De l'assassinat considéré comme un des Beaux-Arts
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS
DE L’AUTEUR
DE L’ÉDITEUR ANGLAIS ET DU TRADUCTEUR
[1] L’éditeur anglais du « Recueil des Écrits de Thomas de Quincey » (The Collected Writings of Thomas De Quincey en 14 vol., A. and C. Black, Soho square, Londres, 1897), M. David Masson, professeur émérite de littérature anglaise à l’Université d’Édimbourg, nous apprend que la première des parties dont se compose le présent ouvrage parut dans le numéro de février 1827 de Blackwood’s Magazine, et la seconde dans le numéro de novembre 1839 de la même revue, plus de douze années après la première. — Elles furent réimprimées ensemble sous le même titre en 1854, avec le long post-scriptum qui les suit, dans une édition complète de ses œuvres que fit alors De Quincey lui-même.
Les notes prises à l’édition de M. Masson sont suivies de la lettre : (M).
[2] Sous-titre de l’édition de 1854. Dans Blackwood’s Magazine on lisait simplement : « A l’éditeur de Blackwood’s Magazine. — Monsieur, nous avons tous entendu parler d’une société de protection du Vice, etc… (M)
[3] Cette Société, et d’autres du même genre ont réellement existé en Angleterre pendant la plus grande partie du siècle dix-huitième. Celle que cite ici De Quincey était connue sous le nom de Fraternité des moines de Saint-François, ou Medmenham Club, parce que le lieu de réunion habituel en était un ancien monastère cistercien à Medmenham, Buckinghamshire. (M)
[4] A cette introduction étaient jointes, lors de l’apparition première dans Blackwood’s Magazine, les lignes suivantes, dues à Christopher North, éditeur de la revue et ami de De Quincey.
« Note de l’Éditeur. — Nous remercions notre correspondant de sa communication, et aussi de la citation de Lactance qui se rapporte très bien à sa façon d’envisager le présent cas. La nôtre, nous le confessons, n’est pas la même. Nous ne pouvons supposer que le conférencier ait parlé sérieusement, pas plus qu’Érasme dans son Éloge de la Folie, ou que le Doyen Swift dans sa Proposition de manger les Enfants. Néanmoins, qu’on adopte sa façon de voir ou la nôtre, il convient également que cette conférence soit rendue publique. »
Il semble qu’il y ait eu, entre les éditeurs de la revue, désaccord sur le point de savoir s’il fallait recevoir un écrit d’une manière si horrifique, et sous un titre si horrifique. (M)
[5] The Williams-lecture, conférence à la gloire de Williams, et, plus elliptiquement, conférence-Williams. — John Williams, l’assassin de 1811, le héros de cet ouvrage. De Quincey nous raconte ses crimes, minutieusement, dans la 3me partie, ou post-scriptum.
[6] Kant poussa les limites des exigences de la vérité à un point si extravagant qu’il ne craignit pas d’affirmer que quand un homme venait de voir une personne innocente échapper à un assassin, il serait de son devoir, interrogé par l’assassin, de dire la vérité et de lui indiquer la retraite de la personne innocente, même avec la certitude qu’il serait cause d’un assassinat. De peur qu’on puisse supposer que cette doctrine lui avait échappé dans la chaleur d’une discussion, un célèbre écrivain français le lui ayant reproché, Kant la reprit et l’affirma à nouveau, en l’appuyant de ses raisons. (Note de De Quincey.)
[7] Voici d’après un guide de Londres de 1850, les noms de quelques artistes connus qui ont habité Berners-Street : Sir William Chambers, en 1773 ; Fuseli en 1804, Opie de 1792 à 1808, etc… (M)
Berners-Street est une petite rue qui aboutit d’un côté dans Oxford-Street, à égale distance de Regent-Street et de Tottenham Court Road.
[8] Au 4me livre, chapitre XVI. (M)
[9] John Howship, Practical Remarks upon Indigestion ; Londres, 1825. (M)
[10] George Waldron, alias Barrington, le plus fameux gentleman-pickpocket de son temps, fut transporté à Botany Bay en 1790, où il est mort en 1804, exerçant un emploi honorable et laissant la réputation d’un caractère réformé. (M)
[11] Dans une lettre célèbre parue dans Blackwood’s Magazine en octobre 1821, Coleridge énumère, en effet, avec esprit les qualités requises pour qu’un encrier soit parfait, ou idéal. (M)
[12] En français dans le texte.
