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Correspondance diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, tome premier: Ambassadeur de France en Angleterre de 1568 à 1575

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REMONSTRANCE FAICTE AU DICT Sr. DE LA MOTHE.

Par aulcuns subjectz du Roy.

A monsieur l'ambassadeur de France.

Par la coustume généralle de ce pays, toutz merchandz françoys, qui y font leur traffic et commerce de vins, sont tenus et contrainctz payer à la Majesté de la Royne, ou ses officiers, cinq solz sterlins; assavoir, trois solz pour le droict de coustume, et les deux aultres pour le boteillerage de chacun tonneau.

Et combien que telz droictz diminuent grandement les proffictz que les marchandz debvroient rapporter de leur marchandise, néantmoins aulcuns gentishommes des lieux de Beaumares et Lerpour, en Galles, mesmes ung nommé Richard Boucler, se sont efforcez, et, de faict, ont contrainctz plusieurs des dicts marchands à leur bailler et fornir deux tonneaux de vin pour chacun navyre qui y descend; et, entre aultres, Pierre du Perrey, marchand de Bourdeaulx, y ayant faict conduyre, despuys deux ou trois ans, deux navyres, a esté contrainct, oultre les dictz droictz de coustume et boteillerage, fornir quatre tonneaulx de vin, dont il s'est cy devant plainct à monsieur le grand thrézorier, lequel, en ayant communiqué à Mr. de Trocmarthon, en la présence du dict Boucler, luy auroit promiz de luy en fère justice et les luy fère rendre, ce que toutes foys n'a esté faict.

Et d'aultant que c'est un faict qui conciste principallement en la conservation des privillièges, franchises et libertez des subjectz du Roy de France, desquelz vous estes icy estably comme protecteur et deffanceur, le dict du Perrey vous supplie humblement, Monsieur, luy en fère justice, non seulement pour son faict particullier, mais aussi pour le faict général, qui est de la descharge entière, pour l'advenir, des dicts deux tonneaulx, pour chacun navyre, ainsi prins par les dicts gentishommes, ou des dicts droictz de boteillerage payez aulx officiers de Sa dicte Majesté, affin qu'ilz ne soyent contrainctz payer d'ung sac deux mouldures contre tout droict et équité.

Et vous ferez une faveur singulière et grand soulaigement à toute nostre nation françoyse, qui tiendra ce bien faict de vous, et priera Dieu perpétuellement vous conserver et accroistre en tout honneur et prospérité.

Coppie du messaige qui a esté declairé par la Majesté de la Royne et son conseil, par parolle de bouche, à l'ambassadeur du Roy de France, par Jehan Somer, clerc du signet de Sa Majesté, le iiȷe jour de mars 1568 (suivant le compte d'Angleterre), pour respondre à certains articles délivrez par luy au dict conseil.

La Majesté de la Royne, conférant avec son conseil sur certaine escripture, délivrée par vous, contenant certaines matières, à quoy vous requériez d'avoir responce, les a trouvées estre en grand partie les mesmes choses, lesquelles, à vostre dernier langaige, vous communiquastes avec Sa Majesté, et de ce entendîtes, comme la briefveté du temps souffroit, l'intention de Sa Majesté; et, néantmoins, considérant meintennant que vous avez exibé le mesme par escript, et requis particulière responce à chacun des motz dedans contenuz, Sa Majesté, pour vostre ample satisfaction, après avoir sur ce conféré avec son conseil, a commandé à son dict conseil vous envoyer responce aus dicts poinctz, comme s'en suyt:

Premier, comme ainsy soit que le voyage de Me. Oynter a esté interprété et présenté aulx yeulx du Roy de France, la vérité est que la cause de son aller à la mer estoit pour la saufconduicte de la flotte angloyse qui alloit à Bourdeaulx; laquelle est notoirement cogneue à toutz les principaulx marchandz de ceste ville de Londres, qui avoient advanturé, aulx dernières vendanges, de fère apporter des vins de Bourdeaulx: lesquelz firent leur longue poursuyte à Winsor, en octobre dernier, à Sa Majesté et à son conseil, pour le mesme effect; et, par grande inportunité, obtindrent icelluy, et comme ainsy soit qu'il debvroit avoir conduict la dicte flotte à Bourdeaulx pour y estre chargée et en retourner, il est aussi notoire, que aulcuns subjectz de Sa Majesté, comme ilz estoient en Bourdeaulx devant la venue du dict Oynter, estoient si mal trettez, et quelques ungs d'eulx miz en prison et leurs dictz biens saysis, que la flotte angloyse, oyant cella, avoient esté contrainctz de ressortir à la Rochelle pour leur charge, à leur grand perte et désavantaige. Et, le dict Me. Oynter estant forcé prendre port, et se trouvant mal tretté en aultres places, entra dedans la Rochelle avecques eulx; auquel lieu, comme il dict, les gouverneurs de la dicte ville trettèrent tellement avecques luy de leur vendre ou prester quelques pièces d'artillerye, desquelles il se pouvoit passer, et quelque pouldre, que enfin, considérant luy mesmes et toute la flotte des marchands estre en leur pouvoir, il trouva nécessaire pour luy de condescendre en partie à leurs demandes, combien que ce fût contre sa volonté; car il s'apercevoit manifestement que aultrement la flotte angloyse n'eust esté chargée là, ny luy mesmes ou eulx s'en fussent paysiblement despartys sans user de force, dont il craignoit, à bonne cause, l'évènement; et par ce, il le trouvoit meilleur d'accorder à leurs demandes et d'obtenir quelque chose pour la valleur des choses qu'ilz requéroient de luy. Et ainsy, où il est dict qu'il délivroit de l'argent, il dict et jure qu'il n'y layssa pas un denier, sinon que pour ses despences nécessaires, mais plustost apporte avec luy, du dict lieu, en argent, ou en valleur, suffizant pour fère récompence de tout de qu'il avoit là layssé; et ainsy véritablement est il chargé de fère pour le proffict de Sa Majesté pour les choses faillantes, accordantes à la valleur. Si l'ambassadeur veult ouyr combien de foys le dict Me. Oynter (nonobstant son mauvais trettement par les subjectz du Roy de France) a faict playsir et aydé plusieurs subjectz du Roy contre ceulx de la religion, il peult alors aussi estre manifeste aulx yeulx du Roy combien ceste suggession de son voyage est esloignée de la vérité.

Secondement, où c'est qu'il est dict que ostaiges sont offertz par quelques ungs des subjectz du Roy, icy, pour délivrer quelques fortz à Sa Majesté en Normandie, ou Picardye, d'aultant que, à la vérité, telle chose n'a esté offerte, Sa Majesté directement nye cest surmyse estre véritable; et encores si aulcunes telles offres avoient esté faictes, Sa Majesté, ne les allouant ou recepvant, ne pense que ce fût rompre la bonne amytié, combien qu'elle ne les eust déclarées. Et, en ce que son ambassadeur en France est chargé d'y avoir tenu la main, Sa Majesté n'en cognoist rien, mais pense q'une telle fable, et les semblables, comme d'avoir faict tenir le paquet des subjectz du Roy de France par le moyen de son dict ambassadeur, sont de jalouzie inventées pour ce que le dict ambassadeur, par advanture, plainement déclaire, en plusieurs places, ce que ne luy sembloit pas bon des cruaultés usées contre ceulx de la religion; lequel (peult estre) en son langaige en faict quelque pityé pour ce que sa conscience aulx causes de la religion est cogneue à toutes personnes avec qui il est accoincté. Et davantaige a juste cause se plaindre de plusieurs deffaveurs à luy monstrées par ceulx, qui sont les ennemys jurés de ceulx de la religion, comme particullièrement ung jeune homme anglois, nommé Rogers, estant docte et le servant, fut, despuys peu de temps, mallicieusement prins en Paris et avoit esté miz en prison, et [auroit], par advanture, perdu sa vye comme, communément, il est rapporté que peu eschappent d'estre noyés, ou aultrement murtriz, estant prins en telle sorte comme il fut; mais, par cas d'advanture, il a esté aydé et recouvert hors de leurs mains par les instantes prières de Mr. de Mauvissière, qui mérite louange et grâces. Le semblable fut dernièrement faict par ceulx de Paris meintennant, en l'absence de l'ambassadeur, prenant ung mèdecin, que se tenoit prez de madame, femme du dict ambassadeur, estant mallade. Cest homme est constitué prisonnier seulement pour fère despict à l'ambassadeur; de quoy, si la profession de l'amytié du Roy estoit cogneue, comme il est rapporté, il s'en ensuyvra réparation.

Tiercement, pour le souspeçon d'une matière mentionnée pour prendre le Hâvre et Dieppe, et de navyres angloys apparoissant dessus la coste de Normandie, tout cella est si loing de la cognoissance de Sa Majesté, ou d'aulcuns de son conseil, que, jusques à ce que l'ambassadeur de France l'eust envoyé dire à la court, on n'en avoit poinct ouy parler, et ainsy, conséquemment, le rapport entièrement faulx.

Quartement, comme il soit qu'on aye conçu sousbpeçon d'une préparation, pour les guerres, de Sa Majesté, et plusieurs raisons alléguées, qu'elle n'auroit besoing de ce fère, espérant qu'elle ne veuille attempter aulcune chose par armes, sans premièrement en donner deffiance;

Il est vray que Sa Majesté a desjà commancé à donner advertissement à ses subjectz de se mettre toutz en aprest, comme par une publicque proclamation, imprimée et publiée en febvrier dernier, peult apparoir à toutes personnes, et, quelques argumentz qu'on fasse qu'elle n'a besoing de ce fère, Sa Majesté toutesfoys entend d'y procéder pour causes sufficientes et bien cogneues à elle mesmes et à son estat; et elle ne peult penser comme telz comme ceulx qui sont autour du Roy, ses principaulx conseillers, quoy qu'ilz trouvent mauvais de ces préparations, encores en leurs consciences ilz ne sont ignorans que Sa Majesté faict en cecy sagement pour respectz qui n'ont pas besoing d'estre expéciffiez; et encores certainement elle n'a intention ni disposition fère guerre contre aulcune personne, mais, comme elle sera provoquée, pour deffance de son estat employer son pouvoir: et pour ce, de mencionner l'affère de deffiance estre faicte par elle à aulcun prince est superflu, combien que, du temps du père du Roy de France, ceste honnorable règle ne fut bien observée envers le Roy Edouard[56].

Et où le Roy de France, ne voulant estre en suspens de ces choses, a, par parolle de sa bouche, déclairé à l'ambassadeur de Sa Majesté, le xiiȷe de febvrier, et, par escript, à son ambassadeur, le xiiiȷe, qu'il veult continuer en bonne paix et amytié, sans la rompre en aulcune manière, et desiroit avoir la résolution de Sa Majesté là dessus, dedans quinze jours, auquel temps, si elle n'estoit déclairée, il pourvoirroit à ce qu'il auroit à fère, dont le dict ambassadeur de France a requis responce, laquelle Sa Majesté ne vouloit reffuser de fère, comme peult apparoir par les parolles de Sa Majesté au dict ambassadeur, quand il les luy remonstra; mais en ce que ce messaige est comme péremptoirement requérir responce dedans quinze jours, où elle n'a donné occasion de concevoir aulcun doubte, ains qu'elle a aultant constante intantion de garder l'amytié avec le Roy, comme il a, ou peult avoir, de la garder envers elle, Sa Majesté est marrye fère aulcune sinistre interprétation d'une telle péremptoire requeste par limitation de jours, imputant icelle à quelque deffaillance d'escripture, considérant le lieu où le Roy estoit si esloigné, comme en Lorraine, au temps que le Roy tint ces propos au dict ambassadeur, de sorte qu'il estoit manifestement inpossible d'envoyer responce d'icy dedans ce temps; ou bien qu'il falloit qu'il vînt de quelque mauvaise intention de ceulx qui gouvernent les affères du Roy: de quoy, si Sa Majesté estoit certaine, elle pourroit leur fère une plus dobteuse responce, mais, pour ceste heure, elle choysit plustost respondre sincèrement et playnement, comme celle qui adresse sa responce seulement au Roy, son frère, pour demeurer en bonne paix et amytié avecques luy, comme il dict vouloir persévérer en la sienne.

Sur le faict de la saysye de Roan, quoy qu'il est dict que le Roy, par ses lettres du xiȷe du mois passé, ayt donné ordre pour la relascher, Sa Majesté se loue des escriptz du Roy, mais elle se mescontante de la paresse et mespriz de ses officiers, car elle est continuellement troublée des plainctes de ses subjectz pour la continuation des dictes saysies.

Touchant la requeste du Roy, qu'aulcuns particulliers, estantz sur la mer avec navyres de guerre, soyent révoqués et arrestez, Sa Majesté a desjà eu esgard en cella par les meilleurs moyens ordinaires qui se peuvent adviser, qui est que nulle personne ne sera soufferte apporter aulcune chose en aulcun de ses portz pour y estre miz en vante, qui sera prins par aulcun, soubz colleur de guerre; dont elle a donné particullière charge à toutz les portz de son royaulme. Et outre cella, Sa Majesté veult que le dict Roy de France soit asseuré que, ny elle, ny aulcun de son conseil, ministres ou officiers, n'ont authorisé ou licencié aulcunes personnes de s'armer en mer, aultres que ses propres vaysseaulx, pour la deffance de ses pouvres marchands, lesquelz, s'ilz ne peuvent recepvoir, cy après, meilleur trettement par les subjectz du Roy de France, il fault que Sa Majesté les deffande avec plus grand pouvoir de ses propres gens de guerre. Mais, de l'aultre costé, il se trouve de ses subjectz qui ont esté despuys [peu] de temps desrobez, de leurs navyres et marchandises de grand valleur, par aulcuns des subjectz du Roy, advouans l'avoir faict par commission du Roy; et comme il soit vray [que] les hommes spoliez monstrent plusieurs testimonials, faictz par certains notaires et aultres officiers de crédict demeurans en divers portz du Roy, desquelz Sa Majesté ne doubte que le Roy ne se peuve souvenir des expécialles complainctes, que l'ambassadeur de Sa Majesté luy a faictes (au dernier a esté pour certains marchandz irlandoys et aultres) dont réparation n'estant faicte, tout le reste des subjectz de Sa Majesté, lesquelz sont beaucoup, qui ont esté despouillez par ceulx qui font ouverte profession l'avoir faict par commission du Roy, reffuzent entièrement d'aller en France sercher restitution comme en estantz hors d'espérance, n'ayans aussi le moyen, en ce temps des guerres civilles, de fère telles difficiles poursuyttes ez lieux plus loingtains de France, où c'est que le Roy est meintennant, prétendans, pour les aultres légitimes respectz, ayantz veu les dictz tesmoignages, faictz en France par les publicqz ministres du Roy, de leurs despouilles et par ordre de justice, [qu']ilz doibvent avoir quelque récompense icy, par l'ordre de Sa Majesté, de la valleur de leurs pertes, par arrest ou saysye, ou, à tout le moins, par séquestration de quelques aultres des subjectz du Roy estantz par deçà. De quoy Sa Majesté desire instemmant qu'on aye quelque bon esgard, avecques dilligence que son ambassadeur peult avoir authorité d'ouyr, et considérer de ces choses et en fère quelque bonne fin; car aultrement Sa Majesté ne sçayt comme estoupper les aureilles aulx piteuses plainctes de ses subjectz pour telles grandes et manifestes injures, spéciallement se trouvant tant de difficultez à poursuyvre par justice et d'impossibilitez à obtenir.

Quant à ne trouver pas bon le commerce de certains de noz marchandz à la Rochelle pour y sercher des commoditez, lesquelles l'ambassadeur dict se pouvoir trouver en aultres lieux par l'ordre du Roy, et fait offre d'en escripre au Roy, et procurer une dilligente responce. Il est à considérer que c'est le train des marchandz de trafficquer aulx lieux où ilz peuvent espérer d'estre bien trettez, et de se garder du contraire. Et ayans esté, despuys peu de temps, mal trettez à Bourdeaulx et aultres portz, ilz ont, comme il se dict, faict certains marchez pour les commoditez de France estantz à la Rochelle, lesquelles ilz espèrent leur estre bien délivrées, si bien qu'ilz ne peuvent changer ceste roulte, sans estre premièrement asseurez de ce qui est dict en l'escript de l'ambassadeur, qu'ilz puyssent estre forniz, par l'ordre du Roy, des dictes commoditez ès aultres portz de son royaulme, dont les marchandz de Sa Majesté seroient fort contemptz; et en leur bailhant les dictes commoditez à semblable priz, en aultres places commodes, ils consigneront à ceulx, que le Roy vouldra ordonner à la Rochelle, tout l'intérest des besoignes ou commoditez qu'ilz y ont desjà ascheptées pour semblable valleur; car le recours des marchandz angloys à la Rochelle n'est pas pour le lieu, mais pour les commoditez qui y sont, et le bon trettement, lequel ilz espèrent d'y trouver.

Le dernier poinct, concernant ung doubte consceu que Sa Majesté aye deffandu la transportation d'aulcunes marchandises en aulcuns aultres endroictz que là où les Angloys yront, Sa Majesté n'entend pas bien comme ce doubte est consceu, mais respond que les subjectz du Roy de France ne seront empeschez à transporter aulcunes marchandises hors de ce royaulme, comme ilz ont accoustumé de fère, entendant par cecy, que, considérant la mutuelle surcéance faicte entre le pays du Roy d'Espaigne et d'elle, en quoy les subjectz du Roy ne se sont jamais entremeslez, ilz ne debvront meintennant frauduleusement fère aulcune innovation de traffic pour servir au Pays Bas, au préjudice de l'estat du royaulme de Sa Majesté: en quoy s'ilz attemptoient aulcune chose, il ne peult estre que frauduleusement entendu par eulx, dont le reffuz est si raysonnable et allouable que Sa Majesté espère que le Roy, ny aulcuns des siens, ne le trouveront mauvais sans pleine déclaration de leur intention à cercher l'offance de Sa Majesté.

XXIIIe DÉPESCHE

—du xiiie de mars 1569.—

(Envoyée par Olyvier Champernon jusques à Calais.)

Plaintes de l'ambassadeur à la reine d'Angleterre contre la conduite que tient le sieur Norrys, son ambassadeur en France.—Prises nouvelles faites par les Anglais sur les Espagnols.—Départ du sieur d'Assoleville, sans qu'il ait pu remplir sa mission.—Nouvelles saisies faites en France sur les Anglais à Calais, Rouen et Dieppe.—Proposition d'arrangement entre la France et l'Angleterre, à raison des prises respectivement faites.—Mémoire pour la reine-mère, dans lequel est dévoilé, sous le sceau du plus grand secret, la conspiration formée en Angleterre pour enlever à sir William Cécil la direction des affaires, et pour rétablir la religion catholique dans le royaume.

Au Roy.

Sire, despuys vous avoir dépesché le Sr. de Sabran, le viiȷe de ce moys, avec la déclaration et responce de ceste Royne sur la sommation que m'aviez commandé luy fère, et avec instruction des aultres choses de deçà, j'ay reçeu les vostres, du xxiȷe du passé, ensemble la coppie de celle qu'on escripvoit de Paris à l'ambassadeur d'Angleterre, et ay esté incontinent devers ceste Royne pour luy remonstrer que les mauvais offices de son ambassadeur vous donnoient quelque argument de doubter de l'intention d'elle en l'entretennement de la payx, et de l'estimer luy trompeur, et moy manteur, de toutes ces bonnes parolles que nous vous avons dictes et escriptes de la part de la dicte Dame, et que le contenu de la dicte lettre vous donnoit juste occasion de penser que son dict ambassadeur pratiquoit avec ceulx qui vous mènent la guerre en vostre royaulme, et qu'il sollicitoit les Allemans de la vous venir fère pour les secourir, et qu'il conduysoit leurs intelligences et lettres, luy faisant là dessus lecture de la dicte coppie avec expression de desplaysir et offance que vous en sentiez.

De quoy se trouvant la dicte Dame aulcunement esmeue, m'a dict assés en collère qu'elle voyt bien qu'il ne se passe jour qu'on ne luy fasse quelque mauvais trêt envers Voz Majestez pour gaster vostre mutuelle amytié, et ceulx qui en sont autheurs la veulent en fin contraindre de venir à ce qu'elle a miz grand peyne d'évitter, puys s'est teue. Dont j'ay continué luy dire qu'elle ne debvoit prendre en mauvaise part si Voz Majestez procédoient ainsy, d'ung cueur ouvert et avec ceste franchise, en son endroict, affin de ne garder les offances dans l'estommac, qui n'y feroient que nourrir ung plus aspre desir de vous en venger; et qu'elle considère que vous ne la requériez, en cecy, que de commander à son ambassadeur de s'abstenir des choses qui sont contre le debvoir de la charge qu'elle luy a donnée prez de Voz Majestez.

Sur quoy, m'ayant prié de veoir encores la dicte coppie, et, après l'avoir curieusement leue, m'a respondu que cecy pouvoit estre une invention semblable à l'imposture de Dièpe et du Hâvre, de laquelle, si je n'avois rien entendu, elle me vouloit dire comment le tout avoit passé, et m'a faict ung long récit comme les clefs de ces deux villes avoient esté formées en cyre, que les mesmes qui avoient induict ceulx de la novelle religion de les contrefère, les avoient despuys accuzés, et avoient excité ceste tragédie sur eulx; et que, d'avanture, il avoit comparu lors ung seul petit vaysseau de pécheur anglois sur la coste de dellà, dont aulcuns vous avoient vollu persuader que c'estoit elle qui avoit mené ceste praticque, qui se trouvoient maintennant conveincuz par la vérité; mais, pour le regard de son ambassadeur, qu'il importoit trop à l'honneur et réputation d'elle qu'en lieu d'estre officieulx, et bon ministre de paix et d'amytié, comme tout le monde sçayt qu'à telle intention elle le tient prez de Voz Majestez, on le vyst s'entremettre d'œuvres ennemyes contre vous; car ce seroit une espèce de trayson qu'elle ne luy pardonneroit jamais, et aymeroit mieulx l'avoir veu mort que de l'avoir jamais faict son ambassadeur; mais qu'elle l'estimoit si homme de bien, de si bon lieu, et si prudent, et desireulx de la paix, qu'elle ne se pouvoit persuader ung si grand mal ny une si grande erreur de luy, et qu'elle luy escriproit de recorder les commandemens qu'à son partement elle luy avoit faict, et de les observer si exactement que vous n'eussiez jamais plus à vous plaindre de luy; ains qu'il mît peyne de vous rendre sa négociation et son service si agréables, que vous eussiez occasion de vous en louer. D'une chose vous pryoit avec grand affection, c'est de ne vouloir en cecy user de mesmes, comme despuys ung an en ça, l'on a fait en Espaigne en l'endroict d'un sien ambassadeur[57], lequel ayant esté calompnié n'a peu jamais obtenir audience du Roy Catholique pour se justiffier, ains a été renvoyé sans l'ouyr; de quoy elle s'estoit tenue plus offancée que de chose qui luy soit advenue despuys qu'elle est Royne, et s'en sont despuys ensuyviz assez de maulx: mais que votre bon playsir soit de donner lieu à cestuy cy de vous pouvoir monstrer son innocence, et que Votre Majesté considère que c'est ung tiers qui a escript la dicte lettre, duquel la mauvaise affection ne doibt nuyre à la sincérité de celle de son dict ambassadeur. Puys m'ayant tiré en d'autres propos touchant les choses d'Allemaigne, et comme il n'a jamais esté qu'elle et ses prédécesseurs n'ayent eu amytiés et intelligences avec les princes de l'empire, dont ne doibt estre veu nouveau si elle les continue, et si elle s'en veult prévaloir pour la seureté de ses affaires, comme font bien les autres princes; mais que vous soyés tout asseuré qu'elle n'y meut auculne pratique, qui soit contre vous ny contre votre couronne. Et m'ayant, au reste, racompté le bon ordre qu'elle a miz contre les pirates, et à pourvoir que voz subjectz n'en reçoipvent plus dommaige, le propos s'est finy avec grand doulceur et contentement.

