Dictionnaire d'argot fin-de-siècle
(Argot du peuple).
TROLLER: Porter. A. D.
Troller veut dire marcher.
—On te voit troller partout, tu ne travailles donc pas?
Il existe au faubourg Antoine des ouvriers ébénistes en chambre qui confectionnent des meubles pour leur compte.
Ils trollent pour les vendre depuis la rue de la Muette jusqu’à la Bastille, généralement le samedi; ce jour-là, le trottoir se nomme la trolle (Argot des ébénistes). N.
TROMBILLE: Bête, quelle que soit sa race (Argot des voleurs).
TROMBOLLER: Aimer autrement que platoniquement.
—Je vais tromboller ma gonzesse (Argot des souteneurs).
TROMPE-LA-MORT: Individu condamné par les médecins, qui n’en meurt pas plus vite pour cela.
—Il trompe la mort qui le guette.
On dit également:
—Il a repris du poil de la bête.
Cette expression: trompe la mort, date de 1848.
Un ouvrier forgeron, arrêté sur une barricade, lors de l’insurrection de Juin, fut conduit, avec un groupe de combattants, à la tombée de la nuit, au Champ de Mars, où se faisaient en masse les exécutions sommaires. On fusillait les malheureux rang par rang.
Il était au second rang; par une présence d’esprit incroyable, à ce moment suprême, il tomba en même temps que le premier rang; on n’y fit pas attention.
Vers onze heures du soir, l’exécution terminée, des tombereaux vinrent enlever les cadavres pour les transporter au cimetière Montmartre et les jeter dans la fosse commune.
On ne les recouvrait pas de terre, afin que les familles puissent les reconnaître le lendemain.
L’ouvrier avait eu la malchance d’être jeté au fond du tombereau; il était inondé du sang qui coulait sur lui.
Pendant le trajet, après des efforts inouïs, il parvint à se hisser au-dessus des cadavres; il sauta à bas de la lugubre voiture sans être aperçu, et alla se cacher chez un ami.
Le calme revenu, il rentra à l’atelier. Stupéfaction générale. Les camarades, qui connaissaient l’aventure, lui crièrent:
—Tiens! voilà Trompe la mort.
Il l’avait rudement trompée, car il ne mourut qu’en 1888, à l’âge de quatre-vingts ans.
Trompe la mort (Argot du peuple).
TRONCHE: Tête (Argot des voleurs).
TRONCHE DE REFROIDI: Fromage de Hollande, connu plus généralement sous le nom de tête de mort (Argot des voleurs).
TRONCHER: Le vocable s’explique suffisamment par ceci:
—Bibi a tronché la môme, elle a avalé le pépin (Argot du peuple).
TRÔNE (Être sur le): Être assis sur la lunette des chiottes.
Quand ça va bien, sûrement, on est plus heureux qu’un roi assis sur le trône (Argot du peuple).
TROP CUIT: Femme ayant des cheveux rouges.
—Elle a été trop longtemps enfournée, elle est trop cuite (Argot du peuple). N.
TROP TÔT VELÉ: Enfant venu avant terme.
Allusion au veau mort-né.
Avorton chétif et malingre (Argot du peuple).
TROTTEUSE: Montre qui marque les minutes.
Trotteuse: fille publique infatigable qui trotte du soir au matin pour raccrocher (Argot des souteneurs).
TROTTIN: Apprenti modiste que l’on rencontre arpentant les rues de Paris, portant une petite boîte qui contient un chapeau.
C’est le gavroche femelle des ateliers de modistes.
Le mot n’est pas nouveau. Scarron dit quelque part:
(Argot du peuple).
TROTTINETTES: Bottines (Argot des voleurs).
TROTTOIR: S’entend de deux façons.
Faire le trottoir, raccrocher.
Il n’est pas nécessaire pour faire le trottoir d’être sur le trottoir.
Le trottoir est partout où la femme lève l’homme.
Pendant l’Exposition de 1889, le trottoir de ces dames était le pont de l’Alma.
À ce sujet, on avait fait ce calembourg:
—Les putains préfèrent le pont pour voir le velum (Argot des filles). N.
TROU DE BALLE: Le derrière.
On dit aussi: la lumière (Argot du peuple).
TROUFFION: Petit troupier (Argot du peuple). N.
TROUILLE: Domestique malpropre, femme du peuple rougeaude et avachie. A. D.
Trouille ne se prend pas en ce sens; cela veut dire: tu n’as pas peur.
Trouille est synonyme de hardiesse.
—Tu n’as pas la trouille d’entreprendre une tâche aussi difficile (Argot du peuple). N.
TROUILLOTER DE LA HURLETTE: Puer de la bouche (Argot du peuple). N.
TROUVER MAUVAISE (La): Quand, par un verglas abominable, on se casse la figure, elle est mauvaise.
Quand votre femme vous pond un gosse tous les ans, elle est mauvaise.
Quand on a acheté cent mille francs de Panama, elle est mauvaise.
En un mot on trouve mauvais tout ce qui vous arrive de désagréable dans la vie (Argot du peuple). N.
TROUVEUR OU PART À DEUX. V. Ramastiqueur.
TROUVEURS-FAUX VENDEURS: Genre de vol pratiqué aux environs des gares de chemins de fer.
Il consiste à feindre de trouver une bague en cuivre placée à l’avance par un complice dans un endroit désigné, et à la vendre comme de l’or à un naïf qui débarque (Argot des voleurs). V. Ramastiqueurs. N.
TRUC: Connaître le truc, être malin.
Avoir du truc, avoir les moyens de réussir.
Truc: machine de théâtre employée dans les féeries pour un changement de décors à vue.
Truc: moyen secret que possède un individu de faire quelque chose (Argot des camelots et des saltimbanques).
TRUCHE: Est une manière spéciale de voler.
Le voleur qui la pratique est un trucheur (Argot des voleurs).
TRUFFE: Nez, lorsqu’il est gros en forme de groin.
Allusion au cochon qui s’en sert pour chercher des truffes.
Le peuple dit aussi: piton (Argot du peuple).
TRUFFÉ: Crétin, niais, imbécile.
Synonyme d’andouille.
On dit dans le peuple:
—Il est truffé de bêtise, il arrive de son patelin, il n’est pas dessalé (il n’est pas dégrossi).
On dit également:
—Il est truffé d’argent.
Truffé, pour: beaucoup (Argot du peuple).
TRUFFE DE SAVETIER: Des marrons.
Le marron remplace la truffe chez le savetier, comme la pomme de terre remplace l’orange pour le Limousin (Argot du peuple).
TRUMEAU: Comédie ou vaudeville Louis XV. A. D.
Trumeau signifie vieille femme.
On dit dans le peuple:
—Sale trumeau, ta gueule est bonne à foutre dans les lieux pour faire chier les gens de peur (Argot du peuple). N.
TRUQUAGE: Se dit d’un meuble, d’un tableau ou d’un objet d’art qui a subi un truquage pour lui donner l’apparence de la vétusté ou le style d’une époque.
Il y a des truquages célèbres qui ont trompé les plus grands amateurs.
Un des plus souvent mystifiés est M. de Rosthschild.
Tout le monde a présent à la mémoire le fameux bouclier acheté 100,000 fr., comme datant du XVe siècle, lequel avait été déniché à Rome chez un brocanteur.
Ce bouclier avait été fabriqué de toutes pièces dans une cave de la rue Bourg-Labbé, et ne valait pas cent sous (Argot des artistes peintres). N.
TRUQUEUR: Le truqueur est un filou qui va de village en village et de foire en foire, avec un petit jeu de hasard qu’il exploite habilement.
Ce jeu est généralement un chandelier fait avec les débris d’un vieux chapeau; il met un sou sur le chandelier qui est placé dans une assiette. Il s’agit, au moyen d’une longue baguette d’osier, de faire tomber le chandelier et que le sou reste dans l’assiette.
Cela n’arrive jamais, à moins de connaître le truc.
Il y a une masse de truqueurs, surtout en cette fin-de-siècle où tout est truc pour gagner sa vie. (Argot du peuple). N.
TUBE: Chapeau haut de forme.
On dit aussi: tuyau de poêle (Argot du peuple).
TUBE: Le gosier.
Dans le peuple, on dit de celui qui a le ventre creux:
—Il n’a rien à se mettre dans le tube.
Boire un bon coup, c’est se rincer le tube.
—Il est quatre heures, je vais me coller un peu de fripe dans le tube.
Mot à mot: je vais manger (Argot du peuple).
TUER LE VER: boire la goutte, le matin, ou un verre de vin blanc.
Quand on suppose que le ver est solitaire (dur à tuer), les ouvriers boivent plusieurs tournées, alors ce n’est pas le ver qui est tué, mais bien le buveur.
Les voleurs disent également qu’ils ont tué le ver lorsqu’ils ont des remords.
Ils ne le tuent pas souvent (Argot du peuple et des voleurs).
TUILE: Malheur qui arrive à quelqu’un.
—J’ai perdu mon porte-monnaie, quelle tuile!
Quand il arrive inopinément une douzaine de personnes à dîner, lorsqu’il n’y en a que pour deux, la ménagère dit:
—Quelle tuile nous tombe sur la tête (Argot du peuple).
