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Ames inconnues : $b Notes intimes d'un séminariste

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IV

Le service militaire en 1908. — Auguste Merlet résume toutes ses pensées en un seul mot : faire son devoir. — Il le fait en cherchant aussi à faire du bien. — Premières atteintes de la maladie. — Il est réformé le 5 décembre. — Les derniers mois de sa vie.

Au mois d’octobre 1908, l’abbé Merlet devait entrer dans ses deux années de service militaire.

Le soir du jour où il commençait la retraite qui précède le départ des séminaristes pour la caserne, il écrit :

« Pendant que, ce matin, les aînés que j’ai connus et aimés recevaient la grâce et le pouvoir insignes du sacerdoce, je les suivais de ma pensée et de mon amour, et je les servais de mes mains. A force de voir ainsi se succéder les ordinations, mon tour viendra aussi…

« Aucune préparation ne me sera plus efficace et ne me pénétrera plus intimement que la vie de caserne, avec tous ses efforts incessants, toutes ses luttes, tous les découragements de l’âme, tous les dégoûts du cœur, et tous les fléchissements de la volonté, si je sais me diriger dans la lutte, réprimer les fléchissements, empêcher les découragements et les dégoûts.

« Et pour cela que devrai-je faire ? D’un mot : faire mon devoir.

« Puisque soldat je suis, soldat je saurai être, accomplissant mon métier tout simplement et de bon cœur, camarade, par l’amour et la bonté, de tous ceux qui seront mêlés à ma vie. Je devrai montrer à tous que nous savons aimer la patrie et retrouver son image jusque dans les tâches les plus ingrates et les dévouements les plus lointains… »

Après la retraite, il passa quelques jours dans sa famille et, dans une lettre à son directeur, résume ses inquiétudes, ses résolutions et ses espoirs.

« La perspective de la caserne ne m’inquiète pas trop, mais l’attente m’ennuie. Ici, je manque de recueillement ; la dispersion de ma vie nuit à la cristallisation et à la précision de mes résolutions.

« Des résolutions, m’en faut-il beaucoup ? Je n’ai point de système préconçu d’action et d’influence autre que celui de faire mon devoir toujours et de mon mieux. Je serai attentif à comprendre les avertissements des choses et les leçons des circonstances. Je suis fermement résolu à ne pas laisser amoindrir mon âme par la déperdition de la vie intérieure, et, du foyer du mal, à orienter tout mon être vers Dieu afin que toute ma vie soit une protestation d’amour et de dévouement.

« Résolu ! Que dis-je ? Hélas ! je n’ignore pas qu’il est bien facile de prononcer de ces promesses magnifiques, et je sais qu’il est beaucoup plus difficile de les tenir, parce que leur accomplissement suppose déjà un niveau élevé de perfection.

« Je me dis bien qu’à la caserne il doit être bien difficile de se reprendre, au-dessus des mille préoccupations absorbantes de la vie matérielle, pour ramener chaque chose à une forme du devoir et à un pas accompli dans la réalisation de l’idéal…

« Votre tâche à vous, mon père, pendant ces deux années, sera de me montrer cet idéal que je sais le véritable, l’unique. Pour moi, peut-être ne l’apercevrai-je plus si bien, gêné par le brouillard ambiant ! De loin, vous le ferez resplendir à mes yeux, aussi beau, aussi enthousiasmant que je l’ai senti parfois, aux moments de grâce particulière, quand Dieu voulait m’attirer en avant.

« Vous me rappellerez souvent que j’ai donné ma vie pour les hommes, mes frères, que je dois employer les ressources de mon intelligence, les ardeurs et les passions de mon cœur, les énergies de ma volonté pour faire le bien autour de moi, pour être un apôtre du Christ. Quand l’effort m’aura lassé et que le découragement tentera d’effleurer ma vie, vous me redirez que la souffrance vient là pour rendre le travail fécond, que Dieu nous envoie la peine pour nous exciter, non pour nous abattre.

« Vous saurez, mon père, tous les désirs, toutes les aspirations, toutes les idées et les élaborations de mon esprit, vous entendrez tous les battements de mon cœur. Mon âme vivra à l’ombre de la vôtre ; vous savez qu’elle est faible, parfois bien lâche et souvent bien égoïste, mais aussi qu’elle voudrait être ardente et généreuse, qu’elle veut aimer le bien et se consumer pour lui. Vous l’attirerez par l’amour, vous la vaincrez par la douceur et la persuasion.