[13] Traduction Chateaubriand.
[14] Le passage se trouve dans la deuxième partie (acte III) de Henry VI ; il est remarquable à un double point de vue : d’abord, pour sa judicieuse fidélité à la nature, comme si la description ne s’en trouvait là qu’en vue d’un effet poétique, et, en second lieu, pour la valeur juridique qu’il contient, présenté, comme il l’est ici, en tant que confirmation muette, au point de vue du droit, de l’effroyable rumeur qui s’était élevée tout à coup, à savoir qu’une perfidie atroce s’en était prise à un grand prince revêtu d’un rôle officiel dans l’État. Le duc de Gloucester, gardien fidèle et oncle bien-aimé d’un roi simple et imbécile, a été trouvé mort dans son lit. Comment interpréter cet événement ? Est-il mort par l’effet naturel d’une visitation de la Providence, ou par un acte violent de ses ennemis ? Les deux factions opposées de la cour trouvent dans les indices du même fait de quoi l’interpréter différemment. Le jeune roi, affectueux et affligé, que sa situation enchaîne dans la neutralité, ne peut néanmoins déguiser son écrasant soupçon d’une conspiration infernale dans les ténèbres. Alors, un meneur de la faction adverse s’efforce de porter atteinte à la force de la parole trop franche du roi, appuyée et reprise en écho d’une manière très impressionnante par Lord Warwick. « What instance, demande-t-il, et il veut dire par le mot instance non pas exemple ni illustration, comme l’ont supposé constamment des commentateurs sans réflexion, mais, dans le sens classique ordinaire, quelle instantia, quel argument de poids, quelle justification immédiate, peut avancer Lord Warwick pour soutenir son « redoutable serment » ? son serment, que, aussi sûrement qu’il aspire à la vie éternelle, aussi sûrement
« Je crois que des mains violentes ont attenté à la vie de ce duc trois fois fameux ».
En apparence, le défi s’adresse à Warwick, mais réellement il a en vue le roi. La réponse de Warwick, l’argument sur lequel il se base, consiste en un solennel tableau de tous les changements opérés dans les traits du duc par la mort, changements qu’on ne peut concilier avec aucune autre hypothèse que celle d’une mort violente. Quel argument, que Gloucester soit mort par des mains d’assassin ? Eh bien, le déroulement suivant des changements terribles, affectant la tête, le visage, les narines, les yeux, les mains, etc… et qui ne proviennent pas indifféremment de tous les genres de mort, mais exclusivement d’une mort par violence :
Pour la logique de ceci n’oublions pas un seul instant que, pour avoir quelque valeur, ces signes et ces indices allégués doivent former un diagnostic rigoureux. La distinction cherchée est une distinction entre la mort naturelle et la mort violente. Tous les indices, par conséquent qui appartiennent également et indifféremment à l’une et à l’autre seraient équivoques, inutiles, et étrangers au but même voulu par Shakespeare. (Note de De Quincey.)
— Les passages cités ont été copiés par le traducteur sur la version de Shakespeare par François-Victor Hugo (tome XIII, pp. 129-130, édition Pagnerre).
[15] Au temps où ceci fut écrit, 1827, je suivais l’opinion commune à ce sujet. C’est un simple défaut de réflexion qui a donné naissance à un jugement aussi erroné. Depuis, après un examen plus serré, j’ai vu de grandes raisons de revenir sur cette opinion, et je suis convaincu à présent (1854) que les Romains, chaque fois qu’un art leur offrait une quantité égale d’intérêt, y ont montré des mérites aussi originaux et naturels que les meilleurs des Grecs. Ailleurs je veux plaider cette cause en détail, dans l’espoir de convertir le lecteur. En attendant, j’étais désireux de placer ici ma protestation contre cette vieille erreur, — erreur qui a commencé par une flagornerie aux préjugés de son temps de Virgile, poète courtisan. Pour le vil dessein de flatter Auguste dans sa rancune vindicative contre Cicéron, et au moyen de l’introduction, à cet effet, du petit membre de phrase orabunt causas melius appliqué à tous les orateurs athéniens opposés aux romains, Virgile ne se fit pas scrupule de sacrifier en gros les justes prétentions de ses compatriotes pris collectivement. (Note de De Quincey.)