TUNE: Pièce de 5 francs en argent (Argot du peuple). V. Brème de fonds.
TUNE: Bicêtre, l’ancien refuge naturel des sujets du roi de Thunes. A. D.
Ce n’est pas le mot tune qui est vrai.
C’est tunobe.
La prison de la Force, démolie en 1850, était ainsi appelée par les prisonniers.
Dans les autres dictionnaires d’argot, on ne trouve que tuneçon, expression qui ne veut rien dire (Argot des voleurs). N.
TUNER: Mendier.
Tuneur: mendiant.
Il est pourtant rare qu’on donne une tune à un mendiant.
Tuner, c’est l’apocope du mot importuner (Argot des voleurs). N.
TURBIN: Tout travail, quel qu’il soit.
Turbiner, c’est durement travailler.
Aller au turbin, c’est aller à l’atelier.
Turbineur: celui qui travaille.
Turbineur: qui met en mouvement la turbine, de là, turbin, turbiner (Argot du peuple).
TURNE: Poussier, taudis, logement malpropre et insalubre, sans air ni lumière.
—Si tu restes éternellement dans ta turne, tu ne trouveras jamais rien à briffer.
—Comment peux-tu rester dans une pareille turne! (Argot du peuple).
TU-TU: Petit paquet de mousseline chargé de cacher ce que le maillot collant indique trop—pour le père la Pudeur—alias M. Bérenger-Caton.
La vieille chanson dit:
Ça ne gêne pas la Môme Fromage ni Grille d’Egout, moi non plus (Argot du peuple).
TU T’EN FERAIS MOURIR: Réponse ironique à une question saugrenue.
—Payes-tu à déjeuner? prêtez-moi cent francs; avance-moi mon mois; viens coucher avec moi?
—Tu t’en ferais mourir.
Mot à mot: Tu ne voudrais pas (Argot du peuple). N.
TUYAU: Le gosier.
Le tuyau est bouché, pas mèche de boulotter (Argot du peuple).
TUYAUX: Renseignements confidentiels.
Cette expression est en usage dans le monde qui fréquente les champs de courses.
Un bookmaker qui a un cheval chargé de paris fait donner par un émissaire un faux tuyau sur une rosse; les imbéciles s’empressent de prendre ce cheval, qui n’arrive jamais (Argot des bookmakers). N.
TUYAU DE POÊLE: Chapeau haut de forme.
Allusion juste, car il a la forme et la couleur d’un tuyau (Argot du peuple).
TYPE: Individu quelconque.
—J’ai un type qui me cramponne.
Avoir un bon type, avoir un bon enfant qui se laisse faire (Argot des filles). N.
TYPOTE: Femme employée depuis peu d’années dans les ateliers de composition.
C’est un compagnon au même titre que les ouvriers typographes; néanmoins, quand les typotes sont nombreuses, on se croirait plus volontiers dans une volière du Jardin d’Acclimatation que dans un atelier de composition.
Généralement, la typote est plus habile à soigner un pot-au-feu et à raccommoder ses bas qu’à lever la lettre.
Enfin, il est dit qu’il faut que la femme lève quelque chose (Argot d’imprimerie). N.
U
UN DE PLUS: Homme qui a des malheurs conjugaux.
Encore un de plus dans la grande confrérie.
—Mon vieux, tu en fais un de plus.
—Il vaut mieux être cocu qu’aveugle; on peut voir ses confrères (Argot du peuple).
URFE: Homme chic.
—J’ai levé un miché qui est rien urfe.
Une chose urfe est une belle chose, supérieure (Argot des filles). N.
URGE: Expression de convention entre les filles qui fréquentent les restaurants de nuit et certains bals, publics pour coter un homme.
Un homme qui ne donne que trois urges est un miché de carton, celui qui donne six urges est pour le moins un prince russe (Argot des filles).
URLE: Parloir de prison. L. L.
Ce n’est pas urle qui est en usage, c’est urloir.
En effet, les visiteurs sont forcés, à cause des grilles qui les séparent des détenus, de hurler pour se faire entendre et converser (Argot des voleurs). V. Parloir des singes. N.
URSULE: Vieille fille qui a doublé le cap de la cinquantaine et a par conséquent coiffé deux fois Ste-Catherine.
Comme sa patronne Ursule, martyr à Cologne, elle est martyr d’une virginité rentrée et martyrise les autres par son caractère acariâtre (Argot du peuple). N.
UT: Quand les compagnons typographes portent la santé d’un des leurs, ils disent: ut.
Ut tibi prosit: que cela te profite (Argot d’imprimerie).
V
VACHE: Expression fréquemment employée dans le peuple pour qualifier une femme qui se livre au premier venu.
Dans le peuple, quand on a dit d’une femme: c’est une vache, il est impossible de rien dire de plus.
Quand un homme épouse une femme enceinte, on lui dit:
—Tu prends la vache et le veau (Argot du peuple).
VACHE: Homme mou, bon à rien.
Vache, quand il dénonce ses camarades ou travaille au rabais.
—Tu n’es qu’un cochon, tu passes ta vie à faire des vacheries (Argot du peuple).
VACHE: Sergent de ville ou agent de la sûreté.
Dans les prisons, malgré les règlements et la surveillance active pour les faire observer, les détenus écrivent leurs pensées sur les murs.
Les plus communes sont celles-ci:
—Mort aux vaches.
—Quand je serai désenflaqué, gare à la vache qui m’a fait chouette et qui m’a fait tirer un bouchon (Argot des voleurs). N.
VACHE À LAIT: Homme riche, qui a le louis facile et que les tapeurs trayent jusqu’à extinction.
Vache à lait: gogo qui souscrit à toutes les émissions véreuses sans se lasser jamais.
Pour le souteneur, la marmite est une bonne vache à lait.
Une affaire qui rend bien, qui rapporte beaucoup, sans risques et sans efforts, est une vache à lait.
Allusion à la vache laitière qui est une fortune inépuisable (Argot du peuple).
VACHER: Individu grossier en paroles ou en gestes.
—Il est grossier comme du pain d’orge, on dirait qu’il a été élevé derrière le cul des vaches.
Allusion aux vachers qui jurent toute la journée. (Argot du peuple).
VACHERIES: Saletés, cochonneries faites à quelqu’un.
Prendre la femme d’un camarade et surtout la lui rendre, c’est une vacherie.
Emprunter les effets d’un ami, les coller chez ma tante et ensuite laver la reconnaissance, c’est lui faire une vacherie (Argot du peuple). N.
VACHERIES: On nomme ainsi les brasseries où les consommateurs sont servis par des femmes.
Le mot est juste, car elles sont de véritables vaches, pas à lait, par exemple (Argot du peuple). N.
VADE: Foule, rassemblement.
Synonyme de trépe.
Le camelot fait un vade pendant que des complices fabriquent les profondes des badauds (Argot des voleurs).
VA CHERCHER UN DÉMÊLOIR: Se dit de quelqu’un qui parle d’une façon embrouillée; on ne peut démêler ce qu’il veut dire (Argot du peuple).
VA T’ASSEOIR SUR LE BOUCHON: Quand un individu vous rase, on lui dit d’aller s’asseoir; s’il insiste, on l’envoie s’asseoir sur le bouchon (Argot du peuple).
VA-TE-LAVER (Un): Soufflet.
On emploie aussi cette expression pour envoyer promener un gêneur (Argot du peuple).
VADROUILLE: Cette expression dans la marine signifie: brosse à plancher.
Elle s’applique aux filles qui traînent dans les ports de mer (Argot des souteneurs).
VADROUILLE: Faire une vadrouille, en pousser une.
Vadrouiller: se déranger de ses habitudes, rôder dans des milieux auxquels on n’est pas habitué (Argot du peuple).
VAGUE (En pousser une): Synonyme d’arracheur de chiendent, aller au hasard, vaguement, avec l’intention de voler n’importe qui ou n’importe quoi (Argot des voleurs).
VAGUE: Les filles qui raccrochent donnent un coup de vague, elles font leurs affaires.
Vaguer, promener au hasard, est une corruption du mot français vaquer (Argot des souteneurs).
VAISSELLE DE POCHE:
C’est une vaisselle que les ouvriers aiment bien à casser, surtout les jours de Sainte-Flemme (Argot du peuple).
VALADE: La poche.
—J’avais caré deux sigues dans une valade de mon falzar, ma scie les a dénichés, je vais crapser de la pépie pendant tout le marqué (Argot des voleurs).
VALANT: Pince à usage des cambrioleurs (Argot des voleurs). V. Monseigneur. N.
VALSER: Battre quelqu’un.
—Je vais te faire valser sans musique.
Ce qui arrive souvent le samedi de paye, quand le mari rentre au logis plus qu’éméché: il fait faire un tour de valse à sa ménagère si elle ronchonne (Argot du peuple).
VALTREUSE: Valise.
C’est un simple changement de finale (Argot du peuple).
VALTREUSIER: Voleur de valise.
Ce vol est pratiqué sur une grande échelle dans les salles d’attente des gares de chemins de fer.