Et bien q'un des principaulx de son conseil ayt naguières dict qu'elle n'est pour laysser deffinir la cause de sa religion par la force des armes, sans y joindre et oposer les siennes, je ne cognois toutesfois, ny à ses paroles, ny à ses démonstrations, ny à son appareil, qu'elle soit pour commancer encores ouvertement la guerre; bien que je prendray garde à toutz les mouvemens et aprestz, de deçà pour vous en donner, heure pour heure, les plus certains adviz que je pourray, et pareillement à monsieur le mareschal de Cossé, qui est desjà à Roan.

L'ambassadeur d'Espaigne, qui est toutjour resserré en son logis, me faict entendre, par ung mot de chiffre, comme il a eu relation touchant les ourques qui venoient d'Espaigne, qu'il en a esté prins trèze à la foys, et que les quatre plus riches ont esté menées à la Rochelle, qui vallent plus de 450,000 ducatz, et, ce qui est le piz, qu'il y a dedans beaulcoup d'argent en espèces pour s'en pouvoir promptement ayder, outre les autres riches marchandises; et que les Angloys ont trouvé bon que les pirates françoys en ayent admené ceste partie de la prinse, affin d'estre excusés de la restitution: et me mande aussi que ceste Royne attend response du Roy Catholique s'il luy veult laysser ses deniers pour quelque temps à l'intérest, et que je vous sollicite d'escripre promptement en Espaigne d'y donner empeschement, veu le mal et dommaige qui vous en pourroit advenir, et qu'il vous playse mander à Mr. de Forquevaulx de faire quelque mencion au dict Roy Catholique des bons offices que le dict ambassadeur faict icy pour le commun service de Voz Majestez, priant à tant le Créateur, etc.

De Londres ce xiiȷe de mars 1569.

Le Sr. d'Assoleville, s'estant quelques jours détenu à Douvres pour attandre novelles du duc d'Alve et pour ne s'ozer mettre en mer à cause des pirates, qui estoient au Pas de Callais, est enfin repassé de dellà soubz la conduicte de trois vaysseaulx de guerre, que ceste Royne luy a baillez. Je ne sçay comment le dict duc prendra maintenant la malle satisfaction qu'on a donné icy à luy et à son ambassadeur.

A la Royne.

Madame, je n'ay failly de faire bien entendre à la Royne d'Angleterre le desplaysir que Voz Majestez ont receu de veoir que son ambassadeur fût meslé en des pratiques si contraires et préjudiciables à voz intentions, comme sont celles de la lettre qu'on luy a escripte de Paris, et luy en ay fait la remonstrance de tant plus vifve que j'ay bien vollu luy faire cognoistre, par là, que vous ne seriez sans prendre bien à cueur les autres plus mauvais déportemens et mauvaises entreprinses qu'elle et ses subjectz vouldront faire, soit secrètement, ou ouvertement, contre vous. Sur quoy, encor que, du commancement, elle ayt faict la courroucée, elle, enfin, a monstré qu'elle ne vouloit que Voz Magestez demeurassent sans entière satisfaction de son ambassadeur, et à cest effect, elle luy escript, dont vous plairra commander que la lettre luy soit rendue, et Votre Magesté verra, s'il luy playt, ce que j'en mande en celle du Roy.

Et de tant que ung [nommé] Corten, Anglois, ayant freschement prins deux vaysseaulx françoys en la rade de Callais, chargez de vins, apartennans à des marchans de Paris, a donné occasion que au dict Callais, et à Roan, et à Dièpe, l'on a encores faict ung nouveau arrest sur les biens et personnes des Anglois, la dicte Dame et ceulx de son conseil ont monstré d'en estre bien fort marrys, et ont mandé à mylor Coban de prendre le dict Corten et faire incontinent randre la dicte prinse qu'il a faicte, et m'ont faict dire qu'ilz envoyeront devers moy aulcuns du dict conseil pour adviser quelque expédiant pour accommoder le faict de ces prinses tant pour leurs subjectz, qui ont esté déprédez, que pour les nôtres, affin de continuer la bonne paix et le commerce accoustumé entre ces deux royaulmes; et cependant ont expédié une novelle ordonnance aulx capitaines et gardiens de leurs portz contre les pirates, laquelle je ne sçay si sera bien exécutée, et me la doibt on bailler en françoys affin de procurer qu'il en soit faicte une semblable du costé de France.

J'ay faict part à la dicte Dame des bonnes novelles que m'avez mandées du xxiȷe du passé, tant du costé de Monseigneur que de Monsieur d'Aumale, les quelles elle a faict semblant de n'avoir que bien agréables; mais qu'elle me vouloit toutjour prédire qu'il apparoistra bien tost de plus grandes forces qu'on n'a encores veu pour le soubstien de sa religion, et qu'elle prioyt Dieu que rien n'en vînt à vostre dommaige. Et en cest endroict, je prieray Dieu qu'il vous doinct, etc.

De Londres ce xiiȷe de mars 1569.

Ceste Royne faict dépescher ung homme exprès devers son ambassadeur qui luy apportera les lettres qu'elle luy escript.

MÉMOIRE POUR COMMUNIQUER A LA ROYNE,

Prenant promesse d'elle que n'en parlera à personne du monde.

Le Sr. Roberto Ridolfy, Florentin[58], ayant receu charge et commandement, de la propre personne du pape, de tretter de la restitution et restablissement de la religion catholique en Angleterre avec les seigneurs catholiques du pays, il s'est principallement adressé au comte d'Arondel et à milhord de Lomeley, ausquelz auparavant il avoit eu affaire pour quelques sommes qu'il leur avoit prestées, ce qui luy a donné grand moyen de pouvoir, sans soubspeçon, négocier meintennant avec eulx, lesquelz il a trouvé fort disposés à son désir, mais non assés hardiz pour y ozer rien entreprendre, si le duc de Norfolc ne se mettoit de la partie, lequel a esté très difficille à gaigner; mais enfin s'estant layssé persuader, il prend, à ceste heure, plus à cueur la matière que ne faisoient les aultres deux; et, pour la bonne part qu'il a en ce royaume, les comtes Derby, de Cherosbery, de Pembrot, de Northomberland, et aultres plusieurs, qui ne sont encores confirmez en la novelle religion, ont monstré, aussitost qu'il s'est layssé entendre, qu'ilz seroient prestz de le suyvre. Mais, pour ne donner desplaysir à leur Royne, la quelle ilz honnorent et révèrent grandement, et, pour n'admener l'affaire aulx armes et au sang, ilz ont estimé que, devant manifester rien de ce qu'ilz prétandoient pour la religion catholique, il estoit besoing de retirer des mains du secrétaire Cecille, et de ceulx de son party, qui sont toutz passionez pour la novelle religion, le maniement de l'estat, qu'ilz ont occuppé despuys l'advènement de ceste Royne à la couronne, affin que, l'ayant eulx en leurs mains, ilz puyssent, par après, de leur seule authorité et sans contradict, bien conduyre le faict de la dicte religion catholique.

A quoy les poulsant l'ambition et la recordation aussi de quelques offances que le dict Cecille leur a faictes, ilz ont espéré que, pour la différence de ce qu'ilz sont des plus nobles et des plus puyssans du pays et bien aymés du peuple, au regard des autres, qui sont presque toutz gens noveaulx mal appuyés, et qu'ilz ont à faire à une princesse laquelle, encore qu'ilz veuillent mener doulcement, la sentent néantmoins timide et en crainte d'estre abandonnée, qu'ilz conduyront, sans grand peyne, au poinct qu'ilz desirent leur entreprinse; pour laquelle facilliter davantaige ont advizé qu'il failloit, en ce qui estoit du manyement de l'estat, gaigner le comte de Lestre, sans luy déclarer, pour encores, rien de l'aultre cause, et de monstrer toutz ensemble, par certaine froideur et reculement de n'entrer au conseil, qu'ilz n'aprouvent rien de ce qui s'y détermine, ce qu'ilz ont exécuté bien à propos. Et, s'estans au reste préparez de plusieurs grandes remonstrances à la dicte Dame touchant sa grandeur et réputation, et l'honneur de sa couronne, et, pour se descharger de tant d'affaires, de dangiers et de despences, que le dict Cecille et les siens luy ont, sans besoing, attiré sur les bras, à quoy ont disposé le peuple de crier avecques eulx, et espèrent aussi que les princes voysins leur assisteront.

Ilz ont faict commancer le jeu au dict comte de Lestre, ainsi qu'il est contenu en l'aultre mémoire, et s'asseurent que, dans peu de jours, ilz seront parvenuz là où ilz prétendent, et que, puys après, ilz pourvoyrront à la religion et à la paix du dedans et du dehors de ce royaume.

Laquelle menée ayant esté descouverte par le seigneur de La Mothe, il s'est bien vollu ayder, en tout ce qu'il a peu, d'une telle occasion pour le service du Roy, et luy a si bien succédé que, joinct la dilligence qu'il a mise de contenir ceste Royne en la foy et observance des trettez, il a empesché que ceulx de la Rochelle n'ont obtenu autre secours d'icy que celluy, qui estoit desjà accordé et dépesché par elle et les siens avant qu'il arrivât, et qu'ilz n'en auront désormais guières plus; et qu'il a évitté la déclaration de guerre qui estoit résolue ou contre la France, ou contre les Pays Bas, ou contre toutz deux, et l'a aulcunement rejectée sur les dictz Pays Bas, y ayant trouvé la dicte Dame assez disposée.

Et aussi ces seigneurs ont estimé pouvoir mieulx conduyre leur faict, s'ilz n'empeschoient que le dict Cecille n'exaspérât davantaige les choses des Pays Bas, affin que le duc d'Alve eust occasion de continuer la saysie et autres rigueurs sur les Anglois; mesmes avoient desiré le semblable du costé de France, et s'estoient resjouys de ce qui en avoit esté commancé à Roan. Mais il a esté besoing de ne passer plus oultre, car ceste Royne eust incontinent accordé avec les dicts Pays Bas pour se déclarer contre nous, et eust employé, et employeroit encores, son armement, qu'elle a tout prest, en faveur de ceulx de la Rochelle. Néantmoins il sera bon que Mr. le mareschal de Cossé ne se haste de lever la dicte saysie de Roan, sinon ainsy qu'il entendra par le Sr. de La Mothe que les choses se conduyront de deçà.

Il est vray que iceulx seigneurs et le susdict Ridolfy ont toutjour procuré qu'il y eust bonne intelligence entre les deux ambassadeurs de France et d'Espaigne, affin que, par la jalouzie et compectance de la grandeur de leurs Maistres, l'ung ne traversât l'ayde que l'autre donroit à ceste entreprinse; en quoy le dict Sr. de La Mothe s'est gouverné de façon que les ungs et les autres demeurent contentz de luy, et si, a faict servir ceste occasion au bien des affaires de la Royne d'Escoce, laquelle certes eust esté fort mal trettée sans le support du dict duc.

Et au reste, il a dict au dict Ridolfy qu'il avoit charge de la Royne, sa Mestresse, de servir, en tout ce qu'il pourroit, par deçà, au restablissement de la religion catholique; lequel, pour ceste occasion, a trouvé bon que là dicte Dame entendît tout ce démené, la conjurant toutes foys, au nom de Dieu, de ne le reveller à personne du monde, car se souvient que, pour n'avoir quelque foys ung principal personnage de France, peu tenir secrète certaine entreprinse qui se faisoit sur la Toscane pour le feu Roy Henry, il avoit esté cause dont le duc de Florance avoit faict exécuter six gentishommes, et il seroit en pareil dangier de deçà[59]. Mais que bien tost luy mesmes, allant à Rome, passeroit devers la dicte Dame avec, possible, lettres et commission de ces seigneurs, et lui rendroit compte du tout, et prandroit argument de tretter entre le pape et elle ce qui seroit requis pour ceste affaire, desirant cependant que Sa Magesté donne charge au dict Sr. de La Mothe de pouvoir, de la part du Roy et sienne, conforter l'intention et volonté des dicts seigneurs, et qu'il les secourra quand il sera besoing. Et espère le dict seigneur Ridolphy, qu'au retour de Rome, il portera ung brief du pape pour ceste Royne, lequel ces seigneurs, estantz lors en l'authorité, luy présenteront ardiment, et par cest ordre commanceront de besoigner au restablissement de la religion catholique.

XXIVe DÉPESCHE

—du xvıe de mars 1569—

(Envoyée par homme exprès, Jehan de Lisle, jusques à Calais.)

Plaintes de l'ambassadeur contre les déprédations commises en mer par les Anglais.—Mesures prises en Angleterre pour les réprimer.—Élisabeth demande que les mêmes mesures soient prises en France pour protéger le commerce d'Angleterre.—Ordonnance de la reine contre les pirates.

Au Roy.

Sire, hier, assez tard, la Royne d'Angleterre m'envoya dire, par le Juge de son amyraulté et par le sieur Somer, clerc de son conseil, que, continuant au bon propos qu'elle m'avoit dict de vouloir demeurer en paix et bonne amytié avec Voz Magestez Très Chrestiennes, et, pour oster toute occasion d'altération d'entre vous, desirant pourvoir, de sa part, aux désordres de la mer, affin que ses subjectz n'exploictent rien hostillement contre les vôtres, elle avoit advisé d'envoyer en dilligence notiffier, par toutz ses portz et hâvres, une ordonnance que, par adviz des seigneurs de son conseil, elle avoit sur ce faicte, de laquelle elle m'envoyoit la coppie, affin que je procurasse qu'il fût faict le semblable du costé de France: et qu'au reste, que tout ainsy que je luy estois bon tesmoing que des provisions de justice, que je luy avois requise pour vos subjectz, despuys que j'estois par deçà, il ne m'en avoit esté reffuzé pas une, que je vous suppliasse, de sa part, faire de mesmes avoir raison à ceulx de ses subjectz qui la vous requerroient pour les déprédations que les vôtres leur avoient faictes; dont avoit commandé m'en bailler ung mémoire, le quel ilz m'ont délivré, en latin, avec la coppie de la sus dicte ordonnance en françois, que j'ay tout miz dans ce paquet[60], et ay prié les dicts Juge, et Somer, de bien asseurer la Royne, leur Mestresse, qu'en tout ce qu'elle usera bien envers Voz Magestez et voz subjectz, que vous luy correspondrez et y ferez correspondre les vôtres.

J'ay desjà envoyé la coppie de la dicte ordonnance à Mr. le maréchal de Cossé à Roan, avec adviz des choses de deçà, sellon lesquelles il pourra procéder en ce que luy avez ordonné pour le faict des Anglois.

Ceulx de la nouvelle religion, qui sont icy, ont esté fort esmeuz d'entendre l'exécution qui a esté faicte au dict Roan, et ont sur cella tenu plusieurs conseils et dellibérations en leurs consistoires. J'espère vous escripre plus amplement toutes novelles dans quatre ou cinq jours: dont, après avoir, en cest endroit, très humblement baysé les mains de Votre Magesté, je supplieray le Créateur qu'il vous doinct, etc.

De Londres ce xvȷe de mars 1569.

Je viens, tout à ceste heure, d'estre adverty qu'on faict secrètement une description d'homes pour envoyer sur mer; je mettray peine de descouvrir plus avant et l'occasion, et l'entreprinse.

A la Royne.

Madame, il y a seulement trois jours que j'ay faict une dépesche à Voz Magestez des occurrences survenues après le partement du Sr. de Sabran, et m'ayant despuys la Royne d'Angleterre envoyé la coppie d'une ordonnance qu'elle a faicte touchans les pirates, avec ung récit, à part, de certaines déprédations que les Françoys ont exécutées sur ses subjectz, je vous ay bien vollu incontinent envoyer le tout, affin que Votre Magesté commande de mettre ung semblable ordre sur la mer, et faire de mesmes administrer justice aulx subjectz de la dicte Dame, comme elle monstrera vouloir rendre aulx vôtres. Elle et ceulx de son conseil m'ont fort protesté qu'ilz veulent aller de bon pied en notre endroict, et, que tout ainsy qu'ilz ont commancé de le faire, que nous monstrions de nostre costé que nous voulons aussi marcher de mesmes envers eulx; dont vous plairra, Madame, commander à Mr. de Morvillier et à Mr de Limoges de conférer avec l'ambassadeur de la dicte Dame sur le faict des dictes pleinctes et de la dicte ordonnance, comme elle faict icy démonstration de satisfaire à Vos Magestez. Et, espérant vous mander bien tost toutes autres novelles, je n'adjouxteray icy qu'une prière à Dieu, etc.

De Londres ce xvȷe de mars 1569.

Ceste Royne escript à son ambassadeur, et croy que c'est affin qu'il viègne se justiffier envers Voz Magestez touchant la lettre, qu'on luy envoyoit de Paris, qui a esté surprinse.

Ordre a Estre monstré et déclaré à tous visamyraulx et à toutz les principaulx officiers, ez portz et passaiges de la Royne d'Angleterre, pour les causes ensuyvantes:

Comme il soit que Sa Majesté ayt entendu que plusieurs de ses subjectz auroient, despuys naguières, sans congé armé quelques vaisseaulx comme en guerre, et se seroient avec iceulx miz sur la mer, accompaignez de bon nombre de mariniers et autres ses subjectz, dont Sa Majesté s'en pourra servir, quant l'occasion se présentera pour le service publique d'elle et de son royaume, et que aussi eulx estantz en mer prétendans servir l'une partie ou l'autre en ces guerres civilles en France, dont Sa Majesté a tousjours desiré la paciffication, sont par plusieurs plainctes chargez d'avoir perpétrez plusieurs désordres sur la mer, tendans à la nature de piracies, ce que Sa Magesté ne peult soffrir sans y pourvoir par réformation ou punition.

A ceste cause, Sa Magesté veult et commande, comme nous vous enjoingnons, au nom de Sa Magesté, si comme vouldrez en respondre que, comme par cy devant il vous ayt esté commandé que nulle personne, soubz colleur d'aulcune prinse faicte sur la mer, seroit permise d'entrer en aulcuns de ses portz avec icelle pour y en faire vente, ains seroit arrestée, et les biens ainsy prins miz à sauvetté. Ainsy meintennant vous pourvoyerez et donrez ordre estroict que doresenavant il ne soit permiz à aulcune personne d'aller en mer avec aulcun navyre ou vaysseau, autre que pour la transportation des merchandises, en manière deuhe et accoustumée, et quiconque vouldra en autre sorte équipper aulcun navyre ou vaysseau, vous lui en ferés deffance, et, avant qu'il sorte hors d'aulcun des portz de Sa Magesté, luy restraindrez et reffuserez la sortye jusques à ce qu'il vous apparoistra qu'il soit ainsi advoué et permiz par Sa Magesté, ou en son nom, par nous de son conseil privé, ou bien par moy l'Admiral d'Angleterre.

Et quant aulcune personne, qui sont ainsy desjà allé en mer, sans expresse licence de Sa Magesté, ou bien advoué par nous de son conseil, n'estant en ouvert et accoustumé train de marchandise, arrivera en aulcuns des portz ou lieux de Sa Magesté, où arrest s'en puisse faire, pour y estre évittailhez, ou pour faire vant des biens prins: Nous voulons que fassiez arrester les parties, vaysseaulx, et biens, et iceulx mettre en saulvetté à estre responsables sur l'information à nous sur ce faicte comme le cas requerra, voulans et commendans, au nom de Sa Magesté, que ce que dessus soit estroictement gardé et observé, sur la peyne que le mespriz en méritera.

Et encores que rien ne soit, par cecy, commandé que ce que toutz officiers et ministres sont desjà tenuz d'observer, et faire garder, et obéyr, si est ce, que pour en faire plus manifeste déclaration, que Sa Magesté entent d'user de toutz bons moyens d'obvier et prévenir à ceste facon de désordre, et pour évitter toutes excuses des officiers, qui pourroient prétendre faulte d'advertissement, avons bien vollu despescher ce pourteur, l'ung des messagiers de Sa Magesté, avec noz présentes lettres ouvertes à estre monstrées à tous visamyraulx et officiers des portz, leur commandant d'en considérer le contenu, et, sellon qu'ilz verront nécessaire, d'en prendre double et extraict, et sur ce permettre au dict messagier de se transporter au long des costes de la mer avec la présente, comme il luy est ordonné et enjoinct, sans aulcun retardement non nécessaire, affin que des présentes il soit faicte plus prompte exécution.

Faict à Wesmestre, le xȷe jour de mars 1568 (suyvant le nombre d'Angleterre).

Signé T. NORFOLC, PEMBROK, R. LEYCESTER, C. CLINTON,
F. KNOLLIS, W. CECILLE, R. SADELLER, WA. MILDMAY.

XXVe DÉPESCHE

—du xxıe de mars 1569.—

(Envoyée par Jehan Pigon jusques à Calais.)

Instances des protestants de France, auprès d'Élisabeth, pour obtenir un secours d'argent, à titre d'emprunt.—Revues générales faites en Angleterre.—Départ de la flotte destinée pour la Rochelle.

Au Roy.

Sire, j'ay à faire entendre à Votre Majesté, despuys mes précédantes, lesquelles sont du xvıe de ce mois, que le cardinal de Chatillon, le conseiller Cavaignes et le Sr. Du Doict mènent de bien fort dilligentes et estroictes praticques avec aulcuns de leur religion, d'auprez de ceste Royne, pour faire promptement fornir des deniers en Allemaigne, et proposent des moyens facilles et secretz pour en faire faire l'avance par d'autres que par elle, ou bien de la faire promptement rembourcer, de sorte qu'il est très difficille de les empescher; et croy que, en France mesmes, ou en Flandres, ou en Hespaigne, ils seroient pour trouver des deniers en ceste façon, joinct que, pour estre ce royaume en telz termes qu'il est avecques le duc d'Alve et avec les Pays Bas, l'on a de quoy colorer toute forniture de deniers et autres pratiques qui se mènent d'icy en Allemaigne, estant sans doubte qu'ilz vouldroient attirer la guerre sur le dict duc d'Alve et sur les Espaignolz, pour les getter hors du dict pays, s'il leur estoit possible, et s'ilz ne craignoient plus que Votre Majesté s'y oppose qu'ilz ne pensent que le Roy Catholique ne soit meintennant pour les en pouvoir engarder. Tant y a que je leur mettray aus dicts deniers toutz les obstacles que je pourray, et, si la matière en est ouvertement proposée à la dicte Dame ou en son conseil, j'espère qu'ilz n'obtiendront tout ce qu'ilz demandent.

J'avoys grande craincte, la sepmaine passée, ayant le dict Sr. Cardinal et les siens esté conduictz par aulcuns seigneurs de ce conseil à la Tour, où ilz les festoyarent, que ce fût pour leur consigner quelque somme. Mais après leur avoir monstré l'artillerye, les pouldres et les armes, l'on ne leur a pas faict seulement voir les quaysses de l'argent d'Espaigne, non que de le leur avoir délivré, et semble que ceulx mesmes, qui leur sont mieulx affectionnés, trouvent assez de difficulté à la seureté du rembourcement.

