Œuvres de Napoléon Bonaparte, Tome II.
Au Caire, le 4 fructidor an 6 (21 août 1798).
Au général Kléber.
Je vous remercie, citoyen général, de votre sollicitude sur ma santé: elle n'a jamais, je vous assure, été meilleure. Les affaires ici vont parfaitement bien, et le pays commence à se soumettre.
J'ai appris la nouvelle de l'escadre onze jours après l'événement, et dès-lors ma présence n'y pouvait plus rien. Quant à Alexandrie, je n'ai jamais eu la moindre inquiétude; il n'y aurait personne que les Anglais n'y entreraient pas. Ils ont bien assez à faire de garder leurs vaisseaux, et sont trop empressés à profiter de la bonne saison pour regagner Gibraltar.
J'ai reçu des lettres du contre-amiral Villeneuve à six lieues du cap de Celidonia: il va à Malte. J'ai reçu des lettres de cette île. Les deux bâtimens et la frégate sont prêts; les trois bâtimens sont aussi prêts à Toulon: ainsi j'espère que, dans le courant de septembre, nous aurons sept bâtimens de guerre et cinq frégates équipés à Malte, tout comme nous aurons six, sept à huit frégates à Alexandrie. J'espère que les quatre d'Ancône nous y joindront.
Je n'ai pas encore reçu la revue, au moins approximative, des matelots qui se trouvent à Alexandrie. Je voudrais qu'au lieu de trois, vous y gardassiez pour six mois de riz. Ne vous sachant pas si bien pourvu, j'avais ordonné que l'on en achetât cinq mille quintaux à Damiette et cinq mille à Rosette, pour faire passer à Alexandrie.
J'ai envoyé le général Marmont avec la quatrième demi-brigade d'infanterie légère et deux pièces de canon pour soumettre la province de Bahiré, maintenir libre la communication de Rosette à Alexandrie, et rester sur la côte pour empêcher la communication de l'escadre avec la terre.
Je ferai partir cette nuit le général Dommartin pour profiter du moment favorable et accélérer le départ de l'artillerie de campagne pour l'armée: avec six pièces de 24 à boulets rouges et deux mortiers, toutes les escadres de la terre n'approcheraient pas. Il faut, dans ce cas, recommander qu'on tire lentement et très-peu; il faut avoir quelques gargousses de parchemin bien faites. Il faut le plus promptement possible mettre en état le fort d'Aboukir et occuper la tour du Marabou, où nous avons descendu: occupez-la avec un poste et quelques pièces de canon.
Le turc Passwan-Oglou est plus fort que jamais, et les Turcs y penseront à deux fois avant de faire un mouvement contre nous: au reste ils trouveront à s'en repentir. Tous les mois, tous les jours, notre position s'améliore par les établissemens propres à nourrir l'armée, par les fortifications que nous établissons sur différens points; et dès l'instant que nos approvisionnemens de campagne qui sont à Alexandrie, seront en état d'être transportés au Caire, je vous assure que je ne crains pas cent mille Turcs.
Si les Anglais relèvent cette escadre-ci par une autre et continuent à inonder la Méditerranée, ils nous obligeront peut-être à faire de plus grandes choses que nous n'en voulions faire. Au milieu de ce tracas, je vois avec plaisir que votre santé se rétablit, que votre blessure est guérie. Vous sentez que votre présence est encore nécessaire dans le poste où vous êtes; vous voyez que la blessure que vous avez reçue a tourné à bien pour l'armée. Faites-moi passer de suite tous les hommes qui viendraient de Malte ou de France, quand même ils n'auraient pas de dépêches. Vous me ferez connaître quels sont les bâtimens que vous m'envoyez. Je vous fais passer l'ordre pour le commerce; il faut rependant prendre garde qu'aucun négociant d'Alexandrie ne profite de cette liberté de commerce pour faire transporter ses richesses, et de ne le mettre à exécution que lorsque la plus grande partie de l'escadre anglaise sera partie.
Encouragez, autant qu'il vous sera possible, les barques de Tripoli qui transportent des moutons à Alexandrie. J'ai écrit à ce bey et au consul français, par le désert; écrivez lui de votre côté par mer, et surtout au bey de Bengazé. Quant aux bâtimens de guerre turcs, il faut nous tenir dans la position où nous sommes jusqu'aux nouvelles de Constantinople, afin qu'aux premières hostilités du capitan pacha, nous puissions nous en emparer; ils équivaudront toujours dans nos mains à une de leurs caravelles.
J'imagine qu'à l'heure qu'il est la masse de l'escadre anglaise sera partie. Aujourd'hui que les chemins sont ouverts, écrivez-moi souvent et faites-moi envoyer exactement les états de situation. J'espère que l'arrêté du conseil pour couler les soixante bâtimens de transport n'aura pas eu lieu. Avec six pièces de 24, deux grils à boulets rouges et quarante canonniers, j'ai lutté pendant quatre jours contre l'escadre anglaise et espagnole au siège de Toulon, et après lui avoir brûlé une frégate et plusieurs bombardes, je l'ai forcée à prendre le large. Si le génie de l'armée voulait qu'ils tentassent de se frotter contre notre port, ils pourraient, par ce qui leur arriverait, nous consoler un peu de l'événement arrivé à notre flotte. Le parti que vous avez pris de renforcer la batterie des Figuiers et du fort triangulaire est extrêmement sage.
J'ai envoyé, par votre aide-de-camp, une assez forte somme à l'ordonnateur Leroy. Faites-moi connaître ce que l'opinion dit sur la conduite du Francklin: il paraît qu'il ne s'est pas battu.
Faites-moi connaître la date de toutes les lettres que vous avez reçues de moi, afin que je vous envoie copie de toutes celles qui ne vous seraient point parvenues.
BONAPARTE.
Au Caire, le 5 fructidor an 6 (22 août 1798).
Instructions remises au citoyen Beauvoisin, chef de bataillon d'état-major, commissaire près le divan du Caire.
Le citoyen Beauvoisin se rendra à Damiette; de là il s'embarquera sur un vaisseau turc ou grec; il se rendra à Jaffa; il portera la lettre que je vous envoie à Achmet-Pacha; il demandera à se présenter devant lui, et il réitérera de vive voix que les musulmans n'ont pas de plus vrais amis en Europe que nous; que j'ai entendu avec peine que l'on croyait en Syrie que j'avais dessein de prendre Jérusalem et de détruire la religion mahométane; que ce projet est aussi loin de notre coeur que de notre esprit; qu'il peut vivre en toute sûreté, que je le connais de réputation comme un homme de mérite; qu'il peut être assuré que, s'il veut se comporter comme il le doit envers les hommes qui ne lui font rien, je serai son ami, et bien loin que notre arrivée en Égypte soit contraire à sa puissance, elle ne fera que l'augmenter; que je sais que les mameloucks que j'ai détruits étaient ses ennemis, et qu'il ne doit pas nous confondre avec le reste des Européens, puisque, au lieu de rendre les musulmans esclaves, nous les délivrons; et enfin il lui racontera ce qui s'est passé en Égypte et ce qui peut être propre à lui ôter l'envie d'armer et de se mêler de cette querelle. Si Achmet-Pacha n'est pas à Jaffa, le citoyen Beauvoisin se rendra à Saint-Jean-d'Acre; mais il aura soin auparavant de voir les familles européennes, et principalement le vice-consul français, pour se procurer des renseignemens sur ce qui se passe à Constantinople et sur ce qui se fait en Syrie.
BONAPARTE.
Au Caire, le 5 fructidor an 6 (11 août 1798).
À Achmet-Pacha14, gouverneur de Séid et d'Acra (Saint-Jean-d'Acre.)
En venant en Égypte faire la guerre aux beys, j'ai fait une chose juste et conforme à tes intérêts, puisqu'ils étaient tes ennemis; je ne suis point venu faire la guerre aux musulmans. Tu dois savoir que mon premier soin, en entrant à Malte, a été de faire mettre en liberté deux mille Turcs, qui, depuis plusieurs années, gémissaient dans l'esclavage. En arrivant en Égypte, j'ai rassuré le peuple, protégé les muphtis, les imans et les mosquées; les pèlerins de la Mecque n'ont jamais été accueillis avec plus de soin et d'amitié que je ne l'ai fait, et la fête du prophète vient d'être célébrée avec plus de splendeur que jamais.
Je t'envoie cette lettre par un officier qui te fera connaître de vive voix mon intention de vivre en bonne intelligence avec toi, en nous rendant réciproquement tous les services que peuvent exiger le commerce et le bien des états: car les musulmans n'ont pas de plus grands amis que les Français.
BONAPARTE.
Footnote 14: (return) Le même que le célèbre Djessar pacha.
Au Caire, le 5 fructidor an 6 (22 août 1798).
Au grand-visir.
L'armée française que j'ai l'honneur de commander est entrée en Égypte pour punir les beys mameloucks des insultes qu'ils n'ont cessé de faire au commerce français.
Le citoyen Talleyrand-Périgord, ministre des relations extérieures à Paris, a été nommé, de la part de la France, ambassadeur à Constantinople, pour remplacer le citoyen Aubert, Dubayet, et il est muni des pouvoirs et instructions nécessaires de la part du directoire exécutif pour négocier, conclure et signer tout ce qui est nécessaire pour lever les difficultés provenant de l'occupation de l'Égypte par l'armée française, et consolider l'ancienne et nécessaire amitié qui doit exister entre les deux puissances. Cependant, comme il pourrait se faire qu'il ne fût pas encore arrivé à Constantinople, je m'empresse de faire connaître à votre excellence l'intention où est la république française, non-seulement de continuer l'ancienne bonne intelligence, mais encore de procurer à la Porte l'appui dont elle pourrait avoir besoins contre ses ennemis naturels, qui, dans ce moment, viennent de se liguer contre elle.
L'ambassadeur Talleyrand-Périgord doit être arrivé. Si, par quelque accident, il ne l'était pas, je prie votre excellence d'envoyer ici (au Caire), quelqu'un qui ait votre confiance et qui soit muni de vos instructions et pleins-pouvoirs, ou de m'envoyer un firman, afin que je puisse envoyer moi-même un agent, pour fixer invariablement le sort de ce pays, et arranger le tout à la plus grande gloire du sultan et de la république française, son alliée la plus fidèle, et à l'éternelle confusion des beys et mameloucks, nos ennemis communs.
Je prie votre excellence de croire aux sentimens d'amitié et de haute considération, etc.
BONAPARTE.
Au Caire, le 8 fructidor an 6 (25 août 1798).
Au schérif de la Mecque.
En vous faisant connaître l'entrée de l'armée française en Égypte, je crois devoir vous assurer de la ferme intention où je suis de protéger de tous mes moyens le voyage de pélerins de la Mecque: les mosquées et toutes les fondations que la Mecque et Médine possèdent en Égypte, continueront à leur appartenir comme par le passé. Nous sommes amis des musulmans et de la religion du prophète; nous désirons faire tout ce qui pourra vous plaire et être favorable à la religion.
Je désire que vous fassiez connaître partout que la caravane des pèlerins ne souffrira aucune interruption, qu'elle n'aura rien à craindre des Arabes.
BONAPARTE.
Au Caire, le 10 fructidor an 6 (27 août 1798).
Au même.
Je m'empresse de vous faire connaître mon arrivée, à la tête de l'armée française, au Caire, ainsi que les mesures que j'ai prises pour conserver aux saintes mosquées de la Mecque et de Médine les revenus qui leur étaient affectés. Par les lettres que vous écriront le divan et les différens négocians de ce pays, vous verrez avec quel soin je protège les imans, les schérifs et tous les hommes de loi; vous y verrez également que j'ai nommé pour emir-adji Mustapha-Bey, kiaya de Seid-Aboukekir, pacha gouverneur du Caire, et qu'il escortera la caravane avec des forces qui la mettront à l'abri des incursions des Arabes.
Je désire beaucoup que, par votre réponse, vous me fassiez connaître si vous souhaitez que je fasse escorter la caravane par mes troupes, ou seulement par un corps de cavalerie de gens du pays; mais, dans tous les cas, faites connaître à tous les négocians et fidèles que les musulmans n'ont pas de meilleurs amis que nous, de même que les schérifs et tous les hommes qui emploient leur temps et leurs moyens à instruire les peuples n'ont pas de plus zélés protecteurs, et que le commerce non-seulement n'a rien à craindre, mais sera spécialement protégé.
J'attends votre réponse par le retour de ce courrier.
Vous me ferez connaître également les besoins que vous pourriez avoir, soit en blé, soit en riz, et je veillerai à ce que tout vous soit envoyé.
BONAPARTE.
Au Caire, le 10 fructidor an 6 (27 août 1798).
Aux négocians français à Jaffa.
Je n'ai reçu, citoyens, qu'aujourd'hui votre lettre du 7 thermidor. Je vois avec peine la position dans laquelle vous vous trouvez; mais les nouvelles ultérieures que l'on aura eues de nos principes, auront, j'en suis persuadé, dissipé toutes les alarmes qui vous entouraient.
Je suis fort aise de la bonne conduite de l'aga, gouverneur de la ville: les bonnes actions trouvent leur récompense, et celle-là aura la sienne.
Malheur, au reste, à qui se conduira mal envers vous! Conformément à vos désirs, le divan, composé des principaux schérifs du Caire, le kiaya du pacha, le mollah d'Égypte, et celui de Damas, qui se trouvent ici, écrivent en Syrie pour dissiper toutes les alarmes. Les vrais musulmans n'ont pas de meilleurs amis que nous.
BONAPARTE.
Au Caire, le 11 fructidor an 6 (28 août 1798).
Au général Menou.
J'ai reçu, citoyen général, votre lettre du 6 fructidor. Il sera fait incessamment un règlement général pour le traitement à accorder au divan et à la compagnie des janissaires, ainsi qu'à l'aga dans chaque province.
Faites arrêter tous les Français arrivant du Caire, qui n'auraient pas de passeports de l'état-major.
Diminuez votre service. Comment est-il possible que vous ayez trois cents hommes de garde à Rosette, lorsque nous n'en avons que quatre-vingts, au Caire?
Une garde chez vous, une de police, quelques factionnaires aux principaux magasins, et tout le reste en réserve, cela ne fait que vingt-cinq ou trente hommes de service.