Il est des plus simples:
Le valtreusier a une valise à la main qui paraît gonflée; pour compléter son apparence de voyageur, il porte une couverture de voyage. Il se promène ayant l’air indifférent, mais en réalité il guigne un voyageur assis à côté d’une valise respectable. Sans affectation, il s’assied à ses côtés et engage la conversation. Au moment de prendre un billet, le voyageur se dirige vers le guichet et laisse sa valise à la garde de son compagnon; aussitôt celui-ci se lève, change de valise et s’en va tranquillement. Neuf fois sur dix, le volé ne s’aperçoit de la substitution qu’à son arrivée à destination: la valise ne contient en fait de linge que des cailloux (Argot des voleurs).
VANNAGE: Tendre un piège, amorcer un individu par des promesses alléchantes pour le duper plus facilement.
M. Loredan Larchey dit que c’est une comparaison de l’escroc au meunier qui lâche un peu d’eau de sa vanne pour faire tourner le moulin (Argot des voleurs).
VANNE: Mot cher aux camelots.
Ils disent faire un vanne lorsqu’ils vendent un journal qui annonce une fausse nouvelle à sensation (Argot des camelots). N.
VANNÉ: Avoir trop fait la noce et l’amour.
Vanné: n’avoir plus rien dans le ventre, synonyme de vidé.
Vanné par excès de travail (Argot du peuple). N.
VANTERNE: Lanterne.
Vanterne sans loches. A. D.
M. Lorédan Larchey, d’après H. Monnier, dit que le vanternier, au lieu d’entrer par la lourde, préfère s’introduire par la fenêtre.
Vanterne n’a jamais été une lanterne, pas plus que vanterne n’est une fenêtre. V. Venterne.
VASEUX: Paysan.
Il est vaseux parce qu’il vit dans la vase quand il pleut (Argot du peuple). N.
VEAU: Toute jeune fille qui n’a pas grand chemin à faire pour devenir vache.
Il existe à ce sujet une vieille chanson qu’il serait impossible de citer en entier:
Neuf jours plus tard, le camarade était au Midi (Argot du peuple).
VEAU: Femme de barrière, rôdeuse de caserne (Argot des voyous).
VEINARD: Homme qui a de la chance.
Il a de la veine, tout lui réussi.
Il a trouvé une bonne veine, tout lui réussira.
Il existe un vieux proverbe à ce sujet:
—Qui voit ses veines, voit ses peines. (Argot du peuple). N.
VEINARDE: Fille qui a la main heureuse et tombe sur des michés qui se fendent généreusement (Argot des filles).
VÉLO: Postillon.
Vient de véloce, poste aux chevaux.
Nos vélocipédistes modernes qui portent une cravache et des éperons pour ressembler à quelqu’un, ignorent certainement ce vocable ancien (Argot des voleurs).
VÉLOCIPÉDISTE: Imbécile à deux roues (Argot du peuple).
VENTERNE: La fenêtre (Argot des voleurs).
VENTERNIER (Le): Le venternier est une variété du cambrioleur, avec cette différence toutefois qu’au lieu d’entrer par la lourde, il entre par la venterne.
Le venternier opère généralement dans les chambres situées aux étages supérieurs; il grimpe sur les toits et entre dans les chambres par les fenêtres à tabatières.
Ces voleurs sont nombreux (Argot des voleurs).
VENTOUSE: V. Venterne.
VERGNE: Pays ou ville.
Vidocq dit:
—J’ai roulé de vergne en vergne pour apprendre à goupiner.
A. Delvau dit:
—Deux plombes crossent à la vergne (deux heures sonnent à la ville) (Argot des voleurs).
VER-RONGEUR: Un fiacre. Lorsqu’on le fait attendre longtemps à la porte d’une maison, l’heure s’écoule; au moment de le payer, il ronge le porte-monnaie (Argot du peuple).
VERMINE: Avocat.
Les voleurs ont raison, les avocats sont des vermines qui rongent encore plus que les huissiers (Argot des voleurs).
VERTE (La): L’absinthe.
Quatre heures, c’est l’heure de la verte.
Allusion de couleur (Argot du peuple).
VERVER: Pleurer (Argot des voleurs).
VESSE: Peur.
Lâcher une vesse: péter sournoisement.
Vesser: un pet mou (Argot du peuple).
VESSIE: Femme avariée, grasse à lard.
Allusion aux vessies de graisse que l’on vend à la foire au jambon.
Il existe une chanson à ce sujet, elle n’est pas des plus propres.
La voici comme document:
(Argot du peuple).
VESTE: Remporter une veste.
Avoir compté sur un succès et faire un four complet.
Se dit d’une pièce mal accueillie au théâtre, d’une opération ratée, en un mot de tout insuccès (Argot du peuple).
VESTIGES: Légumes que mangent les prisonniers.
Dans le peuple, on dit d’un passif qui pratique depuis longtemps:
—Tu perds tes légumes.
Dans les prisons:
—Tu perds tes vestiges. Cette explication suffit (Argot des voleurs).
VEUVE (La): La guillotine (Argot des voleurs).
VEUVE POIGNET (En soirée chez la): V. Bataille des Jésuites.
VI: Voici ce que dit Mathurin Régnier:
À la prison de St-Lazare, une fille atteinte d’une maladie épouvantable, était incarcérée à l’Infirmerie. La sœur l’exhortait à changer de vie; elle lui citait des exemples de conversions absolument édifiantes. La malade, impatientée, lui répondit:
—Ma sœur, il est trop tard pour changer de vie, il fallait me dire cela quinze jours plutôt; je ne serais pas ici (Argot du peuple). N.
VIANDE: Chair.
A. Delvau trouve que cette expression est froissante pour l’orgueil humain.
Pourquoi donc?
Est-ce que la chair humaine n’est pas de la viande au même titre que celle de n’importe quel animal?
Quand une femme a une belle carnation, rose, fraîche, c’est un hommage que lui rend le langage populaire eu disant:
—Ah! la belle viande, on en mangerait.
C’est assez rare en cette fin-de-siècle, pour que ce mot soit accepté comme une louange et non comme une grossièreté (Argot du peuple).
VIAUPER: Oublier fréquemment le chemin de l’atelier pour viauper chez les marchands de vins.
—Que fait ta fille?
—Ah! ne m’en parle pas; elle viaupe avec Pierre et Paul.
Mot à mot: viauper faire la vie.
Faire la vie à quelqu’un, c’est lui faire une scène désagréable.
Lui rendre la vie dure, c’est le tourmenter, lui refuser à manger, être cruel (Argot du peuple).
VIDANGE: Accouchement.
—Ma femme est en vidange.
Mot à mot: elle se vide.
Elle est en vidange, car il faut qu’il se passe quelques semaines avant de la remplir à nouveau (Argot du peuple). N.
VICE (En avoir): Roué qui la connaît dans les coins.
—On ne me la fera pas, j’ai trop de vice.
Cela est la cause d’un mauvais calembourg par à peu près:
—Les serruriers sont les ouvriers les plus malins du monde, parce qu’ils ne manquent jamais de vis (Argot du peuple).
VICELOT: Gavroche qui a tous les vices en germe; il est trop jeune pour qu’ils soient développés.
Dans les ateliers, on dit du gosse:
—Il est si vicelot qu’il en remontrerait à père et mère (Argot du peuple).
VICTOIRE: Chemise.
Ce mot n’est pas employé, comme le dit A. Delvau, pour consacrer le souvenir d’une marchande qui fournissait les chiffonniers.
—Victoire! J’ai enfin pu gagner de quoi m’acheter une limace pour balancer celle que je porte depuis six mois (Argot des chiffonniers).
VIDER SA POCHE À FIEL: Soulager son cœur, dire tout ce que l’on pense sans ménager ses expressions (Argot du peuple). N.
VIDER SON PANIER À CROTTES: Satisfaire un besoin. Il est aussi agréable de vider son panier que de l’emplir (Argot du peuple).
VIDER SON PETIT PORTEUR D’EAU: Expression employée dans les couvents par les jeunes filles, pour dire qu’elles ont un petit besoin à satisfaire (Argot du peuple). N.
VIDER UN HOMME: Il y a plusieurs manières de le vider.
On lui vide son porte-monnaie.
Ou le vide en le surmenant.
Une maîtresse amoureuse le vide, et quand il rentre au domicile conjugal, sa femme peut le fouiller... et elle aussi (Argot du peuple). N.
VIDOURSER: Terme employé dans les ateliers pour qualifier un peintre qui ne se préoccupe, en peignant son tableau, ni du ton ni de la perspective.
Il le vidourse, il le lime, il le lèche.
Allusion à la fameuse expression:
Il est poli comme un vi d’ours.
De là: vidourser (Argot des artistes). N.
VIE DE PATACHON: Mettre les petits plats dans les grands.
—Mener la vie à grandes guides.
Faire une vie de bâtons de chaises.
Mot à mot: faire une vie de chien, comme si la vie n’avait pas de lendemain (Argot du peuple). N.
VIE DE POLICHINELLE (Faire une): Avoir une conduite déréglée, se saouler, courir la gueuse, se battre; en un mot, mener une vie désordonnée.
