Elémens de la philosophie de Neuton: Mis à la portée de tout le monde
Mais, quoi, dira-t-on, vous avez détruit au Chapitre XVI. les Tourbillons de Descartes, & maintenant vous en établissez un autre entiérement contraire à vos principes? Cette Atmosphére, qui, selon vous, doit tourner incessamment autour du Soleil, & dont le mouvement s'étend jusqu'au-delà de l'orbite de la Terre, n'est-elle pas un nouveau Tourbillon, par lequel vous prétendez remplacer celui que vous vous êtes tant efforcé d'anéantir en faveur de la Philosophie de Neuton? Et, tourbillon pour tourbillon, pourquoi ne pas adopter plutôt celui de Descartes?
A cela je réponds, que les Tourbillons de Descartes sont bien différens du mouvement circulaire ou elliptique des petites Planetes de cette Atmosphére, auquel je consens qu'on donne, si l'on veut, le nom de Tourbillon, pourvû que l'on m'accorde que celui-ci ne ressemble point à ceux de Descartes. Il n'est pas nécessaire de répéter tous les inconvéniens des Tourbillons que nous avons examinés dans les Chapitres précédens; nous nous contenterons de parler d'une seule chose en quoi ils différent de celui dont il s'agit. En effet, pour que les Tourbillons de Descartes ayent assez de force pour emporter les Planetes, qui y nagent, il est nécessaire qu'elles n'ayent jamais ni plus, ni moins de matiére, que la partie du Tourbillon qui les met en mouvement, ce qui est contraire à l'expérience. Car leur mouvement dans leurs aphélies est plus lent, que dans leurs périhélies, & cependant la quantité de matiére, qu'elles contiennent, est toujours égale. Ce qui les fait tourner, n'est donc point une force qui leur est imprimée par une matiére étrangere, autrement cette même matiére étant plus vaste dans leurs aphélies, & plus resserrée dans leurs périhélies, produiroit un effet tout-à-fait contraire. Mais notre Tourbillon ne doit pas se prendre pour un premier ressort du mouvement planétaire, puisque nous considérons la pesanteur ou l'attraction vers le Soleil, comme sa cause véritable & primitive. En effet, nous ne le posons que pour ne pas retarder le mouvement de la Terre & des Planetes inférieures, ce qui est bien différent de leur imprimer du mouvement, comme devroient faire ceux de Descartes.
Seconde Objection.
On pourroit faire une objection bien plus réelle sur la nature du mouvement circulaire ou curviligne, causé par quelque corps central vers lequel tous les autres sont attirés. On ne doute point que le centre des forces ne doive toujours être dans le même plan où se fait le mouvement; car c'est une suite nécessaire des Démonstrations, par lesquelles nous avons prouvé au Chap. XIX. l'égalité des aires décrites en tems égaux. Comment donc, dira-t-on, se peut-il faire que deux corps ou plusieurs, dont la circulation se commence dans des plans différens, mais à égale distance du Soleil, ne se choquent pas quelque part, avant que d'achever seulement leur premiére révolution; puisqu'il est impossible que deux plans circulaires différens & qui ont pourtant le même centre, ne se coupent pas en deux points de leurs périphéries? Néanmoins nous ne voyons pas que cela arrive à la matiére qui produit la lumiére zodiacale, puisqu'un choc comme celui-là, la réduiroit bien-tôt en une seule masse, & en feroit une nouvelle Planete, selon les théorêmes du mouvement causé par la percussion, démontré si clairement par Mrs. Mariotte, Huygens & Herman. Quoique certains petillements de cette lumiére, observés par Mrs. Cassini & de Duilliers, prouvent assez visiblement que le choc des corpuscules qui composent cette matiére, est quelque chose de fort commun, cela ne l'empêche pas de subsister toujours, & d'avoir ses vicissitudes de diminution & d'accroissement. Mais un choc dans l'intersection de deux, ou de plusieurs Plans, tel que celui dont nous venons de parler ligne 7 & suiv. p. 364, n'a jamais été remarqué, & ne le sera certainement jamais.
Pour résoudre cette difficulté, il faut voir ce qui arriveroit, s'il y avoit une seconde Terre de la même figure & de la même grandeur que la nôtre, & si ces deux Terres se touchoient tellement aux deux Poles de leur orbite commune, que le Pole Méridional de l'une fût appliqué immédiatement au Pole Septentrional de l'autre. Il est clair que le centre de l'une ou de l'autre décriroit une orbite particuliére, dont le plan non-seulement ne passeroit pas par le centre du Soleil; mais en seroit même éloigné du demi-diametre de chacune des deux.
Je dis plus. Si au lieu de ces deux Terres j'en suppose quatre, six, huit, ou davantage, il en faudra nécessairement revenir au même raisonnement; & la multiplication de ces corps de part & d'autre ne produira que la multiplication des centres particuliers des orbites particuliéres. Mais le centre commun de gravité de toutes ces Terres jointes ensemble, situé au point du contact des deux Poles du milieu, décrira pareillement une orbite qui tiendra le milieu de toutes les autres, & passera immanquablement par le centre du Soleil.
Pour revenir aux petits corpuscules qui composent cette Atmosphére, figurons-nous que tous ceux qui sont à la même distance du Soleil se touchent; il n'y a pas de doute qu'ils ne s'accompagnassent éternellement, comme feroit une rangée de plusieurs Terres, qui auroient toutes des révolutions égales autour du Soleil. Il est vrai qu'un autre ordre supérieur ou inférieur de ces corpuscules feroit une révolution particuliére dans un tems périodique différent de celui de la précédente; mais ce seroit toujours de compagnie, & sans que les corpuscules d'une même rangée se quittassent jamais. Il importe peu que des rangées différentes supérieures & inférieures se touchent, ou ne se touchent pas, pourvû qu'il n'y ait ni inégalité, ni friction, qui puisse en retarder le mouvement.
Troisième Objection.
Voici encore une objection qu'on pourroit faire contre le mouvement de l'Atmosphére Solaire, tel que nous l'imaginons. Le tems périodique des taches du Soleil & par conséquent de la partie la plus basse de cette Atmosphére, avec laquelle ces taches font visiblement leur révolution, est de 25 jours & demi, que l'on compte depuis qu'une partie de cette Atmosphére a été sous une Fixe quelconque, jusqu'à son retour sous la même Fixe.