[16] Le conte de la Prieure dans le Pèlerinage de Canterbury, de Chaucer, parle d’un petit chrétien mis à mort dans une ville d’Asie par les Juifs pour avoir constamment chanté en leur présence l’hymne : O Alma Redemptoris Mater. La prieure finit en faisant allusion à une légende anglaise très analogue : celle de Hugues de Lincoln, que des Juifs de cette ville auraient mis à mort pour des raisons semblables. (M)
[17] En français dans le texte.
[18] Le nom de Vieux de la Montagne ne désigne pas une personne particulière ; c’était le titre, — en Arabe Sheik-al-jebal, Prince de la Montagne, — d’une série de chefs qui ont dirigé de 1090 à 1258 une communauté ou un ordre militaire de sectaires mahométans fanatiques, appelés les Assassins, et répandus dans la Perse et dans la Syrie, mais dont le quartier général se trouvait dans les chaînes de montagnes. Bien qu’il soit hors de doute que les mots assassin et assassinat pour désigner un meurtre secret et spécialement un meurtre secret au moyen du poignard, soient un ressouvenir des habitudes attribuées à cette vieille communauté persane et syrienne, l’étymologie originelle du mot Assassins lui-même, nom de cette communauté, n’est pas aussi certain. Skeat prétend que c’est tout simplement l’arabe hashishin « buveurs de haschich » d’après le fait ou la supposition que les agents du Vieux de la Montagne, quand ils étaient envoyés en quelque mission meurtrière, s’en allaient fortifiés pour cette tâche par l’intoxication du haschisch, ou chanvre indien. (Note de De Quincey.)
[19] Spencer Percival, premier ministre, fut assassiné le 11 mai 1812, par John Bellingham, dans un couloir de la Chambre des Communes.
[20] De Quincey s’est trompé ici. Le maréchal Bessières fut tué par un boulet dans une escarmouche, la veille de la bataille de Lutzen, le 1er mai 1813 ; c’est le maréchal Brune qui a été assassiné par la populace à Avignon, le 2 août 1815.
[21] L’éditeur anglais donne ici la chronologie exacte des sept assassinats dont parle De Quincey : 1. Guillaume d’Orange, le Taciturne, premier stadhouder des Provinces-Unies, assassiné à Delft, le 10 juillet 1584, par Balthazar Gérard ; — 2. Henri, duc de Guise, assassiné avec la connivence du roi Henri III, à Blois, le 23 décembre 1588 ; — 3. Ce même Henri III, roi de France, assassiné par le dominicain Jacques Clément, le 2 août 1589 ; — 4. Henri IV, roi de France, assassiné le 14 mai 1610 par François Ravaillac ; — 5. Le resplendissant George Villiers, duc de Buckingham, favori de Jacques Ier et de Charles Ier d’Angleterre, premier ministre tout-puissant, assassiné à Portsmouth le 23 août 1628 par John Felton ; — 6. Gustave-Adolphe, l’héroïque roi de Suède, tué sur son cheval en plein champ de bataille à Lutzen, au moment où la victoire se dessinait, le 6 novembre 1632 ; — 7. Waldstein, ou Wallenstein, le grand capitaine catholique de la guerre de Trente Ans, assassiné par des soldats irlandais, au château d’Eger, le 25 février 1634.
[22] Ce même argument a été employé une fois de trop, au moins. Il y a plusieurs siècles un Dauphin de France, averti qu’il risquait la petite vérole, fit la même réponse que l’empereur : « Quel gentilhomme avait jamais entendu parler d’un dauphin tué par la petite vérole ? » Non, aucun gentilhomme n’avait jamais entendu parler d’un tel cas. Et cela n’empêcha pas ce Dauphin de mourir de la petite vérole. (Note de De Quincey.)
