Essais d'un dictionnaire universel: contenant généralement tous les mots François tant vieux que modernes, & les termes de toutes les Sciences & des Arts
CONTENANT GENERALEMENT tous les mots François tant vieux que modernes, & les termes de toutes les Sciences & des Arts.
A.
A. Premiere lettre de l'Alphabet François, & de toutes les autres Langues. Chez les Occidentaux cette lettre prend son nom de l'expression du son qu'elle fait. Chez les Grecs on la nomme Alpha: chez les Hebreux Aleph: chez les Pheniciens Alioz; & chez les Indiens Alepha. C'est aussi le premier son articulé que la Nature pousse, & celuy qui forme le premier cri & le bégayement des enfans. D'où vient que Jeremie répondant à Dieu qui le destinoit pour son Prophete, luy dit: A, a, a, Seigneur je ne sçay pas parler, parce que je suis un enfant. Hierem. cap. 1.
C'est aussi ce qui exprime presque tous les mouvemens de nôtre ame, & pour rendre l'expression plus forte, on y ajoûte une h devant ou aprés, comme dans l'admiration: Ha le beau tableau! Dans la joye: Ha quel plaisir! Dans la colere: Ha méchant! Dans la douleur: Ha la tête! Dans la pâmoison: Ha je me meurs! Dans le mouvement: Ha lévrier! Et generalement ce mot exprime toutes les palpitations de cœur, comme il paroît en ceux qui ont la courte haleine. Ciceron appelle l'A lettre salutaire, parce que c'étoit la marque d'absolution.
Cette lettre forme souvent un mot entier, & est quelquefois article du Datif pour décliner les noms & les pronoms: Ce livre est à Pierre, à Agnés. Quand il sert à décliner des noms ordinaires, s'ils commencent par des consones, on dit au, comme, Au soleil: si c'est par une voyelle, on y ajoûte une l au masculin, ou la au feminin: A l'homme, A la femme; Et au plurier on dit en tous cas, aux, comme: Aux Alexandres, Aux Muses, Aux Animaux.
A est quelquefois preposition. Il est à la ville, aux champs: Cela est à la mode.
A est le plus souvent adverbe, non seulement de temps & de lieu, comme, Cela vient à tard, Cela est à terre: mais encore il se joint à presque tous les mots de la Langue pour faire des phrases adverbiales, qui tiennent de leurs significations & de leurs maniéres: Venir à chef, Etre à couvert, à discretion, &c.
A se joint aussi aux infinitifs des verbes pour faire des phrases adverbiales: Donner à boire & à manger: Un maître à écrire: On fait à sçavoir: Au pis aller.
A se dit aussi dans les temps du verbe auxiliaire Avoir: Il a gagné cent écus: Il a fait: Il a dit: Il a le temps & l'argent.
A est souvent une particule indéclinable qui sert à la composition de plusieurs mots, & qui augmente, diminuë, ou change leur signification. Quand elle s'y joint, elle fait doubler ordinairement la consone qu'ils ont à la tête, comme Accorder, Addonner, Affaire, Assujettir, Attrouper, &c.
Cette lettre A étoit aussi chez les Anciens une lettre numerale qui signifioit 500. comme on voit dans Valerius Probus. Il y a des vers anciens rapportez par Baronius, qui marquent les lettres significatives des nombres, dont le premier est tel:
Quand on mettoit un titre, ou une ligne droite au dessus de l'A, il signifioit cinq mille.
ABBÉ. s. m. ABBESSE. s. f. Superieur ou Superieure d'une Abbaye d'hommes ou de filles. Il y a trois sortes d'Abbez: Régulier, Séculier, Commendataire. Ce mot vient de ce que les premiers Moines appellerent leur Superieur Ab-bot, qui en Langue Syriaque signifie Pere. Ainsi ces mots de Abba Pater, qu'on trouve dans les Epitres aux Romains & aux Galates, & ailleurs, qui semblent dire la même chose, ne font pas pourtant un pleonasme, comme dit S. Augustin, veu que l'un est un nom de nature, & l'autre de dignité. D'autres disent qu'il vient du mot Hebreu Aba, qui signifie aimer, vouloir du bien. Covarruvias.
Chez les Ecrivains Grecs & Latins on appelloit Abbez, ceux que nous appellons maintenant Peres, qui étoient vénérables par leur âge & par leur sainteté. On a aussi compris sous ce nom généralement tous les Moines. Ainsi il est dit dans la Régle de S. Colomban, qu'il y avoit mille Abbez sous un Chef; & S. Epiphane fait mention d'un monastere, où il y avoit mille Abbez & mille cellules. On a appellé aussi Abbé second, le Prieur d'un monastere, qui est le Lieutenant de l'Abbé. On a appellé aussi en Sicile des Evêques Abbez & trés-souvent les Curez primitifs de France. On a appellé aussi Abbé du Palais le Maître de la Chapelle du Roy. Voyez du Cange. Les Abbez mitrez sont ceux qui ont droit de porter les ornemens Episcopaux, comme la mitre, les sandales, les gands, l'anneau & la crosse; ce qui leur a été accordé par privilege des Papes: & pour les distinguer des Evêques. Clement IV. ordonna que les Abbez Exempts porteroient des mitres brodées, mais sans pierreries & sans lames d'or & d'argent; & les non-Exempts, des mitres blanches & toutes unies.
Abbé s'est dit aussi de quelques Magistrats ou personnes laïques & séculiéres. Chez les Gennois il y avoit un principal Magistrat qu'on appelloit Abbé du Peuple. En France il y a eu plusieurs Seigneurs, sur tout du temps de Charlemagne, à qui on donnoit le soin & la garde des Abbayes, qu'on appelloit Abbacomites.
Dans les anciens titres on trouve que les Ducs & les Comtes ont été appellez Abbez, & les Duchez & Comtez Abbayes; & plusieurs Seigneurs & Gentils-hommes qui n'étoient aucunement Religieux, ont aussi pris ce nom, comme remarque Ménage, aprés Fauchet & autres.