On sait que le polichinelle du guignol lyonnais est le type parfait du bambocheur (Argot du peuple). N.
VIEILLE PEAU: Expression méprisante employée dans le peuple, même vis-à-vis d’une personne jeune.
On dit d’un vieillard qui se donne des allures juvéniles:
—C’est un jeune homme dans une vieille peau.
Vieille peau signifie aussi: vieille putain (Argot du peuple).
VIGNES (Être dans les vignes du Seigneur): Être pochard.
Dans le peuple, on dit d’un homme qui est toujours entre deux vins:
—Il ne peut plus boire; il est saoul avec un pet de vigneron.
L’expression: être dans les vignes, est très vieille et usitée en Bourgogne (Argot du peuple).
VILAIN MERLE: Homme laid.
—Tu vas te marier avec ce vilain merle-là; tu pourras chanter au roi des oiseaux: tu auras un beau merle au cul.
Vilain merle: méchant homme, bilieux, fielleux, qui veut du mal à tout le monde (Argot du peuple).
VINASSE: Mauvais vin fabriqué avec du bois de campêche.
Se dit communément quand le marchand de vin a eu la main trop lourde pour mouiller le vin (Argot du peuple).
VINGT-DEUX: Couteau.
Jouer la vingt-deux, donner des coups de couteau.
Vingt-deux: les deux cocottes.
Vingt-deux: quand le compagnon placé le plus près de la porte voit entrer le prote dans l’atelier de composition, il crie:
—Vingt-deux!
Synonyme d’attention.
Quand c’est le patron, il crie:
—Quarante-quatre!
En raison de l’importance du singe, le chiffre est doublé (Argot d’imprimerie). N.
VIOCH: Vieillard.
Vieux galantin qui se croit toujours jeune, qui se maquille comme une vieille roue de carrosse pour faire croire que le bon Dieu l’a oublié et qu’il n’a pas neigé sur sa chevelure... quand il a des cheveux (Argot des filles). N.
VIOCHARD: Fauteuil.
Allusion au fauteuil dans lequel s’accroupissent les vieillards devant un bon feu, en attendant que la carline vienne frapper à la porte (Argot des voleurs). N.
VIOLON: Cellule du poste de police.
Vieux jeu de mots qui date du temps où c’était l’archer qui vous conduisait au violon (Argot du peuple).
VIOLON (Le sentir): Un individu sans le sou, sans domicile, vagabond, sent le violon (Argot du peuple).
VIRGULE: Béranger explique ce mot:
Virgule: allusion à la forme; ce n’est ni guère, ni pas, c’est un peu, comme on dit dans le peuple:
—Pas de quoi faire déjeuner le chat.
(Argot du peuple). N.
VIRGULE: Dans presque tous les lieux d’aisances des maisons populeuses et des ateliers, il y a au mur des virgules qui sont autant de signatures des cochons qui y passent.
Ce qui a inspiré à un rimeur d’occasion:
(Argot du peuple). N.
VIS: Serrer la vis à quelqu’un, c’est l’étrangler.
Opération qui n’a rien d’agréable à subir au point de vue physique.
Au point de vue moral non plus, car serrer la vis à un individu, c’est l’étrangler au point de vue de l’existence.
Être dur, injuste, ne rien jamais trouver de bien de ce que fait un individu, c’est lui serrer la vis (Argot du peuple).
VISAGE SANS NEZ: Le derrière.
C’est un visage qui n’est pas désagréable à voir, surtout lorsqu’il est blanc, jeune, dodu et ferme.
Voiture était de cet avis:
Ce visage a l’avantage sur l’autre de ne pas faire de grimaces (Argot du peuple).
VISAGE DE BOIS: Se casser le nez contre une porte fermée.
Éprouver une déception à laquelle on ne s’attendait pas.
Aller dîner on ville et ne trouver personne: visage de bois.
On dit également: rester en figure (Argot du peuple).
VISCOPE: Casquette à longue visière, comme en portent les gens faibles de la vue.
Un képi de troupier se nomme également une viscope.
On dit aussi un abat-jour (Argot du peuple).
VISE AU TRÈFLE: Infirmier.
L’allusion est amusante (Argot du peuple).
VITELOTTE: Nez.
Quand un individu a bu beaucoup dans sa vie, son nez devient rouge et tuberculeux.
Allusion à la pomme de terre que l’on nomme vitelotte, ou plutôt que l’on nommait, car elle a disparu entièrement, au grand désespoir des amateurs de gibelotte.
Elle était la sauce du lapin (Argot du peuple). N.
VITRES: Les yeux.
Vitre: le lorgnon; il aide à voir (Argot du peuple).
VITRIERS: Les chasseurs de Vincennes.—Ils portèrent d’abord des sacs en cuir verni reluisant au soleil comme la pièce de verre que les vitriers portent sur leur dos. L. L.
Ce n’est pas cette cause qui a donné à ces soldats le nom de vitriers.
En 1848, aux journées de Juin, les gardes mobiles et les chasseurs de Vincennes furent lancés aux endroits les plus périlleux dans les faubourgs, notamment faubourg du Temple. Ils prirent toutes les barricades avec un entrain extraordinaire, mais sans cruauté inutile, la plupart de ces soldats étant des enfants de Paris.
Au lieu de tirer sur les insurgés, ils s’amusèrent à casser les carreaux sur tout leur passage.
Depuis le boulevard du Temple jusqu’à la Courtille, il ne resta pas une seule vitre aux fenêtres.
On fit une chanson à ce sujet; elle est restée très populaire:
(Argot du peuple). N.
VOILÀ LE MARCHAND DE SABLE: Dans le peuple, quand un enfant s’endort à table, on dit:
—Voilà le marchand de sable qui passe (Argot du peuple).
VOIR LA LUNE: Quand une femme a vu cet astre, sa fleur d’oranger n’existe plus.
On dit, et c’est plus juste:
—Elle a vu la comète.
Inutile d’insister (Argot du peuple).
VOIR LES PISSENLITS POUSSER PAR LA RACINE: Être sous terre.
Dans le peuple, on dit également:
Aller dans le royaume des taupes (Argot du peuple).
VOIR LA FEUILLE À L’ENVERS: Pour la voir, il ne faut certes pas être sur le ventre.
Il existe plusieurs chansons qui célèbrent les joies de voir la feuille à l’envers:
(Restif de la Bretonne, Les Jolies Crieuses.)
Un autre auteur a écrit sur le même sujet:
(Argot du peuple).
VOIR SOPHIE: Cette très désagréable Sophie ne rend visite aux femmes qu’à chaque fin de mois.
Elle vient sans être annoncée (Argot des filles).
VOLANT: Manteau.
Allusion à ce qu’il vole à tous les vents (Argot des voleurs).
VOLÉ: Trompé dans ses espérances.
—Je comptais toucher un grosse somme, rien, je suis volé.
—Je rencontre une femme qui me paraissait dodue, avoir de l’œil, de la dent, des seins et des mollets. Quand le soir, pour nous coucher elle se déshabille, elle met un œil de verre et son ratelier sur la table de nuit, elle retire sa réchauffante, des tétons en caoutchouc garnissaient son corset, elle portait dix gilets de flanelle et six paires de bas.
Ce n’était plus qu’une planche, j’étais volé (Argot du peuple). N.
VOLÉE (En recevoir ou en donner une): Battre ou être battu.
Recevoir une volée de bois verts: être fortement grondé.
Être éreinté par un article de journal (Argot du peuple).
VOLEUR AU CROQUANT: Voleur qui dévalise les paysans.
Ce sont les grinchisseurs de cambrousse. (Argot des voleurs).
VOLIGE: Femme d’une maigreur telle qu’il est impossible de la toucher sans se couper.
Allusion à la planche nommée volige qui est la plus mince connue en menuiserie (Argot du peuple).
VOUS N’AVEZ RIEN? Dans le peuple on nomme ainsi les employés d’octroi qui inspectent les passants aux barrières, parce que leur phrase consacrée est celle-ci:
—Vous n’avez rien à déclarer?
—Si, leur répond quelquefois un passant facétieux, je déclare que j’ai bien déjeuné (Argot du peuple).
VOUSAILLE: Vous (Argot des voleurs).
VOYAGE (Le): Les saltimbanques qui font le tour de France dans leur roulotte voyagent constamment.
On dit de ceux qui connaissent parfaitement leur topographie:
—Ils se connaissent en voyage. (Argot des saltimbanques).
VOYAGEUR: l’engayeur qui bat comtois, qui fait le compère à la porte des baraques de lutteurs se nomme le voyageur (Argot des saltimbanques).
VOYAGEURS: Pou, puce, punaise ou morpion.
Ces insectes désagréables voyagent sur le corps du pauvre bougre qui en est affligé (Argot du peuple).
VOYEURS: Il existe des voyeurs pour hommes et pour femmes.
Ce sont des trous imperceptibles pratiqués dans une tapisserie, qui permettent aux spectateurs de voir sans être vus.
Il y a des maisons de rendez-vous célèbres, où les blasés payent cinq louis pour repaître leurs yeux d’un spectacle ignoble, où toutes les lubricités les plus ordurières s’étalent (Argot des filles). N.
