Dictionnaire d'argot fin-de-siècle
(Argot du peuple).
CARME: Argent (Argot des souteneurs). V. Aubert.
CARME À L’ESTORGUE: Fausse monnaie (Argot des voleurs).
CARMER: Payer (Argot des voleurs). V. Billancher.
CARNE: Viande dure.
On dit d’un homme impitoyable:
—Il est dur comme une vieille carne.
L’ouvrier qui ne veut rien faire est également une carne (Argot du peuple).
CAROTTE: Mensonge pour tromper ou duper quelqu’un.
Tirer une carotte: emprunter de l’argent.
Tirer une carotte de longueur: la préparer de longue main.
Le troupier, tire une carotte à sa famille quand il lui écrit qu’il a perdu la clé du champ de manœuvre, ou qu’il a cassé une pièce de canon (Argot du peuple).
CAROTTIER: Homme qui fait le métier d’en tirer pour vivre (Argot du peuple).
CARRÉ DES PETITES GERBES: La police correctionnelle (Argot des voleurs).
CARRÉ DE REBECTAGE: La Cour de cassation.
Quelquefois elle diminue la peine du condamné ou l’acquitte complètement.
Il est rebecqueté.
Rebecqueté se dit pour raccommoder, se rapprocher (Argot des voleurs).
CARREAUX: Les yeux (Argot des voleurs).
CARREAUX: Outils spéciaux des malfaiteurs (Argot des voleurs). V. Tateuse.
CARREAUX: Fer à repasser dont se servent les tailleurs pour aplatir les coutures (Argot du peuple).
CAROUBLE: Clé employée par les carroubleurs (Argot des voleurs).
CAROUBLEUR: Vol à l’empreinte à l’aide de fausses clés (Argot des voleurs). V. Boîte de Pandore.
CARRUCHE: Prison (Argot des voleurs). V. Gerbe.
CASIMIR: Gilet.
Allusion à l’étoffe (Argot des voleurs). V. Boîte à Sigue.
CASQUE (Avoir le): Être malin, savoir profiter des occasions, les saisir aux cheveux, même lorsqu’elles sont chauves.
Avoir son casque: avoir bu a en être saturé.
—Il a son casque, il en a plein la peau (Argot du peuple).
CASQUER: Payer (Argot des filles). V. Billancher.
CASTU: Infirmerie, hôpital (Argot des voleurs).
CASUEL: Vente de hasard sur laquelle on ne comptait pas.
Casuel: ce que les mariages, les baptêmes et les enterrements rapportent aux curés.
Casuel: le miché que fait la fille en dehors de son entreteneur (Argot du peuple). N.
CASSANTES: Les dents (Argot du peuple). V. Dominos.
CASSER LA HANE: Couper la bourse (Argot des voleurs).
CASSER DU SUCRE: Dénoncer.
Casser du sucre sur quelqu’un: en dire du mal (Argot des voleurs). V. Mouton.
CASSE-POITRINE: Mauvaise eau-de-vie.
En effet, elle casse rudement la poitrine de ceux qui en boivent (Argot du peuple). V. Eau d’aff.
CASSER SA CANNE: Rompre sa surveillance.
Casser sa canne: mourir.
Casser une canne: dormir (Argot du peuple). V. Sorguer.
CASSER SA PIPE: Mourir.
On donne pour origine à cette expression qu’un fumeur, attablé dans un cabaret, mourut subitement. Sa pipe lui tomba des lèvres et se cassa. Quand on le releva, un des assistants s’écria:
—Tiens il a cassé sa pipe (Argot du peuple).
CASSER UNE LOURDE: Briser une porte (Argot des voleurs).
CASSER SA FICELLE: S’évader de la prison.
Allusion au hanneton qui s’évade quand le fil qu’il a à la patte se brise (Argot des voleurs). N.
CASSER SON VERRE DE MONTRE: Tomber sur le derrière (Argot du peuple). V. Tomber pile.
CASSEROLE (La remuer): Dénoncer. Mot à mot: cuisiner (faire parler). Allusion au cuisinier qui remue la casserole (Argot des voleurs).
CATIN: Fille publique.
Catin: petite poupée.
Catin: nom d’amitié donné à une maîtresse.
(Argot du peuple).
CATICHE: Diminutif de catin (Argot du peuple).
CAVALER: Se sauver.
—Cavale-toi v’là la rousse (Argot du peuple).
CAVE: Homme.
Allusion à l’estomac de l’homme qui emmagasine une foule de choses (Argot des voleurs).
CELLOTTE: Cellule (Argot des voleurs).
CENT PIEDS DE MERDE (Je voudrais te voir dans):
Souhait d’un gendre à sa belle-mère féroce ou à une femme crampon (Argot du peuple). N.
CENTRE: Nom.
Quant une personne donne un faux nom, c’est un centre à l’estorgue (Argot des voleurs).
CENTROUSSE: Maison centrale (Argot des voleurs).
CERF-VOLANT: Jouet d’enfant composé de baguettes d’osier, recouvertes de feuilles de papier, que les gamins enlèvent en l’air avec une ficelle.
Les voleuses qui dans les jardins publics s’emparent des boucles d’oreilles des jeunes enfants se nomment des cerf-volants, parce que le vol accompli elles se sauvent en courant comme un cerf (Argot des voleurs).
CES MESSIEURS: Agents de police.
—Ne vous hasardez pas ce soir sur le trottoir, ces messieurs y seront (Argot des filles).
C’EST PLUS FORT QUE DE JOUER AU BOUCHON AVEC DES PAINS À CACHETER DANS SIX PIEDS DE NEIGE: Expression employée pour marquer le comble de l’étonnement.
Ou dit aussi c’est fort de café (Argot du peuple). N.
CHABANNAIS: Faire du tapage, du bruit.
—Allons, viens boire le dernier verre.
—Y a pas de pet, la bourgeoise ferait un rude chabannais.
Faire du chabannais dans une assemblée: troubler l’ordre (Argot du peuple).
CHABLER: Lancer des pierres dans un arbre pour en abattre les fruits.
Chabler est le synonyme de gauler (Argot du peuple) N.
CHAMBARD (En faire): Faire un potin infernal (Argot du peuple). V. Chambarder.
CHAMBARDER: Tout casser, tout démolir, bouleverser une maison de fond en comble, renouveler son personnel.
Mot à mot: faire balai neuf (Argot du peuple).
CHAMBERTER: S’amuser.
Quand les troupiers mettent les lits en bascules, qu’ils chahutent toute la chambrée, ils chambertent les camarades (Argot du troupier).
CHAMP DE NAVET: Cimetière d’Ivry.
Il est ainsi nommé parce qu’il est sur l’emplacement de champs dans lesquels jadis les paysans cultivaient des navets.
Au Château d’Eau sur l’emplacement de la caserne du prince Eugène (ci-devant) il existait un bal qui se nommait aussi pour les mêmes raisons, vers 1855, le Champ de Navet (Argot du peuple).
CHANDELLE (Moucher la): On dit cela au moutard qui laisse pendre sous son nez un filet de morve.
On appelait autrefois chandelle les troupiers qui faisaient le service des postes de Paris pour conduire les voleurs aux bureaux des commissaires de police.
—J’ai été conduit entre quatre chandelles.
Allusion à la raideur du fusil (Argot du peuple).
CHANGER SON POISSON D’EAU: Aller pisser.
L’allusion est claire (Argot du peuple).
CHANGER SON FUSIL D’ÉPAULE: Changer d’avis ou d’opinion.
On dit pour exprimer la même chose: mettre son drapeau dans sa poche.
Ou bien encore: retourner sa veste (Argot du peuple).
CHANGEUR: Le fripier chez lequel les voleurs vont se camoufler moyennant un abonnement: tout comme les avocats chez le costumier du barreau.
Ils trouvent là tous les costumes nécessaires pour leurs transformations (Argot des voleurs).
CHAPARDER: Aller à la maraude (Argot des troupiers).
CHAPARDEUR: Qui chaparde (Même argot).
CHAPELET DE SAINT-FRANÇOIS: Chaîne qui sert à attacher les condamnés.
C’est un chapelet que volontiers ils n’égrèneraient bien pas (Argot des voleurs).
CHAPELLE BLANCHE: Le lit.
Allusion à la blancheur des draps (Argot du peuple). N.
CHAPELURE SUR LE JAMBONNEAU (Pas de): Absence complète de cheveux.
Genou hors ligne.
On dit aussi: pas de cresson sur le caillou (Argot du peuple).
CHAPERONNER: Protéger quelqu’un.
Mot à mot: lui servir de chaperon pour le couvrir (Argot du peuple).
CHARGÉ: Quand une fille fait un miché elle dit:
—J’ai chargé.
Dans la nuit elle fait le contraire elle le décharge de son morlingue (Argot des filles). N.
CHARGÉ PAR LA CULASSE: Prendre un lavement.
Les passifs se chargent également par le même côté.
Allusion aux canons (Argot du peuple). V. Passifs.
CHARLEMAGNE (faire): Se mettre au jeu avec peu d’argent, gagner une certaine somme et se retirer de la partie sans donner de revanche (Argot des joueurs).
CHATELLERAULT: Couteau.
Allusion à la ville renommée pour sa fabrication.
On pourrait aussi bien dire Thiers ou Nontron (Argot des voleurs). V. Lingre.
CHARRIAGE À LA MÉCANIQUE: Ce genre de vol est l’enfance de l’art; un mouchoir suffit. Le voleur le jette au cou d’un passant, il l’étrangle à moitié, le charge sur son épaule pendant qu’un complice le dévalise.
C’est exactement le coup du père François, toutefois pour exécuter celui-ci les voleurs se servent d’une courroie flexible ou d’un foulard de soie (Argot des voleurs).
CHARRIAGE AU POT: Ne demande pas non plus un grand effort d’imagination: un pot et un imbécile aussi bête que lui suffisent.
Deux voleurs abordent un individu à l’air naïf. Après quelques stations dans les cabarets, ils lui offrent de le conduire dans un bocard éloigné. En chemin, ils avisent un terrain vague, l’un des deux voleurs exprime à ses compagnons la crainte d’être volé car il porte sur lui une grosse somme. Devant eux il la cache dans le pot qu’il enterre. Plus loin il se ravise et dit au naïf d’aller déterrer l’argent caché, mais auparavant il lui fait donner ce qu’il a sur lui. Le naïf part, ne trouve que des rouleaux de plomb dans le pot et quand il revient les voleurs sont loin (Argot des voleurs).
CHARRIAGE AU COFFRET: Ce vol là est plus drôle.
Un individu, avant l’aspect d’un anglais s’adresse à la dame de comptoir d’un grand café, et lui confie un coffret, mais avant de le fermer à clé il lui fait voir qu’il contient une quantité de rouleaux d’or. Il le ferme, la dame le serre précieusement. Dans la soirée, il revient dire qu’il a perdu sa clé, et lui emprunte quelques centaines de francs. Sans crainte (elle est garantie), elle les lui donne, et ne le revoit plus. Finalement, on fait ouvrir le coffret, il n’y a que des jetons de cercles (Argot des voleurs).
CHARRIER: Signifie se moquer de quelqu’un.
Synonyme de mener en bateau (Argot du peuple).
CHARLOT: Le bourreau (Argot des voleurs).
