Essai d'éducation nationale, ou, plan d'études pour la jeunesse
Réflexions sur deux abus dans les Colleges.
L’objet d’une bonne méthode doit être également de déraciner les abus, comme d’indiquer & de frayer le chemin.
Je dirai deux mots sur l’abus des Cahiers de Réthorique & de Philosophie, que l’on dicte dans les Colleges ; outre que ce sont de misérables leçons que l’on fait plutôt pour exercer les Maîtres, que pour instruire les enfans ; c’est la perte d’un tems considérable qu’ils emploient à écrire ; il n’y en a point qui les écrive en entier, & sur mille il n’y en a pas un seul qui les ait conservés pendant deux ans, ou qui en ait fait quelque usage dans le reste de la vie. J’en appelle à l’expérience.
Autre abus sur les leçons de Mémoire : on fait apprendre par cœur à des enfans des Rudimens, des Particules, &c. des regles qu’il suffit d’entendre & de concevoir ; on les ennuie, on les fatigue par la longueur des leçons désagréables ; ils perdent le tems qu’ils pourroient employer utilement & agréablement à apprendre les plus beaux morceaux de Littérature Françoise & Latine. Tous ces morceaux joints ensemble ne seroient pas la moitié des leçons qu’on oblige les enfans d’apprendre par jour, depuis la premiere classe jusqu’à la Réthorique.
On ne doit faire apprendre par cœur aux enfans, que ce qu’ils doivent retenir, ce qui peut leur servir de modele. N’y a-t-il pas assez de beaux endroits dans les Auteurs, sans les fatiguer à apprendre ce qu’ils doivent oublier ?
Avantages de ce Plan d’Etudes.
Tel est l’essai du Plan des Etudes d’une premiere éducation ; ce ne sont que les élémens de l’institution d’une Nation qui exigeroit des vues plus profondes, & qui demanderoit des hommes plus habiles & plus éclairés que moi : elle est réservée, cette institution, à un Monarque sage & prudent, dont les intentions sont droites & pures : image de Dieu sur la terre, qui peut créer des esprits & façonner les cœurs.
II ne laissera pas imparfait un ouvrage qui peut tant contribuer à sa gloire & au bien de ses peuples. Il consultera ses Universités, ses Académies, sa Faculté de Médecine même, afin que de ces lumieres réunies il résulte une nouvelle institution ou une régénération si nécessaire dans les Lettres & peut-être ailleurs.
Je me persuade que ce plan est juste, parce qu’il est fondé sur la nature de l’esprit, sur des faits constans & sur des principes de la connoissance humaine. Je crois qu’un jeune homme ainsi élevé, seroit plus disposé à recevoir la seconde éducation nécessaire pour la profession qu’il embrasseroit ; & s’il y avoit des plans d’instruction & des Catalogues de Livres raisonnés pour chaque profession particuliere, comme en Allemagne, on lui épargnerait bien de la peine & du temps qui est en pure perte23, m. Il auroit l’esprit net & précis autant qu’on peut l’avoir à dix-sept ou dix-huit ans ; il se seroit rendu un grand nombre d’objets familiers, il auroit du goût & quelques connoissances ; & ce qui vaut peut-être les connoissances même, il auroit l’art d’en acquérir ; il pourroit se frayer lui-même un chemin, & juger de celui qu’on lui feroit tenir ; il sauroit s’occuper, science si utile & si rare à cet âge & dans tous les âges : il seroit en état de voir le monde avec fruit, de lire les Livres originaux, de voyager utilement.
Les Vies des hommes illustres qu’il auroit lues, serviroient à indiquer ses inclinations & ses talens. Il est impossible que dans le cours des Etudes, plusieurs objets étant présentés aux yeux des jeunes-gens, il ne parût pas dans ceux qui auroient du génie quelques étincelles de ce feu qui se décele lui-même, qui fit Paschal Géometre sans le savoir, Descartes Philosophe, Tournefort Botaniste, &c.
La sympathie se déclarera quand il y aura du rapport & de la convenance dans le goût. Ulisse à la Cour de Lycomede, présente à Achille, déguisé en fille, des armes avec des ornemens de femmes ; la passion d’Achille le trahit, & découvrit le plus courageux des Grecs, celui qui devoit être le vainqueur des Troyens.