« A cause de cela, j’ai confiance. Vous, mon père, et tous mes amis et tous ceux qui m’aiment, aiderez mon âme à vivre, et si mon âme vit, je saurai me dégager des matérialités de la vie militaire… »

Il fut envoyé au 116e régiment d’infanterie, à Vannes, et entra à la caserne le 8 octobre.

Les lettres qu’il écrit à cette époque ont un intérêt très particulier parce qu’elles présentent un aspect assez inconnu des dangers de la caserne pour des hommes habitués à élever leurs pensées vers un idéal religieux.

« Je trouve, écrit-il à un séminariste, ancien soldat, qu’il y a deux choses contre lesquelles vous devez me prémunir en m’encourageant. Il y a d’abord le fléchissement de l’intelligence et de la volonté. On oublie de se reprendre, de se diriger, de se porter à Dieu… La vie militaire serait très méritoire si on savait la vivre par esprit de sacrifice, car c’est une vie d’abnégation, d’oubli de soi… Depuis hier nous faisons à longueur de journée des « demi à gauche » ou « à droite », des changements de pas en exercice individuel. A faire tout cela simplement, avec cœur et bonne volonté, on acquerrait des mérites de trappiste.

« Le second danger est l’oubli de nos devoirs d’apostolat. Avant la caserne, je m’étais proposé de mon mieux et le plus sincèrement de vivre en apôtre, de penser que j’ai du bien à faire à la caserne et que je dois commencer là ma vie future de prêtre. Eh bien ! ici, l’enthousiasme de ces idées tombe, et peu à peu la surprise et le dégoût moral que l’on éprouve dans le milieu de la chambrée désorientent les bonnes volontés, la première difficulté déroute et on ne sait par quel bout la tourner.

« Je prendrai à part ceux qui sont le plus lancés et dont on ferait beaucoup si on pouvait faire quelque chose. Et puis j’ai encore bien d’autres projets en tête.

« J’aurais été content de passer rapidement caporal pour avoir plus d’influence et mieux empêcher le mal de se produire.

« Ici on peut apprendre à se faire une idée exacte de ce que sont la bonne ou la mauvaise foi chez des jeunes gens de vingt ans. Je crois de plus en plus que si l’on tient compte du milieu, de l’éducation, de la force de résistance aux mauvaises inclinations, il faut être très indulgent ; comme le disait ce matin un curé dans la chaire, les pauvres jeunes gens sont d’ordinaire plutôt victimes que coupables, victimes du manque d’éducation et de préservation, du milieu, du temps, des trop grandes difficultés. C’est pourquoi il faut être bon, doux, tolérant envers tous. C’est la conviction que je m’efforce de vivre et de faire transpirer. J’en attends les fruits et je ne désespère pas. Malheureusement, je suis trop mou, trop flasque, trop négligent. Je ne suis pas un véritable apôtre…

« Je remarque que vous avez su observer la caserne et la comprendre. On y a de fréquentes occasions de souffrir, de souffrir dans le corps que nous faisons travailler et que nous fatiguons, dans l’intelligence qui voudrait vivre et à laquelle nous ne pouvons fournir aucun aliment, dans la volonté qui flotte sans pouvoir s’orienter et se reprendre… »

« Vannes, novembre 1908.

« Que j’ai grand besoin d’être relevé, soutenu ! Je ne suis pas malheureux, ici, loin de là ! A la 6e compagnie, tous les gradés sont très aimables. Le milieu est même relativement bon. Naturellement on jure beaucoup, toujours ; cependant la plupart de ces pauvres jeunes gens n’ont pas l’air méchants du tout. Mais toute la vie que l’on mène ici, si l’on ne se reprend fortement, tend à éloigner l’âme du surnaturel, à détendre tous les ressorts et à émousser toute la délicatesse des facultés. Reportez-moi à Jésus, parlez-moi de Lui, racontez-moi comment vous l’aimez, rappelez-moi que je dois l’aimer et le donner. Je n’ai plus d’idées. Pendant un moment, je ne me possédais plus ; je me demandais si j’étais bien le même, séminariste et représentant de Jésus encore, et toujours, et quand même. Il faut que je sois apôtre, que je répande l’amour et au moins l’exemple et le respect du bien… »

« Vannes, 14 novembre 1908.