CHARLOTTE: Pince (Argot des voleurs). V. Monseigneur.
CHARIBOTÉE: En avoir sa charge.
Cela veut aussi dire beaucoup.
—Elle a une charibotée d’enfants (Argot du peuple). V. Tiolée.
CHARMANTE: La gâle.
Par allusion aux vives démangeaisons que cause cette maladie, on la nomme aussi la frotte (Argot du peuple).
CHAROGNE: Individu rugueux, difficile à vivre, être insociable.
Ou dit aussi de quelqu’un qui sent mauvais:
—Tu pues comme une charogne.
De charogne on a fait charognard.
Généralement les patrons ou les contremaîtres qui commandent durement sont qualifiés tels par les ouvriers (Argot du peuple). N.
CHASSES: Les yeux.
On dit d’une femme qui pleure:
—Elle chie des yeux (Argot du peuple).
CHASSER AVEC UN FUSIL DE TOILE: Mendier dans les campagnes.
Allusion à la besace de toile que portent les mendiants pour y mettre ce qu’on leur donne (Argot des voleurs).
CHÂTAIGNE: Soufflet.
—Je vais le coller une châtaigne, ou je vais te plaquer un marron (Argot du peuple).
CHATTE: Homme aimé des pédérastes pour ses manières câlines.
La femme aussi est chatte; si elle est câline à ses heures, à d’autres elle sait griffer (Argot du peuple). N.
CHAUD (Il est): Malin, rusé, méfiant.
Se dit de quelqu’un difficile à tromper (Argot du peuple).
CHAUD DE LA PINCE: Hommes pour qui toutes les femmes sont bonnes.
On dit d’un homme chaud:
—Chien enragé mord partout (Argot du peuple).
CHAUDE LANCE: Maladie qui se soigne à l’hôpital Ricord, ou chez les charlatans qui vantent leurs spécifiques dans les pissotières.
—Traitement facile à suivre, en secret, même en voyage, guérison radicale sans rechute (Argot du peuple).
CHAUDE COMME BRAISE: Femme hystérique qui aime tous les hommes (Argot du peuple).
CHAUFFE LA COUCHE: Homme qui fait dans son ménage l’ouvrage de la femme.
Il soigne les enfants, il chauffe la couche (Argot du peuple).
CHAUFFE GRIPPARD: Chaufferette (Argot du peuple).
CHAUFFER: On chauffe une pièce pour la faire réussir et obtenir un succès.
Chauffer une réunion publique.
Chauffer une femme: la serrer de près, lui faire une cour assidue.
On disait autrefois: coucher une femme en joue. On ajoute de nos jours, par ironie:
—Tu ne la tireras pas, ou bien encore: Ce n’est pas pour toi que le four chauffe.
Chauffer une affaire pour attirer les actionnaires (Argot du peuple).
CHAUSSETTES RUSSES: Être nu-pieds dans ses souliers (Argot du peuple).
CHAUSSON: Putain.
Femme pour qui tout homme est bon.
On dit putain comme chausson, parce que le chausson prête beaucoup et va à tous les pieds (Argot du peuple).
CHAUSSURE À SON PIED: Femme laide et défectueuse qui trouve quand même un amant ou à se marier.
Elle a trouvé chaussure à son pied (Argot du peuple). N.
CHELINGOTER DE LA GUEULE: Puer de la bouche (Argot du peuple). V. Trouilloter de la hurlette.
CHENILLE: Femme laide (Argot du peuple). N.
CHEVALIER GRIMPANT: Les cambrioleurs.
Allusion à ce que les voleurs opèrent aux étages supérieurs des maisons et qu’ils gravissent tous les escaliers (Argot des voleurs).
CHEVALIER DE LA GRIPETTE: Homme qui suit les femmes (Argot du peuple). N.
CHEVRONNÉ: Voleur récidiviste qui a fait plusieurs congés en prison.
Allusion aux anciens briscards de l’armée qui portaient des chevrons sur le bras (Argot des voleurs).
CHIALER: Pleurer.
On dit aussi: y aller de sa larme (Argot du peuple).
CHIARD: Petit enfant.
Allusion à ce qu’il fait dans ses couches (Argot du peuple). N.
CHIASSE (Avoir la): Avoir peur.
Mot à mot: se lâcher dans sa culotte (Argot du peuple). V. Taf.
CHIASSE: Vieille fille publique.
C’est le dernier degré de l’abaissement (Argot des souteneurs).
CHICAN: Marteau (Argot des voleurs). V. Balançon.
CHIC: Il a du chic, il est bien.
C’est une femme chic, un beau porte-manteau, sa toilette est bien accrochée.
L’origine de cette expression n’est pas éloignée.
Un ministre de l’Empire, habitué des coulisses de l’Opéra, envoya deux danseuses du corps de ballet souper à ses frais chez le restaurateur Maire. Très modestes, elles ne dépensèrent à elles deux que quinze francs.
Quand le ministre demanda la note, il fit la moue. Le soir même il leur en fit le reproche et leur dit: Vous manquez de chic, pas de chic.
Quelques jours plus tard il renvoya deux autres danseuses souper au même restaurant. Elles dépensèrent cinq cents francs. Quand il paya il fit une grimace sérieuse: Trop de chic, trop de chic, fit-il.
Le mot fit fortune dans les coulisses et est resté (Argot des filles).
CHICANE (Grinchir à la): Variété du vol à la rencontre.
Chicaner un individu pour le battre, pendant, qu’un complice le dévalise (Argot des voleurs). V. Aquigeurs.
CHICHE: Avare de son argent, lésineur qui tondrait un œuf.
Chiche de ses pas, de sa personne, qui ne rendrait jamais un service à qui que ce soit.
Chiche veut aussi dire: défier quelqu’un de faire quelque chose.
—Chiche de faire ça (Argot du peuple).
CHIE TOUT DEBOUT: Se dit d’un ouvrier indolent, nonchalant.
Synonyme de dort debout (Argot du peuple). N.
CHIEN TOUT PUR: Eau-de-vie.
Allusion au buveur qui a la voix rauque et aboie en parlant (Argot du peuple). V. Eau d’aff.
CHIEN (Avoir du): Posséder un aplomb remarquable.
Femme qui n’est pas belle, mais qui a beaucoup d’audace et plaît quand même.
Elle a du chien (Argot du peuple).
CHIÉE (En avoir une): Avoir une chiée d’enfants.
Avoir une chiée d’ennuis à ne savoir où donner de la tête (Argot du peuple). N.
CHIER (Tu me fais): Tu m’ennuies (Argot du peuple).
CHIER DANS MON PANIER JUSQU’A L’ANSE (Il a): Je n’en veux plus, j’en ai plein le dos.
On dit aussi: il a chié dans ma malle (Argot du peuple). N.
CHIER DU POIVRE: Se sauver des mains des agents.
S’en aller sans tambour ni trompette.
Synonyme de pisser à l’anglaise (Argot du peuple). N.
CHIER DES CORDES À PUITS: Individu qui est tellement constipé qu’il reste une heure sur la tinette en poussant des soupirs à fendre l’âme (Argot du peuple). N.
CHIER DES YEUX: Pleurer (Argot du peuple). V. Baver des clignots.
CHIEUR D’ENCRE: Écrivain (Argot du peuple). V. Cul de plomb.
CHIFFARDE: Pipe (Argot du peuple). V. Bouffarde.
CHINER: Blaguer quelqu’un.
—Il est tellement chineur que tout le monde passe à la chine (Argot du peuple). N.
CHINER: Courir les rues ou les campagnes pour vendre sa camelotte.
Chiner est synonyme de fouiner.
Comme superlatif on dit chignoler (Argot du peuple).
CHINEUR: Genre de voleurs dont les procédés se rapprochent de ceux des charrieurs.
Ils sont pour la plupart originaires du Midi (Argot des voleurs).
CHIPER: Prendre (Argot du peuple).
CHIPOTER: Marchander.
Chipoter dans son assiette avant de manger (Argot du peuple). N.
CHIQUER-CONTRE: V. Battre comtois.
CHLASSE: Saoul à ne pas tenir debout (Argot des souteneurs). N.
CHOPIN (Faire un). Bonne affaire.
Mettre la main sur une femme qui possède des qualités exceptionnelles.
Si la chose faite ne vaut rien, on dit:
—Tu as fait un sale chopin (Argot du peuple).
CHOUCROUTMANN: Allemand.
Allusion au mangeur de choucroute (Argot du peuple). N.
CHOUETTE: Superlatif de tout ce qu’il y a de plus beau, le suprême de l’admiration.
Chouette (être fait): être arrêté par les agents.
Ce n’est pas chouette: ce n’est pas bien.
Elle n’est pas chouette: elle est laide (Argot du peuple).
CIBIGE: Cigarette (Argot du peuple).
CIGOGNE: Le Dépôt de la Préfecture de police (Argot des voleurs).
CINGLER LE BLAIRE (Se): Se saouler.
Se piquer le nez (Argot du peuple).
CIPAL: Abréviation de municipal.
(Argot du peuple).
CINQ CONTRE UN: V. Bataille des jésuites.
CINQ ET TROIS FONT HUIT: Boiteux.
On dit aussi ban-ban.
Allusion au balancement du boiteux en marchant (Argot du peuple).
CIREUX: Qui a de la cire aux yeux.
Dans le peuple on dit de celui qui est affligé de cette infirmité qu’il fournit les cierges au Sacré-Cœur (Argot du peuple).
CIREUR: Vol à la cire.
Voleur qui barbotte les couverts dans les rares restaurants où l’on se sert encore d’argenterie.
Il s’attable, déjeune tranquillement, puis, profitant du mouvement occasionné par le service, il colle adroitement avec de la cire un couvert sous la table, puis s’en va tranquillement.
Quelques instants plus tard un complice vient s’asseoir à la même table et fourre le couvert dans sa poche.
Ce vol est sans danger, si on s’aperçoit de la soustraction, le voleur demande que l’on le fouille, comme on ne trouve rien on lui fait des excuses (Argot des voleurs).
CITRON: Se dit d’un individu qui n’a jamais à la bouche que des paroles amères pour tous (Argot du peuple). N.
CLAQUE: Maison de tolérance.
Abréviation de claque-dents (Argot du peuple).
CLAQUER: Donner une claque sur la figure ou sur le contraire.
Synonyme de gifle.
Allusion au bruit que produit la main (Argot du peuple).
CLAQUER: Mourir.
Allusion à un objet qui claque, qui casse (Argot du peuple).
CLAQUER DU BEC: Avoir faim et ne rien avoir à se mettre sous la dent.
La faim donne la fièvre, les dents claquent (Argot du peuple).
CLAQUEURS: Applaudisseurs à gages (Argot du peuple). V. Romains.
CLAVINS: Clous.
Les voleurs ne connaissent pourtant guère le latin.
Clavin vient de clavus (Argot des voleurs).
CLIGNOTS: Yeux (Argot des voleurs). V. Chasses.
CLIQUETTES: Oreilles (Argot du peuple). V. Esgourdes.
CLOCHE DE BOIS: Déménager furtivement sans prévenir son propriétaire.
Quand le déménagement s’opère par la fenêtre on dit: déménager à la ficelle.
Brûler ses meubles, c’est déménager par la cheminée.
On dit aussi: déménager à la cloche de cuir ou à la sonnette de bois.