Comparons maintenant le tems périodique du sédiment de l'Atmosphére Solaire avec celui qu'employent ses parties situées à une élévation égale à celle de la Terre. Pour cet effet nous commencerons par établir que toutes les Planetes, tant grandes que petites, font leurs révolutions dans la même Région du Ciel en tems égaux; car il n'y a personne qui puisse le nier, sans contredire l'expérience même, qui prouve que la disproportion des masses de Jupiter, de Mars & de Mercure, ne dérange rien à la proportion de leurs tems périodiques.
Les corpuscules planétaires de cette Atmosphére étant à une distance égale à celle de notre Terre feront donc leur révolution en une année; mais pour bien expliquer la chose il faut avoir recours à cette Règle de Kepler: Comme le cube de 213 sémi-diametres du Soleil, qui font la distance moyenne de la Terre à cet Astre, est au quarré de 525949 minutes, ou d'une année, de même le cube d'un seul sémi-diametre du Soleil est au quarré de 169 à 170 minutes. Le fond ou le sédiment de l'Atmosphére Solaire devroit donc tourner en 169 ou 170 minutes; mais l'expérience nous apprend qu'il fait sa révolution en 25 jours & demi, comme on l'a vu ci-dessus, ce qui fait une disproportion trop sensible.
Pour faire voir que cette objection a plus de brillant que de solide, il nous suffira de dire que l'Atmosphére Solaire est séparée en deux parties différentes par un vuide assez grand, pour que la partie supérieure n'ait aucune communication avec l'inférieure. Or comme cette séparation fait que l'Atmosphére inférieure peut suivre le mouvement du Soleil autour de son axe, & avoir le même tems périodique, elle nous met en droit de soutenir que la partie supérieure, pour ne pas tomber sur l'inférieure, a besoin d'un mouvement planétaire, dont les forces centrifuges contrebalancent les centripètes. On ne peut donc s'empêcher de nous accorder que cette Atmosphére supérieure doit avoir différens degrés de vîtesse dans ses différentes parties, autrement les plus basses tomberoient toujours vers le Soleil, & les plus hautes pourroient s'élever même au-delà de Saturne.
Des Cometes.
Neuton est le premier qui nous ait donné la véritable idée du mouvement des Cometes. Cependant Mr. Cassini, le Pere, avoit déja trouvé avant lui le moyen de prédire leur situation apparente, lorsqu'elles ne sont pas trop près du Soleil. Car, quoiqu'il sût très-bien que leur mouvement est curviligne, il ne laissa pas d'en supposer la courbure si peu sensible, qu'on pouvoit la regarder comme une ligne droite; & à l'aide de cette supposition il parvint à un calcul qui ne différe que peu ou point de celui de Neuton, puisque plus des segmens égaux d'une Parabole s'éloignent de son sommet, plus ils approchent d'une ligne droite.
Quand Neuton a inventé l'Hypothèse du mouvement parabolique des Cometes, pour en rendre le calcul plus Géométrique & moins embarrassant, il n'a pas cru pour cela que les courbes de leurs trajets soient de véritables Paraboles. Au contraire, dans la XLII. Proposition du III. Livre de sa Philosophie il nous enseigne le moyen de trouver par approximation les grands axes de leurs orbites elliptiques, avec cette restriction néanmoins que ces orbites sont d'une figure si oblongue que nous ne saurions les voir toutes entiéres. Nous ne voyons donc les Cometes que lorsqu'elles sont près de leurs périhélies, parce que tout le reste de leur cours se fait dans des Régions si éloignées, que notre vûe ne peut porter jusque-là. Ce que nous voyons d'une orbite Cométique n'est souvent pas la centième partie de ce que nous n'en voyons point. Car comme les Cometes ne commencent à paroître ordinairement que quand elles sont à une distance du Soleil plus petite que celle de Jupiter, & plus grande que celle de Mars; lorsqu'elles passent dans les Régions supérieures & qu'elles se trouvent à une distance du Soleil égale à celle de Jupiter, leur lumiére est si foible qu'à peine peut-elle être apperçue.
Comme la Parabole n'est qu'une Ellipse, dont le centre est infiniment éloigné de son foyer, on s'en sert, suivant les règles de Neuton, au lieu de l'Ellipse, quand on ne sait pas précisément la mesure des deux axes, pourvû que le grand axe excéde du moins 20 fois le petit. Autrement ce seroit non-seulement une faute considérable de prolonger le mouvement parabolique au-delà des distances où les Cometes sont visibles; mais l'on se priveroit encore par-là de l'espérance de les revoir jamais.
Pourquoi les Cometes & les Planetes ne tombent point sur le Soleil dans leurs périhélies.
Ainsi le mouvement des Cometes autour du Soleil ressemble tellement à celui des Planetes ordinaires, que quoique les premiéres approchent beaucoup plus près de cet Astre que les autres, elles ne sont pas exposées à tomber sur lui, lorsque la courbe de leur mouvement devient perpendiculaire à sa distance. Car la force centripète étant plus petite que la troisième proportionnelle à la distance du Soleil & à la vîtesse du périhélie, la Planete ou la Comete n'est pas plutôt parvenue à sa plus grande proximité du Soleil, qu'elle commence à s'en éloigner.
L'Atmosphére, la durée, la queue & le retour d'une Comete est ce qu'il y a de plus remarquable.
L'Atmosphére d'une Comete différe de celle d'une Planete ordinaire en ce que son noyau est beaucoup plus petit. Il y en a qui ont 15 fois plus de diametre que les corps des Cometes. Aussi une même Atmosphére n'est-elle pas toujours d'une égale extension, vû qu'elle diminue & s'aggrandit par reprises.
On ne sait pas bien encore si ces diminutions & ces accroissemens se font réguliérement aux mêmes distances du Soleil & du périhélie. Car selon les Observations d'Hevelius, alleguées par Neuton, ces Atmosphéres diminuent à mesure qu'elles approchent du Soleil, & augmentent à mesure qu'elles s'en éloignent. Au contraire Mr. de Mairan assûre, qu'elles grossissent à l'approche du Soleil par les parties de l'Atmosphére Solaire qu'elles emportent avec elles en passant. L'un & l'autre de ces sentimens paroissent fondés sur ce que les Atmosphéres des Cometes peuvent diminuer jusqu'à la rencontre de celle du Soleil, dans laquelle elles puisent de nouvelles matiéres. De plus ces Atmosphéres contenant un air semblable au nôtre, elles doivent toujours occuper plus d'espace en descendant vers le Soleil qu'en remontant; parce que cet air se rarefie extrêmement lorsqu'elles descendent, & se condense de même, lorsqu'elles remontent.
