Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1 - (A)
ARCHITRAVE, s. f. Ce mot, qui désigne le premier membre de l'entablement antique, ne trouvait pas son emploi du Xe au XVIe siècle, puisque alors on avait abandonné la plate-bande posant sur des colonnes; celles-ci n'étant plus destinées à porter que des arcs. Si dans quelques cas particuliers, pendant le moyen âge, des plates-bandes sont posées d'une colonne à l'autre, on doit plutôt les regarder comme des linteaux que comme des architraves (voy. LINTEAU), car l'architrave demande, pour conserver son nom, la superposition de la frise et de la corniche. En effet, architrave signifie proprement maîtresse poutre, et dans l'entablement antique c'est elle qui porte les autres membres de l'entablement. C'est à l'époque de la Renaissance que l'on retrouve l'architrave employée avec les ordres antiques, et ses proportions sont alors, par rapport au diamètre de la colonne, très-variables (voy. ENTABLEMENT). L'architrave antique est formée d'une seule pièce d'une colonne à l'autre. Il n'y a pas d'exception à cette règle dans l'architecture grecque; si déjà les Romains ont appareillé des architraves en claveaux, c'est une fausse application du principe de l'entablement antique. Lorsque l'on rencontre des architraves dans les ordres appartenant à l'architecture de la Renaissance, elles sont généralement, de même que pendant la bonne antiquité, formées d'un seul morceau de pierre. Ce n'est guère que vers la moitié du XVIe siècle que l'on eut l'idée d'appareiller les architraves; et plus tard encore, quand la manie de copier les formes de l'architecture antique s'empara des architectes, sans avoir égard aux principes de la construction de cette architecture, on appareilla ensemble l'architrave et la frise, en faisant passer les coupes des claveaux à travers ces deux membres de l'entablement: c'était un grossier contre-sens qui s'est perpétué jusqu'à nos jours.
ARDOISE, s. f. (Schiste lamelleux.) Dans les contrées où le schiste est facile à exploiter on s'en est servi de tous temps, soit pour daller les intérieurs des habitations, soit pour les couvrir, ou pour clore des champs. La ténacité de cette matière, sa résistance, la facilité avec laquelle elle se délite en lames minces, ont dû nécessairement engager les constructeurs à l'employer. On a utilisé cette matière aussi comme moellon. L'Anjou, quelques parties des Pyrénées, les Ardennes ont conservé de très-anciennes constructions bâties en schiste qui ont parfaitement résisté à l'action du temps. Mais c'est principalement pour couvrir les charpentes que les ardoises ont été employées. Il paraîtrait que dès le XIe siècle, dans les contrées schisteuses, on employait l'ardoise concurremment avec la tuile creuse ou plate. Dans des constructions de cette époque nous avons retrouvé de nombreux fragments de grandes ardoises 243 très-épaisses et mal coupées, mais n'en constituant pas moins une excellente couverture. Toutefois, tant qu'on ne trouva pas les moyens d'exploiter l'ardoise en grand, de la déliter et de la couper régulièrement, on dut préférer la tuile qui, faite avec soin, couverte d'émaux de différentes couleurs, était d'un aspect beaucoup plus riche et monumental. Les ardoises n'étaient guère employées que pour les constructions vulgaires, et comme on les emploie encore aujourd'hui dans les monts d'Or, dans la montagne Noire, et dans les Ardennes. Ce ne fut guère que vers la fin du XIIe siècle que l'ardoise devint d'un emploi général dans le nord et l'ouest de la France.
Des palais, des maisons de riches bourgeois, des églises même étaient déjà couvertes en ardoises. L'adoption des combles coniques pour les tours des châteaux rendait l'emploi de l'ardoise obligatoire, car on ne pouvait convenablement couvrir un comble conique avec de la tuile, à moins de la faire fabriquer exprès et de diverses largeurs, tandis que l'ardoise, pouvant se tailler facilement, permettait de chevaucher toujours les joints de chaque rang d'une couverture conique. Lorsque les couvertures coniques étaient d'un très-petit diamètre, sur les tourelles des escaliers, par exemple, afin d'éviter les cornes saillantes que des ardoises plates n'eussent pas manqué de laisser voir sur une surface curviligne convexe, on taillait leur extrémité inférieure en forme d'écaille, et on avait le soin de les tenir très-étroites pour qu'elles pussent mieux s'appliquer sur la surface courbe (1); et comme chaque rang, en diminuant de diamètre, devait diminuer le hombre des ardoises qui le composaient, on arrêtait souvent de distance en distance le système des rangs d'écailles par un rang droit, et on reprenait au-dessus les écailles en moindre nombre sans que l'oeil fût choqué du changement apporté dans le recouvrement régulier des joints (2); ou bien encore, lorsque par suite d'un recouvrement régulier de quelques rangs sur une surface conique, les ardoises devenaient trop étroites pour qu'il fût possible de continuer, on reprenait le rang suivant par des ardoises couvrant deux joints (3).
Suivant la nature du schiste, les ardoises étaient plus ou moins grandes
ou épaisses. Dans la montagne Noire, dans une partie de l'Auvergne, les
schistes se délitent mal et sont remplis de filons durs qui empêchent de
les tailler régulièrement: aussi dans ces contrées les couvertures sont
grossières; mais dans les Ardennes, sur les bords de la Moselle, et dans
l'Anjou, les schistes très-purs permettent une grande régularité dans la
taille de l'ardoise, et dès le XIIIe siècle on n'a pas manqué de
profiter des qualités de ces matériaux pour faire des couvertures à la
fois solides, faciles à poser, peu dispendieuses et d'une apparence fort
agréable. La couleur de l'ardoise de l'Anjou, son aspect métallique et
son peu d'épaisseur, se mariant parfaitement avec le plomb, on
continuait à employer ce métal pour garnir les poinçons, les faîtages,
les arêtiers, les noues, les lucarnes, réservant l'ardoise pour les
grandes parties plates. Mais les architectes du XIIIe siècle avaient une
sorte de répulsion pour la banalité, qui leur fit bientôt chercher les
moyens d'employer l'ardoise en la faisant servir à la décoration en même
temps qu'à la couverture des édifices. Ils avaient remarqué que
l'ardoise obtient un reflet différent suivant qu'on présente sa surface
dans un sens ou dans l'autre à la lumière du soleil; ils utilisèrent
sans dépense aucune cette propriété de l'ardoise, pour former sur leurs
combles des mosaïques de deux tons (4). Souvent aussi ils taillèrent
leurs ardoises de diverses manières (5), ou les posèrent de façon à
rompre la monotonie des couvertures, soit en quinconce (6), soit en épis
(7), soit ainsi que cela se pratique sur les bords de la Moselle, et
particulièrement à Metz et à Trèves, en écailles ordinaires (fig. 1) ou
en écailles biaises, dites couverture allemande (8).
Ces méthodes différentes adoptées à partir du XIIIe siècle ne subirent pas de changements notables pendant le cours des XIVe et XVe siècles. L'ardoise mieux exploitée était livrée plus régulière, plus fine et plus mince, et si l'aspect des couvertures y gagnait, il n'en était pas de même pour leur durée. Les anciennes ardoises (nous parlons de celles des XIIe et XIIIe siècles) ont de dix à quinze millimètres d'épaisseur, tandis que celles du XVe siècle n'ont guère que de cinq à huit millimètres au plus. Quant à leur longueur et largeur, généralement les anciennes ardoises employées dans l'ouest et dans le nord sont petites, de 0,18c de largeur environ sur 0,25c de hauteur; souvent elles appartiennent à la série nommée aujourd'hui héridelle, et n'ayant que 0,10c de large environ sur 0,38c. Cependant les anciens couvreurs avaient le soin de commencer leurs couvertures en posant sur l'extrémité des coyaux des combles un rang de larges et fortes ardoises, afin de donner moins de prise au vent. Les anciennes couvertures en ardoises étant fort inclinées, le pureau 244 n'était guère que du tiers de la hauteur de l'ardoise. On peut dire qu'une couverture en ardoise épaisse, sur une pente forte, clouée sur de la volige de châtaignier ou de chêne blanc, dure des siècles sans avoir besoin d'être réparée, surtout si on a le soin d'éviter de multiplier les noues, les arêtiers, les solins, ou du moins de les bien garnir de plomb solidement attaché. A partir du XIIIe siècle, partout où l'ardoise pouvait être importée, on lui donnait une grande préférence sur la tuile, et ce n'était pas sans cause. L'ardoise d'Angers ou des Ardennes ne s'imprègne pas d'une quantité d'eau appréciable, et par sa chaleur naturelle laisse rapidement évaporer celle qui tombe sur sa surface; la tuile, au contraire, si elle n'est pas vernissée, se charge de son huitième de poids d'eau, et séchant lentement, laisse peu à peu l'humidité pénétrer les charpentes; même étant bien faite, elle ne peut empêcher la neige fouettée par le vent de passer sous les combles. De plus, la tuile ne se prête pas à des couvertures compliquées, telles que celles qu'un état de civilisation avancé oblige d'employer, soit pour établir des lucarnes, faire passer des tuyaux de cheminée, disposer des faîtages, des noues, arêtiers et pénétrations. L'adoption presque générale de l'ardoise, au moins pour les édifices de quelque importance, eut une influence sur la forme des combles: jusque vers la fin du XIIe siècle, on ne leur donnait guère une pente supérieure à quarante-cinq degrés, ce qui est la pente la plus roide pour de la tuile, mais on crut devoir augmenter l'acuité des combles destinés à être couverts en ardoise; celles-ci, retenues chacune par deux clous, ne pouvaient glisser comme le fait la tuile lorsque la pente des combles est trop forte, et plus leur inclinaison se rapprochait de la verticale, moins elles offraient de prise au vent. L'acuité des combles couverts en ardoise avait encore cet avantage de laisser glisser la neige, qui ne pouvait ainsi séjourner sur leur pente.
Dans les villes du nord, à partir du XIVe siècle, beaucoup de maisons étaient construites en pans de bois, et l'on se gardait bien alors, comme on le fait aujourd'hui, de couvrir ces pans de bois par des enduits. Toutefois, pour ne pas laisser les bois directement exposés aux intempéries, ou on les peignait avec soin, ou lorsqu'ils se trouvaient opposés aux vents de pluie, on les recouvrait d'ardoises ou de bardeaux essente (voy. BARDEAU). Quelquefois ce revêtement couvrait les membrures du pan de bois et le colombage; souvent le colombage, formé d'un simple enduit sur garni de platras ou de briques, restait apparent, et l'ardoise recouvrait seulement les poteaux, écharpes, sablières, potelets et tournisses du pan de bois. Au XVe siècle, ces ardoises servant de revêtement vertical des pans de bois étaient fréquemment découpées et formaient des dessins de diverses sortes: écailles, feuillages, trèfles, lozanges, etc.; cet usage se perpétua encore pendant le XVIe siècle 245. Des maisons de Rouen, d'Abbeville, de Caudebec, de Lizieux, de Troyes, de Reims, qui datent des XVe et XVIe siècles, présentent encore des vestiges de ces revêtements d'ardoises découpées sur les pans de bois.
