est un temps d'ivresse donné par la nature aux époux pour se comprendre et s'accorder sur la satisfaction normale et complète des besoins du sens génésique.

«La volupté a cela de particulier qu'elle résulte, pour chacun des deux époux, principalement de celle qui est éprouvée par l'autre.

«Quand on lui a donné sa direction naturelle, l'exercice régulier et normal du sens génésique devient un besoin fonctionnel essentiel à la liberté du cerveau, à la paix du coeur, à la santé du corps.»

CHAPITRE IV

Séduction d'une jeune fille en vue du mariage

(Voir App. 1).

Un homme pauvre mais de bonnes qualités (caste, beauté, science), un homme de famille infime et n'ayant que des qualités médiocres, un riche voisin, un jeune homme sous la tutelle de son père, de sa mère ou de ses soeurs, ne peuvent se marier qu'avec une jeune fille dont ils se sont efforcés de gagner le coeur, depuis son enfance.

Ainsi, un jeune garçon qui vit chez son oncle essaiera de s'attacher la fille de cet oncle, ou quelqu'autre jeune fille dans la maison ou dans les maisons qu'il fréquente, quand bien même elle aurait été promise à un autre.

«Cette conduite, dit Gopotamoukkà, est légitime dans tous les cas; car elle conduit toujours à l'accomplissement du Dharma (le devoir religieux).»

Quand un jeune garçon aura ainsi jeté son dévolu ou son amour sur une jeune fille, il s'efforcera constamment de lui plaire par tous les moyens en son pouvoir.

Quand il s'aperçoit qu'elle l'aime, il se consacre tout entier à satisfaire tous ses goûts et à lui procurer tous les plaisirs qu'elle recherche. Quand elle revient des fêtes, il lui offre des bouquets, des guirlandes pour la tête, des ornements et des anneaux pour les oreilles.

Tout d'abord, il a soin de mettre dans ses intérêts la soeur de lait de la jeune fille; puis il lui enseigne les soixante-quatre moyens de jouissance sexuelle employés par les hommes, et lui vante ses talents en ce genre.

Il est toujours bien habillé et paré et fait aussi bonne figure que possible; car les jeunes filles s'éprennent des hommes de leur intimité qui sont beaux, de bonne mine et toujours bien parés [42].

[Note 42: Voir au n° 8 de l'Appendice: «les Conseils d'Ovide.»]

Une jeune fille trahit toujours son amour par quelques signes ou actes tels que les suivants. Elle ne regarde jamais l'homme en face et éprouve de la gêne et de la honte quand il la regarde (App.2). Sous quelque prétexte, elle lui montre ses membres; elle le regarde furtivement quand il s'éloigne d'elle, baisse la tête quand il lui adresse quelque question et lui répond avec trouble et par des phrases inachevées; elle aime à rester longtemps dans sa compagnie, parle à ses suivantes sur un ton particulier, afin d'attirer son attention lorsqu'il est à une certaine distance, tient à ne point s'éloigner du lieu où il se trouve, prend quelque prétexte pour lui faire regarder différents objets, lui conte lentement des anecdotes pour prolonger la conversation avec lui; elle baise et presse un enfant qu'elle tient assis sur ses genoux, fait des gestes gracieux ou drôles lorsque ses soubrettes lui tiennent des propos plaisants devant l'homme qui la captive, montre à ses amis de la confiance, du respect et de la déférence, témoigne de la bonté à ses serviteurs, les écoute attentivement lorsqu'ils lui parlent, ou parlent à quelqu'autre de leur maître, se rend chez lui quand elle y est engagée par sa soeur de lait ou par quelque avis de ses domestiques, pour converser et jouer avec lui; elle évite d'être vue de lui en négligé, lui fait remettre par quelque amie ses ornements d'oreilles, anneaux et guirlandes de fleurs qu'il a demandé à voir; elle porte constamment tous les objets dont il lui a fait présent, se montre désolée quand ses parents lui parlent de tout autre prétendant, et se fâche contre quiconque appuie un rival.

Voici quelques vers sur ce sujet:

«Celui qui a reconnu à des signes extérieurs les sentiments qu'une jeune fille a pour lui, doit faire tout ce qu'il faut pour s'unir à elle. Il captivera une toute jeune fille par des jeux enfantins; une grande demoiselle, par ses talents (dans le Kama sans doute), et une personne qui l'aime, par le moyen d'intermédiaires dans lesquelles elle ait confiance.»

Quand l'amant possède le coeur de la jeune fille, il achève de la séduire par divers moyens, tels que ceux-ci.

Quand il est avec elle, à quelque jeu ou quelqu'exercice, il lui prend les mains avec une intention marquée; il pratique sur elle les divers embrassements décrits dans le Soutra.

Parfois, il lui montre une découpure faite dans la feuille d'un arbre et figurant deux amants accouplés; il s'extasie à la vue des nouveaux boutons des fleurs et des feuilles nouvelles de la poussée de la sève, à l'époque du renouveau (App. 2).

Il lui décrit ses tourments, lui raconte un beau rêve qu'il a fait au sujet d'autres femmes.

Aux assemblées de la caste, il se place près d'elle, et, sous quelque prétexte, il la touche, place son pied sur le sien, lui touche doucement et progressivement les doigts d'un pied avec les siens et les presse avec le bout de ses ongles.

S'il n'est point repoussé, il prendra ensuite ses pieds avec la main et les serrera délicatement. Il lui pressera aussi un doigt de la main entre ses doigts de pied, quand il lui arrivera de se lever; toutes les fois qu'il recevra d'elle ou lui donnera quelque objet, il lui manifestera, par ses manières et l'expression de ses regards, tout l'amour qu'il ressent pour elle. Il jettera sur elle l'eau qu'on lui aura apportée pour se rincer la bouche (App. 4).

Quand il se trouvera avec elle dans un lieu isolé, il lui fera des caresses amoureuses en lui peignant sa passion, sans cependant la troubler ou la blesser en quoi que ce soit.

Toutes les fois qu'il sera assis à côté d'elle sur le même banc ou le même lit, il l'emmènera à l'écart en lui disant qu'il a besoin de l'entretenir en particulier, et alors il lui exprimera tout son amour par des signes plutôt qu'avec des paroles. Il lui prendra la main et la placera sur son front; si elle est chez lui, il l'y retiendra sous prétexte de préparer pour lui-même quelque médication qui ne peut être efficace que si elle-même y met aussi la main.

Quand elle s'en ira, il la priera instamment de revenir le voir, et lorsque, devenue familière, elle le visitera souvent, il aura avec elle de longues conversations; «car, dit Gothakamouka, quel que soit l'amour d'un homme pour une femme, il ne réussit auprès d'elle qu'à force de lui parler (App. 5).

Enfin, quand il voit que la jeune fille est complètement subjuguée, il peut commencer à en jouir.

Quand un homme ne pourra à lui seul atteindre ce résultat, il emploiera la soeur de lait de la jeune fille (App. 6).

Celle-ci la décidera à venir le voir chez lui et tout se passera alors comme il vient d'être dit.

A défaut de soeur de lait, il enverra vers elle une de ses servantes qui se fera l'amie de la jeune fille et travaillera pour lui.

Il fera en sorte de se rencontrer avec elle dans toutes les réunions publiques et privées, et quand il se trouvera en tête-à-tête avec elle, il en jouira. «Car, dit Vatsyayana, en temps et lieu propices, la femme ne résiste point à celui qu'elle aime (App. 7).

APPENDICE AU CHAPITRE IV

N° 1.—Séduction.

Les agissements préconisés sous ce titre sont, pour la plupart, malhonnêtes, contraires à la sincérité, aux droits des parents et autres, à la parole donnée et aussi à la moralité de la jeunesse.

Ils sont autorisés et même prescrits ici, en vertu de ce principe établi par Manou et reproduit dans le Kama Soutra: que le mode de mariage des Gandharvas, c'est-à-dire par consentement mutuel, prime les trois autres modes, d'où l'on conclut que tout est permis à qui s'efforce de réaliser un mariage par ce mode.