CLOU: Le mont-de-piété.
On va, les jours de dèche, y accrocher ses habits.
On dit aussi: aller chez ma tante, mon oncle en aura soin.
On dit également: au plan (Argot du peuple).
CLOUS: Fausses clés (Argot des voleurs). V. Caroubles.
CLOUS: Terme de mépris employé dans les ateliers.
—Tu n’es qu’un clou (Argot du peuple).
COCU: Pourquoi diable fait-on dériver cocu de coucou?
Si l’on suivait la véritable étymologie du mot, ce n’est pas le mari, mais bien l’amant, qu’on devrait appeler cocu; en effet la légende veut que le coucou lasse ses petits dans le nid des autres oiseaux.
(Argot du peuple).
COGNE: Gendarme (Argot des voleurs). V. Hirondelle de potence.
COIFFÉ: Être né coiffé, avoir de la chance, réussir toutes ses entreprises.
Coiffé de quelque chose ou de quelqu’un (Argot du peuple). V. Béguin.
COIRE: Ferme ou métairie (Argot des voleurs).
COLBACE: Conscrit.
C’est une erreur d’écrire colbasse pas plus que colback.
Ce mot est employé par les vieux briscards qui n’aiment pas les bleus.
Il l’est également, par les anciens marlous pour désigner les jeunes souteneurs inexpérimentés (Argot des souteneurs).
COLLE: Mensonge.
Synonyme de craque.
—Tu penses que l’on ne croit pas à tes craques (Argot du peuple).
COLLÉ (Être): Vivre maritalement avec une femme sans avoir passé par la mairie (Argot du peuple).
COLLÉ (Être) à un examen.
Avoir sa bille au billard, collée sous bande.
Être collé: être pris en flagrant délit de mensonge (Argot du peuple).
COLLÈGE: Prison.
Cette expression est d’une grande justesse; c’est, en effet, en prison que les voleurs se perfectionnent dans leur art et que nos grands financiers du jour apprennent à ne plus se faire repincer (Argot des voleurs).
COLIS: Les courtiers ou placeurs qui racolent les femmes sur la voie publique pour les expédier dans les maisons de tolérance; nomment les femmes des colis:
—J’ai à vous expédier un colis de 50 kilos (Argot dos souteneurs). N.
COLIFICHET: Pain (Argot des voleurs). V. Brichelon.
COLLIGNON: Cocher de fiacre.
Cette expression date de l’assassinat de M. Juge par un cocher de fiacre nommé Collignon, qui fut arrêté par Proudhon, rue de l’Ouest.
Collignon fut exécuté.
Ce nom est resté un terme de mépris (Argot du peuple).
COMBERGE: Aller à confesse (Argot des voleurs).
COMBERGO (Aller à): V. Comberge.
COMPAS (L’Avoir dans l’œil): Ouvrier qui a le coup d’œil juste, qui réussit une pièce d’un coup comme s’il avait pris ses mesures avec un compus (Argot du peuple). N.
COMPLET (Il est): Avoir bu outre mesure (Argot du peuple). N.
COMMANDITE: Association d’un certain nombre d’ouvriers compositeurs pour faire un journal (Argot d’imprimerie).
COMPTER SON LINGE: Vomir (Argot du peuple). V. Mettre du cœur sur du carreau.
CONCE DE CASTU: Infirmier d’hôpital.
Conce doit être une corruption de gonce (Argot des voleurs).
CONDÉ (Avoir un): Individu qui obtient l’autorisation de tenir un jeu ou une boutique ambulante sur la voie publique, à condition de rendre des services à la préfecture de police.
Avoir un condé c’est être protégé et faire ce que les autres ne peuvent pas (Argot des camelots).
CONASSE: Fille peu au courant du métier, qui raccroche à n’importe quel prix (Argot des souteneurs). N.
CONNERIE: Bêtise.
—Tu déconnes, tu ne sais pas ce que tu dis.
Mot à mot: tu es un c-o-n, pantoufle, un crétin.
Ce mot ancien vient de conard.
Il est employé dans le peuple pour désigner un autre objet (Argot du peuple).
CONSOLATION (S’en offrir une): Aller boire un coup et même plusieurs chez le marchand de vin pour faire passer un chagrin réel ou imaginaire.
Un assommoir de Belleville avait pris cette enseigne; les buveurs se consolaient en s’empoisonnant (Argot du peuple).
CONSOLATION: Jeu qui se joue dans les wagons de chemins de fer au retour des courses.
Les bonneteurs offrent la consolation aux joueurs malheureux, qui ont celle de se voir encore dépouillés (Argot des camelots).
CONTRE-COUP: Contre-maître.
Quand un ouvrier fait un loup (manque une pièce), c’est le contremaître qui reçoit le contre-coup du patron (Argot du peuple). N.
CONVALESCENCE (Être en): Sous la surveillance de la haute police (Argot des voleurs). V. Surbine.
COPAIN: Camarade de collège, compagnon.
Ce mot n’appartient pas à Ed. About, comme le dit M. Lorédan Larchey, c’est un dérivé du vieux mot français compaing.
Copaille pour copain (Argot des voleurs).
COQUER: Dénoncer (Argot des voleurs). V. Mouton.
COQUER DE RIFLE: Allumer une femme.
S’enflammer en la regardant (Argot des voleurs).
COQUER LA LOFFITUDE: Prêtre qui donne l’absolution.
—J’ai été à comberge et le ratichon m’a coqué la loffitude (Argot des voleurs).
CORBEAU: Frère ignorantin.
Quand les gamins rencontrent un frère, ils crient: Couac! couac! imitant le croassement du corbeau (Argot du peuple).
CORBILLARD: On écrivait autrefois corbeillard, parce que ce mot désignait le coche d’eau qui faisait le service entre Paris et Corbeil.
On a écrit également corbillas et corbillat.
Gouffé a chanté la lugubre voiture:
L’expression de corbillard date de 1793, époque de la création de ces voitures (Argot du peuple). N.
CORBUCHE LOFF: Faux ulcère.
Les mendiants, pour exciter la charité publique, employent toutes sortes de moyens; ils se font manchots, culs-de-jatte, boiteux, etc.
Le truc le plus usité est celui des faux ulcères; une simple mouche de Milan suffit pour produire une plaie artificielle qui peut disparaître par un simple lavage.
Les troupiers carottiers pratiquent ce moyen pour aller à l’infirmerie (Argot des voleurs). N.
CORCIFÉ: La prison de la Conciergerie (Argot des voleurs).
CORDELETTE: Chaîne de montre (Argot des voleurs). V. Cadenne.
CORNARD: Vient de cornette, de la cornette des femmes.
Autrefois, un mari qui se laissait tromper par sa femme était appelé porteur de cornette (Argot du peuple).
COSQSIS: V. Balanceur de tinettes.
COSTEL ou CAUSTEL: Souteneur.
(Argot des souteneurs).
COTES EN LONG: Fainéant (Argot du peuple). V. la Basse.
CÔTELETTE DE PERRUQUIER: Deux sous de fromage de Brie (Argot du peuple).
COTTERET: Forçat libéré.
Cotteret: Petit fagot de bois.
Cotteret de bordel: Paquet de petites bûchettes qui coûte dix centimes et s’allume instantanément.
Allusion à la courte durée de la passe qui ne dure pas plus que le petit paquet de bois (Argot du peuple).
COUACHE: Tête (Argot des voleurs).
COUCHE (En avoir une): Être bête à manger du foin.
Allusion à la couche de fumier que mettent les maraîchers dans leurs châssis pour faire hâtivement pousser les melons; plus la couche est épaisse, meilleur est le résultat (Argot du peuple). N.
COUCHER À LA BELLE ÉTOILE: Dormir dans les champs.
On dit aussi: coucher dans le lit aux pois verts (Argot du peuple).
COUILLE EN BÂTON (De la): C’est une bêtise.
Mot à mot: ce n’est rien (Argot du peuple).
COUILLON: Imbécile, peureux (Argot du peuple).
COULAGE (Avoir du): Ne pas surveiller ses ouvriers.
Perdre sur une commande ou sur une vente.
Couler le patron: le ruiner petit à petit (Argot du peuple).
COULE (Être à la): Malin qui croit que personne ne peut le tromper.
On dit: Il la connaît dans les coins; pas moyen de lui introduire: il est à la coule (Argot du peuple).
COULER DOUCE (Se la): Faire le moins de travail possible et vivre pour le mieux (Argot du peuple).
COULER UN ENFANT: Faire avorter une femme (Argot du peuple).
COULER QUELQU’UN: Couler un individu dans l’esprit de quelqu’un en disant de lui pis que pendre; le perdre dans l’estime d’autrui (Argot du peuple).
COULEURS (En faire voir de toutes les): Mentir, tromper.
Faire à quelqu’un tous les tours possibles (Argot du peuple).
COUILLONADE: Il ne faut pas faire attention à ce qu’il dit, il ne raconte jamais que des couillonades (Argot du peuple).
COUP: Procédé secret et particulier (Argot des voleurs).
COUP DE BAS: Coup dangereux.
Achever quelqu’un, le finir (Argot des voleurs).
COUP DE FLAN: Voler au hasard (Argot des voleurs).
COUP DE FUSIL: Vendre à n’importe quel prix (Argot des camelots).
COUP A MONTER: Piège à tendre.
Tromper quelqu’un (Argot des voleurs).
COUP DE LA BOUFFÉE: Genre de vol pratiqué chez les grands bijoutiers.
Le voleur fume un énorme cigare, il lance au visage de la bijoutière un formidable jet de fumée; aveuglée, elle ne voit pas les mains du voleur travailler (Argot des voleurs).
COUP DE CHASSES: Coup d’œil.
Système employé par certaines filles pour raccrocher les passants.
—Tu ne marches pas, as-tu vu ce coup de chasses? (Argot du peuple).
COUP DE CANIF DANS LE CONTRAT: Homme qui trompe sa femme ou femme qui trompe son mari.
On dit aussi, quand une femme a une masse d’amants, que le contrat est criblé de coups de sabre. (Argot du peuple).
COUP DE FION: Terminer un ouvrage (Argot du peuple). V. Fignoler.
COUP DU CHANDELIER (Le): Dans les maisons de rendez-vous ou chez les femmes publiques un peu cossues, une fois la séance terminée, la bonne vous reconduit en vous éclairant (c’est à charge de revanche), on lui donne généralement un pourboire; elle vous remercie gracieusement, en ajoutant comme Bilboquet:
—Si vous êtes content et satisfait, envoyez-nous du monde.
C’est le coup du chandelier (Argot des filles).
COUP DU LAPIN: Achever un adversaire, lui donner le coup suprême.
Le bourreau donne le coup du lapin au condamné à mort (Argot des voleurs).
COUP DU MALADE: Le voleur va chez un bijoutier choisir des bijoux; il demande qu’on lui porte sa commande à son appartement; il s’en va, et, aussitôt rentré, il se couche en attendant le commis et simule un mal subit.
Quand le commis arrive il trouve l’acheteur entouré de fioles et de pommades, gémissant, il paraît souffrir mille douleurs.
Il renvoie le commis chercher un autre objet, qu’il dit avoir commandé la veille; le commis part sans défiance en laissant les bijoux sur la cheminée; aussitôt le malade se lève et se sauve au plus vite. Quand le commis revient, visage de bois (Argot des voleurs).
