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Variétés Historiques et Littéraires (02/10): Recueil de pièces volantes rares et curieuses en prose et en vers

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Sainct François a suyvi la trace
(Ce dict des Cordeliers la race)
De Jesus-Christ, et contrefaict
Tout ce que Jesus-Christ a faict,
Et ne s'est trouvé en ce monde
Qu'un sainct François qui le seconde.

Jesus-Christ fut bien povre icy,
Et sainct Françoys le fut aussy,
Qui nous delegua sa besace.

Jesus-Christ seul, à sa menace,
Fit taire les vents et les eaux,
Nostre sainct François les oyseaux.

Jesus-Christ repeut cinq mille hommes,
Et sainct François, à qui nous sommes,
En entretient par son secours
Plus de dix mille tous les jours,
Gras, enbonpoinct, sans s'entremettre
De mestier où la main faut mettre.

Jesus aux enfers devala:
Saint François aussi y alla.

Jesus-Christ est monté en gloire,
Emportant d'enfer la victoire:
Ils sont differents en ce poinct,
Car sainct François n'en revint poinct.

L'Ouverture des jours gras, ou l'Entretien du Carnaval.

A Paris, chez Michel Blageart, rue de la Calandre, à la Fleur de Lys.

M. DC. XXXIV.

In-8.

Ceux quy nous apportent la muscade, le poivre et les clous de girofle qu'on met dans les pastez en ces jours gras, sçavent en quel climat sont situées les isles Molucques et combien il y fait chaud; et cependant l'autheur de l'histoire de Quixaire[322], princesse de ce pays, fait une remarque digne d'admiration, disant qu'elle avoit le teint fort blanc et les cheveux blonds, ce quy est une merveille aussy bien que de voir les Italiennes ne cedder rien en blancheur aux dames françoises. La raison de cest estonnement est que, chaque chose ayant son lieu, il semble qu'il ne se doit pas rencontrer des visages blancs en ces contrées. Ainsy on peut dire que le lieu naturel des filles de joie à Paris est les marests du Temple et le fauxbourg Sainct-Germain[323], comme le vray lieu de la comedie est l'hostel de Bourgongne.

Cela supposé, on peut dire aussy que chaque chose a sa propriété, comme les pistaches ont la vertu d'eschauffer au huictiesme degré, les cervelas et les langues parfumées d'alterer au dernier poinct, le vin blanc de faire pisser, le pavot et le vin muscat d'endormir merveilleusement, et la beauté de charmer.

Par la mesme raison chaque chose a aussy son temps: il y a un temps pour coudre et filer, temps de manger et de boire, temps de chanter et de dancer, temps de pleurer et de rire, qui est premierement le temps de ceste quinzaine grasse. Or il faut croire que quand une chandelle se veut esteindre elle jette une plus grande flamme, ce quy est un presage de sa mort; aussi il semble que, par une antiperistaze des jours maigres quy approchent, les jours gras se renforcent et rassemblent toute la joie quy est esparse le tout au long et au large de l'année. C'est donc avec juste raison que toute l'antiquité a destiné ces jours aux plaisirs, à la volupté et aux ris.

Mais, pour vous faire rire, que pourroit-on vous representer maintenant? car, selon l'ancien proverbe, il ne se dit rien à ceste heure quy n'ait esté dit. Et vous sçavez comme les choses repetées et redittes sont ennuyeuses. Pour preuve de ceste verité, vous voyez combien c'est chose desplaisante de voir toujours une table chargée de mesmes viandes, d'ouyr toujours une mesme farce à l'hostel de Bourgogne, et de regarder toujours de mesmes tableaux à la foire Sainct-Germain.

Il faut donc inventer quelque sujet nouveau, et une methode nouvelle quy n'ait esté empruntée d'aucun livre, d'aucun autheur, où Aristote n'ait jamais pensé, où Platon n'ait jamais jeté les yeux ny l'esprit, que les orateurs n'eussent jamais deviné ni ne devineront jamais si on ne leur en montre le chemin, et où personne ne s'attend peut-estre.

Formez-vous donc, s'il vous plaist, hommes et femmes, filles et garçons, jeunes et vieux, grands et petits, pauvres et riches, car tous vous estes capables de rire; formez-vous, dy-je, dans l'esprit la plus agreable idée des choses les plus plaisantes et facetieuses quy soient dans la nature; peignez-vous toutes les grosses monstrousitez du monde grotesque, mais plus raisonnablement l'image amoureuse de l'incomparable mardy-gras; figurez-vous cest object comme un des plus grands et gros homme quy ait jamais esté, en comparaison duquel les geants ne soient que des nains, ayant la teste ombragée d'un arpent de vignes et couronnée de jambons, entouré d'une echarpe de cervelas et d'autres allumettes à vin, tout chargé de bouteilles, à quy le vin de Grave, de Muscat, de Espagne, d'Hipocras, font hommage comme à un grand seigneur, foulant desdaigneusement aux pieds les pots de confitures et les boetes de dragées, des pyramides de sucre et des flacons de sirop et forests de canelles, avec ceste infirmité naturelle, quy n'ose regarder derrière luy, non plus qu'Orphée, de peur d'y voir le caresme pasle et hideux.

Figurez-vous donc bien ceste image, si vous pouvez, et je croy que tout ce que les poètes ont dit des rencontres joyeuses de Momus, ce n'est rien au prix de cecy pour vous faire rire.

Que si vous estes difficiles à esmouvoir, allez-vous-en à pied ou en carrosse à la foire de Sainct-Germain, et là vous verrez des joueurs de torniquets, de goblets, de marionnettes, danceurs de corde, preneurs de tabac[324], charlatans, joueurs de passe-passe[325], et mille autres apanages de la folie[326], que l'on peut mieux penser que de dire; sur tout ne vous laissez pas piper aux dez ou tromper à la blanche[327], car cela troublerait la joie et vous empescheroit de rire.

Ou si vous ne voulez aller si loin, il ne faut qu'aller à l'hostel de Bourgongne, et eussiez eu envie d'y achepter quelque chose, tant les marchands avoient de grace pour attirer le monde, veu qu'on representoit la foire de Sainct-Germain[328]; et comme on commence par mettre les fauxbourgs dans la ville[329], Sainct-Germain et la foire estoit en l'hostel de Bourgongne.

Là vous eussiez veu et pouvez voir encore, si vous le voulez, une image parfaicte et accomplie de ceste dicte foire, une decoration superbe, des acteurs vestuz à l'advantage, la naïveté dans les vers accommodez au subject; vous eussiez veu les plus exquises peintures de Flandres, où presidoit Catin, noble fille de Guillot Gorju; vous eussiez veu Guillaume le Gros[330], dans une boutique d'orfèvre, apprester à rire à tout le monde, et dont vous ririez encore sans une fascheuse reflexion que l'on faisoit, voyant manger des dragées de Verdun à ceux quy estoient sur le theatre sans en manger, car il n'y avoit rien de si triste que de voir manger les autres et ne pas manger soy-mesme, et estre comme un Tantale dans les eaux.

Mais si vous avez perdu ceste occasion de rire, recompensez-vous-en par autre chose; allez-y tout le long de ceste quinzaine, et vous n'y manquerez pas de rire, ou il faudra que vous ayez la bouche cousue. Vous y verrez le Clitophon[331] de Monsieur Durier, autheur de l'Alcymedon[332]; ensuitte vous verrez le Rossyleon du mesme autheur[333], pièce que tout le monde juge estre un des rares subjects de l'Astrée; après vous y verrez la Dorise ou Doriste de l'auteur de la Cléonice[334], et, pour la bonne bouche et closture des jours gras, l'Hercule mourant ou déifié de Monsieur de Rotrou[335], pièces quy sont autant d'aimans attractifs pour y faire venir non seulement les plus graves d'entre les hommes, mais les femmes les plus chastes et modestes, quy ne veulent plus faire autre chose maintenant que d'y aller; ce quy fait qu'on ne s'estonne pas si les maris, par un si long tems, avoient deffendu et interdict l'entrée de l'hostel de Bourgongne à leurs femmes, quy perdent presque la memoire de leurs loges quand elles ont veu representer en ce lieu quelque pièce si belle, comme autrefois ceux quy avoient gousté une fois de lotes[336] perdoient entierement la memoire de leur pays et de leur maison.

Que si toutes ces agreables merveilles n'ont encore le pouvoir de vous faire rire, jetez-vous sur la lecture des autheurs facetieux; lisez le Songe et visions joyeuses du Gros-Guillaume[337], nouvellement imprimés depuis la mort du predecesseur de Guillot Gorju[338], ou demandez aux colporteurs jurez son Apologie, et ils vous la donneront moyennant de l'argent. Repassez aussy surtout ce quy s'est dit, fait et passé dans les Champs-Elysées[339].

En un mot, lisez les Grotesques de tous les esprits romanesques.

Et si tout cela est encore trop fade, attendez à la cause grasse[340]: vous ne devez laisser eschapper ceste occasion de la voir plaider et de faire vos efforts d'entrer en ce lieu avec vos femmes, car il faut advouer que plusieurs parlent de la cause grasse quy ne savent ce que c'est, et quy croyent que ce soit une chose quy se doive mespriser. Au contraire, si Ciceron et Demosthènes vivoient en nostre siècle, ils auroient bien de la peine d'y recognoistre leurs preceptes.

On void dans ceste cause l'eloquence paroistre toute nue, en chair et en os, vive, masle et hardie; tous les boutons et les fleurs de bien dire repandues çà et là. Dans l'exorde on s'insinue dans l'esprit de l'auditeur par quelque chose quy frappe les sens; la narration y est toujours de quelque coquette abusée ou de quelque oison plumé à l'eau chaude; les raisons y sont toutes tirées de l'humanité ou des choses naturelles; les mouvemens y sont frequens, et l'intention de celuy quy plaide est d'exciter à rire, et non à la commiseration: car quy ne riroit seullement de voir la posture de ceux quy sont les juges de ceste belle cause pisser dans leurs chausses à force de se contraindre et pour rire le moins qu'ils peuvent, et les advocats, clercs, quy ont l'honneur d'y plaider, parler gravement et serieusement des choses les plus bouffonnes du monde? C'est là où la basoche est en triomphe, où le Mardy-Gras et Bacchus occupent chacun une lanterne pour escouter un plaidoyer si facetieux et si charmant, qu'on est contrainct de confesser que tous les Zanni[341], les Pantalons, les Tabarins, les Turlupins et tout l'hostel de Bourgongne n'a jamais rien inventé quy approche de mille lieues loin de ceste facetie.

Après cela, si vous ne riez, il ne faut plus esperer de rire: tous les subjets sont espuisez, tous les esprits sont à sec, toutes les inventions bouchées, toutes les veines taries, toutes les plus agreables matières constipées; en un mot, après ceste pièce de l'ouverture des jours gras ou du carnaval, il ne faut plus croire qu'il vienne rien de risible par cy après, et si vous n'en riez tout vostre soul aujourd'huy, on concluera de trois choses l'une, ou que vous avez esté faits en pleurant (chose quy seroit trop honteuse à dire), ou qu'ayant despouillé ceste propriété de rire quy distingue l'homme d'entre tous les animaux, vous n'estes plus que des bestes (ce qu'on ne voudroit pas seulement imaginer de vous); ou bien, pour plus vray semblable, que quelque pensée morne du caresme a forcé tous les corps de gardes des delices, a traversé mesme le pont-levis du palais de la Volupté, pour venir assieger vostre imagination par avance et vous rendre melancholiques devant le temps.

Histoire veritable du combat et duel assigné entre deux demoiselles sur la querelle de leurs amours.

Les douceurs de l'amour sont si grandes et les contentemens que nous trouvons aux caresses d'une belle maistresse ont tant de puissance sur nous, que ceux se peuvent dire insensibles, qui ne recherchent point les occasions de gouster un plaisir si doux; mais comme nous ne pouvons nous promettre un contentement sans traverses, ny des douceurs sans amertume, nous voyons bien souvent ces delices suivies d'un puissant deplaisir pour n'en avoir pas bien usé; nous courons ordinairement au change sans nous souvenir que la beauté de celle que nous adorons peut faire un grand effort en l'ame de quelque autre, que nous ne nous soucions pas de les conserver après qu'elles nous sont acquises. C'est de là que nous proviennent ordinairement tant de maux qu'on voit aujourd'huy dans le monde par les effets de cette passion. Un rival se rencontre avec un mesme desir d'amour que nous. La jalousie, commune peste des plus belles amours, coule insensiblement dans nos ames, et nous donne des mouvements si grands, que nostre repos precedant se change en des inquietudes quy, faisant naistre la cholère avec le depit, nous poussent bien souvent à des actions insensées. J'apporterois icy un grand nombre d'exemples d'antiquité que nous fournit l'authorité de nos pères; mais, ne me voulant pas empescher longuement, je me contenteray de celuy que ceste ville de Paris nous fournit aujourd'huy.

Isabelle et Cloris, deux belles filles, et parfaictes pour donner de l'amour aux plus retenus, ayant quelques correspondances d'humeurs, s'aymoient il n'y a que deux jours avec tant de passion qu'elles n'avoient point de repos que dans leurs entretiens: tout leur estoit commun, et elles ne se cachoient leurs pensées, de quelque consequence qu'elles fussent.

Isabelle estoit adorée de Philemon, jeune cavalier et digne veritablement des faveurs qu'elle luy donnoit; recherchoit avec soin toutes les occasions de le voir, et, lorsque les inventions luy manquoient, employoit l'esprit de Cloris et se servoit bien souvent de son assistance, de sorte qu'elle vivoit avec beaucoup de repos parmy la craincte que les femmes doivent avoir de perdre ce qu'elles ont acquis.

Cloris estoit aimable et donnoit tant de graces à ses actions, que sa beauté paroissoit avec plus de charmes que celle de son Isabelle: de sorte que Philemon, suivant l'humeur de quelques hommes de ce temps, qui se plaisent aux changements, ne la peut voir et frequenter si souvent sans avoir quelque particulière affection pour elle, quy, passant au delà de la bienveillance, se convertit en violent amour. Cloris, quy le trouvoit fort à son gré, et quy jugeoit sa compaigne heureuse en son eslection, et jugeant aux œillades continuelles qu'il luy jetoit qu'elle avoit une bonne part de son ame, et qu'il n'est retenu que par la crainte d'offenser l'amitié qu'elle avoit avec Isabelle, luy dit, un jour qu'elle l'estoit venu voir: Philemon, je ferois une faute contre la franchise que je garde en mes actions, et croirois encore faire tort à vostre vertu, si je vous cachois ma pensée. Vous croyez qu'Isabelle ne soit que pour vous, et, n'en voulant point aymer d'autres, vous sacrifiez tellement à ses passions que vous ne semblez vivre que pour son repos. Vostre amour vous aveugle: elle abuse de vostre patience avec trop de liberté, et croyez qu'elle fait partager les faveurs qu'elle vous donne à d'autres que le merite et la naissance vous rendent inferieurs. Je suis extremement marrie d'estre obligée à ce discours, car la confiance qu'elle prend en mon amitié me devroit empescher de luy nuire; mais, ayant trouvé tant de perfections en vous, je croirois encore faillir davantage ne vous advertissant point de cela. Que la raison soit la plus forte en vous, et que sa faute vous fasse sage. Je seray fort contente de vostre repos, et croyez que je le rechercheray tousjours comme estant votre très humble servante.

Un rival ne nous plaist jamais, et le courage n'en peut souffrir la cognoissance. Philemon, quy mouroit desjà d'amour pour Cloris, ayant entendu ce discours, fut bien ayse de trouver quelque couverture pour ne plus caresser Isabelle. Je suis, dit-il, tellement redevable à vostre franchise de l'advis que vous me donnez, que je ne m'en espargneray jamais pour vostre service. Cloris, puisque vostre compaigne est ingratte et volage, qu'elle se livre aux caresses de son amant nouveau, je ne la verray jamais, et, si vous me jugez digne de vous servir, je vous engageray les mêmes affections que j'avois pour elle. Quel besoin de m'estendre icy plus long-temps? Philemon et Cloris se trouvèrent si bien d'accord qu'Isabelle fut mise en oubly: Philemon ne l'alloit plus voir; mais ne croyant que son ressentiment le peust contenter s'il ne luy en donnoit la cognoissance, prit du papier et luy esçrivit une lettre dont voicy la teneur:

Lettre de Philemon à Isabelle.

Isabelle, vous m'obligez en vos inconstances: car, me changeant pour un rival, vous me laissez la liberté de chercher des douceurs autre part que chez vous. Si vous avez du regret en ma perte, je ne m'offenceray point de la vostre, et, me vengeant par un oubly, vous feray voir que vostre faute est la vraie cause de mon repos.

Ceste lettre meit Isabelle en une peine estrange: car, aymant Philemon plus que tout le reste des hommes, et n'en pouvant soupçonner Cloris, ne sçavoit à quy se prendre de son malheur. Elle pleuroit, et, se plaignant de sa fortune, nommoit les destins ses plus cruels ennemis; bref, elle s'affligeoit tellement que le desir de sa mort estoit le plus doux de ses maux. Il faut (disoit-elle en soy-mesme) que je meure ou que je sache plus amplement le sujet d'une telle disgrace. Philemon me fuit à ceste heure; mais la fidelité de Cloris ne me manquera pas pour me le faire rencontrer; il me la faut voir, et la supplier de m'estre à ce coup favorable. Alors, essuyant ses yeux, elle s'en alla chez Cloris, où d'abord elle veit Philemon collé sur la bouche de ceste nouvelle maistresse. O dieux! (dit-elle en mesme temps) que vois-je maintenant! et que peut-on desormais esperer des personnes, puisque Cloris est traistre? Ah! Philemon, que j'ay beaucoup plus de sujet de vous accuser que vous de vous plaindre de moy! Mais non, j'ay tort! Quy pourroit resister aux affetteries d'une meschante? Les hommes prennent ce quy leur est offert! Cloris vous a seduit: elle est cause de mon malheur; et sa malice plustost que ma faute me prive de ce que mon merite et mon amour m'avoient acquis. Philemon, je ne vous envie pas ce contentement; mais croyez qu'elle m'en paiera l'usure, et vous souvenez que je feray voir à toute la France qu'il est dangereux d'irriter une femme par la perte de ce qu'elle ayme! Ce disant, elle sortit, s'en alla en sa chambre, où, après s'estre longuement promenée avec une demarche inegalle, elle prist du papier, sur lequel elle mist ces paroles:

Cartel d'Isabelle à Cloris.

Je pervertis l'ordre du temps, et, contre la coustume des filles, vous envoie dire que je suis sur le pré avec une espée à la main pour debattre avec vous la possession de Philemon[342]. Si vous l'aymez, vous vous l'acquererez par ma mort ou je le possederay par la vostre.

Ce billet estant fait, elle prit un laquais en la fidelité duquel elle se vouloit asseurer, luy fit porter deux espées hors la ville, et, luy donnant le papier, luy commanda de le mettre entre les mains de Cloris, qui partit au moment qu'elle le receut avec autant de courage et d'amour qu'on peut dire, alla rechercher Isabelle, mit l'espée à la main et commença à se battre avec elle d'une telle façon qu'après luy avoir donné quatre coups elle tomba sur la poussière, où elle ne vescut que deux heures.

Cest accident, me semblant peu commun parmy les personnes de ceste condition, me donneroit sujet de m'estonner si je ne savois par experience que la jalousie est une des plus fortes passions de nos ames, et qui reçoit moins de consideration. Voilà pourquoy je veux maintenant conseiller au monde de n'aymer jamais avec passion, et se reserver toujours un pouvoir sur soy, afin d'en disposer comme les sages, suivant le temps et les occasions.

L'Innocence d'Amour, à Lysandre.

M. D. C. XXVI.

In-8.

Mainte fillette du quartier
Dit, en parlant de ce mestier,
Que tous deux en mesme bricolle
Nous avons gagné la verolle,
Dont ici j'en appelle en Dieu,
Car je ne fus jamais en lieu
Quy donnast ceste villenie;
Et plustost je lairrois la vie
Que d'aller aux endroits quy font
Porter des rubis sur le front;
Plustost eunuque me ferois-je,
Et pareil ainsy me rendrois-je
Aux hommes sans bas de pourpoint,
Que les dames ne cherchent point.

Si je voy quelque jeune fille
Quy soit agreable et gentille,
Et quy monstre je ne sçay quoy
Pour mettre le cœur en emoy,
Pourveu qu'elle ne soit farouche,
Incontinent elle me touche,
Et ne dis pas que mon desir
Ne soit d'en faire mon plaisir.