On appelle aussi Abbé celuy qu'on élit en certaines Confrairies & Communautez, particuliérement entre les Ecoliers & les Garçons Chirurgiens, pour commander aux autres pendant un certain temps: & c'est de là apparemment qu'est venu le jeu de l'Abbé, dont la régle est, que quand le premier a fait quelque chose, il faut que tous ceux qui le suivent, fassent le semblable.
Abbé se dit proverbialement en ces phrases: On vous attendra comme les Moines font l'Abbé; c'est à dire, en travaillant toûjours, en commençant toûjours à dîner. On dit encore: Pour un Moine on ne laisse pas de faire un Abbé; pour dire que l'opposition d'un particulier n'empêche pas la déliberation d'une Compagnie, ou la conclusion d'une affaire. On dit en proverbe Espagnol: Como canta el abad responde al monazillo; pour dire que les inferieurs tiennent le même langage, ou sont de même avis que les Superieurs. On appelle aussi Abbez de sainte Esperance, ceux qui prennent la qualité d'Abbez, sans avoir d'Abbaye, & quelquefois même de Benefice.
ABINTESTAT. Terme de Jurisprudence, qui se dit de celuy qui herite d'un homme qui n'a point fait de testament: Ce fils est heritier de son pere abintestat. Il y a eu un temps où on privoit de sepulture ceux qui étoient décédez abintestat: ce qui donna lieu à un Arrest du 19. Mars 1409. portant défenses à l'Evêque d'Amiens d'empêcher, comme il faisoit, la sepulture des décédez abintestat.
ABYSME. s. m. gouffre profond où on se perd, dont on ne peut sortir: Il y a de profonds abysmes dans ces montagnes, dans ces rochers, dans ces mers, dans ces rivieres: Cette ville est fonduë en abysme. Ce mot vient du Grec batos, qui signifie la mer profonde, d'où est venu aussi le mot de bas & abaisser. Borel.
Abysme se dit figurément en Morale des choses où la connoissance humaine se perd, quand elle raisonne: La Physique est un abysme, on ne peut pénétrer dans les secrets de la Nature: Les Jugemens de Dieu, les mystéres sont des abysmes dont on ne peut sonder la profondeur.
Abysme se dit absolument des Enfers: La rebellion des Anges les fit précipiter dans l'abysme. Qui pourra mesurer la profondeur de l'abysme? On dit aussi: C'est un abysme de maux, de souffrances, de malheurs.
Abysme se dit aussi de ces dépenses excessives, dont on ne peut juger avec certitude: On ne peut certainement régler la dépense de la Marine, c'est un abysme: La dépense de cette maison est excessive, c'est un abysme. On dit en proverbe qu'un abysme attire l'autre, quand d'un mal on tombe en un plus grand.
Abysme, terme de Blason, est le cœur ou le milieu de l'Ecu. Il faut que la piéce qu'on y met, ne touche & ne charge aucune autre piéce, telle qu'elle soit. Ainsi on dit d'un petit Ecu qui est au milieu d'un grand, qu'il est mis en abysme: Il porte trois besans d'or avec une fleur de lys en abysme. Et tout autant de fois qu'on commence à blasonner par toute autre figure que par celle du milieu, on dit que celle qui est au milieu, est en abysme, comme si on vouloit dire que les autres grandes piéces étant élevées, celle-là paroît petite, comme cachée & abysmée.
Abysme est aussi un vaisseau fait en prisme triangulaire renversé, qui sert aux chandeliers à fondre leur suif & à faire leur chandelle, en y trempant plusieurs fois leur mesche.
ABYSMER. v. act. Jetter dans un abysme, y tomber, se perdre, se noyer: Les Ouragans abysment les vaisseaux: Ce terrain s'est abysmé, il y avoit dessous une carriere.
Abysmer se dit figurément en Morale: Les gros interêts ont abysmé ce marchand: Ce chicaneur a abysmé sa partie, il l'a ruinée de fonds en comble: Il a abysmé cet homme-là. Il se dit plus ordinairement avec le pronom personnel, & plus au figuré qu'au propre: Il est abysmé dans la douleur: Cet homme a si mal fait ses affaires, qu'il s'est abysmé: Cette famille est abysmée, elle ne se relevera jamais: C'est un contemplatif qui s'abysme dans ses pensées, qui extravague.
AGATE. s. f. Pierre précieuse, en partie transparente, & en partie opaque. Il y en a de plusieurs couleurs; ce qui lui a fait donner divers noms chez Pline & les autres Auteurs. Il y en a qui imitent la couleur de la cornaline; d'autres qui ont des veines fort rouges & fort blanches. On en a vû qui ont representé sept arbres tout entiers. Les Agates Sardoines sont de trois couleurs: les vrayes sont entiérement rouges qu'on fait passer pour la Carneole, comme ayant une petite teinture de couleur de chair mêlée de brun: il y en a d'autres moindres, qui sont en partie mêlées de rougeur, comme celle de sang; & les derniéres le sont d'un rouge tirant sur le jaune. L'Agate Sardonix est composée de la sardoine & de l'onix, & a une couleur sanguine & distinguée de cercles ou zones, qui semblent y avoir été peints par artifice, & quelquefois mêlée d'une blancheur surprenante. Pline, Strabon & Ciceron disent que la bague de Polycrate étoit de Sardonix; ce qui ne s'accorde pas avec ce qu'on dit de Mithridate, qui avoit quatre mille vases de cette même pierre: car ou cette bague n'auroit pas été de grand prix, ou ces vases d'un prix excessif.
Les Agates Onix sont toutes opaques, de couleur blancheâtre & noire, tellement distinctes, qu'on croiroit qu'elles y ont été appliquées par art. Les Agates Onix Sardonix sont celles où il se rencontre trois couleurs differentes, & néanmoins unies ensemble. On en a ruiné les mines; & celles qui se trouvent à present grandes & parfaites, n'ont point de prix. La couche du milieu est propre pour exprimer la carnation du visage; celle de dessus qui est Sardoine ou couleur de pourpre, donne la couleur aux vêtemens; & le dessous est d'une autre couleur propre pour faire le fonds, qui détache les deux premieres, & fait un ouvrage merveilleux suivant la science du Graveur. Pyrrhus avoit une Agate où étoient representées les neuf Muses & Apollon.