COUP DE MARTEAU: Fou par instant (Argot du peuple). V. Mailloché.
COUP DU MOINEAU: Un pégriot a un pierrot apprivoisé; il avise une boutique et lâche son oiseau; celui-ci se sauve derrière les sacs; il entre, pleure, se désole:
—Mon pierrot, mon pierrot.
Les garçons, le patron, la patronne, tout le monde est après le pierrot. Le pégriot profite de cette chasse improvisée pour fouiller dans le comptoir et prendre une poignée de monnaie.
Le pierrot est pris, le gamin se sauve en remerciant, le tour est joué (Argot des voleurs). N.
COUP DU PÈRE FRANÇOIS: Ce coup est très ancien. Autrefois les détenus l’employaient pour se débarrasser d’un personnage qui moutonnait.
Il consiste simplement à étrangler un passant à l’aide d’un foulard de soie.
Louis le Bull-Dogue, élève du père François explique ainsi la manière d’opérer:
COUP DE POUCE: Système employé par certains commerçants pour aider la balance à pencher du côté de la pesée.
Les bouchers jouissent d’une grande habileté pour le coup de pouce (Argot du peuple).
COUP DE SOLEIL: Avoir trop bu du petit bourguignon.
On dit aussi un coup de sirop (Argot du peuple).
COUPE SIFFLET: Couteau (Argot des voleurs). V. Lingre.
COUPER: Échapper.
—Tu n’y échapperas pas, tu n’y couperas pas.
On coupe à une corvée, à une obligation quelconque (Argot du peuple).
COURIR (D’une peur et d’une envie de): Voleur qui s’offre un paletot à l’étalage sans s’occuper du prix.
—Te voilà bien rupin, ma vieille branche, combien que ta pelure te coûte?
—Une peur et une envie de courir (Argot du peuple). V. Foire d’empoigne. N.
COURTAUD DE BOUTANCHE: Lourdaud de boutique.
Synonyme de calicot (Argot des voleurs).
COURTIER: Voleur qui prépare le coup à faire (Argot des voleurs). V. Nourrisseur de poupard.
CRACHER DANS LE SAC: Allusion à la tête du condamné à mort qui tombe dans le sac de sciure.
On dit aussi: éternuer dans le sac (Argot des voleurs).
CRACHER DES PIÈCES DE QUATRE SOUS: Avoir la gorge sèche au lendemain d’une soulographie.
Allusion à l’absence de salive (Argot du peuple). V. Gueule de bois.
CRACHER AU BASSINET: Faire cracher (payer) un débiteur dur à la détente (Argot du peuple).
CRAIE D’AUVERPIN: Charbon (Argot du peuple).
CRAMPE (La tirer): V. Rouscailler.
CRAMPON: Femme ou maîtresse qui ne vous lâche pas et dont rien ne peut vous débarrasser pas même la mort—quand on en rêve (Argot du peuple).
CRAMPONNER (Être): V. Crampon.
CRAN (Être à cran): Être furieux.
On dit aussi: être à crin (Argot du peuple).
CRANEUR (Faire le): Homme qui se fait plus fort qu’il ne l’est, au physique comme au moral.
Un souteneur qui veut tenir le haut du pavé, est un crâneur (Argot du peuple).
CRAPAUD: Cadenas (Argot des voleurs).
CRAPAUD: Moutard (Argot du peuple).
CRAPSER: Mourir.
D’aucuns écrivent clamser ou krapser. C’est crapser qui est le vrai mot (Argot des voleurs).
CRAPULARD: Superlatif de crapule.
Synonyme de canaille, gredin, scélérat.
Injure adressée à des individus assez adroits pour commettre des délits sans tomber sous l’application des lois.
Terme très usité dans le peuple (Argot du peuple). N.
CRAQUEUR: Menteur (Argot du peuple).
CRÈME: C’est une crème d’homme pour dire: il est bon.
Même signification que: c’est un beurre.
Les bourgeois pour exprimer qu’un être est beau disent également:
—C’est une crème.
—C’est une bonne pâte d’homme (Argot du peuple).
CRÊPER LE CHIGNON (Se): Se dit de deux femmes qui se battent avec acharnement.
C’est le contraire qu’il faudrait dire, car après la bataille, le chignon est plus que décrêpé (Argot du peuple).
CRESSON SUR LE CAILLOU (N’en plus en avoir): Homme chauve (Argot du peuple).
CREVER LE BOCAL (S’en faire): Avoir trop mangé.
S’être bourré au point que le bocal (ventre) en crève (Argot du peuple).
CREVETTE: Nom donné aux filles du demi-monde.
On appelle aussi crevette une femme maigre (Argot du boulevard). V. Agenouillée.
CRIBLER À LA GRIVE: Crier à la garde. Appeler au secours (Argot des voleurs).
CRIBLEUR DE VERDOUZE: Marchand des quatre saisons (Argot des voleurs).
CRIBLEUR DE FRUSQUES: Marchand d’habits (Argot des voleurs).
CRIER AUX PETITS PÂTÉS: Femme qui accouche difficilement et qui crie comme une baleine (Argot du peuple).
CRIGNE: Viande dure comme une vieille semelle (Argot des voleurs) V. Bidoche.
CRIGNOLIER: Boucher.
Marchand de crigne (Argot du peuple).
CRIN (Être comme un): Homme sans cesse furieux.
Individu plus gênant que gêné (Argot du peuple).
CRIN-CRIN: Violon.
Allusion au grincement de l’archet sur les cordes (Argot du peuple).
CROCHETTES: Clés (Argot des voleurs). V. Carouble.
CROMPER LA TANTE: Détenu qui s’emploie, pour faire évader un de ses camarades (Argot des voleurs).
CRONÉE: Écuelle.
Une cronée de barbillons de Beauce, voilà la pitance à la Centrousse.
CROQUE-MORT: Porteur de mort.
Le croque-mort est généralement joyeux, il a toujours le petit mort pour rire. C’est l’un d’eux qui a trouvé que la meilleure bière est celle de sapin (Argot, du peuple).
CROQUANT: Paysan (Argot du peuple). V. Pétrousquin.
CROQUENEAUX VERNEAUX: Souliers vernis (Argot du peuple).
CROSSEUR: L’avocat général (Argot des voleurs). V. Bêcheur.
CROTTE DE PIE: Pièce de cinquante centimes (Argot des voleurs).
CROTTE D’ERMITE: Poire cuite.
Allusion à la forme (Argot des voleurs).
CROUSTILLAGE: Nourriture (Argot du peuple). N.
CROUSTILLANT: Quelque chose qui croustille sous la dent.
Pain appétissant, bien cuit.
Jolie fille dont les appâts sont pleins de promesses.
Un récit vif, animé, plein de situations égrillardes, est croustillant.
Paul de Kock et Pigault Lebrun sont restés les maîtres du genre (Argot du peuple).
CROUTER: Casser la croûte.
Le matin, avant de commencer la journée et à quatre heures, les ouvriers mangent un morceau sur le pouce.
Ils cassent une croûte.
On dit aussi: l’heure de la croustille (Argot du peuple). N.
CROUTON: Vieillard bon à rien (Argot du peuple). V. Birbe.
CRU DU CHÂTEAU LA POMPE: Eau.
Se dit par ironie (Argot du peuple).
CUILLER DANS LA TASSE (L’avoir laissée): Femme enceinte (Argot du peuple). V. Avaler le pépin.
CUIR: Peau (Argot du peuple).
CUIR À RASOIR: Tétasses d’une vieille femme dont la peau est dure comme du cuir.
On pourrait repasser ses rasoirs dessus (Argot du peuple). V. Calebasse.
CUISINER: Quand un prisonnier ne veut pas avouer, les agents le «cuisinent» pendant trois ou quatre heures s’il le faut.
Ils réussissent presque toujours, et le prisonnier ne trouve jamais cette cuisine à son goût (Argot des voleurs).
CUITE (En prendre une): Se saouler royalement (Argot du peuple). V. Culotte.
CULBUTE OU CULBUTANT: Pantalon (Argot du peuple). V. Falzar.
CULBUTE (Faire la): Négociant qui fait faillite.
Il fait littéralement la culbute (Argot du peuple).
CUL DE PLOMB: Employ rivé à son fauteuil d’un bout de l’année à l’autre (Argot du peuple).
CULOTTE (En prendre une): Être abominablement pochard.
On dit également: il est cuit, il a trop chauffé le four (Argot du peuple).
CULOTTE (Prendre une): Perdre une grosse somme au jeu (Argot des joueurs).
CUL TERREUX: Paysan.
L’allusion est transparente (Argot du peuple). V. Pétrousquin.
CURÉ DE CAMPAGNE: Femme à tout faire, qui sait se retourner à l’occasion (Argot des filles).
CURIEUX: Juge (Argot des voleurs). V. Palpeurs.
CŒUR SUR LE CARREAU (Mettre le): Vomir (Argot du peuple).
D
DAB ou DABE: Père (Argot du peuple).
DAB DES RENIFLEURS: Préfet de police (Argot des voleurs).
DABIER: Père (Argot du peuple).
DADA (Avoir un). V. Marotte.
DAIM: Imbécile (Argot du peuple). V. Couillon.
DANDILLANTE: La cloche.
Dans les usines, la cloche sonne les heures d’entrées et de sorties et aussi l’heure des repas.
—Si je suis en retard c’est parce que tu as foutu un coup de pouce à la tocante du singe.
Mot à mot: la cloche dandille (Argot du peuple).
DANDINETTE: Diminutif de danse, battre légèrement.
Dandinette est une correction infligée à un enfant désobéissant (Argot du peuple).
DANDILLER: Sonner.
Les faubouriens en ont fait dardiller, de dard.
—Je dardille pour une belle fille (Argot du peuple). N.
DANSE (En donner une): Battre un individu.
Entrer en danse, entrer dans une affaire, apparaître (Argot du peuple).
DANSER: Faire danser quelqu’un.
Synonyme de faire payer (Argot du peuple).
DANSER DU BEC: Puer de la bouche (Argot du peuple). V. Trouilloter de la hurlette.
DANSER L’ANSE DU PANIER (La faire): Domestique qui majore les denrées qu’elle achète et fait payer cent sous à la patronne ce qui en vaut quarante (Argot du peuple).
DARDANTS: Mes amours (Argot des voleurs).
DARDUNNE: Cinq francs (Argot des voleurs). V. Tune.
DARIOLE: Soufflet, coup de poing. A. D.
La dariole est une pâtisserie commune qui se vend dans les fêtes publiques.
Le pâtissier se nomme darioleur (Argot du peuple). N.
DARON: V. Dabe.
DARONNE: Mère; dans le peuple on dit la dabuche (Argot du peuple).
DAUF: V. Paf.
DAUDÉE (Passer à la): Souteneur qui floppe sa marmite quand elle ne rapporte pas de pognon (Argot des souteneurs). N.
DÉBACHER LA ROULOTTE: Changer la voiture de place.
Les forains emploient cette expression pour indiquer qu’il vont d’une ville à une autre. (Argot des saltimbanques).
DÉBAGOULER: Cette expression est usitée dans les faubourgs pour qualifier un orateur de réunion publique qui débagoule son boniment (Argot du peuple).
DÉBALLAGE: Étalage par les camelots de marchandise sur la voie publique ou dans des boutiques louées au mois.