La durée des Cometes se prouve, selon le raisonnement de Neuton, par les degrés de chaleur excessifs qu'elles subissent dans leurs périhélies. Ce Philosophe a calculé que la Comete de l'année 1680, qui passa au-dessus de la surface du Soleil jusqu'à un sixième de son diametre, dut sentir une chaleur 2000 fois plus grande que celle d'un fer rouge. D'où il a conclu que ce corps devoit être bien compacte & aussi ancien que le monde, puisqu'il fut si près du Soleil & qu'il résista si long-tems à ses rayons, sans s'évaporer.
Comme le sentiment de Neuton est une espèce de Paradoxe pour ceux qui ne sont pas bien au fait de ces matiéres, il est bon de voir surquoi il est appuyé. La ligne comprise entre le centre du Soleil & la Comete en question dans son périhélie, étoit au rayon de l'orbite de la Terre comme 600 sont à 100000. La chaleur qui se fait sentir à la Terre fut donc alors à celle de la Comete comme 360000 sont à 10000000000, ou comme 1 est à 28000. Or comme la plus grande chaleur de l'Eté n'est à celle de l'eau bouillante que comme 1 est à 3 1/2; & que cette derniére est encore quatre fois moindre que celle d'un fer rouge, il a trouvé que cette chaleur est à celle de la Comete comme 14 sont à 28000, ou comme 1 est à 2000.
Si une balle de fer rougie au feu perd sa chaleur en une heure, & que le tems qu'il faut pour refroidir des Sphéres échauffées soit comme leurs diametres & leurs degrés de chaleur, il faudra 108 millions d'années pour refroidir le corps de cette Comete, s'il est égal à notre Terre.
Pourquoi les Orbites des Cometes sont si excentriques.
Cette réflexion nous découvre & nous fait également admirer la sagesse du Créateur. Rien ne pourroit subsister dans les Cometes, si elles n'avoient pas une chaleur suffisante pour la conservation de leur matiére. La Nature, afin de leur en donner autant qu'elles en avoient besoin, même dans les Régions les plus reculées, où un mouvement circulaire, ou peu excentrique, les auroit privés de la chaleur du Soleil, a augmenté si considérablement leurs excentricités, que l'embrasement qu'elles souffrent pendant très-peu de tems, fait qu'elles jouïssent d'une chaleur tempérée pendant le reste de leur révolution. Mais si d'un autre côté il y a des Créatures animées dans les Cometes, comme Mr. Huygens a prouvé qu'il y en a dans les Planetes, il faut absolument qu'elles se retirent dans les cavités intérieures de ces Cometes, pour se garantir de cet incendie général qui se fait à leurs surfaces extérieures.
A considérer la figure irréguliére de quelques Cometes, on juge qu'elles ne tournent point autour de leur axe; parce qu'elles ne sauroient avoir cette rotation sans avoir en même tems une figure sphérique, ou sphéroïde, & un seul noyau enfermé dans leur atmosphére. Mais on en a vu quelques-unes, qui n'étoient ni exactement sphériques, ni sphéroïdes: d'autres qui paroissoient un amas de plusieurs noyaux de figures & de grandeurs différentes; ce qui ne convient nullement à un mouvement journalier, & rend la position de leur axe extrêmement variable. Outre cela leurs queues, qui sont très-inégales, & qui changent presqu'à tous momens, devoient ou retarder sensiblement, ou arrêter tout-à-fait le tournoyement dont est question, ce qu'on n'a point encore remarqué.
Mais si les Cometes ne tournent point autour d'elles-mêmes, il faut qu'avant & après leur embrasement la même partie soit presque toujours exposée au Soleil; & qu'il n'y ait par conséquent qu'une moitié de leurs Sphéres qui soit habitable, puisqu'elle voit toujours le Soleil, & que l'autre est ensévelie dans une nuit de plusieurs années, ou de plusieurs siècles; ce qui n'empêche pourtant pas que cet hémisphére n'ait autant de chaleur que celui qui est éclairé. Pour expliquer cette espèce de Paradoxe nous ajouterons à ce qui a été dit page 375, que la chaleur qu'elles peuvent recevoir du Soleil dans leurs aphélies n'est pas la 10000me. partie de celle qui se sent aux Poles de la Terre, & que celle qui reste après qu'elles ont passé leurs périhélies doit être égale par toute leur surface.
La fumée qui sort des Cometes, & qui se disperse dans les Régions du Ciel qu'elles traversent, compose leurs queues. Elles commencent à se former un peu avant que les Cometes arrivent à leurs périhélies, & dès que la chaleur du Soleil est assez forte pour enflammer les matiéres combustibles de leurs surfaces, & pour que la fumée fasse brêche à leurs atmosphéres. Il est pourtant vrai que cet incendie commence un peu avant qu'on en voye la fumée; mais nous ne considérons ici que le moment où nous commençons à appercevoir leurs queues.
Elles ne sont jamais plus longues que quand les Cometes sortent de leurs périhélies, après quoi elles diminuent toujours, lors même qu'elles s'approchent de la Terre. C'est par ces degrés d'augmentation & de diminution que le savant Neuton a connu que les queues des Cometes n'étoient que des fumées. Cela se confirme encore par leur direction qui s'étend toujours vers les parties opposées au Soleil. On ne sauroit donner une comparaison plus sensible de la chose, que celle qu'en a donné ce Philosophe, quoiqu'elle ait besoin d'être un peu plus circonstanciée.