« Encore une fois, merci ! Le bon Dieu vous sait gré du bien que vous me faites ; vous me consolez, vous m’encouragez et me relancez parce que, à vous lire, je me trouve placé dans le cercle d’idées et de sentiments que je cherche souvent sans les retrouver toujours.

« Bénie soit la voix qui nous apporte à la caserne le souvenir du Christ à qui nous sommes consacrés ! Récompensé soit l’ami, le frère qui ne craint pas de donner à son frère une demi-heure de son temps pour lui parler de la patrie. Oh ! moi, je pense souvent à vous en particulier, à tous mes confrères, et rien ne m’est plus doux que de recevoir une lettre du séminaire. Car, voyez-vous, j’ai besoin de la protection que m’assurent votre affection et vos prières. Je vois trop le danger dans lequel je tomberai bientôt si je reste isolé, si grâce à des communications incessantes avec vous par pensées et par lettres, je ne me place dans une atmosphère de sentiments chauds et généreux, d’idées nobles et surnaturelles. Je vous exprime bien mal tout cela, mais enfin croyez-moi bien convaincu et très reconnaissant du bien que vous me faites. Je sens, exactement comme vous l’avez senti, la situation morale qui nous est faite à la caserne. Même dans ma chambrée qui est bonne, où tous les camarades sont aimables, bienveillants et convenables, où j’ai de bons amis et même un séminariste comme voisin, je me trouve seul, isolé, délaissé. L’âme est triste de ne pas vivre, et c’est cette apathie de l’âme qui me donne une sensation d’isolement et d’impuissance.

« Naturellement, je suis arrivé ici avec quelques illusions ; d’un côté, je me figurais la vie plus dure, plus pénible au point de vue matériel, plus grossière et plus dégoûtante pour les relations ; d’un autre côté, je croyais plus facile l’apostolat, l’épanchement de l’âme et l’action autour de soi. Eh bien, le milieu où je me trouve n’est pas si dégoûtant que je me l’étais imaginé, et cependant l’action est moins facile que je ne l’avais espéré, au moins apparemment. Bien que les camarades soient très gentils et que je sois en relations continuelles avec eux, je me trouve seul. Eux ne semblent vivre qu’à l’extérieur et ne se préoccuper que du service, et moi je voudrais vivre de cœur et d’âme, et c’est l’âme qui souffre d’être isolée.

« Comme vous, j’aime la sensation austère de l’isolement, du délaissement de l’impuissance pour le bien. Le sacrifice est dur, mais lorsqu’on sent le sacrifice que l’on accomplit, on est joyeux de l’offrir au bon Dieu… Malheureusement je ne puis goûter cette joie du sacrifice et du broiement de l’âme. Toujours le danger est là, le véritable et le premier danger de la caserne : le laisser aller de tout l’être à la monotonie de la vie journalière, sans intention, sans vigueur, sans raison, le fléchissement de l’âme qui voudrait oublier sa misère et se retirer dans l’inaction… »

Malgré son ardeur, malgré sa maturité de jugement, bien que parvenu à ce degré de perfection où l’on répète avec un ami du séminaire ce mot étonnant qui dénote tant de force : « Comme vous j’aime la sensation austère de l’isolement, du délaissement, de l’impuissance pour le bien », il redoute « la tendance funeste à se mettre au niveau du milieu, c’est-à-dire à ne vivre que dans les seules préoccupations matérielles ».


Chaque soir, il se retirait pendant quelques heures dans une maison où un vicaire général de Vannes offrait l’hospitalité aux séminaristes soldats.

« Me voilà sorti et en train de vous écrire. Quel bonheur ! je n’entends plus crier, blasphémer… »

Son biographe raconte un fait qui est à l’honneur des soldats avec lesquels devait vivre l’abbé Merlet.