On sait que les triomphes de Miltiade déroboient le sommeil à Themistocle. Combien le Carache, encore enfant, étoit frappé de ce qu’il entendoit dire de Raphaël ! La vie d’Homere & ses ouvrages saisirent Virgile dans son enfance ; Charles XII étoit transporté d’enthousiasme en lisant la vie d’Alexandre.
On distinguera les enfans qui ont du goût & du génie, d’avec ceux qui n’en ont point ; ceux-ci resteront froids & immobiles à des récits qui toucheront sensiblement les autres. Au sortir des études les jeunes gens s’occuperont suivant leur inclination ; ils seront en état de choisir une profession avec connoissance, & ils réussiront mieux dans celle qui sera de leur goût & de leur choix.
Eh quel avantage n’en résulteroit-il pas pour la société entière & pour toutes les professions ?
Des esprits fermes & cultivés ne seroient pas occupés de jeux & de bagatelles ; les Nobles n’iroient pas dans la Capitale dissiper le patrimoine de leurs peres ; ils s’occuperoient avec goût & avec connoissance, à le rendre plus utile, & ils le feroient fructifier au quadruple. Ils diroient avec Horacen :
Beatus ille qui procul negotiis
Paterna rura bobus exercet suis.
Ils ajouteraient avec Virgileo :
Me verò primum dulces ante omnia musæ
Accipiant..........
Ils cultiveroient dans le sein de la paix & de l’abondance les arts & les sciences qui auroient nourri leur enfance.
Il est inconcevable qu’on ait tant négligé en France l’éducation des femmes ; l’instruction en langue vulgaire pourroit être presque toute entiere à leur usage. Mieux élevées & plus instruites, elles éleveroient & instruiroient mieux leurs enfans. Peut-être aspireroient-elles un jour à la gloire d’imiter une Cornelia, fille de Scipion & mere des Gracches ; une Attia, mere d’Auguste, qui contribuerent tant à former l’esprit de ces hommes fameux.
Avec un esprit plus cultivé, elles n’en seroient que plus aimables ; elles sauroient s’occuper ; connoissant quelques remedes usuels & approuvés, elles en distribueroient gratuitement, & sauveroient la vie à une infinité de malheureux.
Le Seigneur de Fief accommoderait les procès ; il deviendroit le bienfaiteur de ses Vassaux, & entretiendroit le lien de la bienveillance que la Loi a mis entre eux & lui ; lien usé & devenu sans force.
L’homme qui vit de ses rentes, imiteroit le Noble ; il dédaigneroit la vile chicane, & ne se porteroit pas à l’oppression des misérables.
Celui qui se destine à la guerre, regarderoit le service, comme une occupation sérieuse ; au lieu que la plupart des jeunes-gens qui s’y engagent, ne cherchent le plus souvent que l’oisiveté & le libertinage.
Il auroit acquis dans la connoissance des Mathématiques des dispositions à la pratique des fortifications ; la lecture des Vies ou des Mémoires des grands Capitaines, l’auroit mis en état de profiter de leurs campagnes & de leurs expéditions. Il sçauroit qu’Alexandre & César étoient sçavans ; que César a fait des Commentaires ; que Henry de Rohan, Turenne, Montecuculli ont écrit des Mémoires ; que Feuquieres a donné des préceptes sur l’art militaire.
Il apprendroit le droit de la guerre, dont il aura plus de besoin, à mesure qu’il sera élevé à de plus grandes places.
Le Magistrat auroit acquis dans une éducation solide, l’habitude d’être appliqué & laborieux ; dans l’étude de la Philosophie, celle d’être judicieux & raisonnable ; dans l’étude des Belles-Lettres, celle de traiter les sujets avec ordre, avec netteté & avec force.
Dans la Vie des grands Magistrats, d’un Chancelier de l’Hôpital, d’un de Thou, d’un Molé, d’un Servin, d’un Talon, d’un Bignon, &c. il auroit vu qu’il y a un courage d’ame aussi noble & aussi élevé que le courage guerrier : Sunt domesticæ fortitudines non inferiores militaribus. Cic. off. 2p.