Figurons-nous donc une torche allumée dont le lumignon soit renversé, & qui par un mouvement projectile tourne autour de la Terre; toute sa fumée montera en haut, & tendra à s'éloigner du centre de la Terre malgré ce renversement. De plus cette fumée se courbera tellement vers les Régions contraires à la direction du mouvement de la torche, que la partie supérieure semblera se mouvoir moins vîte que l'inférieure. Et ce qu'il y a encore de plus remarquable, c'est que la fumée paroîtra plus large en haut qu'en bas, comme on le voit par celle qui au sortir des cheminées occupe toujours plus d'espace qu'elle n'en occupoit auparavant. Tout cela quadre parfaitement avec les Phénomênes de ces queues. La partie embrasée d'une Comete, qui est tournée vers le Soleil, pousse sa fumée à l'opposite de cet Astre.
Cette fumée a toujours quelque courbure à son extrémité, qui est d'autant plus reclinée, c'est-à-dire, panchée en arriére, que la queue est plus longue; & la même extrémité se trouve aussi plus large que celle qui adhére au corps de la Comete. Cette comparaison est si juste qu'elle ne laisse aucun lieu de douter que la queue des Cometes ne soit une véritable fumée que cause leur embrasement à l'approche du Soleil.
Voici une autre cause que Mr. de Mairan assigne fort ingénieusement à la queue des Cometes, & que nous allons tâcher de concilier, autant qu'il est possible, avec celle que Neuton vient de nous fournir. Il remarque que les Cometes en passant par l'Atmosphére Solaire en ramassent non-seulement des parties qui font corps avec elles, comme il a été dit page 373; mais encore d'autres qui ne peuvent d'abord suivre la Comete, & s'en détachent pour former derriére elle une espèce de Cone. Cette figure, selon ce grand Philosophe, poussée par la matiére céleste, prend une route contraire à celle de la Comete, comme la chevelure d'une tête, que l'on porteroit contre le vent, prendroit une direction contraire à cette tête.
Cette comparaison n'est bonne que pour les queues naissantes des Cometes, qui n'ont pas encore atteint leurs périhélies. Car les amas coniques de l'Atmosphére Solaire que les Cometes traînent après elles & le commencement de leurs fumées étant deux causes différentes, qui ne laissent pas de produire les mêmes apparences, les uns & les autres doivent faire les mêmes effets sur notre vûe. Mais au-delà de leurs périhélies la matiére céleste dirige vers le Soleil celle qui s'accroche aux Cometes. Ainsi l'on ne doit pas s'étonner si leurs fumées s'observent beaucoup plus facilement que ce petit amas de matiére qu'elles emportent avec elles.
La révolution périodique des Cometes fait aujourd'hui le principal objet de l'attention de plusieurs Philosophes. Le retour de celle qui parut en 1682 pourroit se prédire, selon Neuton, pour l'année 1757, ou 1758. Il y a tout lieu de croire que c'est la même qui fut vue en 1607; car il se trouve si peu de différence entre la vîtesse, les nœuds & l'inclinaison de l'une & de l'autre, qu'on peut la regarder comme un pur effet de l'attraction des Planetes & des autres Cometes.
Mr. Cassini a trouvé que presque tous ces Corps passagers ont une route différente de celle des Planetes. On a ignoré jusqu'ici de quelle conséquence sont ce nouveau Zodiaque & ce retour périodique des Cometes, pour la conservation du Genre Humain. Imaginez-vous, par exemple, que ce sont des Corps fortuits, qui se trouvent par hazard dans notre Ecliptique; quel desastre ne seroit-ce pas pour notre Terre, si malheureusement elle venoit à se trouver au même point? L'idée de deux bombes qui créveroient en se choquant en l'air, est infiniment au-dessous de celle qu'on en doit avoir. Heureusement pour nous, on a découvert que la plûpart des Cometes dans les nœuds de leurs orbites sont bien moins éloignées du Soleil, que ne sont notre Terre, Venus & Mercure. C'est ce qui fait toute notre sûreté, & qui nous fait connoître combien nous avons de graces à rendre à Dieu pour un si grand bienfait.
Les Cometes par leurs retours inopinés produisent quelquefois des Phénomênes tout-à-fait surprenans, quand on en ignore la cause. Telle est, selon Whiston, l'éclipse extraordinaire de Soleil dont parle Hérodote, & qui arriva au Printems de l'année 4334 de la Période Julienne, lorsque Xerxès partit de Sardes, Capitale de la Lydie, où il avoit passé l'Hyver. Telle est aussi selon Wolff, celle de Lune, qui arriva dans le XVme. Siècle, puisque ce célèbre Mathématicien dans ses Elémens de Physique dit, après George Phranza, que ce Phénomêne n'a pu arriver naturellement, la Lune étant alors dans une de ses quadratures. Enfin, il en est de même de celui dont Grégoire Abulpharache, Auteur Arabe, fait mention dans son Histoire des Dynasties Orientales, où il marque, que sous l'Empereur Héraclius le Soleil parut par tout le Monde, pendant trois jours, rouge comme du sang; ce qui toutefois a pu arriver par l'interposition de la queue d'une Comete.
Des Fixes.
Contradiction apparente du Systême de Neuton à l'égard des Fixes.
Comme le Systême de Neuton paroît se contredire à l'égard des Fixes, qui, selon lui, se tirent les unes les autres, & demeurent pourtant immobiles, il faut commencer par éclaircir son sentiment, & faire voir qu'il n'implique aucune contradiction.
La distance qu'il y a d'une Fixe à l'autre est si immense, que leur chûte ne feroit pas seulement une lieue en un an. C'est ce qu'on va voir par le calcul suivant. 1o. Selon nos supputations pages 280 & 281. les corps pesants, en comptant rondement, tombent sur la surface du Soleil de 1260000 pieds, tout au moins, pendant la premiére minute. 2o. Selon Huygens les Fixes les plus proches du Soleil en sont éloignées de 28000 sémi-diametres de l'orbite de la Terre, ou environ, c'est-à-dire, de plus de 5600000 sémi-diametres Solaires, dont le quarré est 313600,0000,0000. Donc la Fixe la plus proche de cet Astre s'avance vers lui de 1260000/31360000000000 d'un pied, pendant la premiére minute. Mais si au lieu de cette fraction l'on compte 1/25000000 d'un pied, l'on trouvera pour la premiére année 11000 pieds, à peu de chose près, eu égard à la somme totale.
