Œuvres complètes de Guy de Maupassant - volume 25
OPINION DE LA PRESSE
SUR
NOTRE CŒUR.
Journal des Débats, dimanche 20 juillet 1890 (André Hallays).
«Je ne crois pas que M. de Maupassant ait jamais rien créé de plus vivant et de plus humain que ces deux personnages (André Mariolle et Michèle de Burne), ni qu’il ait jamais rien écrit de plus poignant que le roman de leur lamentable aventure...
«Je ne connais point d’ouvrage de M. de Maupassant où se révèle, avec plus d’éclat, la mâle et robuste franchise de son talent d’écrivain. Notre Cœur est écrit presque tout entier dans cette langue vigoureuse, simple et claire que l’auteur d’Une Vie a apprise à l’école de Flaubert. Il semble même qu’il y a dans sa dernière œuvre une finesse d’expression et une souplesse de style auxquelles M. de Maupassant n’avait pas encore atteint.»
Le Temps, 22 juin 1890 (Anatole France).
«Oui, sans doute, M. de Maupassant a raison: les mœurs, les idées, les croyances, les sentiments, tout change. Chaque génération apporte des modes et des passions nouvelles... M. de Maupassant est perspicace avec simplicité. Son nouveau roman veut nous montrer un homme et une femme en 1890, nous peindre l’amour, l’antique amour, le premier né des dieux, sous sa figure présente et dans sa dernière métamorphose... Le roman est cruel et ce n’est point de ma faute. Il y a dans la pensée contemporaine une étrange âcreté. Notre littérature ne croit plus à la bonté des choses. L’art du XVIIe siècle croyait à la vertu..., l’art du XVIIIe siècle croyait à la raison. L’art du XIXe siècle croyait d’abord à la passion, maintenant, avec les naturalistes, il ne croit plus qu’à l’instinct.
«M. de Maupassant, du moins, ne nous a jamais flattés... Et il s’y est toujours pris avec tant de franchise, de droiture, et d’un cœur si simple et si ferme, qu’on ne lui en a point trop gardé rancune. Enfin, il a un talent si ferme, une telle sûreté de main, une si belle franchise qu’il faut bien le laisser dire et le laisser faire.»
Gil-Blas, 28 juin 1890 (Paul Ginisty).
«Notre Cœur est vraisemblablement l’étude psychologique la plus subtile et la plus poussée qu’ait écrite M. Guy de Maupassant. C’est toujours, dans l’ensemble, la même manière large, franche et vigoureuse; mais, dans le détail, l’analyse arrive à des ténuités singulières. C’est qu’il s’agit là de noter, pour ainsi dire jour par jour, les phases d’une passion soudaine.»
Revue Bleue, 2 août 1890 (Augustin Filon).
«La femme porte des talons, n’en porte plus, en porte encore, change de corset et de coiffure. Nous, nous changeons ses poses, mais son âme ne change pas... Comédienne née, qu’est-elle au fond? Elle garde son secret et peut-être que ce secret n’est pas grand’chose!
«M. de Maupassant ne s’est jamais montré plus grand écrivain que dans Notre Cœur... Le talent ne peut pas aller plus loin, la parole écrite ne peut pas fouiller plus subtilement les plus fines nervures de la pensée, les mots ne peuvent faire plus pour le délice des intelligences.»