Mais une garce de louage,
Une fille de garouage[343],
Si vrayment je la regardois,
Soudain je m'en confesserois;
Et si je l'avois desirée,
Ou tant seullement admirée,
Je voudrois sur les mesmes lieux,
M'arracher le cœur et les yeux.

Tel amour est digne de blasme,
Et son feu n'est que pour une ame
Ou sans merite ou sans honneur;
Mais Lysandre, un homme de cœur,
Un amant digne de conqueste,
Ne dance pas à telle feste,
Et n'ayme, comme les pourceaux,
La fange au lieu de claires eaux.

Voyant toutefois que nous sommes
(Chose commune à tous les hommes)
Presque en temps mesme indisposez;
Et que n'estant des moinz prisez
Entre ceux qu'amour authorise,
Ensemble, à la rüe, à l'eglise,
On nous a veu, le plus souvent,
Comme deux frères de couvent,
Ces petites mal adviseez
(Sans dire le mot de ruseez)
Nous jugent de cœur et de voix
Tous deux assailliz à la fois
Du mal que je hay davantage
Qu'un vieux marmot, un jeune page
Et qu'un homme de Charenton,
Les sermons du père Cotton[344].
Mais voyez quelle medisance!
On a beau vivre en innocence,
L'on aura plus de mauvais bruicts
Que de galloper toutes nuicts
Les manteaux de soye et de laine[345].
O saison de misère plaine!
Que les choses sont mal en poinct!
L'Antechrist ne viendra-t-il point[346]?

Un mal de teste, une saignée
Quy m'a la jambe secratignée,
Un feu pour mourir et brusler,
Est-ce le mal quy faict peler
Et quy faict, sortant de la couche,
Parler du nez[347] et de la bouche?

Quant à moy, je dy sainement,
Et le publie asseurement,
Que la plus chaste et la plus fille,
Et dont moins la robbe fretille
De celles quy m'ont blazonné,
Telle verolle m'a donné,
Catherine, Jeane ou Michelle,
S'il faut que verolle on appelle
Ce quy m'a tenu plus d'un mois,
Depuis le voyage de Blois,
Et dans le lict et dans la chambre;
Où toy, gaillard de chaque membre,
Desirant me donner secours,
Tu m'as visité quelques jours,
Avant que ta santé première
Eust suivy la mesme carrière.

Mais pourquoy m'excusé-je ainsy,
Puisque les belles n'ont soucy,
La plupart, que d'estre cheries
De hanteurs de bordelleries,
Quy, presque en toutes les saisons,
Vont muant comme des oysons,
N'ayant pour sauce et pour bouteille
Que pruneaux et salsepareille?
Puis que ceux dont l'emotion
Ne cherche par affection
Que des genres de pucelage,
Affin d'esviter le naufrage,
Sont moins doux à leurs appetitz
Que des villageois apprentiz,
De quy la main noire et terreuse
Badine près leur amoureuse,
Tournant et grattant, les yeux bas,
Leurs chapeaux ou leurs bonnets gras?
Estant donc si plain de merite,
Ces nymphes de prix et d'elite,
Me voyant reparoistre un jour,
Me tesmoigneront plus d'amour.

Ainsy discours-je, ô Lysandre!
Afin que l'on me sçache entendre
Et que les filles du quartier,
En devisant de ce mestier,
N'accusent plus mon innocence
Et l'honneur de ta conscience,
Dont tu sçauras de bonne foy
Te laver aussy bien que moy,
Laissant à des gens sans pratique,
Sans honneur et sans theorique,
Ce mal volontaire quy prent
Aux endroicts où chacun se rend,
Et non pas aux lieux de recherche
Où l'on défend mieux une bresche.

FIN DU TOME DEUXIÈME.

TABLE DES MATIÈRES

  •   Page
  • 1. Mémoire sur l'état de l'Académie françoise, remis à Louis XIV vers l'an 1696. 5
  • 2. Le Miroir de contentement, baillé pour estrenne à tous les gens mariez. 13
  • 3. Le Pâtissier de Madrigal en Espagne, estimé estre Dom Carles, fils du roy Philippe. 27
  • 4. Discours sur l'apparition et faits pretendus de l'effroyable Tasteur, dédié à mesdames les poissonnières, harengères, fruitières et autres, qui se lèvent le matin d'auprès de leurs maris, par d'Angoulevent. 37
  • 5. La Destruction du nouveau moulin à barbe. 49
  • 6. Dissertation sur la veritable origine des moulins à barbe. 53
  • 7. Les cruels et horribles tormens de Balthazar Gerard, Bourguignon, vray martyr, souffertz en l'execution de sa glorieuse et memorable mort, pour avoir tué Guillaume de Nassau, prince d'Orenge. 61
  • 8. Histoire des insignes faussetez et suppositions de Francesco Fava, medecin italien. 75
  • 9. Histoire véritable et divertissante de la naissance de mie Margot, et de ses aventures. 121
  • 10. Le Caquet des poissonnières sur le departement du roy et de la cour. 131
  • 11. La Moustache des filous arrachée, par le sieur du Laurens. 151
  • 12. Accident merveilleux et espouvantable du desastre arrivé le 7 mars 1618, d'un feu inremediable, lequel a bruslé et consommé tout le Palais de Paris. 159
  • 13. Ordonnances generales d'amour. 169
  • 14. L'Adieu du Plaideur à son argent. 197
  • 15. Rencontre et naufrage de trois astrologues judiciaires, Mauregard, J. Petit et P. Larivey, nouvellement arrivez en l'autre monde. 211
  • 16. Discours de l'inondation arrivée au fauxbourg S.-Marcel-lez-Paris, par la rivière de Bièvre, 1625. 221
  • 17. La Permission aux servantes de coucher avec leurs maistres; ensemble l'arrest de la part de leurs maistresses. 237
  • 18. La Muse infortunée contre les froids amis du temps. 247
  • 19. Remonstrance aux nouveaux mariez et mariées et ceux qui desirent de l'estre, ensemble pour cognoistre les humeurs des femmes. 257
  • 20. Le Tocsin des filles d'amour. 265
  • 21. Plaisant galimatias d'un Gascon et d'un Provençal, nommez Jacques Chagrin et Ruffin Allegret. 275
  • 22. Particularitez de la conspiration et la mort du chevalier de Rohan, de la marquise de Villars, de Van den Ende, etc. 301
  • 23. Cartels de deux Gascons et leurs rodomontades, avec la dissection de leur humeur espagnole. 315
  • 24. Le Hazard de la Blanque renversé et la consolation des marchands forains. 325
  • 25. Sermon du Cordelier aux Soldats, ensemble la responce des soldats au cordelier. 333
  • 26. L'Ouverture des jours gras, ou l'entretien du carnaval. 345
  • 27. Histoire veritable du combat et duel assigné entre deux demoiselles sur la querelle de leurs amours. 357
  • 28. L'Innocence d'amour, à Lysandre. 365

FIN.

Notes

1: Nous trouvons ce mémoire, dont nous ignorons l'auteur, dans le Bulletin des sciences historiques, que dirigeoit M. Champollion-Figeac, et qui forme la VIIe section du Bulletin universel fondé par M. le baron de Ferussac. Il se trouve dans le tome 18, p. 98-100, et il y est dit qu'on l'a transcrit textuellement d'après un manuscrit du temps.

2: Pavillon, dans sa lettre à Furetière du mois de juin 1679, rend témoignage de cette inexactitude de la plupart des académiciens et de l'inutilité de la présence des autres aux séances. «J'ai été introduit, dit-il, incognito, il y a trois jours, à l'Académie, par M. Racine, etc.... La scène qui s'y est passée en ma présence n'a pas été fort utile à l'enregistrement des décisions que l'on y a faites, puisque l'on n'a rien arrêté à cette assemblée. J'y ai vu onze personnes. Une écoutoit, une autre dormoit, trois autres se sont querellées, et les trois autres sont sorties sans dire mot.»

3: Les six années qui s'écoulèrent entre la publication du Dictionnaire en 1694 et sa révision en 1700 furent employées, dit Pellisson, «à recueillir et à résoudre des doutes sur la langue, dans la vue que cela serviroit de matériaux à une grammaire, ouvrage qui devoit immédiatement suivre le Dictionnaire, selon le plan du cardinal de Richelieu.» Hist. de l'Acad. franç., t. 2, p. 66.

4: «Porter notre langue à sa perfection et nous épurer le goût, soit pour l'éloquence, soit pour la poésie, c'est ce que l'Académie se proposa d'abord, selon les vues du cardinal de Richelieu; et, pour y parvenir, elle résolut de travailler activement à un Dictionnaire, à une grammaire, à une Rhétorique et à une Poétique.» Id., p. 42.

5: Commencé en 1637, le Dictionnaire ne fut achevé qu'en 1694. V. notre article Dictionnaire dans l'Encyclopédie du XIXe siècle.

6: Les académiciens eux-mêmes reconnoissoient l'imperfection de leur œuvre, et, bien plus, l'impossibilité de faire mieux, si la méthode suivie pour le premier travail, et maintenue pour les éditions qui se succédèrent jusque vers 1740, n'étoit pas abandonnée. Un mémoire adressé à l'abbé Bignon par l'abbé d'Olivet en janvier 1727, et publié, d'après le manuscrit, dans l'Athenæum du 10 septembre 1853, prouve assez la mauvaise opinion qu'on avoit du Dictionnaire dans la partie saine de l'Académie. «Le Dictionnaire, dit donc d'Olivet, ne vaut rien dans l'état où il est, et, quand on y travailleroit cent ans, on ne le rendra jamais meilleur, à moins qu'on n'y travaille d'une manière toute contraire à celle qu'on a suivie jusqu'à présent. On s'assemble dix ou douze, sans savoir de quoi il doit s'agir; on y propose au hasard, selon l'ordre d'alphabet, deux ou trois mots à quoi personne n'a pensé. Il faut faire la définition de ces mots, faire entendre leur signification et leur étendue, et donner des exemples ou des phrases qui fassent voir les diverses manières dont ils peuvent être employés. Ces définitions se font à la hâte et sur-le-champ, quoique ce soit la chose du monde qui demande le plus d'attention. Les phrases ou les exemples se font de même; aussi sont-ils pour la plupart si ridicules et si impertinents, que nous en avons honte quand on les relit de sang-froid.»

7: Le travail pour la grammaire se fit d'abord par toute l'Académie assemblée. «On arrêta, dit Pellisson, qu'à l'un des bureaux M. l'abbé de Choisy tiendroit la plume, à l'autre M. l'abbé Tallemant.» Puis on se départit de cette méthode de travail collectif, parcequ'on jugea qu'un ouvrage de ce genre «ne pouvoit être conduit que par une personne.» On se décida donc à procéder comme il est dit ici, c'est-à-dire à charger de cette grammaire quelque académicien, «qui, écrit Pellisson, communiquant ensuite son travail à la compagnie, profitât si bien des avis qu'il en recevroit, que par ce moyen son ouvrage, quoique d'un particulier, pût avoir dans le public l'autorité de tout le corps.» Id., p. 68.—C'est l'abbé Regnier qui fut choisi.

8: Il y avoit déjà un prix d'éloquence, dont la fondation étoit due à Balzac, mais qui ne fut distribué pour la première fois qu'en 1671, c'est-à-dire quinze ans seulement après la mort du fondateur. «Comme son fonds avoit profité, lit-on encore dans l'Histoire de l'Académie, ce prix, qu'il avoit fixé à deux cents livres, fut porté à trois cents.» Id., p. 18.—Quelques années après, on destina une somme pareille pour un prix de poésie. Pellisson, Conrart et M. de Bezons, tous trois académiciens, en firent d'abord les frais; puis, après la mort de Pellisson, l'Académie en corps les prit trois fois de suite à sa charge; enfin M. de Clermont-Tonnerre, évêque de Clermont, constitua ce prix à perpétuité, en 1699, moyennant une somme de 3,000 francs, placée sur l'Hôtel-de-Ville de Paris. Le donateur prononça, à cette occasion, un discours qui se lit dans le Mercure galant du mois de juin de cette année-là.

9: C'est à Colbert qu'on devoit ces jetons de présence. «Afin d'engager encore davantage les académiciens à être assidus aux assemblées, il établit qu'il leur seroit donné quarante jetons par chaque jour qu'ils s'assembleroient, afin qu'il y en eût un pour chacun, en cas qu'ils s'y trouveroient tous (ce qui n'est jamais arrivé), ou plutôt pour être partagés entre ceux qui s'y trouveroient, et que, s'il se rencontroit quelques jetons qui ne pussent pas être partagés, ils accroîtroient à la distribution de l'assemblée suivante. Ces jetons ont, d'un côté, la tête du roi, avec ces mots: Louis le Grand, et, de l'autre côté, une couronne de laurier avec ces mots: A l'immortalité, et autour: Protecteur de l'Académie françoiseMémoires de Charles Perrault, liv. 3. Avignon, 1759, in-8o, p. 137-138.

10: Ce concert se donnoit aux Grands-Augustins par la confrérie des musiciens de Sainte-Cécile. V. Lebeuf, Hist. du dioc. de Paris, t. 2, p. 464; Merc. gal., juin 1679, p. 184.

11: C'étoient les plus belles de Paris. Daquin et Marchant furent, au XVIIe siècle, organistes aux Cordeliers.

12: Ce vieux mot signifioit colline, monticule. Le nom de la rue Copeau, très montante, comme on sait, vient de là.

13: V. pour ce feu de la Saint-Jean sur la place de Grève, et sur les auto-da-fé de chats qu'on y faisoit, une longue note de notre édition des Caquets de l'Accouchée.

14: Les voltes, dont la plus fameuse étoit celle de Provence, avoient été, depuis Charles IX et Henri III, danses fort à la mode. Guil. du Sable a dit dans son Coc à l'âne, l'une des pièces de sa Muse chasseresse, Paris, 1611, in-12:

Considerant le temps qui court,
Il faut, pour estre aimé en cour,
Bien basler et danser la volte.

15: Cette danse, qui s'exécutoit en rond, et que Jacques Yver appelle pour cela «la ronde carole» (Printemps d'Yver, journ. 3), avoit donné naissance au mot caroleur, qui se trouve dans le roman de la Rose, et à caroler, qui se lit dans les poésies de Froissart. Elle n'étoit point particulière aux Bretons, qui même lui préferoient de beaucoup leur trihori. On la dansoit beaucoup à Paris, où se trouvoit même un carrefour qui lui devoit son nom de Notre-Dame-de-la-Carole.

16: Ce vers confirme l'opinion de Furetière, qui veut, en dépit de Ménage et d'un passage d'Antonio Massa Gallesi (De exercitatione jurisperitorum, liv. 3), que la pavane vienne d'Espagne, et non pas de Padoue. Elle étoit depuis long-temps à la mode. Marguerite de Valois fut l'une des dernières qui la dansèrent bien. (V. Mél. d'une gr. biblioth., t. 30.)

17: Encore une danse espagnole, mais plus vive que la pavane. C'étoit une imitation de la pyrrhique antique, et, comme elle, elle se dansoit avec des épées. «L'on voyoit, lit-on au livre VII de Francion, qu'ils se battoient de la même façon que s'ils eussent dansé le ballet des Matassins, où l'on fait cliqueter les épées les unes contre les autres, ce qui est une abrégée de la danse armée des anciens.» Molière, en la plaçant dans le ballet de Pourceaugnac, lui fit singulièrement perdre de son caractère.

18: Nous ne savons quelle est cette danse. Peut-être faut-il lire la sissaigne, et alors j'y reconnoîtrois facilement la sissonne, qui commençoit à être célèbre alors, et dont le pas principal se danse encore sous le nom altéré de pas de six sols.

19: C'est Guy, l'inventeur de la gamme, qu'on appeloit l'Arétin, à cause d'Arezzo, sa patrie.

20: Il est parlé ici de ces chausses d'avanturiers, habillés à la pendarde, dont Brantôme a dit: «D'autres plus propres avoient du taffetas en telle quantité, qu'ils doubloient ces chausses et les appeloient Chausses bouffantesÉdit. du Panthéon littéraire, t. 1, 578-580.

21: En 1587, le duc de Guise, qui avoit déjà battu les reîtres à Vimory le 26 octobre, les défit encore à Auneau, en Gatinais, le 11 novembre, et amena ainsi leur capitulation à Lancy.

22: Expression déjà depuis long-temps à la mode (V. de La Noue, Dict. de rimes (1596), p. 299), et dont Beroalde se moque ainsi: «Je m'étonne, fait-il dire à Ramus parlant à César sur cette expression: Qu'est-ce que faire la pauvreté? je m'étonne que vous, qui êtes latin, ne le savez; et surtout vous qui, entre les galants, savez mieux votre cour. J'ai pensé dire, comme nos docteurs, votre entregent; mais il me sembleroit dire entrejambe, tant cela est fat.» (Le Moyen de parvenir, édit. Charpentier, 1841, p. 39.)

23: C'est-à-dire encore un jeune seigneur de Venise, car on sait que le Pantalon, qui devint plus tard un des types burlesques de la comédie italienne, fut d'abord la personnification du riche vénitien.

24: Souquenille. Ce mot, que Nicot abrége encore davantage, puisqu'il écrit simplement squenie, se trouve orthographié comme il est ici au liv. 1er, chap. 49, de Rabelais. Ronsard l'écrit souquenie.

25: Fleurs de bien dire, recueillies des cabinets des plus rares esprits de ce temps, pour exprimer les passions amoureuses de l'un comme de l'autre sexe. Paris, Guillemot, 1598, pet. in-12.—V., sur une autre édition de ce livre de François Desrues, une note de notre édition du Roman bourgeois, p. 88.

26: Les forges d'orfèvres et les boutiques de changeurs qui s'y trouvoient faisoient de ce pont la rue la plus riche de Paris.

27: Le proverbe dit: Mariage de Jean des Vignes, tant tenu, tant payé; c'étoit ce que nous appelons une passade. Quitard, Dict. des Prov., p. 475.

28: V., sur le sens de ce mot, le Dictionnaire comique de Le Roux, qui ne l'emploie que pour le sexe masculin. Il cite à l'appui un vers du Parnasse satyrique.

29: M. Leber possédoit un exemplaire de ce curieux livret, et le croyoit unique. «M. Brunet même, dit-il, ne dut de pouvoir le décrire qu'à la communication qu'il lui fit de cet exemplaire.» (Catal. Leber, t. 2, p. 254-255, no 4182.) Nous en avons pourtant trouvé un second, et d'une autre édition, ce qui est plus singulier, mais ce qui est aussi une preuve de la popularité de cette pièce. Notre exemplaire est de Paris, 1596; celui de M. Leber, aujourd'hui à la Bibliothèque de Rouen, indique, sous la même date, qu'il fut publié à Poitiers par Blanchet. Le premier titre y est omis; on n'y trouve que le second: Histoire d'un pâtissier de Madrigal, etc. M. Leber voit dans ce livret une anecdote singulière «d'où il résulteroit, dit-il, que D. Carlos auroit vécu long-temps après l'époque où l'on suppose que son père le fit assassiner... Elle prouve au moins, ajoute-t-il, que le sort de ce prince fut toujours un problème, même du temps de Philippe II, qui ne mourut qu'en 1598.» Malheureusement, encore d'après M. Leber, comme témoignage historique, cette pièce ne peut rien, puisque c'est «tout simplement, dit-il, un conte renouvelé des Arabes ou des fabliers du moyen âge.» En ce dernier point, le savant bibliophile se trompe. Ni les Arabes, ni les fabliers du moyen âge n'ont affaire ici; notre livret ne leur doit rien: il ne remonte pas si haut. C'est tout bonnement un conte de 1596, renouvelé d'une histoire de 1594. Cette année-là, un nommé Gabriel Spinosa, pâtissier du bourg de Madrigal, en Castille, s'étoit, à l'instigation du moine portugais Michel Los Santos, partisan zélé du prieur de Crato et confesseur au couvent de Madrigal, s'étoit, dis-je, donné comme étant le roi D. Sébastien de Portugal, qu'il disoit n'avoir pas été tué dans son expédition contre les Maures d'Afrique. Son aventure n'avoit pas duré long-temps, moins même que celle du potier d'Alrasova, et celle d'Alvarès, tailleur de pierres à l'île de Terceyre, qui l'un et l'autre avoient aussi tenté de se faire passer pour D. Sébastien. (V. la trad. de l'Histoire de Portugal, par N. H. Schœfer, 1845, in-8o, p. 620.) Spinosa fut pendu avec le moine son complice avant la fin de cette même année 1594, après avoir passé par toutes les vicissitudes et fait toutes les tentatives dont il va être parlé dans ce livret. L'auteur, en effet, ne change presque rien à l'histoire, si ce n'est le personnage qu'y joua le pâtissier. La mort de D. Sébastien ne lui importoit guère; le drame de D. Carlos l'intéressoit davantage, comme aventure plus récente d'abord, puis comme étant de nature à rendre plus odieuse la conduite de Philippe II, contre qui la haine étoit encore très vivace en France. Voilà pourquoi, sans doute, il dérangea les rôles et mit D. Carlos à la place de D. Sébastien.