Neuton a démontré dans la XII. Proposition du III. Livre de sa Philosophie, que le centre commun de gravité de notre Systême Planétaire seroit eloigné de celui du Soleil même, d'un de ses sémi-diametres, c'est-à-dire, de 4000,000,000 pieds, ou à peu près, si toutes les Planetes étoient d'un côté & cet astre de l'autre. Quelle disproportion donc entre le dérangement du Soleil, causé par les Planetes qui l'environnent, & celui qui vient de l'attraction de la Fixe qui en est plus près; j'entends, entre 11000 & 4000000000 pieds?
Or comme le Soleil se trouve tantôt d'un côté du centre universel de son propre Systême, tantôt de l'autre, & que la même chose arrive à chaque Fixe à l'égard des Planetes inconnues qui l'environnent, l'on voit clairement que ces corps lumineux s'attirent réciproquement par des forces beaucoup plus foibles que celles qui les éloignent quelquefois les uns des autres. Ces vicissitudes d'approchement & d'éloignement sont donc ce qui retient toujours les Fixes dans leur assiette naturelle, sans qu'elles puissent jamais tomber les unes sur les autres.
Comme quelques Fixes, qui, selon les observations de Montanaro, ont disparu depuis quelques années, n'ont pas empêché celles qui sont restées, d'être stables, il faut voir quelles peuvent être les causes de leur disparition. Le célèbre Wolff en spécifie trois dans sa Physique. 1o. Elles peuvent, selon lui, acquérir du mouvement & par-là se dérober à nôtre vûe: 2o. En retombant dans le Chaos elles peuvent créver & s'évaporer entiérement; Et 3o. elles peuvent ou perdre tout-à-fait leur lumiére, ou en perdre du moins assez pour nous devenir invisibles.
La premiére de ces causes paroît d'autant moins vraisemblable, que l'attraction de la Fixe, qui disparoîtroit, deviendroit plus forte & précipiteroit, les unes sur les autres, toutes celles qui l'environneroient. La seconde n'est pas plus recevable, vû que cette prétendue dissolution changeroit la gravitation réciproque des Etoiles les plus voisines de celle qui s'évanouïroit, & qu'elles n'auroient plus rien qui les tiendroit en équilibre. Ainsi nous adopterons la troisième, parce qu'en supposant la stabilité de la Fixe, elle conserve toute sa force attractive.
Il faut faire le même jugement des retours périodiques d'apparition & de disparition des Etoiles, qu'on a observées dans les Constellations de la Baleine, du Cigne & de l'Hydre. Car quoique la partie qui nous regarde soit plus ou moins lumineuse, & que nous les perdions quelquefois tout-à-fait de vûe, elles ne quittent pas pour cela leurs places, & leur attraction ne laisse pas de tenir l'Univers en équilibre.
Il s'ensuit de tout ce raisonnement, que la gravitation réciproque de deux Fixes ne diminue pas précisément en raison inverse des quarrés des distances, sur-tout aux environs du centre commun de leur pesanteur. Il s'ensuit aussi que la loi de la gravitation peut varier, comme on le peut voir sur la fin du Chapitre VII. où il est parlé des différentes sortes d'attraction. L'action de l'Aiman sur le Fer en raison inverse des cubes de ses distances, & celle des corps transparens sur les rayons, ou les atomes de la lumiére, nous prouvent la réalité aussi-bien que la possibilité de la chose.
CHAPITRE VINGT-CINQ.
Des secondes inégalités du mouvement des Satellites, & des Phénomênes qui en dépendent.
APrès avoir rapporté au Chapitre XXI. diverses particularités du mouvement de la Lune, pour établir la nécessité de l'attraction, il nous reste à faire voir dans celui-ci que la Théorie de ces inégalités, causées par ce méchanisme, est entiérement conforme aux Observations.
Neuton assigne trois causes à ces sortes d'irrégularités. Il prétend: 1o. Que la force qui tire la Lune vers la Terre, est moindre que celle qui tire ces deux Planetes vers le Soleil: 2o. Qu'en considérant les orbites comme exactement circulaires, la force qui tire la Terre vers le Soleil est toujours égale, au lieu que celle qui tire la Lune vers cet Astre est plus grande dans sa Conjonction que dans son Opposition; Et 3o. Que les lignes d'attraction, qui tendent vers le Soleil se resserrent à mesure qu'elles en approchent, & augmentent toujours la gravitation de la Lune vers la Terre, surtout lorsque cette Planete est dans ses Quadratures.
Si l'on suppose, par exemple, que la Lune soit en Conjonction avec le Soleil, on verra que, par sa seule gravitation vers la Terre, elle décrira en 10 heures 20 min. un petit arc de 100 parties, dont 1000 composent le rayon de son orbite, & 336000 font sa distance du Soleil. Or si pendant ce tems-là la Lune parcourt 100 parties de son rayon, il faut que (suivant la règle du mouvement circulaire dont nous avons fait mention page 372 lignes 3 & 4) comme 1000 parties de ce dit rayon sont à 100 (corde qui différe très-peu de l'arc en question,) de même le nombre de 100 soit à 10, chûte (uniforme) de la Lune vers la Terre. Mais si l'on veut déterminer les chûtes de la Terre & de la Lune vers le Soleil, il faut se conformer aux règles données pages 268 & 269, en disant par cette opération abregée: 1o. Comme 1. (distance de la Lune à la Terre) divisé par le quarré d'un mois périodique, est à 337 divisés par le quarré d'une année, ainsi 10 (chûte de la Lune vers la Terre) sont à 19, chûte de la Terre vers le Soleil; 2o. Comme le quarré de 336000 est au quarré de 337000, ainsi 19 (chûte de la Terre vers le Soleil) sont à 19 19/168, chûte de la Lune vers cet Astre. Il y a donc 19/168 d'une seule partie du rayon de la Lune, qu'il faut ôter de 10 parties du même rayon, pour trouver sa véritable chûte vers la Terre, qui sera seulement de 9 149/168, au lieu qu'elle seroit de 10, sans l'action particuliére du Soleil sur ce Satellite. Par la même raison, la distance de la Lune à la Terre, qui étoit de 1000 parties, se trouvera de 1000 19/168; ce qui contribuera encore plus à la diminution de sa pesanteur.