Le poète Kalidaça l'a rendu célèbre dans son beau drame de Sakountala, si poétiquement traduit par M. de Chesy.

C'est le mode de mariage des musiciens et des apsaras du paradis d'Indra, mythe atmosphérique qui personnifie le phénomène des vapeurs légères s'unissant pour former des nuages.

N° 2.—Afflux du sang au visage.

En Europe, la honte fait monter le sang à la face et l'on dit que la personne rougit. Dans l'Inde, il faut dire: elle blêmit; tel est l'effet que produit chez les Hindous, qui sont noirs, l'afflux du sang au visage.

N° 3.—Le renouveau.

Tous les poètes de l'Inde célèbrent le renouveau et la grande fête du printemps. Tous les poètes de l'antiquité ont chanté le réveil de la nature et les amours printaniers.

N° 4.—Singulière politesse chez les Hindous.

Jeter de l'eau à la figure d'une personne est, dans l'Inde, une politesse de la part de celui à qui cette eau a servi pour sa toilette.

N° 5.—Liberté des jeunes filles au temps de Vatsyayana.

Tous ces détails indiquent que, du temps de Valsyayana, les jeunes filles jouissaient d'une liberté très grande dans l'Inde, ce qu'il faut sans doute attribuer à l'influence du Bouddhisme à cette époque. Cette liberté n'existe plus aujourd'hui.

N° 6.—La soeur de lait.

Il est souvent parlé, dans le Soutra, de la soeur de lait; cela prouve que, du temps de Vatsyayana, les dames Hindoues quelque peu aisées ne nourrissaient point elles-mêmes leurs enfants et que les soeurs de lait étaient élevées dans la maison.

Il en était de même chez les Romains sous les Césars. On voit dans les poètes que toutes les dames romaines gardaient près d'elles leur nourrice qui devenait pour elles une confidente dévouée.

N° 7.—Motifs de la préférence donnée par Manou au mode de mariage des
Gandarvas.

La préférence donnée par Manou au mariage par consentement mutuel, sans l'intervention des parents, malgré les indélicatesses de toutes sortes qu'à nos yeux il entraîne, pourrait avoir son excuse si elle était fondée sur le droit qu'a chaque partie de disposer de soi, ou sur la considération du bonheur futur des deux époux. Mais, pour qui a étudié le livre de Manou et l'Inde, la raison de cette préférence est que les mariages d'amour réciproque sont les plus féconds; le législateur n'avait en vue que l'accroissement de la population, but unique des règles qu'il a tracées pour les rapports entre les deux sexes.

L'idée du plaisir naturel devait même être écartée lorsqu'un frère était appelé à donner un fils au frère décédé sans enfants, en s'unissant une fois avec sa veuve.

Au point de vue social, le motif du législateur hindou a certainement sa valeur; mais il ne doit pas primer la justice, ni dispenser de la loyauté.

N° 8.—Conseils d'Ovide pour la séduction.

Ces conseils pour la séduction d'une jeune fille ressemblent fort, d'ailleurs, à ceux qu'Ovide donne pour faire la conquête d'une belle.

«Si votre belle, dit-il, n'a pour vous que des rigueurs, ne perdez pas courage elle s'adoucira. Cédez d'abord pour vaincre ensuite.

«Quelqu'office qu'elle exige, remplissez-le promptement; blâmez ce qu'elle blâme, approuvez ce qu'elle approuve, assurez ce qu'elle assure, niez ce qu'elle nie, riez ou pleurez avec elle, composez votre visage sur le sien; si elle veut manier le dévidoir, son coup joué, manquez le vôtre exprès et passez-lui la main.

«Tenez vous-même le parasol déployé sur sa tête, frayez-lui le chemin à travers la foule; approchez avec empressement le marchepied de son lit; mettez ou ôtez la chaussure de ses pieds.

«Fussiez-vous transi de froid, réchauffez dans votre sein ses mains glacées; n'ayez pas honte de tenir le miroir devant elle, le plaisir vous dédommagera de cet office servile.

«La nuit, quand elle reviendra chez elle au sortir d'un souper, mettez-vous à sa disposition si elle demande quelqu'un.

«Si votre belle vous ordonne de vous trouver quelque part, soyez-y avant l'heure prescrite; si elle vous appelle de la campagne, volez chez elle; qu'aucun obstacle ne vous arrête.

«Si vous ne pouvez faire à votre maîtresse que de légers présents, ayez soin de les bien choisir et de les offrir à propos.

«Quand vous serez décidé à faire quelque chose que vous croirez utile, faites en sorte que votre amie l'ait demandé.

«Vous voulez donner la liberté à un esclave, qu'il la fasse solliciter par elle; vous voulez accorder à un autre la grâce d'un châtiment, qu'elle vous en ait l'obligation; en agissant ainsi elle s'imaginera qu'elle a tout pouvoir sur vous.

«Faites-lui croire que vous êtes ravi de ses parures et de ses charmes. Admirez ses bras quand elle danse, sa voix quand elle chante et, quand elle a cessé, regrettez qu'elle ait sitôt fini.

«Exprimez d'une voix tremblante de plaisir le ravissement de ses caresses; surtout sachez dissimuler avec adresse; que votre visage ne démente jamais vos paroles et que votre maîtresse ne puisse jamais soupçonner votre sincérité.

«Tâchez, au prix même de tous les ennuis, de vous attacher son coeur par l'habitude, le plus puissant des liens. Qu'elle vous voie, qu'elle vous entende sans cesse; soyez nuit et jour près d'elle. Mais quand vous serez bien sûr qu'elle peut vous regretter, éloignez-vous pour qu'elle sente le vide. Le repos, d'ailleurs, vous sera utile: un champ reposé rend la semence avec usure. Mais ne prolongez pas trop votre absence. Car le temps dissipe les inquiétudes et les regrets; l'amant qu'on ne voit plus est bientôt oublié et sera vite remplacé.»

CHAPITRE V

De la jeune fille qui fait la conquête d'un époux.

Quand une jeune fille pourvue de bonnes qualités, d'une bonne éducation, appartient à une famille sans position, et, pour ce motif, n'est point recherchée en mariage par les membres de sa caste; ou bien quand une jeune fille qui observe les règles de de sa famille et de sa caste, est orpheline et sans parents qui s'occupent d'elle, elle doit chercher elle-même à se marier quand le moment est venu.

Elle s'efforcera de faire la conquête d'un jeune homme vigoureux et de bonne mine, ou bien d'un homme que, par sa faiblesse d'esprit, elle espère décider à se marier avec elle, même sans le consentement des parents du jeune homme.

Elle emploiera tous les moyens pour le captiver et le verra et l'entretiendra fréquemment. Sa mère aussi se servira de ses amies et de sa soeur de lait pour amener de fréquentes rencontres, soit chez ses amies, soit ailleurs, avec le mari convoité. La jeune fille, de son côté, tâchera de se trouver seule avec lui, en lieu sûr et non troublé, et, de temps en temps, lui fera des présents de fleurs, de parfums et de noix et de feuilles de bétel.

Elle lui montrera les talents qu'elle possède, tels que ceux de masser, d'égratigner et de presser avec les ongles; causera avec lui des choses qui lui plaisent ou l'intéressent, et même discutera avec lui les voies, et moyens pour gagner le coeur d'une jeune fille. Les anciens auteurs sont d'avis que la jeune fille, même quand elle aime, ne doit point faire les premières avances; elle doit seulement encourager l'homme qui la recherche, lui permettre quelques privautés et recevoir les manifestations de son amour sans paraître s'apercevoir de sa passion.

Quand il essaiera de prendre des baisers, elle ne s'y prêtera pas tout d'abord; quand il lui demandera l'union, elle n'y consentira pas; elle lui permettra seulement, tout en faisant beaucoup de difficultés, des attouchements à ses parties cachées, et résistera à toute autre tentative.