Les monstres des pencionnaires et gens de cheval de ceste Royne sont mandez au premier jour d'apvril, et les autres généralles et ordinaires de tout le royaume au xve du dict moys, et [est] commandé aulx ungs et aulx autres d'estre toutz préparez au mandement que la dicte Dame leur fera faire le dict xve, et ont ceulx de la nouvelle religion essayé de luy persuader qu'elle deust faire de nouveaulx capitaines et de nouvelles levées extraordinaires; mais les principaulx de ce conseil ont rompu ce coup. Vray est que le jeune comte d'Oxfort s'est monstré plusieurs jours tout prest, avec ung nombre de jeunes gentishommes anglois, pour aller trouver le prince de Condé ou quelque prince d'Allemaigne, affin de veoir de la guerre, mais il n'en a peu obtenir la permission de la dicte Dame. Bien a semblé qu'aulcuns luy conseilloient d'y aller voluntaire, et qu'ilz luy respondoient que pour cella il n'incourroit l'indignation de la dicte Dame; mais en fin elle le luy a deffandu expressément et luy a baillé lettres pour passer en Irlande. Je ne sçay si quelque contraire vent le poulsera, de son gré, à la Rochelle.

Les flottes dont vous ay, cy devant, faict mencion, que ceulx cy préparoient pour aller en Hembourg et au dict lieu de la Rochelle, encor qu'on lès ayt mandé retarder toutes deux pour quelques jours, celle néantmoins de la Rochelle commence meintennant à sortir de ceste rivière et en plus grand nombre de vaysseaulx que ne portoit mon premier adviz, et toutz à demy équipez en guerre, comme est la coustume des Anglois; et est on à délibérer si ce sera Me. Oynter visamyral, ou Me. Olstoc contrerolleur de la marine, qui conduyra la dicte flotté de la Rochelle, et si ce sera avec plus grand nombre de grandz vaysseaulx de ceste Royne qu'il n'avoit esté proposé du commancement, que l'on n'en avoit ordonné que deux. En quoy, encore que je ne descouvre qu'il y ayt aulcune déterminée entreprinse cachée là dessoubz, si n'est d'apporter des commoditez et rafréchissemens de grains, de chers sallées, et grand nombre de bottes, de soliers, de suyf, et, possible, de quelques salpètres, à ceulx de la Rochelle, et de se payer en sel et vin tant du premier rafreschissement qu'on leur porta en décembre que de cestuy cy, si crains je qu'il y ait quelque aultre entreprinse; de tant qu'on m'a dict qu'en toutz les vaysseaulx qui s'aprestent d'aller en mer, l'on y redouble les hommes, oultre le nombre et équipage accoustumé, et que j'ay adviz que ceulx de la nouvelle religion, Françoys, qui sont icy, ayans long temps retenu deux navyres, en faulx affret, toutz prestz dans ceste rivière, pressent meintennant de les faire partir, et que la description d'hommes dont, en mes précédantes, je vous ay, par postille, faict mention, se poursuyt au nom du prince d'Orange et du prince de Condé, la plus part de Flamans, sans leur dire aultre chose sinon qu'on leur baillera de bons capitaines pour les conduyre, lesquelz ilz auront bien agréables et les mèneront en lieu où ilz seront bien receuz, et qu'ilz auront six deniers de ceste monnoye, qui est ung réal, par jour, leur baillant pour ceste heure à chacun douze deniers d'avance seulement, s'acheminans en dilligence vers la Rie et Plemmue et autres portz du costé de France, et qu'on a faict faire ung nombre de mandilz vertz, comme de livrée pour soldatz.

Il sera bon, Syre, d'advertir tout le long de vostre coste de mer qu'on preigne garde non seulement à ce que les dictz deux navyres de faulx affret pourroient entreprendre, mais aussi au passaige de la dicte flotte des Anglois, ainsy que je l'ay desjà mandé à monsieur le mareschal de Cossé, sans toutes foys qu'on face aulcune démonstration d'hostillité aus dicts Anglois, s'ilz n'en donnent occasion, et si Vostre Majesté ne se veult attirer encores une novelle guerre toute déclairée de leur costé, à quoy ilz ne sont que trop promptz. Mais ilz sont plus irritez meintennant et prestz de la commencer au duc d'Alve que à nous, si nous ne les provoquons, et se pourra faire qu'ilz layssent dorsenavant la route de la Rochelle et de Broage si de ces choses nécessaires, qu'ilz y vont quérir, il vous playt les en faire fornir en aultres endroictz de votre royaume, ainsy que ceste Royne m'a aulcunement déclaré par sa responce, que je vous ay envoyée le viiȷe de ce moys, qu'elle en estoit contante; et se trouvera, icy, des marchantz qui en dresseront le commerce, pourveu qu'après que vous me l'aurez commandé je le puysse bien résouldre avecques elle, et qu'il vous playse, puys après, leur y tenir la main de dellà.

Ce qui se descouvre le plus de l'intention de ceulx cy, touchant leur présent appareil de mer, est qu'ilz prétandent à trois entreprinses: l'une d'aller, comme je vous ay desjà dict, à la Rochelle, et que ce soit avec tant de seureté qu'il ne leur puysse venir aulcun inconveniant, ny à l'aller, ny au retour, et je crains qu'ilz y mettent en terre les dicts Flamans. L'aultre est de conduyre la flotte de leurs draps en Hembourg, laquelle sera riche de quatre à cinq cens mille escuz vaillant, et la passer à la veue de Olande et Zélande, avec le meilleur équipage et avec la plus grande bravade qu'il leur sera possible de faire au duc d'Alve, lequel ilz entendent qu'il arme bon nombre de ourques et roberges pour essayer de les empescher. Et la troisiesme est, qu'ayant Haquens entreprins se revancher du mal que les Espaignolz luy ont faict à Mexico, délibère d'aller attendre, en l'isle de los Assores, la venue de la flotte des Indes d'Espaigne, à ce prochain juillet, avec un bon équipage de mer, et cependant surprendre, s'il peult, celle des Indes de Portugal qui a accoustumé d'arriver en may; qui seroient deux grand eschecz et où se trouveroit de quoy faire, puis après, de plus grandes entreprinses.

Hier au soir, le comte de Lestre m'envoya ung sien gentilhomme pour me faire, avec beaucoup d'affection, entendre certains tortz et oltrages qu'on a faict à Paris à ung des gens de l'ambassadeur de ceste Royne, luy ostant, avec grand violence, les pacquetz d'elle et le menassant de le faire pendre, et que, encor qu'il soit très asseuré que cella n'est procédé ny de votre volonté, ny de votre commandement, ains de la menée de ceulx qui vouldroient voir desjà la guerre entre ces deux royaumes, à quoy la dicte Royne, sa Mestresse, vouldroit bien obvier, si elle pouvoit, et luy en destorner et le commancement et le mal par toutz les moyens qu'il luy seroit possible, si me vouloit il prédire que la dicte Dame n'en pourroit dissimuler l'offance, qu'elle en sentoit trop plus griefve dans le cueur que de nul autre oltrage qu'on luy eust sceu faire, si Votre Majesté ne commandoit expressément de faire cesser telles violences en l'endroict des gens de son dict ambassadeur et de ceulx de madame de Norrys, sa femme, et se ne feziez faire justice de celles qu'on avoit desjà commises à cestuy cy et à quelques autres qu'il m'a allégué, et à voller ainsy ses pacquetz, lesquelz elle desiroit sur tout qui fussent randuz; et que cella en fin pourroit tant toucher à moy, qu'il m'en avoit bien vollu advertir, comme m'estant le meilleur amy de ceste court. A quoy, après le mercyement de l'adviz et de sa bonne démonstration envers moy, j'ay respondu que je n'avois rien entendu de ce faict, et que Voz Majestez avoient accoustumé de bien honnorer et porter toute faveur aulx ambassadeurs de la dicte Dame et à toutz ceulx qui venoient de sa part, dont estoit à croyre, ou que celluy qui avoit esté oltragé n'avoit esté cogneu pour homme du dict sieur ambassadeur, ou qu'il avoit, en ce temps si suspect, donné occasion de ce faire. Mais que je vous l'escriprois et m'asseurois que Votre Majesté y remédieroit; que, pour mon regard, j'espérois qu'ilz ne pourroient prendre aulcune raisonnable occasion d'exécuter le semblable sur moy, ny sur les miens, car je craignois plus votre indignation que la leur, si j'excédois en rien le debvoir de ma charge, et si je ne la rendois, jouxte votre commandement, et pour votre service, la plus agréable que je pourrois à la dicte Dame.

J'ay sceu, Sire, que ceulx de la nouvelle religion, qui sont icy, se sont beaulcoup resjouys d'entendre qu'on eust mal tretté l'homme du dict ambassadeur, et qu'on luy eust osté les pacquetz de la dicte Dame; car ilz ne desirent rien tant que de la veoir provoquer à vous déclarer la guerre; mais j'espère que Dieu y pourvoyra, auquel je prie, etc.

De Londres ce xxȷe de mars 1569.

A la Royne.

Madame, il vous plairra voir en la lettre du Roy ce qui se offre meintennant icy digne de vous estre mandé, à quoy je adjouxteray davantaige que, oultre la pleincte, que le comte de Lestre m'a envoyé faire de la rigueur qu'on a tenu à Paris à un des gens de leur ambassadeur, et du peu de respect qu'on a porté aulx pacquetz de ceste Royne, qui luy ont esté ostez, le secrétaire Cecille m'a mandé dire, de la part de la dicte Dame, qu'on a freschement adjouxté à ceste offance encores une autre très grande contre elle à Dièpe, y ayant aresté prisonnier ung de ses subjectz, agent de Me. Grassan son facteur, qui avoit trouvé moyen de se saulver de Flandres pour venir devers elle, avec lettres d'aulcuns ses serviteurs et avec relation des choses de dellà, qui concernoient grandement son service, et luy a l'on reproché qu'il estoit traistre et qu'on le renvoyeroit, piedz et poings liez, au duc d'Alve; de quoy me prioyt croire que la dicte Dame en estoit trop plus marrye qu'il ne me le pouvoit bien exprimer, et qu'elle disoit que ce n'estoit sellon les bonnes responces que Votre Majesté avoit faictes à son ambassadeur, quant il vous avoit donné compte des tortz et maulvais trettemens que le duc d'Alve avoit faict à ses dicts subjectz en Envers, et qu'elle voyoit bien qu'on entreprenoit en France de pourter le faict du dict duc contre elle, et que mesmes l'on avoit constitué prisonniers en son nom aulcuns Anglois à Bouloigne, qui estoient là eschappez de ses mains; dont elle avoit grande occasion de regarder de prez à ses affaires, et que, sans doubte, elle essayeroit toutz les moyens et remèdes qu'elle pourroit pour les bien asseurer.

A quoy j'ay respondu que la dicte Dame ne se debvoit aulcunement esmouvoir pour ces petitz accidens, qui estoient advenuz, sans votre sceu et contre votre volonté, par le seul désordre des temps, et que là, où il faudra faire preuve de votre intention en ses affaires, qu'elle l'y trouvera bonne et droicte, jouxte la déclaration de paix et d'amytié que Voz Majestez luy ont faicte: et ay miz toute la peyne que j'ay peu de luy diminuer l'impression qu'elle pouvoit prendre du contraire, vous suppliant, Madame, faire encores quelque bonne démonstration à son ambassadeur pour m'ayder à la luy oster du tout; car ayant icy plusieurs choses prez d'elle qui me sont toutes contraires, soit de sa religion, ou de l'ancienne inclination de ce royaume contre la France, ou de la récente mémoire de Calais, ou des traverses qu'elle crainct advenir de votre costé ez choses d'Escoce ou ez propres de son royaume, quant ceulx de la novelle religion seront veincuz, ou bien encores l'occasion qui luy semble se présenter fort bonne meintennant de la division et adversité de votre royaume pour y pouvoir entreprendre quelque chose, et sur tout la vifve sollicitation de ceulx qui ont auctorité et crédict prez d'elle, tant siens que estrangiers, qui la vouldroient desjà voir aulx meins et toute déclairée contre vous, à peyne la puys je retenir en l'observance de la paix; et bien que jusques icy j'aye eu certains moyens qui m'ont faict prendre quelque asseurance d'elle, et qui m'en asseurent encores assez aujourduy, je voy néantmoins les choses tant prestes à recepvoir changement, que je vous supplie très humblement, Madame, obvier à ce qui le pourroit causer, comme j'espère que Votre Majesté, par sa prudence et modération, le fera en donnant quelque satisfaction à la dicte Dame: m'estant, au reste, bien fort resjouy d'entendre, par aulcunes de voz précédantes, qu'ayez miz bon ordre à la frontière de ce costé, voyant ceux cy en armes, et qu'ayez pourveu qu'ilz n'ayent moyen de descendre, ny rien entreprendre, qu'à leur dommaige et confuzion, et sera bon, Madame, que rafreschissiez là dessus voz commandemens aulx gouverneurs et capitaines qui en ont la charge, tant en Normandie, Picardye que Guyenne, le long de la mer, et que ce soit du premier jour, affin qu'ilz y soient encores plus vigilans à ceste heure que l'armement et appareil de ceulx cy sort dehors, et que leurs entreprinses se vont descouvrir. Car ne fault doubter que ceulx de la nouvelle religion, qui sont icy, n'en ayent secrètement tramé quelques unes tout cest yver, et qu'ilz ne s'esforcent de se prévaloir du malcontantement et deffiance, où semble que ceste Royne soit entrée pour les deux occasions que j'escriptz à Voz Majestez. A quoy je remédieray de ma part, aultant qu'il me sera possible, avec l'ayde de Dieu, lequel je prie, etc.

De Londres ce xxȷe de mars 1569.

XVIe DÉPESCHE

—du xxve de mars 1569.—

(Envoyée par homme exprès jusques à Calais.)

Remontrances de l'ambassadeur, tant au sujet du voyage de la Rochelle, pour lequel se font de grands préparatifs, que des levées de Flamands qui ont lieu à Londres pour la même destination.—Protestation d'Élisabeth qu'elle veut conserver la neutralité et maintenir la paix.—Mesures prises pour arrêter les enrôlemens.—Lettres de Marie Stuart à Élisabeth et à l'ambassadeur.

Au Roy.

Sire, affin de vériffier les adviz que, par mes précédantes, du xxȷe du présent, j'ay donné à Voz Majestez touchant ceste flotte qui va à la Rochelle, j'ay envoyé recognoistre l'embarquement d'icelle par homme exprès, lequel m'a rapporté que les choses y sont toutes telles que je les vous ay desjà mandées. Dont, pensant que une partie en peust bien venir du malcontantement que ceste Royne a prins des deux occasions dont en mes dictes précédantes je vous ay faicte mencion, je la suis allé trouver pour luy en donner quelque satisfaction, et, encore que du commancement elle ne m'ayt du tout receu avec le bon visage accoustumé, ains ayt incontinent commancé de se plaindre et me dire que, par la deffiance que vous monstriez avoir d'elle, il se cognoissoit assez qu'il n'y avoit lieu qu'elle se deubt grandement confier en votre amytié; à quoy j'ay opposé plusieurs démonstrations et bons tesmoignages de votre trop plus certaine amytié envers elle que ces deux petites occasions, les quelles n'estant aulcunement procédées de vous ne luy debvoient rien faire extimer du contraire; et ayant rejecté, le mieulx que j'ay peu, tout le mal sur le seul désordre du temps, après l'avoir par aulcunes bonnes parolles assez bien remise, je luy ay remonstré bien vifvement qu'estant ma charge de regarder que prez d'elle n'advienne chose qui puisse gaster ceste votre mutuelle et commune amytié, je luy voulois bien dire que Voz Majestez Très Chrestiennes ne pourroient prendre que bien fort à mal ce que j'entendois du voyage de ses subjectz à la Rochelle, qui y alloient en grand nombre de vaysseaulx équipez en guerre, où ilz redoubloient les hommes, oultre le nombre accoustumé, et y transportoient beaulcoup de grains, de chers sallées, de bottes, de souliers, de pouldres, et tant d'aultres rafreschissemens qu'il sembloit qu'ilz y allassent plus pour remédier aulx nécessitez de ceulx qui vous mènent la guerre en votre royaume, que pour pourvoir à celles de ce pays; et surtout que je me plaignois de ce qu'on faisoit une description et levée de Flamans pour les embarquer et les aller mettre en terre de dellà, dont la supplioys de juger, en bonne conscience, si je n'avois assez de quoy, en tout cella, luy protester de l'infraction des trettez.

A quoy elle m'a respondu assés soubdain que, touchant aller en équipaige de guerre à la Rochelle, le temps ne portoit qu'on le deubt faire autrement, mais que la teste d'ung chacun de la flotte respondroit de tout ce qu'ilz entreprendroient hostillement, sur voz pays et subjectz, contre l'expresse deffance qu'elle leur en avoit faicte. En quoy, Sire, j'ay bien sceu qu'elle a ainsy permiz d'armer ces vaysseaulx marchantz affin d'espargner l'armement d'autres deux de ses grandz navyres, que Me Oynter, lequel en fin a esté ordonné pour conduyre la dicte flotte de la Rochelle, luy demandoit, oultre les deux qui sont desjà toutz prestz.

Et, quant au reste, m'a respondu que ce qu'on transportoit de dellà estoit pour accomplir certains marchez qui estoient faictz, despuys longtemps, entre les marchantz, de quoy elle ne se mesloit aulcunement; et s'il se faisoit nulle levée de Flamans c'estoit sans son sceu, mais qu'au moins elle garderoit bien que ses subjectz ne vous yroient pas faire la guerre.

J'ay répliqué qu'entendant partir tant de rafreschissemens d'Angleterre pour les apporter à ceulx de la Rochelle, et s'embarquer des Flamans pour les aller secourir, desquelz la levée ne se pouvoit faire en son royaume sans crime de lèze magesté, sinon avec son sceu et permission, il estoit possible que Voz Majestez Très Chrestiennes ne l'inputassent tout à elle seule sans luy en pouvoir admettre aulcune excuse; dont la suplioys d'y bien penser, et luy ay poursuivy cella en telle façon que ne s'en pouvant bien desmeller elle a appellé aulcuns seigneurs de son conseil, qui estoient dans la chambre, aus quelz ayant, quasi mot à mot, récité tout ce que je luy avois dict et monstré ne trouver aulcunement bon, qu'on chargeât toutes ces provisions pour la Rochelle, oultre l'avytaillement ordinaire des navyres, ny qu'on fist ceste levée de Flamans, qui estoit encores moins excusable, de quoy eulx aussi ont faict semblant ne sçavoir rien, sinon le secrétaire Cecille qui a dict que trois Angloys avoient esté miz en prison pour avoir vollu accepter quelque soulde, elle leur a commandé bien expressément de donner ordre qu'il ne soit rien permiz ny souffert en ceste flotte, dont Votre Majesté ayt occasion d'estre mal contant; et, haulssant la parolle, a dict que quiconque la mettra en guerre, ou la conseillera de l'avoir avecques Votre Majesté qu'elle le réputera pour traistre.

Et m'estant là dessus, avec bonnes parolles et toutes bonnes démonstrations, licencié d'elle, elle m'a encores rappellé de la porte pour me dire qu'elle me prioyt de descouvrir mieulx ce qui estoit de la dicte levée de Flamans, et au nom de qui elle se faisoit, car ne vouloit que ceulx, qui estoient venuz à son reffuge pour saulver leurs vyes, prinssent ainsy les armes pour attirer la guerre en son royaume, et qu'elle pensoit que l'homme du prince d'Orange luy faisoit si mauvais tour, dont y vouloit remédier; et qu'elle juroit Dieu, le Créateur, qu'elle n'avoit rien entendu de cella jusques à ce que je le luy avois dict, et qu'elle ne vous vouloit aulcunement provoquer, bien pensoit envoyer, du premier jour, quelque personnaige, exprès devers Voz Majestez, pour vous faire entendre aulcune sienne intention.

Ainsy, Sire, je ne puys que bien juger, pour encores, de la volonté de ceste princesse en la continuation de la paix; mais je n'ay pourtant layssé de donner adviz de tout cest armement à Mr. le maréchal de Cossé afin d'obvier à toutes surprinses. Et semble que le faict des pirates se va fort modérant et se règle, de jour en jour, pour la seureté de voz subjectz, dont fauldra aussi qu'on commance de procéder en France, mesmement à Roan, à quelque bonne démonstration envers les Angloys.

L'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, demeure toutjour resserré, et les affaires de Flandres en suspens, bien qu'il semble qu'on n'attend sinon que le Roy Catholique envoye personnaige exprès pour tretter, de sa part, avecques ceste princesse de toutz ces différantz, et elle luy satisfera.

Il n'y a encores novelles s'il a esté rien exploicté en Escoce, tant y a qu'on y est bien avant aulx armes, et bien tost l'on y dépeschera d'icy celluy que je vous ay desjà mandé, nommé Me. Milmor. Je vous envoye la coppie d'aulcunes lettres, que la Royne d'Escosse a naguières escriptes à ceste Royne et à moy, par où vous pourrez entendre amplement de ses novelles. Et sur ce, etc.

De Londres ce xxve de mars 1569.

A la Royne.

Madame, j'ay esté en grand doubte comme je debvois uzer envers ceste Royne touchant ceste flotte de ses subjectz qui va à la Rochelle, craignant que si j'en venois avec elle en termes rigoureux, elle en fût, possible, provoquée de me faire quelque déclaration plus ouverte que la grandeur et réputation du Roy, et Vôtre, ne pourroit puis après suporter ni dissimuler que ne luy en protestissiez la guerre, ce que j'estime ne convenir bien au présent proffict de voz affaires; aussi, si je ne luy en parloys, que je luy layssasse trop négligemment passer les choses de votre service en dangier qu'elle les tînt, puis après, trop à mespriz ou les fyct doresenavant venir à de pires conséquences, dont en ay usé, ainsy que Votre Majesté verra en la lettre du Roy. En quoy, grâce à Dieu, il m'a beaulcoup mieulx succédé que je ne pensoys, et comme j'ay miz peyne de luy dire beaulcoup de choses de contantement sur ce qu'elle se plaignoit, aussi m'en a elle dict plusieurs autres pour contanter Voz Majestez, et ne reste que de les exécuter et donner charge, d'ung costé et d'aultre, aulx capitaines et gouverneurs des places, le long de la mer, en la frontière des deux royaumes, qu'ilz usent de toutz bons déportemens, et fassent cesser les mauvais. Dont vous plairra, Madame, en faire rafreschir le commandement à Mr. le mareschal de Cossé, et comme l'on a depputté, icy, quatre des seigneurs de ce conseil commissaires pour pourvoir aulx pleinctes de voz subjectz sur toutes ces prinses de mer, qu'il en soit aussi ordonné d'autres en Normandie et Picardye, et en Bretaigne, pour pourvoir aux pleinctes des Anglois; et que, en la première audience que Voz Majestez donront à l'ambassadeur d'Angleterre, il vous playse luy gratiffier l'affection et bonne volonté que la Royne, sa Mestresse, monstre avoir à l'entretènement de la paix, et l'exorter aussi qu'elle veuille restraindre et modérer les affections et les actions d'aulcuns des siens, qui les usent trop apertement contre Voz Majestez en faveur de ceulx qui vous mènent la guerre en votre royaume.