Tandis que la Lune est encore si peu éloignée de sa Conjonction, la force qui la pousse vers la ligne des Syzygies n'a rien de considérable; mais elle augmente à mesure que cette Planete approche de son Quartier. Lorsqu'au contraire elle y est parvenue, cette seconde force, qui agit en même sens que sa pesanteur vers la Terre, la pousse toujours vers notre Globe, jusqu'à ce qu'étant dans son Opposition elle ne s'en trouve plus éloignée que de 1000 parties.
Par le mêlange de ces deux forces, l'éloignement de la Lune à la Terre, dans ses Quadratures, sera de 1023 à 1024 parties, en continuant le calcul que nous avons ébauché ci-dessus, & en se souvenant de l'obliquité naissante de la configuration de ce Satellite avec le Soleil. Au reste nous n'admettons point encore ici d'excentricité, autrement l'orbite seroit toujours ovale, quoique de largeur & de figure différentes, selon la capacité de l'angle compris entre les deux lignes des apsides & des conjonctions. Car en supposant cet angle Zero, l'excentricité devient plus grande que s'il étoit de 90 degrés, puisque le grand axe au premier cas est de 2000 & au second de 2047. Il est vrai que nos dimensions ne sont pas les mêmes que celles de Neuton; mais comme ce grand Homme reconnoît, sur la fin de sa Préface, que sa Théorie Lunaire a ses imperfections, nous avons cru qu'il suffisoit de nous attacher à ses Principes, sans nous assujettir à ses mesures.
Quant aux Satellites qui composent l'anneau de Saturne, on trouvera, par un pareil calcul, que le grand axe de leur Orbite est au petit comme 1000 sont à 1000 1/94, & que par conséquent cette même Orbite est 2250 fois moins ovale que celle de la Lune.
Mais pour rassûrer ceux qui pourroient douter que notre calcul soit conforme aux Observations, revenons aux excentricités, que nous n'avons fait qu'indiquer ci-devant, & faisons voir, par une nouvelle supputation, qu'elles s'accordent avec les diametres apparens & les mouvemens horaires de la Lune.
Lorsque les Apsides tombent dans les Syzygies, la plus grande excentricité de l'Orbite étant, selon les plus fameux Astronomes, à la distance médiocre de la Lune comme 67 sont à 1000, on conçoit bien que l'Apogée est éloigné de 1067 de la Terre, & le Périgée de 933. Par la même raison, quand les apsides sont aux quadratures, l'excentricité en question n'étant que de 44, & la distance médiocre de 1024, celle de l'Apogée à la Terre doit être de 1068, & celle du Périgée de 980.
Or le diametre apparent de la Lune dans son Apogée est, (à compter rondement) de 29 min. 40 sec. & ne varie jamais qu'entre 1067 & 1068. Au contraire il varie toujours dans son Périgée depuis 34 min. jusqu'à 32 1/2, c'est à-dire en raison inverse de 933 à 980. Donc les distances de l'Apogée & du Périgée sont précisément, suivant notre calcul, en raison inverse des diametres apparens, qu'on a trouvés jusqu'ici par les Observations.
Le mouvement horaire ne prouve pas moins l'exactitude de ces rapports. Car tant que les aires décrites sont égales, ces mouvemens sont par-tout en raison inverse des quarrés des distances. Ainsi comme le quarré de 933 est à 29 min. 20 sec. (horaire de l'Apogée) de même le quarré de 1067 est, selon les Observations, à 38 minutes, horaire du Périgée dans les Syzygies. Et si le quarré de 980 donne 29 min. 20 sec., celui de 1067 en donnera, conformément aux Observations, 35 d'horaire du Périgée dans les Quadratures.
On voit aussi que, par les mêmes loix de la gravitation vers le Soleil, la Lune qui n'est pas dans l'Ecliptique, s'en doit approcher jusqu'aux Syzygies; parce que, selon l'angle de son orbite avec la nôtre, sa Latitude devient toujours moindre qu'elle ne devroit être. Cet angle diminue donc à chaque instant, & au lieu que dans les Quadratures, près des nœuds, il étoit de 5 degrés 18 min. il n'est que de 5 degrés dans les Conjonctions comme dans les Oppositions; ce qui rend la surface de l'orbite curviligne. Si au contraire les nœuds se trouvent dans les Syzygies, l'action du Soleil ne diminue point les Latitudes, l'angle en question demeure toujours le même, & l'orbite devient une surface plane. Quant à leur mouvement, il est alors d'une extrême lenteur, parce que l'action du Soleil, qui est, pendant un tems assez considérable, presque parallèle à la distance de la Lune & de la Terre, ne se ralentit guère; mais il n'en est pas de même des Quadratures, où ils rétrogradent considérablement. Car la Lune les rencontre chaque mois environ trois heures plutôt, sur-tout au milieu de son Croissant aussi-bien que de son Decours, où la différence de sa gravitation & de celle de la Terre vers le Soleil augmente & diminue plus vîte que par-tout ailleurs.
Mouvement des Poles de la Terre, p. 295.
La précession des Equinoxes est encore aussi-bien que la rétrogradation des nœuds un effet de ces inégalités, quoique beaucoup plus lente, parce que la quantité de la matiére terrestre, qui est sous l'Equateur, différe très-peu de celle des Méridiens, & que ce petit excédant, sous l'Equinoxiale, tient la place d'un Satellite, ou d'un anneau tel que celui de Saturne.
Il y a quelques autres causes qui rendent le mouvement des Satellites un peu irrégulier, mais dont l'effet n'est guére considérable que par rapport à eux. On a remarqué que l'Apogée du premier & du quatrième Satellites de Jupiter est constamment le même que celui de cette Planete, & que ce n'est qu'après plusieurs révolutions de celle-ci que l'orbite du troisième se retrouve à la même inclinaison. Aussi les nœuds de ces quatre petites Etoiles n'ont-ils point varié, du moins depuis plus de cent ans qu'il y a qu'on les observe. En un mot, toutes ces inégalités n'approchent pas de celles de la Lune, sans parler de sa rotation, qui différe considérablement de celle qu'on a cru appercevoir dans les autres Satellites.