Voici (9) la disposition des ardoises qui enveloppent les poteaux corniers de plusieurs maisons de Rouen 246; qui se trouvent sur les tournisses, écharpes et potelets d'une maison d'Abbeville (10); sur les appuis et sablières de quelques maisons de Rouen et de Lizieux (11); au sommet d'un pignon d'une maison de la grand'rue n°75 à Rouen (12). Quelquefois aussi pour décorer les enduits en mortier ou plâtre entre les membrures des pans de bois des habitations privées, on clouait quelques ardoises découpées formant un ornement (13). Au château de Chambord les couronnements du grand escalier, les têtes des cheminées présentent des médaillons ronds ou en lozange qui sont remplis par une ardoise formant de loin des points noirs qui relèvent et allégissent ces sommets. Nous avons vu quelquefois dans des édifices de la fin du XVe siècle et du commencement du XVIe des morceaux d'ardoises incrustés dans les très-fines arcatures à jour des pinacles, des supports, des soubassements, des tombeaux, et qui par leur ton obscur font ressortir les découpures de pierre. Les poseurs de ces époques se servaient aussi d'ardoises pour caler les pierres, et l'on en rencontre fréquemment dans les joints. Les deux colonnes si délicates qui supportaient la tourelle de l'hôtel de la Trémoille à Paris, dont les restes sont déposés à l'École des beaux-arts, étaient calées avec des ardoises qui couvraient la surface de leurs lits.
Nous avons vu, dans les contrées où le schiste est commun, les ardoises employées en grands morceaux, soit pour servir de paliers aux escaliers, soit en guise de pannes sous les combles pour porter les chevrons, ou de poteaux de hangards, soit comme clôtures de jardins en grandes lames fichées en terre, soit encore comme pierres tombales, particulièrement pendant les XVe et XVIe siècles. L'usage de peindre les ardoises ne peut être douteux, bien que nous n'ayons pu trouver d'ardoises peintes ou dorées antérieures au XVIe siècle; mais dans les habitations du XVe siècle on rencontre parfois des écussons en ardoises cloués sur les pans de bois, et il est à présumer qu'ils étaient destinés à recevoir les couleurs et les métaux des armes des propriétaires.
Note 244: (retour) On appelle pureau la portion des ardoises ou des tuiles qui reste visible après qu'elles ont été superposées par le couvreur sur la volige ou le lattis. Le pureau étant du tiers ou du quart de la hauteur de l'ardoise, chaque point de la couverture est recouvert par trois ou quatre épaisseurs d'ardoises, et chaque ardoise ne laisse voir que le tiers ou le quart de sa hauteur.
ARÊTE, s. f. (voy. VOUTE, CHARPENTE, TAILLE).
ARÊTIER, s. m. Pièce de charpente inclinée qui forme l'encoignure d'un comble, vient s'assembler à sa partie inférieure aux extrémités de l'enrayure, à son sommet dans le poinçon, et sur laquelle s'assemblent les empanons (voy. CHARPENTE). Les plombiers nomment aussi arêtier la lame de plomb qui, maintenue par des pattes, et ornée quelquefois d'un boudin, de crochets et d'ornements saillants, sert à couvrir les angles d'un comble en pavillon ou d'une flèche (voy. PLOMBERIE, FLÈCHE). Autrefois, et dans quelques provinces du nord, les charpentiers et les couvreurs disaient et disent encore: Erestier.
ARÊTIÈRE, s. f. Tuile dont la forme épouse et recouvre l'angle des couvertures en terre cuite sur l'arêtier. Pour les couvertures en tuiles creuses les arêtières ne sont que des tuiles plus grandes et plus ouvertes, dans leur partie large ou inférieure, que les tuiles ordinaires; mais pour les couvertures en tuiles plates les arêtières étaient munies de crochets dans leur concavité pour les empêcher de glisser les unes sur les autres. Nous avons vu d'anciennes tuiles-arêtières ainsi fabriquées en Bourgogne et en Champagne. L'usage était dans des monuments d'une date fort ancienne d'orner le dos des arêtières par un simple bouton qui était destiné de même à empêcher le glissement de ces tuiles d'angles. Les manuscrits des XIIe, XIIIe et XIVe siècles figurent souvent des arêtières de combles couverts en tuiles, décorées de crochets; en Champagne, en Alsace il existe encore sur quelques édifices de rares exemples de ces arêtières ornées (voy. TUILE).
ARGENT, s. m. Ce métal a rarement été employé dans la décoration des édifices pendant le moyen âge. La promptitude avec laquelle il passe à l'état d'oxyde ou de sulfure d'argent a dû le faire exclure, puisque alors de blanc brillant il devient noir irisé. Cependant le moine Théophile qui écrivait au XIIe siècle, dans son Essai sur divers arts, parle de feuilles d'argent appliquées sur les murs ou les plafonds; il donne aussi le moyen de nettoyer des plaques d'or ou d'argent fixées au moyen de clous. En effet dès les premiers siècles du moyen âge on revêtissait souvent des autels, des châsses, des tombeaux en bois ou en pierre de plaques d'argent naturel ou doré. Dom Doublet dit dans son ouvrage sur les antiquités de l'abbaye de Saint-Denis, que le roi Dagobert fit couvrir l'église de ce monastère de «plomb partout, excepté en certaine partie tant du dessus que du dedans de ladite église qu'il fit couvrir d'argent, à sçavoir à l'endroit où reposoient iceux saincts martyrs... 247»
A l'imitation de certains ouvrages du Bas-Empire, pendant la période romane, on incrustait souvent des parties d'argent dans les bronzes qui recouvraient les portes des églises, les jubés, les tombeaux; des figures avaient souvent les yeux ou les broderies de leurs vêtements en argent ciselé. Dans les oeuvres de grande orfévrerie monumentale, l'argent doré (vermeil) jouait un grand rôle (voy. AUTEL, CHASSE, TOMBEAU).
A partir du XIIIe siècle, on décora souvent les intérieurs des édifices de plaques de verre coloré sous lesquelles, pour leur donner plus d'éclat, on apposait des feuilles d'argent battu (voy. APPLICATION).
ARMATURE, s. f. On désigne par ce mot toute combinaison de fer ou de bois destinée à renforcer ou maintenir un ouvrage de maçonnerie ou de charpente; aussi les compartiments de fer dans lesquels les panneaux des vitraux sont enchâssés. Pendant la période romane, le fer était peu employé dans les constructions; on ne pouvait le forger que par petites pièces, les moyens mécaniques faisant défaut. Pour résister à la poussée des voûtes, pour relier des murs, on noyait des pièces de bois dans l'épaisseur des maçonneries, maintenues entre elles par des broches de fer; mais c'était là des chaînages (voy. ce mot) plutôt que des armatures proprement dites. Lorsque, par suite de l'adoption du système de construction ogivale, l'architecture devint à la fois plus légère et plus compliquée, lorsque les édifices durent prendre une grande étendue, le fer fut appelé à jouer un rôle assez important dans l'art de bâtir, et dès la fin du XIIe siècle déjà, dans le nord de la France, on crut devoir l'employer en grande quantité pour relier et donner du nerf aux maçonneries. L'emploi de cette matière, dont alors on connaissait peu les fâcheux effets, hâta souvent la ruine des monuments au lieu de la prévenir (voy. CHAÎNAGE, CRAMPON). Pour la charpente le fer ne fut employé que fort tard, et pendant toute la période ogivale on n'en fit point usage (voy. CHARPENTE); Les charpentiers du moyen âge jusqu'à la fin du XVIe siècle ne cherchèrent d'autres combinaisons que celles données par un judicieux emploi du bois, sans le secours des ferrements. Toutes les grandes charpentes anciennes, y compris celles des flèches, sont construites sans un seul morceau de fer; les tirants, les enrayures, les clefs pendantes, les armatures, sont uniquement en bois, sans un boulon, sans une plate-bande. Si l'art de la serrurerie était appelé à prêter son concours à la maçonnerie, il était absolument exclu de la charpente, et n'apparaissait seulement que pour s'associer à la plomberie décorative (voy. PLOMBERIE). Il est certain que les nombreux sinistres qui avaient suivi immédiatement la construction des grands monuments voûtés dans le nord (voy. ARCHITECTURE RELIGIEUSE) avaient inspiré aux architectes des XIIe et XIIIe siècles une telle défiance, qu'ils ne croyaient pas pouvoir se passer du fer dans la combinaison des maçonneries destinées à résister à la poussée des voûtes élevées; c'est ainsi que l'on peut expliquer la prodigieuse quantité de chaînes et crampons en fer que l'on retrouve dans les maçonneries de ces époques. Ce n'est que le manque de ressources suffisantes qui forçait les architectes de ne pas prodiguer le fer dans leurs constructions; mais lorsque des raisons d'économie ne les retenaient, ils ne l'épargnaient pas. Ainsi on a lieu d'être surpris en voyant que les arêtes de la voûte absidale de la Sainte-Chapelle de Paris sont éclissées chacune par deux courbes de fer plat posées de champs le long de leur paroi (1).
Ces bandes de fer, qui ont environ 0.05c de plat sur 0.015m d'épaisseur, sont reliées entre elles par des gros rivets ou boulons, qui passent à travers la tête des claveaux. Elles datent évidemment de l'époque de la construction, car elles n'auraient pu être posées après coup; elles s'assemblent à la clef au moyen de V également en fer rivés avec elles, et les rendant ainsi toutes solidaires au sommet de la voûte. Ce surcroît de résistance était superflu, et ces arêtes n'avaient pas besoin de ce secours; c'est le seul exemple que nous connaissions d'une armature de ce genre, et cependant il existe un grand nombre de voûtes plus légères que celles de la Sainte-Chapelle-du-Palais qui, bien qu'elles n'en fussent point pourvues, ont parfaitement conservé la pureté de leur courbe.
La ferronnerie forgée avait dès la fin du XIIe siècle pris un grand essor. On peut s'en convaincre en voyant avec quelle habileté sont traitées les pentures qui servent à pendre les portes à cette époque; cette habitude de manier le fer, de le faire obéir à la main du forgeron, avait dû engager les architectes à employer le fer pour maintenir les panneaux des vitraux destinés à garnir les grandes fenêtres que l'on commençait alors à ouvrir dans les édifices importants, tels que les églises. À la fin du XIIe siècle les fenêtres n'étaient point encore divisées par des meneaux de pierre, et déjà cependant on tenait à leur donner une largeur et une hauteur considérables; force était donc de diviser leur vide par des armatures de fer, les panneaux de verres assemblés avec du plomb ne pouvant excéder une surface de soixante à quatre-vingts centimètres carrés sans risquer de se rompre (voy. FENÊTRE, VITRAIL).
Les armatures d'abord simples, c'est-à-dire composées seulement de traverses et de montants (2), prirent bientôt des formes plus ou moins compliquées, suivant le dessin donné aux panneaux légendaires des vitraux, et se divisèrent en une suite de cercles, de quatre-feuilles, de carrés posés en pointe, de portions de cercles se pénétrant, etc.
Nous donnons ici (3, 4 et 5) divers exemples de ces sortes d'armatures 248. Un des plus curieux spécimens de ces fermetures en fer se voit dans la petite église de Notre-Dame de Dijon. Cette église appartient à la première moitié du XIIIe siècle; les deux pignons de la croisée prennent jour par deux grandes roses dépourvues de compartiments de pierre. Des armatures en fer maintiennent seules les vitraux. Voici (6) le dessin d'ensemble de ces armatures qui présentent un beau champ à la peinture sur verre, et dont les compartiments adroitement combinés sont d'un bon effet et d'une grande solidité.