Déballage se dit aussi dans le peuple d’une femme avec qui on couche pour la première fois.
—Tu la crois dodue, bien faite tu vas la voir au déballage; elle a été moulée dans un cor de chasse (Argot du peuple).
DÉBALLER: Soulager ses entrailles pour quinze centimes, ce que ne pouvait digérer Villemessant qui trouvait exorbitant d’être forcé de donner trois sous pour restituer un petit pain qui n’en coûtait qu’un et encore en laissant la marchandise (Argot du peuple).
DÉBALLONNER (Se): S’évader.
Mot à mot: se sauver du ballon (prison).
Déballonner: accoucher.
Se défaire de son ballon ou mieux du lève-jupes (Argot des voleurs).
DÉBINE: Se prend de manières différentes.
Être dans la misère la plus complète.
—Je suis dans la débine.
—Je m’en vais, je me sauve, je me débine (Argot du peuple).
DÉBINER: Dire du mal de quelqu’un.
—Nous l’avons tellement débiné qu’il n’a pu réussir (Argot du peuple).
DÉBINER LE TRUC: Compère mécontent qui révèle le secret de son associé (Argot des voleurs).
DÉBOUCLER SA VALISE: Mourir.
On devrait plutôt dire boucler car le voyage est assez long (Argot des commis voyageurs).
DÉBOULER: Arrivée subite de quelqu’un que l’on n’attendait pas.
—Il déboule subito (Argot du peuple).
DÉBOULER: Femme qui accouche.
Allusion de forme; enceinte à pleines ceintures, elle est ronde comme une boule; accouchant elle déboule (Argot du peuple).
DÉBOULONNER SA COLONNE: Mourir.
Cette expression n’est employée que depuis 1871, lorsque les communards jetèrent la colonne Vendôme par terre parce qu’elle gênait Courbet (Argot du peuple).
DÉBOURRER SA PIPE: V. Déballer.
DÉBRIDOIRE: Outil de malfaiteurs (Argot des voleurs). V. Tâteuse.
DÉBOUTONNER: Parler, avouer.
—Tu peux te déboutonner mon vieux, il faut que nous sachions ce que tu as dans le ventre.
On dit aussi: Déculotte ta pensée (Argot du peuple).
DÉBROUILLARD: Individu qui sait se débrouiller au milieu des ennuis de la vie et qui en sort victorieux.
On emploie, dans les ateliers, cette image caractéristique, mais peu parfumée:
—Il sortirait de cent pieds de merde (Argot du peuple).
DÉCALITRE: Chapeau.
Il a, en effet, la forme d’un boisseau (Argot du peuple).
DÉCAMPER SANS TAMBOUR NI TROMPETTE: Lâcher une femme ou un patron sans les prévenir.
Fausser compagnie à quelqu’un.
Laisser une affaire en plan (Argot du peuple).
DÉCANILLER: Se lever de sa chaise ou de son lit.
—Allons, paresseux, décanille plus vite que ça (Argot du peuple).
DÉCARADE: S’en aller au plus vite.
En un mot, décarrer, partir.
Une vieille chanson dit:
(Argot du peuple).
DÉCARCASSER (Se): S’échiner à faire un travail qui produit peu.
Se décarcasser à courir pour arriver à l’heure de la cloche.
—J’ai beau me décarcasser, je ne suis pas plus avancé une année que l’autre (Argot du peuple).
DÉCARRER DE BELLE: Sortir de prison à la suite d’une ordonnance de non-lieu.
Mot à mot: Je l’échappe belle (Argot des voleurs).
DÉCARTONNER: Mourir de consomption.
Les commères disent: mourir à petit feu.
Décartonner est synonyme de décoller (Argot du peuple).
DÉCHARD: Qui est dans la dèche (Argot du peuple).
DÈCHE: Synonyme de débine.
Cette expression est due à une circonstance curieuse:
Un colosse, nommé Hache, marchand de ribouis au marché du Temple, avait la passion du théâtre; il figurait au cirque de l’ancien boulevard du Temple. Il occupait l’emploi de tambour-major de la garde; c’était insuffisant pour son ambition: il voulait parler. À force d’obsessions, il obtint de Lalouc de dire un mot dans une pièce. Il devait dire à Napoléon:
—Quel échec, mon Empereur!
La langue lui fourcha, il avait oublié sa phrase.
Alors, à tout hasard, il s’écria:
—Sire, ah! quelle dèche!
L’expression est restée, et, dans le peuple, quand on veut indiquer un grand malheur elle est employée (Argot du peuple).
DÉCHIRER SA TOILE: Péter.
Allusion au bruit qui souvent ressemble à un déchirement (Argot du peuple). V. Peau courte.
DÉCORS: Bijoux.
L’expression est jolie. On dit dans le peuple, d’une femme chargée de bijoux: Elle est décorative (Argot du peuple).
DÉCRASSER: Les filles décrassent un homme en le débauchant d’abord, en le ruinant ensuite.
Les voleurs décrassent un pante en le volant.
Décrasser, dans un autre sens, est synonyme de déniaiser (Argot du peuple).
DÉCROCHER UN LARDON: Faire avorter une femme.
Les spécialistes qui se livrent à ce genre de travail se nomment des faiseuses d’anges (Argot du peuple). N.
DÉCROCHER LA LUNE AVEC LES DENTS: Vouloir accomplir une chose impossible.
Expression employée par ironie (Argot du peuple).
DÉCROCHER LA TIMBALE: Arriver bon premier, réussir.
Allusion au mât de cocagne, où le premier arrivé au sommet décroche le premier prix qui est généralement une timbale.
Cette expression est populaire depuis la représentation de la pièce intitulée la Timbale (Argot du peuple). N.
DÉCROCHEZ-MOI ÇA: Vêtements fripés que vendent les marchandes à la toilette.
Comme les vêtements sont accrochés et étiquetés, inutile de marchander; on n’a qu’à dire à la vendeuse: Décrochez-moi ça.
Toute personne mal habillée sent le décrochez-moi ça (Argot du peuple).
DÉCROCHER SES TABLEAUX: Individu qui sans cesse se fourre les doigts dans le nez pour on retirer les ordures.
—Tu reçois donc du monde que tu décroches tes tableaux? (Argot du peuple).
DÉCULOTTÉ: Homme qui a mis son mobilier ou son commerce au nom de sa femme.
Il ne porte plus la culotte.
Déculotté aussi quand la femme est maîtresse au logis: elle porte les culottes (Argot du peuple).
DÉFARGUER: Pâlir.
dit une vieille chanson (Argot des voleurs).
DÉFARGUER: Les joueurs disent cela d’une carte qui les gêne.
Au polignac ils se défarguent du valet de pique (Argot des voleurs). N.
DÉFENDRE SA QUEUE: Défendre sa peau dans une bataille.
Quand deux chiens se battent dans la rue, les spectateurs crient:
—Toto, défend ta queue.
Défendre sa queue, c’est défendre ses intérêts de toutes manières (Argot du peuple).
DÉFILER LA PARADE: Se dit à quelqu’un que l’on chasse.
—Allons, défilez la parade, et plus vite que ça (Argot du peuple).
DÉFLEURIR ou DÉFLOUER LA PICOUSE: Voler le linge qui sèche dans les campagnes, sur des haies (Argot des voleurs). V. Batousier.
DÉFOURAGER: S’en aller, quitter un endroit pour un autre.
—Je défourage de la Centrousse pour renquiller à Pantin (Argot des voleurs).
DÉGLINGUE (Tomber dans la): Être tout à fait par terre.
Plus misérable que les misérables (Argot du peuple). N.
DÉGOBILLER: Vomir (Argot du peuple). V. Mettre du cœur sur le carreau.
DÉGOTTER: Se dit de quelqu’un mal habillé.
—Tu la dégottes mal.
Dégotter, signifie également trouver.
—Il y a deux mois que je la cherche, j’ai fini par la dégotter.
Dégotter quelqu’un: faire quelque chose mieux que lui.
Victor-Hugo, par exemple dégotte Sarrazin, le poète aux olives (Argot du peuple).
DÉGOURDI: Se dit par ironie d’un homme lourd et pâteux.
—J’ai froid, je vais marcher vite pour me dégourdir les jambes.
On dit d’une gamine qui connaît à six ans ce qu’elle devrait ignorer à quinze: elle est dégourdie pour son âge (Argot du peuple).
DÉGRAISSEUR: Le garçon de banque qui à chaque échéance vient dégraisser les débiteurs (Argot du peuple). N.
DÉGRINGOLADE. V. Dégringoler.
DÉGRINGOLADE À LA FLÛTE: Vol commis par une fille sur un miché de passage.
L’expression flûte est assez significative (Argot des voleurs).
DÉGRINGOLER: Tomber d’une haute situation dans la misère.
Dégringoler un pante: tuer un bourgeois.
Dégringoler des hauteurs d’un succès pour tomber dans la médiocrité (Argot du peuple).
DÉGUEULAS, DÉGUEULATIF, DÉGUEULBIF, DÉGOÛTATIF ET EMMERDATOIRE: Individu à l’aspect tellement dégoûtant que sa vue soulève le cœur et donne envie de vomir (Argot du peuple). N.
DÉGUISER EN CERF (Se): Se sauver le plus rapidement possible.
—Je t’invite à un bal masqué, quel costume prendras-tu?
—Je me déguise en cerf.
Mot à mot: Je n’y vais pas (Argot du peuple). N.
DÉMARQUEUR DE LINGE: Homme de lettres qui pille ses confrères sans façon.
Démarquer un article de journal: changer simplement les phrases.
Allusion aux voleurs qui démarquent le linge avant de le bazarder au fourgat (Argot du peuple).
DEMI-AUNE: Le bras.
Les mendiants disent:
—Je tends la demi-aune.
C’est une façon de ne pas avoir l’air que l’on tend la main (Argot des mendiants).
DEMI-RÉCOLTE: Personne petite, naine, chétive.
On dit dans le peuple:
—Sa mère devait être concierge, un locataire aura demandé le cordon au bon moment (Argot du peuple). V. Bas du cul.
DEMOISELLE DE PAVEUR: Sorte de pilon en bois garni à sa base d’un fort morceau de fer. Il sert à enfoncer les pavés pour égaliser la rue.
Ce pilon a deux anses en forme de bras; pour le soulever, les paveurs le prennent par les bras.
Allusion au bras que l’on donne aux demoiselles.
Elles sont généralement moins dures à soulever que la demoiselle du paveur (Argot du peuple). N.
DÉMONTER SON CHOUBERSKI: Mourir.
L’expression n’est pas juste, on devrait plutôt dire: monter son chouberski, car chacun sait que ce poêle n’a rien de commun avec l’élixir de longue vie (Argot du peuple). N.
DÉMORGANER: Accepter une observation.
Comprendre que la morgue est inutile (Argot du peuple).
DEMORRE: Homme (Argot des voleurs).
DÉMURGER: Fuir.
Cette expression est fréquemment employée par les souteneurs au cours d’une bataille:
—Voilà la rousse, démurge, ou y vont le faire chouette. La copaille va rendre l’affe, il est saigné au bon coin (Argot des voleurs).
DÉNICHEUR DE FAUVETTES: Terme ironique employé pour se moquer d’un individu qui se vante de prendre la virginité des filles (Argot du peuple). V. Dépuceleur de nourrices. N.