La dicte Dame m'a touché confuzément aulcuns propos, par lesquelz j'ay comprins qu'elle vouloit envoyer ung personnage exprès devers vous pour s'esclairer de quelques doubtes, et m'a l'on dict qu'elle avoit déjà parlé du Sr. de Trocmarton pour y aller. Je mettray peyne d'entendre plus avant l'occasion du dict voyage et de vous envoyer, devant, ung des miens pour vous en donner adviz, et pour vous rendre compte de toutes choses de deçà, Dieu aydant; au quel je prie, etc.

De Londres ce xxve de mars 1569.

Je vous supplie faire donner adviz à Monseigneur, votre filz, du contenu en ceste dépesche affin que celle que je luy ay faicte du xxȷe du présent, qui est assez diverse de ceste cy, ne soit cause de luy faire rien changer de ses dellibérations.

ROYNE D'ESCOCE A LA ROYNE D'ANGLETERRE.

—du xiiiȷe de mars 1569.—

Madame ma bonne sœur, l'honneur et naturelle amytié que je vous porte faisant son office me faict craindre et fouyr de vous inportuner, ou sembler me deffier aulcunement de votre bon naturel par mes plainctes, qui vous ont esté quelque foys désagréables, et, d'autre part, ma conscience et naturelle pityé de sang espandu de mes obéyssantz subjectz me meust vous remonstrer ce en quoy je me sens obligée. Par quoy je vous prieray, premièrement, de considérer le juste soing que je doibz avoir de mon peuple, qui doibt précéder toutz humains ou particuliers respectz; secondement, le temps que constamment j'ay passé en pacience soubz l'espoir de votre faveur, et, sans le prendre de moy comme offence ou reproche, lire mes doléances, et sur icelles me mander votre résolution, pour laquelle entendre j'envoye Borthuic, présent pourteur, devers vous, avec le double de quelques poinctz contenuz en une proclamation faicte par mes rebelles, où ilz font mencion d'une sentence par vous donnée sur les choses disputées et par eulx faulcement alléguées dernièrement en votre présence et de votre conseil; lesquelz poinctz je vous supplie considérer pour m'en faire entendre votre volonté par ce pourteur, ne pouvant la nécessité de la cause si importante souffrir plus long délay, sans entendre votre résolution tant en cella qu'en ce qui suyt, pour remédier aulx partiaulx déportemens de voz ministres des frontières, lesquelz ont, à Carlisle, prins mes serviteurs, osté et ouvert leurs lettres et puys envoyées en court, bien loin de ce qui m'a esté promiz et escript, qui n'entendiez que j'eusse moins de liberté que par cy devant, mais trop plus esloigné du racueil faict à mes rebelles, avec lesquelz je ne pensay jamais estre esgalle. Car ilz ont esté bien receuz en votre présence, avec liberté d'aller et venir, et continuellement envoyer supportz d'argent, et, comme ilz disent, ainsi qu'il vous plairra voir par ceste autre lettre, asseurez de support d'hommes à leur besoing. Par ainsy, ilz sont meintenuz pour m'avoir vollu faulcement accuser et tacher d'infamye, et moy, qui me suis venue jetter entre voz braz, comme de ma plus asseurée amye, reffuzant le support de ceulx lesquelz, offancés de ce, je seray contraincte, à mon regrêt, de rechercher, si sellon mon espérance et desir n'y remédiez par prompt secours, ay esté esloignée de mon pays, retenue, vostre présence requise pour ma justiffication dényée, et enfin toutz moyens coupez et retrenchez d'ouyr des miens ou leur faire entendre ma volonté.

Je ne pense avoir mérité telz trettemens pour m'estre fyée en vous, et vous avoir compleu, deffendant à mes subjectz rien n'entreprendre quant ainsy me l'avez conseillé, et ne recherchant à vostre requeste et promise amytié aultre que vous, non seulement desirant vous complaire, mais obéyr, comme fille à sa mère. Et, de fresche mémoire, au retour des traystres, sans l'advertissement de l'évesque de Rosse et de maister Knollis, qui me persuadèrent que ne pouviez trouver bon que mon party commenceast, je les eusse bien salués à l'entrée des frontières, sans leur donner si bonne commodité de lever soldatz pour ruyner mon povre peuple. Bref, j'ay, jusques icy, deppendu de vous seule, et desire faire encores, s'il vous playt accepter ma bonne volunté, la récompensant par vostre amyable confort et prompt secours, pour obvier à la tirannye de ces rebelles subjectz. Pour la craincte desquelz[61] contre mes fidelles subjectz, et contre mon honneur et estat, je seray contraincte vous requérir secours, ou d'en chercher où Dieu me conseillera; sellon vostre responce, que je veulx espérer bonne, je me desporteray.

J'ay aussi chargé ce pourteur de sçavoir vostre résolution sur ce que l'évesque de Rosse et lord Boyd auront à faire, ne l'ayant encores peu sçavoir, ny aultres certaines particullaritez, desquelles je vous supplie le croyre, et ne prendre en mauvaise part si, en chose si inportante, je vous presse plus que peult estre (veu que je suys entre voz mains) il ne vous semble à propos; mais je ne puys plus longuement différer ny supporter partial trettement, sans ruyne de mon estat et offence de ma conscience: car, comme naturellement je vous suys addonnée, vostre peu amyable trettement m'en pourroit retirer, ce que, je vous supplie, ne me contraignez faire, me layssant une opinion aultre que je n'ay jusques icy vollu confirmer d'une parente si proche, et de qui je desire tant la bonne grâce, à laquelle présentant mes affectionnées recommendations, je prieray Dieu vous donner, Madame ma bonne sœur, en santé, longue et heureuse vie.

De Tutebery ce xiiiȷe de mars 1569.

LETTRE DE LA ROYNE D'ESCOCE AU Sr. DE LA MOTHE FÉNÉLON.

—du xve de mars 1569.—

Monsieur de La Mothe, je renvoye Borthuik, présent pourteur, devers la Royne d'Angleterre, madame ma bonne sœur, pour les occasions qu'il vous dira et que vous verrez par le double de mes lettres, ce qui me gardera faire la présente plus longue que pour vous prier continuer les bons offices, que vous faictes pour moy à l'endroict d'icelle, ainsy que vous cognoistrez les choses le requérir. Au reste, je ne veulx oblyer vous dire que, au change des mauvaises nouvelles qui, dernièrement, ung peu devant le retour de ce dict pourteur, m'avoient esté dictes de France, j'ay rendu les bonnes que m'avez escriptes par luy, du xxiiȷe de l'aultre moys, à ceulx qui avoient eu lettres de la cour d'Angleterre bien diverses et esloignées du bon succez que, grâces à Dieu, se peult espérer des affaires du Roy, monsieur mon bon frère.

Il ne fault, monsieur de La Mothe, que je vous dye le contentement que, pour plusieurs respectz, je reçoy, quant je puys entendre ce qui se passe par dellà, de quoy je suis tousjours en doubte jusques à ce que je reçoy quelques lettres de vous, car, encores que je n'adjouxte foy à toutz les bruictz et allarmes que l'on me donne, si ne sçauroys je me garder cependant d'en estre en peyne.

Je suis estroictement gardée, comme vous dira ce dict pourteur, et sont arrestez ou visitez toutz messagiers que l'on estime avoir lettres pour moy ou de moy. Toutesfoys, si j'avoys chiffre avec vous, je ne lairroy d'en mettre quelques unes à l'adventure et vous escripre, sellon les occasions, comme de vostre part j'estime que vous feriez. J'escriptz à l'archevesque de Glasco, mon ambassadeur, auquel je vous prie faire tenir le pacquet que ce dict pourteur vous baillera par la première commodité, et atant, monsieur de La Mothe, je prie Dieu qu'il vous donne ce que desirez.

Escript à Tutbery le xve de mars 1569.

Vostre bien bonne amye,
MARIE R.

XXVIIe DÉPESCHE

—du xxixe de mars 1569.—

(Envoyée par Olivyer jusques à Calais.)

Effet produit à Londres par la première nouvelle de la victoire de Jarnac et de la mort du prince de Condé.

Au Roy.

Sire, à peyne estoit hors des faulx bourgs de ceste ville celluy par lequel je vous dépeschay les miennes, du xxe du présent, que je receuz celles de Votre Majesté, du viȷe auparavant, par ung des clercz de ce conseil, que le secrétaire Cecile m'envoya, avec des excuses d'avoir arresté à Canturbery celluy qui me les aportoit, parce qu'il s'estoit, à ce qu'il me manda, randu suspect, et qu'on luy avoit trouvé plusieurs lettres vennantz de Flandres, mais qu'il m'envoyoit le pacquet de Votre Majesté entier et bien conservé; auquel pacquet, Sire, j'espère que mes deux précédantes despesches vous auront amplement respondu et satisfaict.

Et, estant, le mesme jour, arrivée la bonne nouvelle de la grande et notable victoire qu'il a pleu à Dieu vous donner en Guyenne[62], soubz le bon heur et conduicte de Monsieur, frère de Votre Majesté, je ne vous sçaurois bien exprimer la mutation et changement qu'elle a apporté aulx dellibéracions et entreprinses, et aulx contennances mesmes de tous les principaulx de ceste court, qui ont monstré, les ungs d'en estre extrêmement faschez, et les autres ont prins cueur d'en ozer ouvertement fère resjouyssance: et a esté incontinent, là dessus, assemblé le conseil, où, entre autres choses, ceulx, qui estoient marrys du bon succez, ont vollu persuader que c'estoit une invention que j'avois faicte à poste, pour retarder le partement de la flotte qui alloit à la Rochelle, dont les bien affectionnés ont envoyé secrètement devers moy pour en sçavoir le certain. Ausquelz j'ai faict part de ce que monsieur le maréchal de Cossé m'en avoit mandé et de la coppie d'une dépesche que monsieur le duc, frère de Votre Majesté, lui en avoit faicte sur le rapport de monsieur de Losse.

Et, estant, le mesme jour, milor Chamberlan venu prendre son disner en mon logis, il m'a faict, par ses discours, encores mieulx apercevoir de la perplexité où, pour ceste occasion, ceulx cy se trouvoient, m'ayant dict qu'il pensoit que eulx toutz, du conseil de ceste Royne, la conseilleroient d'armer promptement six autres de ses plus grandz navyres de guerre pour les mettre, du premier jour, en mer, outre les quatre premiers, et les quatre de ceste heure, et les deux grandz navires de Venise, qu'elle y a desjà, et ce, à cause de ceste nouvelle; et qu'ilz ont aussi entendu que monsieur le maréchal de Cossé arme quelque nombre de vaysseaulx dans la rivière de Roan, et le duc d'Alve ung grand nombre de ourques en Zélande, ce que j'ay miz peine de luy dissuader. Et ne sçay encores ce qu'ilz en détermineront, bien que je pense qu'il y aura assés à fère à démouvoir la dicte Dame du bon propos, où je la layssay en ma dernière audience, qu'elle me promist de demeurer ferme en la continuation de la paix.

En quoy j'ay sceu despuys, qu'après que je fuz party, elle résolut, avec l'opinion de deux contre celle de toutz les autres, d'envoyer deux personnaiges en France sur le faict de la restitution des prinses d'ung costé et d'aultre, ainsy que je l'en avois requise, affin d'entretenir la paix et le commerce d'entre les deux royaulmes, nonobstant qu'ilz luy remonstrèrent n'avoir jamais esté envoyé des depputez d'icy en France, ains toutjour de France par deçà, et qu'il inportoit grandement à la dignité de sa couronne de ne perdre cest advantaige, et faisoient quelque fondement sur le poinct de l'honneur, espérans qu'elle se tiendroit aussi ferme sur sa réputation en cest endroict, comme elle l'avoit faict ez choses de Flandres. Mais j'ay sceu qu'il fut ainsy lors résolu, touchant les dictes choses de Flandres, qu'elle attandroit la responce du Roy Catholique sur la bonne lettre qu'elle luy avoit escripte, en latin, par la voye de dom Francès d'Alava, et, ou fût qu'il respondît gracieusement et en parolles de paix et d'amytié, ou bien qu'il fît le courroucé et mal contant, elle commanceroit, incontinent après, d'entendre aulx moyens de réconcilliation avecques luy, le plus tost qu'elle pourroit. Ausquelles deux dellibéracions je croy que la novelle de votre victoire la fera encores mieulx résouldre.

Il est vray qu'on m'a adverty que ceulx d'auprès d'elle, de la novelle religion, qui la voyent ainsi destournée et dissuadée de la guerre, pratiquent de luy fère fère instance par la congrégation de ceulx de la religion de ce royaulme, et la fère conjurer, au nom de Dieu, qu'elle ne veuille habandonner la deffance de sa dicte religion; et en cella leurs évesques, ministres et concistoires se monstrent fort promptz, qui, pour ceste occasion, ont demandé avoir la relation des choses de France affin de délibérer et juger si le prince de Condé a justement prins les armes, ou non. Je ne sçay si, par ce moyen, elle pourra estre induicte de fère quelque plus ouverte déclaration qu'elle n'a encores faicte en leur faveur. Monsieur le cardinal de Chatillon, entendant la novelle de la dicte victoire, s'en est retourné aulx champs, attristé et affligé, ainsy qu'on m'a dict, outre mesure; et a layssé Cavaignes et Du Doict en ceste ville pour continuer leurs sollicitations, ausquelles je prendray garde, du plus prez qu'il me sera possible.

J'ay mandé la dicte bonne novelle à la Royne d'Escoce, dont ne fault doubter qu'elle ne recoipve grande consolation. Je viens d'estre adverty que les Escouçoys, ayant leurs forces, des deux costez, en campaigne, ainsy qu'ilz estoient prestz de combattre, ilz se sont accordez et ont renvoyé les trouppes. Je mettray peyne de sçavoir la forme de leur accord. Cella ay je sceu qu'il n'y a esté faict aulcune mencion de la Royne d'Angleterre, ny rien capitulé de bien pour leur propre Royne. Sur ce, etc.

De Londres ce xxixe de mars 1569.

Je viens d'estre adverty que ceste Royne, entendant la dicte victoire, a tenu ung propos, comme si elle estoit contraincte d'entrer en guerre. Je ne sçay encores si cella s'entend contre nous ou contre les Pays Bas; tant y a, qu'ayant elle, après ma dernière audience, envoyé arrester, pour quelques jours, la flotte de la Rochelle et pourvoir qu'il n'y eust rien dont peussiez estre offancé, qu'èle a, de noveau, mandé qu'on différât le partement d'icelle, bien qu'il se peut que c'est seulement pour veoir s'il viendra nulle confirmation de la dicte novelle; car j'ay différé de m'en aller conjoyr avecques elle jusques à ce que j'en auray lettre de Votre Majesté, et je croy que, bien tost après, elle la fera partir, mesmement s'il vient quelcun, du dict lieu, de ceulx qui peuvent estre restez de la bataille.

A la Royne.

Madame, je n'ay sceu l'indisposition de Votre Majesté jusques au xxve de ce moys, au matin, que la dépesche du Roy, du viȷe auparavant, m'est arrivée, où s'estant trouvé le deffault de voz lettres, j'ay eu si grande appréhention de votre mal et de l'inconveniant qui en pouvoit advenir à tout le royaulme, au plus important de noz affères, que, joinct ce que j'en sentois en particullier pour l'infinye obligacion que j'ay à Votre Majesté, je n'ay peu, du commencement, bien pleynement gouster la bonne novelle qui, peu d'heures après, m'a esté apportée de l'heureuse victoire que Dieu a donnée au Roy, soubz le bon heur et conduicte de Monsieur, filz et frère de Voz Majestez, jusques auquel mesme jour, sur le tard, j'ay esté asseuré de votre convalescence, dont j'ay remercyé Dieu, de tout mon cueur, de l'ung et l'autre bien, et l'ay supplié qu'en confirmant votre bonne santé, il veuille fère si pleynement joyr et bien uzer le Roy, et Vous, et mon dict Sieur, de ceste victoire que vous en puissiez establir ung bien asseuré repoz en votre royaulme, et fère vivre voz subjectz en toute tranquillité, soubz la grandeur et authorité de Voz Majestez. Et, parce qu'en la lettre du Roy je donne compte de ce qui occourt meintenant icy, je ne ennuyeray votre novelle santé de plus longue lettre. Ains, je supplieray, en cest endroict, le Créateur, etc.

De Londres ce xxixe de mars 1569.

XXVIIIe DÉPESCHE

—du vȷe d'apvril 1569.—

(Envoyée par Jehan Pigon jusques à Calais.)

Doutes répandus sur la victoire de Jarnac.—Déclaration du comte de Leicester que la reine serait plus portée à déclarer la guerre contre l'Espagne que contre la France; qu'elle ne veut pas secourir des sujets rebelles à leur roi, et qu'elle fera ses efforts pour chasser les Espagnols des Pays-Bas.—Changement de conduite d'Élisabeth à l'égard de Marie Stuart.—Combat entre les navires de guerre d'Élisabeth et une flotte marchande espagnole, sur laquelle ont été faites des prises importantes.—Nouvelle que le roi d'Espagne a approuvé la conduite du duc d'Albe, et qu'il a ordonné, dans tous ses états, une saisie générale sur les Anglais.—Convention de Glascow entre le comte de Murray et le duc de Chatellerault, qui consent à reconnaître le jeune roi.

Au Roy.

Sire, il est arrivé, despuys trois jours, à Mr. le cardinal de Chastillon, ung gentilhomme, party le xe du passé de la Rochelle, nommé le seigneur de Voysin, lequel s'esforce de persuader à ceulx cy tout le contraire de ce que je leur ay desjà dict du bon succez de voz affères en Guyenne, et qu'il n'est vraysemblable que, le xiiȷe du passé, il y ait eu bataille, ayant lors Monsieur, frère de Votre Majesté, séparé, à ce qu'il dict, ses forces pour en envoyer une partie avec Mr. de Montpensier au devant des Viscontes, qui entreprenoient de se venir joindre à l'armée de Mr. le prince de Condé, et que s'il y a eu combat, s'est sans doubte que Monseigneur n'en aura eu du meilleur, veu les gaillardes forces qui estoient de l'autre part; dont ceulx de ce conseil, ne pouvans, pour ceste incertitude, se bien résouldre d'aulcunes leurs dellibéracions, m'ont faict dilligemment, et par plusieurs foys, enquérir sur quelz argumens je me fondois pour croire que la novelle de ceste victoire fût véritable. A quoy je leur ay toutjour satisfaict par le contenu de la lettre que Monseigneur le Duc, sur Duc, sur le récit de monsieur de Losse en avoit escript à mle récit de monsieur de Losse en avoit escript à monsieur le mareschal de Cossé, qui m'en avoit envoyé la coppie.

Et, estantz, le mesme jour, messieurs le comte de Lestre, l'Admyral d'Angleterre et autres seigneurs de ceste cour, venuz prendre leur disner en mon logiz, j'ay bien voulu, en parlant de ce bon évènement avec le dict sieur Comte, qui est arrivé une heure et demye devant les autres, m'esclarcyr aussi, avecques luy, d'ung doubte que j'avois que ceste Royne, par l'importunité de ceulx de la novelle religion, se vollust déclarer à la guerre, m'en ayant esté donné ung si apparant adviz que j'ay eu occasion de le craindre, joinct qu'on avoit veu, toutz ces jours, le conseiller Cavaignes et le Sr. Du Doict presser, par fréquentes sollicitations, plus que de coustume, ceulx du dict conseil; et que eulx, à leur instance, s'estoient desjà assemblez plusieurs foys, sans que ceulx qui tiennent pour la paix s'y fussent trouvez, demeurans retirez et toutz mal contantz en leurs logis; avec ce, que la flotte, qui estoit de long temps préparée pour aller à la Rochelle, ayant esté quelques jours retardée dans ceste rivière, commançoyt à valler pour se mettre en mer. Et j'avois aussi sur le cueur les propoz dont, au postille des précédantes, que je vous ay escriptes du xxixe du passé, j'ay faict mention que ceste Royne avoit tenuz, lesquelz j'ay mieulx aprins despuys; c'est qu'elle a dict ne doubter aulcunement si ne se trouvoit ainsy bien saysye, comme elle est, de ses prinses que l'on n'essayât de l'offencer et d'entreprendre en plusieurs sortes sur elle et sur ses subjectz, et qu'elle se voyoit contraincte à la guerre comme nécessaire à conserver son estat et sa religion, dont vouloit qu'on préparât ung plus grand armement de mer que celluy qu'elle a desjà, et qu'on pourveust dilligemment à toutes autres choses par terre.

Sur lesquelles particularitez j'ay, par autres propos assez esloignez de ceulx là, tiré du dict comte de Lestre ce qui s'ensuyt: en premier lieu, qu'encor qu'il face bien mal à la Royne, sa Mestresse, de veoir mal tretter et meurtir ceulx de sa religion en France, que néantmoins estant Royne, comme elle est, sur beaulcoup de subjectz, elle ne s'armera contre vous pour la querelle, que vous, estant Roy, combattés contre les vôtres, et qu'il me pouvoit asseurer, en foy de chevalier d'honneur, qu'elle ne vous commencera la guerre, si elle n'y est bien fort provoquée; secondement, qu'encor qu'elle preigne grand confiance de l'amytié du Roy Catholique, si se tient elle si offencée du duc d'Alve et l'estime si cruel, si superbe, et les Espaignolz si intollérables, qu'il n'est rien qu'elle ne face pour chasser et luy, et eulx, hors des Pays Bas; et qu'elle cognoist que leur voysinage luy est fort dommageable, et qu'il est aussi peu proffitable à la France, de tant mesmement qu'après ces guerres et troubles présens, lesquelz elle dict que ce sont eulx qui les ont suscitez et qui les entretiennent, ilz ne fauldront d'en tramer bien tost d'autres pour toutjour travailler les pays de deçà et les réduyre en aussy misérable estat, s'ilz peuvent, comme ilz ont faict l'Itallie et le royaulme de Naples, et qu'elle y remédiera, s'il luy est possible; et pour le troisième, qu'entendant la dicte Dame l'accord des Escouçoys, et comme ceulx en qui la Royne d'Escoce avoit le plus de fiance, et qui, possible, sont cause de la mesme fortune où elle est meintenant, se sont trouvez ses plus contraires, qu'elle commance la justiffier en son cueur de plusieurs choses du passé, et en tient pour coulpables ses meschantz subjectz, délibérant favoriser et porter dorsenavant son faict en ce qu'elle pourra.

Je luy ay, de votre part, Sire, grandement gratiffié ses premier et dernier propos, luy admenant beaulcoup de raisons du grand honneur et proffict que ce sera à la Royne, sa Mestresse, si elle en uze ainsi qu'il a dict; et, sur le propos du millieu, j'ay monstré ne doubter aulcunement qu'il n'y ayt continuation de paix entre le Roy Catholique et la dicte Dame, et ay conformé mes responces à l'amytié que vous avez avecques les deux. Sur quoy, Sire, je suis bien informé que la dicte Dame, encor que plusieurs la persuadent à la guerre et qu'elle veuille obtempérer, autant qu'il est possible, à ceulx de son conseil, si donne elle ordre qu'il y en ayt toutjours quelques ungs d'eulx qui luy conseillent la paix et l'espargne; et elle trouve moyen de fère authoriser et approuver leurs oppinions, de sorte que si le Roy d'Espaigne envoye quelque personnaige de qualité devers elle, je ne fays doubte que tout leur différant, quoy que dye le dict comte de Lestre, ne soit bien tost accommodé, sinon que la restitution de tant de prinses qu'ilz ont faictes y donnast empeschement, laquelle, à la vérité, sera assés difficile à fère, mesmes q'une partie en est allée à la Rochelle, et semble que quelques particulliers, grandz, de deçà, en ayent butiné une autre partie, et l'on vend le reste chacun jour à vil prix.