C'est seulement lorsqu'elle sera bien certaine de son amour et de sa constance à toute épreuve qu'elle consentira à se donner à lui s'il est décidé à se marier de suite avec elle (App. 1).

Quand elle aura ainsi perdu sa virginité, elle en fera la confidence à ses amies[43].

[Note 43: Sans doute pour notifier son mariage. Dans ce cas, comme dans tous les autres, l'union sexuelle précède la consécration religieuse; le véritable sacrement pour les Hindous paraît être la promesse du mariage cimentée par l'union sexuelle qui est nécessaire et suffisante pour assurer l'exécution de la promesse.]

APPENDICE AU CHAPITRE V

N°1.—Fleurtage dans les chants des Bayadères.

Tout le manège de la jeune fille est figuré très exactement dans un chant des Bayadères intitulé: Entretien d'un homme et d'une femme en route (voir les Chants des Bayadères, traduit du tamoul, par M. Lamairesse).

Entretien d'un homme et d'une femme en route.

1. L'HOMME.—Toi qui es belle comme une paonne et qui portes des bijoux des neuf espèces de pierres précieuses, où vas-tu avec les lèvres de corail et tes yeux bleus comme la fleur Nilopalam?

6. LA FEMME.—Je m'appelle Poulocadi (nymphe terrestre) et je vais puiser de l'eau.

7. L'HOMME.—Je te suis pour remplir ta cruche et ensuite pour te la placer sur la tête.

10. LA FEMME.—Je sais ce que tu veux de moi. Les hommes doivent-ils se permettre de suivre les femmes en route?

15. L'HOMME.—Je suis venu mettre à tes pieds toutes mes richesses, quand je t'ai vue passer seule si légèrement.

16. LA FEMME.—Je ne te comprends pas; tu n'as aucun droit de me suivre, tu feras bien de t'en retourner.

21. L'HOMME.—J'ai couru après toi, sans reprendre haleine; prends pitié de mon tourment.

26. LA FEMME.—Tu me parles sans retenue, veux-tu aussi m'insulter en tirant ma pagne? N'es-tu pas honteux de mes refus?

33. L'HOMME.—Il n'est point de rebuts ni de honte pour les amoureux. Si tu le veux, je te remettrai une promesse de mariage par écrit.

34. LA FEMME.—Puisque tu prends cet engagement, je t'avouerai que je me suis prise d'amour, malgré moi, sur le chemin.

34. L'HOMME.—Si tu y consens de bon coeur, je te ferai goûter le plaisir charnel.

38. LA FEMME.—Fais-le sans plus discourir et tes traits ne sortiront jamais de mon coeur.

39. L'HOMME.—Tu me promets de ne jamais m'oublier et moi je te dis que tu as une habileté que n'aura jamais aucune fille, fût-elle venue au monde sept fois.

40. LA FEMME.—Les filles possèdent l'habileté; elles ne déclarent jamais les premières leur amour. Mais cesse de parler. Occupe-toi aux oeuvres du livre des sciences d'amour (Kamasoutra).

42. LA FEMME.—Presse d'abord mes seins, ô mon bien-aimé, en regardant ma figure et en suçant mes lèvres.

46. LA FEMME.—Pénètre-moi, membre contre membre, et en serrant mes cuisses. Donne-moi toute ta vie.

49. L'HOMME.—Je t'étreins si amoureusement dans mes transports, que les perroquets et les coucous chantent.

54. LA FEMME.—Tu pars déjà. Arrête-toi et dis-moi si tu es satisfait, car tu me laisseras ainsi la joie au coeur.

55. L'HOMME.—Je m'en vais chez moi et je t'enverrai mon frère aîné pour consommer notre union.

56. LA FEMME.—Que pourrai-je faire si tu me trompes en me promettant de m'épouser? Personne ne nous a vus ici.

57. L'HOMME.—Ne crains rien, je prends à témoins le ciel et la terre, le soleil et la lune.

58.—LA FEMME.—C'est assez, je t'en remercie, mon amant; tu peux te retirer, je m'en vais aussi chez moi.

N° 2.—Fleurtage chez les Chinois.

Il est intéressant de rapprocher du fleurtage hindou, si passionné, le fleurtage chinois si formaliste.

La jeune chinoise qui se marie elle-même (Jules Arène, La Chine familière et galante).

«LA JEUNE FILLE.—Triste, les sourcils froncés, je brode pour tuer le temps; de mes manches j'essuie mes larmes; je n'ai pas le courage de me coiffer près de la fenêtre et je m'en veux à moi-même; la destinée des jolies femmes, c'est chose connue, est mauvaise! Je m'appelle Sou-yu-Tchiaou, ma mère est veuve, notre avoir est mince. J'ai aujourd'hui dix-huit ans et n'ai point de mari. Ma mère est toute confite en dévotion et néglige les affaires de la maison.

«LA MÈRE.—J'ai appris l'arrivée d'un bonze pèlerin qui fait des conférences dans la pagode Poutousse, et je me suis levée de bonne heure pour l'entendre; je vais sortir, applique-toi à broder jusqu'à mon retour; à midi je préparerai de quoi apaiser notre faim.

«LA JEUNE FILLE (elle chante).—Toute seule enfermée dans la chambre intérieure. Toute seule! seule je m'assieds, seule je me couche! Pauvres jolies femmes, quelle est votre destinée? Beaucoup de tristesses, beaucoup de larmes.

«(Elle parle).—Pourquoi la porte de notre maison reste-t-elle close? Si j'allais l'entrebâiller et me distraire un peu? Je sais bien qu'il ne convient pas à une jeune fille comme moi de se tenir à la porte. Mais, pour un instant!… Je crois qu'il ne se passera rien d'extraordinaire.

«LE JEUNE HOMME (il chante).—Je me promène pour me distraire. Passons devant la porte de la famille Soun:—j'aperçois une charmante créature, aussi belle que Tchango (la déesse de la lune), j'aperçois son joli visage si tendre qu'un souffle le déchirerait. A sa vue, j'ai perdu l'âme et l'esprit.

«Attention! ce doit être la fille de la veuve Shen, la plus belle fille de tout l'empire. En faire ma femme serait le comble de tous mes voeux. Je voudrais causer avec elle; malheureusement les rites le lui défendent. De plus, je n'ai rien de commun avec elle. Je suis un fils de famille et j'ai l'orgueil de mon rang. J'hésite et mon coeur est en feu. Laisserai-je passer l'occasion qui est si favorable aujourd'hui? Je vais feindre de perdre un objet; c'est un bon moyen d'arriver au mariage.

«Une question, s'il vous plaît, Mademoiselle; c'est ici la porte ou demeure de madame Soun; maman Soun est-elle chez elle?

«LA JEUNE FILLE.—Ma mère n'est pas à la maison.

«LE JEUNE HOMME.—Ah, vous êtes alors mademoiselle Soun? je vous salue.

«LA JEUNE FILLE.—Je vous salue. Une question, Monsieur; quel est votre haut nom? Quels sont vos riches prénoms? pour quelle affaire me demandez-vous si ma mère est chez elle?

«LE JEUNE HOMME.—Mon nom est Phon, mon prénom est Pang, mon nom de fantaisie Yun Tchang. J'ai appris que dans votre demeure vous éleviez bien les coqs: je veux en acheter une paire.

«LA JEUNE FILLE.—Nous avons, en effet, des coqs; mais en l'absence de ma mère, il m'est difficile de les vendre.

«LE JEUNE HOMME.—Alors je prends la liberté de me retirer. (A part) J'enlève mon bracelet, je veux qu'il devienne le gage de mes fiançailles. Je vais le laisser tomber de ma manche en saluant. Si elle le ramasse, il y a huit ou neuf chances sur dix pour que le mariage se fasse. Je vais de ce pas prier ma mère de chercher une tierce personne pour arranger l'affaire.