L'assemblage de ces pièces de fer est toujours fort simple, peut être facilement posé, déposé ou réparé, toutes les pièces étant assemblées à tenons et mortaises, sans rivets ni goupilles; quant aux vis, leur emploi n'était pas alors connu dans la serrurerie.
Le détail que nous donnons ici (7) fera comprendre le système d'attache de ces ferrements. Ces fers, forgés à la main et sans le secours des cylindres, sont assez inégaux d'épaisseur; en moyenne ils ont 0.03c de plat sur 0.022c d'épaisseur. Comme dans toutes les armatures, les panneaux de vitraux sont maintenus au moyen de pitons et de clavettes disposés comme l'indique le détail (8). Les renforts qui reçoivent les tenons sont en dehors, et les pitons en dedans, là où les fers s'affleurent tous pour recevoir les panneaux de verres.
Lorsque vers le milieu du XIIIe siècle les grandes fenêtres furent garnies de meneaux de pierre, les armatures de fer durent perdre de leur importance. Cependant on conserva encore dans les monuments que l'on tenait à décorer avec soin, entre les colonnettes des meneaux, des armatures formant des compartiments variés ainsi qu'on peut le voir à la Sainte-Chapelle. Mais au XIVe on cessa de poser des armatures contournées entre les meneaux, et on en revint aulx traverses et montants. On donnait alors aux sujets légendaires des vitraux de plus grandes dimensions, et les encadrements en fer ne pouvaient affecter des formes qui eussent gêné les peintres verriers dans leurs compositions (voy. VITRAIL).
Note 248: (retour) La fig. 3 est l'armature de la grande fenêtre centrale de la façade occidentale de la cathédrale de Chartres (fin du XIIe siècle).La fig. 4, d'une fenêtre de la nef de la cathédrale de Chartres (1210 à 1230)
La fig. 5, d'une fenêtre de chapelle de la Vierge de la cathédrale du Mans (1220 à 1230).
ARMOIRE, s. f. Est un réduit ménagé dans la muraille, clos, destiné à renfermer des objets ayant quelque valeur; ou un meuble en menuiserie, composé d'un fond, de côtés, d'un dessus et d'un dessous, fermé par des ventaux, et disposé dans les édifices ou les appartements d'une manière permanente. Nous ne nous occuperons ici que des armoires fixes, immeubles par destination, suivant le langage moderne, les objets mobiliers sortant de notre sujet.
Dans les plus anciennes abbayes, à côté du cloître, était ménagé un cabinet ou un simple enfoncement dans la muraille, appelé Armarium, Armariolus, dans lequel les religieux renfermaient pendant le travail aux champs les livres dont ils se servaient journellement. À côté des autels une armoire était réservée autrefois, soit pour conserver sous clefs le saint sacrement, soit pour renfermer les objets nécessaires au service de la messe ou les trésors 249. Dom Doublet, dans ses Antiquités de l'abbaye de Saint-Denis, dit qu'auprès de l'autel des saints martyrs «il y a plusieurs choses précieuses et saintes. Premièrement au costé droit en une armoire est gardé l'un des précieux clouds, etc... Au costé senestre de l'autel en une grande armoire est le sacré chef de saint Denis l'Aréopagite, apostre de France, etc.» Dans le Traité de l'exposition du saint sacrement, de J. B. Thiers, on lit ce passage: «avant que les tabernacles fussent devenus aussi communs qu'ils le sont présentement parmi nous, en la plupart des églises, l'eucharistie était renfermée dans des armoires à côté des autels, dans des piliers, ou derrière les autels. Il se trouve encore aujourd'hui quantité de ces armoires dont on se sert en bien des lieux pour conserver les saintes huiles, ainsi que l'ordonne le concile provincial d'Aquilée en 1596 250. J. Baptiste de Constance, archevêque de Cozence en Calabre, qui vivait sur la fin du dernier siècle (XVIIe), témoigne que de son temps il n'y en avait plus aucune dans les églises de son archevêché: La coutume, dit-il 251, qu'on avoit de conserver le très-saint sacrement dans des armoires bâties dans la muraille à côté de l'autel. est déjà perdue partout ce diocèse, encore qu'elles fussent ornées par le dehors d'images et peintures d'or et d'azur, selon l'ancien usage non plus approuvé par la sainte Église, ains d'icelle saintement retranché par plusieurs raisons 252.»
Nous donnons ici (1) une armoire de ce genre ménagée dans les arcatures des soubassements des chapelles du choeur de l'église abbatiale de Vézelay (commencement du XIIIe siècle). Les ventaux de ces armoires, enlevés aujourd'hui, étaient ornés de ferrures dorées et de peintures.
Voici (2) une armoire copiée sur un des bas-reliefs des soubassements du portail de la cathédrale de Reims, qui peut donner une idée de ces meubles fixes placés à côté des autels.
Les précieuses reliques de la Sainte-Chapelle du Palais à Paris étaient renfermées dans une armoire posée sur une crédence à jour, et cette crédence était elle-même montée sur la voûte de l'édicule construit derrière le maître-autel. Cette armoire s'appelait la grande châsse. «C'est, dit Jérôme Morand, une grande arche de bronze doré et ornée de quelques figures sur le devant; elle est élevée sur une voûte gothique sise derrière le maître-autel, au rond-point de l'église, et est fermée avec dix clefs de serrures différentes, dont six ferment les deux portes extérieures; et les quatre autres un treillis intérieur à deux battants... 253» (voy. CHASSE).
Il existe encore dans l'ancienne église abbatiale de Souvigny une grande armoire de pierre du commencement du XVe siècle, qui est fort riche et servait à renfermer des reliques; elle est placée dans le transsept du côté sud. Les volets sont en bois et décorés de peintures; nous la donnons ici (3), c'est un des rares exemples de ces meubles à demeure si communs autrefois dans nos églises, et partout détruits, d'abord par les chapitres, moines ou curés du siècle dernier, puis par la révolution.
Dans les habitations privées, dans les salles et tours des châteaux, on retrouve fréquemment des armoires pratiquées dans l'épaisseur des murs. Nous reproduisons (4) le figuré de l'une de celles qui existent encore dans la grosse tour carrée de Montbard, dont la construction remonte au XIIIe siècle.
Ces armoires étaient destinées à conserver des vivres; quelquefois elles sont ventilées, divisées par des tablettes de pierre ou de bois. On remarquera avec quel soin les constructeurs ont laissé des saillies à la pierre aux points où les gonds prennent leurs scellements, et où le verrou vient s'engager (voy. GACHE, GOND, VERROU).
Note 249: (retour) Armariolum, tabernaculum in quo Christi corpus asservatur. Statuta ecclesiæ Leodiensis ann. 1287, apud Martenium, tom. 4, Anecdotorum col. 841: Corpus Domini in honesto loco sub altari vet in armariolo sub clave sollicite custodiatur.Armariolus, parvum armarium. Bern. Ordo Cluniac., part. I, cap. 25: Factus est quidam armariolus ante faciem majoris altaris... in quo nihil aliud reconditur præter illa ustensilia, quæ necessaria sunt ad solemnia dumtaxat, in conventu agendarum, id est, duo calices aurei, etc. (Du Cange.)
ARMOIRIE, s. f. Lorsque les armées occidentales se précipitèrent en Orient, à la conquête du saint sépulcre, leur réunion formait un tel mélange de populations différentes par les habitudes et le langage, qu'il fallut bien adopter certains signes pour se faire reconnaître des siens lorsqu'on en venait aux prises avec l'ennemi. Les rois, connétables, capitaines et même les simples chevaliers qui avaient quelques hommes sous leur conduite, afin de pouvoir être distingués dans la mêlée au milieu d'alliés et d'ennemis dont le costume était à peu près uniforme, firent peindre sur leurs écus des signes de couleurs tranchées, de manière à être aperçus de loin. Aussi les armoiries les plus anciennes sont-elles les plus simples. Dès le XIe siècle déjà l'usage des tournois était fort répandu en Allemagne, et les combattants adoptaient des couleurs, des emblèmes, qu'ils portaient tant que duraient les joûtes; toutefois, à cette époque, les nobles joûteurs semblent changer de devises ou de signes et de couleurs à chaque tournoi. Mais lorsque leurs écus armoriés se furent montrés devant les infidèles, lorsque, revenus des champs de bataille de l'Orient, les chrétiens occidentaux rapportèrent avec eux ces armes peintes, ils durent les conserver autant comme un souvenir que comme une marque honorable de leurs hauts faits. De tout temps les hommes qui ont affronté des périls ont aimé conserver les témoins muets de leurs longues souffrances, de leurs efforts et de leurs succès. Les armes émaillées de couleurs variées, de figures singulières, portant la trace des combats, furent religieusement suspendues aux murailles des châteaux féodaux; c'était en face d'elles que les vieux seigneurs racontaient leurs aventures d'outre-mer à leurs enfants, et ceux-ci s'habituaient à considérer ces écus armoyés comme un bien de famille, une marque d'honneur et de gloire qui devait être conservée et transmise de génération en génération. C'est ainsi que les armoiries, prises d'abord pour se faire reconnaître pendant le combat, devinrent héréditaires comme le nom et les biens du chef de la famille. Qui ne se rappelle avoir vu, après les guerres de la Révolution et de l'Empire, un vieux fusil rouillé suspendu au manteau de la cheminée de chaque chaumière?
Les armoiries devenues héréditaires, il fallut les soumettre à de certaines lois fixes, puisqu'elles devenaient des titres de famille. Il fallut blasonner les armes, c'est-à-dire, les expliquer 254. Ce ne fut toutefois que vers la fin du XIIe siècle que l'art héraldique posa ses premières règles 255; pendant le XIIIe siècle il se développa, et se fixa pendant les XIVe et XVe siècles. Alors la science du blason était fort en honneur; c'était comme un langage réservé à la noblesse, dont elle était jalouse, et qu'elle tenait à maintenir dans sa pureté. Les armoiries avaient pendant le XIVe siècle pris une grande place dans la décoration, les étoffes, les vêtements; c'est alors que les seigneurs et les gens de leurs maisons portaient des costumes armoyés. Froissart, dans ses chroniques, ne fait pas paraître un noble de quelque importance sans faire suivre son nom du blason de ses armes. Les romans des XIIIe et XIVe siècles, les procès-verbaux de fêtes, de cérémonies, sont remplis de descriptions héraldiques. Nous ne pouvons dans cet article que donner un aperçu sommaire de cette science, bien qu'elle soit d'une grande utilité aux architectes qui s'occupent d'archéologie. Faute d'en connaître les premiers éléments, nous avons vu de notre temps commettre des bévues dont le moindre inconvénient est de prêter au ridicule. C'est une langue qu'il faut s'abstenir de parler si on ne la connaît bien. Louvan Geliot; dans son Indice armorial (1635), dit avec raison: «que la cognoissance des diverses espèces d'armoiries, et des parties dont elles sont composées, est tellement abstruse, et les termes si peu usitez dans les autres sujets d'escrire, ou de parler, qu'il faut plusieurs années pour sonder le fond de cet abyme, et une longue expérience pour pénétrer jusques au coeur et dans le centre de ce chaos.» Depuis cet auteur, le P. Menestrier particulièrement a rendu l'étude de cette science plus facile; c'est surtout à lui que nous empruntons le résumé que nous donnons ici.