VOYOU: Le voyou n’est pas à comparer à l’ancien titi, au gamin, au gavroche.
C’est une petite crapule qui a en lui les germes de toutes les passions, de tous les vices et de tous les crimes imaginables.
Le gamin de Paris est gouailleur, spirituel, courageux, susceptible de dévouement, il est flâneur, c’est vrai, mais sa flânerie est innocente.
Le voyou a un langage à part; comme le moineau franc, il a les instincts pillards, il est sans cœur, n’aime rien et convoite tout (Argot du peuple).
VOYOUTE: La femelle du voyou; seulement, en plus, elle est putain à l’âge où l’on va encore à l’école.
À douze ans, la voyoute est déjà une petite marmite qui gagne du pognon à son voyou-souteneur (Argot du peuple).
VRILLE: Femme pour femme.
Pourquoi vrille?
Elle ne perce rien (Argot des souteneurs).
VRILLEURS: Les vrilleurs sont des voleurs de nuit qui dévalisent les boutiques des bijoutiers.
Ce vol nécessite une audace extraordinaire.
Avec l’avant-courrier (mèche), ils percent la devanture en tôle de plusieurs trous en carré; avec une scie fine introduite dans l’un des trous, ils scient la tôle et pratiquent une ouverture assez large pour y passer le bras.
À l’aide d’un diamant, ils coupent la glace en carré également, pour que les débris ne fassent pas de bruit en tombant; préalablement, ils appliquent sur la partie coupée un fort tampon de mastic, après quoi, à l’aide d’une tringle d’acier, ils attirent à eux tous les bijoux qu’ils peuvent.
Ils en est qui raflent tout un étalage en quelques minutes (Argot des voleurs). N.
W
WAGON: Chez certains marchands de vin, il y a des buveurs attitrés qui ont des verres qui contiennent une chopine et même un litre de vin.
Celui qui ne l’avale pas d’un coup—pas le verre, le vin—perd la tournée.
On nomme également ce verre un omnibus (Argot du peuple). N.
WAGON: Vieille femme, usée, avachie.
Vieille raccrocheuse de bas étage.
Wagon de troisième classe, parce qu’il n’y en a pas de quatrième.
On dit aussi vieux compartiment (il y a dix places).
On peut entrer chez elle avec une voiture à bras (Argot du peuple).
WATERLOO: Quand une affaire ne réussit pas, qu’elle rate en un mot, celui qui l’a entreprise ou conçue éprouve une défaite.
Allusion à la fameuse bataille du 18 juin 1815.
Il en est qui se consolent facilement et s’écrient comme Cambronne,
—Merde! (Argot du peuple).
X
X: Inconnu, secret; sert à désigner un polytechnicien, ou une personne qui a des dispositions pour les mathématiques:
a dit Victor Hugo (Argot des gens de lettres).
X: Ce mystérieux X a fait parler de lui pendant six mois à propos de l’affaire du Panama.
X, l’inconnu, c’est tout le monde et ce n’est personne (Argot du peuple).
Y
Y ALLER DE SON VOYAGE: Quand quelqu’un vous raconte une histoire à dormir debout et que l’on l’écoute attentivement, on y va de son voyage.
Y aller de son voyage est pris, dans le peuple, dans un sens tout différend:
—...Ma femme y va encore de son voyage (Argot du peuple). N.
Y TOMBERA DU BOUDIN GRILLÉ.
Vieille formule qui veut dire c’est impossible.
Elle est due à Achille, un acteur du petit Lazzari.
Un acteur du théâtre des Folies-Dramatiques se vantait d’avoir un talent énorme.
—Quand il dégottera Frédérick Lemaître, dit Achille, y tombera du boudin grillé.
C’est-à-dire jamais (Argot du peuple). N.
YEUX SUR LE PLAT: Quand un individu fait des yeux blancs, que la prunelle remonte dans l’orbite, on dit: il fait des yeux sur le plat.
C’est un jeu de mots fort juste (Argot du peuple).
YOUPIN: Juif.
Cette expression depuis peu remplace dans le peuple celle de youtre.
C’est le superlatif du mépris:
—Tu n’es qu’un sale youpin (Argot du peuple).
YOUTRE: Juif.
Dans le peuple on ne dit pas youtre, mais youte.
Vient du mot allemand jude (Argot du peuple). V. Baptisé au sécateur. N.
YOUTRERIE (La): La Synagogue quand tous les juifs y sont réunis.
Youtrerie est synonyme de ladrerie, d’avarice, d’apreté.
Ce mot peint bien les estimables rogneurs de pièces de six liards (Argot du peuple).
Z
ZÉPHIR: Quand un troupier indiscipliné est envoyé en Afrique, aux compagnies de discipline, pour casser des cailloux sur les routes, il devient, de par son incorporation, un zéphir.
Quand il fait un vent doux, on dit:
—Quel doux zéphir.
Quand un malpropre lâche une tubéreuse, c’est un sale zéphir pour celui qui est sous le vent (Argot du peuple).
ZEZETTE: Une petite absinthe.
Dans les cantines de lavoir, les blanchisseuses qui ne crachent pas dessus s’offrent à quatre heures une petite zezette de trois sous (Argot des blanchisseuses). N.
ZIF: Marchandises imaginaires qu’un commerçant fait figurer sur son catalogue pour avoir l’air d’être bien assorti (Argot des bourgeois).
ZIG ou ZIGUE: Un homme est un bon ou un mauvais camarade.
C’est un bon zig ou un mauvais zig. (Argot du peuple).
ZIG À LA REBIFFE: Voleur bon enfant qui revient au bout de quelques jours à la prison.
Il rebiffe, il récidive (Argot des voleurs).
ZINC: Argent monnayé.
—J’ai du zinc dans ma profonde, nous pouvons aller de l’avant (Argot du peuple).
ZINC: Le comptoir du mastroquet.
Allusion au plomb qui couvre le comptoir.
Boire sur le zinc, c’est boire debout.
—Viens-tu licher un glacis sur le zinc, j’ai dix ronds d’affure (Argot du peuple).
ZINC (Avoir du): On ne dit plus chic, à ce qu’il paraît. C’est rococo. C’est bourgeois. Et quand une femme a du genre et de l’élégance, on dit qu’elle a du zinc. A. D.
Avoir du zinc ne vient pas du tout de là.
Les fonctionnaires, officiers de paix, commissaires de police et préfets portent des habits brodés d’argent; les préfets surtout en ont sur toutes les coutures; les jours de cérémonie, ils sortent leur zinc.
—As-tu vu le dabe des renifleurs, mince de zinc sur le rable (Argot du peuple). N.
ZINC DES RATICHONS: L’autel du prêtre.
En effet, pour célébrer la messe, il boit un coup de pive (Argot des voleurs).
ZIOTER: Regarder.
—Qu’a-t-il donc, le mec? Il ne fait que me zioter (Argot du peuple). N.
ZOZOTTE: Argent.
—Pas moyen de trimballer ma bidoche, j’ai pas de zozotte.
Zozotte a aussi une autre signification dans le même argot:
—As-tu bien passé la première nuit de tes noces?
—Mon cochon était tellement poivre qu’il a pioncé comme une marmotte toute la nuit.
—Alors, pas de zozotte? (Argot des blanchisseuses). N.
ZUT: C’est fini, je prends congé. J’en ai assez.
Que mes lecteurs ne prennent pas ce mot dans un mauvais sens. Je voudrais qu’ils le traduisent de cette manière:
—Au revoir!
PETIT SUPPLÉMENT
Au fur et à mesure de la composition du dictionnaire, de nouvelles expressions m’ont été adressées par d’aimables correspondants, il a été impossible de les placer à leur lettre respective; pour être aussi complet que possible, on les trouvera par lettre alphabétique dans ce Petit Supplément, où le lecteur pourra facilement se reconnaître.
A
ACŒURER: Y aller de bon cœur.
Assommer un individu, l’accommoder à la sauce pavé, le frapper avec entrain (Argot des voleurs).
ACHETOIRES: Monnaie.
Cette expression est très usitée dans le peuple.
Le père ne travaille pas, tout est au mont-de-piété, pas de feu dans le poêle, l’enfant pleure:
—Maman, maman, j’ai froid, j’ai faim.
—Mon pauvre petit, je n’ai pas d’achetoires (Argot du peuple).
ACCESSOIRES: Objets de théâtre.
Dans le peuple, on donne à ce mot un tout autre sens: accessoires, les testicules (Argot du peuple). N.
AFFAIRE: Pour les voleurs, tous genres de vols sont des affaires (Argot des voleurs).
AFFE: La vie.
Les voleurs vivant dans des transes continuelles, comme le mourant, ils ont des affres.
Affres en français signifie angoisses (Argot des voleurs). V. Affe (Dict.).
AGACER UN POLICHINELLE SUR LE ZINC: On nomme polichinelle un verre d’eau-de-vie, environ un cinquième de litre, que certains pochards abrutis boivent sur le zinc.
Il en est qui agacent jusqu’à cinq polichinelles dans une matinée (Argot du peuple). N.
APPUYER: Abaisser un décor, le faire descendre des frises sur la scène. A. D.