L'Agate Calcedoine est à demy opaque, & à demy transparente, & le plus souvent de couleur de rose remplie de certain nuage. Il y en a d'entiérement blanches, qui sont les plus rares.
Les Agates d'Egypte sont dures, rouges, & entremêlées de bleu & de blanc. Quand elles sont dans leur perfection, elles ont des couleurs semblables à l'Iris, & sont les plus estimées d'entre les Agates.
L'Agate Romaine ne tient rien de celle d'Orient, & il y en a de plusieurs couleurs differentes qui les ont fait nommer differemment. On en faisoit autrefois ces vases Myrrhins si fameux dans l'Antiquité, qui avoient diverses couleurs, & qui representoient diverses figures.
Il se trouve aussi des Agates en Allemagne, en Pologne & en Dannemark, dont quelques-unes ont disputé le prix aux Orientales.
Les Anciens parlent aussi d'une Agate rouge comme du corail, mouchetée de points d'or, qu'on trouve en Candie, qu'on a nommée Sacrée, parce qu'elle préserve du venin des scorpions & des araignées. On a fait de tout temps des cachets d'Agate, parce que cette pierre ne retient point du tout la cire. Les Tireurs d'or brunissent l'or avec une Agate. Pline dit que les premieres Agates furent trouvées en Sicile le long du fleuve Achates, qu'on nomme aujourd'huy le Canthera; ce qui leur a donné le nom d'Agates.
AILE. s. f. La partie de l'oiseau qui l'éleve ou qui le soûtient en l'air, quand elle est étenduë: L'aigle est un oiseau qui vole à tire d'aile: Les faucons se tiennent long-temps sur aile: Ils ont l'aile vîte, trenchante, l'aile forte, l'aile entiére. On dit aussi: Faire voir en aile l'oiseau: Le mettre en aile: Voler de belles ailes: La chauve-souri n'a point de plumes à ses ailes: Les poussins sont encore sous l'aile de la mere. En ce sens il vient du Latin Ala.
Aile se dit aussi de cette partie charnuë qui s'étend de l'estomach à la cuisse dans les volailles qu'on mange: Une aile de chapon, de perdrix: Il y en a qui préférent la cuisse à l'aile.
Aile en termes d'Anatomie se dit de plusieurs parties du corps, & premiérement les lobes du foye s'appellent souvent ailes ou ailerons. On appelle ailes & ailerons des chairs molles & spongieuses, qui sortent de la partie naturelle des femmes, que quelques-uns appellent Nymphes ou Dames des eaux, parce qu'elles servent aux conduits de l'urine. On appelle aussi ailes ou ailerons les deux cartilages qui sont aux côtez du nez, & qui forment les narines; pareillement on appelle aile ou aileron le haut de l'oreille.
L'Aile en terme de Blason, quand elle est seule, s'appelle un demy vol; & lorsqu'il y en a deux, s'appelle un vol: ce qui se dit de quelque oiseau que ce soit.
On appelle au Manége ailes, ces piéces de bois qu'on met aux côtez de la lance pour la charger vers la poignée.
Aile en termes de Botanique se dit des branches ou des feuïlles, qui poussent à côté l'une de l'autre sur les tiges des arbres ou des plantes: d'où est venu le nom d'Alaternus.
Aile se dit aussi d'un moulin à vent: ce sont ces grands chassis couverts de toile où le vent s'engouffre pour les faire tourner, qu'on appelle autrement volants.
Les Ouvriers nomment aussi les ailes d'une fiche ou couplet, ces deux petits morceaux de fer mobiles par le moyen de leurs charnieres, qui servent à soûtenir & à faire mouvoir des portes ou des fenêtres, ou des volets brisez. Ils appellent ailes de lucarne les deux côtez qui posent sur les chévrons, & qu'on appelle autrement Joüées de la lucarne. Les vitriers appellent encore ailes ou ailerons ces petites extrêmitez du plomb, qui sert à engager les losanges de verre dans les panneaux des vitres, & à les y tenir fermes.
Aile se dit figurément en choses morales & spirituelles, & signifie protection, tutelle: C'est une fille d'honneur qui a toûjours été élevée sous l'aile de la mere; & sur tout en Poësie: Cache-la sous ton aile au jour épouventable, dit Desportes en parlant à Dieu en faveur de l'ame pécheresse. Malherbe a dit aussi: Et son ame étendant ses ailes fut toute prête à s'envoler. On dit aussi: La peur luy a mis des ailes aux talons; pour dire, l'a fait fuir en diligence: On peint Mercure avec des ailes aux talons: L'amour luy prêtera ses ailes: On en donne aussi au Cheval Pegase, aux vents & autres choses semblables, &c. On dit encore poëtiquement: Son nom volera sur les ailes de la Renommée: Sur l'aile des beaux vers; pour dire que sa réputation ira bien loin. On dit aussi: Sur l'aile des zephirs.
On donne aussi figurément des ailes aux Cherubins & aux Anges: Les Cherubins devant Dieu se couvrent la face de leurs ailes: Ils couvroient l'Arche de leurs ailes.
On appelle les ailes d'un bâtiment, ce qu'on bâtit à droit & à gauche, pour accompagner le principal corps de logis, & faire les deux côtez de la cour: Ce bâtiment est imparfait, il n'y a qu'une aile de bâtie. On appelle aussi ces ailes, bras ou potences.
On appelle aussi ailes dans les Eglises ce qui est à droit & à gauche de la croisée, & quelquefois tout le tour des bas côtez, ou des petites voutes qui sont à côté de la grande: Le portail de l'aile droite plus beau que celuy de la gauche: On n'a bâti que le Chœur, on va bien-tôt travailler aux ailes.