DÉPAILLER: Jusqu’ici cette expression était employée pour dire qu’une chaise n’avait plus de paille: elle était dépaillée.
Dans les quartiers pauvres, les ouvriers n’ont généralement pas de sommiers; ils couchent sur des paillasses garnies de paille de seigle; quand un propriétaire, un vautour impitoyable, veut les faire expulser, ils disent:
—Tu peux aller chercher le quart et tous ses sergots, tu ne me feras pas dépailler.
Mot à mot: abandonner ma paille (Argot du peuple). N.
DÉPENDEUR D’ANDOUILLES: Homme grand comme une perche à houblon.
Allusion à ce qu’il pourrait sans échelle dépendre les andouilles suspendues au plafond (Argot du peuple).
DÉPENSER SA SALIVE: Orateur qui parle à un auditoire distrait; il parle en pure perte et dépense sa salive inutilement.
On dépense sa salive à vouloir convaincre quelqu’un qui ne veut rien savoir (Argot du peuple). N.
DÉPIAUTER: Synonyme de dépouiller.
Terme commun.
—Je me déshabille, je me dépiaute.
Quand les voleurs s’en veulent pour un motif quelconque, ils tentent de s’arracher la peau.
Mot à mot: se dépiauter comme un lapin (Argot des souteneurs).
DÉPITÉ: Ennuyé, éprouver du dépit, dans le sens de déception.
Dans le peuple on applique cette expression aux députés non réélus.
Le mot français est devenu un mot d’argot.
—C’est un dépité de la Seine ou d’ailleurs.
On dit encore qu’il a été dépoté, prenant la Chambre pour un pot.
Ou bien:
—Les électeurs l’ont enfin déporté (Argot du peuple). N.
DÉPLANQUER: Quand un voleur est en prison, il est en planque.
Il est également en planque quand il est filé par un agent; quand il sort de prison ou quand il grille l’agent, il se déplanque (Argot des voleurs). V. Déplanqueur.
DÉPLANQUEUR: Complice qui déterre les objets volés pendant que son camarade subit sa peine.
C’est un usage chez les voleurs d’enterrer pour les soustraire à la justice, les objets volés; au moins s’ils subissent une peine ils ne font pas du plan de couillé (Argot des voleurs).
DÉPONER: Levare ventris onus. A. D.
Nous voilà suffisamment renseigné si on ajoute pour comprendre que déponer vient de ponant, derrière, et que déponer est synonyme de débourrer.
Quand un individu vous cramponne par trop, on l’envoie... déponer sur la planche où il met son pain (Argot du peuple).
DÉPOTOIR: Confessionnal.
C’est bien en effet un dépotoir, puisque l’on y laisse ses ordures, une fois l’absolution reçue. (Argot des voleurs). V. Comberge.
DÉPOT: Prison située sous le Palais de Justice, où l’on conduit par le panier à salade tous les individus arrêtés par les agents.
C’est un lieu infect, indigne de notre époque, en raison de la promiscuité des détenus et de l’absence d’air et de lumière.
Ce n’est pas dépôt que l’on devrait dire, mais bien dépotoir, car il y passe annuellement 67,000 individus.
Environ 15,000 vagabonds et 22,000 filles publiques.
Je ne compte pas les voleurs qui ont horreur de ce lieu de détention surnommé la Cigogne (Argot des voleurs). N.
DÉPUCELEUR DE NOURRICE: Fanfaron qui s’imagine avoir trouvé la pie au nid et qui y trouve souvent une chose désagréable. (Argot du peuple).
DÉPUCELEUR DE FEMME ENCEINTE. V. Enfonceur de porte ouverte.
DÉRONDINER: Un sou se nommant un rond, de là l’expression pour indiquer que l’on s’en sépare en payant:
—Je me dérondine tous les jours pour sorguer (Argot du peuple).
DÉROUILLER: Recouvrer sa souplesse, se mettre au fait d’un service L. L.
Dérouiller: enlever la rouille d’une pièce de fer ou d’acier.
Dérouiller: perdre ses habitudes casanières pour reprendre ses relations.
Dérouiller a dans le peuple une autre signification.
Pour dérouiller, ce n’est pas le papier émeri qui est employé, mais la première femme venue (Argot du peuple). N.
DÉSATILLER: Châtrer (Argot des voleurs).
DESCENDRE LA GARDE:
Mourir (Argot du peuple).
DESCENDRE À LA CRÈMERIE: Cette expression est employée par les filles qui n’aiment pas les hommes; elle est suffisamment claire.
Par la satisfaction qu’elles éprouvent, elles boivent du lait non écrémé (Argot des filles). V. Accouplée. N.
DESCENTE DE GOSIER: Avoir une soif perpétuelle.
Pochard jamais rassasié (Argot du peuple).
DESCENTE DE LIT: Femme facile, qui se couche au moindre signe.
Synonyme de paillasse (Argot du peuple). N.
DÉSENFLAQUER: Se tirer d’un mauvais pas.
Mot à mot: sortir de la merde.
Un prisonnier est enflaqué; le désenflaquer, c’est lui rendre la liberté (Argot des voleurs).
DÉSENTIFLAGE: Rompre avec quelqu’un avec qui on était lié.
Mot à mot: se désentifler, se quitter, se séparer.
C’est l’opération contraire à celle d’entifler (Argot du peuple).
DESSALÉ: Noyé que l’on retire de l’eau.
Allusion à la morue que les ménagères font dessaler avant de la manger (Argot du peuple).
DESSALEURS: C’était une compagnie d’assassins qui attendaient sur les quais déserts du canal Saint-Martin les passants attardés.
Ils les dépouillaient d’abord et les jetaient ensuite à l’eau.
Le lendemain matin ils arrivaient comme par hasard sur la berge, armés d’un croc et repêchaient le dessalé pour avoir la prime.
L’opération était doublement fructueuse.
La bande fut arrêtée et condamnée. L’expression est restée dans le peuple; tout noyé pour lui est un dessalé (Argot du peuple). N.
DÉTACHER LE BOUCHON: Vider ses intestins.
Allusion à la bouteille qui se vide le bouchon retiré (Argot du peuple). V. Débourrer sa pipe.
DÉTOCE: Détresse, misère.
Quand les aminches n’ont plus d’os, ils sont dans la détoce (Argot du peuple).
DÉTOURNEUR: Voleur.
Détourner, un objet de sa destination (Argot du voleurs).
DÉTOURNEUSE: Voleuse qui opère spécialement dans les grands magasins de nouveautés.
Il y a bien des manières de pratiquer ce vol, elles sont expliquées à leur place (Argot des voleurs).
DÉTOURNEUSE AU MOMIGNARD: V. Abéqueuse.
DEUX SŒURS (mes): Dans le peuple, par abréviation, on dit: mes deux pour te faire une paire de lunettes.
Ce n’est pas des fesses qu’il s’agit, comme le dit Delvau, mais des testicules.
On appelle aussi deux sœurs, les deux nattes de cheveux que les femmes portent sur leurs épaules (Argot du peuple).
DÉVIDAGE A L’ESTORGUE: Acte d’accusation lu en cours d’assises par le greffier.
Dévider: parler; à l’estorgue, faussement (Argot des voleurs).
Dévider: promenade en dévidoir que font les prisonniers sur le préau (Argot des voleurs). V. Queue de cervelas.
DÉVIDER SON CHAPELET: Les portières se chargent de cette opération en cancanant sur les locataires (Argot du peuple).
DÉVISSER SON BILLARD: Mourir.
Quand le billard est dévissé, adieu la partie.
Un à peu près dit qu’il n’y a plus Moyaux de faire une partie de Billoir quand on joue Troppmann (Argot du peuple).
DIABLE: Agent provocateur.
Malgré que ce mot fasse partie du vocabulaire des voleurs, il n’est pas d’usage que les agents de la sûreté provoquent les voleurs à commettre un vol; ils n’ont pas besoin d’être stimulés pour cela.
En politique c’est un fait constant, car, sous l’Empire, jamais il n’y a eu un complot sans que, parmi les pseudo-conspirateurs, il n’y se soient trouvés plusieurs agents de la préfecture de police.
Il y en eut même un du service du fameux Lagrange dans l’affaire des bombes d’Orsini.
Dans le peuple on dit simplement mouchard (Argot du peuple).
DIGELETTES ou DÉGELETTES: Bagues (Argot du peuple).
DILIGENCE DE LYON: (La promettre).
Chose invraisemblable que promit un jour une fille à un client de hasard.
Elle mourut subitement avant d’avoir réalisé sa promesse.
C’était, à ce qu’il paraît, vraiment fantastique: il fallait cinquante mètres de câble, une ancre de marine en acier fondu, cinq kilos de chandelles-des-six, un tonneau de mélasse, un kilo d’essence de géranium, trente éponges, la graisse d’un guillotiné, un fémur de fille vierge, dix litres de pétrole, deux cartouches de dynamite....
Le client parcourut le monde entier à la recherche de la diligence de Lyon, il mourut à son tour sans la rencontrer (Argot des filles). N.
DINDORNIER DE CASTU: Infirmier.
Prisonnier employé comme auxiliaire pour remplir ces fonctions dans les infirmeries des prisons (Argot des voleurs). N.
DINGUER: Envoyer dinguer quelqu’un, c’est l’envoyer promener.
Quand deux hommes se battent et que l’un tombe sur le pavé, sa tête dingue.
Synonyme de sonner (Argot du peuple).
DISTRICT: Maison de tolérance.
Ces maisons sont parquées dans des quartiers spéciaux. C’est un restant des vieilles coutumes du moyen-âge, où les ribaudes étaient parquées dans les clapiers de la Cité.
Mot à mot: maison dans un district (Argot des souteneurs). V. Bocard.
DIX-HUIT: Ce mot est né d’un calembourg.
Un soulier ressemelé est deux fois neuf.
2 fois 9 18 (Argot du peuple).
DOIGT DANS L’ŒIL (Se fourrer le): Prendre ses désirs pour la réalité, croire que s’est arrivé.
S’imaginer être aimé pour soi-même.
Se figurer avoir du talent (Argot du peuple).
DOMBEUR: Pince qui sert aux voleurs pour fracturer les portes (Argot des voleurs). V. Monseigneur.
DONNER: Dénoncer.
Les nonneurs en dénonçant, mot à mot: donnent (livrent) leurs complices à la justice (Argot des voleurs).
DONNEZ-LA: Prenez garde, il y a du danger.
Mot d’avertissement pour prévenir de l’arrivée de la police.
Synonyme d’acrée (Argot des voleurs).
DONNER UN COUP DE PILON: Les mendiants qui ont une jambe de bois nomment cette jambe un pilon.
L’allusion de forme est juste.
Quand ils vont mendier à une porte, ils ont soin de faire voir leur infirmité, de là l’expression donner un coup de pilon (Argot des mendiants). N.
DONNER À LA BOURBONNAISE (La):
Vouloir du mal à un individu, n’oser lui en faire, ne lui rien dire, mais le regarder d’un mauvais œil.
—Qu’est-ce que tu as donc que tu la donnes à la Bourbonnaise sur le barbauttier?
—Y m’a foutu huit jornes de franc carreau (Argot des voleurs).
DORANCHER: Pour dorer, par extension comme billancher pour biller.