L'officier du génie et l'ingénieur des ponts et chaussées doivent travailler sans instrumens: on ne demande que des croquis. Si vous pouviez nous envoyer un croquis de votre province, fait à la main, avec tous les noms des villages, cela nous serait fort utile.
Je ne puis trop vous louer d'avoir donné à dîner aux scheiks du pays. Nous avons célébré ici la fête du Prophète avec une pompe et une ferveur qui m'ont presque mérité le titre de saint. Je n'approuve pas la mesure de donner du blé aux pauvres; nous ne sommes pas encore assez riches, et il faut nous garder de les gâter.
J'imagine que vous avez opéré le désarmement de la ville, et que vous avez profité des sabres pour armer votre cavalerie. Vous aurez vu, dans l'ordre du jour, que vous devez lever dans votre province trois cents chevaux.
BONAPARTE.
Au Caire, le 11 fructidor an 6 (28 août 1798).
Au général Kléber.
Vous avez très-bien fait, citoyen général, de faire arrêter le négociant Abdel-Bachi, puisque vous avez eu des preuves qu'il était avec les mameloucks. En général, confisquez les propriétés et les biens de tous ceux qui se trouvent avec eux. Je vous envoie un ordre pour un autre habitant d'Alexandrie, qui est un des factotum de Mourad-Bey, et qui, dans ce moment-ci, est avec lui.
J'ai lu les lettres que les pilotes barbaresques, qu'avaient pris les Anglais, ont écrites à El-Messiri. C'est une plate bêtise; cependant j'aurais assez aimé que vous eussiez fait couper le cou au reis de la djerme.
Il va incessamment y avoir un règlement à l'ordre pour la solde du divan, de l'aga et de la compagnie des janissaires; employez surtout cette compagnie à protéger l'arrivage des eaux. Ménagez bien vos armes, nous en avons grand besoin; nous devons peu compter sur le second convoi: vous savez combien nos troupes en dépendent.
J'ai envoyé, par votre aide-de-camp, 100,000 fr. à l'ordonnateur Leroy; j'en fais partir demain 50,000 autres. Nous ne sommes pas ici, comme vous pourriez vous l'imaginer, au milieu des trésors, et, jusqu'à la perception, nous éprouverons toujours une certaine pénurie.
Les ressources que vous trouverez chez les différentes personnes arrêtées; la contribution que vous devez percevoir, à titre de prêt, sur les négocians; les fonds que les généraux d'artillerie et du génie envoient pour leurs services, ceux que j'envoie pour la marine, vous mettront, j'espère, à même d'aller, et vous éviteront le grand inconvénient de vendre du riz, que nous aurions tant de peine à transporter à Alexandrie, et où la prudence veut que nous en ayons pour toute l'armée pendant un an ou deux. Le général du génie a envoyé de l'argent à Rahmanieh, pour les travaux du canal.
Vous devez déclarer positivement au commandant de la caravelle, qu'il ait à vous remettre tout l'argent, tous les effets qui n'appartiennent ni à lui, ni à son équipage, sous peine d'être puni exemplairement.
J'espère que si le citoyen Delisle est à Alexandrie, vous aurez fait mettre la main dessus, et surtout que vous aurez fait prendre sa vaisselle. Je suis ici dans l'embarras de trouver de l'argent, et dans un bois de fripons.
Quant à l'administration de la justice, c'est une affaire très-embrouillée chez les musulmans; il faut encore attendre que nous soyons un peu plus mêlés avec eux. Laissez faire le divan à peu près ce qu'il veut.
J'espère que vous aurez fait célébrer la fête du Prophète avec le même éclat que nous l'avons fait au Caire.
BONAPARTE.
Au Caire, le 11 fructidor an 6 (28 août 1798).
Au scheick El-Messiri15.
Le général Kléber me rend compte de votre conduite, et j'en suis satisfait.
Vous savez l'estime particulière que j'ai conçue pour vous an premier moment que je vous ai connu, j'espère que le moment ne tardera pas où je pourrai réunir tous les hommes sages et instruits du pays, et établir un régime uniforme, fondé sur les principes de l'Alcoran, qui sont les seuls vrais, et qui peuvent seuls faire le bonheur des hommes.
Comptez en tout temps sur mon estime et mon appui.
BONAPARTE.
Footnote 15: (return) Un des notables de la ville d'Alexandrie.
Au Caire, le 11 fructidor an 6 (28 août 1798).
Ordre du jour.
Le général en chef ordonne que le 1er. vendémiaire, époque de la fondation de la république, sera célébré dans tous les différens points où se trouve l'armée, par une fête civique.
La garnison d'Alexandrie célébrera sa fête autour de la colonne de Pompée.
Les noms de tous les hommes de l'armée française qui ont été tués à la prise d'Alexandrie, seront en conséquence gravés sur cette même colonne.
L'on plantera le pavillon tricolore au haut de la colonne.
L'aiguille de Cléopâtre sera illuminée.
L'on dressera au Caire, au milieu de la place d'Esbeckieh, une pyramide de sept faces dont chacune sera destinée à contenir les noms des hommes des cinq divisions qui sont morts à la conquête de l'Égypte;
La sixième sera pour la marine;
La septième pour l'état-major, la cavalerie, l'artillerie et le génie.
La partie de l'armée qui se trouvera au Caire s'y réunira à sept heures du matin, et après différentes manoeuvres et avoir chanté des couplets patriotiques, une députation de chaque bataillon partira pour aller planter au haut de la plus grande pyramide le drapeau tricolore.
La pince d'Esbeckieh sera disposée de manière à ce que le soir, à quatre heures, il puisse y avoir course de chevaux autour de la place, et course à pied.
À ces courses seront admis ceux des habitans du pays qui voudront s'y présenter; il y aura des prix assignés pour le vainqueur.
Le soir, la pyramide sera toute illuminée; il y aura un feu d'artifice.
Les troupes qui sont dans la Haute-Égypte célébreront leur fête sur les ruines de Thèbes.
Le général du génie, le général d'artillerie et le commandant de la place du Caire se réuniront chez le général en chef de l'état-major général pour se concerter et faire un programme plus détaillé de la fête, chacun en ce qui concerne son arme.
Le général en chef ordonne qu'il ne sera fait dans l'armée qu'un seul pain; toutes les rations, soit à l'état-major, soit aux administrations, seront de pain de munition.
Il sera fait un pain plus soigné pour les hôpitaux; mais il est défendu, sous quelque prétexte que ce soit, aux administrateurs et aux garde-magasins, de donner de ce pain au général en chef, ni à aucun général, ni au munitionnaire général; à la visite que l'officier de service fait tous les jours des hôpitaux, le directeur fera connaître la quantité de pain d'hôpitaux qu'il aura reçue. Il lui est défendu, sous les peines les plus sévères, de donner de ce pain à tout autre.
Le général en chef est instruit que des employés et administrateurs s'embarquent sur les diligences du Caire à Rosette et Damiette, sans être munis d'ordres, ainsi qu'il a été ordonné. Le général en chef défend expressément de laisser embarquer aucun Français, soit à Boulac, soit au Vieux-Caire, ou dans tout autre endroit, s'il n'est muni d'un passeport, soit du général chef de l'état-major général, soit de l'ordonnateur en chef Sucy. Des postes seront placés de manière à s'assurer, soit au départ, soit à l'arrivée des bateaux, de l'exécution du présent ordre. Tous les Français trouvés sur des barques sans être munis de passeports ou d'ordres, seront arrêtés.
Le conseil militaire de la division du général Bon a condamné à cinq années de fers le citoyen Vaultre, domestique du citoyen Thieriot, adjudant sous-lieutenant au vingt-deuxième de chasseurs à cheval, convaincu de vol.
BONAPARTE.
Au Caire, le 13 fructidor an 6 (30 août 1798).
Au général Zayonscheck.
Je suis fort aise d'apprendre, par votre lettre, que la dénonciation que l'on m'avait faite sur la contribution que vous aviez imposée, est fausse. Vous devez m'envoyer les noms des villages qui ont tiré sur nos troupes lors de notre marche au Caire; vous ne devez leur accorder le pardon qu'à condition:
1°. De vous rendre les armes;
2° De vous donner le nombre des chevaux et mulets qu'ils peuvent fournir;
3°. De vous remettre chacun deux ôtages pour garantir leur conduite à l'avenir. Vous m'enverrez un ôtage au Caire. Conformément à la demande que vous avez faite de revenir au Caire, j'ai nommé le général Lanusse pour vous remplacer; vous mènerez avec vous la plus grande partie de vos troupes, conformément à l'ordre que vous aura donné l'état-major.
Avant de partir, faites un croquis de tous les canaux et de tous les villages qui composent la province de Menoufié.
BONAPARTE.
Au Caire, le 13 fructidor an 6 (30 août 1798).
Au général Kléber.
Je n'approuve pas, citoyen général, la mesure que vous avez prise de retenir les 15,000 fr. que j'avais destinés au contre-amiral Ganteaume. Je vous prie, s'il est à Alexandrie, de les lui remettre: beaucoup d'officiers de marine sont dangereusement blessés, et doivent nécessairement avoir des besoins. Les officiers qui faisaient partie des garnisons, qui doivent être peu nombreux, se trouvent naturellement compris dans cette répartition. Vous devez avoir reçu l'ordre de faire partir tous les détachemens qui faisaient partie des garnisons des vaisseaux, et j'aurai soin, à leur arrivée au Caire, de les indemniser autant qu'il me sera possible.
Il est indispensable de vous procurer, sur la ville d'Alexandrie, les 185,000 fr., pour compléter la contribution de 300,000 fr. Il n'y a pas d'autre moyen de subvenir à nos besoins. Le général Menou, qui croyait trouver de grands obstacles à lever sa contribution de 100,000 fr., me mande, par le dernier courrier, qu'elle est déjà levée.
Il faut construire une batterie à Aboukir; il faudrait également défendre par deux redoutes et quelques pièces d'artillerie, l'entrée du lac, afin que les chaloupes anglaises ne viennent pas vous y inquiéter. Je crois très-nécessaire d'y travailler, ainsi que de compléter la batterie d'Aboukir, et la mettre dans une situation respectable.
BONAPARTE.
Au Caire, le 13 fructidor an 6 (30 août 1798).
Au général Menou.
J'ai reçu, citoyen général, par toutes les diligences, toutes vos lettres, que je lis avec d'autant plus d'intérêt, que j'approuve davantage vos vues et vos manières de voir. Je vous remercie des honneurs que vous avez rendus à notre prophète.
Vous devez, à l'heure qu'il est, avoir reçu l'ordre pour les limites de la province de Rosette.
BONAPARTE.
Au Caire, le 13 fructidor an 6 (30 août 1798).
Au citoyen Leroi, ordonnateur de la marine.
Il y a à Damiette, citoyen, une corvette portant vingt pièces de canon, laquelle n'est pas encore achevée. Il est indispensable que vous y envoyiez un ingénieur constructeur pour la faire terminer. Cela est extrêmement essentiel. Envoyez également reconnaître les ressources que pourra vous fournir cette place. On m'assure qu'elle renferme beaucoup de fer, de bois, tous objets qui vous sont essentiels.
BONAPARTE.
Au Caire, le 13 fructidor an 6 (30 août 1798).
Au général Kléber.
J'ai déjà répondu, citoyen général, à toutes les questions contenues dans votre lettre du 8 fructidor; mais, pour me résumer, je réponds ici à vos sept questions.
1°. Oui, vous pouvez faire lever l'embargo mis sur les bâtimens neutres, et les laisser sortir malgré la présence de l'ennemi, pourvu qu'ils ne portent aucuns vivres, et spécialement du riz.
2°. Même réponse pour les bâtimens de commerce turcs.
3°. Cela ne s'étend pas jusqu'à la caravelle et aux bâtimens de guerre turcs, auxquels il faut donner de belles paroles, et attendre, pour prendre une décision, que nous ayons des renseignemens ultérieurs.
4°. Les bâtimens auxquels on a fait des réquisitions, si les denrées qu'ils avaient appartenaient à des particuliers, doivent être soldés. Envoyez-moi l'état de tous ces bâtimens, ainsi que la valeur de leurs chargemens. Que les patrons fassent une assemblée, et qu'ils envoient ici des fondés de procuration; je leur ferai donner de l'argent pour la valeur de leurs marchandises. Ceux qui, après cette opération faite, voudraient s'en aller, en seront les maîtres. Vous leur ferez connaître qu'à leur retour, cette commission aura obtenu de moi cette demande; et qu'ils seront soldés. Voue les engagerez à nous apporter du bois et du vin.
5°. Les bâtimens neutres attachés à notre convoi ne pourront pas sortir jusqu'à nouvel ordre: j'attends un état sur leur nombre et sur ce qui leur est dû, pour prendre un parti à leur égard.
6°. Les esclaves mameloucks seront regardés comme marchandise ordinaire; vous exigerez seulement qu'ils évacuent Alexandrie, et se rendent au Caire. Cependant il faut, avant, vérifier si les beys ne les avaient pas déjà payés. L'artillerie fera des reçus des armes, estimera leur valeur, et les marchands viendront au Caire, où je les ferai solder. Si les armes sont ordinaires, elles resteront à la disposition de l'artillerie; si ce sont des armes qui passent le prix des armes ordinaires, l'artillerie m'en enverra l'inventaire, et on n'en disposera pas jusqu'à nouvel ordre.
7°. Tous les officiers de marine rendus sur parole, pourront partir, dès l'instant qu'ils ont juré de ne pas servir de cette guerre; vous excepterez du nombre quatre ou cinq, qui, par leur activité, pourraient nous être utiles sur le Nil.
BONAPARTE.
Au Caire, le 13 fructidor an 6 (30 août 1798).
Au citoyen Dubois16.
Je reçois votre lettre, citoyen, en date du 6 fructidor. Par le même courrier, le général Kléber m'apprend qu'il n'a plus besoin de pansemens. Vos talens nous sont utiles ici, et je vous prie de partir le plus tôt possible pour vous y rendre: l'air du Nil vous sera favorable. Les circonstances, d'ailleurs, ne rendent pas le passage assez sûr pour que j'expose un homme aussi utile. Vous serez content de voir de près cette grande ville du Caire; vous trouverez à l'Institut un logement passable, et une société d'amis17.
BONAPARTE.