Aile se dit en termes de guerre des deux extrêmitez d'une armée rangée en bataille: L'Aile droite fut la premiere rompuë: La Cavalerie se met sur les ailes. En ce sens ce mot vient de alauda selon Bochart, qui signifioit une Legion Gauloise, ainsi nommée à cause de la figure des casques que portoient les soldats qui étoient crêtez comme des allouëttes. On dit que Pan, l'un des Capitaines de Bacchus, a été le premier inventeur de cette maniére de ranger une armée en bataille: d'où vient que les Anciens l'ont peint avec des cornes à la tête, parce qu'ils appelloient cornes ce que nous appellons les ailes.
Aile se dit aussi des deux côtez de chaque bataillon ou escadron; des derniéres filles: Les picquiers sont rangez au milieu, & les mousquetaires sur les ailes: On a commencé à défiler par l'aile droite. Les manches d'un bataillon sont aussi ses ailes.
Aile se dit aussi dans le discours ordinaire, de ceux qui marchent à côté; & un peu à l'écart, pour donner secours au besoin: Il sembloit que ce Prevost marchât seul, mais il y avoit plusieurs Archers sur les ailes pour l'assister.
Aile se dit aussi en termes de fortification du flanc d'un bastion, & plus ordinairement des longs côtez d'un ouvrage à corne ou à couronne, qui sont flanquez par quelque endroit de la place, par quelque dehors ou travail particulier.
Aile se dit proverbialement en ces phrases: Cet homme ne bat plus que d'une aile; pour dire que son crédit, sa fortune, son esprit, sont diminuez, & qu'il n'en peut plus: On luy a tiré une plume de son aile; pour dire qu'on luy a arraché quelque chose de son bien: qu'On en tirera pied ou aile; pour dire qu'on tirera quelque chose d'une affaire, & qu'on ne perdra pas tout: On luy a rogné les ailes; pour dire qu'on a retranché de son autorité, de ses richesses. On dit d'un téméraire, qu'Il a voulu voler avant que d'avoir des ailes, qu'Il n'a pas encore l'aile assez forte; pour dire qu'il a commencé trop tost quelque entreprise au dessus de ses forces. On dit d'un homme malheureux, qu'Il en a dans l'aile, pour dire qu'il luy est arrivé quelque accident fâcheux, ou bien qu'il a passé les 50. ans qu'on marque avec une L.
Ailé, ée. adj. qui a des ailes: Pegase est un cheval ailé. Les Poëtes appellent les oiseaux, les peuples ailez: Les papillons, les cigales sont des insectes ailez: Il y a des poissons ailez qui sont fréquens sur l'Ocean Athlantique.
En termes de Blason on appelle un oiseau ailé, quand ses ailes sont d'une autre émail que son corps. On appelle aussi ailé tout ce qui est peint avec des ailes, quoy que contre sa nature, comme un cerf ailé, un cœur ailé, des dragons, des serpens ailez, une main ailée, une tête de leopard ailée, une bande ailée, &c.
ALGEBRE. s. f. science qui sert à éclaircir, à étendre & à perfectionner l'Arithmetique, la Geometrie & toutes les sciences mathematiques. Quelques-uns l'ont définie, l'Arithmetique des nombres figurez, comme a fait Salignac de Bordeaux, qui en a fait un sçavant Traité. Elle considere les grandeurs, & s'applique aux nombres, aux lignes, aux figures, aux poids & aux vîtesses des mouvemens, tant en general qu'en particulier, en faisant abstraction de toutes matiéres: de sorte qu'on la pourroit appeller une Geometrie metaphysique. L'idée en a été prise sur la Régle qu'on appelle de fausse position en Arithmetique: car en operant sur une supposition incertaine, ou même fausse, elle fait connoître des veritez infaillibles & démontrées. Il y a deux especes d'Algebre: la premiere est la supputation des chiffres & des nombres avec des especes ou des lettres; la seconde est l'Analyse ou l'art de résoudre les questions, & de découvrir les veritez generales des Mathematiques. Ménage dérive ce mot de l'Arabe Algebra, qui signifie le rétablissement d'un os rompu, de la racine Giabarra, supposant que la principale partie de l'Algebre, est la consideration des nombres rompus: il y a apparence qu'il se trompe, & qu'il a pris l'origine d'un autre mot Espagnol Algebrista, qui signifie un Renoüeur de membres disloquez, que nous appellons en France un Balleüil: car la fraction n'a rien de commun avec l'Algebre, qui ne considere pas plus les nombres rompus que les entiers, & qui même exprime ses puissances par des lettres, qui ne sont pas susceptibles de fractions. Il est vray que le mot Algebre est un mot Arabe, mais il est primitif de la langue, & il luy a été donné par son auteur qui étoit Arabe. Cardan dit qu'il se nommoit Mahomet fils de Moïse, & il le met au 9. rang des 12. plus excellens hommes, qu'il a choisis dans l'Antiquité pour la subtilité de leur esprit. Mais Scriverius en attribuë l'invention à Diophante Auteur Grec, dont Regiomontanus a recueilli 13. livres, qui ont été commentez par Gaspard Bachet, sieur de Meziriac, de l'Academie Françoise.
Les notes de l'Algebre sont telles:
+ signifie plus: ainsi 9 + 3 veut dire 9 plus 3.
− signifie moins: ainsi 14 − 2 veut dire 14. moins 2.
= est la note de l'égalité: ainsi 9 + 3 = 14 − 2 veut dire, neuf plus trois est égal à 14. moins deux.
:: Les quatre points entre deux termes devant & deux termes aprés, marquent que les quatre termes sont en proportion géometrique: ainsi 6. 2 :: 12. 4. veut dire, comme 6 est à deux, ainsi 12 est à quatre.
÷÷ est la note d'une proportion continuë. ÷÷ 3. 9. 27. veut dire que trois est autant de fois dans neuf, comme neuf dans 27.
: Ces deux points au milieu marquent la proportion arithmetique entre ces nombres. 7. 3: 13. 9. veut dire, 7. surpasse 3. comme 13. surpasse 9.
÷ Cette note marque la proportion arithmetique continuë: ainsi ÷ 3. 7. 11. veut dire, 3 est surpassé de 7. autant que 7. par 11.