Appuyer est pris dans un autre sens:
—Je vais m’appuyer six heures de chemin.
—Je vais m’appuyer ce vieux birbe sur l’estomac, quelle corvée!
—Je vais m’appuyer une chopine (Argot du peuple). N.
ARTONNER: Tromper la police.
C’est l’insaisissable Arton à qui revient l’honneur de ce mot.
—Depuis six marqués, j’artonne l’arnaque (Argot des voleurs). N.
AVOIR LE FIL: Un couteau qui coupe bien a le fil.
Un individu malin, rusé, possède le fil.
—Y a pas moyen de lui mettre à ce gonce là, il a le fil.
Avoir le fil, être au courant de toutes choses et être constamment en éveil (Argot du peuple). N.
AVOIR L’ÉTRENNE: S’offrir une chose neuve.
Faire étrenner un camarade: lui flanquer une bonne volée (Argot du peuple). N.
AVOIR MANGÉ SES PIEDS: Puer de la bouche (Argot du peuple).
B
BAISSER UNE ESPACE QUI LÈVE: Dans les ateliers de typographie, quand un camarade envoie chercher un litre par l’apprenti, il le met sous son rang—le prote n’aime pas que l’on boive pendant le travail;—il verse une rasade, et fait dire au copain qu’il veut régaler:
—Viens donc baisser une espace qui lève.
Synonyme de lever le coude (Argot d’imprimerie). N.
BALAYÉ: On balaye une foule à coups de canon.
On balaye des ouvriers qui ne font pas l’affaire du patron.
On balaye la femme quand elle devient par trop gênante.
Balayé: synonyme de nettoyage (Argot du peuple). N.
BARBE À POUX: Barbe de capucin, barbe en broussaille, longue, sale et crasseuse, dans laquelle jamais le peigne ne pénètre; les poux peuvent y nicher à l’aise sans crainte d’être dérangés (Argot du peuple). N.
BAROMÈTRE: La médaille des députés.
Pour le coiffeur ou l’ouvrier chapelier qui quitte son rasoir ou balance son tablier par un caprice du suffrage universel, la médaille qu’il a dans sa poche marque le beau fixe pendant quatre ans.
Elle est pour lui le baromètre du bonheur (Argot du peuple). N.
BATTRE LA BRELOQUE: Les tapins, au régiment, battent la breloque pour annoncer l’heure de la soupe.
Une pendule détraquée qui marche comme les montres marseillaises, lesquelles abattent l’heure en quarante-cinq minutes, bat la breloque.
Avoir le coco fêlé, ne plus savoir ce que l’on fait, avoir des moments d’absence, c’est battre la breloque.
On dit également: battre la campagne (Argot du peuple).
BÉRENGÉRISME: En être atteint, c’est une maladie bien désagréable.
Le Père la Pudeur qui fonctionne au bal de l’Élysée-Montmartre bérengérise les danseuses qui lèvent la jambe à hauteur de l’œil, sans pantalon:
—Veux-tu cacher ton prospectus? dit le vieil empêcheur de danser en rond.
—Ça m’est recommandé par mon médecin de lui faire prendre l’air, répond la Môme Cervelas (Argot du peuple). N.
BÉQUET: Le passiffleur met des béquets, des pièces, aux vieux souliers; il en existe qui arrivent à une perfection si grande qu’il est impossible de découvrir la pièce (Argot du peuple).
BÉQUET: Terme d’imprimerie.
Petits paquets de composition pour ajouter ou compléter un grand paquet.
En corrigeant un article, on ajoute des petits béquets à droite et à gauche pour le corser (Argot d’imprimerie).
BIBARDER: Vieillir.
—C’est extraordinaire comme les chagrins te font bibarder.
Bibarder veut aussi dire boire.
—Bibardons-nous une tasse? (Argot du peuple).
BIEN DE LA MAISON (Es-tu): Expression employée au jeu de manille.
Dans la partie à quatre, les joueurs sont deux à deux; ils se questionnent à voix haute pour savoir comment diriger leur jeu:
—Es-tu bien de la maison? As-tu beaucoup d’atout? (Argot du peuple). N.
BINAISE: Abréviation du mot combinaison.
Binaise: tirer un plan pour faire quelque chose.
—Faisons une binaise pour nous offrir un kilo (Argot d’imprimerie). N.
BŒUF (Avoir un mâle): Être fort en colère.
Superlatif de bouffer son bœuf (Argot d’imprimerie).
BOUCHON: Bourse.
Allusion à l’argent qu’elle contient, qui sert à boucher des trous.
Pour payer une dette, on dit: boucher un trou (Argot du peuple).
BOUIF: Mauvais ouvrier.
On disait cela primitivement des ouvriers cordonniers, mais depuis, cette expression s’est étendue à tous les corps de métiers.
Un mauvais écrivain ou un mauvais acteur, c’est un bouif (Argot du peuple).
BOULANGER (Le): Le diable (Argot des voleurs).
BOULANGER QUI MET LES ÂMES AU FOUR (Le): Le diable qui fait cuire les gens en enfer (Argot des voleurs).
BOULE DE SUIF: Homme ou femme gras à lard (Argot des voleurs).
BOULOTTER DE LA CALIJATTE: Cette expression très pittoresque a une saveur toute particulière; elle est connue depuis peu.
Boulotter: manger; calijatte: secret.
Mot à mot: manger du secret.
On sait que la cellule est la terreur du plus grand nombre des détenus, mais elle est un paradis relatif quand il n’est pas au secret.
Être au secret est un supplice épouvantable. On comprend que les plus endurcis voleurs redoutent cette torture; cela explique qu’ils sont parfois empêchés de commettre un acte criminel ou qu’ils avouent tout ce qu’on leur demande pour éviter de boulotter de la calijatte pendant de longues semaines (Argot des voleurs). N.
BOUQUET: Quand un nourrisseur de poupard a bien préparé une affaire, et que le vol a été fructueux, il reçoit une prime de ses complices, quelquefois quarante pour cent; cela se nomme recevoir un bouquet (Argot des voleurs).
BOURDON: Quand le metteur en page ne s’aperçoit pas qu’un mot a été oublié en composant un article, ce dernier devient incompréhensible.
S’il s’en aperçoit et qu’il faille remanier le paquet, c’est enlever le bourdon (Argot d’imprimerie).
BRANCARD: Un vieil adage dit que les femmes c’est comme les souliers: quand c’est vieux, ça boit.
Toutes ne boivent pas; il en est qui, trop vieilles pour continuer leur profession, instruisent les jeunes et leur apprennent les secrets du métier.
Mot à mot: brancard, aller traîner les apprenties putains sur le trimard (Argot des filles).
BRICOLE À CHEVEUX: Le peigne ou l’épingle qui fixe le chignon d’une femme (Argot des voleurs). N.
BRISER: S’en aller.
—Mon vieux, il est l’heure de la mouise, je me la brise au galop.
Quand une commandite d’ouvriers compositeurs a achevé son travail, le metteur en page frappe sur sa casse avec un taquoir.
Ce signal veut dire: c’est fini, brisez (Argot d’imprimerie).
BRODEUSE: Homme et femme à la fois.
De la famille des pédérastes (Argot du peuple).
BRÛLER LA CHANDELLE PAR LES DEUX BOUTS: Individu qui dépense sans compter, qui jette son argent par les fenêtres.
—Tu brûles la chandelle par les deux bouts (Argot du peuple). N.
BUSTINGUE: Garni.
Il en existe un célèbre dans la rue de Flandre, à la Villette. C’est là que descendent les saltimbanques et les phénomènes qui viennent se faire engager.
On nomme bustingue tous les garnis où logent les ambulants (Argot des voleurs).
C
ÇA NE VA QUE D’UNE FESSE: Chose qui va mal.
Besogne accomplie avec répugnance.
Être très malade (Argot du peuple). N.
CABARET DES SIX-FESSES: Auberge tenue par trois femmes (Argot du peuple). N.
CACHET DE LA RÉPUBLIQUE: C’est un coup de pied canaille.
Quand deux hommes se battent, le plus fort, d’un coup de talon, écrase la figure de son adversaire.
Il lui pose le cachet (Argot du peuple).
CAILLÉ: Poisson quelle que soit sa nature.
Il est caillé, il a des écailles (Argot des voleurs).
CALLOT: Teigneux.
Vient de calabre, teigne (Argot des voleurs).
CAMBROU: Domestique mâle.
Il garde la cambrouse (Argot des voleurs).
CAMELOTTE EN POGNE: Voler un objet quelconque dans la main de quelqu’un (Argot des voleurs).
CANULE: Petit instrument placé au bout d’une seringue, d’un irrigateur.
Canule: Être ennuyeux.
—Ah! lâche-nous, voilà une heure que tu nous canules (Argot du peuple).
CANELLE: La ville de Caen.
—Il y a un bath chopin à faire à Canelle, en es-tu? (Argot des voleurs).
CAPOU: Écrivain public (Argot des voleurs).
CARCAN À STRAPONTIN: Vieille fille publique.
De carcan: vieux cheval (Argot des filles).
CARIBENER: Vol à la care.