Il rechercheroit l’esprit des loix dans les principes du droit de la nature, & dans ceux d’une véritable morale & d’une sage politique : quoiqu’il ne soit chargé que de l’exécution des loix, il se rendroit capable d’être Législateur. Pythagore donna des loix à la grande Grèce, Platon à quelques Républiques ; Locke en a donné à la Caroline. C’est la Philosophie qui a produit le Code-Fréderic.
Le Négociant ou le Commerçant porteroit dans les pays éloignés, & en rapporterait des connoissances utiles. La Société Royale de Londres donne aux Navigateurs, des instructions sur l’Histoire naturelle des lieux où ils vont. Des hommes instruits & avertis, verront avec profit ce que d’autres ne voient point, quoiqu’il soit sous leurs yeux ; le Dessein si utile par-tout, leur serviroit encore davantage dans ces circonstances.
Par où les Ministres de la Religion peuvent-ils être le plus utiles au monde ? Par quel moyen nos Missionnaires ont-ils pénétré dans les contrées les plus éloignées ? Ce n’est ni par le secours des Langues mortes, ni par leurs controverses (celles qu’ils ont eues dans les pays étrangers, n’ont fait que retarder le fruit de leurs travaux) ; c’est par l’enseignement des connoissances utiles à la société. Ils n’ont franchi tous les obstacles, qu’en apprenant aux hommes ce qui étoit profitable à l’humanité.
On croit pouvoir dire qu’un Curé qui enseigneroit à ses Paroissiens la pratique de la Religion, qui est fort simple & fort courte pour eux, les devoirs les plus communs & dès-là les plus essentiels ; qui leur montreroit les moyens les plus simples d’éviter & de guérir les maladies ordinaires à la campagne, de mieux cultiver leur champ ; qui sachant quelques principes des loix & de la coutume du Pays, termineroit les procès, & les préviendroit dans leur naissance ; qui sauroit un peu de Physique, de Médecine usuelle, d’Arpentage, contribueroit d’avantage au bonheur des hommes, que tous les Curés ne le peuvent faire avec leur mauvais latin, une inutile scholastique & leurs querelles théologiques.
Il est bon que tous les ordres de l’Etat & que tous les membres de chaque Ordre sachent que la considération est attachée à l’avantage de faire du bien aux hommes, & de leur être utiles ; que la pratique de la Religion consiste dans la bienfaisance ; que d’être bon, est le principal moyen de ressembler à l’Etre souverainement bon, & à celui qui faisoit du bien en voyageant, pertransibat benefaciendo.
Celui qui chercheroit à remplir les devoirs d’une profession qu’il auroit choisie avec goût, ou qui seroit occupé des sciences naturelles & des sciences exactes, qui connoîtroit les bornes de la raison & celles de l’autorité, ne seroit point un homme de parti, un factieux, ni un intriguant ; il ne se laisseroit point troubler, & il ne troubleroit point les autres par les délires de la superstition, cette maladie épidémique, ni par les divers fanatismes qui attaquent la tranquillité des ames innocentes ; il ne persécuteroit jamais ses frères. Ne craignez point de semblables malheurs, dit l’Abbé de Saint-Pierre, des Descartes, des Leibnitz, des Newtons & des Derhams.
Manière d’exécuter ce Plan.
On objectera peut-être que l’éducation que je propose, n’est pas possible ; qu’on n’a ni les Maîtres ni les Livres nécessaires pour l’exécuter ; que les jeunes gens ne pourroient pas dans leurs premières années apprendre tout ce qui est compris dans ce Plan.
Je répondrai que l’éducation des Grecs & des Romains étoit beaucoup plus difficile ; que des gens très-sensés ont cru possible ce que je propose ici, & il faut se garder de condamner sur des préjugés le sentiment de grands Hommes, Fleury, Locke, Nicole : quels noms ! & quel est l’homme qui oseroit élever la voix contre leur autorité réunie ? Je déclare que je n’ai fait dans ce Mémoire que les commenter.
Enfin tout projet sensé doit être appuyé sur des faits, & je conviens qu’il n’y a rien de plus mauvais en morale, que ce qui est physiquement impossible.