Aussi, le mesme jour, comme nous sortions de table l'on vint dire aus dictz sieurs Comte et Amyral, que quatre des grandz navyres de ceste Royne avoient, le jour précédant, au Pas de Callais, combattu quatorze ourques, qui venoient d'Espaigne et de Portugal, bien riches de deniers, d'espiceries et d'aultres bonnes marchandises, lesquelles, encor que se fussent longuement deffendues, avoient enfin esté suyvyes et vaincues prez de Domquerque, et en avoit on admené huict dans ceste rivière, dont soubdain ilz allèrent trouver la dicte Dame pour consulter de ceste novelle prinse. Et ainsy, encor qu'ilz veuillent évitter la guerre avecques le Roy d'Espaigne, je ne sçay quel astre les poulse de fère, chacun jour, quelque pas pour s'y mettre davantaige; car ce dernier faict ne se peult excuser sur les pirates, estantz les propres navyres de la dicte Dame qui l'ont exécuté. Néantmoins ilz espèrent que le Roy d'Espaigne, dissimulant tout cella, envoyera devers eulx, ou qu'en fin ilz envoyeront devers luy et que la réconcilliation se trettera. Ilz sont meintennant à rabiller les quatre navyres, qui ont combattu les ourques, lesquelz ont esté assés endommaigez par la résistance de quelques hommes de guerre espaignolz, qui estoient sur icelles, qui ont tiré souvant de quelques pièces qu'ilz avoient, et ont thué plusieurs des leurs. Et, après qu'ilz seront prestz, j'entendz que mestre Ouynter partira, avec toutz les quatre, pour conduyre la flotte de la Rochelle, ayant en fin ceulx cy résolu qu'elle yra quérir le sel et vin du payement des provisions dont ilz rafreschirent ceulx du dict lieu, en décembre dernier, et autres qu'ilz ont meintennant préparez pour leu rapporter; ce que les marchantz, qui en ont faict l'advance, sollicitent bien fort, affin de se pouvoir rembourcer avant que la dicte ville soit réduicte à plus grande extrémité, et aussi que ceulx de la novelle religion estiment que cella pourra conforter et relever, de quelque chose, ceulx de leur party, après la perte qu'ilz ont faicte. J'entendz que le dict Sr. de Voysin a charge de passer oultre devers les princes et villes protestantes d'Allemaigne, mais semble qu'il temporisera, icy, jusques à ce qu'on ayt eu plus grand certitude des choses de dellà.

Ceste Royne a favorablement respondu et escript, de sa main, à la Royne d'Escoce sur aulcunes petites particullaritez qu'elle luy avoit envoyé demander, et le susdict comte de Lestre ayant faict traduyre en françoys la capitulacion des Escouçois me l'a envoyée en la forme que verrez: priant Dieu, etc.

De Londres ce vȷe d'apvril 1569.

Je viens d'estre adverty que ceulx cy renforcent de douze vaisseaulx la flotte pour la Rochelle, oultre qu'on estime que les pirates s'y joindront, quant elle sera en mer, et que l'on a encores aujourd'huy secrètement distribué de l'argent à ceste levée de Flamans, dont je vous ay cy devant escript, laquelle j'entendz estre de xiiiȷe hommes enrollés, ce qui me faict doubter de quelque entreprinse, ainsy que je l'ay mandé à Mr. le maréchal de Cossé, bien que je suis très asseuré qu'il n'y a rien par ordonnance de ceste Royne, ny de son conseil, et de tant que j'avois, cy devant, ouy parler de Blaye, et que le propos en a esté renouvellé, despuys deux jours, en quelque lieu, sera bon qu'on preigne garde vers cest endroict.

A la Royne.

Madame, ce que j'escriptz en la lettre du Roy est le principal de ce que j'ay à fère entendre à Voz Majestez du présent estat des choses de deçà; à quoy je adjouxteray seulement que ceulx ci, cognoissant avoir, en plusieurs sortes, passé trop oultre pour ceulx de la Rochelle, et avoir, contre l'observance de la paix, mal tretté voz subjectz en mer; craignant bien fort avoir provoqué Voz Majestez d'en vouloir avoir la revenche, dont, encores que ceste Royne n'advouhe rien de ce qui a mal passé, et qu'elle monstre encores ne se mesler aulcunement du présent voyage qu'on va fère à la Rochelle, si n'est de prester seulement ses quatre navyres pour asseurer la navigation de ses merchantz, ainsi qu'elle y est obligée, sans qu'elle y envoie ny pouldres, ny artillerye, ny hommes de guerre, ni argent, ainsi qu'elle dict, et comme ung des principaulx de son conseil m'en a asseuré, si luy persuade l'on de procéder de telle façon sur la restitution des biens des Françoys, qu'en les entretennant de quelques formalitez de justice, et monstrant les vouloir toutjour favoriser, elle diffère néantmoins de leur octroyer la playne délivrance de leurs dictz biens jusques à ce que la main levée de Roan sera faicte, ou qu'elle se voye asseurée de la confirmation de voz communs trettez. En quoy l'on m'a adverty qu'elle desire bien fort que Voz Majestez envoyent devers elle; mais semble qu'il n'y ayt lieu, ou qu'aulmoins il n'en soyt encores temps. Et je ne fauldray, à la première foys que je l'yray trouver, de prendre un autre règlement sur la restitution des dictes prinses, qui soit plus brief que celluy, qu'elle avoit desjà baillé, des quatre commissaires de son conseil.

Elle s'attand aussi que le Roy d'Espaigne envoyera icy quelque principal personnaige, ainsy qu'il semble que le Sr d'Assoleville luy en a faict dire quelque chose avant son partement, mais en cella il y auroit plus de rayson, parce que le duc d'Alve a commencé d'exploicter assez universellement contre elle et ses subjectz, en Anvers, premier qu'elle ayt procédé à l'arrestation des deniers d'Espaigne, là où Voz Majestez n'ont rien attempté contre elle; ains ont incontinent commandé la main levée que les officiers de Roan avoient faicte, en faisant, de leur part, raison à voz subjectz. Et si, s'entend que le Roy d'Espaigne en fin s'est résolu de se rescentir des prinses et viollences qu'ilz ont exécutées sur ses subjectz, ayant desjà faict procéder en Espaigne à la saysye et arrestation des biens et personnes des Anglois, et deffandu ne transporter rien, ny mener aulcun traffic de ses pays en Angleterre, aprouvant ce que le duc d'Alve et son ambassadeur, résidant icy, ont faict; de quoy le dict ambassadeur est grandement resjouy, qui m'a mandé que le Roy, son Mestre, n'envoyera, ny permetra que le dict duc envoye plus, devers la dicte Dame. En quoy, si la dicte résolution tient, je croy qu'elle envoyera bien tost devers luy, ainsy qu'il s'entend desjà qu'elle se prépare de le fère, bien que, pour maintenir la réputation, l'on faict icy courir ung bruict que le duc de Feria est desjà en chemin pour venir. Néantmoins si ces choses demeurent guières en ce suspens, elles pourroient, par continuation de ses prinses de mer, aller tant de mal en pis qu'en fin il en sortiroit une guerre. J'entendz qu'on apreste dix des grandz navyres de la dicte Dame pour conduyre la flotte de Hembourg, laquelle sera riche de plus de cinq cens mille escuz de draps, ayantz entendu que le duc d'Alve tient quarante cinq vaisseaulx, bien équipez en guerre et toutz prestz, en Zélande, pour les empescher, mais ilz monstrent ne le craindre guières. Sur ce, etc.

De Londres ce vȷe d'apvril 1569.

J'avois cloz ce pacquet quant le seigneur de Montafie est arrivé, lequel n'a trouvé le passaige à propos. J'espère que ceste Royne l'orra demain.

CONVENTION DE GLASCOW.

—du xiiȷe de mars 1569.—

L'effect du Pourparler qui a esté tenu à Glasco, le xiiȷe de mars 1569, entre le Régent d'Escoce et ses amys d'une part, et le comte de Cassellis, le sieur de Herrys et l'abbé de Kilwelming, au nom de monsieur le duc de Chastellerault, et autres ses adhérans de la noblesse, d'autre part.

Il est requis par Monsieur le Régent que le Duc et ses adhérans recognoistront le Roy et son authorité, et qu'ilz sont ses subjectz, et conséquement de luy prester service, obédience et fidellité à l'advenir comme à leur Seigneur Souverain.

Il est requis aussi, du costé de Mr. le Duc, que, ayant recognu le Roy, ainsy qu'il est expéciffié cy dessus, que toutz et ung chacun de la noblesse seront restituez et remiz en leurs places de conseillers, ainsy que leurs prédécesseurs ont esté durant le temps des autres Roys; mesmes ceulx qui sont nez héréditairement du conseil, et que Mr. le Régent, portant l'authorité du Roy, jurera solempnellement, de là en avant, de se porter indifféremment et sainement, tant envers eulx comme aussi envers toutz autres de la noblesse, en toutes leurs honnestes et justes demandes, sans aulcune partiallité ou ressouvenance de leurs déportemens, durant le temps de la controverse.

Item, que toutz ceulx qui ont faict faulte puis naguières, faisant service à la Royne, ou reffuzé leur obédiance au Roy, promettent, à l'advenir, de se porter envers luy comme ses loyaulx subjectz, avec toute humilité et obédiance, et seront remiz en leurs terres, offices et possessions, nonobstant quelconque confiscation, qui a esté ordonnée contre eulx, pourveu toutjour que toutz ceulx seront exemptz, qui ont esté consentans à la mort du Roy.

Item, que Monsieur le Régent, ensemble touz ceulx de la noblesse, consentiront à toutz les articles qui se trouveront proffitables pour l'honneur, commodité et advancement de la Royne, mère du Roy, n'estant préjudiciables au Roi et à sa souveraineté, dont deppend la seureté de toute icelle noblesse et de toutz ses subjetz, en ce comprins aussi la seureté d'iceulx.

Et, pour ce que Monsieur le Régent, de son costé, est aussi bien contempt de signer et jurer les conditions et accordz cy dessus, comme aussi de pourvoir à l'observation et entretènemant d'icelles par ceulx de l'autre party, il veult bien q'une assemblée et convention se face, parce que le temps ne permect poinct présentement de penser aulx affères de la Royne, mère du Roy; et est accordé que, le xe d'apvril prochainement vennant, s'assembleront et conviendront ensemble en la ville d'Edemborgh, en paysible manière, ces personnes cy après nommez, Monsieur le Régent, Mr. le duc de Chatellerault, les comtes de Humteley, Arguile, Mourton, Athole et Glencarme, et le Sr. de Harriz, et en cas que aulcuns de ceulx cy seront absens, pour occasion de malladie ou autre affère urgent, q'ung autre de la noblesse sera esleu en sa place, et là, comme bons amys, tretteront ensemble et regarderont de conclurre, sur les articles et pointz qui concernent la Royne; et ce qu'ilz verront, ou la plus grand part d'iceulx, estre nécessaire de fère pour son honneur, sans préjudicier le Roy et son authorité, toute la noblesse y consentiront; et affin que la noblesse ayt seur accez pour ce fère, Mr. le Régent promect, sur son honneur, qu'ilz viendront et retourneront, quand bon leur semblera, sans dangier ou empeschement.

Cependant, il est accordé que le Duc de Chatellerault et autres, ses adhérans, ne se mesleront point d'exécuter aulcun office de lieuctenant ou autre authorité, soubz prétexte que la Royne Mère leur aura donné commission de ce fère, ny empescheront les officiers d'armes de fère leurs offices par tout le royaulme au nom du Roy et de Monsieur le Régent, sellon que l'occasion se présentera, promettant le dict sieur Régent de ne procéder en aulcune sorte, par lettres ou charges, à l'encontre du dict Duc et ses adhérans, dont ilz seroient préjudiciez ou touchez en leurs personnes, terres ou biens, mais seulement entend par cest article que nul empeschement se fera, de leur costé, contre l'auctorité du Roy.

Or, pour ce que les forces doibvent estre présentement dissipées et renvoyées, affin que les subjectz du Roy n'en pâtissent, il est très raysonnable que l'on baille asseurance à Monsieur le Régent que les articles cy dessus expéciffiez seront tenuz, comme il entend de fère de son costé. Il veult que Mr. le duc, le comte de Cassellis et le Sr. de Harrys, lui envoyent hotages pour demeurer auprès de luy jusques à tant que les dictz articles seront accompliz, c'est-à-dire, l'ung des filz de mon dict sieur le Duc, le comte de Cassellis ou son frère, et le dict sieur de Herriz ou son fils aisné.

XXIXe DÉPESCHE

—du xiȷe d'avril 1569.—

(Envoyée par Mr. de Montafie, escuyer d'escuyerie du Roy.)

Audience donnée par Élisabeth au sieur de Montafie, envoyé de France auprès d'elle après la bataille de Jarnac, pour lui faire connaître tous les détails du combat et toute l'importance de la victoire.

Au Roy.

Sire, ayant le Sr. de Montafie tardé huict jours à Dièpe pour attandre passaige, ceulx de la novelle religion, qui sont icy, ont cependant calompnié, en plusieurs sortes, les bonnes novelles de votre victoyre, et ont dict que, puys qu'il n'en venoit confirmation de nulle part, que je les avois controuvées pour arrester la flotte de la Rochelle et donner réputation à voz affères, et pour servir aussi aulx affères de la Royne d'Escoce et à l'affection des catholiques de ce royaulme, me mandant là dessus, par ung des miens, des parolles qui ne m'ont aulcunement pleu. Et encores, estant desjà le dict sieur de Montafie arrivé, ilz ont essayé de préocuper l'opinion de ceste Royne à luy persuader qu'elle ne deust donner foy à ce qu'il luy en diroit.

Néantmoins estans, le mercredy de la sepmaine saincte, allez trouver la dicte Dame, elle a fort bien et fort favorablement receu les lettres de Voz Majestez, ensemble celluy qui les apportoit, et luy ayant avec attention donné bien paysible audience sur tout le discours que, de fort bonne façon, il luy en a faict, sans rien obmettre de ce qui pouvoit bien exprimer la vérité, elle a monstré ne doubter plus du succez de la bataille ny que la victoire ne vous en fust entièrement demeurée. Et a respondu qu'elle ne pouvoit, à la vérité, se bien resjouyr de la mort d'ung, votre parant, qui estoit si prochain de votre sang comme feu Mr. le prince de Condé, sinon qu'il eust eu quelque mauvaise intention contre les personnes de Voz Majestez Très Chrestiennes ou contre votre estat, auquel cas, s'il luy en estoit onques tumbé la moindre sintille du monde dans le cueur, elle vouloit louer et remercyer Dieu, de bon cueur, du jugement qu'il en avoit faict; mais qu'elle feroit grandement contre sa propre conscience si elle l'en soubspeçonnoit en rien, car a toutjour très fermement creu, qu'ainsy qu'il avoit l'honneur de vous appartenir, qu'aussi vous estoit il très bon et très fidèle subject et serviteur, et qu'elle ne pouvoit qu'estre bien fort marrye de la continuation des troubles de votre royaulme, de tant que, où que inclinât en fin la victoire, ce seroit toutjour la diminution de voz meilleures forces et la ruyne de votre noblesse, réputant très coupable envers Dieu, et fort malheureux, pour l'estat de votre couronne et pour toute la chrestienté, ceulx qui en avoient esté les autheurs et qui estoient cause de les fère tant durer; mais qu'elle se resjouyssoit, comme votre propre seur, et comme propre fille de la Royne, du bon acheminement de voz affères, esquelz elle desiroit semblable prospérité que aulx siens propres; et prioit Dieu que vous ne puyssiez prendre jamais conseil sur iceulx de personnes qui ne portent aultant de bonne affection à votre bien et à la conservation de voz personnes, et estat, et authorité, comme elle faisoit; qu'elle pouvoit en cella jurer son Dieu que vous [vous] en trouveriez bien.

Puys, s'est enquize curieusement si Monsieur, en personne, avoit faict la charge; si le dict prince estoit mort au combat, ou bien si l'on l'avoit thué, après l'avoir prins, estant seulement blessé au bras; si ce fut pour secourir monsieur l'Amyral qu'il vint ainsy sercher sa male fortune; que le dict Sr. Amyral l'avait meilleure en ces troubles que ez autres guerres, car jamais auparavant elle n'avoit ouy dire que ez rencontres, ou combatz, où il s'estoit trouvé, qu'il n'eust esté blessé ou prins, mais croyoit, s'il eust esté prisonnier ceste foys, que ce eust esté la dernière, car on ne l'eust espargné; si le comte de Montgommery estoit mort; qu'elle avoit bien prédict ce qui estoit advenu à Chatellier Pourtault; estimoit Estuard bon soldat, et qu'il estoit dommaige qu'il n'eust suivy le bon party; qui commandoit meintennant en l'armée du dict feu prince? et qu'il sembloit que, pour la perte de luy, elle ne fût guières affoiblye, y restans plusieurs bons capitaines pour commander; où estoit lors la Royne de Navarre, et son filz?

Et ayant la dicte Dame de mesmes bien paysiblement escouté ce que le dict Sr. de Montafie luy a racompté du duc de Deux Pontz; où il estoit; quel chemin il prenoit; comme, entendant la mort du dict prince de Condé, il s'estoit arresté; comme Votre Majesté luy avoit envoyé ung hérault pour luy deffandre d'entrer à mein armée dans votre royaulme; les bonnes forces qu'aviez envoyées en Bourgoigne, soubz Mr. d'Aumale et Mr. de Nemours, pour l'en empescher, s'il le vouloit entreprendre; elle luy a faict répéter, par deux foys, le nombre des dictes forces, tant de pied que de cheval, puis a adjouxté que ce seroit à tort s'il y entroit, car n'avoit aulcune juste querelle de ce fère, ny n'avoit ouy dire que vous l'eussiez onques offancé; et a demandé si le duc de Cazimir estoit avecques luy.

A toutes lesquelles particularitez, une à une, le dict Sr. de Montafie a respondu de si bonne et prudente façon, et sellon qu'il convenoit à votre service, qu'encor que les mal affectionnez fussent allez au devant pour diminuer la réputation de voz affères et la grandeur de la victoire, si a la dicte Dame, et ceulx de son conseil, toutjour despuis tenu pour très certain et véritable le récit qu'il en a faict. Mesmes que, bien tost après, par aulcunes lettres de Flandres, l'on leur a tant augmenté le compte, qu'en fin ilz nous ont estimez toutz deux fort modestes de ce que nous en avions dict, dont laisseray au dict Sr. de Montafie de vous rendre compte des autres propoz de la dicte Dame et du desplaysir qu'elle dict qu'elle aura, si dorsenavant vous vous deffiez de sa bonne volonté, parce que je me plaignois à elle du voyage de ses navyres à la Rochelle; aussi d'une plaincte qu'elle nous a faicte pour son ambassadeur, me menassant de me tretter de mesmes qu'on le trettera de dellà; du destroussement de ses pacquetz; de l'excuse qu'elle luy a faicte pour ne le laysser passer devers la Royne d'Escoce, et plusieurs particularitez qu'il a comprinses de deçà, et autres, que je luy ay communiquées, lesquelles toutes je remectz à sa bonne suffizance, n'adjouxtant, icy, pour le surplus, qu'une prière à Dieu, etc.

De Londres ce xiȷe d'apvril 1569.

Le Sr. de Gamaches m'a envoyé prier que je veuille accompaigner de ce mot sa très humble suplication qu'il faict à Votre Majesté, par le dict Sr. de Montafie, qu'il vous playse le remettre en votre bonne grâce et en la possession de ses biens, suyvant la dellibération qu'il dict avoir de demeurer à jamais votre très obéyssant et très fidèle subject et serviteur, et que je vous donne tesmoignage de ses déportemens par deçà. En quoy, ne l'ayant hanté ny observé, pour sçavoir comme il y a vescu, je puis au moins dire que je ne sçay qu'il y ayt rien pratiqué contre votre service.

A la Royne.

Madame, ayant le Sr. de Montafie fort bien et fort sagement exécuté sa charge, à laquelle je luy ay assisté, ainsy que me commandiez, il vous fera entendre les responces de la Royne d'Angleterre, lesquelles, encor qu'elle les ayt mesurées comme pour ne monstrer se resjouyr de la mort de monsieur le prince de Condé, ny condempner l'intention de son entreprinse, si les a elle accompaignez de plusieurs parolles qui signiffient beaulcoup d'affection et de conjoyssance sur le bon succez et prospérité de voz affères, et sur le desir qu'elle dict avoir qu'ilz aillent tousjours bien. Ce qui monstre qu'elle ne se repent poinct de la déclaration de paix qu'elle vous a naguières faicte, à laquelle semble qu'elle persévèrera, m'ayant donné entendre, par aulcuns siens propoz, qu'ayant laissé passer plusieurs belles et grandes occasions de vous fère la guerre en voz grandes adversitez, qu'elle n'est si mal advisée de la vous commencer, à ceste heure, sur l'acheminement de voz victoires et prospéritez; ains que de telle conscience qu'elle a procédé à ne vous accroistre votre mal, de la mesmes procèdera elle meintennant à ne vous empescher que n'en sortiez du tout.

Il est vray que ceulx de sa religion sont, à ceste heure, si pressans et si dilligens à procurer envers elle, et envers ceulx de son conseil, quelque remède et secours, que je crains qu'il y aura bien à fère d'empescher qu'ilz n'en obtiennent quelcun soubz mains, mesmes qu'il est dangier que la nécessité et le désespoir les face condescendre à luy offrir de plus grandz partiz qu'ilz n'ont encores faict. A quoy j'opposeray toutz les obstacles que je pourray, et mettray peyne de descouvrir dilligemment ce qui en sera, affin de vous en donner les plus promptz et les plus asseurez adviz qu'il me sera possible. Et me remectant de toutes autres choses, pour le présent, à la lettre que j'escriptz au Roy et à la suffizance du dict Sr. de Montafie, je n'adjouxteray, icy, qu'une prière à Dieu, etc.

De Londres, ce xiȷe d'apvril 1569.

XXXe DÉPESCHE

—du xviie d'avril 1569.—

(Envoyée par Olivier jusques à Calais.)

Fausse nouvelle d'un échec éprouvé en France par les troupes du roi.—Pleine confirmation de la victoire de Jarnac.—Plaintes de l'ambassadeur à la reine d'Angleterre contre les levées de Flamands qui se font en son royaume, les secours de tout genre qu'on y prépare pour la Rochelle, et les prises faites en mer sur les Français.—Protestation de la reine qu'elle ne veut porter aucune atteinte à la paix, que les enrôlemens sont pour l'Allemagne, qu'elle n'autorise aucun secours, et que les prises sont faites par des corsaires.—Réclamation de l'ambassadeur en faveur de la reine d'Écosse.—Remise du message du duc d'Anjou, qui a écrit lui-même à la reine d'Angleterre, le lendemain de la bataille, pour lui rendre compte de sa victoire.—Plaintes de l'ambassadeur Norrys, qui demande son rappel de France.