Footnote 16: (return) C'est le célèbre Antoine Dubois, l'un des chirurgiens les plus habiles de l'Europe.
Footnote 17: (return) La santé du docteur Dubois ne lui permit pas de rester en Égypte.
Au Caire, le 14 fructidor an 6 (31 août 1798).
Au général Dugua.
J'ai reçu votre lettre, citoyen général, du 11 fructidor. Je savais bien que ce n'était pas à Mehal-el-Kebir que l'on s'était battu; mais l'on m'avait supposé que c'était le chef-lieu de tous les rassemblemens. Je désire que vous y envoyiez un bataillon, afin d'assister le général Fugières dans ses opérations, et spécialement dans le désarmement.
Il serait extrêmement dangereux de lever des contributions par village: cela serait capable dans ce moment-ci de décider les paysans à abandonner la culture; j'ai cependant ordonné la levée de quelques contributions sur quelques villages; je les ai mises à la disposition de l'ordonnateur eu chef. Je vous envoie ci-joint, copie de mon ordre. Vous recevrez incessamment les instructions pour les contributions à lever dans votre province, L'intendant cophte a dû recevoir des ordres de son intendant général pour la manière dont elles doivent être soldées. D'ici à quelque temps, il ne sera pas possible au général Dommartin de vous procurer l'artillerie qu'il vous avait promise; l'événement arrivé à la flotte a apporté dans toutes ses combinaisons beaucoup de changemens; faites raccommoder votre artillerie le mieux qu'il vous sera possible.
Je ne pense pas que le général Cafarelli puisse vous envoyer un autre officier du génie: il y en a beaucoup de malades.
Vous trouverez ci-joint l'ordre au général Vial de mettre trente djermes à votre disposition. Il est indispensable que vous soyez toujours en mesure pour que, vingt-quatre heures après la réception d'un ordre, vous puissiez vous porter où le besoin l'exigerait, et, dans ce moment-ci, je sens que cela ne peut s'exécuter qu'avec des bateaux. J'approuve que vous accordiez à la ville de Mansoura une amnistie. Pressez toutes les mesures pour donner de la confiance aux habitans, leur faire reprendre le commerce. Je désire que vous écriviez aux trois ou quatre villages qui se sont le plus mal comportés dans l'affaire de Mansoura, pour qu'ils reviennent à l'obéissance. Dans ce cas, vous ferez sentir aux députés les dangers qu'ils courent, et, s'ils ne veulent pas voir brûler leurs villages, qu'ils doivent faire arrêter les plus coupables et vous les livrer.
Il faut absolument que vous profitiez du moment où les circonstances me permettent de laisser votre division à Mansoura, pour soumettre définitivement tous les villages de votre province, prendre des otages des sept ou huit qui se sont mal comportés, et livrer aux flammes celui de tous qui s'est le plus mal conduit: il ne faut pas qu'il y reste une maison, Sans cet exemple, dès l'instant que votre division aurait quitté Mansoura, ces gens-ci recommenceraient. Vous trouverez facilement de petits bateaux pour vous transporter au village que vous voudrez brûler; enfin faites l'impossible pour cela.
BONAPARTE.
Au Caire, le 14 fructidor an 6 (31 août 1798).
Au pacha de Damas.
Je vous ai déjà écrit plusieurs lettres pour vous faire connaître que nous n'étions pas ennemis des musulmans, et que la seule raison qui nous avait conduits en Égypte, était pour y punir les beys et venger les outrages qu'ils avaient faits au commerce français. Je désire donc que vous restiez persuadé du désir où je suis de vivre en bonne intelligence avec vous, et de vous donner tous les signes de la plus parfaite amitié.
BONAPARTE.
Au Caire, le 14 fructidor an 6 (31 août 1798).
Au pacha du Grand-Seigneur en Égypte.
Lorsque les troupes françaises obligèrent Ibrahim à évacuer la province de Scharkieh, je lui écrivis que je vous acceptais pour médiateur, et qu'il vous envoyât vers moi. Je vous réitère aujourd'hui le désir que j'aurais que vous revinssiez au Caire pour y reprendre vos fonctions: ne doutez pas de la considération que l'on aura pour vous, et du plaisir que j'aurai à faire votre connaissance.
BONAPARTE.
Au Caire, le 15 fructidor an 6 (1er septembre 1798).
Au général Kléber.
Le citoyen Leroy me mande que toutes les dispositions que j'avais faites pour la marine sont annulées, par le parti que vous avez pris d'affecter à d'autres services les 100,000 liv. que je lui avais envoyées. Vous voudrez bien, après la réception du présent ordre, remettre les 100,000 liv. à la marine, et ne point contrarier les dispositions que je fais et qui tiennent à des rapports que vous ne devez pas connaître, n'étant pas au centre.
L'administration d'Alexandrie a coûté le double que le reste de l'armée. Les hôpitaux, quoique vous n'ayez que trois mille malades, coûtent, et ont coûté beaucoup plus que tous les hôpitaux de l'armée.
Je ne crois pas, dans les différens ordres que je vous ai donnés, vous avoir laissé maître de lever ou non la contribution à titre d'emprunt, sur les négocians d'Alexandrie: ainsi, si vous en avez suspendu l'exécution, je vous prie de vouloir bien prendre les mesures, sur-le-champ, pour la faire rentrer, quels que soient les inconvéniens qui doivent en résulter: nous n'avons point, pour ce moment-ci, d'autre manière d'exister.
BONAPARTE.
Au Caire, le 18 fructidor an 6 (4 septembre 1798).
Au général Desaix.
Votre état-major doit correspondre avec le chef de l'état-major de l'armée. Il n'est pas d'usage que je reçoive des lettres des adjudans-généraux, à moins que ce ne soit pour des réclamations qui leur soient particulières. Votre commissaire, et surtout votre agent des subsistances, sont extrêmement coupables. Les biscuits ont resté cinq ou six jours embarqués, et ils avaient bien le temps de les vérifier. Il faut avoir soin aussi qu'on ne donne pas aux corps plus de rations qu'il ne leur en revient.
La Cisalpine part ce soir avec le troisième bataillon de la vingt-unième, quarante mille rations de biscuit, deux pièces de canon et cinquante mille cartouches: ils se rendent a Abugirgé. On m'assure qu'il y a à Abugirgé un canal qui conduit à Benhecé, et j'espère que vous trouverez moyen de vous porter directement à cette position et d'atteindre Mourad-Bey. C'est le projet qui me paraît le plus simple: s'il n'était pas exécutable, je désire que vous remontiez jusqu'à Melaoni, pour descendre par le canal de Joseph.
Vous savez qu'en général je n'aime pas les attaques combinées; arrivez devant Mourad-Bey par où vous pourrez et avec toutes les forces: là, sur le champ de bataille, vous ferez vos dispositions pour lui causer le plus de mal possible.
Vous verrez, par l'ordre que vous envoie l'état-major, que je vous autorise à traiter avec les anciens beys.
Je n'envoie personne dans le Faioum, jusqu'à ce que je sache définitivement ce que veut faire Mourad-Bey, car je ne peux pas y envoyer de grandes forces, et pour y envoyer cinq ou six cents hommes, il faut que je connaisse les opérations ultérieures de Mourad-Bey.
BONAPARTE.
Au Caire, le 18 fructidor an 6 (4 septembre 1798).
Le général en chef Bonaparte ordonne:
ART. 1er La femme de Mourad-Bey paiera, dans la journée du 20, vingt mille talaris, à compte de sa contribution.
2. Si le 20 au soir ces vingt mille talaris ne sont pas soldés, elle paiera un vingtième par jour en sus, jusqu'à ce que les vingt mille talaris soient entièrement versés.
BONAPARTE.
Au Caire, le 18 fructidor an 6 (4 septembre 1798).
Au vice-amiral Thévenard.
Votre fils est mort d'un coup de canon sur son banc de quart: je remplis, citoyen général, un triste devoir en vous l'annonçant; mais il est mort sans souffrir et avec honneur. C'est la seule consolation qui puisse adoucir la douleur d'un père. Nous sommes tous dévoués à la mort: quelques jours de vie valent-ils le bonheur de mourir pour son pays? compensent-ils la douleur de se voir sur un lit environné de l'égoïsme d'une nouvelle génération? valent-ils les dégoûts, les souffrances d'une longue maladie? Heureux ceux qui meurent sur le champ de bataille! ils vivent éternellement dans le souvenir de la postérité. Ils n'ont jamais inspiré la compassion ni la pitié que nous inspire la vieillesse caduque, ou l'homme tourmenté par des maladies aiguës. Vous avez blanchi, citoyen général, dans la carrière des armes; vous regretterez un fils digne de vous et de la patrie: en accordant avec nous quelques larmes à sa mémoire, vous direz que sa mort glorieuse est digue d'envie.
Croyez à la part que je prends à votre douleur, et ne doutez pas de l'estime que j'ai pour vous.
BONAPARTE.
Au Caire, le 20 fructidor an 6 (6 septembre 1798).
Au général Dugua.
À l'heure qu'il est, vous devez avoir reçu les cartouches: ainsi j'espère que vous aurez mis à la raison les maudits Arabes des villages de Soubat. Faites un exemple terrible, brûlez ce village et ne permettez plus aux Arabes de venir l'habiter, qu'ils n'aient livré dix otages des principaux, que vous m'enverrez pour les tenir à la citadelle du Caire.
Faites reconnaître par vos officiers de génie, d'artillerie et de l'état-major, tous vos différens canaux, et surtout faites-moi connaître quelle route vous devriez prendre si vous étiez forcé de marcher sur Salahieh.
J'ai donné les ordres pour que tous les individus de votre division qui sont au Caire, rejoignissent.
Vous devez avoir des officiers de santé, qui étaient à votre ambulance, et ceux des différens corps. L'ordonnateur en chef va vous envoyer d'ailleurs tout ce qui peut être nécessaire à votre hôpital.
On se plaint du pillage de vos troupes à Mansoura: c'est le seul point de l'armée sur lequel j'aie en ce moment des plaintes; on se plaint même des vexations que commettent plusieurs officiers d'état-major.
BONAPARTE.
Au Caire, le 24 fructidor an 6 (10 septembre 1798).
Au citoyen Regnault de Saint Jean d'Angely.
J'ai reçu, citoyen, par le courrier Lesimple, vos lettres du 14 thermidor et du 8 fructidor.
C'est avec un véritable plaisir que j'apprends la bonne conduite que vous tenez à Malte, et les services que vous rendez à la république en lui organisant ce poste important.
Les affaires ici vont parfaitement bien, tous les jours, notre établissement se consolide; la richesse de ce pays en blé, riz, légumes, coton, sucre, indigo, est égale à la barbarie du peuple qui l'habite. Mais il s'opère déjà un changement dans leurs moeurs, et deux ou trois ans ne seront pas passés, que tout aura pris une face bien différente.
Vous avez sans doute reçu les différentes lettres que je vous ai écrites, et les relations des différens événemens militaires qui se sont passés; ne négligez rien pour faire passer en France, par des spronades, toutes les nouvelles que vous avez de nous, ne fût-ce même que les rapports des neutres, pour détruire les mille et un faux bruits que les curieux d'une grande ville accueillent avec tant d'imbécillité.
BONAPARTE.
Au Caire, le 24 fructidor an 6 (10 septembre 1798).
Au général Kléber.
Un vaisseau comme le Franklin, citoyen général, qui portait l'amiral, puisque l'Orient avait sauté, ne devait pas se rendre à onze heures du soir. Je pense d'ailleurs que celui qui a rendu ce vaisseau est extrêmement coupable, puisqu'il est constaté par son procès-verbal qu'il n'a rien fait pour l'échouer et pour le mettre hors d'état d'être amené: voilà ce qui fera à jamais la honte de la marine française. Il ne fallait pas être grand manoeuvrier ni un homme d'une grande tête pour couper un câble et échouer un bâtiment; cette conduite est d'ailleurs spécialement ordonnée dans les instructions et ordonnances que l'on donne aux capitaines de vaisseau. Quant à la conduite du contre-amiral Duchaila, il eût été beau pour lui de mourir sur son banc de quart, comme du Petit-Thouars.
Mais ce qui lui ôte toute espèce de retour à mon estime, c'est sa lâche conduite avec les Anglais depuis qu'il a été prisonnier. Il y a des hommes qui n'ont pas de sang dans les veines. Il entendra donc tous les soirs les Anglais, en se soûlant de punch, boire à la honte de la marine française! Il sera débarqué à Naples pour être un trophée pour les lazzaronis: il valait beaucoup mieux pour lui rester à Alexandrie ou à bord des vaisseaux comme prisonnier, sans jamais souhaiter ni demander rien. Ohara, qui d'ailleurs était un homme très-commun, lorsqu'il fut fait prisonnier à Toulon, sur ce que je lui demandais de la part du général Dugommier ce qu'il désirait, répondit: être seul, et ne rien devoir à la pitié. La gentillesse et les traitemens honnêtes n'honorent que le vainqueur, ils déshonorent le vaincu, qui doit avoir de la réserve et de la fierté.
BONAPARTE.
Au Caire, le 26 fructidor an 6 (12 septembre 1798).
Instruction pour le citoyen Mailly.
Le citoyen Mailly partira sur une djerme qui lui sera fournie à Damiette, directement pour Lataquie; la première attention qu'il doit avoir, c'est d'éviter les croisières anglaises. Il engagera le patron à changer de route lorsqu'il s'en verra menacé; il ne s'approchera même qu'avec précaution des petits bâtimens venant de la côte, et ne les hélera que lorsqu'il sera sûr que ce ne sont pas des corsaires. Les patrons de la barque reconnaissent facilement au large les djermes de leur pays.
Il cachera soigneusement les paquets en cas de visite, et fera en pareil cas ce que la prudence lui dictera. Son habit oriental pourra lui être utile dans cette occasion, et il aura soin de ne parler qu'en langue turque avec son interprète arabe, lors d'une visite.
Arrive à la marine de Lataquie, il demandera à parler à Codja-Hanna-Coubbé, intendant du gouverneur, et noligataire du brigantin français la Marie, arrivé à bon port à la rade de Damiette le 11 fructidor de cette année. Il lui fera valoir la permission qu'a donnée le général en chef à son correspondant, de faire son retour en riz, pour alimenter son échelle et la ville d'Alep.