Pour former une éducation, il faut des Maîtres ou des Livres, & il faut apparemment l’un & l’autre. On propose de former des Maîtres, c’est un ouvrage de longue haleine, qui ne dispenseroit pas d’avoir des Livres tout faits. Je demande des Livres aisés à faire, qui dispenseroient peut-être d’avoir des Maîtres. Je dis que tous ces Livres sont faciles à faire, ou plutôt qu’ils sont presque tous faits. Il ne s’agiroit, pour la plûpart que de compilations sensées & raisonnables, qui seroient faites non par des hommes qui ne pensent point, & qui n’ont jamais rien imaginé, mais par des personnes capables de composer elles-mêmes les Livres qu’elles compileroient, d’ouvrir des routes, de perfectionner celles qui sont découvertes, d’imaginer des méthodes, & de juger les sciences avec un esprit philosophique.
A l’égard de l’impossibilité prétendue d’apprendre les sciences à de jeunes gens, je remarque premierement qu’on leur apprend (mal à la vérité) des choses plus difficiles. De plus, je suppose au moins dix ans d’éducation depuis six ou sept ans, jusqu’à dix-sept ou dix-huit. Et que ne pourroit-on pas apprendre en dix ans, si l’on étoit bien conduit, & que l’on eût de bons Livres élémentaires ?
Il n’y a point d’enfant, qui au College, ou pour se préparer à y entrer, n’ait huit heures & demie & neuf heures de travail par jour.
Je ne demande que quatre à cinq heures de classe où la peine soit principalement pour les Maîtres, où ils fassent travailler les enfans devant eux, ou les disciples plus avancés feroient les démonstrations aux plus jeunes ; des Livres où l’instruction fût toute faite, une éducation qui n’exige dans les commencemens que des yeux & de la mémoire.
Dans les trois ou dans les quatre premieres années, hors ces Classes, nulle étude que des leçons agréables & utiles à retenir, qu’ils pourroient apprendre en se promenant ; la plus grande peine seroit d’écrire, de dessiner & d’apprendre un peu de Géométrie.
Des personnes instruites feront aisément l’arrangement de ce Plan & sa tablature, s’il a le bonheur d’être approuvé du Maître & de la Nation.
Je le répète, il n’est besoin, pour exécuter un bon Plan d’éducation littéraire, que de Livres qui serviroient d’instruction ou de méthode d’instruction : & ces Livres sont aisés à composer. Le Roi n’a qu’à ordonner ; qu’il dise & tout sera fait ; alors l’éducation sera facile & on ne demandera dans les Maîtres, les Gouverneurs & les Gouvernantes, que de la religion, des mœurs & de savoir bien lire ; cela ramènera à l’éducation domestique, qui est la plus naturelle & la plus favorable aux mœurs & à la société.
J’ai conduit les jeunes gens à la porte des Sciences, il est réservé à des plumes plus savantes de les introduire dans leur sanctuaire.
FIN.
POST-SCRIPTUM.
APrès avoir achevé ce Mémoire, il m’est tombé entre les mains une Brochure intitulée De l’Education publique. Je me suis rencontré dans le point important qui est la fixation des objets d’études, avec un homme qui paroît avoir des connoissances étendues dans l’Encyclopédie des Sciences, & qui sait tirer des lignes de communication de l’une à l’autre.
Ma premiere idée a été de supprimer mon Mémoire, comme devenant peut-être inutile. Ce n’est pas la peine de faire relire deux fois les mêmes choses ; mais comme je me trouve d’un avis différent de cet Auteur sur la qualité des Maîtres & sur des détails essentiels, on m’a conseillé de donner cet Ouvrage au Public. Des matieres éclaircies à son Tribunal, seront toujours bien jugées.
Je crois au surplus que notre Plan est bon, & qu’il peut être utile ; je dis notre Plan, car il est à peu près le même : nous ne différons que dans l’exécution, & en ce que cet Auteur exclut les Séculiers que je voudrois, & où il admet beaucoup d’Ecoles que je ne voudrois pas.