30: La ville de Medina-del-Campo.

31: Elle étoit, en effet, nièce de Philippe II. Dans un drame du XVIe siècle, composé sur cette aventure et encore célèbre en Espagne, D. Anna est donnée comme étant une nièce de D. Sébastien. Il faut bien se garder de la confondre avec Anne d'Autriche, fille de Maximilien, qui plus tard épousa Philippe II.

32: Dans le drame dont nous venons de parler, et qui est l'œuvre très remarquable d'un poète qui n'a pas voulu se faire connoître, le faux D. Sébastien, pâtissier, joue son rôle à peu près de la même manière. M. Louis de Viel-Castel, qui a donné de cette pièce une très bonne analyse dans son article Théâtre espagnol—Le drame historique (Revue des Deux-Mondes, 1er novembre 1840, p. 340-343), détaille ainsi ses premières manœuvres: «Gabriel d'Espinosa (c'est le véritable nom du faux Sébastien) n'est, il faut bien prononcer le mot, qu'un simple pâtissier; mais, abandonnant à des valets les occupations de cette vulgaire industrie, il a soin de se répandre dans le peuple, de se montrer généreux, désintéressé, de donner, toutes les fois que l'occasion s'en présente, des témoignages de sa bravoure, de sa force prodigieuse, de son adresse, et il ne manque pas de manifester de préférence ces qualités, si séduisantes pour le vulgaire, dans certains exercices où l'on sait qu'excelloit le roi dont il veut prendre la place.»

33: Dans l'histoire, c'est aussi pour des bijoux que lui avoit donnés D. Anna, puis pour d'autres qu'elle lui avoit dit d'aller vendre à Valladolid, que le pâtissier fut inquiété, puis arrêté par les ordres du prévôt de cette dernière ville.

34: Dans le drame, c'est un alcade qui arrive secrètement de Madrid à Madrigal pour interroger Spinosa.

35: Dans le drame, l'agent du prieur de Crato, qui est le conseiller de Spinosa, tâche d'échapper au supplice en faisant des aveux complets; mais il n'en est pas moins pendu avec son complice.

36: Ici, comme on le voit, nous sortons de l'histoire du véritable pâtissier de Madrigal, le faux D. Sébastien, pour entrer dans celle de D. Carlos. C'est du prince d'Eboli, qui, ainsi que la princesse sa femme, y jouèrent un si grand rôle, qu'il est ici question.

37: Il étoit seulement d'une famille portugaise.

38: C'est étant à l'université d'Alcala que D. Carlos fit cette chute, dont il resta boiteux.

39: Il est très vrai qu'au commencement de cette année 1613, on fit grand bruit à Paris de l'apparition d'une espèce de moine bourru, qu'on appeloit le Tasteur à cause de ses habitudes plus que galantes, et dont les femmes avoient la plus grande peur. Malherbe en parle à Peiresc dans sa lettre du 8 janvier 1613, à un moment où les esprits se rassuroient un peu, car on disoit que le Tasteur étoit pris: «Nous avions ici, écrit-il, un compagnon du moine Bourru, à qui l'on avoit donné le nom du Tasteur; l'on dit que c'estoit un bon compagnon qui avoit des gantelets de fer, et au bout des doigts des ergots de fer, de quoi il fouilloit les femmes, et qu'il y en avoit à tous les quartiers. Depuis quelques jours, les femmes se sont rassurées, car on dit que le Tasteur est prisonnier. Il s'est fait là-dessus de bons contes, mais ce sont toutes inventions.»

40: Ce mot de filou n'étoit pas encore le nom d'une espèce: c'étoit celui d'un type de bandit à la mode, dont la barbe épaisse et hérissée avoit mis en vogue ce qu'on appeloit les barbes à la filouse. Dix ans après, le nom s'est étendu à l'espèce tout entière. Dans un arrêt du Parlement du 7 août 1623, il est parlé des hommes hardis se disant filous. Toutefois, Filou se maintient comme type jusqu'en 1634. V. notre tome 1er, p. 138.

41: De l'histoire de la vache à Colas, le paysan du faubourg Bourgogne à Orléans, histoire si fameuse au temps des guerres de religion, on avoit fait, au commencement du XVIIe siècle, une chanson qui sentoit bien fort son huguenot. Le clergé, contre qui elle étoit surtout injurieuse, avoit fini par la faire brûler de la main du bourreau, et par faire ordonner qu'on eût à n'en plus parler, ce qui fut cause que, pendant plusieurs années, on la chanta de plus belle.

42: Allusion aux chansons et pasquils assez licencieux de Robinette et Guéridon, de Filou et Robinette, etc., sur lesquels nous aurons à revenir souvent dans ce recueil.

43: Il est, je crois, mention ici d'une autre histoire de ce temps-là: «Le diable, déguisé en docteur de Sorbonne, entra un jour dans la cabane d'un charbonnier, qu'il vouloit tenter, et lui dit: Que crois-tu?—Je crois ce que croit la sainte Eglise.—Et que croit la sainte Eglise?—Elle croit ce que je crois. L'esprit malin vit échouer toutes ses ruses contre de telles réponses, et fut obligé de renoncer à son projet. De ce conte est venu, dit-on, l'expression de la foi du charbonnier, pour signifier une foi simple et sans examen.» Quitard, Dict. des proverbes, p. 207.

44: Argousin est ici fort bien employé, s'il est vrai, comme le croit Ménage et comme le soutient Millin (Voy. dans le Midi, t. 2, p. 406), que ce mot dérive d'alguazil, et se prît alors dans le même sens en françois.

45: L'auteur veut parler «des grands Termes d'hommes et de femmes», comme dit Germain Brice, qui ornoient le devant des trente-quatre maisons du pont Notre-Dame. G. Brice, Descript. de la ville de Paris, 1752, in-8, t. 4, p. 328-329.

46: Je n'ai pu retrouver à quel fait ceci se rapporte. Peut-être est-ce une allusion à quelque événement de la capitulation de Perpignan en 1475, après une famine horrible où l'on vit une femme nourrir son second enfant de la chair du premier qui étoit mort de faim (Henry, Hist. du Roussillon, t. 2, p. 134). Je ne vois rien là, toutefois, qui pût se rapporter à des femmes de Nevers et qui pût exciter la risée d'un meunier.

47: On sait que jusqu'à la complète démolition du petit Châtelet, en 1782, la rue S.-Jacques n'avoit pas d'autre entrée du côté du quai que l'étroit passage pratiqué sous ce lourd édifice.

48: A la fin du XVIIIe siècle, le Tasteur reparut, à la grande terreur des femmes, dans les promenades de Paris. «Un chevalier de S.-Louis, dit Dulaure dans son Histoire de Paris (Etat civil sous Louis XVI), acquit alors un sobriquet fameux, celui de chevalier Tape-Cul. Son occupation journalière étoit de parcourir les rues, places et jardins de Paris, et de frapper furtivement le derrière de chaque femme qu'il rencontroit. Sa rouge trogne, ses cheveux blancs, sa gibbosité, sa croix de S.-Louis qui se dessinoit sur un habit blanc couvert de taches, le faisoient reconnoître de loin. Une de ses mains étoit armée d'une canne qu'il agitoit, et l'autre, placée derrière son dos, étoit destinée à l'exécution de ses coups inattendus. Au milieu de la grande allée du jardin du Palais-Royal, vous eussiez vu toutes les femmes, dont il étoit fort connu, se ranger, s'éloigner au devant du chevalier Tape-Cul, et laisser un espace de plusieurs toises entre elles et lui.... La femme frappée par ce chevalier ne manquoit point de se plaindre ou de lui adresser des injures. Quelquefois, sur ses larges épaules tomboient des coups de canne lancés par l'homme qui accompagnoit la femme insultée. Le chevalier recevoit les injures et les coups avec une résignation exemplaire, et s'éloignoit paisiblement sans détourner la tête.»

49: L'idée de cette facétie, que Grandville renouvela pour sa jolie caricature Six barbes en trois secondes, ou les barbes à la vapeur (Magasin pittoresque, t. 3, p. 249, 1835), étoit déjà bien vieille, en 1749, quand parut la brochure que nous reproduisons ici. On en trouve, en effet, une trace dans l'historiette du maréchal de Grammont (Tallemant, édit. Paris Paulin, t. 3, p. 180): «Un jour qu'on disoit des menteries, il (le maréchal) dit qu'à une de ses terres il avoit un moulin à razoirs, où ses vassaux se faisoient faire la barbe à la roue, en deux coups, en mettant la joue contre.»

50: Faubourg Saint-Marceau.

51: Ceci est dit principalement pour l'horloger anglois Henry Sally, établi depuis long-temps à Paris, et dont les montres étoient les seules qui eussent fait fortune auprès du public, et même à l'Académie des sciences. En 1716, il en avoit fait approuver une du plus ingénieux mécanisme (Hist. de l'Académie des sciences, année 1716, p. 77), et à peu de temps de là il avoit soumis à la même académie, une montre marine qui n'avoit pas eu moins de succès. (Mém. et invent. approuvées par l'Académie des sciences, t. 3, p. 93.) Nous avons, au contraire, vainement cherché dans les mémoires de l'académie le nom de M. Nourrisson, le Lyonnois, pour quelque invention approuvée.

52: L'anglomanie fut bien plus forte encore trente ans plus tard. Voici ce qu'on lit sur ce ridicule anti-national dans un article de l'Esprit des journaux (nov. 1786, p. 197) analysant l'Anti-Radoteur, qui venoit de paroître: «L'auteur, revenant il y a quelque temps à Paris, fut étonné de trouver une ville angloise. Chevaux, cavaliers, piétons, carrosses, laquais, boutiques, boissons, habits, chaussures, chapeaux, tout étoit anglois. Il y vit une troupe de gens qui revenoient des courses comme on retourne de Neumarket (sic); mais la mode de se tuer lui parut la plus ridicule de toutes celles qu'on avoit empruntées de nos voisins.»

53: Sans doute Pantagruel.

54: Le bièvre est en effet une espèce de loutre ou de castor, mais qui ne se trouve qu'en Afrique.

55: «Le mot gobelin, dit La Monnoye, dans une remarque sur un conte de Desperriers, est usité de toute ancienneté en Normandie dans la signification d'esprit folletContes de Desperriers, Amst., 1735, in-12, t. 1, p. 90.

56: Une pièce que nous donnerons dans ce volume prouvera combien l'auteur, qui a dit, tout à l'heure, la vérité en riant, se trompe au contraire ici.

57: Les coiffeurs faisoient alors sérieusement ce qui est dit ici en plaisanterie: s'ils avoient affaire à une pratique d'importance, ils emmenoient avec eux leur physionomiste. Dutens raconte que le prince Lanti étant à Paris et ayant demandé le coiffeur, vit arriver deux individus, dont l'un, après lui avoir pris la tête et l'avoir bien examinée dans tous les sens, dit à l'autre, qui étoit le praticien: «Visage à marrons; marronnez Monsieur.» Dutensiana, p. 42. Vous marronner, en style de perruquier, c'étoit vous friser à grosses boucles.

58: C'est Croule-barbe qu'il faut dire, mais on doit pardonner à l'auteur d'avoir fait cette petite altération pour les besoins de sa facétie. Il existe encore, près du boulevart des Gobelins et de la Bièvre, la barrière et la rue Croulebarbe. Un moulin de ce nom s'y trouvoit vers 1214. Notre auteur, on le voit, est bien renseigné.

59: C'est une des pièces trop nombreuses qui furent faites en l'honneur de ce régicide; mais il faut dire aussi, à la gloire de l'imprimerie parisienne de cette époque, que c'est la seule qui, à notre connoissance, ait été publiée à Paris. M. Leber, qui la possédoit (V. son Catalogue, no 5625), fait un vif reproche de cette publication à Jean du Carroy. Il y voit une excitation funeste, dont le crime de Jacques Clément et les écrits qui le glorifièrent ne montrèrent que trop bien les effets. «C'étoit en 1583, dit-il, avant la toute-puissance de la Ligue, que Jean du Carroy, imprimeur au Mont-Saint-Hilaire, la providence des libellistes, se proclamoit éditeur d'une première apologie du régicide qui devoit frayer la voie à Jacques Clément. C'étoit sous sa responsabilité personnelle qu'il imprimoit et annonçoit publiquement: «Les cruels et horribles torments de Balthazar Gerard Bourguignon... » (Leber, De l'état réel de la presse et des pamphlets depuis François Ier jusqu'à Louis XIV, Paris, 1834, p. 65). Dans une note, M. Leber donne à penser que cet imprimeur est le même que celui dont il parle à la page 63, et qui, nommé par L'Estoile Gilles du Carroy, fut, ainsi que son correcteur, «fustigé et banni» en 1586. (Journal de Henri III, 1744, in-8, t. 1, p. 496-497.)—La pièce que nous reproduisons ici est tellement rare, qu'elle a échappé à M. Weiss pour son article Gérard de la Biographie universelle, et à M. Œttinger pour sa Bibliographie biographique. Voici le titre de quelques autres livrets publiés à la même occasion et dans le même but; on ne s'étonnera pas d'en trouver un imprimé à Rome: Le glorieux et triomphant martyre de Balthazar Gerard, advenu en la ville de Delft, Douai, 1584, in-12.—Balth. Gherardi Borgondi morte, costanza, per haver ammazzatto il principe d'Orange, Roma, 1584, in-8;—Historie Balth. Gerardt, alias Serach, die den Tyran van't Nederlandt den prins van Orangie doorschoten heeft, (S. l., 1584, in-4.—B... T... G... A... V...) In honorem inclyti heroes Balth. Gerardi, Tyrannidis Auraicæ fortissimi vindicis, carmen, quo et Gulielmi Nassavii principis Auraici cædes ut percussoris tormenta breviter enarrantur, Lovan., 1588, in-8.—Muse Toscane di diversi nobilissimi ingegni per Gherardo Borgogno, Bergamo, 1594, in-8. Il faut encore ajouter à cette liste l'ode latine que Lævinus Torrentinus, ou vulgairement Van der Becken, évêque d'Anvers, fit pour célébrer le crime de Gérard, et qui se trouve dans ses œuvres.—Cette pièce, que P. Burmann (Sylloge epistolarum, t. 1, p. 480) lui reproche très vivement, a pour titre: In honorem Baltasaris Gherardi fortissimi Tyrannicidæ.

60: Il étoit né à Villefans, en Franche-Comté.

61: Strada dit vingt-six ans, «erat enim annorum sex et viginti». (De Bello Belgico, Decadis secundæ liber quintus, anno 1584.)

62: Le même mois où le duc d'Alençon, compétiteur malheureux du prince d'Orange, étoit mort en France des suites du poison que lui avoient fait prendre les agents de l'Espagne. Philippe II ainsi se seroit délivré en même temps de ses deux rivaux dans les Pays-Bas: du fils de Catherine de Médicis par l'empoisonnement, et de Guillaume de Nassau par la main d'un assassin.

63: «Atque extincto Alenconio, obtulit se delaturum ad Orangium litteras aliquorum Alenconii familiarum de obitu ejus.» (Strada, ibid.)

64: Ceci, à quelques détails près, est encore conforme au récit de Strada. Pour exprimer la manière dont Guillaume de Nassau, sortant de table, fut frappé au cœur par les balles du pistolet de Gerard, le jésuite romain se sert de cette singulière phrase: «Assurgentem ab epulis, exeuntemque in aulam, fistula in cor, explosa trajicit, confecitque.» Heureusement qu'il met en marge le mot italien pistola.

65: Guillaume tomba mort aux pieds de sa femme, fille de l'amiral Coligny, qui avoit vu de même assassiner son père dans la nuit de la Saint-Barthélemy.

66: «Evolantem inde, jamque egressurum urbe, stipatores insecuti retrahunt.» (Strada, ibid.)

67: On a renouvelé pour tous les régicides l'histoire de ces tourments raffinés, notamment pour Damiens, que, suivant les bruits populaires encore accrédités dans mon enfance, on avoit ainsi empêché de dormir pendant plusieurs nuits.

68: Strada, trop bon historien pour répéter la fable de toutes ces tortures, mais trop vraiment jésuite aussi pour ne pas voir dans Balthazar Gérard une sorte de martyr, ne peut s'empêcher d'admirer le courage du fanatique au milieu des tourments. «Imperterritum, dit-il, tormentisque omnibus majorem

69: «Postremo sectum in partes quatuor, per totidem urbis loca distraxere.»

70: M. Weiss, à l'article Gérard (Balthazar) de la Biographie universelle, dit que Philippe II récompensa la famille du meurtrier, et lui donna même des lettres de noblesse, ce qui est vrai; mais il eût dû ajouter que par ces lettres, semblables à celles que Charles VII avoit accordées à Jeanne d'Arc, le ventre anoblissoit. Les descendants d'une sœur de Gérard jouissoient encore, au milieu du XVIIe siècle, des priviléges de cet anoblissement. Quand Louis XIV s'empara de la Franche-Comté, on les supprima. La famille de l'assassin de Guillaume fut remise à la taille. Elle osa réclamer et présenter ses lettres de noblesse à M. de Vanolles, intendant de la province. Il les foula aux pieds: ce fut toute sa réponse pour cette réclamation effrontée.

71: L'histoire de Fava est aussi racontée au long dans le Supplément au Journal du règne de Henri IV, par P. de l'Estoille (1736, in-8o, t. 2, p. 165-170), sous la date du 24 mars 1608. Ce récit, qu'il ne faut chercher que dans ce Supplément, d'après M. Champollion (Journal de l'Estoile, coll. Michaud, gr. in-8o, p. 454), ne diffère de la relation reproduite ici que par quelques détails que nous signalerons au passage. Dans l'Esprit du Mercure, publié par Merle en 1810, in-8o, se trouve aussi, t. 1, p. 7-24, sous ce titre: (1608) Cause célèbre, un exposé très détaillé de cette curieuse affaire, emprunté sans doute à un numéro de l'ancien Mercure, que nous n'avons, toutefois, pas pu retrouver. Sauf quelques faits dont nous montrerons la différence, c'est en abrégé ce qu'on va lire ici in extenso.

72: Dans le Supplément au Journal de l'Estoille, t. 2, p. 165, on s'en tient à cette dernière opinion.

73: Tout ce paragraphe est reproduit textuellement, à quelques mots près, dans la relation de l'Esprit du Mercure.

74: «La dexterité qu'il avoit à imiter et contrefaire toutes sortes d'escritures luy donna bientost le moyen de contrefaire celle de Bossa, et de descouvrir les correspondances qu'il avoit à Venise.» Suppl. au Journ. de l'Estoille.

75-76: Ce passage, écrit en 1608, détruit l'opinion accréditée depuis Pomet (Hist. générale des drogues, Paris, 1735, in-4o, t. 1, 28; 2, 44) sur l'invention de la cire d'Espagne. Il devient évident qu'on la connoissoit de nom avant que le marchand de Paris, nommé Rousseau, à qui l'on en attribue à tort la découverte, l'eût remise en honneur, vers 1620, et lui eut dû, grâce aux encouragements de Mme de Longueville, puis de Louis XIII, une fortune de 50,000 fr. en quelques années. C'est un argument nouveau en faveur de M. Spies, qui soutenoit avoir vu, dans les archives de la cour d'Anspach, où il étoit conseiller, un diplôme de 1574, cacheté en cire d'Espagne rouge. Beckmann, Beitræge zur Geschichte der Erfindungskunst, trad. angl. in-8, t. 1, p. 219-223.

77: Cette particularité est omise dans la relation de l'Esprit du Mercure.

78: Selon le Suppl. au Journ. de l'Estoille, il aurait fait, sous ce déguisement, tout le voyage de Naples à Padoue.

79: Concordia, qui étoit alors une ville assez importante de la république de Venise, n'est plus qu'un pauvre bourg de 1,400 habitants, qui a toutefois conservé son évêché.

80: C'est une petite ville de la terre de Labour, un peu plus peuplée, mais plus déchue que Concordia, puisqu'elle n'a pas conservé son évêché. Elle dépend aujourd'hui du diocèse d'Isernia.

81: Il faut lire de Gaëtan, comme dans l'Esprit du Mercure, ou seulement de Gaëte. Fava donnoit de la vraisemblance à son roman quand il lui choisissoit pour héroïne la nièce du prince dans le duché duquel se trouvoit en effet l'évêché de Venafry, dont il se faisoit le titulaire.