Il demandera de suite la permission de communiquer avec le citoyen Geoffroi, proconsul de la république française à Lataquie, distant d'un demi-quart de lieue de la marine. Assisté de cet officier, il se rendra chez le gouverneur, à qui il remettra la lettre du général en chef.
Le citoyen Mailly devra bien prévoir qu'il y a des espions anglais à Lataquie: ainsi, pour mieux masquer l'expédition de son paquet pour Constantinople, il aura soin de dire au gouverneur et de répandre dans le public, que le général en chef a envoyé sur toute la côte divers officiers pour engager les pachas à laisser toute liberté de commerce avec l'Égypte, et que sa mission particulière se borne à Lataquie et Alep.
Cette ouverture donnera au proconsul la facilité d'expédier sur-le-champ un messager qui se rendra en deux jours a Alep. Le citoyen Chos-de-Clos, notre consul, le gardera un jour ou deux tout au plus, pendant lequel temps il donnera au général en chef les nouvelles les plus authentiques qu'il aura pu recueillir de la légation de Constantinople, soit aussi de diverses lettres particulières sur la situation de cette capitale, de même que les mouvemens en Romélie, Syrie, etc., et en général tout ce qui peut intéresser le général en chef.
Le citoyen Mailly attendra chez le proconsul de la république, le retour du message; il se tiendra très-réservé sur les nouvelles de l'Égypte, autant qu'elles pourront entraver sa mission, et, dans le cas qu'il trouve le peuple de Lataquie en fermentation, il pourra dire comme de lui-même: «Le bruit constant au Caire est que l'expédition des Français est terminée, et, sans l'échec arrivé à notre escadre, notre armée se serait déjà retirée; mais qu'en attendant de nouvelles forces maritimes, les ports de l'Égypte sont ouverts aux négocians musulmans, et que ceux de Lataquie peuvent en toute sûreté y envoyer leur tabac, qui fait toute leur richesse.»
Le messager étant de retour d'Alep, le citoyen Mailly mettra sur-le-champ à la voile, tâchera de n'aborder aucune terre et de s'en retourner en droiture à Damiette, d'où il se rendra sur-le-champ près du général en chef.
Il mettra la même prudence à cacher ses dépêches pour le général en chef, et, dans le cas où il se verrait forcé de les jeter à la mer ou qu'elles seraient interceptées par les Anglais, son voyage ne sera pas inutile sous le rapport des nouvelles, en prenant à Lataquie la précaution de faire écrire en Arabe les nouvelles les plus saillantes, et de les confier à son interprète ou de les cacher dans un ballot de tabac.
BONAPARTE.
Au Caire, le 26 fructidor an 6 (12 septembre 1798).
Au général Murat.
Si les Arabes que vous avez attaqués sont les mêmes qui ont assassiné nos gens à Mansoura, mon intention est de les détruire. Faites-moi connaître les forces qui vous seraient nécessaires à cet effet, et étudiez la position qu'ils occupent; afin de pouvoir les attaquer, les envelopper, et donner un exemple terrible au pays.
J'imagine que, si vous avez fait la paix provisoirement avec eux, vous aurez exigé des otages, des chevaux et des armes.
BONAPARTE.
Au Caire, le 27 fructidor an 6 (13 septembre 1798).
Au général Fugières.
J'espère qu'à l'heure qu'il est, citoyen général, vous aurez, de concert avec le général Dugua, soumis le village de Soubat et exterminé ces coquins d'Arabes.
J'attends toujours des nouvelles de la réquisition des chevaux, qui n'avance pas dans votre province.
BONAPARTE.
Au Caire, le 28 fructidor an 6 (14 septembre 1798).
Au général Murat.
Je vous répète que mon intention est de détruire les Arabes que vous avez attaqués; c'est le fléau des provinces de Mansoura, de Kelioubeh et de Garbieh.
Le général Dugua doit, de concert avec le général Fugières, avoir attaqué la partie de ces Arabes qui se trouve au village de Soubat; envoyez reconnaître où se trouvent les Arabes que vous avez attaqués; faites-moi connaître les forces dont vous aurez besoin, et l'endroit d'où vous pourrez partir pour les attaquer avec succès, en tuer une partie et prendre des otages, afin de s'assurer de leur fidélité.
Faites reconnaître la route de Met-Kamao à Belbeys: vous ne devez pas, à Met-Kamao, vous en trouver éloigné.
BONAPARTE.
Au Caire, le 29 fructidor an 6 (15 septembre 1798).
À l'adjudant-général Bribes.
J'ai reçu, citoyen général, votre lettre du 25 fructidor, où vous me rendez compte de l'attaque qu'a essuyée le convoi d'Alexandrie à Damanhour. Le commandant du convoi ne mérite aucun éloge, puisqu'il a laissé prendre plusieurs bêtes chargées; il devait faire assez de haltes pour ne rien laisser en arrière: le commandant du convoi eût mérité des éloges, s'il l'eût amené sans avoir rien laissé prendre.
Donnez la chasse à ces brigands; écrivez au général Marmont à Rosette. Si vous avez besoin de lui, il s'y portera avec sa demi-brigade.
BONAPARTE.
Au Caire, le 29 fructidor an 6 (15 septembre 1798).
À l'ordonnateur Leroy.
Il est extrêmement ridicule, citoyen ordonnateur, que vous vous amusiez à payer le traitement de table, quand la solde des matelots et le matériel sont dans une si grande souffrance. Je vous prie de vous conformer strictement à mon ordre, d'employer au matériel les trois quarts de l'argent que je vous ai envoyé, et le quart seulement au personnel de la marine. En faisant de si grands sacrifices pour la marine, mon intention a été de mettre les trois frégates à même de sortir le plus tôt possible, ainsi que les deux vaisseaux.
Par votre lettre du 23, il est impossible de savoir si les deux neutres, l'Aimable Mariette et l'Alexandre sont rentrés, ou non, dans le port.
BONAPARTE.
Au Caire, le 30 fructidor an 6 (16 septembre 1798).
Au conseil d'administration de la soixante-neuvième demi-brigade.
J'ai reçu, citoyens, votre lettre du 21 fructidor; je me fais faire un rapport sur la solde qui vous est due.
L'armée, depuis son entrée en Égypte, a été soldée des mois de floréal, prairial et messidor: elle se trouve encore arriérée des mois de thermidor et fructidor.
La division dont vous faisiez partie a, ainsi que vous, un arriéré antérieur à floréal: conformément à ce qui a été mis à l'ordre du jour, il y a près d'un mois, il faut que vous vous adressiez, pour tout ce qui est antérieur à floréal, à l'ordonnateur en chef.
Si, dans le rapport que le payeur général me fera, il est constaté que vous ayez touché moins de paye que le reste de l'armée, je donnerai sur-le-champ les ordres et je prendrai les mesures pour que vous soyez mis au courant de paye de l'armée.
BONAPARTE.
Au Caire, le 1er jour complémentaire an 6 (17 septembre 1798).
À l'ordonnateur en chef.
J'avais ordonné qu'on payât quarante mille rations de biscuit au général Desaix; ou n'en a, sur la lettre de voiture, compté que trente mille, et, lorsque le biscuit est arrivé, il ne s'en est trouvé que vingt mille.
L'agent à Boulac doit avoir le reçu de celui qui a accompagné le convoi, faites-le moi présenter: si vous ne mettez point d'ordre à cet abus, il est impossible que l'armée existe.
Si l'on continue cette friponnerie malgré la plus grande surveillance, que sera-ce lorsque je serai en avant et qu'il y aura des envois multipliés à faire?
Les envoyés ont la friponnerie, lorsque l'ordonnateur donne l'ordre en quintaux, d'envoyer, en quintaux du pays de soixante livres; mais ils ne peuvent avoir cette pitoyable excuse par mon ordre, puisque je demandé toujours par rations.
BONAPARTE.
Au Caire, le 1er jour complémentaire an 6 (17 septembre 1798).
Au général Kléber.
Un officier du génie, chargé des ordres du général Caffarelli, se rend à Alexandrie pour activer autant qu'il sera possible les travaux de cette place, surtout du côté de terre.
Mourad Dey a été battu par Desaix, qui lui a pris cent cinquante barques chargées de blé, d'effets, douze pièces de canon et quelques mameloucks: nous sommes maîtres de toute l'Égypte. Mourad Bey, avec cinq à six cents mameloucks et quelques Arabes, est entre le Fayoum et le désert: il va se rendre dans les oasis ou en Barbarie. Dans ce dernier cas, il ne passerait pas loin de la province du Bahhiré.
J'ai donné ordre au général Marmont de se rendre à Rhamanieh, d'y prendre le commandement des troupes de toute la province, pour être à même, dans tous les cas, de protéger la navigation du Nil, celle du canal, et la campagne d'Alexandrie.
Ibrahim Bey est toujours à Gaza, d'où il promet et écrit beaucoup à ses partisans.
Notre fête ici sera fort belle.
BONAPARTE.
Au Caire, le 2e. jour complémentaire an 6 (18 septembre 1798).
Au même.
Je reçois, citoyen général, votre lettre du 26. Il est extrêmement urgent de débarrasser Alexandrie de cette grande quantité de pèlerins: qu'ils s'en aillent par terre à Derne, où ils pourront s'embarquer, ou faites-les embarquer sur trois bons bâtimens et partir de suite.
Une fois partis, il ne faut plus les laisser rentrer. Dans la saison où nous nous trouvons, où il ne fait grand jour qu'a six heures du matin, tous les bâtimens peuvent sortir à la barbe des Anglais. Forcez ceux qui seront chargés des hommes dont vous voulez débarrasser votre place, à sortir.
Moyennant l'expédition que vous avez faite sur le village qui s'était révolté, les choses changeront. Le général Marmont, avec l'adjudant-général Bribes, se trouve avoir près de quinze cents hommes; ce qui forme une colonne respectable, qui protégera l'arrivée des eaux à Alexandrie.
Ou me mande de Rosette qu'on a envoyé à Rahmanieh trois mille quintaux de blé pour Alexandrie; j'en ai envoyé une grande quantité du Caire: si la navigation était commode, il serait facile de pouvoir payer en blé ce que nous devons à une grande partie du convoi.
Le sévère blocus que veulent établir les Anglais ne produira aucun résultat; les vents de l'équinoxe nous en feront bonne raison. J'imagine que M. Hood veut tout bonnement se faire payer pour la sortie et pour l'entrée, comme cela est arrivé quarante fois sur les côtes de Provence. Je désirerais qu'il n'y eût plus de parlementaires, et que le commandant des armes et l'ordonnateur de la marine cessassent enfin d'écrire des lettres ridicules et qui n'ont point de but. Il est fort peu important que les Anglais gardent prisonnier un commissaire, ou non: ces gens-là me paraissent déjà assez orgueilleux de leur victoire, sans les enfler encore davantage. Quand les circonstances vous feront croire nécessaire de leur envoyer un parlementaire, qu'il n'y ait que vous qui écriviez.
Mourad-Bey est toujours dans la même position entre le Fayoum et le désert. Je me suis porté à Gizeh pour surveiller ses mouvemens.
BONAPARTE.
Au Caire, le 1er vendémiaire an 7 (22 septembre 1798).
À l'armée.
Soldats!
Nous célébrons le premier jour de l'an 7 de la république.
Il y a cinq ans, l'indépendance du peuple français était menacée: mais vous prîtes Toulon, ce fut le présage de la ruine de nos ennemis.
Un an après, vous battiez les Autrichiens à Dego.
L'année suivante, vous étiez sur le sommet des Alpes.
Vous luttiez contre Mantoue il y a deux ans, et vous remportiez la célèbre victoire de Saint-George.
L'an passé, vous étiez aux sources de la Drave et de l'Isonzo, de retour de l'Allemagne.
Qui eût dit alors que vous seriez aujourd'hui sur les bords du Nil, au centre de l'ancien continent?
Depuis l'Anglais, célèbre dans les arts et le commerce, jusqu'au hideux et féroce Bédouin, vous fixez les regards du monde.
Soldats, votre destinée est belle, parce que vous êtes dignes de ce que vous avez fait et de l'opinion que l'on a de vous. Vous mourrez avec honneur comme les braves dont les noms sont inscrits sur cette pyramide, ou vous retournerez dans votre patrie couverts de lauriers et de l'admiration de tous les peuples.
Depuis cinq mois que nous sommes éloignés de l'Europe, nous avons été l'objet perpétuel des sollicitudes de nos compatriotes. Dans ce jour, quarante millions de citoyens célèbrent l'ère des gouvernemens représentatifs; quarante millions de citoyens pensent à vous. Tous disent: c'est à leurs travaux, à leur sang, que nous devrons la paix générale, le repos, la prospérité du commerce, et les bienfaits de la liberté civile.
BONAPARTE.
Au Caire, le 2 vendémiaire an 7 (23 septembre 1798).
Au général Dugua.
Il faut faire partir, citoyen général, le premier bataillon de la soixante quinzième avec une chaloupe canonnière; mon aide-de-camp Duroc, sur l'aviso le Pluvier, et le troisième bataillon de la seconde d'infanterie légère, qui sont partis avant-hier, doivent être arrivés.
J'attends, à chaque instant, des nouvelles de l'opération du général Damas; s'il n'a que trois à quatre cents hommes, il est un peu faible.
À Mit-el-Kouli, le lundi 1er complémentaire à neuf heures du matin, on a égorgé quinze Français qui étaient sur un bateau qui venait de Damiette. Les cinq villages qui sont immédiatement après Mit-el-Kouli, se sont réunis pour cette opération. Les habitans de Mit-el-Kouli ont trois ou quatre mauvaises pièces de canon; ils ont fait quelques retranchemens. La première chose que vous aurez faite sans doute, aura été de vous emparer de ces canons, détruire ces retranchemens et désarmer ces villages: celui de Mit-el-Kouli a plus de quatre-vingts fusils. J'imagine qu'à l'heure qu'il est, vous êtes arrivé à Damiette. Il faut demander des otages dans tous les villages qui se sont mal comportés, et avoir sur le lac Menzalé des djermes armées avec des pièces de 5 ou de 3.
Depuis cinq mois que nous sommes éloignés de l'Europe, nous avons été l'objet perpétuel des sollicitudes de nos compatriotes. Dans ce jour, quarante millions de citoyens célèbrent l'ère des gouvernemens représentatifs; quarante millions de citoyens pensent à vous. Tous disent: c'est à leurs travaux, à leur sang, que nous devrons la paix générale, le repos, la prospérité du commerce, et les bienfaits de la liberté civile.