Deux lettres ensemble marquent une multiplication de deux nombres ou grandeurs: ainsi b d est le produit de deux nombres, comme 2. & 4. dont le premier s'appelle b, & l'autre d.
V signifie racine, ainsi V4, c'est à dire, la racine de 4, qui est 2, lequel multiplié par lui-même fait 4.
On dit proverbialement quand quelqu'un n'entend rien à quelque chose qu'il lit, ou qu'il écoute, que C'est de l'Algebre pour luy.
ALKALI. s. m. terme de Chymie & de Physique. C'est un sel vuide & poreux disposé à se joindre facilement à tous les acides. C'est par son moyen que les Chymistes rendent facilement la raison de la composition de tous les corps naturels, & la font voir par des experiences sensibles. Ils comparent ce sel à une terre vuide qui auroit été aux trois premiers jours du monde, avant qu'elle fut allumée par les rayons du soleil, qui s'étant incorporez dans cet Alkali, ont fait ensemble tous les corps sublunaires. L'acide donne les deux qualitez mâles, le chaud & le sec; & l'Alkali les feminines, le froid & l'humide: ce qui a donné lieu à plusieurs beaux Traitez des Philosophes modernes, entre autres d'Otho Takenius, qui dans son Hippocrates Chymicus en a écrit des premiers fort sçavamment; de Bernard Swalue Medecin, dans le Combat de l'Art & de la Nature; & aux Entretiens de François André Medecin de Caën, sur l'Acide & l'Alkali. Ce mot est Arabe, & vient de al, qui signifie sel, & de kali qui est une herbe que nous appellons soude. Et parce que son sel a la propriété d'absorber & de mortifier les acides, & de s'en impreigner plus facilement que les autres, on a appellé tous les sels de cette nature, sels Alkali, quelques-uns l'appellent autrement, alun Catin. Le tartre est le plus fort de tous les sels Alkali, & quand il est mêlé avec l'esprit de vitriol qui est un fort Acide, ils font une soudaine ébullition & coagulation, qui de liquides qu'ils étoient, font un corps solide. Les Philosophes proposent cette union comme un exemple general de la composition de tous les corps, qui se fait par les acides & les Alkali, à cause de la grande alteration qui arrive à la saveur & aux autres qualitez de ces sels unis. Il faut remarquer que leur effervescence & leur action cesse, lorsqu'ils se sont réciproquement pénétrez & rassasiez les uns des autres, car elle n'arrive plus par quelque addition qu'on puisse faire de l'un ou de l'autre, lors qu'ils sont proportionnellement unis. Ordinairement on appelle sels Alkali, tous les sels lexiviaux & artificiels qui se tirent des plantes.
ANTIMOINE. s. m. C'est un corps mineral qui approche de la nature des métaux, & que quelques-uns croyent en contenir tous les principes, parce qu'il se trouve prés des mines des uns & des autres, & sur tout dans celles d'argent & de plomb, & souvent il a sa mine propre. On l'appelle aussi Marchasite de plomb, & les Chymistes le nomment le Loup ou le Saturne des Philosophes, parce qu'il devore les autres métaux, quand on les fond ensemble, & qu'il les consume tous à la réserve de l'or. On l'appelle aussi Prothée, à cause de la diversité des couleurs qu'il prend par le moyen du feu. On le tient composé d'un double soulfre mineral, l'un métallique approchant de la pureté & de la couleur de celui de l'or, & l'autre terrestre & combustible semblable presque au soulfre commun; d'un mercure fuligineux & mal digeré, participant de la nature du plomb & d'un peu de sel terrestre. Il ressemble à de l'écume d'argent, & il a une couleur claire & luisante, il se dissout difficilement au feu, & plus facilement dans l'eau. Il est fragile comme le verre, & tient le milieu entre les métaux & les pierres, parce qu'il se fond comme le métail; mais il n'est pas ductile non plus que les pierres. Il y en a un mâle qui est plus sablonneux, & un autre femelle qui est plus pesant, plus brillant & plus friable. On le mêle avec d'autres métaux pour faire des miroirs, parce qu'il les rend capables d'un plus beau poli. On le mêle aussi pour faire des cloches, parce qu'il rend leurs sons plus clairs; on le mêle à l'étaim pour le rendre plus dur, plus blanc & plus sonnant: & enfin au plomb dans les fontes des caracteres d'Imprimerie, pour les rendre plus durs & plus unis. Il aide generalement à la fusion des autres métaux, & sur tout à celle des boulets de canon. On a crû qu'il pouvoit servir à une medecine universelle: car c'est en effet celui qui fournit le plus de remédes, & pour un plus grand nombre de maladies. Sa principale qualité est de provoquer le vomissement, & de purger par haut & par bas: ce qui en fait faire diverses préparations, que les Medecins appellent Emetiques. Ils donnent aussi ce nom au vin blanc, dans lequel il est infusé, parce qu'il fait vomir. Les Latins l'appellent stibium, & les Grecs stimmi.
L'Antimoine crud est celui qu'on broye sur le porphyre, tel qu'il vient de la mine.
L'Antimoine préparé est celui qui a passé par les mains des Artistes, pour le purger de ses mauvaises qualitez, & faire diverses operations.
Le Verre d'Antimoine est de l'antimoine broyé, cuit & calciné par un feu violent dans un pot de terre, jusqu'à ce qu'il ne jette plus de fumée: ce qui est une marque que tout son soulfre est évaporé. On le réduit en verre dans le fourneau à vent, & alors il est fort diaphane, rouge & brillant & de couleur d'hyacinthe.
Le Regule d'Antimoine est le culot, ou ce qu'on trouve au fond & au dessous dans le creuset, où il y a de l'Antimoine, aprés qu'il a été fondu avec des matiéres capables de séparer ses parties pures d'avec les impures. On en fait des balles purgatives qui servent toûjours, & des gobelets, ou laissant reposer quelque temps des liqueurs, elles deviennent aussi purgatives.