82: Bari, ville archiépiscopale du royaume de Naples.

83: La relation de l'Esprit du Mercure ne reproduit la teneur d'aucune des quatre lettres du faussaire.

84: L'Esprit du Mercure dit «correspondant d'Alexandre Bossa».

85: L'Esprit du Mercure ne reproduit que cette lettre.

86: Le détail des pierreries et chaînes d'or achetées par Bertoloni ne se trouve pas dans l'Esprit du Mercure.

87: Le carcan étoit la chaîne de pierreries que les femmes portoient sur la gorge. On l'appeloit déjà jaseron, comme aujourd'hui, quand elle étoit d'or, et faite en fines mailles serrées, comme le haubert ou jaseron des chevaliers.

88: Les enseignes de pierreries étoient des ornements faits de plusieurs pierres enchâssées. Les hommes les portoient comme une aigrette au chapeau. C'étoit un souvenir des modes chevaleresques.

89: La seigneurie de Venise.

90: Tous les détails qui précèdent manquent dans l'Esprit du Mercure.

91: Courtiers.

92: Il n'est pas parlé de ce petit vol dans la relation de l'Esprit du Mercure.

93: Ce qui est dit ici sur le voyage et l'arrivée de Fava manque dans l'Esprit du Mercure.

94: Ce détail n'est pas omis dans le Suppl. au Journal de l'Estoille.

95: Cette petite église occupoit une partie de la place actuelle du Châtelet; elle avoit son entrée dans la rue Trop-va-qui-dure; disparue lorsque le quai de Gèvres fut construit. C'est dans cette rue, appelée au XVIe siècle rue des Bouticles près et joignant Saint-Leufroy, que devoit loger l'orfèvre à qui Fava s'adressa.

96: Ce nom, ainsi que ceux des orfèvres, manque dans la relation de l'Esprit du Mercure.

97: Le froid fut, en effet, extrême pendant les premiers mois de l'année 1608, ainsi qu'on l'apprend par l'article du Supplément au Journal de l'Estoille qui précède celui qui est relatif à Fava. «Le gibier, y est-il dit, les oiseaux, le bétail, meurent de froid dans les campagnes; plusieurs personnes, hommes et femmes, en sont mortes, et un plus grand nombre sont demeurés perclus, et d'autres ont les pieds et les mains si gelés, qu'on ne peut pas les réchauffer pour faciliter la circulation du sang dans ces parties.»

98: Jusqu'à la fin du XVIIe siècle, en Italie et en France, les médecins croyoient à la mauvaise influence des physionomies. Quand le chirurgien de Louis XIV saignoit Sa Majesté ou quelqu'un de la famille royale, il avoit le droit de faire sortir de la chambre toute personne dont la physionomie lui déplaisoit. «Félix, dit M. Barrière, usa de ce privilége; mais Dionis, chirurgien de la reine et des enfants de France, se vante de ne l'avoir jamais réclamé.» Mémoires de Brienne, t. Ier, p. 367, éclaircissements.

99: La relation de l'Esprit du Mercure dit le quai de l'Ecole-Saint-Germain, ce qui est une erreur. Le For-l'Evêque donnoit, d'un côté, rue des Fossés-Saint-Germain-l'Auxerrois, où la maison portant le no 65 occupe une partie de son emplacement; de l'autre, sur le quai de la Mégisserie, à la hauteur du no 56 ancien. (V. un de nos articles sur l'Hist. des ponts de Paris, Moniteur universel, 27 janvier 1853.)

100: Au sujet des tentatives de Fava pour s'empoisonner, il n'est parlé que d'arsenic, et non d'antimoine, dans le Supplément au Journal de l'Estoille.

101: Les apothicaires avoient ordre de ne vendre d'arsenic à qui que ce fût. On verra, par le passage suivant d'une lettre de Malherbe à Peiresc (17 juillet 1615), qu'ils observoient la défense rigoureusement, et même au péril de leur vie: «Un Simon, dit-il, soldat de la citadelle d'Amiens, fut pendu il y a douze ou quinze jours, à Amiens même, pour avoir donné trois coups de poignard à un apothicaire qui lui avoit refusé de l'arsenic. Il fit ce coup-là de la peur qu'il ne le découvrît.»

102: Nous n'avons trouvé cette pièce que dans le recueil factice en 57 volumes formé par Jamet le jeune sous ce titre: Femmes. Elle est dans le 38e volume. Jamet l'attribue à l'abbé de Grécourt, et je serois volontiers de son avis. L'abbé, en effet, qui étoit de Tours, comme on sait, avoit pu connoître Mie Margot, qui étoit d'Amboise, dans un des fréquents voyages qu'il faisoit en Touraine pour y reprendre sa joyeuse vie de chanoine de Saint-Martin de Tours, ou pour aider madame d'Aiguillon, la châtelaine de Verret, dans la composition du fameux recueil le Cosmopolite. (V. notre article sur l'abbé dans le Supplément au Dictionnaire de la conversation, 20e livraison, p. 258.) Peut-être est-ce l'abbé qui fit l'éducation de Margot. Je le croirois, d'après les détails qui se trouvent ici sur sa famille et sur son enfance. Il étoit, du reste, plus que personne, en état de le faire, et l'écolière, on va le voir, ne fut pas indigne de lui.

103: Le tombac ou tombacle est un métal de composition formé par l'alliage du cuivre et du zinc. Il est blanc quand celui-ci domine, ou jaune, comme ici, quand c'est le cuivre. Il étoit, au dernier siècle, pour les gens du peuple, ce que le chrysocale est aujourd'hui. Chaque faraud vouloit

De tombacle ou d'argent la boucle
Aussi brillante qu'escarboucle.

(Les Porcherons, chant Ier [Amusemens rapsodi-poétiques,
etc. Stenay, 1783, in-8, p. 132].)

104: On trouve une comparaison à peu près du même genre dans des vers que cite La Mésengère à l'article Tablier de son Dictionnaire des proverbes:

Quelle grâce, en effet, quels charmes singuliers
Nos dames présentoient avec leurs grands paniers!
.............
Sur une base énorme, obélisque nouveau,
Dans sa gaîne, le corps s'allongeoit en fuseau,
Et serré fortement, afin d'être plus libre,
Présentoit sur sa pointe un cône en équilibre.

105: Fameux arracheur de dents du Pont-Neuf, dont il est déjà parlé dans les Nouvelles à la main de 1728, dans le Journal de Barbier, passim, etc. Gouriet lui a consacré un article dans son livre Personnages célèbres dans les rues de Paris, 1811, in-8, t. Ier, p. 323-325. Une ancienne gravure, reproduite par le Magasin pittoresque, t. 9, p. 324-325, le représente sur son échafaud roulant, au bas de la statue de Henri IV. Quand il mourut, on fit en son honneur, sous ce titre: Apothéose du docteur Gros-Thomas, une chanson qui se trouve dans le recueil s. l. n. d. paru à la fin du XVIIIe siècle, et intitulé le Chansonnier françois (12e recueil, p. 117-122). Des onze couplets nous ne citerons que celui-ci:

Sur un char ceint de garde-foux,
Construit d'une forme nouvelle,
Il y débitoit pour cinq sous
La médecine universelle.
Le foie et les reins entrepris
Par son remède étoient guéris;
Et, par une secrette cause
Qu'il connoissoit dans tous les maux,
Il ordonnoit la même dose
Pour les hommes et les chevaux.

106: C'est un de ces enlèvements, un de ces triomphes de Margot ma Mie (sic), qui est représenté sur une gravure du temps, dont un fac-simile très exact a été donné dans la 26e livraison du Musée de la caricature en France (1834, in-4). «Admirez le pouvoir de ses charmes! dit M. Jaime, auteur de l'article qui accompagne cette reproduction. Elle a, sans doute, quitté la ruelle parfumée d'un grand seigneur; elle a été trop festoyée chez les gens du bel air: il lui faut des succès nouveaux, et la voilà tombée dans les bras du peuple, ornée de fleurs et de rubans. La courtisane, les rubans et les fleurs, le peuple ramasse tout, comme les miettes d'un banquet royal. On la porte en triomphe: elle inspire l'allégresse en attendant qu'elle inspire la pitié. Crocheteurs, mitrons, rotisseurs, cabaretiers, se sont tous cotisés pour payer les violons. Il n'y a pas jusqu'au commissaire qui l'escorte avec son greffier, et qui danse au milieu de ses administrés. C'est qu'en effet, tant que Margot n'aura pas attiré le guet, qu'elle n'aura pas cassé les vitres, le commissaire sera l'ami de Margot.» M. Jaime, depuis qu'il a écrit ces lignes, est devenu lui-même commissaire central à Versailles.

107: Ce lieu, où Vadé fit aussi ses fredaines, étoit situé, comme on sait, sur la rive gauche de la Seine, en face du jardin des Tuileries, à l'extrémité de ce quai, dont l'autre partie portoit déjà le nom de d'Orçay, à cause des travaux que M. Bertrand d'Orçay, prévôt des marchands, y avoit fait commencer en 1708.

108: Cette pièce est du même genre que les Caquets de l'Accouchée, et parut, à quelques mois près, vers la même époque; aussi les amateurs la rangent-ils au nombre de celles qui sont comme le complément de ce curieux recueil.—Elle ne porte pas de date, et, au premier abord, nous avons pensé, comme on l'a fait ailleurs, qu'on pouvoit lui donner celle du 29 avril 1621, qui correspond en effet à un départ du roi; mais après un plus mûr examen, il nous a semblé qu'il falloit la ramener à 1623.

109: On peut voir, par un passage des Caquets de l'Accouchée, combien ces départs du roi et de la cour, qui dépeuploient Paris de tous les gens faisant grande dépense, soulevoient de plaintes dans le corps des marchands. Les femmes n'en gémissoient pas moins. Il parut à ce propos: L'affliction des dames de Paris sur le départ de leurs serviteurs et amis suivant la cour, avec la consolation qui leur est faite sur ce sujet, par Cléandre.

110: C'est Brulart de Sillery, qui, malgré son grand âge, avoit repris, le 23 janvier 1623, la charge de chancelier, qu'il avoit occupée antérieurement, de 1607 à 1616.

111: Sillery imitoit en cela Du Vair, l'un de ses derniers prédécesseurs, qui avoit suivi le roi dans sa campagne de 1621, pendant laquelle il étoit mort à Tonneins, le 3 août.

112: Sa mort, arrivée le 1er octobre 1624, donna bientôt raison aux caqueteuses. Il avoit rendu les sceaux le 2 janvier précédent.

113: C'étoit le troisième départ du roi. La première fois, il étoit allé dans le Béarn; la seconde, dans le Poitou.

114: Ce voyage donna lieu à plusieurs livrets: le Voyage de Fontainebleau, fait par MM. Bautru et Desmaretz, par dialogue, 1623, in-8; le Messager de Fontainebleau, avec les nouvelles et paquets de la cour, 1623, in-8; le Pasquil du rencontre des cocus à Fontainebleau; le Clairvoyant de Fontainebleau, 1623, in-8.

115: Le jésuite Etienne Binet, dont nous avons déjà parlé dans une note de notre tome 1er, p. 128, note 2.

116: Confesseur du roi. V. Fæneste, édit. Jannet, p. 65.

117: On avoit de vives craintes du côté de l'Espagne; en 1621 il avoit paru un petit libelle: les Sentinelles au roi, ou avertissement des dangereuses approches des forces espagnolles pour bloquer le royaume de France et pays circonvoisins, avril 1621, in-8. Mais ce fut bien pis, en 1623; on publia: Progrès des conquêtes du roi d'Espagne, etc.; Dessein perpétuel des Espagnols à la monarchie universelle, avec les preuves d'iceluy; Déclaration historique de l'injuste usurpation et détention de la Navarre par les Espagnols, etc.

118: Comparé.

119: Il y avoit eu en 1621, surtout du 9 au 24 juillet, quelques beaux coups de main de l'armée royale contre la garnison de La Rochelle; mais la ville n'en tenoit pas moins intrépidement.

120: C'est-à-dire au dernier sou. Le blanc valoit alors 10 deniers.

121: Henri de Savoie, duc de Nemours. V. sur lui notre édition des Caquets, pag. 162.

Le duc de Nemours avoit épousé, en 1618, la riche héritière de ce prince, Anne de Lorraine. C'est par ce mariage que le duché d'Aumale passa dans la maison de Savoie, où il resta jusqu'en 1675.

122: V. sur lui une longue note de notre édition des Caquets de l'Accouchée, p. 147.

123: L'un des gros financiers de ce temps-là. Son luxe ordinaire fut cause que, dans la Voix publique au roi, il est un de ceux qu'on désigne aux rigueurs royales (Recueil A-Z; E, p. 241). Cette famille des Feydeau quitta bientôt la finance et passa dans la robe. (Journal de Marais, Rev. rétrosp., 30 novembre 1836, p. 189.) Au XVIIe siècle, un Feydeau, qui étoit dans l'échevinage, donna son nom à une rue bien connue de Paris.

124: V. encore, sur cette recherche des financiers, les Caquets de l'Accouchée, passim.

125: On connoît cette expression satirique, et le petit livre contre les gens de finance dont elle inspira le titre: l'Art de plumer la poulle sans crier, Cologne, 1710, in-12. En 1774, elle avoit encore cours. On la retrouve dans cette jolie épigramme à propos de l'avénement de Louis XVI:

Enfin, la poule au pot sera donc bientôt mise,
On doit du moins le présumer:
Car, depuis deux cents ans qu'on nous l'avoit promise,
On n'a cessé de la plumer.

126: Feydeau avoit marié sa fille au comte de Lude. (La Voix publique au roi, ibid.)

127: Sans doute le même qui étoit encore dans les finances en 1649, et dont il est dit, à la page 3 du Catalogue des partisans, etc., in-4, qu'il avoit été non seulement commis, mais lacquais.

128: Le maréchal de Créqui. V. sur lui une note de notre édition des Caquets de l'Accouchée, p. 170-171.

129: Le connestable de Lesdiguières, dont M. de Créqui étoit le gendre.

130: Depuis la mort de Luynes au siége de Monheur, la situation de ses frères étoit devenue telle qu'on la représente ici.

131: Louis Lefevre de Caumartin avoit été fait chancelier en 1622, et étoit mort peu de mois après. Nous ne savons quel est l'ambitieux qui, sur sa promesse, à ce qu'il paroît, s'étoit flatté d'obtenir son héritage, et fut trompé par sa mort trop prompte.

132: Le siége de Montauban fut très meurtrier pour la noblesse qui combattoit dans l'armée royale. V., sur ceux qui y sucombèrent et sur les soupçons auxquels leur mort donna lieu, les Caquets de l'Accouchée, p. 159.

133: Le trait devient plus piquant lorsqu'on sait que M. de Schomberg étoit surintendant des finances.

134: Beaumarchais n'avoit en aucune façon la réputation d'honnêteté qu'on lui donne ici. Lors de la recherche des financiers, c'est contre lui et contre son gendre, La Vieuville, qu'on sévit le plus rigoureusement. On les accusoit d'avoir volé en quelques mois plus de 600,000 francs. (La Voix publique au Roy, Recueil A-Z, E, 237-241.)

135: Jean-François de Gondi occupoit le siége de Paris depuis un an à peu près. Sa vie, dans sa maison de Saint-Cloud, étoit bien telle qu'on la représente ici.

136: C'étoit une petite paroisse située rue du Marché-Neuf. On l'a démolie en 1802. Les maisons portant les nos 6 et 8 tiennent sa place.

137: Sans doute Jacques Du Lorens, de qui l'on a un recueil de satires. La pièce que nous donnons ici ne s'y trouve pas.

138: C'étoit la moustache à l'espagnole. G. Naudé, dans le Mascurat, parle des caricatures qui couroient de son temps contre les Espagnols, et où on les représentoit avec «leur nez à la judaïque, leurs moustaches recroquillées en cerceau.» Le propre du courtisan étoit, selon Auvray, de toujours

Bransler le corps, faire un cinq pas,
Trousser les crocs de sa moustache.

(Satyres du sieur Auvray, l'Escuelle, p. 232.)

139: Duns Scott.

140: Les bedeaux de l'Université portoient aux processions, devant le recteur et les quatre facultés, une masse ou bâton à tête garni d'argent.

141: Ceci nous rappelle le couplet qu'on fit contre le maréchal de Villeroy:

Quand Charles sept contre l'Anglois
N'avoit plus d'espérance,
De Jeanne d'Arc Dieu fit choix
Pour délivrer la France.
Ne t'embarrasse pas, grand roi!
Cent fois plus sûre qu'elle,
Dans le fourreau de Villeroi
Il est une pucelle.

142: Lieu semé de chenevis. On y mettoit, pour empêcher les oiseaux d'approcher, un mannequin habillé en homme, que le Dict. de Trévoux appelle épouvantail de chenevière.

143: Le soudrille étoit un garnement qui devoit son nom aux drilles ou lambeaux dont il étoit habillé. Une pièce de Saint-Amant a pour titre Cassation des soudrilles.

144: Pour quémandeur, mendiant.

145: Ce roman de Math. Aleman étoit alors à la mode. G. Chappuis en avoit donné une traduction françoise en 1600, et, trente ans après, Chapelain devoit en donner une autre.

146: On connoît, à propos de cet accident, la fameuse épigramme si fréquemment attribuée à Théophile, et qui est en réalité de Saint-Amant:

Certes, ce fut un triste jeu
Quand à Paris dame Justice,
Pour avoir mangé trop d'espice
Se mit tout le Palais en feu.

(Les Œuvres de Saint-Amant, etc. Paris, 1661, in-8, p. 192.)

Entre autres relations faites sur cet incendie, nous pouvons citer: Récit de l'embrasement de la grande salle du Palais de Paris le 7 mars 1618, in-8; Incendie du Palais le 7 mars 1618; Boutray, Histoire de l'incendie et embrasement du Palais, 1618, et un article de M. Paul Lacroix, dans le journal l'Artiste, du mois de février 1836. Le Père Lelong, Bibliothèque historique de la France, t. III, p. 343, no 34,541, a cité les pièces indiquées tout à l'heure, mais il n'a pas connu celle que nous donnons ici. M. Paul Lacroix l'a eue, au contraire, entre les mains: il en cite un fragment.

147: Le Mercure françois donne à cet incendie des causes moins surnaturelles. Rapportant ce qu'on en disoit dans le public, il parle d'une chaufferette allumée qu'un marchand auroit laissée dans son banc, et, suivant une autre version, «d'un bout de flambeau» laissé sur un banc par la fille du concierge, et qui auroit communiqué le feu à une corde gagnant les combles. (Mercure françois, 1618, t. 5, p. 25.)

148: «Sur les deux heures et demie après minuict, la sentinelle du Louvre, du costé de la Seine, aperçut comme un cercle de feu sur le haut de la couverture de la grande salle du Palais.» Ibid., p. 18.

149: «Les pilliers furent, par la violence du feu, tous gastez, la table de marbre réduicte en petits morceaux, et les statues des roys nichées contre les parois et piliers toutes défigurées et perdues.» Id., p. 22-23.—Pour la fameuse table de marbre, qui fut détruite alors et ne fut pas remplacée, on peut voir un très curieux passage de la Description de... Paris au XVe siècle, par Guillebert de Metz, publiée par M. Le Roux de Lincy, 1855, in-8, p. 53.—Quant aux statues des rois, cet incendie, dont elles eurent tant à souffrir, fut pour Peiresc l'occasion de faire, à propos de l'une d'elles, une singulière découverte. «Peiresc, dit Requier, son biographe, accourut au fort de la nuit à ce triste spectacle avec Jacques Gillot, membre distingué du Parlement. Il y mena ensuite successivement presque tout ce qu'il y avoit de sçavant dans la capitale, pour voir celles des statues de nos rois dont il restoit quelque chose, les autres ayant été réduites en cendres. Aucun de ces savants ne pouvant dire de qui étoit la statue qu'on avoit vue avant l'incendie avec le visage mutilé, Peiresc prouva, par une niche qui restoit, que c'étoit celle de Henri d'Angleterre, que Charles VII s'étoit contenté de mutiler sans la faire abattre, parcequ'il destinoit une place à la sienne autre que celle que l'usurpateur avoit occupée.» Vie de Nicolas-Claude Peiresc, Paris, 1770, in-8, p. 171.

150: «Quant aux marchands accourus pour sauver leurs biens..., ils veirent leurs moyens consumez sans y pouvoir donner secours; il y eut quelques marchandises sauvées au quatrième pillier, mais peu...» Mercure françois, id., p. 19.