Après avoir parcouru tous ces différens mouvemens, nous ne pouvons guère nous dispenser d'en indiquer la cause. Elle n'est pas si obscure que bien des gens pourroient se l'imaginer. La voici en peu de mots: le nombre & la proximité des Satellites font que leur attraction réciproque l'emporte beaucoup sur l'action du Soleil. Par là il est aisé de juger que l'anneau de Saturne doit extrêmement déranger les Satellites qui font leurs revolutions autour de lui, sur-tout les plus petits & les plus excentriques. On conçoit pareillement que l'attraction de cet anneau doit retarder considérablement la chûte des corps sur la surface de Saturne. Enfin, l'exemple du flux & du reflux de la Mer ne nous permet pas de douter de cette vérité. Car il s'ensuit de tout ce qui a été dit au Chapitre XVIII., que la pesanteur du centre de la Terre vers la Lune est toujours la même; au lieu que les eaux qui se trouvent entre ce centre & cette Planete, y sont attirées avec plus de vîtesse, que lorsque le tournoyement journalier de la Terre les a fait passer au point diamétralement opposé.
Voilà ce que nous avions à dire des principaux effets de l'Attraction Neutonienne, telle que ce fameux Mathématicien l'a imaginée, en la regardant comme la cause unique de la réfraction de la Lumiére, & comme le premier ressort du Méchanisme de l'Univers. Il est vrai qu'en qualité de Philosophe, il lui assigne un empire bien plus vaste dans la Nature, en réduisant sous ses loix toutes les opérations de la chaleur, le mêlange des Mixtes, leur décomposition, & l'électricité qu'on remarque dans l'ambre, le diamant, la cire d'Espagne & autres corps de cette nature; mais nous n'entrerons point dans ce détail, parce qu'il nous meneroit trop loin, & qu'il n'a aucun rapport à la Géométrie, que nous n'avons point perdu de vûe dans tout cet Ouvrage. Nous le finirons donc sans parler de la double réfraction du Crystal d'Islande, de la diminution de la densité & de l'élasticité de l'air, de la ténacité des milieux visqueux, dans lesquels peut se mouvoir un corps quelconque, ni de plusieurs autres matiéres semblables. C'est par la même raison, que nous n'avons touché que legérement certaines choses, comme la précession des Equinoxes & le retour périodique des Marées; Phénomênes où il faut qu'il y ait encore quelqu'autre cause mixte, qui a été inconnue jusqu'ici. Car si l'on ignore ce qui fait l'égalité du mouvement des points Equinoxiaux de Jupiter & des nœuds de ses Satellites, l'on ne sait pas plus pourquoi le flux & le reflux de la Mer suivent plutôt le moyen que le vrai mouvement de la Lune. Du moins faut-il convenir, que la concurrence des actions du Soleil & d'un Satellite sur la Planete principale dans les Syzygies, ou leur différence dans les Quadratures, ne sauroit rendre raison de ces deux expériences.
FIN.
ERRATA.
Le Lecteur est prié de corriger les endroits marqués ci-dessous, sans quoi il ne pourroit pas quelquefois trouver le sens de l'Auteur.
| Page. | Ligne. | Faute. | Correction. |
| 4 | 6 | un fausse | une fausse |
| 23 | 5 | le Nature, | la Nature, |
| 29 | 6 | yon, | point de virgule. |
| 46 | 2 | A, B, C. | A, B. |
| 53 | 1 | B, A, C. | B & C. |
| 73 | dern. | huit | quatre |
| 74 | 2 | quatre | huit |
| 78 | 20 | à deux | à huit |
| 79 | 8 | deux pieds | huit pieds; |
| 105 | 15 | Or qu'elle | Or quelle |
| 128 | dern. | La rayon | Le rayon |
| 148 | 3 | de courbes | de droites infiniment petites |
| 182 | Dans la Planche au-dessus de Si, 3/4 | 3/5 | |
| & au-dessus de La, 1/3 | 2/3 | ||
| 192 | 4 | récipent | récipient |
| 198 | 15 | se meuvent & agissent | se mouvoient & agissoient |
| 237 | 10 | qu'el | qu'elle |
| 246 | 4 | S, B, A. S, H, B. | S, B, A. S, C, B. |
| 259 | 5 | dans Jupiter | dans les Satellites de Jupiter |
| 267 | 23 | la Soleil | le Soleil |
| 269 | 1 | elliplique | elliptique |
| 281 | 11 | 27 | 24 |
| 289 | 1 | 27 | 24 |
| 289 | 3 | plus dense | Après dense ajoutez une virgule & ces mots: & que le diametre du Soleil surpasse seulement 97 fois & demi celui de la Terre. |
| 289 | 6 | 413 | 350 |
| 295 | dern. | Chap. suivant. | Chap. XXV. |
NOTES
~~~~~
[a] Mr. Algaroti jeune Vénitien fait imprimer actuellement à Venise un Traité sur la lumiere dans lequel il explique l'attraction.
[b] Mr. de Malesieu, dans la Géométrie de Mr. le Duc de Bourgogne, n'a pas fait assez d'attention à cette vérité, p. 117. Il trouve de la contradiction où il n'y en a point. Il demande, comme une question insoluble, si un pied de matiere est une substance ou plusieurs? C'est une substance certainement, quand on le considére comme un pied cube. Ce sont dix-sept cens vingt-huit substances, quand on le divise en pouces.
Démonstration.Que tout mobile attiré par une force centripète décrit dans une ligne courbe des aires égales en tems égaux.
Tout corps se meut d'un mouvement uniforme, quand il n'y a point de force accélératrice; donc le corps A. mu en ligne droite dans le premier tems de A, en B. ira en pareil tems de B, en C. de C, en Z. Ces espaces conçus égaux, la force centripète dans le second tems donne à ce corps en B. un mouvement quelconque, & le corps au lieu d'aller en C. va en H.; quelle direction a-t-il eue différente de B, C.? Tirez les 4. lignes C, H. G, B. C, B. G, H. le mobile a suivi la diagonale B, H. de ce parallélogramme.
Or les 2. côtés B, C. B, G. du parallélogramme sont dans le même plan que le triangle A, B, S. donc les forces sont dirigées vers G, S. & vers la droite A, B, C, Z.
Les triangles S, H, B. S, C, B. sont égaux, puisqu'ils sont sur la même base S, B. & entre les parallelles H, C. G, B; mais S, B, A. S, C, B. sont égaux, ayant même base & même hauteur; donc S, B, A. S, H, B. sont aussi égaux.