Les Fleurs d'Antimoine sont de l'Antimoine en poudre sublimé dans un aludel, dont les parties volatiles s'attachent à ses pots, en projettant peu à peu la poudre.
Le Beurre d'Antimoine est une liqueur blanche & gommeuse, qu'on nomme autrement Liqueur glaciale d'Antimoine, qui se fait avec du Regule d'Antimoine & du sublimé corrosif. Cette liqueur se coagule en forme de glace dans le récipient, & est fort caustique, de sorte qu'on ne l'employe qu'à l'exterieur, pour arrêter la cangrene, guérir la carie des os, des cancers, des fistules, &c.
Le Safran d'Antimoine se fait d'Antimoine & de nitre mis en poudre & au feu, lequel aprés la détonation & la fusion, fait descendre au fond du vaisseau les parties les plus pures de l'Antimoine. Elles ont la figure d'un foye, qui font qu'on lui donne aussi le nom de Foye d'Antimoine, ou de Safran des métaux. On le nomme aussi Magnesie Opaline, à cause qu'il a la figure de Marchasite, & la couleur de l'Opale: on en fait les poudres & le vin Emetiques.
L'Antimoine Diaphoretique est celui qui est mêlé & préparé avec du nitre, qui change ses qualitez vomitives & purgatives en diaphoretiques.
L'Huile d'Antimoine est de l'Antimoine pilé & mêlé, mis en digestion dans un vase plein de fort vinaigre sous du fumier pendant plusieurs jours, & aprés cette operation plusieurs fois réïterée, le vinaigre qu'on distile, donne une liqueur sanguine, qu'on appelle Huile d'Antimoine, & qui colore l'argent en or.
La Chaux d'Antimoine s'appelle quelquefois Ceruse à cause de son extrême blancheur.
La fortune de l'Antimoine a souvent changé dans l'Ecole de Medecine. Elle fit donner un Arrest du Parlement en l'année 1566. qui fit défenses d'employer l'Antimoine en médicamens, parce qu'elle prétendit qu'il avoit une qualité veneneuse, qui ne se peut corriger par quelque préparation que ce soit. Mais depuis, la même Faculté le fit mettre au rang des médicamens purgatifs dans l'Antidotaire, qui fut imprimé par son ordre en 1637. Et enfin elle a fait donner un Arrest du 29. Mars 1668. qui a donné permission aux Docteurs de Medecine de s'en servir, avec défenses aux autres personnes de l'employer que par leur avis.
Ce mot d'Antimoine vient selon quelques-uns de ce qu'un Moine Allemand qui cherchoit la Pierre Philosophale, ayant jetté aux pourceaux de l'Antimoine, dont il se servoit pour avancer la fonte des métaux, reconnut que les pourceaux qui en avoient mangé, aprés avoir été purgez trés-violemment, en étoient devenus bien plus gras: ce qui lui fit penser qu'en purgeant de la même sorte ses confreres, ils s'en porteroient beaucoup mieux. Mais cet essai lui réüssit si mal, qu'ils en moururent tous: ce qui fut cause qu'on appella ce mineral Antimoine, comme qui diroit contraire aux Moines. Cette étymologie vient d'un vieux manuscrit d'Allemagne, qui est dans la Bibliotheque de M. Moreau Medecin du Roi, cité par M. Perrault dans son livre du Rabat-joye de l'Antimoine.
B.
BAN. s. m. publication à haute voix au son du tambour, ou de la trompette, ou des tymbales, de l'ordre d'un Superieur, ou de la part du Roi & de la Justice: On a fait un ban portant défenses de sortir du camp, d'aller à la petite guerre: On a fait un ban dans les carrefours, qui défend les passements d'or & d'argent. On trouve ces phrases dans les Coûtumes, Crier au ban, Cas de ban, A peine de ban, Proceder à ban, &c. On appelle aussi ban la publication & le cri que fait faire le Seigneur feodal pour se faire rendre les hommages, ou lui payer les redevances, & le venir reconnoître. On dit aussi, ban de vendanges, ouverture de ban, &c. pour dire, la publication de la permission des vendanges. Ménage dérive ce mot de l'Allemand ban, qui signifie proprement publication, & en suite proscription, parce qu'elle se faisoit à son de trompe, d'où sont venus les mots de Bannir, Ban, Bannissement, de Bandi, de Ban & arriére-Ban, Banlieuë, Banniére, Bannal, abandonner, &c. Nicod le dérive d'un autre mot Allemand Ban, qui signifie champ & territoire, dautant que c'est en vertu de ce qu'on tient des fiefs, champs & heritages, qu'on est obligé au ban & arriére-ban, & que le four à ban est le four du territoire de la Seigneurie. Borel le dérive du Grec pan, qui signifie tout, parce que la convocation est generale.
Ban se dit aussi des publications qui se font aux Prônes des Paroisses, des noms de ceux qui veulent se marier, ou prendre les Ordres. Le Concile de Trente a ordonné la publication de trois Bans, pour empêcher les mariages clandestins. Ces publications ne sont pas de l'essence du mariage, on obtient aisément dispense des Bans, on achete les deux derniers Bans, quand le premier a été publié.
Ban se dit aussi de la publication qui se fait pour convoquer tous les Nobles d'une Province pour servir le Roi dans ses armées, suivant qu'ils y sont obligez par la Loy des Fiefs. On a publié le Ban & l'Arriere-ban.
Ban est aussi l'Assemblée de ces Nobles en corps d'armée. Le Ban & l'Arriereban est long-temps à se mettre en campagne.
Ban se dit aussi des assignations qui se font à cri public aux vassaux pour comparoir devant leur Souverain en certaines occasions, & pour rendre compte de leurs actions. Les Princes d'Allemagne sont souvent assignez, sont mis au Ban de l'Empire, & on confisque leurs Fiefs faute d'y rendre l'hommage, & le service dont ils sont tenus.
Ban signifie aussi bannissement, & on dit en termes de Palais: Il lui est enjoint de garder son Ban à peine de la hart: Il a obtenu un Rappel de Ban.