BONAPARTE.
Au Caire, le 2 vendémiaire an 7 (23 septembre 1798).
Au général Dugua.
Il faut faire partir, citoyen général, le premier bataillon de la soixante quinzième avec une chaloupe canonnière; mon aide-de-camp Duroc, sur l'aviso le Pluvier, et le troisième bataillon de la seconde d'infanterie légère, qui sont partis avant-hier, doivent être arrivés.
J'attends, à chaque instant, des nouvelles de l'opération du général Damas; s'il n'a que trois à quatre cents hommes, il est un peu faible.
À Mit-el-Kouli, le lundi 1er complémentaire à neuf heures du matin, on a égorgé quinze Français qui étaient sur un bateau qui venait de Damiette. Les cinq villages qui sont immédiatement après Mit-el-Kouli, se sont réunis pour cette opération. Les habitans de Mit-el-Kouli ont trois ou quatre mauvaises pièces de canon; ils ont fait quelques retranchemens. La première chose que vous aurez faite sans doute, aura été de vous emparer de ces canons, détruire ces retranchemens et désarmer ces villages: celui de Mit-el-Kouli a plus de quatre-vingts fusils. J'imagine qu'à l'heure qu'il est, vous êtes arrivé à Damiette. Il faut demander des ôtages dans tous les villages qui se sont mal comportés, et avoir sur le lac Menzalé des djermes armées avec des pièces de 5 ou de 3 naître les canaux et pris des mesures pour soumettre la province.
Vous aurez vu, par ma lettre d'hier, différentes mesures que je vous ai prescrites concernant le désarmement, et pour prendre des ôtages dans les différens villages révoltés.
Faites passer dans le lac Menzalé quatre où cinq djermes armées de canon, que vous avez à Damiette, et, si vous pouvez, une chaloupe canonnière; enfin, armez le plus de bateaux que vous pourrez, pour être entièrement maître du lac. Tâchez d'avoir Hassan-Thoubar dans vos mains, et pour cela faire, employez la ruse s'il le faut.
Sur-le-champ, faites partir une forte colonne pour s'emparer d'El-Menzalé; faites-en partir une autre pour accompagner le général Andréossi, et s'emparer de toutes les îles du lac. J'imagine que vous aurez donné une leçon sévère au gros village de Mit-el-Kouli. Mon intention est qu'on fasse tout ce qui est nécessaire pour être souverainement maître du lac de Menzalé, et dussiez-vous y faire marcher toute votre division, il faut que le général Andréossi arrive à Peluse.
Je vous ai écrit, dans une de mes lettres, de faire une proclamation; faites-la répandre avec profusion dans le pays.
Il faut faire des exemples sévères, et comme votre division ne peut pas être destinée à rester dans les provinces de Damiette et de Mansoura, il faut profiter du moment pour les soumettre entièrement, et pour cela il faut le désarmement, des têtes coupées et des ôtages.
BONAPARTE.
Au Caire, le 4 vendémiaire an 7 (25 septembre 1798).
Au général Dupuy.
Vu les intelligences que la femme d'Osman-Bey a continué d'avoir avec le camp de Mourad-Bey, et, vu aussi l'argent qu'elle y a fait, et voulait encore y faire passer, j'ordonne que la femme d'Osman-Bey restera en prison jusqu'à ce qu'elle ait versé dans la caisse du payeur de l'armée dix mille talaris.
BONAPARTE.
Au Caire, le 4 vendémiaire an 7 (25 septembre 1798).
Au citoyen Poussielgue.
Je vous prie d'envoyer chez les marchands de café, les Cophtes et les marchands de Damas, des gardes, si dans la journée de demain ils n'ont pas payé ce qu'ils doivent de leur contribution.
Si la femme de Mourad-Bey n'a pas versé dans la journée de demain les huit mille talaris qu'elle doit, sa contribution sera portée a dix mille talaris.
Sur les quinze mille talaris imposés sur le Saga, il n'en a encore été perçu que mille cinquante-cinq; il en reste treize mille neuf cent quarante-cinq. Trois mille neuf cent quarante-cinq seront versés dans la journée de demain, et les dix mille restant, mille par jour.
Faites verser dans la caisse du payeur, dans la journée d'aujourd'hui, l'argent que vous auriez des cotons, café, des morts sans héritiers ou de tout autre objet. Le Caire se trouve absolument dépourvu de fonds, et l'armée a déjà de grands besoins.
BONAPARTE.
Au Caire, le 5 vendémiaire an 7 (26 septembre 1798).
Au général Dugua.
Soit par terre, soit par le canal, il faut absolument, citoyen général, parvenir à Menzalé; faites-y marcher votre avant-garde en la renforçant de ce que vous jugerez nécessaire; je désire qu'elle prenne position à Menzalé. En réunissant la quantité de bateaux nécessaires pour pouvoir se porter rapidement soit à Damiette, soit à Salahieh, soit à Mansoura, essayez de prendre par la ruse Hassan-Thoubar, et, si jamais vous le tenez, envoyez-le moi au Caire. Désarmez le plus que vous pourrez; n'écoutez point ce qu'ils pourraient vous dire, que, par le désarmement, vous les exposez aux incursions des Arabes: tous ces gens-là s'entendent; surtout il faut que le village de Mit-el-Kouli vous fournisse au moins cent armes et des pièces de canon: ils les ont cachées; mais je suis sûr qu'ils en ont. Concertez-vous avec le général Vial pour faire désarmer Damiette et faire arrêter les hommes suspects.
Prenez des ôtages, exigez que les villages vous remettent leurs fusils, tâchez d'avoir leurs canons, et faites entrer dans le lac de Menzalé des djermes armées ou armées de leurs bateaux.
Envoyez un officier de génie à Menzalé, afin de bien établir sa position par rapport a Damiette, à Mansoura et surtout à Salahieh.
Faites faire des reconnaissances le long de la mer à droite et à gauche jusqu'au cap Bourlos d'un côté, et aussi loin que vous pourrez de l'autre.
Ordonnez aussi que les troupes soient désarmées. Je vous ai envoyé une djerme armée, la Carniole; vous devez en avoir deux à Damiette. Je vous ai envoyé deux avisos; il y avait une chaloupe canonnière; et cela fait six bâtimens armés. BONAPARTE.
Au Caire, le 6 vendémiaire an 7 (27 septembre 1798).
Au général Dupuis.
Faites couper la tête aux deux espions et faites-les promener dans la ville avec un écriteau pour faire connaître que ce sont des espions du pays. Faites connaître à l'aga que je suis très-mécontent des propos que l'on tient dans la ville contre les chrétiens. Il doit y avoir en ce moment des ôtages de Menouf à la citadelle.
BONAPARTE.
Au Caire, le 11 vendémiaire an 7 (2 octobre 1798).
Au commandant de la Caravelle.
J'ai reçu la lettre que vous vous êtes donné la peine de m'écrire. J'ai appris avec peine que vous aviez éprouvé à Alexandrie quelques désagrémens. J'ai donné les ordres au Caire pour que tout votre monde vous rejoignît. Tenez-vous prêt a partir a l'époque à laquelle vous aviez l'habitude de quitter Alexandrie. Faites-moi connaître le temps où vous comptez partir; j'en profiterai pour vous donner des dépêches pour la Porte.
Croyez aux sentimens d'estime, et au désir que j'ai de vous être agréable.
BONAPARTE.
Au Caire, le 13 vendémiaire an 7 (4 octobre 1798).
Au général Kléber.
Le général Caffarelli, citoyen général, m'a fait connaître votre désir.
Je suis extrêmement fâché de votre indisposition: j'espère que l'air du Nil vous fera du bien, et, sortant des sables d'Alexandrie, vous trouverez peut-être notre Égypte moins mauvaise qu'on peut le croire d'abord. Nous avons eu différentes affaires avec les Arabes de Scharkieh et du lac Menzalé: ils'ont été battus à Damette et avant-hier à Mit-Kamar.
Desaix a été jusqu'à Syouth: il a poussé les mameloucks dans le désert; une partie d'eux a gagné les oasis.
Ibrahim-Bey est à Gaza: il nous menace d'une invasion; il n'en fera rien; mais nous qui ne menaçons pas, nous pourrons bien le déloger de là.
Croyez au désir que j'ai devons voir promptement rétabli, et au prix que j'attache à votre estime et à votre amitié. Je crains que nous ne soyons un peu brouillés: vous seriez injuste si vous doutiez de la peine que j'en éprouverais.
Sur le sol de l'Égypte, les nuages, lorsqu'il y en a, passent dans six heures; de mon côté, s'il y en avait, ils seraient passés dans trois: l'estime que j'ai pour vous est au moins égale à celle que vous m'avez témoignée quelquefois.
J'espère vous voir sous peu de jours au Caire, comme vous le mande le général Caffarelli.
BONAPARTE.
Au Caire, le 24 vendémiaire an 7 (15 octobre 1798).
Au général Fugières.
Il est nécessaire, citoyen général, que vous portiez le plus grand respect au village de Tenta, qui est un objet de vénération pour les Mahométans. Il faut surtout éviter de faire tout ce qui pourrait leur donner lieu de se plaindre que nous ne respectons pas leur religion et leurs moeurs.
BONAPARTE.
Au Caire, le 25 vendémiaire an 7 (15 octobre 1798).
Au même.
J'ai appris avec peine, citoyen général, ce qui est arrivé à Tenta: je désire que l'on respecte cette ville, et je regarderais comme le plus grand malheur qui pût arriver, que de voir ravager ce lieu saint aux yeux de tout l'Orient. J'écris aux habitans de Tenta, et je vais faire écrire par le divan général: je désire que tout se termine par la négociation.
Quant aux Arabes, tâchez de les faire se soumettre et qu'ils vous donnent des ôtages: écrivez leur à cet effet, et, s'ils ne se soumettent pas, tâchez de leur faire le plus de mal que vous pourrez.
BONAPARTE.
Au Caire, le 26 vendémiaire an 7 (17 octobre 1798).
Au directoire exécutif.
Citoyens directeurs, je vous fais passer le détail de quelques combats qui ont eu lieu à différentes époques et en différens lieux contre les mameloucks, diverses tribus d'Arabes, et quelques villages révoltés.
Combat de Rémeryeh.
Le général de brigade Fugières, avec un bataillon de la dix-huitième demi-brigade, est arrivé à Menouf dans le Delta, le 28 thermidor, pour se rendre à Mehalleh-el-kébyr, capitale de la Gharbyéh. Le village de Rémeryeh lui refusa le passage. Après une heure de combat, il repoussa les ennemis dans le village, les investit, les força, en tua deux cents, et s'empara du village. Il perdit trois hommes, et eut quelques blessés. Le citoyen Chênet, sous-lieutenant de la dix-huitième, s'est distingué.
Combat de Djémyleh.
Le général Dugua envoya, le premier jour complémentaire, le général Damas, avec un bataillon de la soixante-quinzième, reconnaître le canal d'Achmoun, et soumettre les villages qui refusaient obéissance. Arrivé au village de Djémyleh, un parti d'Arabes, réuni aux fellahs ou habitans, attaqua nos troupes. Les dispositions furent bientôt faites, et les ennemis repoussés. Le chef de bataillon du génie, Cazalès, s'est spécialement distingué.
Combat de Myt-Qamar.
Les Arabes de Derneh occupaient le village de Doundeh; environnés de tous côtés par l'inondation, ils se croyaient inexpugnables, et infestaient le Nil par leurs pirateries et leurs brigandages. Les généraux de brigade, Murat et Lanusse, eurent ordre d'y marcher, et arrivèrent le 7 vendémiaire. Les Arabes furent dispersés après une légère fusillade. Nos troupes les suivirent pendant cinq lieues, ayant de l'eau jusqu'à la ceinture. Leurs troupeaux, chameaux, et effets, sont tombés en notre pouvoir. Plus de deux cents de ces misérables ont été tués ou noyés. Le citoyen Niderwood, adjoint à l'état-major, s'est distingué dans ce combat.
Les Arabes sont à l'Égypte ce que les Barbets sont au comté de Nice; avec cette grande différence qu'au lieu de vivre dans les montagnes ils sont tous à cheval, et vivent au milieu des déserts. Ils pillent également les Turcs, les Égyptiens et les Européens. Leur férocité est égale à la vie misérable qu'ils mènent, exposés des jours entiers, dans des sables brûlans, à l'ardeur du soleil, sans eau pour s'abreuver. Ils sont sans pitié et sans foi. C'est le spectacle de l'homme sauvage le plus hideux qu'il soit possible de se figurer.
Le général Desaix est parti du Caire le 8 fructidor, pour se rendre dans la Haute-Égypte, avec une flottille de deux demi-galères, et six avisos. Il a remonté le Nil, et est arrivé à Benéçouef le 14 fructidor. Il mit pied à terre, et se porta par une marche forcée à Behnéce, sur le canal de Joseph. Mourad-Bey évacua à son approche. Le général Desaix prit quatorze barques chargées de bagage, de tentes, et quatre pièces de canon.
Il rejoignit le Nil le 21 fructidor, et arriva à Acyouth le 29 fructidor, se trouvant alors à plus de cent lieues du Caire, poussant devant lui la flottille des beys, qui se réfugia du côté de la cataracte.
Le cinquième jour complémentaire, il retourna à l'embouchure du canal de Joseph. Après une navigation difficile et pénible, il arriva le 12 vendémiaire à Behnéce.
Le 14 et le 15, il y eut diverses escarmouches qui préludèrent à la journée de Sédyman.
Bataille de Sédyman.
Le 16, à la pointe du jour, la division du général Desaix se mit en marche, et se trouva bientôt en présence de l'armée de Mourad-Bey, forte de cinq à six mille chevaux, la plus grande partie Arabes, et un corps d'infanterie qui gardait les retranchements de Sédyman, où il avait quatre pièces de canon.
Le général Desaix forma sa division, toute composée d'infanterie, en bataillon carré qu'il fit éclairer par deux petits carrés de deux cents hommes chacun.