«LA JEUNE FILLE (elle chante).—En me quittant, il souriait, il m'a saluée, et c'est exprès qu'il a laissé tomber ce bracelet de jade. Pourquoi ne deviendrions-nous pas mari et femme? pourquoi n'imiterions-nous pas les couples de canards-mandarins qui s'ébattent au milieu des nénuphars? J'aurais ainsi jusqu'à ma mort quelqu'un sur qui m'appuyer.

«UNE ENTREMETTEUSE (qui l'a vue de loin ramasser le bracelet).—Ces deux personnes se souriaient, leur passion est brûlante: il ne manque qu'un tiers pour régler le mariage. Le courtage de cette affaire ne m'échappera pas. Ce jeune roué connaît très bien son affaire.

(A la jeune fille qui considère le bracelet de jade en soupirant ):

«—Mademoiselle, je vous l'amènerai et vous causerez à votre aise, cela vous convient-il?

«LA JEUNE FILLE.—Madame, nous sommes bien pauvres, je n'ai pas de gage à lui envoyer.

«L'ENTREMETTEUSE.—En échange du bracelet, des pantoufles brodées suffiront.

«LA JEUNE FILLE.—Maman, des pantoufles brodées de mes mains, je peux donc les envoyer?

«L'ENTREMETTEUSE.—Parfaitement, vous le pouvez.

«LA JEUNE FILLE.—En voici une paire.

«L'ENTREMETTEUSE.—Mademoiselle, dans trois jours je viendrai vous rapporter une réponse.

«LA JEUNE FILLE.—Maman, cette aventure, vous seule la connaissez. Attention à ne rien en dire. Je vous prie de choisir un jour pour me l'amener. Je vous devrai la même reconnaissance qu'à la mère qui m'a donné le jour. Même n'étant que la deuxième femme, je vivrai heureuse avec lui et il me fermera les yeux.

«L'ENTREMETTEUSE.—Il faut patienter trois jours dans l'attente du moment heureux. Je me retire.

«LA JEUNE FILLE.—Je remonte la mèche de la lampe et j'attends le phénix.

«L'ENTREMETTEUSE.—C'est mon affaire, je me charge de faire entrer le papillon dans le jardin.

«LA JEUNE FILLE.—Je ne vous ai pas traitée avec assez d'égards.

«L'ENTREMETTEUSE.—C'est moi qui vous ai dérangée.»

CHAPITRE VI

Formes du mariage.

1° Quand la jeune fille qu'un jeune homme a séduite est entièrement à lui, il se comporte publiquement avec elle comme avec une épouse; il fait apporter de la maison d'un brahmane le feu consacré, répand sur la terre l'herbe Kousha, fait une oblation au feu et se marie selon les prescriptions religieuses relatives à ce genre de mariage, sans témoin.

Après la cérémonie, le jeune homme informe les parents de la jeune fille du fait accompli. D'après les anciens auteurs, le mariage contracté en présence du feu est indissoluble. On en fait part aussi à tous les parents des conjoints, et on s'efforce d'obtenir leur assentiment.

Tel est le mariage selon le mode des Gandharvas.

Lorsqu'une jeune fille ne peut suivre ou ne veut pas déclarer son intention de se marier avec lui, l'amant l'obtiendra de l'une des manières suivantes.

Par le moyen d'un intermédiaire il attirera la jeune fille chez lui sous quelque prétexte, et lorsqu'elle sera venue, il fera apporter de la maison d'un brahmane le feu consacré et procédera au mariage comme il est dit plus haut.

Lorsque la jeune fille qu'il désire doit en épouser un autre prochainement, il perdra son rival dans l'esprit de la mère, et, de connivence avec celle-ci, il fera venir la fille dans une maison du voisinage où il aura fait apporter le feu consacré, et procèdera à son mariage comme il est dit plus haut.

Ou bien il opérera de la même manière avec la connivence du frère de la jeune fille, qu'il aura mis dans ses intérêts par tous les moyens possibles.

(Ces cas peuvent se rattacher au mode des Gandharvas; le consentement de la jeune fille est supposé exister tacitement).

2° Avec la connivence de la soeur de lait de la jeune fille, il fait endormir ou enivrer celle-ci, et l'amène dans quelque endroit sûr, et là il en jouit. A son réveil, il accomplit la cérémonie religieuse (c'est là le mode dit des Vampires, de Manou).

3° Quand la jeune fille se rend à un jardin public ou à un village du voisinage, l'amant tombe sur les hommes qui la gardent, les met en fuite ou les tue, puis il enlève la jeune fille et procède ensuite au mariage.

C'est le mode dit des géants; d'après Manou, celui des Ksha tryas ou guerriers; il rappelle l'enlèvement des Sabines et celui des nobles Damoiselles, au moyen âge [44].

La conclusion de Vatsyayana, conforme à la loi de Manou, est que chacun des divers modes de mariages ci-dessus mentionnés est préférable à tous ceux qui viennent après dans l'ordre suivi.

On ne doit recourir à l'un d'eux que quand tous ceux qui le précèdent dans l'énumération donnée sont d'une application impossible.

[Note 44: Il est à remarquer que, parmi ces modes de mariage décrits par le Kama Soutra, il n'en est pas un seul qui ne renferme quelque chose de malhonnête. Le P. Gury, Th. mle. 837, dit:

«L'enlèvement consiste à emmener par violence une femme d'un lieu dans un autre où elle est au pouvoir du ravisseur pour cause de mariage.

«L'enlèvement annule le mariage entre le ravisseur, c'est-à-dire celui pour lequel on enlève la femme, et la femme enlevée.»]

APPENDICE AU CHAPITRE VI

N° 1.—Ce qui constitue le lien ou le sacrement d'après les Brahmes et d'après l'Église.

Un rapprochement entre la doctrine brahmanique sur le mariage, et celle de l'Église, peut présenter un certain intérêt, au moins de curiosité.

Le P. Gury, Théologie morale:

763. «La matière éloignée du sacrement de mariage est le corps des fiancés qu'ils se livrent réciproquement dans le contrat. La matière prochaine est la remise même du corps qui se fait par des paroles ou des signes exprimant le consentement.

766. «La forme consiste dans l'acceptation réciproque des contractants, exprimée par des paroles ou des signes.»

D'après cet alinéa, le sacrement est tout entier dans le consentement mutuel des contractants, d'où beaucoup d'anciens docteurs concluaient que l'absence des formalités religieuses, quoique pouvant constituer un péché en soi, n'annulait pas le mariage, même au point de vue religieux; mais le Concile de Trente a décidé (P. Gury):

837. «Ceux qui essaieront de contracter mariage autrement qu'en la présence du curé, ou d'un autre prêtre avec la permission du curé ou de l'évêque, et de deux ou trois témoins, ceux-là, le saint Synode les déclare absolument incapables de contracter mariage, et annule le contrat.»

852. «La présence du curé à la déclaration du consentement mutuel valide le mariage, lors même qu'il serait contraint par la violence ou par la crainte; il suffit qu'il sache, soit de bon, soit de mauvais gré, ce qui se fait, même s'il affecte de ne pas comprendre, par exemple en fermant les yeux et se bouchant les oreilles.»

Remarquons que cela peut se faire dans un lieu quelconque et sans aucune cérémonie accessoire.

La doctrine des anciens casuistes aurait aujourd'hui l'avantage de supprimer la question du mariage purement civil et de son insuffisance religieuse.

Chez les Bouddhistes, il n'y a point de cérémonie religieuse pour le mariage ni la naissance, attendu que la naissance est considérée par eux comme un mal et conséquemment le mariage.

Cependant on ne peut méconnaître la bonne impression que peut faire sur les époux le mariage chrétien, surtout quand il est accompagné de conseils éloquents. Nous avons entendu des prêtres catholiques et des ministres protestants parler avec beaucoup d'âme dans ces occasions.

TITRE VII

LE HAREM ROYAL

CHAPITRE I

Rapports du roi avec ses femmes.

Les épouses du roi vivent dans l'oisiveté, le luxe et les divertissements; on ne leur donne jamais rien à faire de fatiguant.

Elles assistent aux fêtes, concerts, spectacles, y sont traitées avec honneur, et on leur offre des rafraîchissements.