« Un soir, peu de jours après son arrivée, il avait dû protester contre une conversation déplacée : il l’avait fait avec fermeté, mais sans colère, puis dès le lendemain matin était entré en explications avec celui qui avait été le plus directement visé. Il n’eut pas besoin de faire entendre une nouvelle réclamation ; à partir de ce jour, personne ne se permit devant lui une parole inconvenante ou de nature à le froisser. Comme il se l’était promis, de tous ses camarades il se fit des amis. Il estimait d’ailleurs qu’il fallait pour cela peu de chose : « De la gaieté beaucoup, de la douceur et de la patience, avec une grande régularité de vie. »

Il avait fait un premier voyage à Angers quand il reprend son journal délaissé depuis son entrée à la caserne.

« Voilà le premier épanchement de ma vie de caserne. J’ai senti hier au séminaire que j’ai besoin de cela si je veux vivre de l’intelligence et de l’âme, et non pas seulement du corps.

« Oh ! le cher séminaire ! le séminaire, ce corps moral que je me prends à aimer passionnément en chaque lieu où la persécution transporte sa demeure, comme je fus content de m’y retrouver hier et de vivre un jour au milieu des directeurs et de mes confrères !

« Je me souviens encore de l’émotion qui me saisit au cœur dans le train, l’autre jour, quand j’approchais d’Angers, et devint de plus en plus intense jusqu’à ce que mon âme se fut abritée dans la maison du Seigneur. Au séminaire sont tous mes souvenirs les plus chers, mes affections les plus efficaces et les plus fécondes pour ma vie : c’est là que l’on prie le plus pour moi, pour que je sois fort et vaillant dans les obligations les plus mesquines et les occupations les plus vulgaires. »

Le jour suivant, il continue :

« La journée fut pénible, aujourd’hui. Les lendemains de permission sont tristes, tristes. J’avais l’âme lasse, abattue. Je pense beaucoup au bon Dieu… De temps en temps, mon esprit se retourne vers Lui, à l’une ou l’autre occasion… pour un blasphème que j’entends prononcer ou une sottise qu’un camarade laisse échapper…

« Mais cependant je ne suis pas content de moi. Il me semble que je n’ai pas d’ardeur, que je ne fais pas ce que je devrais faire. Je n’ai pas assez d’entrain ni de bonne humeur, je ne sais pas profiter de toutes les occasions qui pourraient naître de faire du bien, de dire une bonne parole, de relever un semblant de provocation à parler. »

Le 15 novembre, il écrit à un ami :

« Priez beaucoup pour moi. Je pense à vous souvent ; mon âme se reporte au séminaire, et le souvenir de la vie qu’on y mène me réconforte et me relève. »

Le 19, à la suite d’une marche fatigante, tandis qu’il s’occupait de mettre son équipement en ordre, il fut pris d’une hémorragie abondante.

Le 5 décembre il était réformé et rentrait dans sa famille sans se douter qu’il était mortellement atteint.

Égal à lui-même dans cette épreuve qui le terrassait, il écrivait à son directeur :

« Je me soumets le plus docilement que je puis à la volonté de Dieu. J’ai expérimenté déjà à loisir que c’est dans cette abnégation de moi, dans ce renoncement joyeux à mes désirs et à mes projets qu’est la meilleure et la plus substantielle partie du mérite.

« J’avais fait les plus beaux projets d’apostolat à la caserne. Je m’efforçais de mon mieux de les réaliser. Peut-être commençais-je à réussir un peu.

« Eh bien ! voilà que tout est fini pour moi ! Dieu m’a épargné la longueur de l’épreuve et il a confié à d’autres l’action que je rêvais. Que sa volonté soit faite ! S’il me veut malade maintenant, que sa volonté soit faite encore ! C’est une épreuve que je n’avais jamais prévue ; et fier de ma solide santé, je me croyais le maître de mon avenir. C’est Dieu qui est le maître. Mes projets ne sont rien s’Il ne les approuve. Tout est dans la soumission humble et confiante à sa sainte volonté. Sans cela, la vie serait incompréhensible et vaine, et le monde serait mené par un hasard aveugle, irresponsable et absurde. Nous sommes dominés de toutes parts par une force qui serait sans raison si elle n’était l’ordre. Et parce qu’elle est l’ordre, le devoir et la destinée de l’homme est de s’y soumettre. » — 16 décembre 1908.