Le voleur qui a cette spécialité se nomme un caribeneur (Argot des voleurs).
CARLINE (La): La mort.
Ce mot est usité dans les bagnes pour désigner cette vilaine personne.
Allusion au personnage de Carlin dont le visage est couvert d’un masque noir (Argot des voleurs).
CARRELEUR DE SOULIERS: Ouvrier lorrain qui vient tous les étés parcourir nos campagnes avec sa hotte sur le dos.
Il raccommode les souliers.
Ce nom lui vient de ce qu’il crie: carreleur de souliers.
Ce à quoi les gamins répondent:
—Gare l’aut’ soulier! (Argot du peuple).
CAROTTE FILANDREUSE: Carotte tirée de longueur, mais peu claire comme explications.
Allusion à une vieille carotte pleine de filaments, qui ne se digère pas facilement.
—Ça ne prend pas, ta carotte est filandreuse (Argot du peuple). N.
CAZIN: Partie de billard qui se joue avec une quille au milieu du tapis (Argot du peuple). N.
CAZINER: Jouer au cazin, faire toucher par la bande les billes, en jouant avec la rouge (Argot du peuple).
CHAT (Mon petit): Terme d’amitié employé souvent vis-à-vis d’une jeune fille.
Chat... (Argot du peuple). V. Tâte-minette. N.
CHATOUILLE (Une): Une chansonnette.
Vieux terme de goguette:
—Allons, dégoise-nous ta petite chatouille (Argot du peuple). N.
CHENAILLER: Faire des reproches à quelqu’un.
C’est une façon polie pour ne pas dire engueuler.
—Je ne t’ai pourtant rien fait pour que tu soies toujours à me chenailler (Argot du peuple). N.
CHÉQUARDS: Les députés, ou, du moins, les Cent-Quatre à qui on reprocha si vivement d’avoir reçu des chèques du baron de Reinach et du fameux Arton (Argot du peuple). N.
CHEVALIER DE LA ROSETTE: Homme qui aime son sexe (Argot du peuple). N.
CHIFFARDE: La pipe.
—Pas mèche de fumer ma chiffarde, pas de saint-père (Argot du peuple).
CIBOULOT: La tête.
Perdre le ciboulot: perdre la tête.
Se faire sauter le ciboulot: se brûler la cervelle.
—Son ciboulot est vidé (Argot du peuple). N.
CLAIR COMME DE L’EAU DE BOUDIN: Affaire obscure, embrouillée.
Mot à mot: affaire ténébreuse.
Allusion à la noirceur de l’eau qui sert aux charcutiers pour faire cuire le boudin (Argot du peuple). N.
COUP DOUBLE: Deux jumeaux.
Ce mot peut se passer d’explications (Argot du peuple). N.
D
DARONNE DU DARDANT: La déesse Vénus.
Daronne, Mère; dardant, amour.
Mot à mot: la mère des amours (Argot des voleurs).
DARONNE DU GRAND AURE: La Sainte Vierge.
Je n’ai pu trouver nulle part la signification du mot aure (Argot des voleurs).
DÉBRICABRAQUÉ: Un bric-à-brac monte sa boutique de bric et de broque, ric-à-rac (petit à petit).
On construit une pièce avec différents morceaux, un béquet par-ci, un béquet par-là. Si elle ne plaît pas au directeur, il faut que l’auteur la retape, qu’il la débricabraque.
Mot à mot: qu’il la démolisse pour la rebricabraquer (Argot du peuple). N.
DÉCADENER: Quand le gendarme ôte le cabriolet d’un prisonnier, il le décadène.
Mot à mot: il le déchaîne.
On dit également dédurailler (Argot des voleurs).
DÉFILER SON CHAPELET: Quand deux commères se disputent, c’est un déluge de paroles et d’épithètes interminable.
—As-tu vu comme je lui ai défilé mon chapelet?
Allusion au chapelet qu’une dévote fait tourner toute sa vie dans ses mains sans en trouver la fin (Argot du peuple). N.
DÉGUI: Abréviation de déguisement (Argot des voleurs).
F
FAGOT AFFRANCHI: Forçat libéré.
Mot à mot: il est affranchi de ses fers (Argot des voleurs).
FAGOT À PERTE DE VUE: Condamné aux travaux forcés à perpétuité.
Par abréviation on dit: gerbé à perpète (Argot des voleurs).
FAIRE: Les bouchers font un animal à l’abattoir.
Faire: tuer, voler.
Faire quelqu’un: le lever.
Faire: synonyme de fabriquer (Argot du peuple et des voleurs).
FAIRE LA TORTUE: Ne rien manger.
Jeuner volontairement ou par la force des choses (Argot des voleurs). N.
FEMME DE CARÊME: Femme outrageusement maigre.
Un hareng saur en jupons (Argot du peuple). N.
FERME TA GUEULE OU JE SAUTE DEDANS: On dit cela à un individu qui baille à se démantibuler la mâchoire, ou qui braille à vous assourdir (Argot du peuple). N.
FIN-DE-SIÈCLE: Cette expression nouvelle veut dire bien des choses.
Un chapeau excentrique est fin-de-siècle.
Une chanteuse comme Yvette, une danseuse comme la Goulue, un livre ou une pièce où les expressions sont ce qu’il y a de plus réaliste, tout cela est fin-de-siècle (Argots divers). N.
FLAMSIK: Flamand.
C’est une corruption du mot flahut (Argot des voleurs).
FLANCHE: Affaire.
—Si tu veux, mon vieil aminche, nous avons un rude flanche en vue?
—Je le connais ton flanche à la manque (Argot des voleurs).
FLAQUET: Le gousset du pantalon, ou la poche du gilet.
C’est là généralement où on met son argent.
Flac, sac ou argent, de là flaquet (Argot des voleurs).
FLEUR DE CONNERIE: Suprême imbécile, crème de crétin.
Mot à mot: le roi des gaffeurs (Argot du peuple). N.
FLOUE: La foule.
Quand la foule est nombreuse, les voleurs peuvent travailler à leur aise (Argot des voleurs).
FONCÉE: Une mariée est en blanc le matin, le soir elle change de costume, les loustics disent qu’elle est en foncée (Argot du peuple). N.
FONDANTS: Des bonbons pustuleux qui suintent sans cesse.
On dit: il a des bonbons fondants (Argot du peuple). N.
FOUINARD: Individu qui fouine partout, qui fourre son nez dans les affaires des autres.
Fouinard date de la pièce de Lesurques; c’était l’acteur Alexandre qui jouait le rôle de ce personnage (Argot du peuple).
FOURLINE: Vient de fourloureur. Ce mot signifie à la fois voleur et assassin (Argot des voleurs).
FRICOTEUR: Agent d’affaires, synonyme de tripoteur.
Au régiment, les troupiers qui coupent aux exercices, aux corvées, en un mot au service, sont des fricoteurs (Argot du peuple).
H
HUILE DANS LA LAMPE (N’avoir plus d’): Mourir.
Allusion à la lampe qui s’éteint faute d’huile (Argot du peuple). N.
HÔTEL-DIDEROT: La prison de Mazas.
On dit également Mazas-les-Bains (Argot du peuple). N.
M
MALHEUREUX (Être): C’est l’état de pauvreté, en français.
En typographie, cette expression a une autre signification.
Dans une équipe, chacun, à tour de rôle, a son tour de malheureux, la liste en est affichée dans l’atelier de composition.
Les malheureux restent après les autres pour corriger, faire les morasses et serrer les formes (Argot d’imprimerie). N.
MANCHE (Avoir son): Être formidablement en colère.
Un compositeur typographe qui a de la mauvaise copie (la mienne par exemple) qu’il ne peut lire, a son manche contre l’auteur.
Heureusement que ce n’est pas celui du balai.
Synonyme d’avoir sa chèvre (Argot d’imprimerie). N.
MESSIÈRES: Victimes.
Ce mot est très vieux; il a été employé par Eugène Suë, à propos du personnage du Maître d’école, à qui la Chouette dit:
—Ma vieille fourline, attention, v’là les messières (Argot des voleurs).
MON LINGE EST LAVÉ: Quand deux individus se battent, celui qui est vaincu dit qu’il a son linge lavé.
Être arrêté a la même signification (Argot des voleurs).
MOULIN À CAFÉ: Le tribunal correctionnel.
Allusion à la vitesse avec laquelle les juges expédient les affaires.
Les prévenus sont condamnés à la vapeur (Argot du palais). N.
MOUILLER SES BIBELOTS: Pisser dans son pantalon (Argot du peuple).
MOTS À QUEUE: C’est une plaisanterie d’atelier fort amusante.
C’est un homme de l’artichaud Colas.
On en a fait des à-peu-près tout aussi drôles sur les heures.
Il est une heure, (teneur) de livres.
Deux heures, (deux sœurs) de charité.
Trois heures (toiseur) vérificateur.
Quatre heures, (cardeur) de matelas.
Cinq heures, (zingueur) plombier.
Six heures, (ciseleur) sur métaux.
Sept heures (cette heure) est la mienne.
Huit heures, (huîtres) d’Ostende.
Neuf heures, (neveu) de son oncle.