Il leur est interdit de sortir seules; et on ne laisse pénétrer dans le harem que des femmes qui sont parfaitement connues des gardiens et surveillants.

Les femmes attachées au service des femmes du harem portent au roi, chaque matin, des fleurs, des muguets et des habits, présents de ses épouses. Le roi en fait don à ces femmes, ainsi que des objets de même nature qu'il a portés la veille.

Dans l'après-midi, le roi paré de tous ses ornements, rend visite à ses épouses, également parées pour le recevoir; il rend à toutes des hommages et leur assigne leur place, puis il engage avec elles une conversation gaie.

Ensuite, il visite les vierges veuves remariées, les concubines et les bayadères, chacune dans sa chambre (v. App.2).

Quand le roi a terminé sa sieste, la dame de service chargée de lui désigner l'épouse avec laquelle il doit passer la nuit vient le trouver, accompagnée des servantes de l'épouse dont le tour est arrivé et de celles dont le tour peut avoir été passé par erreur et pour cause d'indisposition.

Ces suivantes présentent au roi des essences et des parfums envoyés par leurs maîtresses et marqués du sceau de leur anneau, elles lui expliquent les motifs de cet envoi.

Le roi accepte le présent de l'une d'elles qui, par ce fait, se trouve informée de son choix.

Quelques rois, par scrupule ou par compassion, prennent des aphrodisiaques, afin de pouvoir servir plusieurs épouses dans une même nuit. D'autres, au contraire, ne s'unissent qu'avec celles qu'ils préfèrent et délaissent les autres. La plupart donnent à chacune son tour.

APPENDICE AU CHAPITRE I

1.—Sérails musulmans.

On voit que l'usage imposait aux rois quelques égards envers leurs épouses.

Le sérail n'eut une importance capitale que pour les princes musulmans. Ceux-ci, dans l'Inde, se pourvoyaient avec les filles des Hindous brahmaniques prises de gré ou de force à leurs parents. Tous les musulmans agissaient ainsi (c'était le mode des géants).

Le sérail a été une cause de ruine pour l'empire turc; les sultans et hauts dignitaires ont de tout temps épuisé et épuisent encore aujourd'hui le trésor public pour les dépenses du sérail. Certains sultans ont fait une telle consommation de femmes qu'elles enchérissaient sur le marché, et y devenaient très rares.

2.—Les Bayadères.

La première classe des courtisanes dont il sera question au dernier
Titre n'est plus guère représentée dans l'Inde que par les bayadères.

A l'époque où écrivait Vatsyayana, c'est-à-dire avant la conquête musulmane, il ne devait exister dans l'Inde que des bayadères brahmaniques attachées au culte, où leur fonction officielle consiste à chanter et à danser chaque matin et chaque soir, dans les temples et aussi les cérémonies publiques.

A chaque pagode de quelque importance est attachée une troupe de bayadères dont le nombre n'est jamais au-dessous de huit, et auxquelles des musiciens sont toujours adjoints. Chaque troupe fait aux personnages haut placés des visites qui sont pour elles des occasions de danses et de gratifications.

Elles sont appelées dans les familles pour danser, surtout aux fêtes données à l'occasion des mariages.

La plus grande partie des dons qu'elles reçoivent dans ces occasions leur est reprise par les brahmanes et les musiciens qui les accompagnent. Leur profit le plus clair leur vient de leurs amants.

Les bayadères sont aujourd'hui les seules femmes dans l'Inde auxquelles il soit permis de danser et d'être aimables pour les hommes. Entretenir une bayadère n'est pas seulement, chez les Indiens, un luxe de bon ton et de bon goût, comme l'est chez nous celui des chevaux, mais c'est encore une oeuvre méritoire. Souvent les brahmanes chantent des vers dont le sens est: «Le commerce avec une bayadère est une vertu qui efface les péchés (la pénitence est douce!…)

Comme toutes les personnes du sexe sans aucune exception, les bayadères ont, en public, la réserve la plus absolue, et sont également traitées avec la même réserve par les hommes.

Les bayadères peuvent être prises dans toutes les castes au-dessus de celle des bergers (basse caste de Soudras).

Celles des jeunes filles qui doivent entrer dans le sacerdoce sont mariées au dieu de la guerre dès qu'elles sont pubères.

Lorsqu'elles sont devenues vieilles, on les réforme; les brahmanes qui ont exploité leur jeunesse, leur appliquent avec un fer chaud sur la cuisse (comme aux chevaux réformés) la marque de la pagode où elles ont servi, et on leur délivre un diplôme qui leur donne le droit de mendier (l'abbé Dubois, Moeurs et coutumes de l'Inde, dit cela des belles femmes que les brahmes prenaient dans les foules les jours des grandes fêtes et qu'ils consacraient au dieu de la pagode; voir le volume: Chants des bayadères).

Le costume des bayadères est fort gracieux et très riche; elles portent une ceinture d'or, des bijoux en or au sommet de la tête, des anneaux aux oreilles, aux bras, aux pieds; ceux-ci, quand elles dansent, résonnent et accompagnent leurs mouvements.

Elles sont généralement jolies et gracieuses, et toujours bien faites.

Leur danse est une pantomime très étudiée où figure généralement une seule bayadère, accompagnée par des musiciens dont la musique barbare est peu agréable pour des Européens. Hors des pagodes, cette pantomime représente généralement les diverses phases d'une lutte amoureuse chantée par les musiciens qui accompagnent la bayadère.

Le caractère de la pantomime et du chant est reproduit, autant qu'il est possible de le faire en français, dans la chanson intitulée: Entretien d'un homme en route(ci-dessus, page 138).

Dans les fêtes et les temples, elles chantent des hymnes en l'honneur des dieux ou leurs aventures galantes et guerrières.

Lorsqu'elles se produisent devant les Européens, les bayadères se livrent quelquefois à des fantaisies; par exemple, elles parodient les danses et les manières de nos demi-mondaines.

Quelquefois plusieurs bayadères se réunissent pour exécuter certaines figures d'ensemble, toujours sur place et sans se transporter sur un certain espace.

Les bayadères brahmaniques, à cause de leur caractère sacré, ne se donnent que très secrètement aux Européens, parce qu'ils sont réputés impurs; il n'en est pas de même des bayadères musulmanes qui sont de simples danseuses.

Il est même d'usage de les offrir aux Européens devant lesquels on les fait danser; mais ce sont des beautés fort dangereuses, ainsi que l'ont éprouvé Jacquemont et d'autres voyageurs.

Leurs danses, beaucoup plus gracieuses et animées que celles des bayadères brahmaniques, ressemblent aux danses espagnoles et mauresques.

En Algérie, il y a aussi des danseuses qui s'exhibent dans les fêtes arabes et même européennes. Elles sont bien inférieures aux bayadères de l'Egypte et de l'Inde. Leur pantomime, également sur place, consiste surtout en mouvements des hanches et du ventre, qui plaisent beaucoup aux Arabes, mais qui, dans l'Inde seraient regardés comme indécents; c'est par le geste et le regard que les bayadères de l'Inde sont provoquantes.

CHAPITRE II

Des intrigues du roi.

Le roi ne se contente pas toujours de ses épouses; il a aussi des caprices, même pour des femmes mariées.

Le roi et les ministres ne vont jamais chez les sujets; ceux-ci ont toujours les yeux fixés sur eux pour les imiter. En conséquence, ils ne doivent faire publiquement aucun acte qui puisse être censuré. Un poète a même écrit:

«Un roi qui a à coeur le bien de son peuple, respecte toutes les femmes des autres.

«Un roi qui triomphe des six ennemis de l'homme conquiert toute la terre (les six péchés capitaux de l'Inde; la gourmandise est inconnue des Orientaux; et la paresse consiste pour eux dans l'ignorance spirituelle).»

Quand le roi juge bon d'écarter ce scrupule, il doit agir de l'une des manières suivantes [45].

