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Cours familier de Littérature - Volume 09

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1: Après la coalition parlementaire qui était près de renverser le gouvernement orléaniste, le roi Louis-Philippe, que je ne voulais pas servir, mais que je ne voulais pas précipiter dans une anarchie par une intrigue, me fit exprimer sa reconnaissance par son ministre. Ce ministre, qui avait fait partie de la coalition, et qui maintenant, revenu de Londres, cherchait à pallier les funestes conséquences de cette ligue, m'offrit, de la part du roi, l'ambassade de Vienne ou l'ambassade de Londres, à mon choix, avec un traitement que je fixerais moi-même, pour ajouter aux honneurs la fortune illimitée que je pouvais désirer. Je refusai; j'étais résolu à ne jamais m'engager ni d'ambition ni de reconnaissance avec le gouvernement de 1830. Mon cœur était à la légitimité, mon esprit à la liberté; je ne voulais manquer ni à mes souvenirs ni à la liberté complète de député indépendant. Je me réservais pour les crises éventuelles vers lesquelles le régime parlementaire, par ses fautes et ses excès, entraînait évidemment le pays. Le ministre, de même que le roi, ne comprenait rien à mes refus; il les attribuait sans doute à mon ambition plus exigeante, mobile ordinaire de ces abstentions; il me demanda une entrevue pour vaincre mes répugnances à force de faveurs politiques. Je persistai.

—«Mais enfin, me dit-il avec une impatience visible de geste et d'accent, le roi ne peut pas vous offrir plus qu'un ministère et le choix des plus grandes ambassades. Quel est donc, entre nous, le motif vrai qui vous porte à décliner de si hautes avances, et qu'attendez-vous donc de mieux?—Monsieur le Ministre, lui répondis-je en resserrant les lèvres et en contenant mes tristes prévisions dans mon cœur, puisque vous me faites, au nom du roi et du ministère, de telles offres, c'est qu'apparemment le ministère, le roi et vous-même, vous reconnaissez en moi un esprit politique, malgré les dénigrements de vos journaux et de vos amis, qui me relèguent au rang des rêveurs et des chimériques?—Oui, certainement, me répondit l'homme d'État.—Eh bien! Monsieur, je ne serais pas homme politique si je vous disais le motif pour lequel je ne veux pas m'engager par une reconnaissance quelconque avec le gouvernement de la dynastie d'Orléans.» L'homme d'État pâlit à ces mots, inclina la tête et n'insista plus; on eût dit que le fantôme d'une révolution possible lui avait apparu dans mes paroles. Nous parlâmes d'autre chose.

Le lendemain de cet entretien avec le premier ministre, j'en eus un autre avec le roi lui-même; il m'avait fait appeler; il fît les derniers efforts pour me rattacher à son gouvernement; j'eus de la peine à résister pendant trois heures à son éloquence, à ses caresses, même à ses larmes. Il m'avait fait asseoir en face de lui; il serrait mes genoux entre les siens. J'étais touché de son insistance, mais l'honneur me défendait d'y céder. Je me levai enfin pour me retirer; il me suivit, en me retenant par le pan de mon habit, jusque vers la porte.

—«Vous ne voulez pas? me dit-il enfin d'un ton de colère et de désespoir; vous ne voulez pas?—Non, Sire, et je regrette profondément que l'honneur me défende de vous obéir.—Eh bien! ce sera votre faute si je reste entre les mains de cette...» Et comme il vit que la force du mot m'étonnait:—«Oui, de cette...., entendez-vous bien, monsieur de Lamartine! C'est votre refus qui ne me laisse pas d'autre choix. Allez, et ne vous en prenez qu'à vous-même si mon gouvernement reste entre les mains d'hommes très-forts, mais qui ne sont ni ceux de mes vœux, ni ceux de mon cœur, ni ceux de ma situation!»