[23] Vie de Spinosa par Jean Colerus, ou plutôt : Réfutation des Erreurs de Benoit de Spinosa, par M. de Fenelon, Archevêque de Cambray, par le P. Lami bénédictin et par M. le Comte de Boulainvilliers, avec la Vie de Spinosa écrite par M. Jean Colerus, Ministre de l’Église luthérienne de La Haye ; augmentée de beaucoup de particularités tirées d’une vie manuscrite de ce Philosophe par un de ses amis. — A Bruxelles, chez François Foppens MDCCXXXI.
[24] « 1er juin 1675 — Boire en partie trois bols de punch (liqueur qui m’est tout à fait inconnue) » dit le Rév. M. Henry Teonge, dans son Journal publié par C. Knight. Dans une note sur ce passage, on se réfère aux voyages de Fryer dans les Indes orientales, 1672, lequel parle de « cette liqueur énervante appelée paunch (qui provient de l’Hindoustan) avec ses cinq ingrédients ». Préparé ainsi il semble que ce soit ce que les médecins appelaient diapente ; avec quatre ingrédients seulement diatessaron. A coup sûr, c’est sa réputation évangélique qui l’avait recommandé au rév. M. Teonge. (Note de De Quincey.)
[25] Le Parlement anglais que Charles Ier, après un intervalle de onze années, convoque le 13 avril 1630, pour l’aider à en finir avec les Covenantaires écossais. Comme il résistait à ses volontés, le roi prononça la dissolution dès le 5 mai ; c’est pourquoi il est connu sous le nom de court parlement.
[26] Le 3 novembre 1648.
[27] John Dennis, critique littéraire 1657-1734.
[28] Citation prise dans la Vie de Hobbes que lui-même a écrite en vers latins élégiaques et qui fut publiée en décembre 1679, environ trois semaines après sa mort. Le docteur Isaac Dorislaus, hollandais naturalisé anglais, avait pris part au procès de Charles Ier. Envoyé en mission à la Haye par la République anglaise, il y fut assassiné dans une auberge, le 13 mai 1649, par des exilés royalistes. Anthony Ascham, envoyé l’année suivante à Madrid, y trouva un sort semblable, assassiné par des réfugiés royalistes anglais, le 27 mai 1650. (M)
[29] Thomas Tenison 1636-1715, archevêque de Canterbury en 1694.
[30] Un des premiers ouvrages publiés par Hobbes, il avait alors 48 ans, est un poème en latin De Mirabilibus Pecci, imprimé à Londres en 1636.
[31] Chatsworth était alors, comme à présent, la superbe résidence des Cavendish de la branche aînée, — en ce temps-là comtes, aujourd’hui ducs de Devonshire. C’est l’honneur de cette famille d’avoir, durant deux générations, donné asile à Hobbes. Il est à remarquer que Hobbes est né l’année de l’Armada espagnole, en 1588, (c’est, du moins, ce que je crois), et, lors de sa rencontre avec Tenison, en 1670, il devait donc avoir environ quatre-vingt-deux ans. (Note de De Quincey.)
[32] A l’âge de 28 ans Berkeley est allé certainement à Paris ; il était alors Junior fellow de Trinity College, à Dublin. Dans une lettre, datée : « Paris, 25 novembre 1713 », il dit en effet : « J’ai l’intention de faire visite demain au Père Malebranche, et de discuter certains points avec lui ». Cette visite a-t-elle eu lieu, on l’ignore, mais il a certainement visité Malebranche plus tard, en octobre 1715, et c’est le 13 du même mois que Malebranche est mort, à l’âge de 77 ans. Voici l’histoire de cette visite telle que la rapporte le Professeur Campbell Fraser dans la Vie et les Lettres de Berkeley (1871) : « Il trouva le savant Père dans une cellule, qui faisait chauffer sur un petit poêlon un médicament pour une indisposition qui le tourmentait en ce temps-là, une inflammation pulmonaire. La conversation porta naturellement sur le système de Berkeley, dont il avait pris connaissance dans une traduction qui venait de paraître. L’issue de ce débat fut tragique pour le malheureux Malebranche. Dans la chaleur de la discussion, il éleva trop la voix, et s’abandonna si imprudemment à l’impétuosité naturelle à un homme de talent et à un français, qu’il provoqua une aggravation de sa maladie, laquelle l’emporta quelques jours après. — « Il est malheureux, ajoute le professeur Fraser, que nous n’ayons de cette rencontre aucun récit authentique, surtout par Berkeley lui-même, ou par quelqu’un dont on puisse reconnaître l’autorité ». Elle est racontée seulement dans une Vie de Berkeley, par Stock, parue en 1776. (M)
[33] Que signifie (demanda frere Jean) et que veult dire, que tousjours vous trouvez Moynes en cuisines, jamais n’y trouvez Roys, Papes, ne Empereurs ? Est-ce, respondit Rhizotome, quelcque vertus latente, et propriété specificque absconse dedans les marmites et contrehastiers, qui les Moynes y attire, comme l’aimant à soy le fer attire, n’y attire Empereurs, Papes, ne Roys ? Ou si c’est une induction et inclination naturelle aux frocs et cagoulles adhérente, laquelle de soy mene et poulse les bons Religieux en cuisines, encores qu’ils n’eussent election ne deliberation d’y aller ? Il veult dire, respondit Epistemon, formes suivantes la matiere. Ainsi les nomme Averrois. Voire, voire, dist frere Jean.