[Note (45): Les casuistes hindous ont toujours, pour dispenser de tout scrupule en amour, une raison péremptoire à leurs yeux: la nécessité de ne pas mourir d'amour.]

A certaines époques, les femmes des villes et des villages visitent les épouses du harem, et passent la nuit dans leurs appartements à converser et se divertir, puis s'en vont le matin.

Une dame du service du roi, qui s'est liée à l'avance avec la belle que le roi désire, l'engage le matin, au moment où elle va s'éloigner, à visiter avec elle, en détail, le palais. Dans un à parte, elle emploie toutes les ressources de son esprit à la persuader de répondre aux désirs du roi. Si elle éprouve un refus, elle n'en laisse voir aucun déplaisir, se montre toujours très courtoise, lui fait accepter des présents dignes d'un roi, l'accompagne à une certaine distance du palais et la congédie en termes très affectueux.

La personne que désire le roi peut aussi venir au harem sur l'invitation de l'une des épouses du roi, qui aura fait sa connaissance par l'intermédiaire du mari ou d'une des suivantes des femmes du harem. Surviendra alors l'affidée du roi, qui agira comme il est dit ci-dessus.

Ou bien la première épouse du roi, sous prétexte de se faire enseigner par elle quelque talent, mandera au palais la femme convoitée.

Ou si le mari de cette femme a quelque chose à redouter du roi ou d'un ministre, elle la décidera, à l'aide d'un intermédiaire, à venir au palais solliciter sa protection. Les choses se passeront ensuite comme dans les cas précédents.

On agira de même, si le mari de la femme est dans le besoin ou l'oppression; ou s'il sollicite quelque chose ou aspire à la faveur du prince, ou veut s'élever, ou bien s'il est tenu à l'écart par les membres de sa caste, ou si c'est un espion au service du roi.

Si la personne désirée par le roi vit avec un homme qui n'est pas son mari, le roi la fait arrêter, la fait déclarer esclave pour inconduite et la place au harem.

Si la femme convoitée est régulière, l'ambassadeur du roi, à son instigation, dénonce le mari; puis on fait emprisonner la femme, comme étant l'épouse d'un ennemi du roi; ensuite, on la fait entrer au harem.

(Ces deux procédés se passent de commentaires, le dernier surtout).

Un roi ne doit jamais aller chez un sujet pour une intrigue amoureuse, plusieurs rois ont payé de leur vie cette imprudence.

Certains usages locaux favorisent les amours royales.

Chez les Andras, le roi exerce le droit du seigneur;

Chez les Vatsagoulmas, les femmes des ministres servent le roi la nuit;

Les Vaïdarbhas qui ont de belles femmes, les envoient, par amour pour leur prince, passer un mois au harem;

Chez les Aparatakas, ceux qui avaient de belles femmes les donnaient en présent aux ministres du roi;

Enfin, dans le pays des Sourashtras, les femmes de la ville et de la campagne entrent au harem pour le plaisir du roi, soit individuellement, soit par groupes.

APPENDICE AU CHAPITRE II

N° 1.—Les amours du roi Agnivarna.

Nous empruntons à la traduction du Raghou-Yanea de Kalidasa, par M. Hippolyle Fauche, le Tableau des amours du roi Agrioarna, le prince charmant de l'Inde; ce tableau est pour les Hindous l'idéal des voluptés royales.

«Après avoir tenu pendant quelques années les rênes de l'Etat, Agnivarna l'impudique, les abandonna aux ministres et se livra tout entier aux femmes luxurieuses. Dans le palais où toujours résonnait le tambourin, et où la fête du lendemain surpassait celle de la veille, le roi, incapable de supporter l'intervalle d'une seule minute sans volupté, nuit et jour s'amusait avec ses femmes.

«Il avait des étangs remplis de lotus que ses folâtres concubines faisaient trembler des palpitations de leurs seins dressés comme des piques; des cachettes pour la volupté s'y dérobaient sous les fleurs. Brûlant d'amour, il se plongeait dans l'onde; là, ses femmes, sans fard comme sans voile, excitaient ses désirs par leurs mouvements gracieux et lascifs. Avec elles, il portait ses pas vers des lieux disposés avec art pour des buvettes, où il prenait le rhum enivrant. Sur son sein reposaient continuellement une lyre aux sons enchanteurs et une belle à la voix douce, aux yeux charmants. Frappant de ses mains le tambourin, agitant ses guirlandes et ses bracelets, habile musicien, il ravissait l'âme; à l'entendre, les danseuses oubliaient leurs pantomimes; il mangeait alors de baisers leurs visages et soufflait sur leurs bouches le vent amoureux de ses lèvres. Plus d'une fois, ses amantes qu'il avait trompées le lièrent en punition avec leurs ceintures, le menaçant du bout du doigt, le châtiant d'un regard courroucé et du froncement de leurs sourcils. En proie à un violent amour et à la jalousie, les reines saisissaient l'occasion de toute fête pour combler d'elles-mêmes ses voeux. C'était lui-même qui peignait de fard les pieds de ses épouses, mais c'était pour admirer ces pieds charmants et tout ce que laissaient entrevoir les ceintures relâchées et les robes mal attachées. Parfois ses désirs voluptueux rencontraient des obstacles: une bouche se détournait d'un baiser, des mains retenaient une ceinture qu'il voulait dénouer, mais ces manèges n'étaient que du bois jeté dans le feu de l'amour.

«Harassées de voluptés, les épouses s'endormaient sur sa vaste poitrine, d'où leurs seins potelés effaçaient l'onguent du sandal.

«Laissait-il, dans un rêve, échapper le nom d'une rivale, celles qui étaient avec lui mouillaient de larmes le bord de la couverture et brisaient de dépit leurs bracelets à force de s'agiter dans la couche.

«Essayait-il de se dérober pour quelque rendez-vous nocturne, ses femmes aux aguets le ramenaient.—Pourquoi, libertin, vas-tu porter ailleurs ce qui nous appartient?

«Quand il se levait de sa couche, ses amantes, enlaçant son cou de leurs bras, pressant de la plante de leurs pieds les pointes de ses pieds, se faisaient donner le baiser d'adieu.

«Sa couche, jaune de sandal, rouge de laque, remplie de ceintures brisées et de bouquets déliés, attestait la fougue de ses assauts.

«Alors venaient vers lui ses autres épouses irritées; il cherchait à les apaiser, joignant les mains, mais sa faiblesse dans l'amour les irritait de nouveau. Voulait-il s'éloigner sous prétexte d'affaires avec un ami, elles le prenaient aux cheveux et l'arrêtaient en disant: «Ah traître, cet ami est une amie; ta fuite n'est qu'une ruse.

«Quand il leur échappait, il prenait le chemin de la campagne, où il était guidé par des confidentes vers des berceaux de lianes mystérieux. Là, sur des lits de fleurs préparés, il savourait la volupté dans les bras d'une jolie suivante (chez les grecs, on aurait dit une belle esclave; mais l'esclavage n'a jamais existé dans l'Inde).

«L'été, il passait les nuits sur les terrasses de son palais, savourant le clair de lune sans nuage qui dissipe les fatigues de la volupté.

«Là, ses femmes, vêtues de l'air, à la taille charmante, le ravissaient avec leurs ceintures d'or; lumineuses et gazouillantes, elles l'enivraient des vapeurs embaumées de l'encens et de l'aloès.

«Ce monarque puissant, redouté de ses voisins, n'avait jamais pu se vaincre lui-même. Il devint malade de la poitrine. Quand il connut son état, il ne voulut pas d'autre médecin que ses femmes; frappé mortellement dans leurs bras, il voulut y mourir.

«Il s'éteignit comme une lampe épuisée, sans postérité, au milieu de ses épouses qui le tenaient embrassé.»

Ce tableau idéal a au moins le mérite de nous faire voir que les Hindous, même dans leurs plus grands excès de plaisir, sont restés décents et même aimables et qu'ils n'ont rien fait ou imaginé qui inspire la répulsion ou le dégoût.