On trouve fréquemment dans l’argot du peuple un changement de finale pour exprimer un mot (Argot du peuple).
DORMIR À LA CORDE: Avant l’invention des refuges municipaux (les haras de la vermine) il existait, rue des Trois-Bornes, un bouge tenu par le père Jean.
L’unique salle avait à peu près vingt mètres de long sur trois mètres de largeur. Dans toute la longueur, une grosse corde était tendue; elle était terminée par deux forts anneaux qui la fixaient à chaque extrémité.
Les clients, la plupart des giverneurs, payaient trois sous d’entrée; cette somme leur donnait le droit de s’accroupir les bras sur la corde et de dormir.
Cinquante environ pouvaient y trouver place.
À cinq heures du matin le père Jean sonnait le réveil en tapant avec un morceau de fer sur une vieille casserole.
Parmi les dormeurs il y en avait dont le sommeil était dur: ils ne se levaient pas. Alors le père Jean décrochait la corde et les dormeurs tombaient sur les dalles.
Dormir à la corde est resté légendaire (Argot du peuple). N.
DORMIR DANS L’AUGE: Paresseux pour qui le travail est un supplice.
Allusion au cochon, qui, lorsqu’il est gavé, s’endort dans son auge (Argot du peuple). N.
DORMIR EN CHIEN DE FUSIL: Dormir en cerceau.
Allusion à la forme de l’ancien chien de fusil à piston (Argot du peuple).
DORMIR D’UN ŒIL: Faire semblant de dormir, avoir l’œil ouvert et l’oreille aux aguets.
Le prévenu enfermé dans sa cellule avec un mouton ne dort que d’un œil pour ne pas, pendant son sommeil, laisser échapper des révélations.
On dit aussi dormir en gendarme (être en éveil) (Argot du peuple).
DORMIR SUR LE PAN DE LA CHEMISE DE SA FEMME: Quand un ouvrier arrive en retard à l’atelier, les camarades le plaisantent et le saluent par cette phrase, qui a un sens caché.
—Tu as dormi sur le pan de la chemise de ta femme (Argot du peuple). N.
DORMIR SUR LE RÔTI: Être couché avec sa femme et s’endormir au moment psychologique.
S’endormir sur son travail (Argot du peuple). N.
DORT EN CHIANT: Ouvrier qui va fréquemment au cabinet et y reste longtemps: pendant ce temps-là il ne travaille pas.
Cette expression s’applique surtout aux maçons qui restent accroupis jusqu’à ce que les jambes leur fassent mal.
Dans le peuple on dit:
—Tu chies comme les maçons (Argot du peuple). N.
DOUBLE-SIX: Nègre (Argot des voleurs).
DOUBLEUR DE SORGUE: Voleur de nuit.
Il double la journée (Argot des voleurs). V. Attristé.
DOS VERT: Maquereau.
Ce poisson, en effet, est mélangé de plusieurs couleurs sur le dos.
L’allusion est transparente. (Argot du peuple).
DOSSIÈRÉ: Chaise (Argot du peuple). N.
DOUCE (S’en offrir une): V. Bataille des Jésuites. N.
DOUCETTE: V. Mordante.
DOUILLARD: Peut s’entendre de deux manières.
Clovis Hugues a beaucoup de douilles (cheveux).
Rothschild a beaucoup de douilles (argent) (Argot du peuple).
DOULOUREUSE (La): La carte à payer.
Quand on paye c’est toujours douloureux, c’est l’éternel quart d’heure de Rabelais (Argot du peuple).
DOUILLES: Cheveux (Argot du peuple). V. Alfa.
DOUILLES SAVONNÉES: Cheveux blancs.
Lorsque les cheveux commencent à grisonner, la chevelure est poivre et sel (Argot du peuple). N.
DOUSSIN: Plomb (Argot des voleurs). V. Gras double.
DRAGEOIRES: Les joues (Argot des voleurs). V. Jaffles.
DRAGUE: Le médecin.
Allusion à la drague qui nettoye la Seine.
Le médecin de prison qui a le purgatif facile, drague les intestins des malades qui sont au castu (Argot des voleurs).
DRINGUE: Pièce de cinq francs en argent (Argot des voleurs). V. Tune.
DROGUER: Demander.
Allusion à droguer, attendre.
—Voilà deux heures que ce pierrot-là me fait droguer pour la peau (Argot du peuple et des voleurs).
DROGUEUR DE LA HAUTE: Voleur du grand monde (Argot des voleurs).
DUC DE GUICHE: Guichetier.
À l’instar des anciens ducs féodaux, il règne sur ses vassaux:—les prisonniers (Argot des voleurs).
DUCONNEAU: Être niais.
—Tu es plus bête que celui d’où tu sors (Argot du peuple). N.
DU MÊME TONNEAU: La même chose.
Un homme politique veut tout réformer, il fait de belles promesses à ses électeurs et ne fait pas mieux que ses devanciers.
C’est du même tonneau.
Du vin à douze ou du vin à seize, Bordeaux ou Bourgogne:
C’est du même tonneau (Argot du peuple). N.
DUO D’AMOUR: Yeux pochés (Argot des voleurs). N.
DUR: Il est au dur: en prison.
C’est dur: pénible, difficile.
C’est dur à digérer: grosse sottise ou blague impossible à avaler.
Dur à cuire: vieux troupier qui ne ressent rien.
Dur (être dans son): être ce jour-là plus courageux qu’à l’ordinaire (Argot des voleurs).
DURAILLE: Pierre (Argot des voleurs).
DURAILLE SUR MINCE: Diamant sur carte (Argot des voleurs). N.
DURE (La): Terre.
Les vagabonds, qui y couchent souvent, savent par expérience qu’elle n’a pas la mollesse d’un lit de plume (Argot des voleurs).
DURÈME: Fromage blanc (Argot des voleurs).
DURINER: Ferrer.
Allusion à la dureté des chaînes avec lesquelles autrefois on ferrait les forçats (Argot des voleurs).
E
EAU D’AFF: Eau-de-vie (Argot du peuple).
EAU DE SAVON: Absinthe.
Allusion à l’eau troublée par la dissolution qui ressemble à de l’eau de savon surtout l’absinthe blanche (Argot du peuple). V. Poileuse.
EAUX BASSES: Les eaux sont basses quand arrive la fin de la semaine.
Quand la rivière est basse les bateaux ne circulent pas, quand les eaux sont basses qu’il n’y a plus d’argent pas mèche de naviguer (Argot du peuple). N.
ÉCARTER DU FUSIL: Lancer en parlant des jets de salive.
On dit aussi: lancer des postillons.
Quand quelqu’un a cette infirmité on ouvre son parapluie en l’écoutant et on ajoute:
—Tu baves et tu dis qu’il pleut (Argot du peuple).
ÉCHAPPÉ DE CAPOTE: Chétif, malingre (Argot du peuple). V. Avorton.
ÉCLAIRER: Payer.
—C’est mon vieux qui tient le flambeau.
Mot à mot qui éclaire.
ÉCOPPER: Épuiser l’eau d’un bateau avec une écoppe.
Écopper: recevoir un mauvais coup dans une bagarre.
Dans les faubourgs on dit par ironie:
—Tu boiras de l’anis dans une écoppe.
D’écopper, par corruption, on dit de celui qui est blessé: il est escloppé (Argot du peuple).
ÉCORNER LES BOUTANCHES: Forcer les portes des boutiques.
Cela indique bien l’action de la pince-monseigneur qui fait éclater le bois par la pesée (Argot des voleurs).
ÉCREVISSE DANS LA TOURTE (Avoir une): Être à moitié toqué (Argot du peuple).
ÉCURER LE CHAUDRON: Aller à confesse (Argot des voleurs). V. Comberge et Dépotoir.
ÉCUREUIL (Faire l’): Faire une besogne inutile, marcher sans avancer. A. D.
On nomme écureuil les ouvriers qui tournent la roue chez les petits tourneurs en bois; c’est au contraire un métier extrêmement fatiguant.
Autrefois les écureuils se réunissaient au carré Saint-Martin; c’était un ramassis de toute la fripouille parisienne; depuis que la machine à vapeur s’est vulgarisée ils ont presque disparu.
On les nomme aussi chiens de cloutier.
C’est une allusion au pauvre animal qui tourne la roue toute la journée pour actionner les soufflets de forge, allusion également à l’écureuil qui tourne sans cesse dans sa cage (Argot du peuple). N.
EFFAROUCHER: Prendre, s’évanouir sur la monnaie.
Cela arrive fréquemment dans les cercles, où l’on a remplacé l’expression effaroucher par celle d’apprivoiser.
—J’ai apprivoisé un sigue.
ÉGRUGEOIR (l’): Une tribune quelconque.
L’orateur égruge ses paroles.
Égrugeoir: la chaire à prêcher.
Égrugeoir: les petites boîtes qui ressemblent à un comptoir dans lequel se tiennent les sœurs qui font la lecture aux prisonnières de Saint-Lazare.
Allusion à l’antique égrugeoir qui sert à piler le sel (Argot du peuple). N.
ELLE EST ENCEINTE D’UN PET ELLE ACCOUCHERA D’UNE MERDE DEMAIN: Se dit d’une femme qui a un gros ventre sans pour cela être enceinte (Argot du peuple). N.
EMBALLEUR: Les agents de la sûreté.
Ils emballent en effet les prisonniers dans le panier à salade.
EMBARDER: Entrer dans une affaire (Argot du peuple).
EMBAUDER: Voler de force, d’autorité.
Il est évident que personne ne se laisse voler de bonne volonté, mais il est des voleurs qui reculent devant l’emploi de la force.
Embauder: signifie voleur que rien n’arrête, pas même la police et qui assassine à l’occasion (Argot des voleurs).
EMBOÎTÉ (Il est): Suivi ou arrêté.
On emboîte le pas à quelqu’un pour le suivre sans le perdre.
Être emboîté dans une affaire.
Emboîté, embauché; mot à mot: entrer dans la boîte.
—Je vais t’emboîter (te battre) (Argot du peuple). N.
EMBRASSADE (Le vol à l’): Le voleur feint de reconnaître un ami dans un homme qui vient de faire un encaissement; il se jette dans ses bras et l’embrasse chaleureusement.
En un tour de main il lui vole son portefeuille ou son porte monnaie; il s’excuse de l’erreur qu’il a commise grâce à une ressemblance extraordinaire, puis il file lestement.
Ce tour s’exécute aux environs de la Banque de France et des grandes maisons de crédit (Argot des voleurs).
ÉMÊCHÉ (Être): N’avoir pas assez bu pour être pochard mais suffisamment pour avoir une légère pointe; être allumé.
Allusion à la rougeur du visage (Argot du peuple).
EMMAILLOTER UN MÔME: Combiner un vol.
C’est une redondance de nourrir un poupard (Argot des voleurs).
EMMANCHÉ: Individu qui se tient raide comme un pieu.
Dans le peuple, on dit qu’il à un manche à balai de cassé quelque part.
On emmanche une affaire.
Emmanché se dit aussi dans une autre sens.
—J’ai emmanché la gosse (Argot du peuple).
EMMERDÉ: L’être jusqu’à la garde.
N’avoir plus rien à espérer.
C’est un démenti an dicton populaire qui prétend que marcher dans la merde cela porte bonheur (Argot du peuple).