Au Roy.

Sire, estant le Sr. de Montafie party, le xiȷe de ce mois, pour s'en retourner devers Votre Majesté, l'on a aussi tost faict, icy, artifficieusement courir ung bruict que le prince de Condé n'estoit poinct mort, et qu'ung autre, à qui il avoit baillé sa cazacque, comme se faict assés souvant par les chefz d'armée, ung jour de bataille, avoit esté prins pour luy, et thué de sans froid, publians y avoir hommes dignes de foy en ceste ville qui avoient veu des passeportz signez de sa main, en datte subséquente du jour de la bataille, et de ce y a eu gageures de plus de douze ou quinze mil escuz, en la court ou à la ville; et adjouxtoit on qu'encor que Monsieur, frère de Votre Majesté, eust gaigné la journée, du xiiȷe du mois, il en avoit perdu despuys une autre, le xvȷe, que monsieur l'Amyral l'avoit surprins, et deffaict entièrement les Suisses, miz en routte le reste de l'armée et retenu luy prisonnier: ce qui a cuydé admener du changement aulx choses de deçà, comme elles y sont plus muables que guières en lieu du monde, procurans, ceulx de la novelle religion, avec grand instance, de fère partir la flotte de la Rochelle, la fère accroistre d'ung plus grand nombre de vaisseaulx, les bien équiper en guerre, et embarquer des Flamans pour les mettre en terre de dellà.

Mais il est venu, tout à propos, que j'ay eu à présenter à ceste Royne des lettres de mon dict Sieur, lesquelles, encores que fussent du xiiiȷe du dict mois, il s'en est, dans le mesmes pacquet, trouvé une autre que monsieur de Fizes m'escripvoit, du xviȷe, en laquelle il ne changeoit rien des premières novelles; ce qui a, assés soubdain, estainct le faulx bruict, mesmes que j'ay donné à la dicte Dame tant d'enseignes de ce qui estoit le vray, qu'elle n'en doubte plus, et luy ai adjouxté que ce n'estoit une surprinse, ains une si pleine victoire, gaignée comme en assignacion de bataille, que ceulx de l'aultre party n'estoient pour comparoistre jamais plus en campaigne, ayant Monsieur desjà marché pour aller forcer les places, où ce qui estoit de remanant s'estoit saulvé; et que je la pryois de considérer que Votre Majesté n'avoit acquiz cest avantaige sans beaulcoup de difficultez, ny sans hazard de votre estat, ny sans une extrême despence, ny sans la ruyne de beaulcoup de pays, ny encores sans effuzion de beaulcoup de sang, dont vous costant si cher, vous le vouldrez approfficter et en accommoder voz affères; ce qui me faisoit la suplier, de rechef, touchant ce voyage de la Rochelle, de donner ordre que rien n'y allât par où vous peussiez entrer en opinion qu'elle se vollust opozer à votre victoire, ou arrester la prospérité de voz affères; et que je luy disois cella parce que j'estois bien adverty qu'encor, despuys huict jours, la levée des Flamans s'estoit continuée et leur avoit esté de nouveau baillé argent, estant eschappé à aulcuns d'eulx de dire qu'ilz pensoient aller à la Rochelle.

A quoy la dicte Dame m'a respondu que, despuys l'aultre foys que je luy en avois parlé, elle avoit faict dilligemment enquérir de la dicte levée, et qu'il avoit esté prins six Flamans à Douvres qui avoient confessé que, n'ayantz moyen de vivre par deçà, ilz s'estoient enrollez, envyron deux centz, pour passer en Allemaigne, et que l'homme du prince d'Orange leur avoit baillé à chacun ung peu d'argent, mais qu'elle m'asseuroit que ce n'estoit rien contre Votre Majesté.

Je luy ay seulement répliqué que je sçavois que l'enrollement estoit de plus de deux mille, et que de cella n'en seroit jamais rien inputé à l'home du prince d'Orange, à qui, sans lèze magesté, n'estoit loysible lever gens en ce royaulme, sinon avec le congé de la dicte Dame; et que vous ne vous pleindriez que d'elle de tout ce qui sortiroit d'icy à votre préjudice. Puis, sur la restitution des biens de voz subjectz, qui ont esté prins en mer, je luy ay dict que je ne sçavois que luy requérir davantaige pour en avoir raison, ny pour fère cesser ce qui se commétoit encores toutz les jours de violent en mer, de quoy je demeurois diffamé et calompnié, envers Votre Majesté et envers les gouverneurs de voz frontières, de ce que j'annonçoys toutjour la paix du costé de ce royaulme, jouxte l'asseurance qu'elle m'en donnoit, et l'on n'en voyoit sortir qu'une continuelle guerre; dont me reprochoient, ou que j'estoys mal advisé de me fier en ses parolles, ou qu'elle estoit mal obéye; et que j'estoys prest de renvoyer les povres marchantz françoys qui me sollicitoient, icy, toutz les jours, pour sercher leurs remèdes ailleurs, et mander de dellà de ne laysser plus sortir nulz navyres marchantz de noz portz et rivières, jusques à tant que, par force, Votre Majesté eust remédié aulx volleries et otrages que les corsaires anglois vont fère jusques dans voz portz.

Sur quoy la dicte Dame m'a juré qu'elle et ceulx de son conseil avoient faict tout ce qu'ilz avoient peu pour révoquer et apréhender les pirates, et qu'encores freschement elle avoit envoyé novelles ordonnances et provisions contre eulx par toutz ses portz, dont estoit très marrye de n'y pouvoir mieulx remédier, car ilz pilloient, à ceste heure, aussi bien ses subjectz que les vôtres; et quant à la restitution des prinses, qu'elle me prométoit, en parolle de Royne, de fère rendre tout ce qui apparoistroit appartenir aulx Françoys, aussi tost que je la pourrois asseurer que l'on auroit délivré les biens des Anglois en France.

Je luy ay dict que, comme elle estoit Royne, je m'asseurois qu'elle vous estimoit estre Roy Souverain, et si ne vous vouloit déférer en cest endroict, qu'aumoins devoit elle offrir condicions esgalles à fère la dicte restitution, d'ung costé et d'autre, tout à la foys. Sur quoy, elle, appellant son amyral et le secrétaire Cecille, leur a commandé, de bonne sorte, qu'ilz ayent à adjuger aulx Françoys toutz les biens qu'ilz monstreroient leur apartenir, sans toutesfoys les pouvoir encores transporter hors d'Angleterre, sinon qu'ilz fussent telz qu'ilz se dépérissent, ou ne fussent de bonne vante par deçà, auquel cas vouloit qu'ilz fussent délivrez, soubz caution, et qu'il soit baillé commission aulx autres pour aller recognoistre, le long de la coste, toutes leurs prinses et icelles vériffier, et qu'au mesme jour que Mr. le maréchal de Cossé mandera vouloir fère la délivrance aulx Angloix, elle veult qu'elle soit faicte aulx Françoys.

Après, je me suis plainct bien fort de ce qu'après plusieurs remises et changemens de promesses, elle enfin a denyé la visitation que Voz Majestez Très Chrestiennes envoyés fère à la Royne d'Escoce, votre parante et principalle alliée, par le dict Sr. de Montafie, monstrant en cella que ceste princesse est comme prisonnière, dont dorsenavant ne failloit tretter que de sa rençon; et qu'en lieu de bien espérer de la confiance que la dicte Dame avoit miz en elle, l'on publioit partout que, licentiant dernièrement le duc de Chatellerault, elle luy avoit dict, touchant les actions du comte de Mora, qu'elles demeurent aprouvées et justiffiées, et que si luy, arrivant en Escoce, ne recognoissoit à Roy le petit prince, qu'il n'espérât jamais avoir support d'elle, ains qu'elle luy nuyroit en tout ce qu'elle pourroit; ce qui a esté cause dont le bon homme s'est despuys condescendu à fère ce qu'il ne vouloit, ny debvoit, contre sa Mestresse.

A quoy la dicte Dame m'a respondu que, quoy qu'on m'eust donné entendre, elle ne vous avoit dényé la visitation de la Royne d'Escoce (sur quoy, Sire, vous en entendrez le discours par le Sr. de Montafie); et que, si je voulois, elle bailleroit encores le passeport au gentilhomme pour l'aller trouver, et, au reste, que, tant s'en falloit qu'elle eust faict nul mauvais office contre la Royne d'Escoce, que c'estoit elle seule qui avoit porté son faict, et que tout le mal procédoit de ses mauvais subjectz, estant preste de s'employer pour elle de toute affection de bonne et naturelle parante, et qu'elle mesmes luy avoit escript lettre de grand contantement.

Despuis, elle a faict fère quelque meilleure démonstration à Bortic, escuyer de la dicte Dame, qui est icy, sollicitant sez affères, et j'entendz aussi, Sire, qu'on a encores de nouveau différé, pour quelques jours, le partement de la flotte de la Rochelle, et que la dicte levée de Flamans commance à se desbander, bien que, d'ailleurs, j'ay adviz qu'ils arment et mettent en bon équipage toutz les vaisseaulx de la dicte flotte et plusieurs aultres dans ceste rivière, oultre sept aultres des grandz navyres de ceste Royne qu'on arme en grand dilligence, mais il semble que ce soit pour aller en Hembourg, où mesme plusieurs gentilshommes délibèrent de fère le voyage, car s'espère qu'on y combatra, passant vers Olande et Zélande, où le duc d'Alve a commandé d'armer bon nombre de vaysseaulx pour les empescher. Ceulx cy espèrent que le Roy de Danemarc et les Ostrelins feront armer pour les venir recueillir, et y a grande apparance, veu la proclamation que le duc d'Alve a faicte pour exclurre tout commerce des subjectz du Roy Catholique avec les Anglois, que les matières s'aigriront entre eulx; mais je vous donray plus grand notice de tout cecy par le Sr de La Croix, que je dépescheray bien tost devers Votre Majesté, à laquelle, etc.

De Londres ce xviȷe d'apvril 1569.

Rouvray et Valfenyère, qui estoient, naguières, passez d'Allemaigne par deçà, partent aujourdhuy pour s'aller embarquer à Douvres avecques le Sr. Du Doict pour aller à la Rochelle, et j'entendz que le Sr. de Gamaches s'en va aussi pour jouyr du bien que vous luy faictes de le remettre en votre bonne grâce et en sa mayson.

A la Royne.

Madame, il ne pouvoit advenir rien mieulx à propos pour rabattre les faulx bruictz qu'on semoit, icy, sur le succez des choses de Guyenne, que la dépesche que Monseigneur votre filz m'a faicte, du xiiiȷe du passé, en laquelle ayant trouvé une sienne lettre pour ceste Royne avec ung discours de la façon et yssue du combat, signé de sa main, je le luy ay présenté avec ses bien humbles et cordialles reccommendations, et l'ay prye d'accepter la bonne volonté dont ce généreulx et vaillant prince, et le mieulx nay qui soit aujourduy, sans estre luy mesmes Roy, en nulle maison royalle de l'Europpe, avoit uzé à luy fère part, premier qu'à nul prince de la chrestienté, après Voz Majestez, de l'heur de sa victoire, s'asseurant que, pour la singulière affection qu'elle portoit au Roy, et à Vous, et au bien de voz affères, et pour l'amour d'elle mesmes, elle s'en resjouyroit et loueroit Dieu de ce sien jugement pour l'authorité des princes sur leurs subjectz, estant elle, mesmement, du bon et légitime rang des souverains, et espéroit aussy qu'elle seroit bien ayse que l'accomplissement d'une si royalle entreprinse fût escheu à luy, qui estoit son bien humble et bien affectionné parant, et qui avoit toutjour desiré l'aymer, l'honnorer et la servir, avec plusieurs autres propoz qui servoient à la mettre hors de tout doubte que les choses ne fussent bien vrayes.

La dicte Dame a de bon cueur accepté les lettres et recommendations, et tout le propoz de mon dict seigneur, et, ouvrant elle mesmes les lettres, a regardé incontinent le signe et la dathe, puys les a leues entièrement et m'a dict qu'elle avoit grand obligacion à Monsieur d'avoir eu souvenance d'elle, en tel lieu et en tel temps, comme celluy qu'il avoit prins la peyne de luy escripre; de quoy elle le remercyoit de tout son cueur, et, qu'encor que, pour quelque considération et pour aulcun compte, elle eust bien vollu qu'il fût alé autrement, et qu'il eust plus tost succédé ung accord q'ung combat, néantmoins, pour ne pouvoir desirer que tout bien à la cause des Roys, elle se resjouyt et se resjouyra toutjour de la prospérité et advantaige de Voz Majestez, et de la réputation, grandeur et bonne estime de mon dict seigneur; et qu'elle verra et croyra mieulx le discours du combat, puisque luy mesmes, qui en avoit eu la victoire, le luy avoit envoyé, et qu'elle me bailleroit sa responce pour la luy fère tenir. Dont vous asseure, Madame, que j'ay eu si bonnes responces de ceste princesse sur tout ce que je lui ay, ceste foys, proposé, que je ne puys conjecturer que bien de ses présentes intentions envers Voz Très Chrestiennes Majestez, bien que je vous supplie ne fère desgarnir rien, de ce costé, tant qu'on y sera en armes.

La dicte Dame m'a pryé de vous reccomander bien fort son ambassadeur, et qu'il vous playse garder qu'on ne luy donne occasion de demander, ainsy instantement comme il faict, son congé pour beaulcoup d'indignitez qu'il dict estre faictes à luy et aulx siens, toutz les jours, et qu'il vous playse aussi escripre au gouverneur de Calais de délivrer ung sien subject, nommé Robins, de Douvres, lequel, ayant porté le secrétaire de l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, dans ung sien navyre à Donquerque, il le fit arrester, luy et son navyre, au dict lieu, d'où s'estant saulvé à Callais, elle desire bien fort luy estre randu, et desire aussi qu'il soit faict justice à certain marchant anglois, nommé Baquer, à qui l'on détient quelques biens en Bretaigne, nonobstant que Voz Majestez luy ayent baillé plusieurs provisions pour les avoir. Et, me remectant de toutes autres choses à la lettre que j'escriptz au Roy pour n'uzer icy de redictes, je supplieray le Créateur, etc.

De Londres ce xviȷe d'apvril 1569.

XXXIe DÉPESCHE

—du xxe d'avril 1569.—

(Envoyée par Mr. de La Croix.)

Nouvelles importantes qui nécessitent le départ du sieur de La Croix.—Mémoire général sur les affaires de France, d'Espagne, d'Irlande et d'Écosse.—Efforts des seigneurs anglais protestants pour faire déclarer la guerre.—Motifs donnés dans le conseil d'Angleterre pour la guerre ou la paix avec la France.—La reine se prononce pour le maintien de la paix.—Réclamation des églises protestantes contre cette détermination.—État des négociations avec l'Espagne.—Continuation des prises faites sur mer.—Complot formé par les Espagnols, d'intelligence avec des catholiques d'Angleterre, pour opérer un débarquement dans l'île.—Préparatifs de départ d'une grande flotte armée pour Hambourg.—Continuation des préparatifs de départ de la flotte pour la Rochelle.—Troubles en Irlande, où les catholiques sont en armes.—Troubles en Écosse, où se tient la conférence de l'Ilebourg.—Mémoire particulier et secret sur les affaires d'Angleterre.—Les protestants et les catholiques sont prêts à en venir aux mains.—Remontrances des seigneurs catholiques pour le maintien de la paix avec la France et avec l'Espagne.—Leur retraite du conseil.—Projet qu'ils ont formé de s'emparer du pouvoir.—Ils déclarent avoir l'appui du duc d'Albe et de l'Espagne, ainsi que l'approbation du pape, et demandent l'appui de la France.—Conditions du traité qu'ils proposent.—Nécessité de se concerter avec l'Espagne pour en régler l'exécution.—Avis de l'ambassadeur sur la conduite qui lui paraît devoir être suivie au sujet de ces propositions.

Au Roy.

Sire, y ayant, à ceste heure, plusieurs choses icy qui se monstrent de toute aultre façon qu'elle n'estoient auparavant les nouvelles de votre victoire, et dont semble que ce royaulme soit beaulcoup agité et que la Royne d'Angleterre et les seigneurs de son conseil soient assés incertains de ce qu'ilz y doibvent fère, changeans, à tout coup, de dellibéracions, j'ay estimé qu'il estoit bon de vous envoyer le Sr. de La Croix, pour vous aller représanter, de bouche, une partie de ce que j'en voy et entendz icy, sur le lieu, qui ne se peult bonnement escripre, affin que, le comprenant tel qu'il est, Votre Majesté le puisse mieulx aproprier à son service, et me commander comme j'auray à m'y conduyre.

Il m'a semblé, par les derniers propos que j'ay eu avec ceste Royne, qu'elle n'est tant pour la justice de ceulx qui vous mènent la guerre en votre royaulme qu'elle ne les accuse de beaulcoup d'injustice; car, ayans discouru ensemble assés ongtems, et quelque foys avec contraire opinion l'ung à l'autre, du jugement qu'il a pleu à Dieu d'en fère par les armes, elle en fin m'a dict que, comme elle eust bien vollu que vous, Sire, et la Royne, eussiez esté escrupuleux à ne vous laysser persuader de fère ny souffrir que voz subjectz fussent persécutez en serchant de jouyr de ce que leur aviez permiz pour leur religion, qu'aussi eulx, de leur part, eussent, comme il est raison, faict moins de conscience d'aller à la messe et aulx cérémonies de l'esglize romaine qu'ilz n'en ont vollu fère de s'eslever contre leur Roy et de thuer leurs prochains, me priant de fère bien entendre à Voz Majestez Très Chrestiennes qu'elle ne peult, en façon du monde, vouloir que tout bien à la cause des Roys, et que, partant, elle se resjouyt de votre prospérité, et la desire comme la sienne propre; ce qui monstre, Sire, qu'encor qu'elle escoutte assés volontiers ceulx de la novelle religion, qu'elle ne leur souffre toutesfoys de mettre en avant nulz partyz qui soient contre l'authorité des princes souverains, et qu'elle ne se laysse, du tout, tant posséder à eulx qu'elle ne se réserve à estre possédée aussi aulcunement par les catholiques. Et ayant bien instruict et bailhé amples mémoires de toutes aultres choses de deçà au dict Sieur de La Croix, auquel je vous supplie donner foy, je prieray, pour le surplus, bien dévottement le Créateur, etc.

De Londres ce xxe d'avril 1569.

A la Royne.

Madame, ce que j'ay à vous dire de l'occasion du présent voyage du Sr. de La Croix et des novelles de deçà, Votre Majesté l'entendra si amplement de luy et de ce que j'en touche en la lettre du Roy, et d'aulcunes aultres choses que je luy ay commises, à part, pour vous, que j'en feray la présente tant plus briefve. Seulement j'adjouxteray que je ne vous sçaurois assés exprimer combien ceste Royne m'a prié de vous recommander son ambassadeur, auquel je vous suplie très humblement tenir quelque bon propos de contantement, la première foys qu'il viendra à l'audience, affin qu'il n'escripve plus par deçà qu'on le veuille révoquer; et commandés, s'il vous playt, Madame, que mon pacquet pour Monseigneur votre filz, dans lequel y a une lettre que la Royne d'Angleterre lui escript, luy soit promptement envoyé, où je luy rendz compte comme elle a eu ses lettres et ses reccommendacions, et les propoz que je luy ay tenuz de sa part, très agréables, et luy mande ses responces: priant atant le Créateur, etc.

De Londres ce xxe d'avril 1569.

DIRA LE SEIGNEUR DE LA CROIX A LEURS MAJESTEZ,

Oultre le contenu de la dépesche:

Que, despuys ung mois, il y a eu grand différant entre ceulx du conseil de la Royne d'Angleterre sur ce que les ungs incitoient la dicte Dame de fère la guerre, ou bien contre la France affin de recouvrer les droictz de Calais et se saysir cependant de quelque place en Normandie ou Picardie, ou bien de l'avoir contre les Pays Bas pour se ressentir de l'injure que le duc d'Alve luy a faicte et pour chasser les Espaignolz du Pays Bas, ou au moins pour tirer une honnorable confirmation des anciens trettez;

Et qu'il ne se présenteroit jamais occasion plus à propos à la dicte Dame pour mener les deux Roys à quelque raison, ny pour pouvoir plus honnorablement, et avec plus d'advantaige, capituler avec eulx que meintennant, ny pour mieulx asseurer elle et son estat de leur costé;

Et pourvoirroit, par mesme moyen, aulx affères de sa religion, à tout le moins elle feroit qu'encor que ceulx, qui soubstiennent la guerre meintennant pour la deffance d'icelle, vinssent à succomber, qu'elle se trouveroit hors du dangier et du mal, qui autrement pourroit tumber sur elle et sur son royaulme;

Et qu'aussi bien avoit elle desjà passé si avant en ces voyages de la Rochelle, en ces prinses de mer et en retenant les deniers d'Espaigne, qu'elle pouvoit estre toute asseurée, si elle attandoit que les deux Roys eussent accommodé leurs affères, que sans doubte ilz convertiroient leurs forces et leurs entreprinses contre elle:

Les aultres, au contrère, qu'elle se debvoit entretenir en la paix qu'elle avoit avec les deux Roys, et laysser passer ces troubles et orages qu'on voyoit succitez de toutes partz, sans y mesler ny elle ny son estat, estant sans doubte, si elle s'y mesloit aulcunement, qu'elle attireroit la guerre en son pays;

Qu'elle debvoit grandement prizer la paix et amytié qui luy estoit offerte de ces deux grandz Roys, lesquelz se monstroient, de plus en plus, si puissants qu'ilz s'en rendoient formidables au monde;

Qu'elle cognoissoit bien qu'elle et son royaulme n'estoient pour fournir aulx fraiz d'une guerre ny pour fère d'assés grandes entreprinses pour se prévaloir ou pouvoir rien aprofiter sur eulx;

Et ne debvoit craindre aulcunement la guerre de leur costé, si elle ne les provoquoit, et, qu'en ce mesmes qu'ilz avoient esté desjà provoquez, qu'ilz prendroient pour grande satisfaction les bonnes raisons qu'on leur offriroit avec la paix et l'amytié de la dicte Dame, estantz cogneuz magnanimes princes, qui se payeroient et ne se contanteroient que trop des honestes devoirs et gracieulx offices d'elle;

Qu'elle debvoit grandement considérer l'alliance et estroicte amytié, qui est meintennant entre les deux Roys, qui seroient pour se unir ayséement et se liguer contre elle, si elle leur en donnoit occasion; par ainsy, qu'elle debvoit éviter d'avoir la guerre à l'ung ny à l'aultre et encores plus de l'avoir aulx deux.

Sur quoy, après plusieurs démenées, la dicte Dame tint là dessus ung bien estroict conseil, lequel ne print entière détermination, car, ayant, elle, ouy les raysons dessus dictes, dict d'ung costé qu'elle se tenoit très asseurée que jamais les deux Roys ne s'accorderoient à son préjudice, estant l'Angleterre de trop grand jalouzie aux affères de l'ung et de l'aultre;

Et, d'aultre part, elle adhéra à l'opinion de ceulx qui luy conseilloient la paix, redoublant, par deux foys, ceste parolle: «Je ne veulx poinct la guerre: Je ne veulx poinct la guerre:» ce qui conforta grandement ceulx de la dicte opinion de tenir encores plus ferme pour la dicte paix.