(Au chapitre XI du Quart livre des faicts et dicts héroïques du noble Pantagruel composé par M. François Rabelais, Docteur en medecine et Calloier des Isles Hyères. L’An mil cinq cens quarante et huict suivant l’édition in-16 de Claude la Ville à Valence.)
[34] Sermons de l’Hôpital — « Spital Sermons » nom sous lequel on désigne la réunion des discours du docteur Parr.
[35] Le 17 octobre 1678, un cadavre transpercé d’une épée, le visage écrasé, des marques de strangulation au cou, fut découvert dans un fossé au pied de Primrose Hill, dans des champs au nord de Londres. Il se trouva que c’était celui de Sir Edmunbury Godfrey, magistrat de Westminster, qui avait, depuis plusieurs jours, disparu de chez lui, Green’s Lane, dans le Strand. Sur les apparences, on conclut qu’il avait été étranglé dans Londres, aux environs du Strand, d’où son corps avait été transporté à l’endroit où on l’avait trouvé. Or comme c’est devant ce magistrat que Titus Oates avait fait sa première déposition, le 27 du mois précédent, touchant l’existence d’un grand complot papiste pour la ruine de Londres et de toute la nation, le bruit courut aussitôt que l’assassinat était l’œuvre des Catholiques, et, durant la longue et folle agitation anti-papiste qui suivit, l’assassinat de Sir Edmundbury Godfrey servit d’aiguillon à la fureur populaire, et on continua à parler de lui comme d’un « martyr protestant ». (M)
[36] Miss Bland, ou plutôt Blandy, exécutée en 1752, pour avoir empoisonné son père ; — le capitaine Donnellan et Sir Theophilus Boughton : Donnellan, en vue d’un héritage, avait empoisonné son beau-frère, Sir Theodosius Boughton, et fut pendu en mars 1781. (M)
[37] Le cas des Mac Kean. Voir le post-scriptum, ou 3e partie.
[38] Le post-scriptum presque entier est consacré à la relation des assassinats de Williams.
[39] Thurtell, tenancier d’une maison de jeu, avec ses deux complices Joseph Hunt et William Probert avait assassiné, en octobre 1823, un gentilhomme adonné au jeu, M. William Weare, de Londres, dans le sud du Herfordshire. Le lendemain, on trouvait sur une haie le pistolet qui avait servi au crime, et quelques jours après, dans une mare, quelques milles plus loin, le cadavre avec les jambes liées, la gorge tranchée, le crâne fracturé, et le tout enfermé dans un sac alourdi par des pierres. L’émotion fut très grande ; Thurtell, qui se défendit lui-même de très impressionnante manière, occupa longtemps l’imagination publique, même après son exécution. On chantait dans les rues une complainte à son sujet, dont parle Sir Walter Scott dans son journal et qu’il a notée. Carlyle aussi s’est occupé du cas de Thurtell. (M)
On trouve encore une allusion à cette affaire dans le Markheim de R. L. Stevenson.