EMMERDEMENT: J’en éprouve un à cinquante francs par têtes.
Se dit de tous les ennuis possibles.
Travailler, par exemple, est un emmerdement perpétuel (Argot du peuple).
ÉMOUCHEUR: V. Bête à chagrin.
EMPAVES: Drap de lit.
—Je vais m’empaver dans mon pieu (Argot des voleurs). N.
EMPAILLÉ: Imbécile qui ne remue pas plus que s’il était empaillé dans une vitrine du Musée zoologique (Argot du peuple).
EMPIFFRER: Manger comme un cochon (Argot du peuple).
EMPOUSTEUR: Truc très commun employé par des placiers.
Ils déposent chez des commerçants des mauvaises marchandises, à condition; des compères les achètent; les marchands alléchés prennent de nouveaux dépôts qui, cette fois, leur restent pour compte (Argot des voleurs).
EMPROSEUR: Variété de pédéraste (Argot des voleurs).
ENCALDOSSÉ: Superlatif d’endossé (Argot des voleurs). V. Passif.
ENCHTIBÉ (Il est): Être pris, arrêté (Argot des voleurs).
ENCLOUÉ: Allusion au canon dont on encloue la lumière (Argot des voleurs). V. Passif.
ENDORMI: Juge.
Allusion à ce que les juges dorment dans leur fauteuil pendant que les avocats plaident (Argot des voleurs). N.
ENDORMEUR: Individu qui sans cesse promet une chose et ne la tient jamais.
Endormir est aussi synonyme de voler.
—Il s’est endormi sur des bijoux (Argot des voleurs).
ENDORMEUR: Voleur qui opère au moyen d’un narcotique.
Les romanichels se servent pour ce genre de vol d’une décoction de datura stramonium.
Ce vol se pratique en wagon. Le voleur profite du sommeil d’un voyageur pour lui couvrir le visage d’un mouchoir imbibé de chloroforme.
Les voleurs qui ont cette spécialité forment une secte à part (Argot des voleurs).
ENDROGUER: Chercher un coup à faire.
Le voleur drogue (attend) sur le trottoir l’occasion favorable (Argot des voleurs). V. Arracheur de chiendent.
ENFIGNEUR: Vient de fignoton.
Ce dernier mot en dit assez. C’est l’actif du passif (Argot du peuple).
ENFLAQUÉ (Être): Enfermé, emprisonné (Argot des voleurs).
ENFLÉE: Femme enceinte.
On dit aussi: avoir une fluxion de neuf mois (Argot du peuple).
ENFONCEUR: Banquier qui promet 50% par mois aux imbéciles et qui termine ses opérations en emportant la grenouille à l’étranger (Argot du peuple).
ENFONCEUR DE PORTE OUVERTE: Homme qui se vante d’avoir pris la virginité d’une fille alors qu’elle était enceinte de six mois (Argot du peuple). N.
ENFRIMER ou ENFRIMOUSSER: Dévisager quelqu’un.
Les agents de la Sûreté enfriment les voleurs pour reconnaître les récidivistes (Argot des voleurs).
ENGAYEUR: Complice qui attire le trèpe (la foule) pendant que son complice explore les poches des badauds.
L’engayeur est indispensable à tous les camelots; c’est lui qui le premier achète l’objet mis en vente, pour entraîner les acheteurs.
L’engayeur est le complice du bonneteur; il mise pour engager les pontes à jouer (Argot des camelots).
ENQUILLER: Entrer.
—Il y a longtemps que je cherche à m’enquiller dans cette boîte (Argot du peuple).
ENQUILLEUSE: Voleuse qui opère dans les grands magasins de nouveautés.
Elle enquille la marchandise volée entre ses cuisses.
Il faut vraiment être organisée particulièrement pour cacher un coupon de soie à cet endroit-là (Argot des voleurs).
ENRHUMÉ DU CERVEAU: Allusion au nez qui coule sans cesse.
Mais ce n’est pas du nez qu’il s’agit (Argot du peuple). V. Lazzi-loff.
ENTAILLER: Tuer quelqu’un.
C’est en effet une fameuse entaille.
Avinain et Billoir étaient deux rudes entailleurs (Argot des prisons).
ENTAULER: Entrer dans une taule (maison) (Argot des voleurs).
ENTAULER À LA PLANQUE: Entrer dans une cachette pour se soustraire aux recherches de la police.
On entaule aussi à la planque des objets volés pour les reprendre au sortir de prison (Argot des voleurs).
ENTERREMENT: Morceau de gras-double, de lard et de pain que les femmes vendent aux environs des halles.
On les appelle Mesdames la poële, parce qu’elles font frire leur marchandise dans cet instrument de cuisine.
Un enterrement de première classe coûte trois sous, de deuxième deux sous, de troisième un sou.
Ces femmes gagnent de dix à douze francs par jour (Argot du peuple). N.
ENTOILÉ: Emprisonné.
Synonyme d’enflaqué.
Cette expression vient de ce que dans les camps, la salle de police est sous une tente-abri: de là entoilé.
Mot à mot: emprisonné sous la toile.
S’entoiler: se coucher, se fourrer dans ses draps (Argot du peuple). N.
ENTRAVES: Les cordes et les courroies qui ligottent les condamnés à mort pour entraver leurs mouvements quand ils marchent à l’échafaud (Argot des voleurs).
ENTRAVER: Empêcher une affaire.
Mettre des bâtons dans les roues.
Entraver: comprendre.
—J’entrave bigorne.
Mot à mot: Je comprends l’argot et non pas je le parle.
Entraver a un double sens:
—J’entrave nibergue ou niente.
Je n’entends rien, je ne comprends pas (Argot des voleurs).
ENTRECÔTE DE BRODEUSE: Une saucisse de deux sous ou une côtelette panée que les charcutiers tiennent au chaud dans des boîtes de fer blanc, et que les ouvrières mangent pour leur déjeuner—pas la boîte, mais la côtelette (Argot du peuple).
ENTROLER: Emporter des objets volés.
Troller serait plus exact, car ce mot signifie porter (Argot des voleurs).
ENVOYER UNE LETTRE CHARGÉE AU PAPE: Allusion au papier employé qui est en effet chargé d’un singulier cachet (Argot du peuple). V. Déballer.
ENVOYER AUX PELOTTES:
Envoyer promener quelqu’un.
On dit aussi envoyer à la balançoire, ou va le baigner (Argot du peuple). V. Dinguer.
ENVOYER À LA GOUILLE: Jeter quelque chose en l’air, au hasard.
Jeter une poignée de sous à des enfants (Argot du peuple).
ÉPARGNER LE POITOU: Cette expression se comprend peu; en effet, Poitou veut dire public; or, il n’est pas d’usage que les voleurs l’épargnent, puisque c’est lui justement qui forme toute sa clientèle.
Poitou veut aussi dire non point.
ÉPASTROUILLANT: Extraordinaire (Argot du peuple). N.
ÉPATANT: M. Jean Rigaud, dans son Dictionnaire d’argot moderne (1881) dit à ce propos du mot épater:
—Épater, épate et leurs dérivés viennent du mot épenter, qui signifiait au XVIII‧ siècle intimider.
Il y a quelques années, M. Francisque Sarcey écrivait que le vocable appartenait à Edmond About, qu’il avait été dit par Pradeau dans le Savetier et le Financier, pièce représentée en 1877 aux Bouffes Parisiens; le savant écrivain ajoutait que huit jours après, le «Tout-Paris» répétait ce mot.
Cette expression, n’en déplaise au maître critique et à M. Jean Rigaud, n’appartient ni au XVIIIe siècle ni à Edmond About, elle a cinquante quatre ans seulement d’existence.
Elle a pris naissance au Café Saint-Louis, rue Saint-Louis, au Marais (aujourd’hui rue de Turenne).
Des ouvriers ciseleurs sur bronze jouaient au billard une partie de doublé. À la suite d’un bloc fumant, Catelin, une contrebasse du Petit Lazzari, qui avait parié pour un des joueurs et qui perdait par ce coup, se leva furieux, et d’un brusque mouvement fit tomber son verre sur la table de marbre.
Le verre se décolla net.
—Tiens, dit Catelin, mon verre est épaté—le verre n’avait plus de pied.
À chaque coup, les joueurs répétaient à l’adversaire: tu es épaté et, quand la partie se termina par un coup merveilleux, un des joueurs dit au vainqueur:—Si nous sommes épatés, tu es épatant.
Catelin, sans le savoir, se servait du mot épaté qui est en usage depuis des siècles dans les verreries, parmi les ouvriers verriers.
Ils disent d’un verre sans pied, mis à la refonte pour ce motif, il est épaté.
Épaté signifie étonnement (Argot de tout le monde). N.
ÉPINGLE AU COL (En mettre une): Avaler un demi setier d’un seul trait.
On dit aussi: mettre une épingle à sa cravate (Argot du peuple). N.
ÉPOILANT: Plus fort que tout ce que l’on peut rêver.
Pourtant la source de ce mot est des plus simples et ne signifiait au début rien d’extraordinaire.
À l’école de Saumur, en faisant un travail dans le manège, un cheval tomba et se couronna les deux genoux. En le relevant, l’élève dit:
—Mon pauvre cheval est époilé.
L’expression est restée, mais elle est autrement appliquée (Argot du peuple). N.
ÉPOUFFER: Saisir à l’improviste un passant par derrière, comme cela se pratique pour exécuter le coup du père François (Argot des voleurs).
ÉPOUSER LA VEUVE: Être guillotiné.
C’est Charlot qui remplit l’office de maire et les aides qui servent de témoins pour ce mariage forcé (Argot des voleurs).
ÉPOUSER LA FOUCANDIÈRE: Quand un voleur est pris par les agents en flagrant délit, en se sauvant, il jette sur la voie publique ou dans les égouts, s’il le peut, les objets volés, afin de se débarrasser des preuves compromettantes (Argot des voleurs).
ÉPPRENER: Appeler quelqu’un.
L’auseignot vient d’épprener bancalo pour aller au rastue (greffe) (Argot des voleurs). N.
ERMITE: Voleur de grands chemins.
Ainsi nommé parce qu’il opère généralement seul.
On dit aussi un solitaire (Argot des voleurs).
ESBIGNER (s’): Se sauver.
Dans les faubourgs, quand un voyou sait qu’il va recevoir une maîtresse correction, il s’esbigne (Argot du peuple).
ESBROUFFE (En faire): Faire des embarras, du vent, de la mousse.
Esbrouffe est un vieux mot qui vient d’esbouffer, éclabousser.
C’est Théophile Gautier qui a transformé ce mot dans le sens de vent et de mousse.
Les escarpes se sont emparés du mot esbrouffer pour désigner un genre de vol assez répandu.
Ce vol consiste à bousculer un passant dans la rue, à profiter de sa surprise pour le voler et s’excuser ensuite (Argot des voleurs).
ESBROUFFER: Dire des sottises à quelqu’un, le secouer vertement (Argot du peuple).
ESBROUFFEUR: Qui fait des esbrouffes.
Voleur à l’esbrouffe (Argot des voleurs).
ESCABRANTE: Échelle (Argot des voleurs) V. Montante.
ESCARGOT: Vagabonds, les habitués des refuges, les gouapeurs des halles, les hirondelles du Pont-Neuf.