151: «Sur les cinq heures un quart, le feu prend à une tourelle près la Conciergerie.... Il s'éleva une clameur pitoyable de miséricorde et de secours... par les prisonniers, qui se vouloient sauver de force. Mais Monsieur le procureur général en fit conduire les principaux par Defunctis, prévost de robbe courte, aux autres prisons de la ville.» Id., 20-21.—Ce Defunctis est le même qui, ayant fait à Fæneste «la plus grande trahison», lui avoit rendu si deplaisante à dire, à cause du dernier mot, cette prière: «Laus Deo, pax vivis, requies Defunctis.» Les Aventures du baron de Fæneste. Édition Jannet, p. 63.

152: C'est cet enlèvement des pièces et registres épargnés par le feu qui donna lieu à l'opinion, encore répandue aujourd'hui, que l'incendie avoit été allumé afin de faire disparoître tout ce qui étoit relatif au procès de Ravaillac, si plein, disoit-on, de révélations compromettantes pour une foule de personnes. Toutefois, un grand nombre de pièces avoient été préservées. En outre des greffes, dont nous parlerons plus loin, on avoit sauvé les papiers du parquet des gens du roi et ceux du greffe du trésor.

Le Mercure françois (1618), t. 5, p. 24-25, donne aussi la teneur de cet arrêt.

153: Ce greffier, accouru au premier bruit du feu, «estant entré, par le costé du Jardin du roi, dans ses greffes, sauva ses registres et ce qu'il y avoit.» Mercure françois, id., p. 19.—C'est ce même greffier qui, seize ans auparavant, avoit lu au maréchal de Biron sa sentence de mort. V. Journal de l'Estoile, 31 juillet 1602.

154: Ces ordonnances sont une des œuvres gaillardes d'Estienne Pasquier. Il faut les joindre à son recueil de vers sur la Puce de Magdelaine Des Roches (V. notre tome 1er, p. 364), à son Monophile et à ses Colloques d'amour. Elles n'ont jamais été comprises dans ses œuvres complètes. C'est un tort: les éditeurs n'auroient pas dû les renier plus que Pasquier ne les renie lui-même. Dans une Lettre à M. de Marillac, seigneur de Ferrières, conseiller du Roy et maistre ordinaire en sa chambre des comptes (Lettres, liv. 2, lettre 5), il s'avoue gaîment l'auteur de ces folles ordonnances, qu'il avoit faites à un jour des Roys. «Parceque, dit-il à M. de Marillac, pour le present, mettez toute vostre estude à bastir, je vous ai voulu imiter, mais d'une imitation si gaillarde que je me puis bien vanter vous passer de tout poinct: car, au lieu que materiellement dressez palais et chasteaux, pour estre receptacle de vous et de vos amis, j'ay voulu d'un plus haut dessein bastir une republique, et encore republique composée sur un modèle si spacieux qu'elle ne s'estendra point à un seul peuple, comme est l'ordinaire de toutes loix, ains generalement à tous, de quelque estat, qualité, region et religion qu'ils soient. Ce sont les ordonnances d'amour, que je vous envoie, les quelles, sous l'authorité de Genius, archiprestre d'amour, ont esté publiées aux grands arrests tenus la veille des Roys, en ma maison, en presence de nostre roy, en une bien grande assemblée, tant d'hommes que de damoyselles. Vous jugerez, par la lecture d'icelles, si je suis digne d'estre ou chancelier d'un grand monarque, ou grand escuyer des dames, ou l'un et l'autre ensemblement. Voilà de grandes et superbes propositions. Pour le regard de la première, je vous remet devant les yeux ces belles et magnifiques loix, loix que je peux dire, sous meilleurs gages que Ciceron en sa harangue pour Milon, non dictées, ains nées, les quelles nous avons apprises, prises, ou par longue étude acquises, ains qui de la mesme nature se tirent, s'inspirent, et de ses propres mamelles s'espuisent: de manière que je me vanteray que les autres ne sont que masques au regard de celles-cy. Partant, peut-on à bonne et juste raison dire, selon le vieux proverbe françois, que j'y ai bien planté mes seaux; conséquemment que c'est à moy au quel appartient ce grand estat de chancelier. D'un aultre costé, si vous considerez le sujet et de quelle vivacité j'ay enfourné le faict des dames, il n'y a homme de jugement qui ne me declare digne d'estre leur grand escuyer.» Pasquier ajoute toutefois qu'il se pourra qu'on lui refuse ce dernier titre, «pour quelque impuissance, dit-il, que jugez assez mal à propos estre en moy, par un argument superficiel, c'est-à-dire d'un visage blesme, d'une delicatesse de membres, d'une calotte qui me faict bonne compagnie.... Je me conformerai donc en cecy, non à vostre commandement, mais bien au privilége commun des roys et princes, lesquels, pour estre les premiers ordinateurs de leurs loix, se donnent loy de n'y obeyr.» La Croix du Maine (Biblioth. franç., au mot Est. Pasquier) n'oublie pas de mettre cette pièce gaillarde au nombre des ouvrages du grave magistrat. Il l'indique ainsi: «Les ordonnances d'amour, imprimées au Mans et en autres lieux, sous noms dissimulés, le 26e arrêt d'amour.» La Monnoye, dans une note sur ce passage (édit. de Rigoley de Juvigny, t. 1, 185-187), déclare ne pas savoir ce que La Croix du Maine entend par ce 26e arrêt d'amour. «Je ne puis même, dit-il, deviner ce que c'est, n'y ayant en cela nulle allusion aux anciens arrêts d'amour de Martial d'Auvergne, les quels excèdent de beaucoup le nombre de vingt-cinq.» Quant à l'édition du Mans dont parle l'auteur de la Bibliothèque françoise, ce doit être, d'après M. Brunet (Manuel du Libraire, 3, 644), et d'après M. Feugère (Essai sur la vie et les ouvrages d'Estienne Pasquier, p. 208), la même que celle dont voici le titre: Ordonnances generales d'amour, envoyées au seigneur baron de Myrlingues, chancelier des isles d'Hyères, pour faire etroitement garder par les vassaux du dit seigneur, en sa juridiction de la Pierre-au-Lait, imprimé à Vallezergues par l'autorité du prince d'Amour, 1564, petit in-8o de 12 feuillets. Un exemplaire en fut vendu 12 francs chez la Vallière. Selon La Monnoye (loc. cit.), une autre édition, donnée en 1574 «en Anvers, chez Pierre Urbert», porteroit une fausse indication de lieu et auroit été publiée au Mans comme la première. C'est cette seconde édition, dont le titre ne diffère de celui de l'autre que par la mention prétendue fausse citée tout à l'heure, qui a été reproduite par M. Techener dans la 7e livraison de ses Joyeusetez, etc., d'après un exemplaire qu'il avoit acheté dans une vente publique à Londres vers la fin de 1828, et qu'il ne possède plus depuis long-temps. Celle que nous reproduisons, avec son titre et sa date, n'est citée ni par La Monnoye, ni par M. Brunet. M. Feugère l'avoit connue par le Catalogue de la Bibliothèque impériale; mais, faute de pouvoir s'en faire communiquer l'exemplaire inscrit, il avoit pensé et il avoit écrit: «La Bibliothèque, en réalité, ne possède ni cette édition, ni les précédentes.» Nous avons été plus heureux que M. Feugère: l'exemplaire de l'édition de J. Sara, 1618, a pu nous être communiqué, et nous l'avons fait transcrire avec le plus grand soin, en y joignant tout ce qu'on avoit retranché de l'édition de 1574, c'est-à-dire tout ce qui va de l'art. 48 jusqu'à la fin, et en marquant les variantes de texte d'après cette même édition.—Nous ferons d'abord remarquer les différences qui existent, pour le titre, entre cette édition de 1618 et les précédentes. Sur le titre de celles-ci, transcrit plus haut, il n'est pas question de la Samaritaine, qu'Estienne Pasquier put bien voir, puisqu'il ne mourut qu'en 1615, mais dont il ne pouvoit parler en 1564. Le ressort de la Pierre au let, qui y est indiqué, nous avoit fait penser d'abord qu'Estienne Pasquier habitoit dans les environs de la rue de ce nom, dans le quartier Saint-Merry; mais, nous étant convaincu qu'il n'avoit demeuré que loin de là, sur la paroisse Saint-Severin et au quai de la Tournelle, nous avons cru voir dans cette indication une simple réminiscence d'un passage de Villon où la Pierre au let est ainsi nommée comme un lieu où toute ordonnance d'amour trouveroit qui régenter. La baronie de Mirlingues est un souvenir de Pantagruel, liv. 3, ch. 36.

155: Dévolu se disoit du droit acquis à un supérieur de conférer tout bénéfice, quand l'inférieur et collateur ordinaire négligeoit de le conférer, ou l'avoit conféré à une personne incapable.

156: Var. de l'édit. de 1574: personnages.

157: Divisés en partis. Pasquier s'est servi ailleurs de cette expression: «Voyant son royaume partialisé en ligues pour la diversité des religions.» Recherches de la France, liv. 6, ch. 7.

158: Encore une expression favorite de Pasquier. Il a dit, en son Pourparler du prince: «Je serois d'advis de l'exterminer de ceste nostre compagnie.» Sur ce mot, pris dans le sens de chasser, pousser hors des limites (ex terminis), et dont Racine a fait tant de fois un éloquent usage, on peut lire une dissertation dans le Journal littéraire de Clément, t. 2, p. 58.

159: Mot emprunté à la langue des vignerons, qui appellent provin la branche de vigne d'où doivent sortir les nouvelles souches. Pasquier se sert ailleurs du mot provigneur, qui en vient aussi. Il parle, dans ses Recherches de la France (liv. 5, ch. 14), d'un tas «d'escoliers italiens que l'on appelle docteurs en droict, vrais provigneurs de procez.»

160: Var.: habetis.

161: Ruses, subtilités, du latin cavillatio, qui avoit le même sens. On en avoit fait l'adjectif cavilleux, que nous trouvons déjà dans la Chronique de Saint-Denis.

162: Arrangements, accommodements.

163: Couper broche à quelque chose se disoit par allusion au tonneau en perce, dont on ne peut plus tirer le vin quand la broche ou cheville a été coupée. (Dict. de Trévoux.)

164: Ce mot que l'on ne croiroit mis ici que pour les besoins de la gaillardise, se trouve en réalité fort bien à sa place dans une pièce publiée au Mans, ville où le vidame, avoué de l'évêque, jouissoit plus qu'ailleurs d'une grande puissance, et avoit une juridiction très étendue. V. Mémoires des intendants (Maine), art. Noblesse, et Denisart, Collection de jurisprudence, art. Chasse.

165: Var.: visitation.

166: «En France, du commencement, les juges ne prenoient aucun salaire des parties, au moins par forme de taxe, et contre leur volonté: car les espices estoient lors un présent volontaire que celui qui avoit gagné sa cause faisoit par courtoisie à son juge ou rapporteur, de quelques dragées, confitures ou autres espices.... A succession de temps, les espices ou espiceries furent converties en or, et ce qui se bailloit par courtoisie et libéralité fut tourné en taxe et nécessité.» (Loiseau, Des offices, liv. 1er, ch. 8.) Estienne Pasquier (Recherches de la France, liv. 2, ch. 4) s'est expliqué lui-même sur ce changement du don volontaire en taxe et des espices en argent. «Le malheur du temps, dit-il, voulut tirer telles libéralités en conséquence.... Le 17e jour de may 1402 fut ordonné que les espices qui se donneroient pour avoir visité les procez viendroient en taxe.... Depuis, les espices furent eschangées en argent, aimant mieux les juges toucher deniers que des dragées.»

167: Nous trouvons dans l'Ancien Théâtre françois, t. 1, pag. 111-128: Farce nouvelle, très bonne et fort joyeuse, des femmes qui demandent les arrerages de leurs maris, et les font obliger par nisi, etc.

168: M. Le Roux de Lincy, dans son Introduction à notre édition des Caquets de l'Accouchée, a cité ce passage.

169: Reliefs d'appel, c'est-à-dire, en terme de chancellerie, les lettres qu'on obtenoit pour relever un appel interjeté, et faire intimer pardevant le juge supérieur la partie qui avoit eu gain de cause par une première sentence.

170: Sot, dans le sens qu'on donnoit alors à ce mot quand il s'agissoit des maris. «Les frères, ou pour le moins les cousins germains de sot, dit Henry Estienne, sont niais, que le vieil françois disoit nice, fat, badaud.» Apologie pour Hérodote, La Haye, 1735, in-12, t. 1er, p. 28.

171: C'est le vieux mot qui signifioit lapin.

172: «Les mousquets, les fusils, les arquebuses, sont appelés des bâtons à feuDict. de Trévoux.

173: Cet arrêt burlesque de Pasquier fut sérieusement formulé et mis en vigueur au commencement du XVIIIe siècle. «La passion du vin, dit Lemontey, étoit assez répandue; déjà quelques parlements avoient ordonné qu'on arrachât les vignes plantées depuis 1700.» Histoire de la régence.

174: Pasquier joue ici sur la ressemblance des mots noix et noisettes avec noises (disputes).

175: Variétés du jeu de trictrac.

176: Jeu dont Nicot fait mention au mot Trictrac. Il est cité par Coquillard dans ses Droits nouveaux et par Des Accords. Rabelais le place parmi ceux de Gargantua, et son traducteur anglois nous donne à entendre ce qu'il étoit en l'expliquant par à dames doubles ou à doubler les dames.

177: Ce jeu se trouve aussi parmi ceux de Gargantua, de même que le fourby, qui vient après.

178: Sorte de jeu de cartes dont le règlement fut publié à la fin du XVIe siècle, avec approbation et privilége du roi, chez la veuve Savoye, rue S.-Jacques, à l'enseigne de l'Espérance. «Ce jeu, y est-il dit à la fin, est fort divertissant, et goûté en à part des gens d'épée, qui n'ont vergogne des mots quand il s'agit de gentes choses.»

179: Ces figures existent encore sur les tarots et sur les cartes d'Italie et d'Espagne.

180: On disoit qu'une balle avoit passé à fleur de corde quand il s'en étoit fallu de peu qu'elle n'eût été dehors; de là l'expression demoiselles à fleur de corde pour désigner des filles prêtes à sortir du droit chemin. (Voir notre édition du Roman bourgeois, p. 30.)

181: Ici, dans l'édition de Jean Sara, se trouve une interversion de pages qui nous fait passer de la 11e à la 14e et du 29e au 38e article.

182: «C'est le saut, la chute d'un homme qu'on fait tomber par un certain tour de lutte.» Dict. de Trévoux.

183: Le branle gay se dansoit par deux mesures ternaires; le branle double se répétoit deux fois.

184: Nous n'avons pas trouvé celui-ci parmi ceux que décrit l'Orchésographie de Toinot-Arbeau (Tabourot). Peut-être faut-il lire branle de la torche, qui étoit l'un des plus célèbres, et où l'on ne se faisoit pas faute de baisers.

185: Pour espionnages. L'échauguette étoit proprement la tourelle où étoit assise la guette, c'est-à-dire la personne chargée de faire le guet.

186: Pasquier entend par là soit les gens capables de faire banqueroute à l'amour, et dignes d'avoir, comme les autres banqueroutiers, leurs maisons teintes de couleur de safran, soit les amants transis dont Du Lorens a dit (satire 14):

Tant d'hommes que l'on voit tendres et langoureux
De couleur de safran, sont tous ses amoureux.

187: C'est-à-dire s'amusant aux bagatelles et ne donnant pas marchandise qui dure. «Ce sera une denrée meslée telle que de ces marchands quincailliers, lesquels assortissent leurs boutiques de toutes sortes de marchandises pour en avoir le plus prompt débit.» Pasquier, Lettres, liv. 1er, lettre 1re.

188: Elles commençoient à ne plus être à la mode, au grand désespoir de plusieurs dames. En 1563, il avoit paru à Lyon, chez Benoist Rigaud, une pièce ayant pour titre: Blason des basquines et vertugalles, avec la belle remonstrance qu'ont fait quelques dames quand on leur a remonstré qu'il n'en falloit plus porter.

189: On lit dans l'édit. de 1574: Remettons ceste matière à nostre conseil estroit pour en estre plus mûrement délibéré avec nos gens d'amour.

190: Le héron est proscrit ici comme étant le plus couard et le moins amoureux des oiseaux. On sait, d'ailleurs, que la cuisse héronniére est le type de la maigreur.

191: Nous ne savons quelle étoit cette monnoie, dont le nom fait du moins supposer la valeur. Le salut étoit une monnaie d'or avec une image de la vierge recevant la salutation angélique; la jocondale, un dollar de la valeur de trois schellings, selon Cotgrave; la marionnette, un petit ducat d'Allemagne, d'or de bas aloi.

192: L'édition de J. Sara, 1618, s'arrête ici. Après ce dernier mot on y lit: Car tel est nostre plaisir. Fin.

193: De supinus, qui veut dire couché sur le dos.

194: Contre nature. Montaigne parle des prépostères amours.

195: Fausse pierrerie faite de deux morceaux de cristal taillés et joints ensemble à l'aide d'un mastic coloré.

196: Faux diamant. La Fontaine a dit:

Tout est fin diamant aux mains d'un homme habile;
Tout devient happelourde entre les mains d'un sot.

197: «Le parlement prononçoit en robe rouge les arrêts les plus importants, qui devenoient ensuite comme autant de règles pour notre jurisprudence. (V. l'Interprét. des Institutes, II, 84, 87 et passim.) On trouve dans les œuvres de du Vair un recueil d'arrêts prononcés en robe rouge.» (Note de M. Feugère.)

198: Ces ordonnances ont été très diversement jugées. Feller, dans son Dictionnaire historique, les traite fort mal. M. Feugère est plus indulgent (Essai sur... la vie d'Estienne Pasquier..., p. 208, note). «Quoi qu'on ait dit de cette pièce, écrit-il, ceux qui prendront la peine de la lire s'assureront qu'elle n'est que joviale.» L'appréciation de M. Sainte-Beuve, dans son remarquable travail sur Estienne Pasquier, me semble la plus juste. «Si l'on vouloit s'égayer, dit-il..., on n'oublieroit pas... ces fameuses Ordonnances d'amour, qui n'ont pas dû trouver place dans les œuvres complètes de Pasquier, et qui sont comme les saturnales extrêmes d'une gaillardise d'honnête homme au XVIe siècle.»—Ce ne fut pas, nous l'avons déjà dit, la seule licence que Pasquier se permit en ce genre; depuis la publication de notre premier volume, nous avons découvert que l'une des pièces que nous y avons insérées, les Singeries des femmes de ce temps (V. pag. 55) a été inspirée, pour ce qu'elle contient de plus gaillard, par une lettre de Pasquier à M. de Beaurin (liv. 18, lettre 3).

199: M. Leber possédoit une édition de cette pièce qui portoit la date de 1624.

200: C'est celui que Rabelais désigne ainsi (liv. 1er, ch. 22):

A Coquimbert,
Qui gaigne perd.

201: La pistole étoit originairement une monnoie d'Espagne.

202: Petite monnoie d'argent mise en cours par Louis XII. Elle devoit son nom à la teste de ce roi qui y étoit frappée. Elle avoit d'abord valu dix sols parisis. Quand Henri III la supprima, en 1575, elle ne valoit plus que quatre deniers.

203: Demi-pistoles. V., dans les Contes et joyeux devis de B. Des Perriers, la CIVe nouvelle.

204: On croit entendre le Scapin des Fourberies (acte 2, scène 8): «Mais, pour plaider, il vous faudra de l'argent. Il vous en faudra pour l'exploit; il vous en faudra pour le contrôle; il vous en faudra pour la procuration, pour la présentation, les conseils, productions et journées de procureur. Il vous en faudra pour les consultations et plaidoiries des avocats, pour le droit de retirer le sac et pour les grosses écritures. Il vous en faudra pour le rapport des substituts, pour les épices de conclusion, pour l'enregistrement du greffier, façon d'appointement, sentences et arrêts, contrôles, signatures et expéditions de leurs clercs, sans parler de tous les présents qu'il vous faudra faire.»

205: Fameuse tavernière dont le cabaret se trouvoit dans les environs du Louvre. On n'y mangeoit pas à moins d'une pistole. V. les Visions admirables du pèlerin du Parnasse, Paris, 1635, in-8, p. 208, et notre Histoire des hôtelleries et cabarets, t. 2, p. 308-311.—Chez la Coiffier on dînoit jusqu'à six pistoles «pour teste». Francion, 1663, in-8. p. 308.

206: Gaillac, dans l'Albigeois.

207: Ce mot, qui s'appliquoit surtout aux Maures, se disoit aussi des juifs convertis. V. Cotgrave.—On comprend alors qu'on en fît une injure contre les procureurs rapaces. C'est, toutefois, contre les Espagnols qu'on l'employoit surtout. V. L'Estoille, Journal de Henri IV, 19 juin 1598.