Trois choses doivent entrer dans la composition des armoiries: les émaux, l'écu ou champ, et les figures. Les émaux comprennent: 1° les métaux qui sont: or, ou jaune; argent, ou blanc; 2° les couleurs qui sont: gueules, qui est rouge, azur, qui est bleu, sinople, qui est vert, pourpre, qui est violet tirant sur le rouge, sable, qui est noir; 3° les pannes ou fourrures, qui sont: hermine et vair, auxquelles on peut ajouter la contre-hermine et le contre-vair. Les émaux propres à l'hermine sont argent ou blanc pour le champ, et sable pour les mouchetures (1); le contraire pour la contre-hermine, c'est-à-dire, sable pour le fond, et argent ou blanc pour les mouchetures 256. Le vair est toujours d'argent et d'azur, et se représente par les traits indiqués ici (2). Le contre-vair est aussi d'argent et d'azur; il diffère du vair en ce que, dans ce dernier, le métal est opposé à la couleur, tandis que dans le contre-vair le métal est opposé au métal, et la couleur à la couleur (3). Le vair en pal ou appointé se fait en opposant la pointe d'un vair à la base de l'autre (4).
Quelquefois l'hermine et le vair adoptent d'autres couleurs que celles qui leur sont propres; on dit alors herminé ou vairé de tel ou tel émail, par exemple: Beaufremont porte vairé d'or et de gueules (5). Une règle générale du blason est de ne mettre point couleur sur couleur à la réserve du pourpre, ni métal sur métal; autrement les armoiries seraient fausses, ou du moins à enquérir. On désigne par armes à enquérir celles qui sortent de la règle commune, qui sont données pour quelque acte remarquable; dans ce cas on peut mettre couleur sur couleur, métal sur métal. L'intention de celui qui prend de pareilles armes est de s'obliger à rendre compte du motif qui les lui a fait adopter.
L'écu ou champ est simple ou composé; dans le premier cas il n'a qu'un seul émail sans divisions, dans le second il peut avoir plusieurs émaux. Il est alors divisé ou parti. On compte quatre partitions principales, dont toutes les autres dérivent: Le parti, qui partage l'écu perpendiculairement en deux parties égales (6); le coupé (7); le tranché (8); le taillé (9). Le parti et le coupé forment l'écartelé (10), qui est de quatre, de six, de huit, de dix, de seize quartiers et plus encore quelquefois. Le tranché et le taillé donnent l'écartelé en sautoir (11). Les quatre partitions ensemble donnent le gironné (12). Quand le gironné est de huit pièces comme l'exemple (fig. 12), on l'appelle simplement gironné; mais quand il y a plus ou moins de girons, on en désigne le nombre: gironné de six, de dix, de douze, de quatorze pièces. Tiercé se dit de l'écu qui est divisé en trois parties égales de différents émaux conformément à chacune des partitions. Ainsi, le tiercé par le parti s'appelle tiercé en pal (13), X porte: tiercé en pal de sable, d'argent et d'azur; le tiercé par le coupé s'appelle tiercé en fasce (14), X porte: tiercé en fasce d'azur, d'or et de gueules; le tiercé en bande est donné par le tranché (15), X porte: tiercé en bande d'or, de gueules et d'azur; le tiercé en barre par le taillé (16), X porte: tiercé en barre d'azur, d'or et de gueules. Il y a en outre les tiercés qui ne se rapportent pas aux quatre premières partitions, mais qui se tracent d'après certaines figures héraldiques.
Il y a le tiercé en chevron (17), X porte: tiercé en chevron d'argent, de gueules et de sable; le tiercé en pointe ou en mantel (18), X porte: tiercé en pointe ou en mantel d'azur, d'argent et de gueules; le tiercé en écusson (19), X porte: tiercé en écusson de gueules, d'argent et d'azur; le tiercé en pairle (20), X porte: tiercé en pairle d'argent, de sable et de gueules; le chappé (21), X porte: de gueules à trois pals d'argent chappé d'or; le chaussé (22), X porte: de gueules ou pal d'argent chaussé d'or; l'ambrassé à dextre et à sénestre (23), X porte: d'argent embrassé à sénestre de gueules; X porte: d'argent embrassé à dextre de gueules; le vétu (24), X porte: d'or vêtu d'azur; l'adextré (25), X porte: d'argent adextré d'azur; le sénestré (26) X porte: d'azur sénestré d'argent.
La position des figures qui sont placées sur l'écu doit être exactement
déterminée, et pour le faire, il est nécessaire de connaître les
différentes parties de l'écu (27). A est le centre de l'écu; B le chef;
D le canton dextre du chef; E le canton sénestre du chef; F le flanc
dextre; G le flanc sénestre; C la pointe; H le canton dextre de la
pointe; I le canton sénestre. Quand une figure seule occupe le centre de
l'écu, on ne spécifie pas sa situation. Si deux, trois ou plusieurs
figures sont disposées dans le sens des lettres D B E, on les dit
rangées en chef; si elles sont comme les lettres F A G, en fasce; si
elles suivent l'ordre des lettres H C I, en pointe; disposées comme B A
C, elles sont en pal; comme D A I, en bande; comme E A H, en barre.
Trois figures sont généralement placées comme les lettres D E C: deux et
une; lorsqu'elles sont placées comme les lettres H I B, on les dit mal
ordonnées. Les figures posées comme D E H I se désignent: deux et deux.
Cinq figures posées comme B A C F G, en croix; comme D E A H I, en
sautoir; comme D E A C, en pairle. Les pièces rangées comme D B E G I C
H F, en orle. Une figure placée en A, au milieu de plusieurs autres qui
seraient différentes par leur forme, est en abîme. Quand un écu n'est
chargé d'aucune figure on dit: X porte de tel métal ou de telle couleur.
Les anciens comtes de Gournai portaient de sable plein. Si l'écu n'est
chargé que d'une fourrure, on dit: X porte d'hermine (fig. I). S'il est
chargé de figures, il faut examiner s'il est simple, c'est-à-dire, sans
partitions, ou s'il est composé.
S'il est simple, on énonce d'abord le champ, puis les figures principales et celles qui les accompagnent ou ne sont que secondaires, ensuite leur nombre, leur position et leurs émaux; le chef et la bordure se désignent en dernier lieu ainsi que leurs figures.
Lorsque la pièce principale empiète sur le chef ou la bordure, le chef
ou la bordure doit alors être désigné avant la pièce principale.
Vendôme ancien (28) portait: d'argent au chef de gueules à un lion d'azur, armé, lampassé et couronné d'or brochant sur le tout. Si l'écu est composé, on commence par énoncer les divisions; s'il s'en trouve plus de quatre, on observe le nombre de lignes qui divisent, et l'on dit: Parti de tant, coupé de tant, ce qui donne tant de quartiers. Par exemple (29), dites: Parti d'un, coupé de deux, ce qui donne six quartiers; au premier de..., au second de..., au troisième, etc. (30). Parti de trois, coupé d'un, ce qui donne huit quartiers; au premier de..., au second de..., etc. (31). Parti de deux, coupé de trois, ce qui donne douze quartiers; au premier de..., au second de..., etc. On blasonne chaque quartier en détail, en commençant par ceux du chef, et en allant de la droite de l'écu à la gauche.
Les figures ou pièces ordinaires du blason sont de trois sortes: 1° les figures héraldiques ou propres; 2° les figures naturelles; 3° les figures artificielles. Les figures héraldiques se subdivisent en pièces honorables de premier et de second ordre. Les pièces honorables de premier ordre occupent habituellement dans leur largeur, lorsqu'elles sont seules, le tiers de l'écu; à l'exception du franc-quartier, du canton et du giron qui n'en occupent que la quatrième partie.
Ces pièces sont: le chef (32), la fasce (33), la champagne (34),
le pal (35), la bande (36), la barre (37), la croix (38), le
sautoir (39); le chevron (40), le franc-quartier (41), le canton
(42) dextre ou sénestre, la pile (43) ou la pointe, le giron
(44), la pairle (45), la bordure (46), l'orle (47), plus étroit
que la bordure, le trescheur (48) ou essonier qui ne diffère de
l'orle qu'en ce qu'il est plus étroit et fleuronné, l'écu en abîme
(49), le gousset (50), rarement employé. Lorsque les pièces dont nous
venons de parler se multiplient, ces répétitions se nomment
rebattements. Harcourt porte: de gueules à deux fasces d'or (51).
Aragon (royaume) porte: d'or à quatre pals de gueules (52).
Richelieu porte: d'argent à trois chevrons de gueules (53). Les pièces
honorables, lorsqu'elles ne sont pas en nombre, doivent remplir, comme
nous l'avons dit, le tiers de l'écu; mais il arrive parfois qu'elles ont
une largeur moindre, le tiers de leur largeur ordinaire ou le neuvième
de la hauteur ou de la largeur de l'écu, alors elles changent de nom. Le
chef n'est plus que chef diminué, ou comble. le pal diminué se nomme
vergette; la fasce diminuée, devise; la bande diminuée, cotice; la
barre diminuée, traverse. La cotice et la traverse sont alésées
lorsqu'elles ne touchent pas les bords de l'écu. Dans ce cas, la cotice
est dite bâton péri en bande, et la traverse bâton péri en barre. La
champagne diminuée se nomme plaine. Les fasces, les bandes et les
barres très-minces et mises deux à deux sont des jumelles ou
gemelles (54). Si elles sont disposées trois à trois, on les nomme
tierces ou tierches (55). Les fasces alesées de trois pièces se
disent hamade ou hamaide (56).
Lorsque l'écu est couvert de pals, de fasces, de bandes, de chevrons, etc., en nombre égal, c'est-à-dire de façon à ce que l'on ne puisse dire tel émail est le champ, on blasonne ainsi: pallé, fascé, bandé, coticé, chevronné, etc., de tant de pièces et de tel émail. D'Amboise porte: pallé d'or et de gueules de six pièces (57).
Si le nombre des pallés excède celui de huit, on dit vergetté.
Si le nombre des fascés excède huit, on dit burellé, de tant de pièces; si le bandé excède celui de neuf, on dit coticé.
Si les pals, les fasces, les bandes, les chevrons sont opposés, c'est-àdire si ces figures divisées par un trait se chevauchent de manière à ce que le métal soit opposé à la couleur, et vice versa, on dit alors contre-pallé, contre-fascé, contre-bandé, contre-chevronné.
Les pièces moins honorables, ou du second ordre, sont:
1° L'emmanché.
Il faut exprimer si l'emmanché est en pal, en bande ou en fasce.
X (58) porte: emmanché en fasce d'une pointe et deux demies de gueules sur argent.
2° Les points équipollés, qui sont toujours au nombre de neuf en échiquier.
Bussi (59) porte: cinq points d'or équipollés à quatre points d'azur.
3° L'échiquetté (60), ordinairement de cinq traits;
Quand il y en a moins, on doit le spécifier en blasonnant.
4° Le fretté (61), qui sont des bandes et des barres s'entrelaçant, au nombre de six.