Ban signifie encore un droit & un lieu public qu'ont les Seigneurs des grands Fiefs, pour obliger les Habitans d'une Seigneurie de venir cuire au four du Seigneur, moudre à son moulin, ou d'apporter leur vendange à son pressoir. Ainsi on dit, un four à Ban, un moulin à Ban, un pressoir à Ban; & on appelle sujets banniers & droit de bannée, ceux qui sont obligez à ce droit. En quelques Coûtumes on appelle four bandier, moulin banquier, ce qu'on appelle ailleurs Bannal.
BANQUE. s. f. Trafic d'argent qu'on fait remettre de place en place, d'une Ville à une autre, par des lettres de change & par correspondance. Il est permis à toutes sortes de personnes de faire la Banque sans être Marchand. Ce Marchand a quitté le négoce, il ne fait plus que la Banque. Ce mot vient de l'Italien banca, qui a été fait de banco. C'étoit un siége où les Banquiers s'asseoient dans les places de commerce, d'où on a fait aussi banqueroute. Ménage.
Banque se dit aussi du lieu public où s'exerce ce trafic, où les Banquiers s'assemblent, & où ils avoient autrefois un Banc. On l'appelle aussi d'autres noms; à Londres, c'est la Bourse; à Lyon, le Change; à Paris, la place du Change. On met son argent à la Banque, on y prête, & on y fait valoir son argent à gros interest, même en quelques lieux à fonds perdu.
Banque se dit aussi des Sociétez, Villes ou Communautez qui se chargent de l'argent des Particuliers, pour le leur faire valoir à gros interest: la Banque de Venise, de Hollande: la Ville de Lyon a établi une Banque pour prendre de l'argent à fonds perdu au denier huit & un tiers.
Banque se dit aussi en plusieurs Jeux, comme à l'Occa, à la Bassette; du fond de celui qui est maître du Jeu, qui se charge de payer ceux qui gagneront.
BANQUEROUTE. s. f. Faillite, fuite, abandonnement de biens que font des Banquiers, ou négocians publics à leurs créanciers avec fraude & malice. Beaucoup de Marchands s'enrichissent par des banqueroutes frauduleuses, en mettant leurs biens à couvert. La Banqueroute est differente de la faillite, parce que la Banqueroute est volontaire & frauduleuse, quand le Banqueroutier s'enfuit & emporte le plus liquide de ses biens; la faillite est contrainte & necessaire, & est causée par quelque fortune, ou accident. Et on tient qu'un homme a fait faillite dés qu'il a manqué à acquitter des lettres de change, ou qu'il y a quelque desordre dans son négoce.
Banqueroute se dit aussi de l'insolvabilité des Bourgeois, ou autres personnes, qui doivent plus qu'ils n'ont vaillant, & qui ne payent pas leurs dettes.
Banqueroute se dit figurément en choses spirituelles: Il a fait Banqueroute à l'honneur, au bon sens, à Dieu; & on le dit encore de ceux qui manquent à executer leurs promesses, à se trouver aux rendez-vous qu'ils ont donnez, ou de ceux qui se retirent secrettement d'une compagnie sans dire adieu. Ce mot vient de l'Italien banca Rotta, banque rompuë.
BANQUEROUTIER. iere. s. m. & f. Marchand ou Banquier qui fait Banqueroute: On n'est pas assez sévére pour condamner les Banqueroutiers frauduleux, on ne les met qu'au pilori, & souvent ils méritent la corde, quoi que l'Ordonnance d'Henry IV. de l'an 1609. & celle de l'an 1673. ordonnent qu'ils soient poursuivis extraordinairement & punis de mort, ce qui a eu peu souvent son execution. On appelle proprement banqueroutiers frauduleux ceux qui divertissent leurs effets, ou qui les mettent à couvert sous des noms interposez par de fausses ventes ou des transports simulez, ou qui font paroître de faux créanciers. On les condamne en quelques lieux à porter le bonnet verd, & à Luques à porter un bonnet orangé.
BANQUET. s. m. Festin, grand repas qu'on fait à ses amis: Assuerus fit un fameux Banquet à toute sa Cour, dont il est parlé au Livre d'Esther. Plutarque a écrit du Banquet des sept Sages. Ce mot vieillit & vient de l'Allemand pancket, dont les Italiens ont fait banquetto, & les Espagnols banquette.
Banquet se dit aussi en matiére spirituelle: Tous les Chrêtiens doivent participer au sacré Banquet celeste.
Banquet en termes de manége, est la petite partie de la branche de la bride qui est au dessous de l'œüil, qui assemble les extrêmitez de l'embouchure avec la branche, & qui est cachée sous le chaperon ou fonceau.
BANQUETER. v. act. faire un festin, faire grande chere avec ses amis. Ce mot vieillit.
BANQUETTE. s. f. Terme de fortification. C'est un degré ou deux qui régnent tout le long des parapets, afin qu'on puisse tirer par dessus: La Banquette doit avoir un pied & demi de haut & trois pieds de large.
Banquette se dit aussi d'une petite élevation au dessus du niveau de la ruë, pour servir de chemin commode aux gens de pied; comme il y en a à Paris au Pont-Neuf & au Pont-Marie.
BANQUIER. s. m. Negociant en argent, qui donne des lettres de change pour faire tenir de l'argent de place en place.