208: V., sur ce mot, une note des Ordonnances d'amour.

209: Les années de la vie humaine qui ramènent les nombres sept et neuf sont appelées années climatériques, du mot grec κλιμαξ, échelle, degré; mais la climatérique par excellence est l'année 63, qui représente le multiple de ces deux nombres fatals. V. Lettres de Pasquier, in-fol., t. 2, p. 416, 6.—A l'époque où parut cette pièce, le nombre fatidique inquiétoit fort les esprits. On attribuoit, en effet, tous les malheurs du règne de Henri IV et sa mort sanglante à la fatalité qui l'avoit fait le 63e roi de France. Les faiseurs d'almanachs ne se faisoient pas faute de le répéter. Du vivant même du roi, ils avoient dit que le nombre funeste lui porteroit malheur. Malherbe, dans son ode «présentée à Sa Majesté, à Aix, en l'année 1600», fait ainsi allusion à ces pronostics:

A ce coup iront en fumée
Les vœux que faisoient nos mutins,
En leur ame encore affamée
De massacres et de butins.
Nos doutes seront éclaircies,
Et mentiront les prophéties
De tous ces visages palis,
Dont le vain estude s'applique
A chercher l'an climatérique
De l'éternelle fleur de lys.

210: Noël Mauregart ou Morgart avoit été, de 1614 à 1619, un des prophètes le plus en crédit auprès du peuple, et le plus activement poursuivi par la justice. Nous connoissons de lui, entre autres écrits divinatoires: le Manifeste de Noël-Léon Morgard, spéculateur ès causes secondes, contenant les affaires et divers accidens de l'année 1619; Seconde partie du Manifeste..., contenant les horoscopes universels, prospérités et infortunes de tous les hommes de la terre.

211: Nous connoissons les malheurs de Mauregard par les lettres de Malherbe à Peiresc. Il écrit, par exemple, le 13 janvier 1614: «Vous avez eu des almanachs de Morgart; il est à la Bastille, d'où il sera malaisé qu'il sorte que pour aller en Grève»; puis encore, le 13 février suivant: «Morgart a été condamné, il y a quelques jours, en galères pour neuf ans. La reine eût bien désiré qu'il fût mort; toutesfois, la recommandation qu'elle en a faite lui rendra la vie pire que la mort.» Il paroît qu'il en réchappa cependant; ses almanachs de 1619 en sont la preuve, s'il est vrai qu'il les ait faits lui-même. Nous le retrouverons plus loin aux galères de Marseille.

212: Allusion à la défaite alors récente du duc de Féria près de Bâle. Il couroit sur cette affaire un livret intitulé: La fuite de l'armée espagnolle, conduite par le duc de Féria, près la ville de Basle, le samedy douzième novembre mil six cent trente-trois, aux approches de l'armée du roy, conduite par M. le maréchal de la Force; avec ce qui s'est passé en icelle et l'état en lequel est maintenant l'armée française. S. l. n. d., in-8.

213: M. Bazin a connu cette particularité de la vie persécutée de notre prophète. «Durand, fait-il dire à son cadet de Gascogne, me raconta que, deux ans auparavant (1614), un nommé Noël Morgart, ayant peut-être prévu ce que devoient produire les intrigues de la cour, avoit annoncé le soulèvement prochain de plusieurs princes, et que, pour avoir trop bien lu, non dans les astres, mais dans les cœurs, on l'avoit envoyé à Marseille, où il devoit, pendant neuf ans, tirer la rame sur les galères du roi, ce qui avoit engagé les pronostiqueurs à ne plus annoncer que des prospérités.» La Cour de Marie de Médicis, 1830, in-8, p. 130.

214: Rival de Mauregard pour les prophéties. Sa réputation lui survécut long-temps. En effet, bien qu'il soit donné ici pour bel et bien mort, nous le trouvons encore nommé parmi les prophètes en crédit dans une mazarinade: Catastrophe burlesque sur l'enlèvement du roi... 1649, et, plus tard encore, dans le Roman bourgeois. (V. notre édit., p. 309.)

215: Il ne faut pas le confondre avec l'auteur des comédies, duquel, d'ailleurs, on le distinguoit de son temps en l'appelant Larivey le jeune, comme on le voit par ce passage de Francion: «Quand nous étions à Paris, n'as-tu point leu l'almanach de Jean Petit, Parisien, et celuy de Larivay le jeune, Troyen? Il m'est advis qu'ils pronostiquoient mes advantures.» (L'Histoire comique de Francion, Paris, 1663, in-8, p. 604, liv. 11.)

216: Ces inondations de la Bièvre étoient fréquentes. On en connoît deux au XVIe siècle, l'une en 1526 (Piganiol, I, 39), l'autre au mois d'avril 1579. Celle-ci fut des plus furieuses. Les eaux s'élevèrent de plus de quinze pieds, et l'église des Cordelières de la rue de Lourcine fut submergée jusqu'à la hauteur du grand autel. Plusieurs relations parurent au sujet du déluge de Saint-Marcel, comme on appeloit cette inondation. MM. Cimber et Danjou en ont reproduit une dans leurs Archives curieuses de l'histoire de France (1re série, t. 9, p. 303-309); elle a pour titre: le Désastre merveilleux et effroyable d'un déluge advenu ès faubourg S.-Marcel lès Paris le 8e jour d'avril 1579, avec le nombre des mors et blessés et maisons abbatues par la dicte ravine; Paris, chez Jean Pinart... 1579. Une autre pièce, moins connue et aussi moins intéressante, parut la même année sous ce titre: Deluge et inondation d'eaux fort effroyable advenu ès faubourg S.-Marcel à Paris la nuict précédente, jeudy dernier, neufvième avril au présent, 1579, etc.—L'inondation qui donna lieu à la pièce reproduite ici, et déjà indiquée par le P. Lelong (t. 3, p. 343, nos 34,541), semble n'avoir pas causé autant de ravages. La seule mention que nous en connaissions se trouve même dans ce livret. Quarante ans après, la Bièvre, contre laquelle on n'avoit sans doute pas pris les précautions recommandées ici, déborda de plus belle et renouvela les désastres de 1579. «La petite rivière des Gobelins, écrit Gui-Patin le 28 février 1665, a fait bien du ravage dans les faubourgs de S.-Marceau; elle a débordé en une nuit, et y a bien noyé des pauvres gens. On en comptoit hier (ce 24 février) 42 corps qui avoient esté repeschez, sans ceux que l'on ne sçait pas.»

217: C'est l'année précédente (1624) que l'aqueduc d'Arcueil, commencé en 1613, pour conduire les eaux de Rongis à Paris, avoit été terminé, privant ainsi le canal de la Bièvre d'une partie des eaux qui l'alimentoient.

218: Bouviers est un hameau près Guyencourt, «tirant vers S.-Cyr». (L'abbé Le Beuf, Hist. du diocèse de Paris, t. 8, p. 453.)

219: Piganiol, dans sa Description historique de Paris, t. 1er, p. 39, résume ainsi ce qui va suivre sur le cours de la Bièvre: «Cette rivière, dit-il, a son cours d'occident en orient, et est formée par deux sources, fort proches l'une de l'autre, qui sont au bois de Satory, près de Versailles. Elles se joignent un peu au dessous de ce bois. Elle passe à Bièvre, village qui lui donne son nom, puis à Igni, au Pont-Antoni, à Gentilly, etc., et, près de Paris, se partage en deux bras, dont l'un passe aux Gobelins; puis ils se rejoignent au Pont-aux-Tripes, dans le faubourg S.-Marceau, et elle se jette dans la rivière auprès de la Salpêtrière.» Piganiol eût pu ajouter que, du XIIIe siècle jusqu'au XVIIe, il y eut une autre dérivation de la Bièvre, faite au profit des moines de S.-Victor, à travers l'enclos de leur couvent, et par suite de laquelle une partie des eaux de la petite rivière, au lieu de se jeter dans la Seine au dessus de la Salpêtrière, venoit s'y perdre tout près de la place Maubert, vers les Grands-Degrés. (Mémoires de l'Académie des Inscriptions, t. 14, p. 270-272.) C'est ce canal supplémentaire, supprimé définitivement par arrêt du Conseil du 3 décembre 1672, qui étoit cause en partie des inconvénients qu'on signalera tout à l'heure, et surtout de l'infection des eaux de la Seine à la hauteur du quai de la Tournelle.

220: Ces étangs s'appeloient ainsi d'une famille qui avoit aussi donné son nom à une rue de Paris, dans le Marais. (L'abbé Le Beuf, id., p. 451.)

221: Ils étoient à la hauteur du Jardin des Plantes actuel. Ils existoient dès le temps de saint Bernard, désignés sous le nom de moulins de Cupels. (Mémoires de l'Acad. des Inscript., t. 14, pag. 270.) L'inondation de 1579 les avoit détruits. (V. Archives curieuses, 1re série, IX, pag. 309).—Le nom de la rue Copeau est encore un souvenir de ces moulins.

222: Il en étoit encore ainsi en 1702. Il est dit dans une ordonnance de police rendue le 20 octobre a cet effet: «La rivière de Seyne, du costé des quays S.-Bernard et de la Tournelle, jusques et au dessus du pont de l'Hôtel-Dieu, estoit extrêmement grasse et bourbeuse, mesme d'un goût puant et infecté, ce qui empeschoit d'y puiser comme à l'ordinaire; laquelle infection provient de ce que les tanneurs et mégissiers demeurant dans le faubourg S.-Marcel et aux environs lavent dans la rivière de Seine et dans celle des Gobelins leurs bourres et leurs cuirs pleins de chaux, y jettent leurs escharnures, plains et morplains, et tous les immondices de leur mestier.»

223: Cette propriété si long-temps proverbiale des eaux de la Bièvre est niée par M. Lacordaire, directeur actuel des Gobelins (Notice sur l'origine et les travaux des manufactures de tapisseries et de tapis réunies aux Gobelins, 1852, gr. in-18, p. 56). Tout ce qu'on en a dit repose, écrit-il, sur une «erreur que la seule inspection du cours de ces eaux bourbeuses suffit pour dissiper.» M. Lacordaire ajoute que l'eau de Seine et celle d'un puits sont exclusivement employées dans les ateliers de teinture.

224: Depuis long-temps les tanneurs et mégissiers s'étoient établis sur les bords de la Bièvre. Nous trouvons des détails sur les suites de leur établissement, dans le récit du procès qu'ils firent, en 1789, au sieur de Fer, qui prétendoit détourner le cours de la rivière pour l'amener, ainsi que l'Ivette, au sommet du faubourg Saint-Jacques (Bachaum. Mém. secr. t. 34, p. 232). Pour combattre ce projet, qui tendoit à leur enlever leur cours d'eau, les mégissiers s'appuyoient sur la longue durée de leur établissement et sur les lettres royales qui leur en avoient octroyé la permission et même imposé l'obligation. Richer, qui, dans les Causes célèbres (t. 177, p. 123), a rédigé l'exposé de cette cause, s'explique ainsi pour ce qui regarde le droit menacé des tanneurs: «Ils étoient jadis, dit-il, au centre de Paris, où ils habitoient les rues de la Tannerie et plusieurs autres; mais, dès 1577, le gouvernement, qui s'occupoit déjà plus spécialement de la propreté et de l'embellissement de cette capitale, avoit résolu de les éloigner, et un arrêt du Conseil du 24 février 1673, revêtu de lettres-patentes qui furent enregistrées au Parlement le 28 novembre suivant, les transféra définitivement au faubourg S.-Marceau, en leur conservant tous les droits et priviléges des bourgeois de Paris et affectant à leur usage particulier la rivière des Gobelins, pour la conservation des eaux de laquelle le roi, entre autres choses, par son arrêt de règlement du 26 février 1732, a accordé auxdits syndics et intéressés la permission d'avoir deux gardes à ses armes et bandouillières, pour constater les delits et contraventions qui pourroient être commis sur ladite rivière, pour l'entretien de laquelle ils dépensent annuellement plus de 6,000 livres.»

225: Il étoit neveu du fameux ingénieur J. Errard, dont l'excellent ouvrage De la fortification demonstrée et réduite en art lui doit sa seconde édition, in-fol., 1620.

226: C'étoient les descendants de ce Gilles Gobelin qui, sous François Ier, avoit établi là ses premières teintures d'écarlate. Rabelais en parle (liv. 2, chap. 22) quand il dit de la rivière de Bièvre: «Et c'est celuy ruisseau qui de present passe à S.-Victor, auquel Guobelin teinct l'escarlatte.» Au temps de Ronsard, la réputation de cette race de teinturiers n'avoit fait que s'accroître. Le poète, s'adressant à Gaspar d'Auvergne, parle (liv. 2, ode 21)

D'une laine qui dement
Sa teinture naturelle,
Es poisles du Gobelin,
S'yvrant d'un rouge venin
Pour se desguiser plus belle.

Selon M. Lacordaire (loc. cit., p. 18, note 2), la famille Gobelin étoit originaire de Reims; mais, d'après un manuscrit de la Bibliothèque de La Haye, cité par M. Achille Jubinal (Lettre à M. le comte de Salvandy sur quelques manuscrits de la Bibliothèque royale de La Haye, 1846, in-8, p. 113 et 114), il paroîtroit qu'elle étoit venue de Flandres. Il y est dit que la rivière des Gobelins «se nomme ainsi de ces fameux teinturiers flamands qui se nommoient Gobeelen, et, par corruption de langue, on en a fait Gobelins. Ils y ont establi une fabrique de tapisserie qui, pour la finesse, la bonne teinture et le beau meslange des couleurs, des soyes et des laines, surpasse celles de Flandres et d'Angleterre; mais aussy sont-elles de beaucoup plus chères. Ceux qui y travaillent sont encore, pour la plupart, d'Anvers, de Bruges ou d'Oudenarde.»

227: Femmes qui avoient permission de tenir une sorte de bureau d'adresse où les servantes et nourrices venoient se recommander et chercher condition. Par déclaration du roi enregistrée le 14 février 1715, le lieutenant de police devoit connoître de ce qui les concernoit.—Le mot de recommanderesse est l'un de ceux qui sont soumis à l'approbation des Grands jours de l'éloquence françoise, d'après le Rôle des presentations, etc., pièce publiée dans notre tome 1er (p. 137), et que nous avons appris depuis avoir été attribuée par Pellisson (Hist. de l'Acad. franç., t. 1er, p. 67) à Sorel, qui, de son côté, s'en défendit fort dans son Discours sur l'Académie françoise (1654, in-12).

228: Auparavant, pour exprimer la même chose, on avoit dit passe-fillon. C'étoit, et pour cause, le surnom donné à une femme de Lyon qui fut la maîtresse de Louis XI. (V. la Chronique scandaleuse.) Ce mot, dont le nom de la Fillon, fameuse courtisane de la Régence, ne nous semble être qu'un diminutif, se retrouve, du moins pour le sens, dans celui de passe-lacet, qui court encore les coulisses de l'Opéra.

229: Faire pieds-neufs, c'étoit accoucher. «Gargamelle, dit Rabelais (liv. 1er, ch. 7), commença se porter mal du bas, dont Grangousier se leva dessus l'herbe... pensant que ce feust mal d'enfant..., et qu'en brief elle feroit pieds neufs.» Des Perriers donne une variante de cette locution. «Il envoye, dit-il, sa fille aisnée... chez une de leurs tantes, sous couleur de maladie... et ce en attendant que les petits pieds sortissent.» Contes et joyeux devis, Amsterdam, 1735, in-12, t. 1er, p. 58.

230: V. la Conférance des servantes de Paris, dans notre tome 1er, p. 320.

231: Cette expression est aussi employée par Rabelais (liv. 2, ch. 21), et de manière à nous convaincre qu'il y est fait allusion, non pas, comme le pense Le Duchat, au mannequin mobile et pliant des peintres, mais à quelque instrument de musique dont se servoient les ménétriers, et qui, venu d'Italie, devoit son nom au manche (manico) dont étoit muni.

232: Mot encore employé par Rabelais (liv. 4, ch. 51). C'est le féminin de saffre, gourmand, glouton; mais il signifie plutôt ici friande. Oudin donne le même sens à savouret, savourette.

233: C'est-à-dire derrière les Gobelins.

234: V. encore la Conférance des servantes...., dans notre tome 1er, p. 317, note.

235: Ceci prouve qu'un mot de la fameuse pièce du Demi-Monde dit aux répétitions, même à la dernière, qui fut publique, mais supprimé aux représentations, n'avoit pas même pour soi une bien fraîche nouveauté.

236: Le bas-volet ou bas-voilet étoit la coiffure des paysannes des environs de Paris. Le nom qu'on donne à celle-ci leur en venoit. On disoit indistinctement une bavolette ou un bavolet, comme Bois-Robert:

Loin de la cour je me contente
D'aimer un petit bavolet.

237: Le poète Vauquelin des Yveteaux, dont M. P. Blanchemain a réuni pour la première fois les Œuvres poétiques (Paris, Aubry, 1854, gr. in-8), n'avoit été que deux ans, de 1609 à 1611, précepteur de Louis XIII; mais il avoit conservé du crédit à la cour.—Cette pièce, qui témoigne de l'idée qu'on avoit de sa puissance, même dans sa retraite, et qui n'est pas, par conséquent, indifférente pour sa biographie, n'a été connue ni de M. P. Blanchemain, ni de M. J. Pichon dans ses Notices biographiques et littéraires sur la vie et les ouvrages de Jean Vauquelin de la Fresnaye et Nicolas Vauquelin des Yveteaux, Paris, Techener, 1846, in-8.

238: Accouplé, doublé. Dans ce sens, on avoit le substantif appariation. V. Montaigne, liv. 2, ch. 12.

239: «Son Rodomont, autre imitation (de l'Arioste) qui n'a guère plus de sept cents vers, lui étoit payé plus de 800 écus d'or, de ces écus dits à la couronne: plus d'un écu par vers.» Sainte-Beuve, Tableau historique et critique de la poésie française au XVIe siècle, Paris, Charpentier, 1843, in-12, p. 423 (art. sur Desportes).

240: Brossette mentionne, dans une de ses notes sur la satire 4e de Regnier, ce passage de la Muse infortunée, qu'il dit être confirmé par Colletet. Ainsi, selon lui, il est certain que Henri III donna à Desportes «dix mille écus d'argent comptant pour mettre au jour un très petit nombre de sonnets.» Balzac, dans un de ses Entretiens, énumère les dons que Desportes reçut en récompense de ses poésies, sans oublier l'abbaye dont M. de Joyeuse le gratifia pour un sonnet; et il ajoute: «Dans cette même cour où l'on exerçoit de ces libéralités et où l'on faisoit de ces fortunes, plusieurs poètes étoient morts de faim, sans compter les orateurs et les historiens, dont le destin ne fut pas meilleur. Dans la même cour, Torquato Tasso a eu besoin d'un écu, et l'a demandé par aumône à une dame de sa connoissance. Il rapporta en Italie l'habillement qu'il avoit apporté en France après y avoir fait un an de séjour, et toutesfois je m'assure qu'il n'y a point de stance de Torquato Tasso qui ne vaille autant pour le moins que le sonnet qui valut une abbaye. Concluons que l'exemple de M. Desportes est un dangereux exemple; qu'il a bien causé du mal à la nation des poètes; qu'il a bien fait faire des sonnets et des élégies à faux, bien fait perdre des rimes et des mesures. Ce loisir de dix mille escus de rente est un écueil contre lequel les espérances de dix mille poëtes se sont brisées. C'est un prodige de ce temps-là, c'est un des miracles de Henri III, et vous m'avouerez que les miracles ne doivent pas être tirez en exemple.»

241: C'est de l'Institution du Prince, épître didactique dédiée par des Yveteaux à monseigneur le duc de Vendôme, dont il avoit d'abord été le précepteur, que le poète veut parler. Elle fut publiée pour la première fois à Paris, 1604, in-4. M. P. Blanchemain en a fait la première pièce de son édition de Des Yveteaux. Elle commence par ce vers, qui rappelle le prénom du jeune prince à qui elle est adressée et qui explique ce qu'on lit ici:

César, fils de Henri, le miracle du monde.

Après la mort de Louis XIII, Des Yveteaux, qui espéroit sans doute devenir précepteur du fils comme il l'avoit été du père, écrivit à l'intention du jeune Louis XIV une Institution du Prince, en prose, de laquelle il ne retira aucun des avantages qu'il espéroit, et qu'il ne fit pas même imprimer. M. Blanchemain l'a donnée d'après un manuscrit de la Bibliothèque impériale.