Mais luy remonstrans qu'elle debvoit donques commancer de mener quelques secrectz et honestes moyens de réconciliation avec les deux Roys, pendant qu'ilz estoient encores occupez, affin de s'asseurer tant mieulx de la paix de leur costé;

Elle respondit qu'il importoit trop à l'honneur de sa couronne que ceste pratique fût entamée par elle ou qu'elle commanceât de parler la première; car sembleroit qu'elle fît amande des choses passées, mesmes que pour le regard de leurs Majestés Très Chrestiennes, elle leur avoit desjà faict une déclaration de paix et d'amitié, laquelle se pourroit continuer par l'office des ambassadeurs et puis venir à plus expresse déclaration; et, quant au Roy Catholique, elle s'asseuroit qu'il envoyeroit quelcun de sa part devers elle, ainsy que le Sr. d'Assoleville, avant partir d'icy, le luy avoit promiz.

Par ainsi, estantz les choses demeurées en ce suspens et sans conclusion, ceulx qui desiroient la guerre ont heu moyen de pratiquer que les esglizes et concistoires de la novelle religion de ce royaulme ayent requiz et conjuré, au nom de Dieu, la dicte Dame de n'abandonner la cause de sa religion, s'efforceans de monstrer que le prince de Condé avoit justement prins les armes pour la deffance d'icelle, et qu'il y avoit ligue des princes catholiques, lesquelz ne fauldroient de torner leurs entreprinses sur elle et son royaulme, si, de bonne heure, elle n'empeschoit qu'ilz ne demeurassent supérieurs.

Mais ilz n'ont peu obtenir qu'elle se déclarât ouvertement pour le dict prince de Condé, s'y opposans ceulx qui conseillent la paix et aussi aulcuns des aultres qui sont bien affectionnez au Roy; et, d'elle mesmes, n'y a volleu entendre, layssant seulement à ceulx de la novelle religion de deçà de pouvoir rafreschir, d'aulcuns vivres et choses nécessaires, ceulx de la Rochelle, selon aulcuns marchez qu'ilz ont faict avec eulx, selon lesquelz ilz ont fort pressé le partement de la flotte, de laquelle j'ay cy devant escript, affin d'aller quérir le vin et le sel du payement de la somme qu'on leur a desjà fornye en deniers ou en rafreschissemens, pour laquelle le cardinal de Chatillon est icy obligé; et ont faict aussi grande dilligence de trouver nouvelles sommes pour leur envoyer, et pour envoyer aussi en Allemaigne, sur le crédict de ceste Royne, ou sur celluy des marchantz; mais cella leur a esté empesché, comme aussi leur a esté empeschée ceste levée de Flamans, qu'ilz pensoient fère secrètement embarquer dans la dicte flotte, et la mettre en terre à la Rochelle; et a esté, d'abondant, commandé à leurs pirates de ne toucher aulcunement aulx Françoys.

Mesmes, pour plus seurement establir l'amytié avec leurs Majestez Très Chrestiennes, elle avoit accordé à ceulx de son conseil, de l'une et de l'aultre opinion, qu'elle envoyeroit ung personnaige de bonne qualité en France pour tretter de sa part avec leurs Majestez, qui yroit, soubz prétexte de leur aller encores requérir la paix pour ceulx de sa religion dans leur royaulme, mais, affin qu'elle ne fût aussi mal ouye que la première foys, qu'elle feroit solliciter par Quillegrey, qui est en Allemaigne, les princes protestans d'y envoyer aussi de leur part. Et à cest effect elle avoit desjà commandé à Piqgrin se tenir prest pour y aller et se trouver sur les lieux, quant les autres arriveroient, affin de se présenter, et fère, toutz à la foys, une mesmes instance à leurs Majestez. Mais il luy a esté mandé d'Allemaigne que les dictz princes protestans se préparoient à la force, et non aulx prières, ny remonstrances; et l'ambassadeur Norrys luy a aussi escript qu'il n'estoit encores temps de parler de cella. Par ainsy ce voyage est demeuré.

Et, pour le regard du Roy Catholique, ceulx qui sont pour la paix avoient persuadé la dicte Dame de trouver bon que le Sr. Ridolphy allât, par prétexte de ses propres affères, en Flandres, et qu'il atachât, comme de luy mesmes, une praticque de réconciliation avecques le duc d'Alve; mais ceulx de l'aultre opinion, la cognoissant assés offancée contre le dict duc d'Alve, ont ayséement interrompu cella, luy donnans espérance que le Roy Catholique envoyera devers elle, ainsy que le Sr d'Assoleville l'en a asseurée; mesmes ont faict courir le bruict que le duc de Feria, ou son frère, estoit desjà embarqué pour venir, et a l'on envoyé vers le cap d'ouest comme pour le recepvoir: mais cependant ont continué fère prinses et plusieurs violences sur les subjectz du Roy Catholique, mesmes naguières quatre des propres navyres de ceste Royne ont combattu, au Paz de Calais, quatorze ourques qui venoient d'Espaigne, bien riches, dont en ont admené huict dans ceste rivière; et, la veille de Pasques, en fut prins deux aultres vers Plemmue, et des trèze, qui avoient esté prinses auparavant, en fut, le mesme jour, envoyé trois à la Rochelle, qui valent beaulcoup. Ce que voyant ceulx qui conseillent la paix, et qui sont bien affectionnez au Roy Catholique, qu'on continuoit d'exaspérer ainsy les matières, se sont retirez.

Cependant ceulx, qui conduysent le party contrère, ont taché de descouvrir certaine entreprinse, qu'ilz prétendent qu'aulcuns Anglois ont menée avec le dict duc d'Alve, de luy donner moyen de mettre en terre de deçà ung nombre d'Espaignolz vers Norfolc, et luy pratiquer douze ou quinze mile catholiques dans le pays, en quoy il debvoit advancer 150,000 ducatz, dont plusieurs ont esté constituez prisonniers, et a esté mandé de relever toutz les fortz despuys Arondel, qui est viz à viz du Hâvre de Grâce, jusques à Germue, qui est au droict de Zélande, et mètre partout garnyson, artillerye et monitions de guerre, pour la seureté du pays, et est l'on après à sercher ung nommé Prestal, conducteur de l'entreprinse. Cependant l'on a miz à la Tour ung nommé Ferre, qui a esté secrétère de sir Thomas Chalangier, lorsqu'il estoit ambassadeur en Espaigne[63], et sire Jehan Sognoy, et les a l'on dilligentment examinez.

Et estant la dicte Dame aigrie davantaige de cecy et de plusieurs rapportz, qu'on luy a faictz de l'ambassadeur d'Espaigne, qui est toutjour resserré en son logiz, et de ce, aussi, qu'elle a entendu la proclamation, novellement publiée en Flandres, pour exclurre tout commerce des pays du Roy Catholique avec l'Angleterre, et armer navyres pour courre sus et prendre ce qu'on pourra sur les Anglois, l'on luy a ayséement persuadé que, de son costé, elle debvoit aussi, à bon escient, armer.

Dont, sur l'occasion d'une riche flotte de draps, d'envyron cinq ou six centz mille escuz, qui doibt partir bien tost de ceste ville de Londres pour aller à Hembourg, la dicte Dame, pour la conduyre plus seurement, a commandé armer dilligentment sept de ses meilleurs navyres de guerre, et bien équiper tout le reste de la dicte flotte, qui sera, en tout, de xxij grandz vaysseaulx, oultre les petitz, qui yront en compaignie, et a faict venir deux mille cinq centz des meilleurs mariniers d'Angleterre pour mettre dessus, où plusieurs gentishommes dellibèrent s'enbarquer; et, avec cest équipaige, veult qu'on la passe à la veue de Holande et Zélande, bien que, par la relation de Rouvray et Valfenière, qui sont naguières venuz d'Allemaigne et passés par Flandres, elle a entendu que le dict duc a quarante cinq navyres prestz et bien armez pour les empescher; dont elle faict dilligenter davantaige le partement des siens affin de prévenir l'appareil que le dict duc pourroit fère plus grand, et espèrent que ceulx de Hembourg, et le Roy de Dannemarc, dresseront aussi armée pour les venir recuillir.

J'entendz que, n'ayant ceulx de la novelle religion peu recouvrer deniers en ceste ville, sollicitent que Me. Grassan, facteur de la dicte Dame, passe avec la dicte flotte en Hembourg pour en fère trouver de dellà; et le Sr. de Voysin, de Normandie, qui avoit esté dépesché par ceulx de la Rochelle, auparavant la bataille, pour venir devers ceste Royne et puis passer en Allemaigne, print hyer son passeport pour continuer son voyage, luy et douze gentishommes et huict serviteurs, et croy que l'homme du duc de Deux Pontz, lequel se licentia au soir de ceste Royne, yra avecques eulx, mais semble qu'ilz partiront premier que la dicte flotte d'Hembourg, et qu'ilz yront prendre terre à Hemdem.

Le Sr. Du Doict et les susdicts Rouvray et Valfenière s'embarquèrent, il y a deux jours, à Douvres pour aller à la Rochelle, et j'estime qu'encor que la flotte, qu'on a de long tems préparée pour aller au dict lieu, soit retardée, qu'elle accomplira en fin le voyage, mais je ne sçay qu'il y aille ny pouldres, ny artillerye, ny armes, ny gens de guerre, au moins en tel nombre ou quantité qu'on en doibve fère cas, et ainsy me l'a promiz fort expressément ceste Royne, et ceulx de son conseil; bien que, pour la mutation que je crains toutjour aulx dellibérations d'elle, veu ceulx qui luy sont auprès, je ne puys m'arrester trop à cella, et desire que leurs Majestez me mandent si j'offriray de fère fornir à la dicte Dame la provision des choses, que les Anglois vont quérir au dict lieu de la Rochelle, en aultre endroict de son royaulme, affin de leur fère dorsenavant laysser ceste routte.

Il semble que les choses d'Irlande ne sont pour estre si tost composées qu'on pensoit, ayant les saulvaiges encores forces ensemble pour tenir la campaigne, lesquelz s'opiniastrent d'avoir, comment que ce soit, la messe; et le mesme desir se cognoist en plusieurs quartiers de ce royaulme, vers le Nort et Galles, et mesmes en ceste ville, où j'entendz qu'à ces Pasques, en douze ou quinze endroictz, certaines bonnes compaignies ont ouy secrectement la messe et communié à la forme de la religion catholique.

A quoy les a renduz plus ardiz la novelle de la victoire de Monseigneur, frère du Roy, de laquelle les protestans ont eu quelque craincte que les catholiques n'en esmeussent une soublévation, dont, pour cest effect, ont envoyé veoir ce qui se faisoit par les maisons de la ville, soubz ombre de visiter si l'on y avoit la provision d'armes qui est requise par l'ordonnance du pays.

Du costé d'Escoce, ne se sçait encores à quoy s'est terminé la conférance de l'Islebourg, du xe d'avril: seulement a esté escript, de Warwic, que les seigneurs s'y estoient trouvez et que envyron trois centz chevaulx escouçoys avoient couru jusques bien prez du dict Warwic, d'où l'on estoit entré en soubspeçon de quelqu'entreprinse sur la place, ou bien qu'ilz venoient enlever la Royne d'Escoce; mais n'y a aparance ny de l'ung ny de l'autre: plus tost fault croire que les dictz Escouçoys sont encores en armes et qu'ilz courent ainsy le pays, ou que l'on estoit venu là contre les bandolliers.

Mesmes qu'il semble que les comtes d'Arguil et d'Athole n'ont consenty à l'accord dernièrement faict entre le duc de Chatellerault et le comte de Mora, entendans que le dict duc avoit esté intimidé par la Royne d'Angleterre, quant il partit naguières de ce pays, qui luy avoit dict qu'elle aprouvoit les actions du susdict comte de Mora et de ses associez, et que si luy, estant en Escoce, ne recognoissoit à Roy le petit prince, qu'il n'espérât jamais avoir support d'elle, ains qu'elle luy nuyroit en tout ce qu'elle pourroit. Dont craignant la ruyne de luy, et de ses enfans, et, estant aussi pratiqué par vaines promesses, avoit condescendu à ce qu'il ne vouloit ny debvoit contre sa Mestresse, dont les aultres ne s'y estoient voulluz soubscripre.

REMONSTRERA A PART A LEURS MAJESTEZ QUE:

Les affères d'Angleterre sont en tel estat que, hors ce qui appartient à l'authorité royalle, tout le reste du manyement est sur le poinct ou d'estre retenu par ceulx de la novelle religion, qui, despuis le commancement de ce règne, l'ont occupé, ou bien d'estre prochainement prins et emporté d'authorité par les catholiques.

Chacun des partiz, sentant la prétention de l'aultre, s'est desjà muny de forces, et y a secrette description d'hommes des deux costés.

Les protestans procèdent plus à descouvert parce qu'ilz uzent de l'authorité de la Royne et ordonnent, au nom d'elle, des aprestz de guerre et armement du pays pour s'en servir à leur besoing, et font cependant grand dilligence de surprendre les catholiques et d'enquérir contre eulx pour les fère déclarer désobéyssans et mettre la mein sur quelcun des principaulx, s'il est possible.

Eulx, au contraire, estantz des plus nobles et des plus puissantz du royaume, se maintiennent en grand réputation envers ceste Royne et en si bonne opinion du peuple qu'on ne leur oze toucher, ny rien demander.

Et de tant que plusieurs choses sont meintennant bien venues pour le desseing des dictz catholiques, sçavoir, la victoire que Monsieur, frère du Roy, a gaignée; l'ordonnance que le duc d'Alve a faicte d'exclusion de commerce d'entre les pays du Roy Catholique et l'Angleterre, et la licence qu'il a donné d'armer en Olande et Zélande contre les Anglois, aussi la nécessité où les dictz Anglois commencent se trouver pour la cherté et augmentacion de prix des marchandises estrangières et grand diminution et faulte de vante des leurs, de quoy ils s'en prennent à ceulx qui gouvernent;

Iceulx seigneurs catholiques ont estimé qu'il estoit heure de proposer, en ce conseil, les moyens qui leur semblent bons et honnestes pour pourvoir aulx désordres que la malle conduicte de ceulx de la novelle religion a produictz; ce qu'ilz ont faict vertueusement et ont miz en avant la réconciliation des princes voysins.

En quoy n'ayantz esté ouys, ilz n'ont layssé pourtant de fère, pour leur acquit, plusieurs remonstrances, à part, à la dicte Dame, et puis se sont retirés, sans comparoistre plus en court ny au conseil, avec grand aprobation du peuple et estonnement des autres.

Et sentent bien, pour les inconvenians où ceste Royne va tumber, et desquelz ilz donront bon ordre que sans eulx elle ne s'en puisse relever, que bien tost ilz seront rapellez avec tant d'authorité qu'ilz s'asseurent de s'emparer, sans difficulté, du gouvernement et manyement des affères et y admettre ou exclurre ceulx qu'il leur plairra.

Et de tant qu'ilz monstrent mener leur entreprinse avec fondement d'honneur et de droicture pour le bien de ceste couronne, et qu'ilz ont l'intelligence du pape, à qui ilz donnent espérance de la réduction de ce royaulme à la religion catholique, et ont celle du duc d'Alve, auquel ilz promettent la restitution des prinses et deniers arrestez, et la continuation de la paix, je leur ay promiz de fère entendre à Leurs Majestez Très Chrestiennes le desir qu'ilz ont d'avoir aussi la leur, et l'asseurance qu'ilz me donnent de fère accorder à Leurs dictes Majestez toutes les honnestes demandes qu'avecques raison ilz feront à ceste Royne, sans que leurs dictes Majestez s'en mettent en fraiz d'ung escu pour cella.

Requièrent seulement qu'il leur playse fère quatre choses, qui ne leur costeront rien; la première, qu'ilz remonstrent vifvement à l'ambassadeur de ceste Royne ce qui a mal passé contre eulx et leurs subjectz, du costé d'Angleterre, despuis le commancement de ces troubles: la seconde, que, comme le duc d'Alve propose de demander milions pour centaines de tout ce qui a esté prins, et mesmes l'Irlande pour réparation des injures, qu'ilz facent aussi plusieurs grandes demandes tant pour leur réparation que pour le faict de la Royne d'Escoce: la troisiesme, qu'ilz facent publier une semblable ordonnance qu'a faict le dict duc d'exclusion de tout traffic d'entre la France et l'Angleterre: et la quatriesme, qu'ilz facent aprocher sur la coste de Normandie et Picardie les gens du pape et Italiens, qui sont venuz en France, affin de donner cueur aulx catholiques de deçà et intimider d'aultant les protestans.

Sur lesquelles choses, de tant que ces seigneurs catholiques, despuis que suis icy, ont toutjours monstré estre bien affectionnés aulx affères du Roy, et m'ont assés aydé à rabattre les délibéracions des protestans sur la guerre de France, et ont fort porté le faict de la Royne d'Escoce, je n'ay peu fère que je ne leur aye donné quelque espérance de la bonne intention de Leurs Majestez; bien les ay priez de considérer les grandz et importantz affères qu'ilz ont meintennant sur les bras, qui, possible, les gardera de ne pouvoir accomplir tout ce qu'ilz demandent, mais que j'espère qu'ilz leur satisferont en si bonne sorte qu'ilz en seroient contantz.

Ce que j'ay faict, affin que, quant ceulx cy se seront emparés de l'authorité, comme il y a grand apparence qu'ilz la recouvrent bientost, ilz soient de tant mieulx disposés envers Leurs Majestez Très Chrestiennes et leurs affères, et envers la Royne d'Escoce; dont ne fault doubter qu'on ne s'en prévaille en beaulcoup de choses;

Sans que j'aye, pour cella, cessé de retenir toutjour les autres en la mesme disposition, où je les ay miz, de ne laysser venir ceste Royne à nulle déclaration ny commencement de guerre contre le Roy, et où elle sera contreincte de prendre les armes, pour les occasions qu'ilz m'ont souvant alléguées, lesquelles j'ay desjà mandées, ce ne soit aulcunement contre luy, pourvoyant, par ce moyen, que quel des deux partiz qui viegne à prévaloir, les affères du Roy n'en aillent plus mal.

Et parce q'ung gentilhomme prudent et bien advisé, qui ayde, au nom du pape, de conduyre icy ceste entreprinse, en me discourant du succez d'icelle, m'a remonstré que si Leurs Majestez Très Chrestienne et Catholique estoient pour venir à tant soit peu de soubspeçon ou deffiance, qui peust engendrer le moindre différant du monde entre eulx sur les choses d'Angleterre, il vauldroit mieulx que tout cecy cessât, et qu'on layssât l'Angleterre comme elle est, car le mal surpasseroit le bien, il estoit d'adviz que Leurs Majestez eussent là dessus l'intelligence du duc d'Alve, et que je l'eusse aussi avec l'ambassadeur d'Espaigne, qui est icy, et qu'il fût concerté jusques à quelz termes pourroit aller l'entreprinse du Roy en cecy, et pareille celle du Roy Catholique, sans qu'il fût loysible à nul des deux princes de l'oultrepasser.

Sur quoy, parce que je ne puis bien descouvrir de quelle intention procède le dict duc, ny si c'est de luy que vient ceste menée, qui, pour estre en suspens avecques les Anglois et quasi contreinct, pour sa réputation et pour le recouvrement des prinses et réparation des injures, leur commancer la guerre, y vouldroit, possible, mesler Leurs Majestez, pour d'aultant se soulager, et, possible pour se descharger du tout, sentant ceulx cy assés enclins à la paix et commerce des Pays Bas, et laysser en fin tumber tout l'orage sur la France,

Je supplie très humblement Leurs Majestez considérer de près la matière, et me commander comme il leur playt que je m'y conduyse et ce que j'auray à respondre, de leur part, à iceulx seigneurs catholiques et au gentilhomme, qui est icy pour le pape, lequel leur en fera aussi fère instance par monseigneur le nonce de dellà.

Et encor que je craigne beaulcoup de dire là dessus mon opinion, de peur qu'on m'en estime présomptueux, Leurs dictes Majestez néantmoins prendront, s'il leur playt, de bonne part, comme de leur très fidelle subject, que je les supplie très humblement de s'y conduire avec telle modération que, conservantz l'amytié et bienveuillance du Pape et du Roy Catholique, ilz ne se despartent de la paix qu'ilz ont avecques ceste Royne et son royaulme, ains en monstrant ne vouloir nuyre aulcunement à la dicte Dame, mais plus tost fère pour elle, ilz se monstrent aussi aydans à l'entreprinse, aproprians par ce moyen, tant qu'ilz pourront, l'occasion au bien de leur service avec équité et droicture et avec réputation de leur grandeur, sans entrer en aulcune despence:

C'est qu'ilz remonstrent de bonne sorte à l'ambassadeur de ceste Dame comme ilz sont requis d'aulcunes choses qui concernent sa Mestresse, desquelles ilz n'ont aulcun aparant argument de s'en pouvoir excuser, premièrement, que le pape, entendant l'opression des évesques catholiques d'Angleterre et comme c'est ung païs où les plus adversaires de l'esglize romaine font leur retrette, et où ilz dressent leurs principalles entreprinses, et luy, ayant aussi prins compassion de la Royne d'Escoce, les a priez de trouver bon que les forces qu'il envoye en France soyent conduictes ès frontières, qui regardent l'Angleterre, pour fère réuscir ce qu'il espère en cella de l'effect de ses intentions:

Secondement que le Roy Catholique leur ayant faict entendre la détention de ses deniers en Angleterre, et la prinse des biens de ses subjectz par les Anglois, et comme il délibère s'en rescentir, les a pareillement priez que, pour l'étroicte alliance et fraternité qu'il a avecques eulx, ilz ne luy veuillent estre que favorables en sa juste querelle:

Tiercement que les gouverneurs de Normandie, Picardie et Bretaigne, et les habitans des dictes provinces le long de la coste, leur ont très instantment requis de pourvoir aulx désordres, qui se commètent en mer, et aulx tortz et violences que les Anglois leur font, et de fère, en leur faveur et pour leur protection, quelque démonstration de rescentiment contre ceulx qui ne cessent de les tormenter toutz les jours:

Adjouxtant que, de tant que la Royne d'Angleterre mesmes et luy son ambassadeur cognoissent assés qu'ilz ne peuvent, avec leur honneur, dényer au pape ce qu'il leur requiert pour les catholiques, mesmement pour la Royne d'Escoce, ny au Roy d'Espaigne sa modeste demande sur le recouvrement de ses deniers, et encores moins à leurs subjectz ce qu'ilz requièrent pour leur protection, qu'ilz prient la dicte Dame d'y pourvoir si bien d'elle mesmes que les choses n'en aillent plus avant.

Et pourront, au mesme propos, toucher au dict ambassadeur, ou fère toucher par moy à la dicte Dame, qu'ilz n'entendent se despartir par là aulcunement de son amytié, et que, mesmes, ne pouvans, en nulle de ces choses, estre honnestement pour elle, au moins ont ilz monstré et monstreront qu'ilz ne veulent qu'on passe si avant qu'on viegne fère descente ny conqueste en Angleterre, et qu'elle se doibt contanter d'eulx s'ilz font en cella aultant qu'ilz peuvent pour elle.