On ne saurait en dire autant des Romains; ils nous révoltent par des lubricités sans nom et à peine concevables. Pour faire ressortir le contraste, après Kalidaça, citons Suétone.

N° 2.—Débauches des empereurs romains.

TIBÈRE DANS SA RETRAITE DE CAPRÉE.

Tibère, retiré dans l'île de Caprée (située près de Naples, au fond de la plus belle baie du monde), rassemblait de toutes parts des troupes de jeunes filles et de mignons et des inventeurs d'accouplements monstrueux, qu'il appelait spinthaies, pour que, se tenant enlacés et formant une triple chaîne, ils se prostituassent mutuellement devant lui de manière à rallumer ses désirs.

Il avait fait disposer en plusieurs endroits des chambres ornées de tableaux et de statuettes représentant les scènes et les figures les plus lascives, et meublées des livres d'Éléphantis, pour qu'on ne manquât pas de modèles pour les postures qu'on avait ordre de prendre.

En public, il jouait le rôle de Jupiter caressant Léda, et du minotaure s'unissant à Phasiphaé.

Lorsque la représentation de ces scènes mythologiques comprenait un meurtre, celui-ci était commis réellement sur le théâtre avec ses détails cruels; tels, par exemple, la mort d'Hippolyte, le supplice de Prométhée.

Il dressait de très petits enfants à s'ébattre et à jouer entre ses cuisses pendant qu'il nageait (c'étaient ses petits poissons), et à le lécher et le mordre doucement; il apprenait à d'autres enfants, non encore sevrés, à lui prendre la verge comme ils eussent pris le sein de leur mère et à pratiquer la succion.

CAÏUS CALIGULA.

Caligula abusa de Valérius Catullus, jeune homme d'une famille consulaire, et commit l'inceste avec ses deux soeurs. Il invitait à souper, avec leurs maris, les femmes les plus distinguées; il les passait en revue en les examinant comme ferait un marchand d'esclaves, menait dans une chambre voisine celle qui lui plaisait et, rentrant avec les souillures de la débauche, il louait ou blâmait ce que leur jouissance ou leur corps avait de bon ou de mauvais.

NÉRON.

Sans parler des hommes libres avec lesquels il eut commerce, des femmes mariées qu'il corrompit, Néron fit violence à la vestale Rubria. Il fit couper les testicules à un jeune garçon nommé Sporus et s'efforça même de le métamorphoser en femme. On le lui amena en grande pompe avec la dot et le voile rouge (flammeum), suivant l'usage du mariage, et il lui donna le rang d'épouse.

Il finit par imaginer comme un jeu de nouvelle espèce de se mettre dans la peau et à la place d'une bête du cirque et de s'élancer sur les parties naturelles ou non d'hommes et de femmes attachés nus à des poteaux; il faisait ces outrages, dans les lieux publics, aux adolescents et aux vierges chrétiennes. De là vient la bête dont il est parlé dans l'Apocalypse et qui désigne Néron (Renan).

DOMITIEN.

Domitien n'avait pas les vices monstrueux de Tibère et de Néron.
Cependant il partagea et il développa la corruption générale.

Dans une fête solennelle, il fit descendre dans l'arène des femmes parmi les gladiateurs et les bestiaires.

Il fit courir des jeunes vierges dans le stade et présida lui-même à la course, vêtu d'un habit de pourpre à la grecque, portant sur la tête une couronne d'or où étaient représentés Jupiter, Junon et Minerve, et ayant auprès de lui le flamendial et les prêtres de la famille Flavia.

(Dans cette occasion comme dans beaucoup d'autres, Domitien voulut affirmer son zèle pour le paganisme).

Pour plaire au peuple, il continua les représentations à la fois si impudiques et si cruelles des scènes mythologiques. Martial, son protégé, nous en a transmis le souvenir dans les épigrammes suivants du Livre I:

6. Sur le spectacle de Phasiphaé.

«Croyez que Phasiphaé s'est accouplé avec le taureau de Crète; tout ce que la renommée nous en a dit, la scène le reproduit devant nos yeux.»

9. Sur un condamné donnant une représentation véritable du supplice de Prométhée. «Tel Prométhée, enchaîné sur un roc, en Scythie, nourrit de ses entrailles renaissantes un vautour insatiable, tel ce Lauréolus, attaché à une véritable croix, vient d'offrir sa poitrine nue à un ours de Calédonie.

«Ses membres déchirés palpitaient et son corps tout entier n'était plus un corps. Ce scélérat avait sans doute dépassé les crimes dont parle l'antiquité.»

10. «Dédale, quand tu es ainsi déchiré par un ours de Lucanie, que tu voudrais alors avoir des ailes.»

Ces scélérats, ces victimes, étaient les chrétiens condamnés comme criminels d'État.

On se faisait scrupule de prendre les gladiateurs; ceux-ci étaient des prisonniers de guerre qu'on n'avait pu utiliser autrement, parce qu'ils étaient trop incultes pour être vendus assez cher comme esclaves et trop insoumis pour être incorporés dans les légions.

HÉLIOGABALE.

Héliogabale parcourait les rues de Rome dans les attitudes et la compagnie les plus indécentes sur un char traîné par des femmes nues.

CHAPITRE III

Intrigues des femmes du harem.

Les femmes du harem sont sévèrement gardées et ne peuvent voir aucun homme (App. 1 et 2). Presque toutes brûlent de désirs qu'elles satisfont entre elles, par des procédés indiqués au chapitre de l'auparishtaka, et au moyen desquels la femme peut remplacer l'homme[46].

[Note 46: La titillation et la succion des mamelons, ainsi que nous l'avons vu, déterminent constamment l'érection du clitoris, et la friction de cet organe simultanée avec la succion forte des mamelons amène nécessairement le spasme génésique.]

Elles ont encore recours aux moyens suivants.

Elles habillent en homme leur soeur de lait, leurs amies et leurs suivantes, et se font caresser l'yoni à l'aide de végétaux tendres (fruits ou racines), qui ont ou reçoivent la forme et les dimensions d'un linga, ou bien elles embrassent une statue dont le linga est figuré en érection (App.).

Des moyens inverses sont employés par certains hommes (voir dans Lucien l'outrage fait par un jeune homme à la Vénus de Paros dont il était amoureux).

Parfois, et avec l'aide de leurs suivantes, les femmes du harem y introduisent des hommes déguisés en femme. Leurs soeurs de lait et leurs affidées s'efforcent de décider des hommes à venir au harem, en leur vantant la bonne fortune qui les y attend; elles leur décrivent l'intérieur du palais, les facilités pour s'y introduire et en sortir; elles indiquent les fortes saillies des corniches, les grandes dimensions des portiques, des corridors et des issues, la négligence des sentinelles et les absences fréquentes des gardiens du harem. Mais ces émissaires ne doivent jamais tromper un homme pour le décider à tenter l'aventure, car cela entraînerait probablement sa mort.

Quant à l'homme, il fera bien de ne point s'introduire dans le harem à cause des terribles mésaventures auxquelles il s'expose.

Si toutefois il s'y détermine, il devra reconnaître s'il y a une sortie assurée, si le jardin de plaisance ou bien un mur de ronde entoure étroitement le harem (App. 1), si les sentinelles manquent de vigilance et si le roi est parti en voyage. Dans ce dernier cas, lorsqu'il sera appelé par les femmes du sérail, il observera avec soin les lieux, et entrera de la manière que les femmes lui auront indiquée. S'il est adroit et avisé, il parcourra chaque jour les environs du harem, se liera avec les sentinelles, se fera l'ami des femmes de service du sérail qui peuvent avoir connaissance de son dessein et leur témoignera son regret de ne pouvoir l'exécuter.

Enfin, il prendra pour entremetteuse une femme qui a ses entrées au harem, et il s'étudiera à connaître les espions du roi.

Si l'entremetteuse ne peut entrer au harem, il se tiendra à quelque endroit d'où il peut voir la femme qu'il aime.