5° Le treillisé (62), qui ne diffère du fretté que parce que les bandes et les barres sont clouées à leur rencontre; on exprime l'émail des clous.
6° Les losanges (63) et le losangé (64) quand l'écu est rempli de lozanges; de Craon porte: losangé d'or et de gueules.
7° Les fusées ou le fuselé, qui ne diffèrent des losanges ou du losangé que parce que les figures sont plus allongées; X (60) porte: d'argent à cinq fusées de sable mises en pal au chef de même.
8° Les mâcles, qui sont des losanges, ajourés de losanges plus petits; Rohan (66) porte: de gueules à neuf mâcles d'or.
9° Les rustes ou rustres; qui ne diffèrent des mâcles qu'en ce que l'ajour est circulaire; X (67) porte: de gueules à trois rustes d'argent, 2 et 1.
10° Les besants et les tourteaux; les premiers sont toujours de métal, les seconds de couleur; X (68) porte: d'azur à six besants d'argent, 3, 2 et 1. Les besants peuvent être posés jusqu'au nombre de huit et non plus.
Les besants-tourteaux, qui sont parti de métal et de couleur; X (69) porte: de gueules parti d'or à trois besants-tourteaux de l'un en l'autre.
11° Les billettes (70), qui sont de petits parallélogrammes posés debout. Les billettes peuvent être renversées, c'est-à-dire posées sur leur grand côté; mais on l'exprime. Elles sont quelquefois percées en carré ou en rond; on l'exprime également.
Toutes les pièces honorables du premier ordre ont divers attributs, ou subissent certaines modifications, dont voici la nomenclature:
Elles peuvent être abaissées; des Ursins (71) porte: bandé d'argent et de gueules de six pièces, au chef d'or, chargé d'une anguille ondoyante d'azur, abaissé sous un autre chef d'argent, chargé d'une rose de gueules; --accompagnées ou environnées, c'est lorsque autour d'une pièce principale, comme est la croix, la bande, le sautoir, etc.,il y a plusieurs autres pièces dans les cantons; X (72) porte: de sable à la croix d'argent, accompagnée de quatre billettes de même;--adextrées, qui se place au côté dextre de l'écu; X (73) porte: de sinople à trois trèfles d'argent adextrés d'une croix d'or;--aiguisées; X (74) porte: d'or aux trois pals aiguisés d'azur;--alèsées; Xintrailles (75) porte:
d'argent à la croix alesée de gueules;--bandées (fig. 71); barrées se dit dans le même sens que barré; bastillées se dit d'un chef, d'une fasce, d'une bande, crénelés vers la pointe de l'écu; X (76) porte: d'azur au chef d'argent, bastillé d'or, de trois pièces;--bordées; X (77) porte: d'azur à la bande d'or. bordée de gueules;--bourdonnées se dit communément d'une croix garnie, à l'extrémité de ses bras, de boutons semblables à des bourdons de pèlerins;--bretessées. X (78) porte: d'or à la fasce de gueules bretessées de deux pièces et deux demies;--bretessées à doubles. X (79) porte: de gueules à la bande bretessées à double d'or;--contre-bretessées, X (80) porte: d'argent à la fasce bretessée et contre-bretessée de sable;--brochantes se dit des pièces qui passent sur d'autres; du Terrail (81) porte: d'azur au chef d'argent, chargé d'un lion issant de gueules, à la cotice d'or brochant sur le tout;--cablées se dit d'une croix faite de cordes ou de câbles tortillés;--cantonnées se dit lorsque, dans les quatre cantons qui restent entre les bras d'une croix, il y a des pièces posées dans le champ; --chargées se dit de toutes sortes de pièces sur lesquelles d'autres sont superposées: ainsi le chef, la fasce, le pal, la bande, les chevrons, les croix, les lions, les bordures, etc., peuvent être chargés de besants, de croissants, de roses, etc.; X porte: d'or à trois fasces de gueules, chargées chacune de cinq sautoirs d'argent;--chevronnées se dit d'un pal ou de toute autre pièce chargée de chevrons, et de tout l'écu s'il en est rempli;--cléchée. Toulouse (82) porte: de gueules à la croix cléchées, vidée et pommetée d'or;--componées, X (83) porte: d'azur à la bande componée d'or et de gueules de cinq pièces;--cousues se dit du chef quand il est de métal sur métal, ou de couleur sur couleur, comme aux armoiries de la ville de Paris (on se sert aussi de ce mot pour les fasces, bandes, chevrons, de couleur sur couleur, ou ne métal sur métal);--cramponnées. l'évêché de Hamin en Allemagne (84) porte: d'azur à une potence cramponnée à sénestre, croisonnée et potencée à dextre d'or;--denchées,endenchées ou dentées, X (85) porte: de gueules à la bordure endenchée d'or; Cossé de Brissac (86) porte: de sable à trois fasces denchées d'or. Quand les dents sont tournées la pointe vers le sommet de l'écu, on l'exprime; diaprée, X (87) porte: d'azur à la fasce d'or diaprée de gueules;--échiquetées, X (88) porte: d'azur au franc quartier échiqueté d'argent et de gueules;--engrélées, c'est-à-dire, garnies de dents très-menues,
X (89) porte: d'azur à la croix engrélée d'argent;--entées, Rochechouart (90) porte: fascé, enté, ondé d'argent et de gueules;--entrelacées se dit de trois croissants, de trois anneaux et autres figures analogues, posées les unes dans les autres;--faillies se dit des chevrons rompus; d'Oppède (91) porte: d'azur à deux chevrons faillis d'argent, le premier à dextre, le second à sénestre;--florencées se dit de la croix dont les bras se terminent par des fleurs de lis;--gringolées se dit des pièces telles que les croix, sautoirs, etc, terminées par des têtes de serpent; --haussées se dit lorsque des pièces telles que fasces, chevrons, etc., occupent dans l'écu une place plus élevée que celle qui leur est habituellement affectée;--mouvantes se dit des pièces qui semblent sortir du chef, des angles, des flancs ou de la pointe de l'écu;--ondées se dit des pièces, pals, fasces, chevrons, bordures, etc., découpées en ondes;--resarcelées, bordées d'un linéament d'un autre émail;--retraitées se dit des bandes, pals et fasces qui; de l'un de leurs, cotés, ne touchent pas au bord de l'écu;--vivrées, X (92) porte: d'or à la bande vivrée d'azur;--vidées se dit des pièces à jour, à travers lesquelles on voit le champ de l'écu.
Les croix affectent des formes particulières; on les dit pattées, d'Argentré (93) porte: d'argent à la croix pattée d'azur;--recercelées, X (94) porte: d'argent à la croix recercelée de sable;--recroisettées, X (95) porte: d'argent à la croix recroisettée de sable;--ancrées, X (951) porte: parti de gueules et d'argent à la croix ancrée de l'un en l'autre;--fichées, X (952) porte: d'argent aux trois croix fichées de sable, 2 et 1;--bastonnées ou clavelées, X (953) porte: d'azur à une croix bastonnée d'or et d'argent, ou à quatre bastons, deux d'or et deux d'argent;--de Lorraine, X (954) porte: d'azur à la croix de Lorraine d'argent;--tréflées, X (955) porte: d'argent à la croix tréflée de gueules;--gringolées, c'est-à-dire dont les croisillons sont terminés par des têtes et coups de gringoles ou guivres, X (956) porte: d'argent à la croix de gueules gringolée de sable;--anillées ou nellées, c'est-à-dire dont les croisillons se terminent en fers de moulins, X (957) porte: d'or à la croix nellée de sable. Les croix écotées, c'est-à-dire composées de deux branches d'arbre dont les rameaux sont coupés, ondées, frettées, vairées, etc., enfin chargées des figures qui chargent les pièces honorables.
Les figures naturelles usitées dans le blason peuvent être divisées en cinq classes: 1° les figures humaines, 2° les animaux, 3° les plantes, 4° les astres et météores, 5° les éléments, c'est-à-dire l'eau, le feu, la terre. Les figures humaines sont ou de l'émail ordinaire du blason ou peintes en carnation, avec ou sans vêtements, de couleurs naturelles et ombrées. On dit: si ces figures sont vêtues et comment, couronnées, chevelées, ombrées, etc.; on indique leur attitude, leur geste, ce qu'elles portent et comment.
Les animaux les plus usités sont, parmi les quadrupèdes: le lion, le léopard, le loup, le taureau, le cerf, le bélier, le sanglier, l'ours, le cheval, l'écureuil, le chien, le chat, le lièvre, etc.; parmi les oiseaux: l'aigle, aiglettes, le corbeau, les merlettes, le cygne, les alérions, les canetes, etc.; parmi les poissons: le bar, le dauphin, le chabot, la truite, etc.; parmi les reptiles: le serpent, le crocodile, la tortue, le lézard; parmi les insectes: les mouches, abeilles, taons; parmi les animaux fantastiques ou allégoriques: la sirène, le dragon, les ampsystères ou serpents ailés, le griffon, la salamandre, la licorne, etc. Les animaux représentés sur les armoiries regardent ordinairement la droite de l'écu; s'ils regardent la gauche, on les dit contournés.
Les lions et les léopards sont les animaux les plus ordinairement employés, ils ont par-dessus tous les autres le privilége d'être héraldiques, c'est-à-dire, que leur forme et leur posture sont soumises à des règles fixes. Le lion est toujours figuré de profil: il est rampant, c'est-à-dire, élevé sur ses pattes de derrière, la patte dextre de devant élevée, et la patte sénestre de derrière en arrière; ou passant, autrement dit léopardé, s'il paraît marcher. Le léopard montre toujours son masque de face, sa posture habituelle est d'être passant; s'il rampe, on le dit lionné ou rampant.
Le lion et le léopard ont des termes accessoires qui leur sont communs; ils sont armés, lampassés, accolés, membrés, couronnés, adossés, affrontés, contournés, contrepassants, issants, naissants, mornés, diffamés, burellés, bandés, coupés, partis, fascés, échiquetés, d'hermine, de vair. Le lion armé se dit des ongles qui peuvent être d'un émail différent de celui du reste du corps; lampassé, de la langue; morné, lorsqu'il n'a ni langue, ni dents ni ongles; diffamé, lorsqu'il n'a pas de queue. Olivier de Clisson, connétable de France sous Charles VI, portait: de gueules au lion d'argent armé, lampassé et couronné d'or, etc.
Pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles, les animaux héraldiques étaient figurés d'après certaines formes de convention qu'il est nécessaire de bien connaître, car ce n'est pas sans raison qu'elles avaient été adoptées. Les différentes figures qui couvrent l'écu étant destinées le plus souvent à être vues de loin, il fallait que leur forme fût très-accentuée. Les artistes de ces époques l'avaient compris; si les membres des animaux ne sont pas bien détachés, si leur mouvement n'est pas exagéré, si leur physionomie n'est pas parfaitement distincte, à une certaine distance ces figures perdent leur caractère particulier, et ne présentent plus qu'une tache confuse. Depuis le XVIe siècle le dessin décoratif s'est amolli, et les figures héraldiques ont perdu ce caractère qui les faisait facilement reconnaître. On a voulu donner aux animaux une physionomie plus réelle, et comme l'art héraldique est un art purement de convention, cette tentative était contraire à son principe. Il est donc d'une grande importance de se pénétrer des formes traditionnelles données aux animaux comme à toutes les autres figures, lorsqu'il s'agit de peindre des armoiries. Bien que nous ne puissions dans ce résumé donner des exemples trop nombreux, nous essaierons cependant de réunir quelques types qui feront comprendre combien l'on s'est écarté, dans les derniers siècles, des formes qui n'avaient pas été adoptées sans cause, et combien il est utile de les connaître: car, dans tous les armoriaux imprimés depuis la Renaissance, ces types ont été chaque jour de plus en plus défigurés; c'est tout au plus si dans les derniers ouvrages qui traitent de cette matière on trouve quelques vestiges d'un dessin qui n'eut pas dû souffrir d'altération, puisque les armoiries sont des signes dont le principal mérite est de perpétuer une tradition. C'est surtout dans les monuments du XIVe siècle que nous chercherons ces types, car c'est pendant ce siècle que l'art héraldique adopta des figures dont les caractères bien tranchés furent reproduits sans modifications sensibles jusqu'au moment où les artistes, habitués à une imitation vulgaire de la nature, ne comprirent plus les lois fondamentales de la décoration appliquée aux monuments, aux meubles, aux armes, aux vêtements. Voici donc quelques-unes de ces figures:
Nous commencerons par le lion rampant (96); A, couronné.
Passant ou léopardé (97).
Issant (98).
Le léopard (99).
Le loup passant (100); ravissant, lorsqu'il est posé sur ses pattes de derrière.
Le cerf (101).
Le sanglier(102).
L'aigle éployée (103).
Au vol abaissé (103 bis).
Les merlettes (104).
Les alérions (105).
Le bar (106).
Le dauphin (107).
Le chabot (108).
La syrène (109).
Le dragon (110).
Le griffon (111).
Les plantes, arbres, fleurs, fruits sont souvent employés dans les armoiries. Si ce sont des arbres, on les désigne par leur nom. Nogaret porte: d'argent au noyer de sinople arraché, c'est-à-dire dont les racines sont visibles et se détachent sur le champ de l'écu.
Quelques arbres sont figurés d'une manière conventionnelle. Créqui (112) porte: d'or au créquier de gueules. On désigne par chicot des troncs d'arbre coupé, sans feuilles. Lorsque des feuilles sont posées sur le champ, on en indique le nombre et l'espèce.
Il en est de même pour les fruits. Les noisettes dans leur enveloppe sont dites, en blason, coquerelles. Les fleurs se désignent par le nombre de leurs feuilles, trèfle, quarte-feuilles, quinte-feuilles. Toutes sortes de fleurs sont employées dans les armoiries; cependant on ne rencontre guère avant le XVe siècle que les roses, le pavot, le trèfle, les quarte et quinte-feuilles et la fleur de lis 257. En désignant l'espèce et le nombre des fleurs ou fruits dans l'écu, on doit également indiquer s'ils sont accompagnés de feuilles, on les dit alors feuillés; s'ils pendent à une branche, on les dit soutenus. Les fruits que l'on rencontre le plus souvent dans les anciennes armoiries sont: les pommes, les pommes de pin, les raisins, les glands, les coquerelles. Les quarte et quinte-feuilles sont percées par le milieu d'un trou rond, qui laisse voir le champ de l'écu. La rose se dit boutonnée lorsque son coeur n'est pas du même émail que la fleur. Parmi les astres, ceux qui sont le plus anciennement employés sont le soleil, les étoiles et le croissant; le soleil est toujours or. Quand il est de couleur, il prend le nom d'ombre de soleil. La position du croissant est d'être montant, c'est-à-dire que ses cornes sont tournées vers le chef de l'écu. Quand ses cornes regardent la pointe de l'écu, on le dit versé; tourné lorsqu'elles regardent le flanc dextre; contourné si elles regardent le flanc sénestre. On dit encore des croissants en nombre, et suivant leur position, qu'ils sont tournés en bande, adossés, appointés, affrontés, mal ordonnés. L'étoile est ordinairement de cinq pointes; s'il y en a davantage, il faut le spécifier en blasonnant. X porte: de gueules à trois étoiles de huit raies d'or, 2 et 1. L'arc-en-ciel se peint toujours au naturel, en fasce, légèrement cintré.
Les éléments, qui sont le feu, la terre et l'eau, se présentent sous diverses formes: le feu est flamme, flambeau allumé, brandons, charbons ardents; la terre est figurée sous forme de monts, roches, terrasses; l'eau sous forme d'ondes, de sources, de rivières.
Les figures artificielles qui entrent dans les armoiries sont: 1° les instruments de cérémonies sacrées ou profanes; 2° les vêtements ou ustensiles vulgaires; 3° les armes de guerre, de chasse; 4° les bâtiments, tours, villes, châteaux, ponts, portes, gallées, naves ou nefs (galères et navires), etc.; 5° les instruments des arts ou des métiers. Il est nécessaire, suivant la méthode ordinaire, de désigner ces différents objets par leurs noms en blasonnant, de marquer leur situation, leur nombre et les émaux des différents attributs qu'ils peuvent recevoir. Du Lis (113) porte: d'azur à une épée d'argent en pal la pointe en haut, surmontée d'une couronne et accostée de deux fleurs de lis de même.
Parmi les armes le plus ordinairement figurées dans les anciennes armoiries, on distingue les épées, les badelaires (épées courtes, larges et recourbées), les flèches, les lances, les haches, les masses, les étriers. les éperons, les molettes d'éperons, les heaumes, les cors, les huchets, les épieux, les rets, etc.
Les châteaux sont quelquefois surmontés de tourelles, on les dit alors sommés de tant; on les dit maçonnés de..., lorsque les joints de pierre sont indiqués par un émail différent. Le royaume de Castille (114) porte: de gueules, au château sommé de trois tours d'or, maçonné, ajouré d'azur.
Les tours surmontées d'une tourelle se disent donjonnées. Si les tours n'ont point de donjons, mais seulement un couronnement crénelé, on doit dire crénelé de tant de pièces.
Ajouré se dit lorsque les portes ou fenêtres des tours ou châteaux sont d'un émail différent du bâtiment. Les mêmes termes s'appliquent aux autres bâtiments. Essoré se dit d'un bâtiment dont le toit est d'un autre émail.
Un navire est fretté, habillé, lorsqu'il est muni de tous ses agrès et voiles. Paris (115) porte: de gueules à la nef frettée, habillée d'argent flottant sur des ondes de même, au chef cousu de France ancien. Si le navire est sans mâts et sans voiles, on dit: navire arrêté. Quand les ancres sont peintes de différents émaux, on doit le spécifier. La trabe est la traverse, la stangue c'est la tige, les gumènes sont les câbles qui attachent l'ancre.
Nous n'entrerons pas dans de plus amples détails pour ce qui concerne les divers instruments ou bâtiments qui figurent dans les armoiries; nous renvoyons nos lecteurs aux traités spéciaux.
Brisure, en termes de blason, est un changement que l'on fait subir aux armoiries pour distinguer les branches d'une même famille. On ne brisait dans l'origine que par le changement de toutes les pièces, en conservant seulement les émaux. Ainsi les comtes de Vermandois, sortis de la maison de France, portaient: échiqueté d'or et d'azur, au chef de France. Plus tard on brisa en changeant les émaux et conservant les pièces. La branche aîné de Mailli porte: d'or à trois maillets de sinople; les Mailli de Bourgogne portent: de gueules à trois maillets d'or: d'autres branches portent: d'or aux maillets de sable, d'or à trois maillets d'azur. On brisa aussi en changeant la situation des pièces, ou en retranchant quelques-unes des pièces. Mais la manière de briser qui fut la plus ordinaire en France consistait à ajouter une pièce nouvelle aux armoiries pleines de la famille. Dès la fin du XIIIe siècle les princes du sang de la maison de France brisèrent de cette manière, et l'on choisit comme brisure des pièces qui n'altéraient pas le blason principal, tels que le lambel; Orléans porte: de France au lambel à trois pendants d'argent pour brisure;--la bordure, Anjou porte: de France à la bordure de gueules;--le bâton peri, Bourbon porte: de France au bâton peri en bande de gueules;--le canton, la molette d'éperon, le croissant, l'étoile, le besant, la coquille, la croisette, la tierce quarte ou quinte feuille. On brise encore en écartelant les armes de sa maison avec les armes d'une famille dans laquelle on a pris alliance.
Dans les exemples que nous avons donnés, nous avons choisi pour les écus la forme généralement adoptée pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles 258, forme qui fut modifiée pendant les XVIe et XVIIe siècles; on leur donna alors un contour moins aigu et terminé souvent à la pointe en accolade.
Les femmes mariées portent des écus accolés; le premier écusson donne les armes de l'époux, et le second les leurs. Pour les écus des filles, on adopta, dès le XIVe siècle, la forme d'un losange.
Des figures accessoires accompagnent les écus armoyés. À dater de la fin du XIVe siècle, on voit fréquemment les écus soutenus par des supports et tenants, surmontés quelquefois de cimiers, timbres, et se détachant sur des lambrequins.
Le support est un arbre, auquel est suspendu l'écu; les tenants sont une ou deux figures d'hommes d'armes, chevaliers, couverts de leurs armures et de la cotte armoyée aux armes de l'écu. L'origine de cette manière d'accompagner l'écu se trouve dans les tombeaux des XIIIe et XIVe siècles. Dans l'église de l'abbaye de Maubuisson, devant l'autel de saint Michel, on voyait, à la fin du siècle dernier, le tombeau de Clarembaud de Vendel, sur lequel ce personnage était représenté vêtu d'une cotte de mailles avec son écu placé sur le corps, émanché de quatre pièces. Il existe encore dans les cryptes de l'église de Saint-Denis un assez grand nombre de statues de princes du sang royal, morts à la fin du XIIIe siècle ou au commencement du XIVe, qui sont représentés de la même manière, couchés sur leurs tombes. Nous citerons entre autres celle de Robert de France, comte de Clermont, seigneur de Bourbon (provenant des jacobins de Paris), ayant son écu pendu en bandoulière incliné du côté gauche, portant: de France (ancien) à la cotice de gueules; celle de Louis de Bourbon, petit-fils de saint Louis, de même; celle de Charles d'Alençon dont l'écu porte: de France (ancien) à la bordure de gueules chargée de seize besants de..., etc. (voy. TOMBEAU). Dans les deniers d'or, Philippe de Valois est représenté assis sur un pliant, tenant son épée haute de la main droite et de la gauche s'appuyant sur l'écu de France. Dans les nobles à la rose et les nobles Henri d'Angleterre, ce prince est figuré debout dans un navire dont il sort à mi-corps, tenant en sa droite une épée haute et en sa gauche un écu écartelé de France et d'Angleterre. Dans les Angelots l'écu est attaché à une croix qui tient lieu de mât au vaisseau. Prenant la partie pour le tout, on donna bientôt à ces monnaies d'or le nom d'écus d'or.