Ce même jour, il écrivait à l’un de ses amis du séminaire :

« Mon bien cher ami,

« La première pensée qui me vint après la lecture de votre lettre fut que je suis trop indigne de votre amitié… Mais je me suis dit aussitôt que cette amitié est une grâce de plus que le bon Dieu offre à mon indignité, que la main dans votre main je serais moins faible et moins lâche, qu’en unissant ma vie à la vôtre par la communion de prières, de pensées, de résolutions, je l’élèverais et la soutiendrais beaucoup.

« Je ne doute pas que nous ne soyons faits pour nous entendre. Si vous avez senti (et j’en suis sûr) que le sacerdoce vers lequel nous allons est un don réel, total, absolu, de soi-même à Jésus, si vous avez senti les réalités surnaturelles effleurer un jour votre âme et vous apparaître comme l’unique fin de notre vie et de tout, nous ne devons avoir qu’un cœur et qu’une âme, puisque tous nos efforts seront orientés vers le même but et notre âme tendue vers le même idéal.

« Ma vie religieuse fut longtemps faite de sentiments. Je ne m’en plains pas, car bientôt le sentiment porta toutes mes préoccupations vers Dieu. Et c’est alors que peu à peu je commençai à percevoir un idéal de vie. Je sentis réellement que puisque Dieu existe, Il doit être la fin actuelle et présente de toutes nos actions, fin infiniment aimable, parce que Dieu est notre père et qu’Il a crucifié son Fils pour nous racheter. Et il m’a semblé que ces pensées sont extrêmement sérieuses et qu’il suffit de les avoir comprises au fond de soi pour se donner tout à Dieu.

« Malheureusement, ou plutôt heureusement, le principal n’est pas d’entrevoir un idéal, mais de le réaliser. Et c’est pour ce long effort ininterrompu que nous devons mettre en commun nos pensées, nos aspirations, nos résolutions, parce que, au moral, autant et plus qu’au physique, l’union fait la force.

« Et puis l’idéal est l’idéal ; et si l’on ne sent pas qu’il reste l’idéal, il est bon qu’on le précise et qu’on s’en fasse une règle.

« Avant de partir à la caserne, je fus pris d’un beau zèle un peu naturel et présomptueux. Je crus que j’avais mission de partir en guerre pour convertir le monde. Naturellement, comme il sied, je tempérais mon ardeur d’actes d’humilité, mais je me sentais quand même heureux et fier de partir à la conversion des infidèles. Je fus heureux dans mes essais d’apostolat, puisque j’avais conquis l’affection de mes camarades. (Je fus extrêmement touché de recevoir une lettre où était apposée la signature de chacun d’eux avec un mot aimable.) Et maintenant voilà que Dieu me retire, m’arrachant moi-même au danger auquel restent exposés les autres.

« Et je m’aperçois aujourd’hui de nouveau que la vertu n’est pas dans les protestations d’amour et les beaux projets d’apostolat, mais dans le don de soi à Dieu, dans la soumission de la volonté à la Providence. Rien n’est solide ni méritoire qui ne s’est pas affirmé dans des actes de la volonté.

« Unissons-nous donc dans la prière et dans l’effort. Revenu de mon aventure à Vannes, je me trouve maintenant tout désorienté. La maladie est la chose que j’attendais le moins…

« La sainte Vierge m’a déjà valu bien des grâces. Vous l’invoquerez tant pour moi qu’elle me guérira bien vite… Ma vie est au milieu de vous au séminaire. Hélas ! que la volonté du bon Dieu soit faite ! »

Il mourait trois mois plus tard, le 6 mars 1909.

Il avait écrit : « La mort est douce à l’âme du croyant, car la mort, c’est Jésus à nous, complètement à nous. Il attend l’âme à la tombe et tout être qui, parmi nous, l’aura désiré, aimé, voulu, le trouvera enfin… »


Il est parti plein de jeunesse, de générosité et d’ardeur. Il incarnait les grandes idées dont on vit au séminaire et les aspirations les plus hautes de l’apostolat sacerdotal.

Présenter dans cette esquisse la fleur de sa pensée et de ses sentiments, c’est « faire déborder la vie » qu’il tenait du grand corps moral dont il parle avec tant d’amour.

Et peut-être que dans son contact avec les esprits divers qui le rencontreront, il réalisera ce qu’il désirait par-dessus tout : faire du bien !

FIN

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