Si cet endroit est gardé par des sentinelles, il se déguisera en prenant le costume d'une suivante de la femme désirée, qui vient ou passe par cet endroit.

Quand la femme le regardera, il lui fera connaître ses sentiments par des gestes et des signes, lui fera voir des dessins à double sens, des guirlandes de fleurs et des anneaux.

Il observera avec beaucoup d'attention les signes qu'elle fait, ses gestes ou ses paroles; et alors il essaiera de pénétrer dans le palais.

S'il est certain qu'elle vient dans quelque lieu particulier, il s'y cachera, et, au moment fixé, il entrera au harem avec elle, comme s'il était un des gardiens.

Il peut aussi entrer et sortir dans un lit plié, ou dans une couverture de lit, ou bien se rendre invisible: pour cela il lui suffit de se frotter les yeux avec un collyre obtenu en mêlant avec une quantité égale d'eau les cendres provenant de la combustion, sans fumée, d'une mangouste, des yeux d'un serpent et du fruit de la longue courge tumbi!!!

Duyana, les brahmanes et les yoguis, donnent encore d'autres moyens de se rendre invisible.

L'homme peut aussi, pour entrer au harem, saisir l'occasion de la fête de la huitième lune, pendant laquelle les femmes de service du palais sont toutes très affairées et en désarroi.

On introduit des jeunes gens au harem, ou on les en fait sortir, lorsqu'on y apporte ou on en fait sortir du mobilier, ou pendant les fêtes où l'on prend des boissons et des rafraîchissements, quand les femmes de service sont extraordinairement occupées et pressées, ou quand on déplace une des épouses, ou quand on les conduit aux jardins publics ou aux fêtes, ou bien lors de leur retour au palais, ou enfin quand le roi est parti pour un lointain pélerinage.

Les femmes du harem connaissent mutuellement leurs secrets, et comme elles ont toutes le même but, elles s'entraident.

Un jeune homme qui est l'amant de toutes peut continuer ce commerce très longtemps sans être découvert.

Chez les Aparatakas, les épouses du roi ne sont pas bien gardées, et les femmes qui ont accès dans le harem y introduisent avec elles beaucoup de jeunes gens.

Les épouses royales du pays d'Ahira se livrent aux kshatriyas mis en sentinelle dans le harem.

Celles du pays des Vatsagoulmas font venir au harem, à l'aide de messagères, des hommes qui peuvent leur plaire.

Chez les Vaïdharbas, les fils des épouses royales ont leur entrée au harem et sont les amants de toutes les épouses, excepté de leur mère.

Dans le Stri radjyas, les femmes du roi ont pour amants les hommes de sa caste et de sa famille.

Au pays de Ganda, elles se donnent aux brahmanes, à leurs amis, à leurs serviteurs et esclaves.

Dans le Sandhava, à leurs domestiques, marmitons, etc.

Chez les Haïmavat, des hommes hardis corrompent les sentinelles et entrent au harem.

Chez les Vanyas et Kalmyas, les brahmanes, au su du roi, entrent au harem avec des bouquets pour les épouses, conversent avec elles derrière un rideau, et des doux propos passent aux doux exercices.

Enfin, les femmes du roi de Prashyas cachent dans le harem un jeune homme pour chaque groupe de femmes.

APPENDICE AU CHAPITRE III

Nº 1.—Description du harem d'Agra.

Tous les détails donnés dans ce chapitre montrent que les anciens rois de l'Inde brahmanique n'étaient guère plus jaloux des femmes de leur harem que les maris hindous ne l'étaient, en général, de leurs épouses.

On retrouve là encore la douceur et l'apathie du caractère indien.

Il en est autrement des Musulmans de l'Inde, en partie d'origine Afgane ou Mongole.

Ils gardent étroitement leurs femmes, et les harems de leurs princes étaient et sont encore aujourd'hui très surveillés.

On peut en juger par les dispositions du sérail qui forme partie du Tage d'Agra, le Versailles des empereurs mongols, qu'on préfère au palais de Louis XIV, bien qu'il ait coûté moins de cent millions, au lieu d'un demi-milliard.

Le harem se compose de deux parties attenant l'une à l'autre, mais parfaitement distinctes; l'une est occupée par les femmes musulmanes, pour la plupart des Cachemiriennes qui sont blanches comme des européennes.

L'autre est occupée par des femmes hindoues, et fut probablement construite sur le modèle des harems des anciens rois du pays.

Le harem musulman borde, sur l'un de ses côtés, le magnifique jardin du palais. Tout est en marbre; à l'étage, on y remarque quelques trous des boulets de lord Clive, lorsqu'il prit la citadelle d'Agra (le Tage).

Les chambres sont des cellules de quatre mètres carrés; elles ont chacune, du côté opposé au jardin, ayant vue sur le paysage et sur la Joumma, une ouverture fermée par une claire-voie découpée dans le marbre, qui empêche de rien voir du dehors.

Il y a aussi, dans chaque chambre, sur une autre face, une petite ouverture par laquelle on introduisait la nourriture de la recluse, et qu'on refermait ensuite.

Ces chambres forment deux groupes que sépare un palier assez grand, qui servait pour la récréation des femmes pendant deux heures par jour.

L'escarpolette était fort en usage parmi ces dames.

Le harem hindou est, comme toutes les habitations des indigènes, disposé en forme de cloître autour d'une cour rectangulaire assez grande.

Tout autour, à l'étage, sont de petites chambres précédées de portiques et de balustrades donnant sur la cour.

Cette disposition permettait de laisser aux femmes la liberté de circuler sous les portiques et de se visiter entre elles, liberté que n'avaient point les femmes étrangères de l'autre harem, sans doute des esclaves.

La cour intérieure du harem hindou servait pour les représentations théâtrales et autres scènes de jongleurs, de saltimbanques, et aussi pour les cérémonies religieuses.

Les femmes assistaient à ces représentations, appuyées sur les balustrades des portiques et sans qu'on pût avoir aucune communication avec elles depuis la cour.

Du côté opposé du jardin, en face du harem étranger, se trouvaient les bains du sérail, d'une richesse et d'une beauté merveilleuses.

L'or, en lames épaisses, artistement travaillé ou en filets délicats, court partout sur les caissons des plafonds et les parois en marbre des murs.

Pour se rendre au bain, les favorites avaient à traverser le jardin, un des plus beaux du monde, dont toutes les allées sont dallées en marbre et dont les parterres sont parsemés de vastes bassins en marbre blanc avec jets d'eau.

Certaines heures de la journée étaient réservées aux femmes du harem pour leur promenade dans le jardin où elles étaient seules.

Le cicerone montre aux visiteurs un long couloir souterrain qui descend du jardin au bord de la Joumma, et il explique que, vers son extrémité, on abattait les femmes coupables ou trop âgées, et qu'ensuite leurs corps étaient jetés à la rivière.

On se débarrassait ainsi des vieilles parce que le harem n'eût pas suffi à loger ces inutilités, et qu'il ne convenait pas que des femmes, après avoir été les favorites de l'empereur, pussent habiter ailleurs que dans son palais ou dans la mort.

N° 2.—La vie du sérail.

Avec l'aide d'un officier de marine français, une femme européenne s'est évadée du sérail de Constantinople. Réclamée par le sultan, elle a déclaré qu'elle se tuerait plutôt que d'y rentrer.

Cependant Lady Montagu, la Sévigné des Anglais, nous a donné au XVIIIe siècle, dans ses Lettres si intéressantes, une description fort gracieuse de la vie et des plaisirs des femmes du sérail dans l'intimité desquelles elle a été admise en sa qualité de femme de l'ambassadeur d'Angleterre près du sultan. Le tableau qu'elle en trace est loin d'être triste. Les danses et les jeux après le bain solliciteraient le pinceau d'un artiste.

Peut-être Lady Montagu n'a-t-elle vu que les beaux côtés, et n'a-t-elle conversé qu'avec les privilégiées, comme la mère du sultan régnant dont elle parle beaucoup. Peut-être le sérail a-t-il déchu avec la puissance des sultans.

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