L’article le plus essentiel d’un Plan pour les Colleges, est de fixer les objets des études ; car s’ils sont mal fixés, comme je crois l’avoir démontré, il est nécessaire d’y en substituer d’autres. Nous sommes d’accord en ce point, l’Auteur de l’Education publique & moi. Nous sommes même d’accord sur ceux qu’il faut substituer ; c’est sur cet objet qu’il est absolument nécessaire, si l’on veut rétablir les études, que le Gouvernement prononce. Premiérement, parce que c’est au Roi qu’il appartient de régler l’instruction de la Nation ; en second lieu, parce qu’il est convenable que cette instruction soit uniforme dans tout le Royaume, & qu’il est essentiel qu’elle ne soit pas arbitraire.
Que Sa Majesté ait la bonté de nommer une Commission composée de cinq ou six personnes pour examiner ces deux projets, ou tels autres que l’on pourroit présenter. Son premier travail seroit de déterminer les objets d’études pour tous les Colleges.
On croit devoir dire que cette Commission doit être composée principalement de quelques hommes d’Etat & de gens de Lettres ; qu’on n’y doit faire entrer aucun homme de parti.
Le second point, & celui qui importe peut-être le plus aujourd’hui, est une Méthode d’instruction pour exécuter le Plan qui auroit été agréé par Sa Majesté.
Pour y parvenir, il s’agit d’avoir des Maîtres. Les uns parlent des Communautés séculieres & régulieres ; les autres veulent des Célibataires ; quelques-uns préferent des gens mariés : il y en a qui les admettent indifféremment. Il est question d’ailleurs de trouver une grande quantité de Maîtres tout formés, ou les moyens de les former en peu de temps. Quand on voudra y réfléchir, on verra qu’il est impossible de faire tout-à-coup une pareille recrue dans le Royaume ; & si l’on veut décider la question de la qualité des Maîtres, on va ouvrir la porte à des discussions sans nombre, où l’esprit de corps, les droits & les privileges entreront nécessairement, & qui par conséquent deviendront interminables. Chaque corps réclamera ; on fera agir l’esprit de parti ; les plus forts l’emporteront, & l’Etat ne sera pas mieux servi ni plus éclairé.
Je pense que l’objet des Etudes étant une fois fixé, Sa Majesté pourroit faire composer des Livres Classiques élémentaires, où l’instruction fût toute faite relativement à l’âge & à la portée des enfans depuis 6 ou 7 ans jusqu’à 17 ou 18.
Ces Livres seraient la meilleure instruction que les Maîtres pussent donner, & tiendraient lieu de tout autre méthode. On ne peut se passer de Livres nouveaux, quelque parti que l’on prenne. Ces Livres étant bien faits, dispenseroient de Maîtres formés ; il ne seroit plus question alors de disputer sur leur qualité, s’ils seroient Prêtres ou mariés, ou célibataires. Tous seroient bons, pourvu qu’ils eussent de la Religion, des mœurs, & qu’ils sussent bien lire ; ils se formeroient bientôt eux-mêmes en formant les enfans.
Il ne s’agiroit donc que d’avoir des Livres, & je dis que c’est la chose la plus aisée présentement. Un mot de la part de Sa Majesté suffiroit. Il y a dans la République des Lettres beaucoup plus de Livres qu’il n’en faut pour composer, avant deux ans, tous ceux qui seraient nécessaires ; & il y a dans les Universités & dans les Académies plus de Gens de Lettres qu’il n’en faut pour bien faire ces ouvrages ; il n’y en a point qui ne se fît un devoir & un honneur de concourir aux vues de Sa Majesté, & au bien général du Royaume.
Un autre moyen très-simple seroit de proposer de pareils Livres à faire pour sujets de prix de toutes les Académies : cela produirait en peu de tems des Mémoires excellens, que l’on chargerait des Gens de Lettres de rédiger. Le Gouvernement pourra tout, quand il voudra employer le génie & l’industrie de la Nation.
On feroit imprimer ces ouvrages à une Imprimerie Royale, sans qu’il en coûtât aucuns frais au Roi ; & ces Livres coûteroient peu aux familles, pourvu que l’impression ne se fît pas par entreprise, & que la chose ne devînt pas une affaire de finance.