Les mameloucks, après avoir longtemps hésité, se décidèrent, et chargèrent, avec d'horribles cris et la plus grande valeur, le petit peloton de droite que commandait le capitaine de la vingt-unième, Valette. Dans le même temps, ils chargèrent la queue du carré de la division, où était la quatre-vingt-huitième, bonne et intrépide demi-brigade.
Les ennemis sont reçus partout avec le même sang-froid. Les chasseurs de la vingt-unième ne tirèrent qu'à dix pas, et croisèrent leurs baïonnettes. Les braves de cette intrépide cavalerie vinrent mourir dans, le rang, après avoir jeté masses et haches d'armes, fusils, pistolets, à la tête de nos gens. Quelques-uns, ayant eu leurs chevaux tués, se glissèrent le ventre contre terre pour passer sous les baïonnettes, et couper les jambes de nos soldats; tout fut inutile: ils durent fuir. Nos troupes s'avancèrent sur Sédyman, malgré quatre pièces de canon, dont le feu était d'autant plus dangereux que notre ordre était profond; mais le pas de charge fut comme l'éclair, et les retranchemens, les canons et les bagages, nous restèrent.
Mourad-Bey a eu trois beys tués, deux blessés, et quatre cents hommes d'élite sur le champ de bataille; notre perte se monte à trente-six hommes tués et quatre-vingt-dix blessés.
Ici, comme à la bataille des Pyramides, les soldats ont fait un butin considérable. Pas un mamelouck sur lequel on n'ait trouvé quatre ou cinq cents louis.
Le citoyen Conroux, chef de la soixante-unième, a été blessé; les citoyens Rapp, aide-de-camp du général Desaix, Valette, et Sacro, capitaines de la vingt-unième, Geoffroy, de la soixante-unième, Géromme, sergent de la quatre-vingt-huitième, se sont particulièrement distingués.
Le général Friant a soutenu dans cette journée la réputation qu'il avait acquise en Italie et en Allemagne.
Je vous demande le grade de général de brigade pour le citoyen Robin, chef de la vingt-unième demi-brigade. J'ai avancé les différens officiers et soldats qui se sont distingués. Je vous en enverrai l'état par la première occasion.
BONAPARTE.
Le 26 vendémiaire an 6 (17 octobre 1798).
Au citoyen Barré, capitaine de frégate.
J'ai reçu, citoyen, le travail sur les passes d'Alexandrie, que vous m'avez envoyé. Vous avez dû depuis vous confirmer davantage dans les sondes que vous aviez faites. Je vous prie de me répondre à la question suivante:
Si un bâtiment de soixante-quatorze se présente devant le port d'Alexandrie, vous chargez-vous de le faire entrer?
BONAPARTE.
Au Caire, le 16 vendémiaire an 7 (17 octobre 1798).
Au général Marmont.
L'intrigant Abdalon, intendant de Mourad-Bey, est passé il y a trois jours à Chouara avec trente Arabes; on croit qu'il se rend dans les environs d'Alexandrie: je désirerais que vous pussiez le faire prendre; je donnerais bien 1,000 écus de sa personne; ce n'est pas qu'elle les vaille; mais ce serait pour l'exemple: c'est le même qui était à bord de l'amiral anglais. Si l'on pouvait parler à des Arabes, ces gens-là feraient beaucoup de choses pour 1,000 sequins.
BONAPARTE.
Au Caire, le 3 brumaire an 7 (23 octobre 1798).
Au même.
Nous avons eu hier et avant-hier beaucoup de tapage ici: mais tout est aujourd'hui tranquille. Le général Dupuy a été tué dans une rue, au premier moment de la révolte; Sullowski a été tué hier matin: j'ai été obligé de faire tirer des bombes et des obus sur la grande mosquée, pour soumettre un quartier qui s'était barricadé: cela a fait un effet très-considérable. Plus de quinze obus sont entrés dans la mosquée. Nous avons eu en différens points quarante ou cinquante hommes de tués. La ville a eu une bonne leçon, dont elle se souviendra long-temps, je crois.
J'ai reçu votre lettre du 26. Faites-nous passer le plus d'artillerie que vous pourrez: je vous ai demandé quelques pièces de 24 et quelques mortiers; il serait bien essentiel qu'il nous en arrivât.
BONAPARTE.
Au Caire, le 6 brumaire an 7 (27 octobre 1798).
Au général Reynier.
J'ai reçu, citoyen général, votre lettre du 4 brumaire, avec différens extraits des lettres du général Lagrange. Vous devez avoir reçu un convoi avec des cartouches et quatre pièces de canon, dont deux pour votre équipage de campagne, deux pour Salahieh, dans le cas que l'équipage par eau tardât à y arriver. La tranquillité est parfaitement rétablie au Caire. Notre perte se monte exactement à huit hommes tués dans les différens combats, vingt-cinq hommes malades qui, revenant de votre division, ont été assassinés en route, et une vingtaine d'autres personnes de différentes administrations et de différens corps, assassinées isolément. Les révoltés ont perdu un couple de milliers d'hommes. Toutes les nuits nous faisons couper une trentaine de têtes et beaucoup de celles des chefs: cela, je crois, leur servira d'une bonne leçon.
Ibrahim-Bey ne tardera pas, je crois, à se jeter dans le désert. Si quelques Arabes ont été le joindre, cela a été pour lui porter du blé et autres provisions. Il paraît qu'il y a à Gaza une grande disette. Au reste, si nous pouvions être prévenus à temps, il n'échapperait que difficilement.
Pour le moment, tenez-vous concentré à Salahieh et à Belbeis; punissez les différentes tribus arabes qui se sont révoltées contre vous; tâchez d'en obtenir des chevaux et des ôtages; faites activer, par tous les moyens possibles, les travaux de Belbeis, afin que l'on puisse y confier, d'ici à quelques jours, quelques pièces de canon; approvisionnez Salahieh le plus qu'il vous sera possible. La meilleure manière de punir les villages qui se sont révoltés, c'est de prendre le scheick El-Beled et de lui faire couper le cou, car c'est de lui que tout dépend.
Le général Andréossi est reparti de Peluse le 28; il y a trouvé de très-belles colonnes et quelques camées.
BONAPARTE.
Au Caire, le 6 brumaire an 7 (27 octobre 1798).
Au directoire exécutif.
Le 30 vendémiaire, à la pointe du jour, il se manifesta quelques rassemblemens dans la ville du Caire.
À sept heures du matin, une populace nombreuse s'assembla à la porte du cadhi, Ibrahim Ehctem Efendy, homme respectable par son caractère et ses moeurs. Une députation de vingt personnes des plus marquantes se rendit chez lui, et l'obligea à monter à cheval, pour, tous ensemble, se rendre chez moi. On partait, lorsqu'un homme de bon sens observa au cadhi que le rassemblement était trop nombreux et trop mal composé pour des hommes qui ne voulaient que présenter une pétition. Il fut frappé de l'observation, descendit de cheval, et rentra chez lui. La populace mécontente tomba sur lui et sur ses gens à coups de pierre et de bâton et ne manqua pas cette occasion pour piller sa maison.
Le général Dupuy, commandant la place, arriva sur ces entrefaites; toutes les rues étaient obstruées.
Un chef de bataillon turc, attaché à la police, qui venait deux cents pas derrière, voyant le tumulte et l'impossibilité de le faire cesser par douceur, tira un coup de tromblon. La populace devint furieuse; le général Dupuy la chargea avec son escorte, culbuta tout ce qui était devant lui, s'ouvrit un passage. Il reçut sous l'aisselle un coup de lance qui lui coupa l'artère: il ne vécut que huit minutes.
Le général Bon prit le commandement. Les coups de canon d'alarme furent tirés; la fusillade s'engagea dans toutes les rues; la populace se mit à piller les maisons des riches. Sur le soir, toute la ville se trouva à-peu-près tranquille, hormis le quartier de la grande mosquée, où se tenait le conseil des révoltés, qui en avaient barricadé les avenues.
À minuit, le général Dommartin se rendit avec quatre bouches à feu sur une hauteur, entre la citadelle et la qoubbeh, qui domine à cent cinquante toises la grande mosquée. Les Arabes et les paysans marchaient pour secourir les révoltés. Le général Lannes fit attaquer par le général Vaux quatre à cinq mille paysans qui se sauvèrent plus vite qu'ils n'auraient voulu; beaucoup se noyèrent dans l'inondation.
À huit heures du matin, j'envoyai le général Dumas avec de la cavalerie battre la plaine. Il chassa les Arabes au-delà de la qoubbeh.
À deux heures après midi, tout était tranquille hors des murs de la ville. Le divan, les principaux scheicks, les docteurs de la loi, s'étant présentés aux barricades du quartier de la grande mosquée, les révoltés leur en refusèrent l'entrée; on les accueillit à coups de fusil. Je leurs fis répondre à quatre heures par les batteries de mortiers de la citadelle, et les batteries d'obusiers du général Dommartin. En moins de vingt minutes de bombardement, les barricades furent levées, le quartier évacué, la mosquée entre les mains de nos troupes, et la tranquillité fut parfaitement rétablie.
On évalue la perte des révoltés de deux mille à deux mille cinq cents hommes; la nôtre se monte à seize hommes tués en combattant, un convoi de vingt-un malades revenant de l'armée, égorgés dans une rue, et à vingt hommes de différens corps et de différens états.
L'armée sent vivement la perte du général Dupuy, que les hasards de la guerre avaient respecté dans cent occasions.
Mon aide-de-camp Sullowsky allant, à la pointe du jour, le premier brumaire, reconnaître les mouvemens qui se manifestaient hors la ville, a été à son retour attaqué par toute la populace d'un faubourg; son cheval ayant glissé, il a été assommé. Les blessures qu'il avait reçues au combat de Salahieh n'étaient pas encore cicatrisées; c'était un officier de la plus grande espérance.
BONAPARTE.
Au Caire, le 9 brumaire an 7 (30 octobre 1798).
Au citoyen Braswich, chancelier interprète.
Vous vous embarquerez, citoyen, avec Ibrahim-Aga; vous vous rendrez avec lui à bord de la caravelle. Vous tâcherez de prendre tous les renseignemens possibles sur notre situation avec la Porte, et sur celle de notre ambassadeur à Constantinople et de l'ambassadeur ottoman à Paris.
Vous ferez connaître à l'officier qui commande la flottille turque le désir que j'aurais qu'il m'envoyât au Caire un officier distingué, pour conférer avec lui d'objets importans; que si les Anglais ne les laissent pas entrer à Alexandrie, ni à Rosette, il peut envoyer une frégate à Damiette, et que j'en profiterai pour écrire à Constantinople des choses également avantageuses aux deux puissances.
Je compte, pour cette mission importante, sur votre zèle et sur votre capacité.
BONAPARTE.
Au Caire, le 9 brumaire an 7 (30 octobre 1798).
Au général commandant à Alexandrie.
Vous ferez sortir, citoyen général, deux parlementaires, l'un sera le canot de la caravelle, sur lequel seront embarqués le turc Ibrahim Aga et le citoyen Braswich, qui s'habillera à la turque, s'il ne l'est pas.
Le second portera un officier de terre.
Vous ferez commander le canot par un officier intelligent qui puisse tout observer sans se mêler de rien.
Ces deux parlementaires sortiront en même temps du port: l'un portera pavillon tricolore et pavillon blanc; l'autre pavillon turc et pavillon blanc.
Sortis du port, le parlementaire français ira aborder l'amiral anglais; le parlementaire turc ira aborder l'amiral turc.
Vous écrirez à l'amiral anglais une lettre, dans laquelle vous lui direz que vous vous êtes empressé d'envoyer au Caire la lettre qu'il vous a écrite le 19 octobre; que la caravelle qui est à Alexandrie étant à la disposition du pacha d'Égypte, elle suivra les ordres que lui donnera ledit pacha; que celui-ci ayant jugé à propos d'envoyer un de ses officiers a bord de l'amiral turc, avant de donner ledit ordre, vous avez autorisé la sortie du parlementaire qui porte la chaloupe de la caravelle.
Vous aurez soin qu'aucun individu de la caravelle ne s'embarque sur son parlementaire, hormis les rameurs, qui devront être matelots.
L'officier de terre que vous enverrez à bord de l'amiral anglais se comportera avec la plus grande honnêteté: il remettra à l'amiral, comme par hasard, quelques journaux d'Égypte, et cherchera à tirer toutes les nouvelles possibles du continent. Il lui dira que je l'ai spécialement chargé de lui offrir tous les rafraîchissemens dont il pourrait avoir besoin.
Dans la nuit, le général Murat partira avec une partie de la soixante-quinzième; il se rendra à Rahmanieh, de là à Rosette, et de là à Aboukir ou à Alexandrie. Je juge cet accroissement de forces nécessaire pour vous mettre à même de vous opposer à toutes les entreprises que pourraient former les ennemis. Je fais disposer d'autres bâtimens pour vous envoyer d'autres troupes, et m'y transporter moi-même, si les nouvelles que je recevrai demain me le font penser nécessaire.
BONAPARTE.
Au Caire, le 14 brumaire an 7 (4 novembre 1798).
Au général Marmont.
Je reçois, citoyen général, vos lettres des 6 et 7. Puisque les Anglais ne tentaient leur descente qu'avec une vingtaine de chaloupes, il était évident qu'ils ne pouvaient débarquer que huit ou neuf cents hommes: c'eût donc été une bonne affaire de les laisser débarquer, vous nous auriez envoyé quelque colonel anglais prisonnier, qui nous aurait donné quelques nouvelles du continent.
Il est bien évident que les Anglais ne veulent tenter leur débarquement à Aboukir qu'en conséquence de quelque projet mal ourdi, où Mourad-Bey, ou de nombreuses cohortes d'Arabes, ou peut-être même des habitans, devaient combiner leurs mouvemens avec le leur. Puisque rien de tout cela n'est arrivé et que cependant ils tentaient de débarquer, c'était une bonne occasion dont on pouvait profiter. J'espère toujours que si le 9 ils ont voulu descendre, vous aurez eu le temps de vous préparer: vous pourrez les attirer dans quelque embuscade et leur faire un bon nombre de prisonniers.
Quant au fort d'Aboukir, ayant une enceinte et un fossé, il est à l'abri d'un coup de main, quand même les Anglais auraient effectué leur débarquement: cent hommes s'y renfermeraient dans le temps que l'on marcherait d'Alexandrie et de Rosette pour écraser les Anglais.