Il faut en dire autant des triangles S, T, H. S, D, H; donc tous ces triangles sont égaux. Diminuez la hauteur à l'infini, le corps à chaque moment infiniment petit décrira la courbe, de laquelle toutes les lignes tendent au point S.; donc dans tous les cas les aires de ces triangles sont proportionelles aux tems.
Démonstration.Que tout corps dans une courbe décrivant des triangles égaux autour d'un point, est mu par la force contripète autour de ce point.
Que cette courbe soit divisée en parties égales A, B. B, H. H, F. infiniment petites, décrites en tems égaux; soit conçue la force agir aux points B, H, F. soit A, B. prolongée en C. soit B, H. prolongée en T. le triangle S, A, B. sera égal au triangle S, B, H. car A, B. est égal à B, C; donc S, B, H. est égal à S, B, C; donc la force en B, G. est parallelle à C, H; mais cette ligne B, G. parallelle à C, H. est la ligne B, G, S. tendante au centre. Le corps en H. est dirigé par la force centripète selon une ligne parallelle à F, T. de même qu'au point B. il étoit dirigé par cette même force dans une ligne parallelle à C, H. Or la ligne parallelle à C, H. tend en S.; donc la ligne parallelle à F, T. tendra aussi en S.; donc toutes les lignes ainsi tirées tendront au point S.
Concevez maintenant en S. des triangles semblables à ceux ci-dessus; plus ces triangles ci-dessus seront petits, plus les triangles en S. approcheront d'un point Physique, lequel point S. sera le centre des forces.
[c] On a laissé ce blanc, & renvoyé la suite du Texte avec la Figure aux pages suivantes, pour la commodité du Lecteur.
TABLE
| Pages. | ||
| A Madame la marquise du Ch** | 3 | |
| A Madame la marquise du Ch** AVANT PROPOS | 9 | |
| Chapitre I. | Ce que c'est que la Lumiere & comment elle vient à nous. | 12 |
| Chapitre II. | La proprieté que la lumiere a de se réflechir n'étoit pas véritablement connue. Elle n'est point réflechie par les parties solides des corps, comme on le croioit. | 32 |
| Chapitre III. | De la proprieté que la lumiere a de se briser en passant d'une substance dans une autre, & de prendre un nouveau chemin. | 43 |
| Chapitre IV. | De la conformation de nos yeux, comment la lumiere entre & agit dans cet organe. | 49 |
| Chapitre V. | Des Miroirs, des Telescopes: des Raisons que les Mathématiques donnent des mystères de la vision; que ces raisons ne sont point du tout suffisantes. | 60 |
| Chapitre VI. | Comment nous connaissons les distances, les grandeurs, les figures, les situations. | 75 |
| Chapitre VII. | De la cause qui fait briser les rayons de la lumiere en passant d'une substance dans une autre; que cette cause est une loi générale de la Nature inconnue avant Neuton; que l'inflexion de la lumiere est encore un effet de cette cause, &c. | 89 |
| Chapitre VIII. | Suites des merveilles de la réfraction de la lumiere. Qu'un seul rayon de la lumiere contient en soi toutes les couleurs possibles; ce que c'est que la refrangibilité. Découvertes nouvelles. | 110 |
| Chapitre IX. | Où l'on indique la cause de la réfrangibilité, & où l'on trouve par cette cause, qu'il y a des Corps indivisibles en Physique. | 125 |
| Chapitre X. | Preuves qu'il y a des atomes indivisibles, & que les parties simples de la lumiere sont de ces atomes. Suite des découvertes. | 131 |
| Chapitre XI. | De l'Arc-en-Ciel; que ce Météore est une suite nécessaire des loix de la réfrangibilité. | 142 |
| Chapitre XII. | Nouvelles découvertes sur la cause des couleurs qui confirment la doctrine précédente. Démonstration que les couleurs sont occasionnées par l'épaisseur des parties qui composent les corps. | 161 |
| Chapitre XIII. | Suites de ces découvertes; Action mutuelle des Corps sur la lumiere. | 168 |
| Chapitre XIV. | Du rapport des sept couleurs primitives avec les sept tons de la Musique. | 177 |
| Chapitre XV. | Premieres idées touchant la pesanteur & les loix de la gravitation: Que la matiere subtile, les tourbillons & le plein doivent être rejettés. | 188 |
| Chapitre XVI. | Que les tourbillons de Descartes & le Plein sont impossibles, & que par conséquent il y a une autre cause de la pesanteur. | 197 |
| Chapitre XVII. | Ce que c'est que le Vuide, & l'Espace, sans lequel il n'y auroit ni pesanteur ni mouvement. | 210 |
| Chapitre XVIII. | Gravitation démontrée par les découvertes de Galilée & de Neuton; que la Lune parcourt son Orbite par la force de cette gravitation. | 217 |
| Chapitre XIX. | Que la gravitation & l'attraction dirigent toutes les Planetes dans leurs Cours. | 236 |
| Chapitre XX. | Démonstration des loix de la gravitation, tirée des règles de Kepler; qu'une de ces loix de Kepler démontre le mouvement de la Terre. | 251 |
| Chapitre XXI. | Nouvelles preuves de l'attraction. Que les inégalités du mouvement & de l'Orbite de la Lune sont nécessairement les effets de l'attraction. | 261 |
| Chapitre XXII. | Nouvelles preuves & nouveaux effets de la gravitation: que ce pouvoir est dans chaque partie de la Matiere; Découvertes dépendantes de ce principe. | 272 |
| Chapitre XXIII. | Théorie de notre Monde Planétaire. | 283 |
| Chapitre XXIV. | De la Lumiére Zodiacale, des Cometes, & des Fixes. | 355 |
| Chapitre XXV. | Des secondes inégalités du mouvement des Satellites, & des Phénomênes qui en dépendent. | 388 |
Au lecteur
~~~~~
Cette version numérisée reproduit dans son intégralité la version originale. Nous avons utilisé une typographie plus moderne que celle de la version papier en remplaçant les ſ par des s.
la table des chapitres a été rajoutée.
La ponctuation n'a pas été modifiée hormis quelques corrections mineures.
Les corrections indiquées dans les ERRATA ont été prises en compte.
L'orthographe a été conservée. Seuls quelques mots ont été modifiés. Ils sont soulignés par des tirets. Passer la souris sur le mot pour voir le texte original.