242: Brossette, dans la note citée tout à l'heure, l'appelle Claude Garnier, et il faut voir, par conséquent, en lui, le poète famélique qui fit alors sous ce nom tant de congratulations rimées pour toutes portes de circonstances: Discours au Roy; Ode pindarique sur la naissance du Dauphin, en 38 strophes, anti-strophes et épodes; Ode pindarique à la Royne; Élégie à la Royne; Chant de réjouissance en la neuvième année de la réduction de Paris;—pièces recueillies toutes sous le titre de les Royales couches ou les naissances de Monsieur le Dauphin et de Madame, composées en vers françois par Claude Garnier, Parisien..., Paris, Abel L'Angelier, 1606, in-8. Il faut ajouter à ce volume, très rare, d'abord un poème en 4 chants intitulé l'Amour victorieux, puis le Livre de la Franciade, à la suite de celle de Ronsard, par Cl. Garnier, Parisien, 1604, in-8; quelques vers insérés dans le volume qui a pour titre: le Temple d'honneur, où sont compris les plus beaux et héroïques vers de ce temps non encore veus et imprimés sur la mort de Florimond d'Ardres... Paris, 1622; et enfin une pièce qui rentre dans le genre des premières et de celle que nous donnons ici. Elle a pour titre: Panégyrique sur la promotion de monseigneur le président Séguier à la dignité de garde des sceaux, dédié au Roy, par Garnier, Paris, 1633, in-8. La date de cette pièce, comme déjà celle de 1624 que porte la Muse infortunée, prouve qu'on s'est trompé, dans toutes les biographies poétiques, lorsqu'on a fait mourir notre poète en 1616. On se fondoit sur ce que, après 1615, époque où, selon Beauchamps, il fit représenter une pastorale, on n'avoit plus vu rien paroître de lui. Cette note bibliographique, en même temps qu'elle complétera la liste de ses œuvres, lui servira donc de certificat de vie pour plus de dix-sept années.

243: Pour invitation.

244: Dans les comédies pieuses de ce temps-là, s'il s'agissoit, comme ici, du sang de quelque innocent criant vengeance, par exemple du sang d'Abel, on trouvoit moyen de mettre la chose en action. Voici ce que Tallemant fait raconter à ce sujet par Bois-Robert (Historiettes, édit. in-12, t. 3, p. 142): «Il dit que, de ce temps-là, on s'avisa de jouer dans un quartier de Rouen une tragédie de la Mort d'Abel. Une femme vint prier que son fils en fût, et qu'elle fourniroit ce qu'on voudroit. Tous les personnages étoient donnés; cependant les offres étoient grandes. On s'avisa de lui donner le personnage du Sang d'Abel. On le mit dans un porte-manteau de satin rouge cramoisi; on le rouloit de derrière le théâtre, et il crioit: Vengeance! vengeance!»

245: Pour trouver un sens ici, il faut lire toste, je crois. On appeloit toste, et, mieux encore, tostée ou toustée, la tranche de pain rôtie qu'on mettoit au fond du verre, et qui restoit à celui à la santé de qui l'on buvoit, et qui le dernier prenoit le verre passé de main en main. Le mot toast en vient. Dans l'Histoyre et plaisante cronicque du petit Jehan de Saintré (édit. Guichard, p. 230, 234, 235), il est parlé de «tostées à l'ypocras blanc, à la pouldre de duc, etc.»

246: Terme du jeu de paume. On disoit à bond et à volée pour à tort et à travers. V. notre édition des Caquets de l'Accouchée, p. 164.

247: Dans une facétie de la même époque, la Querelle de Jean Pousse et de Jeanneton sa cousine, qui n'est que la reproduction de celle qui a pour titre la Querelle de Gautier Garguille et de Perine sa femme, nous trouvons cette locution: «Tu me comptes des fagots pour des cotterets.» Or, ce qui est dit ici et l'expression encore employée conter des fagots trouvent là leur origine et leur explication. Il est facile de voir que, pour arriver à la phrase encore en cours, il a suffi d'abréger la première, d'où elle dérive, et, par une équivoque naturelle en pareil cas, de changer l'orthographe et en même temps le sens du mot compter. M. Quitard, qui avoit lu la Querelle de Gautier Garguille..., est tout à fait de notre avis. (Dict. des proverbes, p. 367.)

248: Château situé dans le département de Seine-et-Oise, près de Corbeil, et qu'il faut bien se garder de confondre, comme on le fait souvent, avec celui dont le parc existe encore au bas de la butte Montmartre, près de Batignolles. De Henri II à Louis XIII, la cour y fit de fréquents séjours. C'est là qu'en 1567, les huguenots, commandés par le prince de Condé, faillirent enlever Charles IX. Gabrielle d'Estrées avoit été faite par Henri IV marquise de Monceaux.

249: Equivoque sur le double sens du mot baye, qui signifie une sorte de fruit, et qui s'entendoit aussi alors pour moquerie, tromperie. Corneille a dit dans le Menteur (acte 1er, scène 6):

«..... On les étonne,
On leur fait admirer les baies qu'on leur donne.

250: On sait qu'il se tenoit au bas de la butte S.-Roch, et que c'étoit une sorte de foire permanente. V. notre Paris démoli, 2e édit., p. 177, 366-367.

251: Le faubourg S.-Germain étoit rempli d'académies de toutes sortes: académies d'armes, de jeu, etc., et plus encore de celles dont il est parlé ici. V. notre tome 1er, p. 207-208 et 219, note.

252: Entes, terme de jardinage, comme ceux qui suivent.

253: Son nom de famille étoit Henri Legrand, son sobriquet Belleville, et son nom de théâtre Turlupin. Il jouoit les valets fourbes et intrigants, et étoit ainsi à l'hôtel de Bourgogne ce qu'était le Briguella au théâtre italien du Petit-Bourbon. «Ils portoient un même masque, dit Boucher d'Argis, et on ne voyoit d'autre différence entre eux que celle qu'on remarque en un tableau, entre un original et une excellente copie.» Var. histor., phys. et litt., t. 1er, 2e partie, p. 505.—Un faiseur de pasquils de ce temps-là l'a appelé

Grand maistre Alliboron, ennemi de tristesse.

«Quoiqu'il fût roussâtre, dit Robinet, il étoit bel homme, bien fait, et avoit bonne mine. Il étoit adroit, fin, dissimulé et agréable dans la conversation.» C'est ce qui mit à la mode ce genre de plaisanteries équivoquées dont Boileau a gémi, dont s'est moqué Molière. Sorel, avant eux, avoit ainsi parlé de ce genre d'esprit à propos d'un livre bourré de turlupinades: «Il n'y avoit rien là dedans à apprendre que des pointes qui avoient beaucoup d'air de celles de Turlupin, lesquelles estoient mêlées hors de propos parmy les choses sérieuses.» Histoire comique de Francion, Paris, 1663, in-8, p. 584.

254: V. sur ce fou, qui couroit alors les rues de Paris, une longue note de notre édition des Caquets de l'Accouchée, p. 266. Nous ajouterons ici que Regnier le nomme au 72e vers de la 6e satire; que Bruscambille, dans ses Paradoxes (Paris 1622, p. 45), l'appelle maistre Pierre Dupuy, archifol en robe longue, et que, selon Desmarais, il couroit les rues, portant un vieux chapeau à son pié en guise de soulier (Défense du poème épique, p. 73).

255: Il étoit placé entre le Pont-au-Change et le Pont-Neuf. Du côté de la Vallée de Misère (quai de la Mégisserie), dont il est parlé plus loin, il débouchoit près l'Arche-Marion, en face le For-l'Evêque. Avant qu'il eût été détruit, en 1596, par une inondation, on l'appeloit le Pont-aux-Colombes ou à Coulons, ou bien le Pont-aux-Meuniers, à cause des moulins accrochés sous ses arches. G. Marchand, qui acheva de le reconstruire en 1606, lui donna son nom; mais le peuple l'appela de préférence Pont-aux-Oiseaux, soit, à cause des oiseliers et poulaillers, très nombreux sur le quai voisin, soit plutôt parceque chaque maison avoit pour enseigne un oiseau peint sur un cartouche.

256: La bouche, équivoque sur le vieux mot engouler.

257: Mot du vieux gof parisien qui servoit à désigner les gens assez riches pour pouvoir dépenser mille sols par jour, c'est-à-dire par an 18,250 livres. Quant à Orléans, je ne sais pourquoi l'on parle plutôt de ses mille-soudiers que de ceux de toute autre ville. Il faut peut-être voir ici une ironie, une antiphrase, eu égard à la réputation toute contraire qu'au XVe et au XVIe siècle, le bonhomme Peto d'Orléans, patron des mendiants et des gueux, avoit faite à sa ville.—V. Eutrapel, chap. 10, Des bons larrecins, et une note de Le Duchat sur Rabelais, liv. 3, ch. 6.

258: Terme du jeu de paume.

259: Ecrivain grec dont, au commencement de ce siècle, Rigault avoit traduit en latin, et Vigenère en françois, le Traité du devoir et des vertus d'un général d'armée. On connoît une mazarinade intitulée Onosandre ou le mangeur d'asne.

260: V., sur ce mot et sur ce qu'il signiftoit, une note d'une pièce précédente, p. ..

261: Les carrosses durent être, en effet, compris alors dans les édits somptuaires qu'on préparoit de nouveau pour compléter ceux de 1601 et 1606. L'un des vœux des gens du peuple avoit été que les Etats de 1614 statuassent quelque bonne défense à ce sujet. Une pièce du temps, Discours véritable de deux artisans de Paris, mareschaux de leur estat, 1615, in-8, p. 11, déclare nettement, comme conclusion, «que les carrosses seront deffendus, sinon à ceux qui auront qualité requise, comme princes, seigneurs, barons, présidents, conseillers et messieurs du conseil, et les chefs des finances, comme superintendant, intendant, messieurs les trésoriers de l'espargne ordinaire et extraordinaire. Cela est de trop grand entretien, et cause que l'on reçoit trop d'incommodité dedans Paris; et aussi, pour entretenir le train de carrosse, il faut trop dérober le peuple.»

262: V., sur l'importance que donnoit à son propriétaire et à ceux qui l'habitoient une maison à porte cochère, une note de notre édition du Roman bourgeois, p. 294.

263: On pense qu'elle devoit son nom aux rixes fréquentes (mal querelles) qui s'y livraient entre les écoliers de l'Université, et non pas, comme l'a dit M. Eloi Johanneau dans une note de son Rabelais (t. 2, p. 335), au voisinage du moulin de Javelle, dont la réputation de débauche ne commença que bien plus tard. On l'appelle aujourd'hui l'île des Cygnes, à cause d'un certain nombre de ces oiseaux que Louis XIV y fit mettre, «sous la protection du public», par ordonnance du 16 octobre 1676, et dont il est parlé avec de grands détails dans l'Ambigu d'Auteuil (1718, in-12, p. 70).

264: Ces carrosses étoient de lourdes caisses, grossièrement vernies, suspendues sur de larges courroies, ou simplement sur des cordes. Le premier qu'on vit à Paris en ce genre fut celui dans lequel se montra, au commencement du règne de Henri IV, la veuve du maître des comptes Bordeaux (Sauval, Antiq. de Paris, liv. 2, ch. Voitures). Il y a loin de là aux carrosses à ressort bien liant dont parle Regnard (le Joueur, art. 1, sc. 1), et encore plus à nos voitures d'aujourd'hui.

265: Le proverbe Paris, paradis des femmes, purgatoire des hommes, enfer des chevaux, qu'on croyoit ne remonter qu'à la fin du XVIIe siècle, se trouve ainsi au complet. Nous l'avons vu servir de texte à une caricature parue dans la dernière partie du règne de Louis XIV, et qui a été reproduite par le Musée de la Caricature, 11e liv., et par le Magasin pittoresque, t. 7, p. 36.—Le proverbe liégeois étoit différent: Liége, à l'entendre, étoit le paradis des prêtres, l'enfer des femmes, le purgatoire des hommes. (Michelet, Hist. de France, 6, 146.)

266: Notre auteur se trompe: les images grotesques du duc et de la duchesse d'Urbin n'étoient pas portées sur les épaules, mais placées sur des ânes, pour être promenées à la procession de la Fête-Dieu d'Aix, à la suite de la statue du roi René. C'étoit en souvenir de la victoire que ce prince avoit remportée en 1460 sur le duc d'Urbin.

267: Il s'agit sans doute ici de quelque événement du siége d'Aix, durant la Ligue, par M. d'Epernon et ses troupes gasconnes. V. Bouche, Hist. de Provence, t. 1, p. 775-783. Le fait, du reste, sauf le mot à prononcer, est renouvelé d'un épisode bien connu des guerres des Israélites. Dans les Histoires byzantines on l'avoit déjà repris au sujet de je ne sais plus quel mot grec qu'il falloit bien prononcer, sous peine de passer pour ennemi et d'être immédiatement massacré. On raconte une anecdote semblable au sujet des deux mots polonois Orzel Biały, que les Allemands ne pouvoient prononcer.

268: Nous n'avons pu trouver le sens de ces mots Simons et Simonets; mais il est certain qu'on les employoit alors quand on vouloit parler de la braverie et de la piaffe des gens du bel air. Faire du Simonet, par exemple, se disoit, je crois, ce passage-ci me le confirme, dans le sens de se pavaner en carrosse, etc. Nous lisons dans l'une des satires du sieur Auvray, les Nompareilles:

Esclatter en clinquant, gossierement vestu,
Piaffer en un bal, gausser, dire sornettes,
.............
Savoir guerir la galle à quelques chiens courrans,
Mener levrette en lesse, assomer paysans,
.............
Faire du Simonet à la porte du Louvre.
Sont les perfections dont aujourd'hui se couvre
La noblesse françoise.

269: C'est-à-dire ce qui reste de déchet après qu'on a trié.

270: Trahisons, tromperies. Au XVIIe siècle on disoit encore à Paris, dans le peuple, barateur pour trompeur.

271: Hardes. V., sur ce mot ainsi employé, une note de notre édition des Caquets de l'Accouchée, p. 19.

272: Il s'agit ici de ce que M. de Schomberg avoit mandé au roi touchant le fort d'Uzarche, en Limosin, enlevé au comte d'Epernon le 11 avril de cette année-là. Entre autres pièces sur cette affaire, nous connaissons celle-ci: Lettre envoyée au roi par M. le comte de Schomberg sur la prise d'Uzarche, Paris, par F. Morel, 1619, in-8.

273: D. Pedro Manriquez, connétable de Castille, qui, en allant en Flandre, s'arrêta quelque temps à Paris, où il se rendit ridicule par son faste et ses fanfaronnades. (V. Œconomies de Sully, 2e part., chap. 26; Mathieu, Hist. de Henri IV, t. 2, p. 292.) Ce passage de D. Pèdre, qui eut lieu à la fin de 1603, fit si bien événement, qu'un proverbe en resta, dont Régnier a fait un vers. L'un des personnages de sa 10e satire dit:

Si don Pèdre est venu, qu'il s'en peut retourner.

274: C'est le fameux D. Pedro Tellez y Gyron, duc d'Ossuna, qui fit tant parler de lui, de 1610 à 1621, comme vice-roi de Sicile, puis comme vice-roi de Naples, et surtout au sujet de la conjuration des Espagnols contre Venise, pour laquelle le marquis de Bedmar ne fut que son instrument. Tallemant a beaucoup parlé du duc d'Ossone.

275: C'est-à-dire commentent le commentaire, tirent le fin du fin. On sait le dicton: «C'est la glose d'Orléans, plus forte que le texte.»

276: C'est la fameuse invention du voleur toulousain Palioli. Gouriet, dans son livre les Personnages célèbres des rues de Paris (t. 2, p. 27-28), en a parlé d'après l'auteur de l'Inventaire général des larrons (1555). Celui-ci décrit ainsi «cet instrument tout à fait diabolique, et qui a causé de grands maux dans Paris et dans toute la France. «C'estoit, dit-il, une sorte de petite boule qui, par de certains ressorts intérieurs, venoit à s'ouvrir et à s'eslargir, en sorte qu'il n'y avoit moyen de la refermer ni de la remettre en son premier état qu'à l'aide d'une clef faite expressément pour ce sujet.» Quand on vouloit faire quelque vol sans être inquiété par les cris de celui qu'on voloit, on lui mettoit dans la bouche cette poire d'angoisse, «qui, en même temps, s'ouvroit et se delaschoit, fesant devenir le pauvre homme comme une statue beante, et ouvrant la bouche sans pouvoir crier ni parler que par les yeux.»

277: Le président qui, en 1597, s'étoit rendu très populaire à Marseille par l'oraison funèbre qu'il avoit faite de Libertat.

278: Charles de Casaux, consul, et Louis d'Aix, viguier, tenoient et tyrannisoient Marseille pour le duc d'Epernon. V. Bouche, Hist. de Provence, 2, 812.

279: Le Corse Pierre de Libertat, capitaine de la porte Royale, à Marseille, ouvrit la ville au duc de Guise, tua Casaux d'un coup d'épée dans le ventre, et fut ainsi le libérateur des Marseillois. Il mourut en 1597, bien récompensé et honoré. (V. Bouche, id., p. 816-819.) Sa statue se voit encore à l'hôtel-de-ville de Marseille.

280: C'est un jeu de cartes, le même que Rabelais appelle jeu du maucontent (liv. 1, chap. 22). Celui qui est mécontent de sa carte cherche à la changer; s'il n'y parvient pas, devient le hère ou le malheureux, comme on disoit dans le Languedoc.

281: Nous lisons dans les Mélanges d'histoire et de littérature de Vigneul-Marville (Paris, 1699, in-12, p. 313), à propos de Commines: «On voyoit autrefois sur son tombeau, dans l'église des Grands-Augustins de Paris, où il est inhumé, un globe en relief et un chou cabus, avec cette devise, qui marque la grande simplicité de ce temps-là: «Le monde n'est qu'abus.»

282: Jeu que nomme aussi Rabelais (ibid.), et que son nom explique assez.

283: On sait le vers de Régnier dans sa 14e satire:

Les fous sont, aux échecs, les plus proches des rois.

284: Cette curieuse lettre n'a été publiée qu'une seule fois, dans un recueil devenu très difficile à trouver, le Conservateur (avril 1758).

285: «Il étoit fils d'un auditeur de la Chambre des comptes de Rouen, lisons-nous dans l'Histoire de la vie et du règne de Louis XIV, publiée par le jésuite de La Motte sous le pseudonyme de La Hode. C'était un homme de résolution, d'un esprit souple et adroit pour le maniement des affaires, également capable d'une bonne et d'une mauvaise action.... Depuis quelques années, il s'étoit fort attaché au chevalier de Rohan. L'un et l'autre, également ennuyés du mauvais état de leur fortune, que leurs débauches et leurs dérèglements avoient entièrement ruinée, cherchèrent à la rendre meilleure par toutes les mauvaises ressources que l'extrémité fait tenter à ceux qui ne savent plus où donner de la tête.»

286: Selon La Hode, c'étoit «l'un des hommes de France le mieux fait, hardi, mais sans jugement.»

287: Le comte de Monterei étoit un des généraux du prince d'Orange. Il commandoit, à Senef, un des corps de l'armée de 90,000 hommes que venoit de battre le prince de Condé.

288: Nous connoissons un autre exemple de cette transmission d'une réponse ou plutôt d'un signal à l'aide des gazettes. L'abbe Blache, ayant fait secrètement connoître au chancelier Le Tellier le projet qu'avoit la marquise d'Asserac d'empoisonner Louis XIV, le pria «d'ordonner, pour preuve que son avis étoit parvenu, que la première lettre de la prochaine gazette fût imprimée en encre rouge, ce que le chancelier fit exécuter pour la tranquillité de cet abbé.» (Barbier, Examen critique des Dict. histor., p. 115.) Le numéro de la Gazette dont le G initial est rouge porte la date du 31 décembre 1683. (Rev. rétrosp., 1re série, I, pag. 10, 187. Mém. de Blache.) Il est probable que l'abbé ne recourut à ce moyen que parcequ'il avoit eu connoissance du stratagème épistolaire de La Truaumont.

289: C'étoit un maître d'école hollandois, dont le fameux Spinosa avoit été l'élève. Des persécutions pour cause d'impiété l'avoient forcé de quitter Amsterdam et de venir s'établir à Picpus, près Paris.

290: Selon La Hode, la conspiration fut découverte soit par Londres, où le comte de Monterei avoit ordre de délivrer cent mille écus en divers paiements au chevalier de Rohan, soit par les papiers pris dans les bagages au combat de Senef.