J'ai reçu des nouvelles de Constantinople: la Porte se trouve dans une position très-critique, et il s'en faut beaucoup qu'elle soit contre nous. L'escadre russe a demandé le passage par le détroit; la Porte le lui a refusé avec beaucoup de décision.
BONAPARTE.
Au Caire, le 19 brumaire an 7 (9 novembre 1798).
À son excellence le grand-visir.
J'ai eu l'honneur d'écrire à votre excellence le 13 messidor, à mon arrivée à Alexandrie; je lui ai écrit également le 5 fructidor par un bâtiment que j'ai expédié exprès de Damiette; je n'ai reçu aucune réponse à ces différentes lettres.
Je réitère cette troisième lettre pour faire connaître à votre excellence l'intention de la république française de vivre en bonne intelligence avec la sublime Porte. La nécessité de punir les mameloucks des insultes qu'ils n'ont cessé de faire au commerce français, nous a conduits en Égypte, tout comme, à différentes époques, la France a dû faire la même chose pour punir Alger et Tunis.
La république française est, par inclination comme par intérêt, amie du sultan, puisqu'elle est l'ennemie de ses ennemis; elle s'est positivement refusée à entrer dans la coalition qui a été faite avec les deux empereurs contre la Sublime Porte: les puissances qui se sont déjà précédemment partagé la Pologne ont le même projet contre la Turquie. Dans les circonstances actuelles la Sublime Porte doit voir l'armée française comme une amie qui lui est dévouée et qui est toute prête à agir contre ses ennemis.
Je prie votre excellence de croire que personnellement je désire concourir et employer mes moyens et mes forces à faire quelque chose qui soit utile au sultan, et puisse prouver à votre excellence l'estime et la considération avec laquelle je suis,
BONAPARTE.
Au Caire, le 21 brumaire an 7 (11 novembre 1798).
Au général Menou.
S'il se présentait, citoyen général, une ou deux frégates turques pour entrer dans le port d'Alexandrie, vous devez les laisser entrer. S'il se présentait plusieurs bâtimens de guerre turcs pour entrer dans le port d'Alexandrie, vous ferez connaître à celui qui les commande qu'il est nécessaire que vous me fassiez part de sa demande; vous pourrez même l'engager à envoyer quelqu'un au Caire, et, s'il persistait, vous emploierez la force pour l'empêcher d'entrer.
Si une escadre turque vient croiser devant le port et qu'elle communique directement avec vous, vous serez à même de prendre toute espèce d'information: vous lui ferez toute sorte d'honnêtetés.
Si elle ne communique avec nous que par des parlementaires anglais, vous ferez connaître à celui qui la commande combien cela est indécent et contraire au respect que l'on doit à la dignité du sultan, et vous l'engagerez à communiquer avec vous directement sans parlementaire anglais, lui faisant connaître que vous regarderez comme nulles toutes les lettres qui vous viendront par les parlementaires anglais.
BONAPARTE.
Au Caire, le 26 brumaire an 7 (16 novembre 1798).
Au citoyen Guibert, lieutenant des guides.
Vous vous rendrez, citoyen, à Rosette, en vous embarquant de suite sur la Diligence. Vous remettrez les lettres ci-jointes, au général Menou; vous aurez avec vous un Turc nommé Mohammed-Tehaouss, lieutenant de la caravelle qui est à Alexandrie.
Vous vous embarquerez à Rosette sur un canot parlementaire, que le contre-amiral Perrée vous fournira. Vous vous rendrez à bord de l'amiral anglais avec votre Turc, qui remettra une lettre dont il est porteur à l'officier qui commande la flottille turque.
Vous resterez quelques heures avec l'amiral anglais: vous lui remettrez sans prétention les différens journaux égyptiens et les numéros de la décade; vous tâcherez qu'il vous remette les journaux qu'il pourrait avoir reçus d'Europe; vous laisserez échapper dans la conversation que je reçois souvent des nouvelles de Constantinople par terre. S'il vous parle de l'escadre russe qui assiége Corfou, vous lui laisserez d'abord dire tout ce qu'il voudra, après quoi vous lui direz que j'ai des nouvelles en date de vingt jours de Corfou; vous lui ferez sentir que vous ne croyez pas à la présence de l'escadre russe devant Corfou, parce que, si les Russes avaient des forces dans ces mers, ils ne seraient pas assez dupes de ne pas être devant Alexandrie; vous lui direz, comme par inadvertance, qu'il attribuera facilement à votre jeunesse, que, depuis les premiers jours de septembre, tous les jours, je fais partir un officier pour la France; que plusieurs de mes aides-de-camp ont été expédiés, et entre autres, mon frère, que vous direz parti depuis vingt-cinq jours. S'il vous demande d'où ils partent, vous direz que vous ne savez pas d'où tous sont partis; mais que, pour mon frère, il est parti d'Alexandrie.
Vous leur demanderez des nouvelles de la frégate la Justice, sur laquelle vous direz avoir un cousin; vous demanderez où elle se trouve: s'il ne la connaissait pas, vous la lui désigneriez comme une de celles qui s'en sont allées avec l'amiral Villeneuve.
Vous leur direz que je suis dans ce moment-ci à Suez et que vous croyez que vous me trouverez de retour; vous lui direz, mais très-légèrement, que vous croyez qu'il est arrivé un très-grand nombre de bâtimens à Suez, venant de l'Île de France.
Vous lui direz que le premier parlementaire qu'il aurait à m'envoyer, je désirerais qu'il vînt à Rosette, et que j'avais donné l'ordre qu'il vînt au Caire, et que, dans ce cas, je désirerais qu'il nommât quelqu'un qui eût sa confiance et qui fût intelligent.
Vous lui direz également que, s'ils ont de la difficulté à faire de l'eau ou qu'ils aient difficilement des choses qui puissent leur être agréables, vous savez que mon intention est de les leur faire fournir; vous leur raconterez que devant Mantoue, sachant que le maréchal de Wurmser avait une grande quantité de malades, je lui avais envoyé beaucoup de médicamens, générosité qui avait beaucoup étonné le vieux maréchal; que je lui faisais passer tous les jours six paires de boeufs et toutes sortes de rafraîchissemens; que j'avais été très-satisfait de la manière dont ils avaient traité nos prisonniers.
Enfin, vous rentrerez à Rosette avec votre Turc sans toucher Alexandrie. Si le contre-amiral Perrée préférait vous faire partir d'Aboukir sur la chaloupe de l'Orient, vous vous y rendriez.
Vous reviendriez à Aboukir, et de là à Rosette, et descendrez avec votre Turc au quartier-général.
BONAPARTE.
Au Caire, le 26 brumaire an 7 (16 novembre 1798).
Au directoire exécutif.
Je vous fais passer la note des combats qui ont eu lieu à différentes époques et sur différens points de l'armée.
Les Arabes du désert de la Lybie harcelaient la garnison d'Alexandrie. Le général Kléber leur fit tendre une embuscade; le chef d'escadron Rabasse, à la tête de cinquante hommes du quatorzième de dragons, les surprit le 5 thermidor et leur tua quarante-trois hommes.
À la sollicitation de Mourad-Bey et des Anglais, les Arabes s'étaient réunis et avaient fait une coupure au canal d'Alexandrie, pour empêcher les eaux d'y arriver. Le chef de brigade Barthélémy, à la tête de six cents hommes de la soixante-neuvième, cerna le village de Birk et Glathas, la nuit du 27 fructidor, tua plus de deux cents hommes, pilla et brûla le village. Ces exemples nécessaires rendirent les Arabes plus sages, et, grâces aux peines et à l'activité de la quatrième d'infanterie légère, les eaux sont arrivées, le 14 brumaire, à Alexandrie en plus grande abondance que jamais. Il y en a pour deux ans. Le canal nous a servi à approvisionner de blé Alexandrie, et à faire venir nos équipages d'artillerie à Djyzéh.
Le général Andréossi, après différens combats sur le lac Menzaléh, est arrivé, le 29 vendémiaire, sur les ruines de Peluse. Il y a trouvé plusieurs antiques, entre autres un fort beau camée; il y a dressé la carte de ce lac et de ses sondes avec la plus grande exactitude. Nous avons dans ce moment beaucoup de bâtimens armés dans ce lac. Il ne reste plus que deux branches, celle d'Ommfaredje et celle de Dybéh, peu de traces de celle de Peluse.
Deux jours après que la populace du Caire se fut révoltée, les Arabes accoururent de différens points du désert, et se réunirent devant Belbeis. Le général Reynier les repoussa partout; un seul coup de canon à mitraille en tua sept: après différens petits combats ils disparurent, et quelque temps après se sont soumis.
Quelques djermes, chargées de chevaux nous appartenant, ont été pillées par les habitans du village de Ramleh, et deux dragons ont été tués. Le général Murat s'y est porté, a cerné le village, et a tué une centaine d'hommes.
Le général Lanusse, instruit que le célèbre Abouché'ir, un des principaux brigands du Delta, était à Kafr-Khaïr, l'a surpris la nuit du 29 vendémiaire, a cerné sa maison, l'a tué, lui a pris trois pièces de canon, quarante fusils, cinquante chevaux, et beaucoup de subsistances.
Les Anglais, avec quinze chaloupes canonnières et quelques petits bâtimens, se sont approchés du fort d'Aboukir, les 3, 4, 6 et 7 brumaire. Ils ont eu plusieurs chaloupes coulées bas: l'ordre était donné de les laisser débarquer; ils ne l'ont pas osé faire. Ils doivent avoir perdu quelques hommes; nous en avons eu deux blessés et un de tué: le citoyen Martinet, commandant la légion nubique, s'est distingué.
Depuis la bataille de Sédyman, le général Desaix était dans le Faïoum. Dans cette saison, on ne peut en Égypte aller ni par eau, il n'y en a pas assez dans les canaux; ni par terre, elle est marécageuse et pas encore sèche: ne pouvant donc poursuivre Mourad-Bey, le général Desaix s'occupa à organiser le Faïoum.
Cependant Mourad-Bey en profita pour faire courir le bruit qu'Alexandrie était pris, et qu'il fallait exterminer tous les Français. Les villages se refusèrent à rien fournir au général Desaix, qui se porta, le 19 brumaire, pour punir le village de Céruni (Chérùnéh) qui était soutenu par deux cents mameloucks; une compagnie de grenadiers les mit en déroute. Le village a été pris, pillé et brûlé; l'ennemi a perdu quinze à seize hommes.
Dans le même temps, cinq cents Arabes, autant de mameloucks, et un grand nombre de paysans, se portaient à Faïoum pour enlever l'ambulance. Le chef de bataillon de la vingt-unième, Epler, sortit au devant des ennemis, les culbuta par une bonne fusillade, et les poussa la baïonnette dans les reins. Une soixantaine d'Arabes, qui étaient entrés dans les maisons pour piller, ont été tués; nous n'avons eu, dans ces différens combats, que trois hommes tués et dix de blessés.
BONAPARTE.
Au Caire, le 28 brumaire an 7 (18 novembre 1798).
À l'ordonnateur Leroy.
Le capitaine du navire le Santa-Maria, qui a acheté ou volé quatre pièces de canon de 2, un câble et un grappin, de concert avec un matelot français, sera condamné a payer 6,000 fr. d'amende, qui seront versés dans la caisse du payeur.
BONAPARTE.
Au Caire, le 29 brumaire an 7 (19 novembre 1798).
À Djezzar-Pacha.
Je ne veux pas vous faire la guerre, si vous n'êtes pas mon ennemi; mais il est temps que vous vous expliquiez. Si vous continuez à donner refuge et à garder sur les frontières de l'Égypte Ibrahim-Bey, je regarderai cela comme une marque d'hostilité, et j'irai à Acre.
Si vous voulez vivre en paix avec moi, vous éloignerez Ibrahim-Bey à quarante lieues des frontières de l'Égypte, et vous laisserez libre le commerce entre Damiette et la Syrie.
Alors, je vous promets de respecter vos états, de laisser la liberté entière au commerce entre l'Égypte et la Syrie, soit par terre, soit par mer.
BONAPARTE.
Au Caire, le 3 frimaire an 7 (23 novembre 1798).
Au général Menou.
Faites sentir, citoyen général, au conseil militaire combien il est essentiel d'être sévère contre les dilapidateurs qui vendent la subsistance des soldats. C'est par ce manège-là qu'ils nous ont vendu tout le vin que nous avons apporté de France. Par la seule raison qu'il ne surveille pas des dilapidations aussi publiques, le commissaire des guerres est coupable, et mérite une punition exemplaire.
BONAPARTE.
Au Caire, le 3 frimaire an 7 (23 novembre 1798).
Au scheick El-Messiri.
J'ai vu avec plaisir votre heureuse arrivée à Alexandrie; cela contribuera à y maintenir la tranquillité et le bon ordre. Il serait essentiel que vous et les notables d'Alexandrie, prissiez des moyens pour détruire les Arabes et les forcer à une manière de vivre plus conforme à la vertu. Je vous prie aussi de faire veiller les malintentionnés qui débarquent à deux ou trois lieues d'Alexandrie, se glissent dans la ville et y répandent des faux bruits qui ne tendent qu'à troubler la tranquillité.
Sous peu, je ferai travailler au canal d'Alexandrie, et j'espère qu'avant six mois l'eau y viendra en tout temps.
Quant à la mer, persuadez-vous bien qu'elle ne sera pas long-temps à la disposition de nos ennemis. Alexandrie réacquerra son ancienne splendeur, et deviendra le centre du commerce de tout l'Orient; mais vous savez qu'il faut quelque temps. Dieu même n'a pas fait le monde en un seul jour.
BONAPARTE.
Au Caire, le 5 frimaire an 7 (25 novembre 1798).
Au directoire exécutif.
Je vous envoie, par le citoyen Sucy, ordonnateur de l'armée, un duplicata de la lettre que je vous ai écrite le 1er. frimaire, et que je vous ai expédiée par un de mes courriers, et le quadruplicata de celle que je vous ai écrite le 30 vendémiaire, et que je vous ai également expédiée par un de mes courriers, et enfin tous les journaux, ordres du jour et relations que je vous ai fait passer par mille et une occasions.