[40] Abraham Newland, (caissier en chef de la Banque d’Angleterre, mort en 1807) est tout à fait oublié maintenant. Mais quand ceci fut écrit (1827), son nom n’avait pas cessé de résonner aux oreilles britanniques, comme le plus familier et le plus significatif qui peut-être ait jamais existé. Ce nom apparaissait sur le côté face de tous les billets, grands ou petits, de la Banque d’Angleterre, et il avait été pendant plus d’un quart de siècle (spécialement pendant toute la durée de la Révolution française) l’expression sténographique signifiant papier-monnaie dans sa forme la plus sûre. (Note de De Quincey.)
[41] Civilation. De Quincey explique ailleurs ce mot, civilation. C’est civilisation, prononcé à la fin d’un dîner. (M)
[42] Vers d’une élégie de Gray ; et la suite est une parodie d’une stance encore du même poète :
[43] En français, dans le texte.
[44] William Burke et William Hare, tous deux irlandais vivant à Édimbourg, attiraient les passants, étrangers, mendiants, idiots et autres pauvres créatures, les enivraient au fond de leurs repaires, principalement dans le logement de Burke, près de West Port, puis les étouffaient ou les étranglaient, vendaient ensuite les corps comme sujets anatomiques. Plus de seize victimes avaient disparu avant qu’on arrêtât ce petit trafic. Condamné pour l’un de ces assassinats, Burke fut pendu en janvier 1829, mais son complice Hare réussit à s’enfuir. On ignora toujours ce qu’il était devenu. A Édimbourg, on employa longtemps, pour dire suffoquer, le verbe nouveau To Burk, et l’on désignait, dans une ville du nord de l’Écosse, une salle de conférences anatomiques par le nom de : the « Burkinghouse ». (M)
[45] Geschichte der Assassinen, par Von Hammer, publiée en 1818.
[46] « Page mille quatre cent trente et une » exactement, bon lecteur ; ce n’est pas du tout une plaisanterie. (Note de De Quincey.)
[47] L’épigramme, qui a été conservée par Planude sous sa forme grecque, est attribuée ici par Saumaise au poète satirique latin, Caïus Lucilius, né en 148 avant J.-C., mort vers l’an 103. On ne la trouve pas, cependant, dans les fragments conservés de Lucilius, et la forme grecque de l’épigramme est anonyme. (Note de De Quincey.)
[48] En français, dans le texte.
[49] En français, dans le texte.
[50] L’écrit de Swift, auquel il est fait allusion, a été publié en 1729 et porte le titre : Modeste Proposition pour empêcher les Enfants des Pauvres Gens d’Irlande d’être un Fardeau à leurs Parents ou à leur Pays, et pour les rendre utiles au Public. — Une citation fera goûter l’ironie de Swift : « Un américain très instruit, de ma connaissance, m’a assuré, à Londres, qu’un petit enfant en bonne santé, bien engraissé, est, à un an, un mets tout-à-fait délicieux, nourrissant et sain, qu’il soit étuvé, rôti, cuit au four ou bouilli ; et je ne mets pas en doute qu’il serait aussi parfait en fricassée ou en ragoût. C’est pourquoi je porte humblement à la considération du public que sur les cent vingt mille enfants comptés (comme nés chaque année en Irlande) on en pourrait réserver pour la reproduction vingt mille, dont un quart seulement de mâles, et c’est plus qu’on ne laisse de moutons, de gros bétail ou de cochons,… les cent mille restant pourraient, à un an, être offerts en vente aux personnes de qualité ou de fortune, par tout le royaume, après qu’on ait prévenu la mère de leur donner à téter en abondance durant le dernier mois, de façon à les rendre dodus et convenables pour une bonne table. Un enfant fera deux plats à une table d’amis ; quand une famille est seule à table, un quartier d’avant ou postérieur fera un plat raisonnable ; assaisonné d’un peu de poivre et de sel, il sera très bon, bouilli, le quatrième jour, surtout en hiver. »
[51] Le 24 février 1809.
[52] Le quarter, mesure de capacité, vaut 290 litres et 781 millièmes.
[53] De Quincey ne donne pas exactement la date des assassinats qu’il regarde comme des modèles. Ils ont été commis, en réalité, au mois de décembre 1811. (M)
[54] Je ne suis pas certain que Southey, à cette époque, remplît sa fonction d’éditeur de l’« Edimburgh Annual Register ». S’il la remplissait, sans doute on trouvera dans la section : de la famille, de cette chronique, une relation excellente de l’affaire. (Note de De Quincey.)