Dix heures, (diseur) de bonne aventure.
Onze heures, (on se) réunira à la maison mortuaire pour midi (Argot des ateliers).
N
N’EN JETEZ PLUS, LA COUR EST PLEINE: De 1848 à 1860, il exista un homme mystérieux qui chantait dans les cours; son élégance et sa distinction l’avait fait surnommer le marquis.
Avec une voix très agréable, il chantait le répertoire de Désaugiers.
Aussitôt qu’il arrivait, les sous commençaient à pleuvoir drus comme grêle, il s’arrêtait avant d’entamer une nouvelle chanson et criait:
—N’en jetez plus, la cour est pleine.
L’expression est restée comme synonyme de: j’en ai assez (Argot du peuple). N.
NOIRE COMME LE CUL DU DIABLE: Se dit d’une femme brune, presque moricaude.
On dit également de quelqu’un qui a la conscience chargée de nombreux méfaits;
—Son âme est noire comme le cul du diable.
Se dit aussi d’une affaire embrouillée, dans laquelle personne ne voit goutte (Argot du peuple).
P
PATTE DE VELOURS (Faire): Avoir envie de dire des injures à quelqu’un et au contraire lui faire risette.
Avoir envie d’égratigner et au contraire caresser.
Allusion au chat qui rentre ses griffes quand il est content:
—Il fait patte de velours (Argot du peuple). N.
PHILOSOPHES: Des souliers.
Ils sont bien forcés d’accepter le temps comme il est, boue ou neige, et le pied qui les chausse.
On appelle également philosophes des grecs qui opèrent seuls dans les cercles et dans les tripots.
Le philosophe d’allumage est celui qui prépare les pontes, qui en ce cas deviennent des pantes (Argot du peuple). N.
PLUS DE GAZ DANS SON COMPTEUR: Mourir.
Le robinet de la vie est fermé, les yeux sont éteints (Argot du peuple). N.
PUTAINS DES PAUVRES: Les députés.
Cette expression nouvelle n’est pas très polie pour les Bidards du suffrage universel, si on s’en rapporte à la légende de Sainte-Thérèse.
Seulement cela ne doit pas être pris dans le même sens, car si les députés sont putains ce n’est pas par charité (Argot au peuple). N.
Q
QUENOTTES: Les dents.
—Fais voir, mon petit ami, les jolies quenottes (Argot du peuple).
S
SANGLIER: Le prêtre.
Pourquoi?
Le prêtre n’a pourtant rien du sanglier, ni les allures, ni la rudesse, car il ne tient pas tête à ceux qui le combattent (Argot des voleurs).
SCIER SON ARMOIRE: Quand le contrebassiste, dans un orchestre, fait sa partie, les voyous disent:
—Il scie son armoire.
Allusion de forme (Argot du peuple). N.
SE PAYER UN COUP DE VEUVE: S’offrir une satisfaction personnelle solitairement.
La veuve, c’est madame Poignet.
Quand un assassin lingre un pante, il s’offre un coup de veuve, seulement c’est Charlot qui opère à sa place, et la satisfaction n’est pas synonyme de jouissance (Argot du peuple). N.
SI MA TANTE ÉTAIT UN HOMME.
Cette expression est employée communément dans le peuple pour exprimer l’absence de la virilité de la femme:
—Si ma tante en avait elle serait colonel dans la garde nationale (Argot du peuple). N.
STOPPER: Stopper, arrêter.
Le mécanicien arrête la machine, il stoppe.
On dit à un orateur qui fait un discours maladroit: stoppez, dans le sens de taisez-vous.
La science du tailleur a créé le stoppeur, celui qui reprise les accrocs aux vêtements.
Il est regrettable que son aiguille habile ne puisse repriser les consciences, il aurait eu un rude ouvrage au Palais-Bourbon (Argot du peuple).
SUIF (En recevoir un): Être fortement réprimandé par le patron.
On dit également recevoir un gras:
—J’ai perdu un tiers, ce que le contre-coup m’a graissé, c’est un vrai beurre.
Deux mots pour exprimer le même objet (Argot du peuple).
SURETTE: Pomme.
Allusion à l’acidité de ce fruit que l’on rencontre en Normandie sur les grandes routes (Argot des voleurs).
SYMBOLE (Avoir un):
Avoir un compte ouvert chez le mastroquet (Argot d’imprimerie).
T
TABLEAU-RADIS: Toile que le marchand n’a pu vendre.
Quand il revient à l’atelier, on dit: mon tableau-radis.
On en dit autant d’un livre: un livre-radis.
Allusion au radis rose ou noir qui occasionne des renvois (Argot d’atelier).
TAMBOUR: Chien.
Quand un étranger pénètre dans une maison, les aboiements réitérés du chien imitent le roulement du tambour.
L’expression alarmiste, citée plus haut, est plus juste (Argot des voleurs).
TARTE: Chose de mauvaise qualité.
Les faux-monnayeurs sont des mornifleurs-tarte.
Ils écoulent de mauvais argent.
Allusion aux tartes faites avec de la vieille graisse et de la farine avariée que l’on vend dans les fêtes foraines (Argot des voleurs). N.
TENIR LA CHANDELLE: Mari complaisant qui sait que sa femme le trompe et qui accepte ça très tranquillement.
L’amant de cœur d’une fille entretenue.
Ils tiennent la chandelle (Argot du peuple).
TIRE-BOGUE: Voleur à la tire qui a la spécialité de faire les montres (Argot des voleurs).
TOILE D’EMBALLAGE: Linceul.
Cette expression est toujours en usage, malgré que dans les hôpitaux on n’ensevelisse plus les morts dans des serpillières (Argot du peuple).
TROU AUX POMMES DE TERRE: La bouche (Argot du peuple).
V
VERTU NAUFRAGÉE: Jeune fille qui ne pourrait plus être couronnée rosière, même laïque; sa vertu a fait naufrage sur le gazon ou ailleurs (Argot du peuple). N.
VIDER LE PLANCHER: S’en aller.
—Mon p’tit, ça ne marche plus, tu vas vider le plancher (Argot du peuple).
VIOLON: Les serruriers, pour percer des petits trous, se servent d’un foret emmanché dans une bobine pour l’activer; ils ont une tige d’acier flexible, garnie d’un fil d’archal, ils appuient le pivot du foret sur une plaque de fer assujétie sur l’estomac; cette plaque se nomme conscience, la tige d’acier se nomme un archet. Par le va et vient du foret, l’ouvrier joue un air de violon (Argot du peuple). N.
VOITURE À BRAS: Vieille femme.
Cette expression est employée pour dire qu’elle est une vieille charrette qui a traîné la moitié du Paris masculin (Argot du peuple).
VOLE-AU-VENT: Plume (Argot des voleurs).
FIN
Au moment d’imprimer cette dernière feuille, il m’arrive une série d’expressions nouvelles qui seront, pour compléter ce volume, publiées en supplément, à part.
Imp. Lambert, Épinette et Cie, 231, rue Championnet.—Paris.
Du MÊME AUTEUR
PARIS-DOCUMENTAIRE
VOLUMES PARUS
| I. | Paris-oublié. |
| II. | Paris-qui-s’efface. |
| III. | Paris-Canard. |
| IV. | Paris-Palette. |
| V. | Paris-Impur. |
| VI. | Paris-Cocu. |
| VII. | Paris-Police. |
| VIII. | Paris-Escarpé. |
| IX. | Paris-Boursicotier. |
| X. | Paris-Galant. |
| XI. | Paris-Médaillé. |
| XII. | Paris-Croque-Mort. |
VOLUMES A PARAÎTRE
- Paris-la-Nuit.
- Paris-Ambulant.
- Paris-Dompteur.
- Paris-Mastroquet.
- Paris-Brasserie.
- Paris-Bastringue.
- Paris-Cabotin.
- Paris-Palais.
- Paris-Brocanteur.
- Paris-Gargantua.
- Paris-Canotier.
- Paris-Tripot.
- Paris-à-Table.
- Paris-Mendigo.
- Paris-Prison.
- Paris-Escrime.
- Paris-qui-s’éveille.
- Paris-Toqué.
- Paris-Musicien.
- Paris-Huissier.
- Paris-Étudiant.
- Paris-Domestique.
- Paris-Gavroche.
- Paris-Borgia.
- Paris-Badaud.
- Paris-Cafard.
- Paris-Portière.
- Paris-Bourgeois.
VOLUMES DIVERS ÉPUISÉS
- La Commune de Paris. 1870-1871
- Les Maisons comiques.
- Mémoires secrets de Troppmann.
- Les Virtuoses du Trottoir.
- Les Curiosités de Paris.
- Les Sauterelles rouges.
- Ces Dames du grand monde.
- Les Jeux et les Joueurs.
Note de transcription:
- Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.
- L'orthographe et la ponctuation d'origine ont été conservées et n'ont pas été harmonisées.
- Autres corrections:
- p. 46: Les chiffres 69 sont verticaux dans l’original.
- p. 60: elle se sauvent → elles se sauvent.
- p. 101: 50 010 → 50%
- p. 106: au point vue moral → au point de vue moral.
- p. 255: bach lier → bachelier.