Après, si bon leur semble, ilz feront acheminer les dictz Italiens en la dicte frontière, et pourront, sans exclurre le traffic par proclamation, le fère cesser, quelques mois, par prétexte des coursaires et volleurs, lesquelz aussi rendent la navigation très dangereuse pour les marchantz, et cependant procurer icy doulcement tout ce qu'on pourra pour la Royne d'Escoce.

N'obmettant, pour leur grandeur et réputation, de fère demander au duc d'Alve qu'est ce qu'il prétend fère contre ceste Royne et son pays, et la façon comme ilz entendent que l'entreprinse soit limitée; en quoy pourront remonstrer que les feuz Roys n'ont jamais vollu permettre qu'on fist conqueste dans ce royaulme, cognoissans que cella importoit à la seureté du leur, et que, comme le feu Empereur fut bien en accord avec le feu Roy, Françoys premier[64], qu'il peult fère la guerre au Roy Henry huictiesme d'Angleterre pour le recouvrement de Bouloigne, sans toucher néantmoins ny descendre aulcunement en son royaulme, que, de mesmes, ilz trouvent bon que le duc d'Alve face tout ce qu'il pourra pour le recouvrement de ses deniers et des prinses, sans qu'il face aussi descente ny entreprinse dans le dict royaulme.

XXXIIe DÉPESCHE

—du xxiiie d'avril 1569.—

(Envoyée par Jehan Pigon jusques à Calais.)

Départ de la flotte pour la Rochelle, en simple équipage marchand.—Les affaires d'Écosse demeurent en suspens jusqu'à la conclusion de la conférence de l'Islebourg.—Détails sur la flotte de Hambourg.—Craintes que doit inspirer cette expédition.—Nouvelles démarches faites auprès de l'ambassadeur d'Espagne.—Justification de l'ambassadeur de France contre les reproches du maréchal de Cossé, qui se plaint de l'incertitude de ses avis touchant la paix ou la guerre.—Proclamation du comte de Murray, dans laquelle il annonce qu'Élisabeth a approuvé toute sa conduite, et que Marie Stuart a été déclarée, par le conseil d'Angleterre, complice du meurtre de son époux.—Lettres d'Élisabeth et de Marie Stuart, au sujet de cette proclamation.

Au Roy.

Sire, n'y ayant que trois jours que je vous en ay faict une dépesche par le Sr. de La Croix, qui est party d'icy le xxe de ce mois, la présente sera pour donner adviz à Votre Majesté comme la flotte, qui va à la Rochelle, sort aujourduy de ceste rivière en nombre de quarante cinq vaisseaulx et quatre des petitz navyres de guerre de ceste Royne pour les conduyre, oultre ceulx qui se joindront à eulx en mer, affin qu'il vous playse en fère promptement donner adviz à Monsieur, frère de Votre Majesté, et qu'il ne preigne aulcune alarme de l'arivée de toutz ces navyres anglois au dict lieu, ny n'interrompe pour cella l'exécucion de ses entreprinses; car ayant faict dilligemment observer la dicte flotte, despuis qu'elle a eu mandement de partir, je puis asseurer qu'on n'y a embarqué hommes de guerre, ny armes, ny monitions, en nombre ny en quantité qui soit pour en fère cas; et y a seulement, en chacun des quatre navyres de guerre, ung homme de qualité de la maison de ceste Royne pour y commander et les monitions qu'on y a miz, oultre l'apareil ordinaire, ne sont que d'envyron cinq cens escuz de pouldre, q'ung marchant, nommé Jehan Barde, lequel j'estime estre de Bourdeaux, a achaptez de ses deniers, et envyron deux cens paires de pistollés, estant tout le reste en équipage de marchans à demy armez, sellon la coustume des Anglois.

Et ayant encores envoyé à Douvres, à la Rie et Porsemue et jusques au cap de Cornoaille, veoir s'il y avoit autres gens de guerre, ou monitions, qu'on préparât d'y embarquer secrètement, l'on me vient, tout à ceste heure, de raporter des lieux plus prochains, et dans trois jours je l'entendray des plus loingtains, qu'il n'y a esté veu que les Srs. Du Doict, Rouvray, Valfenière et envyron dix autres gentilhommes françois, desjà prestz à fère voille dans ung légier vaysseau pour aller devant; et croy que c'est pour fère sonner la prochaine arrivée de ceste armée, affin de relever d'aultant par là leurs affères, s'ilz peuvent. Ayant miz peyne, Sire, aultant qu'il m'a esté possible, d'interrompre du tout le dict voyage, mais ne l'ayant peu pour le besoing qu'on a icy de sel, et pour la grande instance qu'ont faict ceulx de la novelle religion et les marchantz, qui ont contracté avec eulx touchant les deniers et rafreschissemens desjà advancez à ceulx du dict lieu, de dépescher la dicte flotte avant que plus grand inconveniant leur advînt, j'ay procuré au moins qu'il n'y allast rien qui vous peult offancer, à tout le moins guières nuyre, et m'oposeray vifvement que ceste routte ne se continue plus, puis qu'il vous plait me commander d'offrir à la Royne d'Angleterre l'accommodement des choses nécessaires, que les siens y vont quérir, en aultre endroict de votre royaulme; et, dez demain, je luy en tiendray le propos, ensemble des autres particularitez contenues en voz deux dernières dépesches, du iiȷe et xȷe du présent, lesquelles j'ay toutes deux receues seulement ce matin, ayant esté le vent si contraire qu'il n'y a eu, dix jours durant, passaige pour venir de France.

Il ne se sçayt encores si, en Escoce, le pourparler de l'Islebourg a prins résolution ou non, dont ceste Royne temporise de respondre à la Royne d'Escoce, et retient icy son escuyer d'escuyerie Bortic jusques à ce qu'il en viègne des novelles; et affin d'informer cependant Votre Majesté de ce qui se passe icy sur les affères de la Royne d'Escoce, je vous envoye ce qu'elle m'a naguières escript, avec la coppie de sa dernière lettre à ceste Royne et la coppie de celle que naguières elle avoit receu de la dicte Dame, faisantz ceulx cy démonstracion de vouloir dorsenavant procéder de bonne façon à son restablissement, et entretiennent son homme de grandes promesses; mais il est très certain que sa fortune dépend entièrement de l'heur de celle de Votre Majesté.

Du costé des Pays Bas, Me. Oynter a desjà commission de mettre en mer, du premier jour, la flotte pour Hembourg, laquelle ilz arment et mètent en bon équipage, avec sept des grandz navyres de guerre de ceste Royne, et deux mille cinq cens bons maryniers, et quelque nombre de noblesse qui semble aller allègrement à ce voyage. L'ambassadeur d'Espaigne est toutjour resserré en son logiz, avec lequel ceulx de ce conseil ont, despuys deux jours, essayé d'atacher quelque praticque de réconciliation par Me. Oynter et Me. Anthon, clerc de leur compaignie, qu'ilz ont envoyé devers luy pour respondre gracieusement à certaine remonstrance, que naguières il leur a envoyée, en latin, de laquelle j'ay miz la coppie dans ce paquet, s'essayans d'excuser les choses mal passées; mais il m'a faict entendre qu'il leur avoit si brafvement respondu qu'ilz estoient demeurez confuz. Je métray peyne, de jour en jour, vous donner notice de toutes ces nouveaultez, ainsy qu'elles surviendront: et prieray Dieu, etc.

De Londres ce xxiiȷe d'avril 1569.

A la Royne.

Madame, il m'a semblé devoir promptement fère ceste dépesche à Voz Majestez pour les occasions, que verrez en la lettre que j'escriptz au Roy, affin que faciez incontinent advertir monseigneur votre fils de ce qui part d'icy pour la Rochelle, sans qu'il s'esmeuve du bruict que ceulx du dict lieu pourront fère courir que les choses sont plus grandes que, à la vérité, elles ne sont; car, possible, ilz en vouldront remettre en réputation leurs affères, mais il n'y va autre chose que ce que je mande en la dicte lettre du Roy, si ce n'est, possible, qu'il y eust quelque secret aprest vers le cap de Cornoaille, que je n'ay encores descouvert, mais j'ay, pour cest effect, envoyé sur le lieu, et, par mes premières, je vous donray adviz de tout ce qu'on y aura veu. Cependant, Madame, je crains que Mr. le mareschal de Cossé ayt trouvé mauvais que je ne luy aye annoncé si clairement la paix ou la guerre, de ce costé, qu'il se peult résouldre à l'ung ou à l'autre, m'ayant mandé qu'il croyoit que je ne pouvois bonnement sçavoir les desseings d'icy, qui sont telz qu'il les pensoit, et que la façon dont je luy escripvois vouloit aultant à dire: ne faictes point de despence, car je le vous ay mandé; et là où il en fauldroit fère, je vous ay bien adverty que vous teniez sur voz gardes; et que ce seroit quelque chose, pourveu que lettres que je vous escripvois feussent semblables.

Sur quoy, Madame, je vous supplie très humblement considérer combien je ferois mal, et contre ma conscience, et contre votre service, de vous mander, ny à mon dict seigneur le mareschal, une déclaration de guerre, du costé de ceste Royne et des siens, là où elle, et eulx, vous déclairent entièrement la paix; et je serois, d'ailleurs, bien téméraire et trop présomptueulx en voz affères, si je vous persuadois de vous fier que bien à poinct à leurs parolles, pendant qu'ilz sont en armes et qu'ilz ont deux cens vaysseaulx en mer, et pendant que Mr. le cardinal de Chatillon, le conseiller Cavaignes, le Sr. Du Doict et le Sr. de Voysin, sont icy pour ceulx de la Rochelle, et qu'il y a trois autres personnaiges pour le comte Palatin, pour le duc de Deux Pontz et pour le prince d'Orange, lesquelz, encor que j'obtienne de bonnes déclarations de paix, et que je leur interrompe souvant, et le plus que je puis, leurs entreprinses, ne quictent pourtant la partie; ains persévèrent, par continuelles sollicitations envers ceste Royne, avec le support des principaulx qui la manyent, affin de la fère déclarer, joinct les inconstantes délibéracions de ceulx de ce conseil, et leur naturelle inclination, et leur desir de recouvrer Calais, qui est cause que, à la vérité, j'ay escript souvant à mon dict Sr. le mareschal de se pourvoir, non comme attendant une guerre déclairée de ce costé, mais pour se garder d'une surprinse, et en cella semble qu'il sera bon, Madame, de ne tirer tant les forces qu'il a pour les mètre ailleurs, que ne luy en layssiez toutjour assés pour contenir le pays de s'eslever et ceulx cy d'y ozer rien entreprendre. Et quant à fère venir plus au clair, par quelque démonstration de notre costé contre eulx, le mal qu'ilz nous font à couvert, je luy ay aussi escript qu'il me sembloit n'estre bien à propoz de le fère, ny d'attempter rien hostillement contre ceste Royne, sentant que ceulx, qui l'incitoient à la guerre, voyans que nous la disposions de ne s'y mesler aulcunement, procurent de nous provoquer à la luy commancer, ce que voz présens affères ne monstrent requérir. Et, quant à la restitucion des prinses, j'ay pryé mon dict Sr. le mareschal de commancer à la fère aulx Anglois, à la mesme mesure que ceulx cy y procédoient à la fère aulx Françoys, sans se haster à la pleyne délivrance, jusques à ce qu'on la feroit en mesme temps par deçà. Et de tout ce dessus je luy ay encores, par le Sr. de La Croix, donné bon compte, dont vous plairra, Madame, me commander s'il vous playt que j'en uze autrement, et je y obéyray sans contradiction, après toutesfois vous l'avoir remonstré; et prieray toutjour Dieu, etc.

De Londres ce xxiiȷe d'avril 1569.

PROCLAMATION DU COMTE DE MURRAY.

Certaines Paroles contenues en une proclamation faicte en Escoce par le commandement du Comte de Mora, Régent, au nom du petit Roy.

Sathan et ses ministres ne voulans obéyr à la volonté de Dieu ne à ses ordonnances, mais tachans toutjour à se rébeller contre icelle ont trouvé nouveau moyen de donner conseil et persuader la Royne, notre Mère, de passer au royaulme d'Angleterre, et là, se plaindre, à la Majesté de la Royne d'Angleterre, de notre Régent et autres de notre noblesse, les accusant de crime de trayson, sur ce qu'ilz ont faict pour l'establissement de notre couronne royalle, et sur la détention de la personne de la Royne, notre Mère, dedans Lothlvin;

Et prétendans esmouvoir le cueur de la dicte Royne d'Angleterre, et autres princes estrangiers, à trouver mauvais notre couronnement et le bon et saint gouvernement de notre dict Régent, et, à ceste cause, introduire des estrangiers dedans notre royaulme pour le mettre en grand trouble, notre dict Régent, avecques la noblesse, a esté contrainct, pour la garde de notre dict royaulme et repoz d'icelluy, passer en Angleterre, et là, par devant la Majesté de la dicte Royne d'Angleterre, se purger et justiffier du crime qui leur avoit esté faulcement imputé;

Et ainsy que la nature de la vérité est de se fère toutjour cognoistre, d'aultant que Dieu mect en fin toutes choses en évidance, après longues et dilligentes preuves qu'ilz ont faictes devant la dicte Royne d'Angleterre, et ses commissaires, et devant la plus part de sa noblesse, il a esté trouvé, prononcé et déclairé que notre susdict Régent, et noblesse, ont très justement et honnorablement procédé en notre susdict couronnement, et en tout ce qu'ilz ont faict pour la revenche et punissement de notre oncle et du murtre de notre très cher père, et de tout ce qui en deppend, et qu'ilz n'ont faict rien qui ne soit honneste et juste à ung vray subject, y estantz obligez pour apaiser l'yre de Dieu et pour le bien public de leur pays natif;

Et partant je les absoulx de l'acusation, et tel est nostre playsir, sans révoquer l'authorité de notre Régent, affin que les yeulx des perplex ne soient poinct rempliz de mensonges et que la vérité soit déclairée par nous et les seigneurs de notre conseil privé, aussi bien devant Dieu que devant le monde:

C'est assavoir qu'il est véritable que le Régent et la susdicte noblesse, pour leur deffance, pour notre couronnement, en ce qui toche leurs honneurs et vies, ont esté contrainctz, avec solemnelle protestation, de manifester et déclairer la vérité que la Royne, notre Mère, a esté participante du murtre et qu'elle a advancé et faict dons, incontinent après, à notre oncle le comte Baudouel, connu le vray autheur du faict commiz, luy donnant terres et offices, joignant sa personne en mariage avec le susdict traistre tirant, comme il a esté suffizamment vériffié par devant la Royne d'Angleterre et sa noblesse, par les lettres escriptes de la propre main de la dicte Royne et notoirement prouvées.

LETTRE DE LA ROYNE D'ANGLETERRE A LA ROYNE D'ESCOCE.

—du dernier de mars 1569.—

Madame, ayant sceu voz dolléances, et entendant le grand ennuy qui vous tient pour quelques motz contenuz ès proclamations, faictes de la part de voz subjectz, qui signiffient que je deusse donner sentence contre vous, je m'esbay fort comment vous en eussiez quelque fascherie, en les pensant véritables; car, si ainsy est qu'ils l'escrivent (comme je ne sçay), peult il entrer en votre pancée que j'eusse eu si peu d'estime de mon honneur, ou tant oblieroys je ma naturelle affection vers vous, que je vous condempnasse premier que d'ouyr la responce, et garderoy je si peu d'ordre que je deusse conclurre premier que de commancer? Il vous souvient qu'après que je vous fiz déclaration en quelle mode voz subjectz vous accusoient, je vous escripviz que j'attandoy voz déclarations et l'ordre qu'en cest endroict prendriez, et, despuis ce temps, j'en ay quicté la cause et ne m'en suis jamais meslée despuis, sinon que je fiz que milor de Murray et les autres s'obligèrent, devant moy et mon conseil, de ne laysser fascher votre party jusques à ce que j'ouysse quel ordre vous y prendriez pour conduyre ceste cause à quelque bonne fin.

Et à ceste heure, Madame, en entendant la résolution que vous avez, qui trop, ce croy je, diffère, ung accidant fort estrange est advenu, et si n'en estiez cognoissante, je le tiendroys à trop grand merveille; c'est que hier Jehan Wod me fit une longue déclaration comment le duc et autres seigneurs se sont soubzmiz à votre filz, comme à leur Roy, et par une harangue faicte par milord Herriz devant tout ce conseil, aprouvoient ce qui a passé de votre enprisonnement avoir esté sagement considéré: et lesquelles pour estre trop longues, et pensant que ces motz vous ennuyeroient trop, je les laysseray à la plume. Mais en conclusion ilz se sont accordez à quelques articles, que je vous envoye, commant ilz me sont mandés, comme celle, à qui s'il eust pleu de se confier de faict à la moictié de ce qu'en motz m'aviez promiz, peust estre que, à la fin, eust esté aussi bon que ceste cy, et à ce que ne vous laysseray ignorante, ny de mes actions en votre endroict, ny du traictement que les autres vous font, j'ay pensé le mieulx de vous mander ce que j'en cognois et de par qui j'en suis advertye. Cest à vous d'en juger, comme à qui il touche le plus près, et combien que je croy de pouvoir prévalloir avec eulx, nonobstant je leur fay sçavoir que ne m'en mesleray comme de chose de qui rien n'entend, et, ayant receu l'intelligence d'une partie, je n'en jugeray, mais me tiens en suspens jusques à ce que plus oultre entendray de vous. Et ayant deschargé l'office de bonne parante, et me cognoissant avoir toutjour marché de bon pied du commancement jusques à ceste heure, je mercye Dieu de ne m'avoir laissé choper, tant seulement beaulcoup moins tumber en quelque inconvéniant contre vous, et, de claire conscience, je l'appelle à tesmoing, qui m'en sera juge, d'y estre acheminée ouvertement et sans feintise; et pourtant je vous supplie croire que quelque chose, que ouyrés au rebours, que créature vivante ne les prouvera onques.

Quant aulx autres choses contenues en voz lettres, votre serviteur les vous pourra respondre, et par milord Cherusbery vous l'entendrez plus amplement, à qui il vous plairra donner créance, comme à celluy que j'espère fère comme l'ay commandé, et, avec ceste opinion, je ne vous retiendray plus longuement, mais ne cesseray à prier le Créateur de vous tenir toutjour en sa saincte garde, avec mes très cordialles recommendacions, etc.

LETTRE DE LA ROYNE D'ESCOCE A LA ROYNE D'ANGLETERRE.

—du vendredi Saint [15 avril 1569.]—

Madame, d'aultant que les faulces alégations de mes rebelles en votre court, mentionnées en leurs proclamations, m'ont donné de mescontantement, bien que je n'y adjouxtasse aulcune foy, comme à ceulx que j'ay trop esprouvez, d'aultant plus m'a aporté de playsir votre amyable déclaration au contraire, par votre honneste et favorable lettre, à laquelle je n'ay vollu différer respondre plus longuement, tant je desire vous fère paroistre ma naturelle inclination de sercher votre bonne grâce sur toutes choses, aussi souhaytant d'entendre votre favorable résolution en toutes mes affères, desquelz il vous a pleu me donner adviz; de quoy affectionnément je vous remercye, et, pour vous informer à la vérité de mon jugement là dessus, je ne sçauroys; car je vous promectz ma foy, que je n'ay ouy ung seul mot d'Escoce despuis mon arrivée icy, que ce que je vous envoyay de la proclamation de mylor Herriz, lequel je ne croy s'estre tant oblyé qu'il appert par les articles que le comte de Cherusbery m'a monstrez par votre commandement. Toutesfoys leur ayant esté mandé, je desire bien sçavoir la vérité et en fère telle diligence que la chose mérite, si le messagier n'est empesché, ce que je crains, encores que Mr. de Cherusbery m'a asseuré de son passaige; la première certitude que j'en auray, je vous promectz aussi tost vous en donner adviz par l'évesque de Rosse ou aultre mien fidelle. Cependant je vous puis dire que, si les choses sont ainsy passées, le désespoir qu'ilz ont de me voir retenue et toutz moyens ostez d'entendre de moy en aura esté cause; ce que je vous suplie considérer, bien que vous ne l'ayez commandé, si est ce que voz ministres sur les frontières l'ont exécuté à dommaige; en considération de quoy et de la bonne volonté que j'ay de me dédyer, en tant que mon estat et mon honneur le permétront, à votre dévotion, je vous prie vouloir prendre une bonne résolution sur ce que, par ce pourteur, dernièrement je vous escrivy touchant ma longue et instante requeste, quoy que se face en Escoce, de me remectre en mon estat par votre support et faveur, qu'après Dieu seulement, je soye obligée à vous par sang naturel, amytié et bénéfice, et m'atandant que serez incliné à cella, moy, ou qui il vous plairra des miens, serons prestz de vous aller satisfère. Autrement, sellon ma dernière lettre, qu'il vous playse n'inputer à faulte de bon naturel si, ne pouvant estre secourue de ma plus proche, je accepte ung plus loingtain et moins agréable secours; et de cecy je vous suplie me fère responce par ce porteur, ce que le temps et occasion requièrent que j'en soys résolue, et ayant desjà par votre amyable lettre confirmé une certaine espérance d'obtenir ceste mienne affectionnée première requeste, je ne vous en feray plus longue instance, sinon de vous remercyer de voz favorables responces en toutes autres choses. Et après vous avoir priée de donner crédict au porteur de ce qu'il vous requerra de ma part, je vous présenteray mes bien affectionnées recommendacions à votre bonne grace, priant Dieu qu'il vous doinct, etc.

LETTRE DE LA ROYNE D'ESCOCE AU Sr. DE LA MOTHE FÉNÉLON.

Chiffre.—[Monsieur de La Mothe, despuis la nouvelle de ceste victoire la Royne d'Angleterre a changé de stille de m'escripre, comme vous verrez par le double de sa lettre, et pour me fère croyre que ceste mutation ne vient de là, l'on me veult persuader qu'elle et son conseil tiennent ceste nouvelle pour faulce et controuvée, et, au contraire, que le Roy a du pire, et que c'est la cause qu'il faict tenir les passaiges fermez, ne voulant que l'on saiche la deffaicte et perte qu'il a receue, avec d'autres mauvaises apparances, à quoy j'adjouxte aultant de foy que je doibz fère aulx belles parolles que l'on me donne, après que j'ay sceu que la Royne d'Angleterre dict au duc de Chatellerault, à son partement d'auprès d'elle, qu'elle aprouvoit toutes les actions du comte de Mora et ses associez, et que le dict duc, estant en Escoce, s'il ne recognoissoit le Roy, il ne s'atendît jamais d'avoir aydé, support ou faveur par son moyen, ains qu'elle luy nuyroit en tout ce qu'il luy seroit possible; de quoy le bon homme estoit à demy hors de sens. Et si, d'avanture, il s'est, despuis, condescendu contre son devoir, ayant esté pratiqué et gaigné, ou par quelque vayne espérance, comme cy devant il a esté, ou par craincte de veoir luy et ses enfans ruynez, je vous laysse juger d'où en procède la cause; car, avec l'authorité que je luy ay baillée, il a plus des trois quartz de mon royaulme et les plus grandz avec luy, et est suffizant pour en chasser le comte de Mora et toutz ses adhérans et complices. Ce que, monsieur de La Mothe, je n'ay vollu vous celler, affin que vous cognoissiez comment je suis esté traictée par l'intelligence de mes traistres avec la Royne d'Angleterre, et le besoing que j'ay de l'ayde et faveur de mes amys.

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