[55] En français, dans le texte.
[56] Un artiste me dit, cette année même, 1812, qu’ayant vu par hasard un régiment de natifs du Devonshire (volontaires ou milices), fort de neuf cents hommes, qui marchait en dépassant un point où il s’était posté, il n’avait pas noté une douzaine d’hommes que la langue vulgaire n’eût pas désignés comme étant « de bonne mine ». (Note de De Quincey.)
[57] Je ne me rappelle pas chronologiquement l’histoire de l’éclairage au gaz. Mais à Londres, bien longtemps après que M. Winsor eût démontré la valeur de l’éclairage au gaz et son applicabilité aux usages de la rue, différents quartiers furent empêchés, durant plusieurs années, de recourir à ce procédé nouveau, en raison de vieux contrats avec les marchands d’huile, lesquels portaient sur un grand nombre d’années. (Note de De Quincey.)
[58] De Quincey avait dirigé, du 11 juillet 1818 au 5 novembre 1819, un journal tory de province : the Westmorland Gazette, et il aimait à en emplir les colonnes de comptes rendus ou de procès d’assassinats. L’auteur d’un opuscule publié sous ce titre De Quincey’s Editorship of the Westmorland Gazette, M. Charles Pollitt de Kendal fait la citation suivante d’un avis éditorial paru dans le no du 8 août 1818 : « On remarquera que, cette semaine, nos colonnes sont occupées presque exclusivement par les comptes rendus des assises. Nous avons cru bon de leur donner la préférence sur toutes autres nouvelles tant du pays que de l’extérieur, pour les trois raisons que voici : (1) parce que ces comptes rendus présentent pour toutes les classes de la société un intérêt également puissant ; (2) parce qu’ils sont pour les classes les moins instruites d’un bénéfice très spécial en ce qu’ils leur enseignent les devoirs sociaux sous la forme la plus frappante, c’est-à-dire, non pas en tant qu’abstraction de tout ce qui les peut expliquer, illustrer et fortifier (comme les termes dépouillés de la Loi), mais exemplifiés (ou, comme disent les logiciens, concrétés) par les détails actuels d’un cas intéressant, rapprochés des pénalités qui frappent celui qui les néglige ou les viole ; (3) parce qu’ils offrent les meilleures indications des conditions morales d’une société. » — On pense, au demeurant, que cette pratique de De Quincey ne fut pas pour peu de chose dans la détermination prise par les propriétaires du journal d’en confier à quelque autre la direction. (M)
[59] Que le lecteur disposé à regarder comme exagérée ou romantique la méchanceté diabolique imputée à Williams, veuille bien se souvenir que, sinon le désir luxurieux de se réchauffer et de s’ébattre dans l’angoisse désespérée d’une agonie, il n’avait aucun motif, grand ni petit, pour tenter d’assassiner cette jeune fille. Elle n’avait rien vu, rien entendu ; elle dormait profondément, et sa porte était fermée. Il savait donc que, comme témoin contre lui, elle serait aussi inutile qu’aucun des trois cadavres. Et pourtant il s’occupait à préparer cet assassinat quand l’alarme de la rue est venu l’interrompre. (Note de De Quincey.)
[60] Le roi papiste Jacques II, le dernier Stuart, dans ses entreprises contre l’église alors populaire et constitutionnelle d’Angleterre, cherchait à se faire un appui chez les protestants non-conformistes, presbytériens et autres, dont il eût redouté peu la rivalité, une fois triomphant. C’est dans cette vue qu’il avait publié une déclaration, au reste fort hypocrite, de tolérance. Sept prélats, Lloyde, évêque de St-Asaph, Ken de Bath et Wells, Turner d’Ely, Lake de Chichester, White de Peterborough, et Trelawney de Bristol, sous la présidence de Strange, archevêque de Canterbury, rédigèrent en commun une pétition au roi. Ils l’y suppliaient de ne pas insister sur la lecture publique, qu’il voulait imposer, de cette déclaration, se basant principalement sur le fait que le Parlement avait déclaré illégale la prérogative que le roi prétendait exercer au nom de son pouvoir absolu. Les évêques furent appelés au Conseil, interrogés, arrêtés aussitôt et dirigés sur la Tour de Londres.