291: Au dire de La Hode, «personne n'intercéda pour lui, pas même madame de Montespan, à qui l'on veut qu'il n'ait pas été indifférent.» Le président Hénault cite, au contraire, un fait qui prouve combien tout fut mis en usage pour tâcher de fléchir Louis XIV. «On représenta devant le roi, dit-il, quelques jours avant l'exécution, la tragédie de Cinna, pour exciter sa clémence; mais ses ministres lui firent sentir la nécessité d'un exemple, etc.» Il est dommage que le Journal du marquis de Dangeau ne fût pas commencé à cette époque: nous saurions positivement par lui si la tragédie de Corneille fut en effet donnée devant le roi en novembre 1674.

292: Il étoit neveu de La Truaumont.

293: Elle étoit accusée d'avoir empoisonné deux maris dont elle étoit lasse, et de s'être donnée au chevalier de Préault. Limiers, dans ses Annales de France, l'appelle de Bordeville et aussi de Villiers. Le président Hénault lui donne ce dernier nom.

294: Grièvement blessé, il déchira sa plaie avec ses dents, et en mourut le même jour.

295: Il fut pendu. On dit que, tout fier d'avoir décapité un Rohan, une marquise et un chevalier, le bourreau dit à ses valets, en leur montrant Van-den-Ende: «Vous autres, pendez celui-là.»

296: Louvois étoit un peu intéressé dans cette affaire, car c'étoit par haine contre lui que le chevalier de Rohan s'y étoit jeté.

297: Sémélé, la mère de Bacchus, qui, ayant voulu voir Jupiter dans toute sa gloire, fut embrasée par l'éclat du dieu.

298: Fausses pierreries, qui se vendoient d'abord sous les galeries du Palais. V. plus haut, sur ce mot happelourde, une note des Ordonnances d'amour, p. 192. A la fin du XVIIe siècle, ces pierres fausses s'achetoient au Temple et dans les environs. «Les garnitures de pierres fausses, lit-on dans le Livre commode des adresses, se vendent dans le quartier du Temple.» Le nom de diamant du Temple leur en étoit venu.

299: Espèce de soutanelle qui n'alloit que jusqu'aux genoux. Les ecclésiastiques de Rome la portoient toujours; ceux de France ne s'en vêtissoient qu'en voyage.

300: Résignataire. Celui en faveur de qui un bénéfice ou une charge avoient été résignés.

301: Ces rodomontades, comme celles qui précèdent et qui suivent, se retrouvent dans tous les rôles de matamores, qui font si grand tapage aux principales scènes des comédies du commencement du XVIIe siècle. Chateaufort, le fier-à-bras du Pédant joué, par exemple, les dit toutes, et bien d'autres avec.

302: Oreillade doit être ici pour soufflet.

303: Morgant le Géant, héros d'un poème chevaleresque fort connu. Ce nom est le participe du verbe morguer. Montaigne l'emploie dans le sens de dédaigneux, fier (liv. 3, ch. 8). Régnier a dit aussi (satire 3, v. 51-58):

Puis que peut-il servir aux mortels ici-bas,
Marquis, d'estre savant, ou de ne l'estre pas,
.............
Pourveu qu'on soit morgant, qu'on bride sa moustache,
Qu'on frise ses cheveux, qu'on porte un grand pennache.

304: Sorte d'arme à feu qui tenoit de l'arquebuse et du pistolet. Son nom lui venoit, selon Fauchet, de ce que, pour s'en servir, on l'appuyoit sur la poitrine «à l'ancienne manière». Suivant l'auteur de la Nef des fous, c'est aux bandouliers des Pyrénées qu'il faudroit en attribuer l'invention. Le petrinal étoit d'un fort calibre, et si lourd qu'on le portoit suspendu à un baudrier. L'espingole, qui commença d'être en usage dans les armées de Louis XIV, l'a remplacé.

305: Cette pièce, selon M. Moreau, est une des satires les plus piquantes de la Fronde. «Je m'étonnerois, dit-il, de ce qu'elle a été publiée avec permission, si je ne voyois qu'elle date à peu près du temps de la conférence de Ruel.» (Bibliogr. des mazarinades, t. 2, p. 43, no 1619.)

306: Ces blanques étoient des espèces de loteries où le billet blanc (blanque) perdoit, où le billet à bénéfices faisoit gagner les sommes et les bijoux dont il portoit la désignation. C'étoit, selon Pasquier, une importation italienne, et l'expression entendre le numéro en venoit. (Recherches de la France, liv. 8, ch. 49.) Ces blanques, sous Henri IV, étoient devenues de véritables académies de jeux. «On a vu, dit L'Estoille (18 mars 1609), un fils d'un marchand perdre dans une séance soixante mille écus, n'en ayant hérité de son père que vingt mille.» Les blanques faisoient rage à la foire S.-Germain. «Le nommé Jonas, ajoute L'Estoille, a loué une maison, pour tenir une de ces académies, au faubourg S.-Germain, pendant l'espace de quinze jours, durant la durée de la foire, et d'icelle maison il a donné quatorze cents francs.»

307: Il parut plusieurs autres mazarinades sur cette suppression forcée de tous les plaisirs du carnaval et de la foire S.-Germain en 1649. Nous citerons: le Caresme des Parisiens pour le service de la patrie, Paris, 1649; le Grotesque Carême prenant de Jules Mazarin, par dialogue, Paris, 1649; et surtout: Plaintes du carnaval et de la foire S.-Germain, en vers burlesques, Paris, 1649, in-4, pièce que Naudé place au troisième rang de celles «dont on peut faire estime.» (Mascurat, p. 283.)

308: C'est-à-dire faiseurs de mazarinades. Tout le monde s'en mêloit. (V. Leber, De l'état réel de la presse et des pamphlets jusqu'à Louis XIV, etc., p. 105.) Selon Naudé, la pièce les Admirables sentiments d'une villageoise à M. le Prince est de la servante d'un libraire, «qui en faisoit après avoir écuré ses pots et lavé ses écuelles.» Mascurat, p. 8 et 9.

309: Le pain de Gonesse n'arrivant plus à Paris, à cause du blocus, toutes les femmes étoient obligées de pourvoir à ce manque de provision et de se faire boulangères.

310: C'étoient des meubles d'ébène, comme ces guéridons à tête de More que Mazarin avoit, entre autres curiosités, fait venir d'Italie. (Naudé, Mascurat, p. 72.)

311: Ces tableaux à double visage, qu'on a pu croire nouveaux de notre temps, ne l'étoient même pas à l'époque où parut cette mazarinade. Dans le Moyen de parvenir (111), quand il est dit: «Lisez ce volume de son vrai biais. Il est fait comme ces peintures qui parlent d'un et puis d'autre», on entend parler de tableaux de la même espèce. Carle Vanloo perfectionna cette invention pour en faire une flatterie à l'adresse d'un roi qui n'en méritoit guère: «Il avoit peint toutes les vertus qui caractérisent un grand monarque. On engagea le roi (Louis XV) à regarder ce tableau au travers d'un verre à facettes; toutes ces figures se réunirent, et il ne vit plus que son portrait.» Gudin, les Mânes de Louis XV, p. 90.—Je crois qu'il est fait allusion à ces tableaux dans une autre mazarinade, le Miroir à deux visages opposés, l'un louant le ministère du fidèle ministre, l'autre condamnant la conduite du méchant et infidèle usurpateur et ennemi du prince et de son état, 1649, in-4.

312: Cette pièce a été réimprimée à Chartres, chez Garnier fils, en 1833, à trente exemplaires.

313: On trouve ici l'origine de cette locution connue, manger de la viande de broc en bouche, c'est-à-dire la manger toute chaude, sortant de la broche.

314: Dans ce vers et ce qui le précède, on trouve un souvenir évident de la jolie épigramme de Marot, le Service de Dieu:

Un gros prieur sommeilloit en sa couche
Tandis rôtir sa perdrix on faisoit;
Se lève, crache, esmeutit et se mouche.
La perdrix vire au sel de broque en bouche
La devora: bien sçavoit la science;
Puis, quand il eut pris sur sa conscience
Broc de vin blanc, du meilleur qu'on élise:
Mon Dieu, dit-il, donnez-moi patience!
Qu'on a de mal à servir sainte Eglise!

315: La pièce de chair qui se taille sur le dos du porc. C'est toujours le terga suis qu'Ovide nous montre pendu aux solives de la cabane de Philémon et Baucis. Au XVIIe siècle, «une échinée aux pois», c'étoit un des bons ragoûts des gens du peuple.

316: Le vin poussé est celui que le trop de chaleur a gâté.

317: C'est le vin à une oreille dont parle Rabelais (liv. 1er, ch. 5). Ce vers donne raison à Le Duchat, qui pensoit qu'on appeloit ainsi le bon vin qui faisoit hocher de la tête sur l'une et l'autre oreille en signe d'approbation.

318: Ce passage, qui nous a fort embarrassé, fait sans doute allusion aux glands de cette sorte d'écharpe dont, par dévotion pour le patron des Cordeliers, saint François d'Assise, la reine Anne de Bretagne avoit fait l'insigne de son ordre de la Cordelière, et qui par là, à la plus grande gloire des frères de S.-François, étoit devenue une parure recherchée des dames de la cour.

319: Le vers qui doit rimer avec celui-ci manque.

320: Ce huitain n'est pas de Marot, mais de Brodeau, poète tourangeau, son contemporain. C'est son épigramme à deux frères mineurs. (V. Œuvres de Marot, édit. Lenglet-Dufresnoy, t. 2, p. 261.) L'autre huitain n'est pas non plus de Clément Marot.

321: Dans un de ses colloques, Exequiæ Seraphicæ, Erasme a fait aussi un parallèle entre Jésus-Christ et saint François. On y lit, entre autres choses: Christus legem evangelicam promulgavit, Franciscus legem suam angeli manibus, bis descriptam, bis tradidit seraphicis fratribus.

322: Cet auteur est Cervantès. Sa nouvelle la Belle Quixaire étoit alors célèbre. Gillet de la Tessonnerie en fit le sujet d'une tragi-comédie jouée en 1639, et publiée l'année suivante, Paris, G. Quinet, in-8.

323: V., sur le grand nombre des courtisanes au Marais, notre volume de Paris démoli, 2e édit., p. 33 et 320, et, sur celles du faubourg S.-Germain, notre premier volume des Variétés, p. 207, 219.

324: C'étoit alors une nouveauté, une mode. On fumoit et l'on prisoit dans les cabarets de la foire. Les cafés, qui leur succédèrent, eurent soin de conserver l'usage. Le Sage, dans sa Querelle des théâtres, scène 1re, nous montre un limonadier de la foire faisant avec grâce les honneurs de son café et de sa tabatière:

Et l'obligeant Massy presente
Le tabac aux honnêtes gens.

325: Jeu d'escamoteur qui s'appelle ainsi à cause des mots passe, passe, disparais, que le farceur adresse continuellement à son godenot. Alain Chartier a dit, parlant de la mort:

Ce n'est pas jeu de passe-passe,
Car on s'en va sans revenir.

326:

Les charlatans divers, les enchanteurs, se treuvent
Au grand cours d'alentour, les blanques, les sauteurs,
Les monstres differends, les farceurs et menteurs.
Le peuple s'y promène, et parmi la froidure
Croque le pain d'epice et la gauffre moins dure......
L'autre met son argent aux choses necessaires
Que le marchand debite aux personnes vulgaires.

(Semonce à une demoiselle des champs pour venir passer la foire et les jours gras à Paris, Paris, 1605, in-8.)

327: A la blanque. V. une des pièces qui précèdent.

328: Ceci prouve que, long-temps avant Regnard et Dancourt, qui, l'un au théâtre de la Foire en 1695, l'autre, l'année d'après, au Théâtre-François, en firent le sujet d'une comédie, la foire S.-Germain avoit été mise à la scène. En 1607, un ballet de la façon de M. le Prince, dont le sujet etoit l'accouchement de la foire Saint-Germain, avoit été dansé au Louvre (V. Lettres de Malherbe à Peiresc, p. 21, et Recueil des plus excellents ballets de ce temps, Paris, 1612, in-8, p. 55-58).

329: Allusion aux mesures prises, en 1634, pour la closture et adjonction à la ville de Paris des faubourgs Saint-Honoré, Montmartre et Villeneuve. V. Archives curieuses, 2e série, t. 6, p. 314, et notre Paris démoli, p. 243.

330: Gros-Guillaume. V., sur tous ces farceurs, les notes de notre édition des Caquets de l'Accouchée, p. 281-282.

331: Clitophon, tragi-comédie en cinq actes de Du Ryer, fut jouée en 1632, mais ne fut jamais imprimée. M. de Soleinne en possédoit un manuscrit. (Catal. de sa biblioth., no 1003.)

332: Alcimédon, tragi-comédie en cinq actes, en vers, jouée en 1634, imprimée en 1635, Paris, T. Quinet.

333: Les Aventures de Rosiléon, pastorale en cinq actes, en vers, imitée de l'Astrée, fut représentée en 1629. Elle n'est pas de Du Ryer, comme on le dit ici, mais de Pichou, le même dont on a deux tragi-comédies, les Folies de Cardénio (1633) et l'infidèle confidente (1631), et la Filis de Scire, comédie pastorale en cinq actes, traduite de l'italien du comte Bonarelli (1631). En tête de cette dernière pièce se lit une préface d'un ami de l'auteur, Isnard, médecin à Grenoble. On y trouve de grands éloges sur la pièce dont il est parlé ici, ainsi que sur l'auteur, qui mourut assassiné, à l'âge de trente-cinq ans. Selon de Mouhy (Tablettes dramatiques, p. 205), ces éloges d'Isnard dans sa préface de la Filis prouveroient que le Rosiléon fut imprimé, puisqu'il méritoit tant de l'être. Il ne semble pas, toutefois, qu'on en ait jamais vu un exemplaire.

334: Cléonice, ou l'Amour téméraire, tragi-comédie pastorale en cinq actes, en vers, Paris, Nicolas Rousset, 1631, in-8. La pièce ne porte pas de nom d'auteur, mais la dédicace au roi est signée P. B.—De Mouhy soupçonna que la première de ces lettres pourrait bien être l'initiale du nom de Passart, auquel Beauchamps attribuoit une pièce du même titre dans sa table des Recherches. Il avoit raison; du moins, ce qui le donneroit à penser, c'est que sur le titre de l'exemplaire possédé par M. de Soleinne se lisoit en écriture du temps: par M. Passart. (De Mouhy, Abrégé de l'histoire du théâtre françois, in-8, p. 96; Catal. de la biblioth. de M. de Soleinne, no 1051.) Passart tenoit beaucoup à n'être pas connu. Ce qu'on lit ici prouve que ses contemporains n'avoient pas percé l'anonyme dont il se couvroit. Nous ne connoissons pas sa Dorise ou Doriste annoncée ici; mais il se pourroit que l'auteur se trompât pour cette pièce, comme il l'a fait pour Rosiléon, et qu'il voulût parler de la Doristée de Rotrou, qui date en effet de cette époque. La première édition, qui est de 1634, a pour titre Cléagenor et Doristée; en tête de la seconde, donnée l'année suivante, on lit seulement Doristée, tragi-comédie.

335: L'Hercule mourant, tragédie en cinq actes, de Rotrou, ne fut imprimé qu'en 1636. Ce qui est dit ici prouveroit que la représentation précéda de deux ans la publication.

336: Le lotos, plante d'Egypte, qui avoit la vertu de faire perdre la mémoire à ceux qui en mangeoient. On se rappelle la description du pays des Lotophages (mangeurs de lotos) dans l'Odyssée (liv. 9).

337: Plusieurs pièces parurent, en effet, sous le nom de ce farceur. Nous ne connoissons pas celles qu'on cite ici, mais nous pouvons mentionner en revanche: les Railleries de Gros-Guillaume sur les affaires de ce temps, 1623, in-8; les Bignets de Gros-Guillaume envoyés à Turlupin et à Gautier-Garguille pour leur mardy-gras, par le sieur Tripotin, gentilhomme fariné de l'hôtel de Bourgogne, etc. Mais, pour beaucoup de pièces, on dut le confondre avec maître Guillaume, sous le nom duquel il en parut alors une si grande quantité. Celui-ci vendoit lui-même ses bouffonneries imprimées sur le Pont-Neuf. (L'Estoille, édit. Michaud, t. 2, p. 405.) On peut voir sur lui une note de notre édition des Caquets de l'Accouchée, p. 263.

338: Ce prédécesseur étoit Gautier-Garguille, mort en décembre 1633. Bertrand Haudrin, dit Saint-Jacques, et qui se donna au théâtre le nom de Guillot Gorju, avoit été admis, l'année suivante, à prendre sa place sur la scène de l'hôtel de Bourgogne. Il y jouoit les médecins et les apothicaires burlesques. Sa première profession l'avoit au mieux stylé à ces rôles. Il avoit été médecin, et même, selon Gui Patin, doyen de la Faculté de médecine, où il ne s'étoit pas fait faute de dérober. (Lettre 222e à Spon, t. 2, p. 173.)

339: Allusion probable à la pièce qui a pour titre: le Testament du Gros-Guillaume, et sa rencontre avec Gautier-Garguille en l'autre monde, Paris, 1634, in-8; ou bien encore à celle-ci: Conversation de maître Guillaume avec le prince de Conty aux Champs-Elysées, Paris, 1631, in-8.

340: Cause plaisante que les clercs de la basoche plaidoient publiquement le jour du mardi gras, sur un fait inventé et presque toujours choisi parmi les plus grivois et même les plus orduriers. C'est ce qui fit supprimer cet usage burlesque dans les premières années du XVIIIe siècle. Mais on continua d'appeler causes grasses, au Palais, toutes celles qui avoient un côté plaisant.

341: Personnage de la comédie italienne, dont le nom, dérivé du Sannio romain, s'est francisé sur la scène de Molière en celui de Zannarelle ou Sganarelle.

342: Ces duels entre femmes ne furent pas rares alors. Les prouesses de l'amazone Mme de Blamont, et de cette autre dont on raconta les hauts faits dans l'Héroïne, inspiroient ces dames et les rendoient belliqueuses. On sait par Tallemant l'histoire de la Beaupré et de son combat: «Sur le théâtre, elle et une jeune comédienne se dirent leurs vérités. «Eh bien! dit la Beaupré, je vois bien, Mademoiselle, que vous voulez me voir l'épée à la main.» Et, en disant cela, c'étoit à la farce, elle va querir deux épées point épointées. La fille en prit une, croyant badiner. La Beaupré, en colère, la blessa au cou, et l'eût tuée si l'on n'y eût couru.» (Historiettes, édit. in-12, t. 10, p. 49.) Les duels de Mlle Maupin, non pas avec des femmes (elle les aimoit trop pour cela), mais avec de véritables champions, sont encore plus fameux. Enfin Mme Dunoyer, dans ses Mémoires (t. 2, p. 75-79), nous a raconté toutes les particularités d'un combat entre deux dames qui fit grand bruit de son temps dans le Languedoc. Elles s'étoient assez gravement blessées. La question de savoir s'il falloit prendre des mesures contre elles fut agitée. M. de Basville, intendant de la province, en écrivit même à la cour. De tout cela il résulte qu'il n'y a rien d'invraisemblable dans l'aventure racontée ici, et que Dancourt faisoit, pour ainsi dire, une scène de circonstance, quand, au dernier acte de son Chevalier à la mode, il nous montroit la furieuse baronne, l'épée en main, défiant Mme Patin, sa rivale.

343: Lieu de débauche où l'on n'alloit que la nuit, en cachette, comme un garou. La Fontaine s'est encore servi de ce mot:

.... Jupiter étoit en garrouage
De quoi Junon étoit en grande rage.

344: Le père Cotton, alors en polémique ouverte avec les protestants de Charenton. Le plus célèbre de leurs ministres, P. Du Moulin, alors en fuite, étoit soupçonné d'avoir fait le fameux livre l'Anti-Cotton contre ce confesseur du roi.

345: Les grands seigneurs, Gaston d'Orléans le premier, se faisoient un jeu de ces voleries sur le Pont-Neuf. Sandras de Courtilz, dans ses Mémoires du comte de Rochefort, p. 152, nous l'avoit appris. Sorel nous le confirme par un passage du Francion, 1663, in-12, p. 73.

346: C'étoit une des grandes appréhensions de ce temps-la. Plusieurs pièces, dont l'une est citée par L'Estoille (mardi 8 décembre 1607), le prouvent assez. Nos volumes suivants en contiendront quelques unes.

347: Le Jodelet de l'hôtel de Bourgogne devoit à un pareil accident l'un des charmes de sa diction. «Jodelet, dit Tallemant, parle du nez pour avoir été mal pansé de la v....., et cela lui donne de la grâce.» (Edit. in-12, t. 10, p. 50.)

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