Ces derniers mots furent prononcés avec un accent de chagrin et avec un pli d'irritation sur les lèvres qui me prouva que son prétendu rôle de prince démocratique lui restait lourd sur le cœur. On a beau faire, quand on a du sang de Louis XIV dans les veines, l'orgueil de race prévaut malgré soi sur les nécessités de la royauté: les rôles sont dans la politique, mais les sentiments sont dans la nature. Je vis clairement que le roi aspirait à échapper aux ministres de 1830 pour s'entourer de serviteurs nés de la royauté de ses pères. La révolution de 1830 était évidemment pour lui un remords; il voulait mettre au plus vite entre cette révolution et lui des hommes anciens qui lui masqueraient l'usurpation et qui lui représenteraient la légitimité du trône.

M. de Sainte-Aulaire, alors ambassadeur à Vienne, était à cette époque à Paris; il désirait vivement être ambassadeur à Londres. Il fut informé par une rumeur de cour des démarches que le roi et le ministre faisaient pour me décider à accepter, à mon choix, une de ces deux ambassades; il craignait que mon choix tombât sur Londres, et qu'il ne fût ainsi réduit à retourner à Vienne. Il vint chez moi.

—«Je viens, me dit-il, savoir de vous mon sort; il est dans vos mains. Je désire vivement aller à Londres; mais, si vous préférez vous-même Londres à Vienne, je suis forcé de renoncer à l'ambassade d'Angleterre et de reprendre l'ambassade de Vienne. Dites-moi nettement vos intentions, j'y conformerai les miennes.—Tranquillisez-vous, lui dis-je en lui serrant les mains avec cette affection pleine de déférence que je devais à toutes les bienveillances et même à toutes les protections dont j'avais été comblé jadis par cette puissante et aimable famille; je ne veux ni de Londres, ni de Vienne, ni de Paris; je suis décidé à ne jamais m'engager avec cette dynastie; mais, lors même que j'aurais l'ambition de l'ambassade de Londres, je la sacrifierais à l'instant et sans hésiter au bonheur de reconnaître par ce sacrifice toutes les bontés dont vous m'avez comblé à mon entrée dans le monde. Le sentiment d'avoir pu un jour être serviable à ceux qui furent si bons pour moi lors de mon début dans la vie surpasserait mille fois, à mes yeux, l'ambition d'un poste diplomatique quelconque. Ainsi allez en toute confiance à Londres, mais n'ayez pour moi à cet égard aucune reconnaissance; je ne vous sacrifie rien, vous ne me devez qu'une bonne intention.» Il me serra les mains à son tour et partit pour l'Angleterre.

2: Madame de Beaumont était cette personne qu'il avait aimée d'une si poétique affection dans ses années de séve, et dont il avait déposé le cercueil et illustré le nom dans un monument de marbre, à Rome, sous les voûtes de l'église Saint-Louis.

3: Ce mot sur la mort de madame de Duras est bien appliqué à une des femmes les plus capables de comprendre le génie parce qu'elle avait de beaux talents, et la plus digne d'être regrettée parce qu'elle avait un cœur plus grand encore que le talent. Elle avait la passion du nom de M. de Chateaubriand; elle le voulait aussi grand dans le siècle qu'il était grand dans son cœur. Je ne l'ai connue que par ses amis et je ne l'ai admirée que par sa fille, madame la duchesse de Rauzan, très-jeune femme alors, en qui sa mère semblait, dit-on, revivre.

4: Les Milanais, en 1449, les appelaient encore des étrangers.

À la paix de Lodi, on leur donne pour limite la Sésia entre le Piémont et la Lombardie.

Charles III de Savoie s'attache exclusivement à l'empereur: il était son beau-frère. Il alla à Bologne lui faire la cour.

Pour le punir, François Ier réclame la Savoie comme héritage de sa mère, Louise de Savoie. L'empereur, de son côté, occupe les villes. Dépouillé de presque tout, il meurt à Verceil. Emmanuel-Philibert, son fils, hérite de l'empereur. Charles IX lui rend Turin.

À leur tour, pendant nos guerres de religion, Emmanuel-Philibert et son fils s'emparent de la Provence, du Dauphiné et de la Bresse.

Dans la guerre de coalition successive de l'Espagne contre la France, la maison de Savoie trahit Louis XIV en 1703 et lui fait perdre l'Italie; le duc de Savoie reçoit en récompense la Sardaigne.

Tout fut cédé à l'Autriche par le traité d'Utrecht.

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