Mais lorsque le peuple « les vit emmenés sous une garde, embarqués sur la rivière et conduits vers la tour, toute son affection pour la liberté, tout son zèle pour la religion, éclatèrent à la fois, et de toutes parts on le vit courir en foule à ce spectacle attendrissant. Les rives de la Tamise furent couvertes de spectateurs prosternés qui demandaient la bénédiction de leurs pasteurs, et qui imploraient la protection du ciel dans le danger dont leur religion et leur patrie étaient menacées. Les soldats, saisis de la contagion du même esprit, se jetèrent à genoux devant leurs prélats, et implorèrent la bénédiction des criminels dont on leur avait confié la garde. Quelques anglicans des plus zélés entrèrent dans l’eau, pour recevoir de plus près les bénédictions que ces illustres captifs distribuaient autour d’eux !… etc. » (David Hume, Hist. d’Angleterre.)
On peut juger si, après l’acquittement unanime des évêques, la joie fut grande : même dans le camp de Hounslow, où le roi en personne se trouvait, les soldats donnèrent les plus éclatantes marques d’une joie tumultueuse, sans se soucier de sa présence.
[61] Révolte de l’Islam, (Laon and Cythna) chant XII.
[62] Un furlong, mesure valant exactement : mètres 201,16437.
[63] En français, dans le texte.
[64] En publiant « de l’Assassinat considéré comme un des Beaux-Arts », je me suis cru obligé de revenir sur Williams, le redoutable assassin de Londres, de la génération précédente, non seulement parce que les amateurs ont tant insisté sur ses mérites d’artiste suprême aussi bien pour la grandeur du dessein que pour l’ampleur du style, non-seulement parce que, mis à part l’intérêt momentané qu’y attache mon ouvrage, l’homme en lui-même méritait un souvenir pour son audace incomparable combinée avec une telle subtilité de serpent et aussi l’amabilité insinuante de ses façons ; — mais encore parce que, outre l’homme, les œuvres de l’homme (les deux, surtout qui firent une si grande impression sur la nation en 1812) furent par elles-mêmes les plus impressionnantes dont on se souvienne. Southey en exprimait bien la supériorité, lorsqu’il m’a dit qu’elles prenaient place au nombre des rares événements domestiques qui, pour la profondeur et l’étendue de l’horreur, s’étaient haussés à la dignité d’un intérêt national. Je dois ajouter que cet intérêt était accrû par le mystère qui enveloppait ces assassinats : mystère touchant plusieurs points, mais spécialement en ce qui concernait une question importante : l’assassin avait-il des complices ?[65] Il y a donc de nombreux motifs tant dans le caractère infernal de l’homme que dans le mystère qui l’environne, pour justifier ce post-scriptum à l’écrit original. De plus, après un laps de quarante-deux années, l’homme et ses actes se sont effacés de la connaissance de la génération présente. Néanmoins, je sens que ma relation est beaucoup trop prolixe. Je l’ai senti au moment même où je l’écrivais, mais il m’a été impossible d’y rien corriger, tant je pouvais peu exercer de contrôle sur les agitations affligeantes et l’impatience insurmontable de ma maladie nerveuse. (Note de De Quincey.)
[65] D’après excédent des probabilités, les amateurs sont définitivement tombés d’accord que Williams a dû commettre, tout seul, ces atrocités. Cependant, au nombre des présomptions qui rendent plausible l’opinion contraire, se trouve celle-ci : quelques heures après le dernier assassinat, un homme fut arrêté à Barnet (le premier relais sur une des routes du Nord), porteur d’une certaine quantité d’argenterie. Il refusa avec fermeté de dire comment il se l’était procurée et où il allait. Il lut avec empressement dans les journaux quotidiens qu’on lui laissa voir les interrogatoires de Williams devant la police, et, le jour même où fut annoncée la fin de Williams, lui aussi se suicidait dans sa cellule. (De Q.)
Chartres. — Imp. Garnier, rue du Grand-Cerf, 15.