Couleurs. Contes nouveaux; suivis de Choses anciennes
CHAMBRE DE PRESBYTÈRE
C'était, sous les pommiers amaigris, la languide rousseur d'un gazon mort, enfin décoloré par les gelées : la neige avait fondu qui, la veille encore, jetait sur cette désolation la fadeur naïve de son suaire sentimental. L'hiver grelottait tout nu, et parmi la noire dentelle des arbres en coupelle, un ciel bourbeux dormait, tel que l'eau des mares aux carrefours des chemins creux.
Il venait de se lever, de se vêtir vite, car, hors du lit riche en plumes et en laines, cette vaste cellule sans tapis, ni tentures, sans feu, refusait l'offrande du plus humble réconfort. Un hexagonal pavé de briques roses avec des trous qui faisaient hancher les lyres des chaises rempaillées et déniaient tout aplomb à la table de bois blanc, vêtue de toile écrue, où s'érigeait, dans sa cuvette exiguë et carrée, la fleur urcéolée d'un pot de faïence de Rouen ; des murs plâtrés peints couleur d'ocre avec l'unique attirance, sur une planchette, de la Vierge au rosaire, porcelaine blanche et souriante, vers qui se penchaient, innocents acolytes, deux tiges de lis, en boutons vierges, fuseaux pareils au pénis immaculé d'un enfant ; le lit à colonnettes, à ciel, à rideaux pers écartés des pieds et du chevet par des tringles à soroses d'or : ainsi la chambre où l'hôte, en cette matinée de décembre, songeait.
Il laissa sur les vitres verdies retomber la mince cotonnade jaune, de celles qui obstruent les fenêtres des séminaires, et lâchement enfonça sous les draps encore tièdes ses mains glacées.
Ce lit, d'une grossière et lourde volupté, lui apparaissait, dans cette salle morne, comme un péché, seul, dans la vie d'un cénobite.