Il est encore une façon de tenants, c'est celle qui consiste à faire porter l'écu par des mores, des sauvages, des sirènes, des animaux réels ou fabuleux. L'origine de cet usage se trouve dans les tournois. Les chevaliers faisaient porter leurs lances, heaumes et écus par des pages et valets déguisés en personnages étranges ou en animaux. Pour ouvrir le pas d'armes les tenants du tournoi faisaient attacher leurs écus à des arbres sur les grands chemins, ou en certains lieux assignés, afin que ceux qui voudraient combattre contre eux allassent toucher ces écus. Pour les garder on mettait des nains, des géants, des mores, des hommes déguisés en monstres ou en bêtes sauvages; un ou plusieurs hérauts d'armes prenaient les noms de ceux qui touchaient les écus des tenants. Au célèbre tournoi qui eut lieu en 1346, le premier de mai, à Chambéry, Amédée VI de Savoie fit attacher son écu à un arbre, et le fit garder par deux grands lions, qui depuis cette époque devinrent les tenants des armoiries de Savoie; ce prince choisit probablement ces animaux pour tenants, parce que le Chablais et la duché d'Aoste, ses deux principales seigneuries, avaient des lions pour armoiries. Les écus armoyés, timbres, cimiers et devises des chevaliers qui figurèrent à ce tournoi, restèrent déposés au nombre de vingt pendant trois siècles dans la grande église des pères de Saint-François à Chambéry; ce ne fut qu'en 1660 environ que les bons pères, en faisant badigeonner leur église, enlevèrent ce précieux monument.
Charles VI paraît être le premier des rois de France qui ait fait porter son écu et sa devise par des tenants. Juvénal des Ursins raconte que ce prince, allant à Senlis pour chasser, poursuivit un cerf qui avait au cou une chaîne de cuivre doré; il voulut que ce cerf fût pris aux lacs sans le tuer, ce qui fut exécuté, «et trouva-t-on qu'il avoit au col ladite chaîne où avoit écrit: Cæsar hoc mihi donavit. Et dès lors, le roy, de son mouvement, porta en devise le cerf volant couronné d'or au col, et partout où on mettoit ses armes, y avoit deux cerfs tenant ses armes d'un côté et de l'autre. 1380.» Depuis, Charles VII, Louis XI et Charles VIII, conservèrent les cerfs ailés comme tenants des armes royales. Louis XII et François Ier prirent pour tenants, le premier, des porcs-épics, le second, des salamandres, qui étaient les animaux de leurs devises. A partir du XVIe siècle, presque toutes les familles de la noblesse française adoptèrent des tenants pour leurs armoiries; mais cet usage n'avait rien de rigoureux, et on changeait souvent, suivant les circonstances, les supports ou tenants de ses armes. Telle famille, qui avait pour tenants de son écusson des sauvages ou des mores, le faisant peindre dans une chapelle, changeait ces figures profanes contre des anges. Les armes de Savoye, par exemple, dont nous avons parlé, étaient soutenues par un ange sur l'une des portes du couvent de Saint-François à Chambéry, avec cette devise: Crux fidelis inter omnes. Les armoiries des villes furent aussi, à partir du XVe siècle, représentées avec des supports: Bâle a pour support un dragon; Bordeaux deux béliers; Avignon deux gerfauts, avec cette devise: Unguibus et rostro. Souvent les supports furent donnés par le nom des familles; ainsi la maison des Ursins avait deux ours pour supports. Les supports sont parfois variés; les rois d'Angleterre ont pour supports de leurs armes, à droite, un léopard couronné armé et lampassé d'azur, à gauche, une licorne d'argent accolée d'une couronne et attachée à une chaîne d'or passant entre les deux pieds de devant et retournant sur le dos. Mais ces supports sont postérieurs à la réunion de l'Écosse au royaume d'Angleterre; avant cette époque, les supports des armes d'Angleterre étaient un lion et un dragon, ce dernier symbole à cause de l'ordre de la Jarretière dédié à saint Georges.
Pendant les tournois et avant l'entrée en lice, il était d'usage d'exposer les armoiries des combattants sur de riches tapis. Peut-être est-ce là l'origine des lambrequins sur lesquels, à partir du XVe siècle, on peignit les armoiries. Lorsqu'un tenant se présentait au pas d'armes, son écu ou sa targe était, dans certaines circonstances, suspendu dans un pavillon qu'il fallait ouvrir pour le faire toucher par ceux qui se faisaient inscrire pour jouter. «Le premier samedy du mois de may l'an 1450, le pavillon fut tendu, comme il estoit de coutume, et comme toujours se continua chacun samedy de l'an, durant l'emprise des susdicts. Si vint audict pavillon un jeune escuyer de Bourgogne, nommé Gérard de Rossillon, beau compaignon, haut et droit, et de belle taille; et s'adreça ledict escuyer à Charolois le héraut, luy requérant qu'il luy fist ouverture; car il vouloit toucher la targe blanche, en intention de combatre le chevalier entrepreneur de la hache, jusques à l'accomplissement de vingt-cinq coups. Ledict héraut luy fist ouverture, et ledict Gérard toucha: et de ce fut faict le rapport à messire Jacques de Lalain, qui prestement envoya devers luy pour prendre jour... 259» On peut voir encore dans cet usage l'origine des lambrequins qui semblent découvrir l'écu. Il faut dire aussi que dès le XVe siècle les heaumes des chevaliers qui devaient jouter étaient armés d'un lambrequin en étoffe ou en cuir doré et peint, déchiqueté sur les bords; cette sorte de parure qui accompagne le timbre surmontant l'écu, et qui tombe des deux côtés, paraît être le principe de cet accessoire que l'on trouve joint aux armoiries pendant les XVe et XVIe siècles... «Le tymbre doibt estre sur une pièce de cuir boully, laquelle doibt estre bien faultrée d'ung doy d'espez, ou plus par dedans; et doibt contenir ladite pièce de cuir tout le sommet du heaulme, et sera couverte ladite pièce du lambequin, armoyé des armes de cellui qui le portera. Et sur ledit lambequin, au plus hault du sommet, sera assis ledit tymbre, et autour d'icellui aura ung tortis des couleurs que vouldra ledit tournoyeur, du gros du bras ou plus ou moins à son plaisir 260.» Nous l'avons dit déjà au commencement de cet article, les chevaliers et princes qui se présentaient dans la lice pour jouter adoptaient des armes de fantaisie et ne paraissaient avec leurs armes héréditaires qu'exceptionnellement. On prenait trop au sérieux les armoiries de famille pour les livrer aux hasards de combats qui n'étaient qu'un jeu. Il est curieux de lire à ce sujet le passage des Mémoires d'Olivier de la Marche, fort expert en ces matières. «D'autre part, dit-il 261, se présenta Michau de Certaines sur un cheval couvert de ses armes: dont plusieurs gens s'émerveillèrent; et sembloit à plusieurs, que considéré que les armes d'un noble homme sont et doyvent estre l'émail et la noble marque de son ancienne noblesse, que nullement ne se doit mettre en danger d'estre trébuchée, renversée, abatue, ne foulée si bas qu'à terre, tant que le noble homme le peut détourner ou deffendre: car d'aventurer la riche monstre de ses armes, l'homme aventure plus que son honneur, pour ce que d'aventurer son honneur n'est despense que le sien, et ce où chacun a pouvoir; mais d'aventurer ses armes, c'est mis en avanture la parure de ses parens et de son lignage, et avanturé à petit prix ce où il ne peut avoir que la quantité de sa part; et en celle manière est mis à la mercy d'un cheval et d'une beste irraisonnable (qui peut estre portée à terre par une dure atteinte, ou choper à par soy ou mémarcher); ce que le plus preux et plus seur homme du monde ressongue bien, et doute de porter sur son dos en tel cas...»
La veille du tournoi les tournoyeurs étaient invités à faire déposer leurs armes, heaumes, timbres et bannières à l'hôtel des juges diseurs. Ces armes, déposées sous les portiques de la cour, étaient examinées par les juges pour en faire le département. «Item, et quant tous les heaulmes seront ainsi mis et ordonnez pour les départir, viendront toutes les dames et damoiselles et tous seigneurs, chevaliers et escuiers, en les visitant d'ung bout à autre, là présens les juges qui maineront troys ou quatre tours les dames pour bien veoir et visiter les timbres et y aura ung hérault ou poursuivant qui dira aux dames, selon l'endroit où elles seront, le nom de ceulx à qui sont les timbres, ad ce que s'il y en a nul qui ait des dames mesdit, et elles touchent son timbre, qu'il soit le lendemain pour recommandé. Touteffoiz nul ne doibt estre batu audit tournoy, se non par l'advis et ordonnance des juges, et le cas bien desbatu et attaint au vray, estre trouvé tel qu'il mérite pugnicion; et lors en ce cas doibt estre si bien batu le mesdisant, et que ses épaules s'en sentent très-bien, et par manière que une autreffois ne parle ou médie ainsi deshonnestement des dames, comme il a accoutumé 262.»
Ces timbres, dont on surmonta les écussons armoyés, ne furent, comme les supports et tenants, que des accessoires variables pendant le cours du XVe siècle. Un noble qui avait jouté d'une façon brillante pendant la durée d'un tournoi, la tête couverte d'un heaume timbré de quelque emblème singulier, et sous le nom du chevalier de la licorne, du dragon, etc., timbrait de ce heaume l'écu des armes de sa famille, pendant un certain temps, ou sa vie durant, si de nouvelles prouesses ne faisaient oublier les premières. Ce ne fut qu'à la fin du XVe siècle que l'on adopta pour les timbres, comme pour les couronnes, des formes qui indiquèrent le degré de noblesse ou les titres des nobles (voy. LAMBREQUIN, TIMBRE). Ce n'est qu'au XVIIe siècle que les armes de France furent couvertes et enveloppées d'un pavillon ou tente, c'est-à-dire d'un baldaquin et de deux courtines, ce support ou enveloppe étant réservée depuis lors pour les empereurs et rois. Voici comment se blasonnaient ces armes: d'azur à trois fleurs de lis d'or, deux et une, l'écu environné des colliers des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit, timbré d'un casque entièrement ouvert, d'or; par dessus, la couronne fermée à l'impériale de huit rayons, hautement exhaussée d'une double fleur de lis d'or, qui est le cimier; pour tenants, deux anges vêtus de la cotte d'arme de France; le tout couvert du pavillon royal semé de France, doublé d'hermine, et pour devise: «Lilia non laborant, neque nent.» Sous Henri IV et Louis XIII, l'écu de Navarre était accolé à celui de France, et l'un des anges était vêtu de la cotte d'armes de Navarre. Jusqu'à Charles V, les fleurs de lis étaient sans nombre sur champ d'azur; ce fut ce prince qui réduisit leur nombre à trois en l'honneur de la Sainte-Trinité. Depuis le XVIIe siècle, les ducs et pairs enveloppèrent leurs armes du pavillon, mais à une seule courtine. L'origine de cette enveloppe est, comme nous l'avons vu plus haut, le pavillon dans lequel les tournoyeurs se retiraient avant ou après l'entrée en lice, et non point le manteau impérial, royal ou ducal; c'est donc un contre-sens de placer la couronne au-dessus du pavillon, le pavillon devrait au contraire recouvrir la couronne; et, en effet, dans les premières armes peintes avec le pavillon, la couronne est posée sur l'écu, et le pavillon enveloppe le tout. Cette erreur, que nous voyons se perpétuer, indique combien il est essentiel, en fait d'armoiries, de connaître les origines de toutes les parties principales ou accessoires qui les doivent composer.