L'ordonnateur Sucy est obligé de se rendre en France pour y prendre les eaux, par suite de la blessure qu'il a reçue dans les premiers jours de notre arrivée en Égypte. Je l'engage à se rendre à Paris, où il pourra vous donner tous les renseignemens que vous pourrez désirer sur la situation politique, administrative et militaire de ce pays.
Nous attendons toujours avec une vive impatience des courriers d'Europe.
L'ordonnateur Daure remplit en ce moment les fonctions d'ordonnateur en chef.
Comme nos lazarets sont établis à Alexandrie, Rosette et Damiette, je vous prie d'ordonner qu'il ne soit pas fait de quarantaine pour les bâtimens qui viennent d'Égypte, dès l'instant qu'ils auront une patente en règle. Vous pouvez être sûrs que nous serons extrêmement prudens, et que nous ne donnerons point de patente, dès qu'il y aura le moindre soupçon.
Nous sommes, au printemps, comme en France au mois de mai.
Je me réfère, sur la situation politique et militaire de ce pays, aux lettres que je vous ai précédemment écrites.
J'envoie en France une quarantaine de militaires estropiés ou aveugles: ils débarqueront en Italie ou en France: je vous prie de les recommander à nos généraux et à nos ambassadeurs en Italie, en cas qu'ils débarquent dans un port neutre.
BONAPARTE.
Au Caire, le 9 frimaire an 7 (29 novembre 1798).
Au général Marmont.
L'état-major vous ordonne, citoyen général, de prendre le commandement de la place d'Alexandrie. Je fais venir le général Manscourt au Caire, parce que j'ai appris que le 24 il a envoyé un parlementaire aux Anglais sans m'en rendre compte, et que d'ailleurs sa lettre à l'amiral anglais n'était pas digne de la nation. Je vous répète ici l'ordre que j'ai donné, de ne pas envoyer de parlementaire aux Anglais sans mon ordre. Qu'on ne leur demande rien. J'ai accoutumé les officiers qui sont sous mes ordres, à accorder des grâces et non à en recevoir.
J'ai appris que les Anglais avaient fait quatorze prisonniers à la quatrième d'infanterie légère; il est extrêmement surprenant que je n'en aie rien su.
Secouez les administrations, mettez de l'ordre dans cette grande garnison, et faites que l'on s'aperçoive du changement de commandant.
Écrivez-moi souvent et dans le plus grand détail. Je savais depuis trois jours la nouvelle que vous m'avez écrite, des lettres venues de Saint-Jean d'Acre.
Renvoyez d'Alexandrie tous les hommes isolés qui devraient être à l'armée. Ayez soin que personne ne s'en aille qu'il n'ait son passeport en règle; que ceux qui s'en vont n'emmènent point de domestiques avec eux, surtout d'hommes ayant moins de trente ans, et qu'ils n'emportent point de fusils.
BONAPARTE.
Au Caire, le 9 frimaire an 7 (29 novembre 1798).
Au général Ganteaume.
Je vous prie, citoyen général, de faire expédier d'Alexandrie à Malte un bon marcheur du convoi, avec des dépêches pour le contre-amiral Villeneuve. Vous lui ferez connaître le désir que j'aurais qu'il pût, par le moyen de ses frégates, nous envoyer des nouvelles d'Europe. Les frégates pourraient venir à Damiette où les ennemis ne croisent pas.
Vous lui ferez connaître que depuis Alexandrie jusqu'à la bouche d'Orum Faredge, à vingt heures est de Damiette, toute la côte est à nous, et qu'en reconnaissant un point quelconque de cette côte, et mettant un canot à la mer avec cinquante hommes armés dedans, les dépêches nous parviendront très-certainement.
Vous lui direz que nous ne sommes bloqués ici que par deux vaisseaux et une ou deux frégates: s'il pouvait paraître ici avec trois ou quatre vaisseaux qu'il a à Malte, et deux ou trois frégates, il pourrait enlever la croisière anglaise; que nos bâtimens de guerre qu'il sait que nous avons à Alexandrie, sont organisés et pourraient sortir pour lui donner des secours.
Vous donnerez pour instructions à ce bâtiment de ne point se présenter devant le port de Malte, mais dans la cale de Massa-Sirocco.
Expédiez un autre bâtiment grec ou du convoi à Corfou pour faire connaître à celui qui commande les forces navales dans ce port, combien il est nécessaire qu'il nous expédie un aviso avec toutes les nouvelles qu'il pourrait avoir à Corfou, d'Europe, de l'Albanie, de la Turquie, et de tout ce qui s'est passé de nouveau dans ces mers. Donnez-lui également une instruction du point où il doit aborder.
Expédiez un troisième bâtiment du convoi, si vous pouvez, un bâtiment impérial, au commandant des bâtimens de guerre à Ancône. Vous lui direz que je désire qu'il m'expédie un aviso pour me faire connaître la situation de ses bâtimens, et qu'il m'envoye toutes les nouvelles, et entre autres toutes les gazettes françaises et italiennes depuis notre départ.
Vous lui donnerez également une instruction sur la marche que doit tenir l'aviso.
Vous expédierez un quatrième bâtiment du convoi, bon voilier, pour se rendre à Toulon, avec une lettre pour le commandant des armes, dans laquelle vous lui ferez connaître notre situation dans ce pays, et la nécessité où nous nous trouvons qu'il nous fasse passer des nouvelles de France et les ordres du gouvernement, en évitant Alexandrie, et en venant aborder, soit à Bourlas, soit à Damiette, soit à la bouche d'Orum-Faredge.
Vous ordonnerez au bâtiment de Toulon de passer entre le cap Bon et Malte, d'éviter l'un et l'autre, de doubler les îles Saint-Pierre, et de passer entre la Corse et les îles Minorques. Si les vents le contrariaient ou qu'il apprît la présence des ennemis, il pourrait aborder en Corse ou dans un port d'Espagne.
Sur chacun de ces trois ou quatre bâtimens, vous mettrez un aspirant de la marine ou un officier marinier, qui sera porteur de vos dépêches, et qui devra en rapporter la réponse. Vous leur donnerez toutes les instructions nécessaires à cet égard, et vous leur ferez bien connaître la manière dont ils doivent se conduire à leur retour. Il sera promis une gratification aux patrons des navires qui retourneront et nous rapporteront des nouvelles du continent.
Je vous enverrai, dans la matinée de demain, quatre paquets, dont seront porteurs ces quatre officiers. Vous leur ordonnerez de les garder, en les cachant; s'ils étaient pris par les Anglais, je préfère qu'ils soient pris, plutôt que de les jeter à la mer.
Il n'y a que des imprimés dans ces paquets.
BONAPARTE.
Au Caire, le 10 frimaire an 7 (30 novembre 1798).
Au général Menou.
Si la contribution ne rentre pas, faites parcourir, citoyen général, une colonne mobile dans toute la province de Rosette, village par village, avec l'intendant, l'agent français et un officier intelligent; à mesure qu'ils passeront dans un village, ils exigeront les chevaux et la contribution.
Vous verrez qu'elle rentrera très-promptement.
BONAPARTE.
Au Caire, le 11 frimaire an 7 (1er décembre 1798).
Au général Bon.
Vous vous rendrez, citoyen général, demain à Birket-el-Adji. Vous partirez après-demain avant le jour de cet endroit pour vous rendre, avec la plus grande diligence possible à Suez. Il serait à désirer que vous pussiez y arriver le 14 au soir, ou le 15 avant midi.
Vous m'enverrez un exprès arabe, tous les jours, auquel vous ferez connaître que je donnerai plusieurs piastres lorsqu'ils me remettront vos lettres.
Vous aurez avec vous, indépendamment des troupes que le chef de l'état-major vous a annoncées, le citoyen Collot, enseigne de vaisseau avec dix matelots et le moallem ... qui aura aussi huit ou dix de ses gens avec lui.
Vous trouverez, à Suez, toutes les citernes, que j'ai fait remplir.
Votre premier soin sera, en arrivant, de nommer un officier pour commander la place. Le citoyen Collot remplira les fonctions de commandant des armes du port, et les officiers du génie et d'artillerie qu'y envoient les généraux Caffarelli et Dommartin, commanderont ces armes dans cette place; le moallem ... remplira les fonctions de mazir ou inspecteur des douanes.
Votre première opération sera de remplir toutes les citernes qui ne sont pas pleines, et de faire un accord avec les Arabes de Thor, pour qu'ils continuent à vous fournir toute l'eau existant dans les citernes, en réserve.
Vous ferez retrancher, autant qu'il sera possible, tout le Suez ou une partie de Suez, de manière à être à l'abri des attaques des Arabes, et avoir une batterie de gros canons qui battent la mer.
Vous vivrez dans la meilleure intelligence avec tous les patrons des bâtimens venant de Jambo ou de Djedda, et vous leur écrirez, pour les assurer qu'ils peuvent en toute sûreté continuer le commerce, qu'ils seront spécialement protégés.
Vous tâcherez de vous procurer, parmi les bâtimens qui vont à Suez, une ou deux felouques des meilleures qui se trouvent dans ce port, que vous ferez armer en guerre.
Vingt-quatre heures après votre arrivée, vous m'enverrez toujours, par des Arabes et par duplicata, un mémoire sur votre situation militaire, sur celle des citernes et sur la situation du pays et le nombre des bâtimens.
Vous ferez tout ce qui sera possible pour encourager le commerce et rien pour l'alarmer.
Dès l'instant que je saurai votre arrivée, je vous enverrai un second convoi de biscuit.
Vous ferez commencer sur-le-champ les travaux nécessaires pour mettre tout le Suez ou une partie de Suez à l'abri des attaques des Arabes, et si vous ne trouvez pas dans cette place un assez grand nombre de pièces pour mettre en batterie, indépendamment des deux que vous emmènerez avec vous, je vous en ferai passer d'autres.
Mon intention est que vous restiez dans cette place assez de temps pour faire des fortifications, afin que la compagnie Omar, les marins et les canonniers suffisent pour la défense contre les entreprises des Arabes, et si ces forces n'étaient pas suffisantes, vous me le manderez: alors je les renforcerai de quelques troupes grecques.
Je vous recommande de m'écrire, par les Arabes, deux fois par jour.
Vous m'enverrez toutes les nouvelles que vous pourrez recueillir, soit sur la Syrie, soit sur Djedda ou la Mecque.
BONAPARTE.
Au Caire, le 12 frimaire an 7 (2 décembre 1798).
Au général Marmont.
Vous ferez réunir chez vous, citoyen général, dans le plus grand secret, le contre-amiral Perrée, le chef de division Dumanoir, le capitaine Barré.
Vous dresserez un procès-verbal de la réponse qu'ils feront aux questions suivantes, que vous signerez avec eux.
Première question. Si la première division de l'escadre sortait, pourrait-elle, après une croisière, rentrer dans le port neuf ou dans le port vieux, malgré la croisière actuelle des Anglais?
Seconde question. Si le Guillaume-Tell paraissait avec le Généreux, le Dégo, l'Arthémise, et les trois vaisseaux vénitiens que nous avons laissés à Toulon et qui sont actuellement réunis à Malte, la croisière anglaise serait obligée de se sauver: se charge-t-on de faire entrer l'amiral Villeneuve dans le port?
Troisième question. Si la première division sortait pour favoriser sa rentrée, malgré la croisière anglaise, ne serait-il pas utile, indépendamment du fanal que j'ai ordonné qu'on allumât au phare, d'établir un nouveau fanal sur la tour du Marabou? Y aurait-il quelques autres précautions à prendre?
Si, dans la solution de ces trois questions, il y avait différence d'opinions, vous ferez mettre dans le procès-verbal l'opinion de chacun.
Je vous ordonne qu'il n'y ait à cette conférence que vous quatre. Vous commencerez par leur ordonner le plus grand secret.
Après que le conseil aura répondu à ces trois questions et que le procès-verbal sera clos, vous poserez cette question:
Si l'escadre du contre-amiral Villeneuve partait le 15 frimaire de Malte, de quelle manière s'apercevrait-on de son arrivée à la hauteur de la croisière? Quels secours les forces navales actuelles du port pourraient elles lui procurer? et de quel ordre aurait besoin le contre-amiral Perrée pour se croire suffisamment autorisé à sortir?
Combien de temps faudrait-il pour jeter les bouées pour désigner la passe?
Les frégates la Carrère, la Muiron et le vaisseau le Causse seraient-ils dans le cas de sortir?
Après quoi vous poserez cette question:
Les frégates la Junon, l'Alceste, la Carrère, la Courageuse, la Muiron, les vaisseaux le Causse, le Dubois, renforcés chacun par une bonne garnison de l'armée de terre et de tous les matelots européens qui existent à Alexandrie, seraient-ils dans le cas d'attaquer la croisière anglaise, si elle était composée de deux vaisseaux et d'une frégate?
Vous me ferez passer le procès-verbal de cette séance dans le plus court délai.
BONAPARTE.
Au Caire, le 13 frimaire an 7 (3 décembre 1798).
Au même.
J'ai donné, citoyen général, plusieurs ordres pour que tous les matelots existant à bord du convoi et ayant moins de vingt-cinq ans, de quelque nation qu'ils soient, fussent envoyés au Caire, ainsi que tous les matelots napolitains provenant des bâtimens brûlés par les Anglais. L'un et l'autre de ces ordres ont été mal exécutés, puisque les Napolitains étaient seuls plus de trois cents, et qu'il était impossible que tout le convoi ne contînt au moins cinq ou six cents personnes dans le cas de la réquisition que je fais.
Vous sentez facilement combien il est essentiel, dans la position où est l'armée, qu'elle trouve dans les convois qui sont sur le point de passer en Europe, de quoi se recruter des pertes que peut lui avoir occasionnées, en différons événemens, la conquête de l'Égypte.
Indépendamment de cette raison, j'attachais une grande importance à intéresser à notre opération un grand nombre de marins de nations différentes, lesquelles, par-là, se trouveraient plus à portée de nous donner des nouvelles, et ce que nous avons besoin de France. Je vous prie donc, citoyen général, de vous concerter avec le citoyen Dumanoir, commandant des armes, et de prendre des mesures efficaces pour que, dans le plus court délai, tous les jeunes matelots, italiens, espagnols, français, etc., évacuent Alexandrie et soient envoyés a Boulac.
Veillez à ce qu'aucun bâtiment, en sortant du port, n'emmène avec lui de jeunes matelots qui pourraient nous servir.
BONAPARTE.