Le clergé régulier et séculier, comme seigneur féodal, adopta des armes dès le XIIIe siècle; c'est-à-dire que les abbayes, les chapitres, les évêchés eurent leurs armes; ce qui n'empêcha pas les évêques de porter leurs armes héréditaires. Ceux-ci, pour distinguer leurs écussons de ceux des membres séculiers de leur famille, les surmontèrent du chapeau épiscopal ou de la mitre, alors que la noblesse ne posait aucun signe au-dessus de ses armes. Nous avons vu des clés de voûte, des peintures des XIIIe et XIVe siècles, où les écussons des évêques sont surmontés du chapeau ou de la mitre 263. Le chapeau épiscopal et le chapeau de cardinal ont la même forme; seulement le premier est vert et n'a que dix glands aux cordons de chaque côté, posés 1, 2, 3 et 4; tandis que le second est rouge et les cordons terminés chacun par quinze glands, posés 1, 2, 3, 4 et 5.
Dès le XIIIe siècle la décoration peinte ou sculptée admit dans les édifices un grand nombre de figures héraldiques, et les armoiries exercèrent une influence sur les artistes jusqu'au commencement du XVIe siècle. La peinture monumentale n'emploie guère, pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles, que les émaux héraldiques; elle ne modèle pas ses ornements, mais, comme dans le blason, les couche à plat en les redessinant par un trait noir. Les harmonies de la peinture héraldique se retrouvent partout pendant ces époques. Nous développons ces observations dans le mot PEINTURE, auquel nous renvoyons nos lecteurs.
Un grand nombre de vitraux de l'époque de saint Louis ont pour bordure et même pour fonds des fleurs de lis, des tours de Castille. A Notre-Dame de Paris deux des portails de la façade présentaient dans leurs soubassements des fleurs de lis gravées en creux. Il en est de même au portail de l'église de Saint-Jean-des-Vignes à Soissons. Le trumeau central de la porte principale de l'église de Semur en Auxois, qui date de la première moitié du XIIIe siècle, est couvert des armes de Bourgogne et de fleurs de lis sculptées en relief. A Reims, à Chartres, les vitraux des cathédrales sont remplis de fleurs de lis. À la cathédrale de Troyes on rencontre dans les vitraux du XIVe siècle les armes des évêques, celles de Champagne. Les villes et les corporations mêmes prirent aussi des armoiries; les bonnes villes, celles qui s'étaient plus particulièrement associées aux efforts du pouvoir royal pour s'affranchir de la féodalité, eurent le droit de placer en chef les armes de France; telles étaient les armes de Paris, d'Amiens, de Narbonne, de Tours, de Saintes, de Lyon, de Béziers, de Toulouse, d'Uzès, de Castres, etc. Quelques villes mêmes portaient: de France, particulièrement dans le Languedoc. Les corporations prenaient pour armes généralement des figures tirées des métiers qu'elles exerçaient; il en était de même pour les bourgeois annoblis. En Picardie beaucoup d'armoiries des XVe et XVIe siècles sont des rébus ou armes parlantes, mais la plupart de ces armes appartenaient à des familles sorties de la classe industrielle et commerçante de cette province.
Ce fut à la fin du XIIIe siècle, sous Philippe le Hardi, que parurent les premières lettres de noblesse en faveur d'un orfévre nommé Raoul (1270) 264. Depuis lors les rois de France usèrent largement de leur prérogative; mais ils ne purent faire que l'ancienne noblesse d'extraction considérât ces nouveaux annoblis comme gentilhommes. Les armoiries de la nouvelle noblesse, composées non plus au camp, en face de l'ennemi, mais par quelque héraut dans le fond de son cabinet, n'ont pas cette originalité d'aspect, cette netteté et cette franchise dans la répartition des émaux et des figures que nous trouvons dans les armoiries de l'ancienne noblesse.
Au commencement de son règne, Louis XV renchérit encore sur ses prédécesseurs en instituant la Noblesse militaire 265. Les considérants qui précèdent cet édit indiquent encore des ménagements envers la noblesse de race, et les tendances de la monarchie, désormais maîtresse de la féodalité. Les grands exemples de zèle et de courage que la Noblesse de notre Roïaume a donné pendant le cours de la dernière guerre, disent ces considérants, ont été si dignement suivis par ceux qui n'avaient pas les mêmes avantages du côté de la naissance, que nous ne perdrons jamais le souvenir de la généreuse émulation avec laquelle nous les avons vus combattre et vaincre nos ennemis: nous leur avons déjà donné des témoignages authentiques de notre satisfaction, par les grades, les honneurs et les autres récompenses que nous leur avons accordés; mais nous avons considéré que ces grâces, personnelles à ceux qui les ont obtenues, s'éteindront un jour avec eux, et rien ne nous a paru plus digne de la bonté du Souverain que de faire passer jusqu'à la postérité les distinctions qu'ils ont si justement acquises par leurs services. La Noblesse la plus ancienne de nos États, qui doit sa première origine à la gloire des armes, verra sans doute avec plaisir que nous regardons la communication de ses Privilèges comme le prix le plus flatteur que puissent obtenir ceux qui ont marché sur ses traces pendant la guerre. Déjà annoblis par leurs actions, ils ont le mérite de la Noblesse, s'ils n'en ont pas encore le titre; et nous nous portons d'autant plus volontiers à le leur accorder, que nous suppléerons par ce moyen à ce qui pouvait manquer à la perfection des lois précédentes, en établissant dans notre Roïaume une Noblesse Militaire qui puisse s'acquérir de droit par les armes, sans lettres particulières d'annoblissement. Le Roi Henry IV avait eu le même objet dans l'article XXV de l'édit sur les tailles, qu'il donna en 1600...»
L'institution des ordres militaires avait créé au XIIe siècle des confréries assez puissantes pour alarmer les rois de la chrétienté. C'était la féodalité, non plus rivale et disséminée, mais organisée, armée et pouvant dicter les plus dures conditions aux souverains. Le pouvoir monarchique, après avoir brisé le faisceau, voulut le relier autour de lui et s'en faire un rempart; il institua pendant les XVe et VIe siècles les ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit, pendant le XVIIe l'ordre de Saint-Louis, et plus tard encore Louis XV établit l'ordre du Mérite-Militaire peu de temps après la promulgation de l'édit dont nous avons cité un extrait. Ces institutions effaçaient les derniers écussons armoyés. Désormais la noblesse devait se reconnaître par un signe général, non plus par des signes individuels. La monarchie tendait à mettre sur le même rang, à couvrir du même manteau, toute noblesse, qu'elle fût ancienne ou nouvelle, et la nuit du 4 août 1789 vit briser, par l'assemblée constituante, des écussons qui, voilés par le pouvoir royal, n'étaient pour la foule que le signe de priviléges injustes, non plus le souvenir et la marque d'immenses services rendus à la patrie. L'écusson royal de Louis XIV avait couvert tous ceux de la noblesse française; au jour du danger il se trouva seul; il fut brisé; cela devait être.
Note 254: (retour) Blasonner vient du mot allemand blasen (sonner du cor): «C'était autrefois la coutume de ceux qui se présentaient pour entrer en lice dans les tournois, de notifier ainsi leur arrivée; ensuite les hérauts sonnaient de la trompette, blasonnaient les armes des chevaliers, les décrivaient à haute voix, et se répandaient quelquefois en éloges au sujet de ces guerriers.» (Nouv. Méth. du blason, ou l'art hérald. du P. Ménestrier, mise dans un meill. ordre, etc., par M. L***. In-8°, Lyon, 1770.)
Note 256: (retour) Il est entendu que, conformément à la méthode employée depuis le XVIIe siècle pour faire reconnaître par la gravure les émaux des armoiries, nous exprimons l'argent par l'absence de toute hachure, l'or par un pointillé, l'azur par des hachures horizontales, gueules par des hachures verticales, le sinople par des hachures diagonales de droite à gauche (de l'écu), le pourpre par des lignes diagonales de gauche à droite, le sable par du noir sans travail, bien que dans la gravure en taille-douce ou l'intaille, on l'indique par des hachures horizontales et verticales croisées.
Note 258: (retour) Il ne paraît pas que des règles fixes aient été adoptées pendant les XIIIe et XVIe siècles pour la forme ou la proportion à donner aux écus, ils sont plus ou moins longs par rapport à leur largeur ou plus ou moins carrés; il en existe au XIIIe siècle (dans les peintures de l'église des Jacobins d'Agen, par exemple) qui sont terminés à la pointe en demi-cercle.
ARONDE, s. f. (Queue d'). Sorte de crampon de métal, de bois ou de
pierre, ayant la forme en double d'une queue d'hirondelle, et qui sert à
maintenir l'écartement de deux pierres, à réunir des pièces de bois de
charpente, des madriers, des planches (1). Cette espèce de crampon a été
employé de toute antiquité. Lorsqu'on déposa l'obélisque de Louqsor pour
le transporter en France, on trouva sous le lit inférieur de ce bloc de
granit une queue d'aronde en bois qui y avait été incrustée dans
l'origine pour prévenir la rupture d'un fil. Dans les fragments de
constructions antiques dont on s'est servi à l'époque gallo-romaine pour
élever des enceintes de villes, on rencontre souvent des entailles qui
indiquent l'emploi fréquent de queues d'aronde en fer ou en bronze. Nous
en avons trouvé en bois dans des constructions romanes de la première
époque. Quelquefois aussi la bascule des chapiteaux des colonnes
engagées, cantonnant des piles carrées, des XIe et VIIe siècles, est
maintenue postérieurement par une fausse coupe en queue d'aronde (2). Il
en est de même pour les corbeaux formant une forte saillie et destinés à
porter un poids en bascule (3).
Mais c'est surtout dans les ouvrages de charpente que la queue d'aronde a été employée pendant le moyen âge. Les entraits des fermes dans les charpentes de combles des XIIIe, XIVe et XVe siècles sont généralement assemblés dans les sablières doubles en queue d'aronde et à mi-bois (4), afin d'arrêter la poussée des chevrons portant ferme et reposant sur ces sablières d'un entrait à l'autre (voy. CHARPENTE). L'usage des languettes et embrèvements étant peu commun dans la menuiserie antérieure au XVe siècle, les membrures des huis, les madriers, sont souvent réunis par des queues d'aronde entaillées à mi-bois (5). Dans ce cas, les menuisiers ont eu le soin de choisir, pour les queues d'aronde, des bois très-durs et tenaces, tels que l'orme, les parties noueuses du noyer ou du chêne.
Les architectes des XVe et XVIe siècles usèrent et abusèrent de la queue d'aronde en pierre pour maintenir de grands encorbellements, pour suspendre des clefs de voûte ou des sommiers recevant des arcs sans le secours d'un point d'appui (6) (voy. CLEF pendante, VOUTE). Les queues d'aronde en pierre ont l'inconvénient de casser facilement au point faible; la pierre n'ayant pas d'élasticité, le moindre mouvement dans les blocs que ces queues doivent réunir, les brise, et rend leur emploi inutile.
FIN DU TOME PREMIER.
Paris.--Imprimé chez Bonaventure et Ducessois. 55, quai des
Grands-Augustins.
TABLE PROVISOIRE
DES MOTS CONTENUS DANS LE TOME PREMIER.
FIN DE LA TABLE PROVISOIRE DU TOME PREMIER.