Banquier Expeditionaire en Cour de Rome, est un Officier de nouvelle création, qui se charge de faire venir toutes les bulles, dispenses & autres expeditions qui se font en la Cour Romaine, & en la Legation d'Avignon, soit de la Chancellerie, soit de la Penitencerie. L'origine de ces Banquiers vient de ce que les Guelphes du temps des guerres civiles d'Italie se réfugierent en Avignon & dans les Païs d'obédience; & comme ils étoient favorisez des Papes, dont ils avoient soûtenu le parti, ils se mêlerent de faire obtenir les graces & expeditions de Cour de Rome, & s'appellerent mercatores & scambiatores Domini Papæ, comme témoigne Matthieu Paris: mais comme ils se rendirent odieux alors par de grosses usures, on les appella Carsins, ou Caorsins, du nom de Caors Ville de Querci, dont le Pape Jean XXII. qui siégeoit alors étoit natif, à cause que de son temps ces usuriers étoient en leur plus haute élevation, comme témoigne Adam Theveneau en ses Commentaires sur les Ordonnances, au titre des Usures. Les Italiens en firent aussi pour eux le mot scarsi, qui signifie avares; & ils eurent tant de haine pour cette Ville, que le Poëte Dante dans son Enfer, met au même rang Sodome & Cahors, & y place tous les scelerats & les usuriers. Les marques de cette haine ont duré long-temps en France, & on a appellé en Chancellerie les Lettres Lombardes les Lettres qui s'expedioient en faveur des Lombards & Italiens, qui vouloient trafiquer ou tenir Banque en France, qui se taxoient au double des autres, en haine de ce qu'on appelloit alors tous les Changeurs, Banquiers, Revendeurs, & Usuriers d'Allemagne, & de Flandres même, Lombards, de quelque nation qu'ils fussent, & on les appelle encore ainsi en plusieurs lieux. La place du Change & la Fripperie d'Amsterdam s'appellent Places Lombardes.
Banquier se dit aussi en certains Jeux, comme l'Occa, la Bassette, de celui qui tient le Jeu & l'argent, & qui a le fonds devant lui, pour payer ceux qui gagnent.
BEFFROY. s. m. lieu élevé où il y a une cloche dans une place frontiére, où on fait le guet, & d'où on sonne l'allarme, quand les ennemis paroissent. Nicod dérive ce mot de bée & de effroy, parce qu'il est fait pour beer & regarder, & en suite donner l'effroy.
Beffroy est aussi la charpenterie qui soûtient les cloches dans un clocher.
On appelle aussi Beffroy, ces tours ou machines de charpente qu'on faisoit autrefois en assiégeant les places, auparavant l'invention de l'Artillerie.
Beffroy se dit aussi de certaines cloches qui sont dans des lieux publics, qu'on ne sonne qu'en certaines occasions, comme de réjouïssances, d'allarmes ou d'incendie: Il y a trois Beffrois à Paris, celui de l'Hôtel de Ville, du Palais, & de la Samaritaine: quand il naît un Fils de France, on donne ordre de tinter le Beffroy pendant 24. heures.
Beffroy en termes de Blason, est un nom que les Rois d'armes & Herauts ont donné à un Ecu vairé, ou composé de trois titres de vair, parce qu'il est fait en forme de cloches qui servent à sonner à l'effroy: & quand on dit simplement Beffroy, on doit entendre qu'il est composé d'argent & d'azur.
BILAN. s. m. terme de Banque. C'est un petit livre que les Marchands, ou Banquiers portent sur eux, où d'un côté ils écrivent leurs dettes actives, & de l'autre leurs dettes passives. Ce mot vient du Latin Bilanx, parce que ce Livre leur sert à balancer leurs gains & leurs pertes. Il leur sert aussi au virement des parties. Les Marchands de Lyon appelloient ci-devant Bilan des acceptations; un petit livre qu'ils portoient sur la place, où ils écrivoient toutes les Lettres de change tirées sur eux; & leur acceptation n'étoit autre chose que de mettre à côté de la Lettre qu'ils avoient enregistrée dans leur Bilan, une croix qui signifioit acceptée: s'ils vouloient déliberer sur l'acceptation, ils mettoient un V, qui signifioit vûë; & s'ils ne la vouloient point accepter, ils mettoient S. P. qui signifioit sous protest. Mais depuis l'Ordonnance de 1677. il ne se fait plus d'acceptation que par écrit.
On appelle l'entrée & l'ouverture du Bilan, le sixiéme jour du mois des payemens, jusqu'à la fin duquel on fait le virement des parties, où les Marchands écrivent chacun de leur côté les parties virées.
On appelle aussi Bilan, ou Balance l'arrêté ou la clôture de l'inventaire d'un Marchand, où on a écrit vis à vis tout ce qu'il doit, & tout ce qui lui est dû: Un Marchand aprés sa faillite, pour s'accommoder avec ses créanciers leur doit presenter un Bilan, qui contienne l'état au vrai de ses affaires: Si un Négociant qui a accoûtumé de porter Bilan sur la place, ou autre pour lui, ne s'y rencontre pendant le temps du payement, il est réputé avoir fait faillite.
BILBOQUET. s. m. Jeu d'enfans fait d'un bâton creusé en rond par les deux bouts, au milieu duquel est une corde, où une balle de plomb est attachée, ils la jettent en l'air, & la reçoivent alternativement dans ces deux concavitez. On appelle ironiquement un nombril, un Bilboquet.
BOIS. s. m. substance qui forme le corps des arbres, & qui prend son accroissement du suc de la terre. Il y a des Bois durs, comme le cormier, le poirier; des bois legers, comme le liége, &c. On a peint ce lambris en couleur de bois. Monsieur Grew dans son Anatomie des plantes a découvert que la partie qu'on appelle proprement le Bois dans un vegetable, n'est autre chose qu'une infinité de canaux fort petits, ou de fibres creuses, dont les unes s'élevent en haut, & se rangent en forme d'un cercle parfait, & les autres qu'il appelle insertions, vont de la circonference au centre, elles se croisent mutuellement comme les lignes de longitude & de latitude sur un globe, ou les fils des tisserans étendus en long & en large, & entrelassez ensemble. Nicod dérive ce mot du Grec boscon, qui signifie lignum; Ménage de boscium, qu'on a fait de boscum ou boscus, qui signifie forest. Il vient plûtôt de l'Allemand busch, d'où les Italiens ont fait Bosco, & les Espagnols Bosqué. En vieux François on disoit bos; du diminutif Boskettus on a fait bosquet & bouquet, & de boscium on a fait pareillement buisson, de bosca, busche, & de boscagium, bocage.
On appelle chez les Chrêtiens par excellence, le sacré Bois de la Croix, le bois de la vraye Croix, celui où fut attaché nôtre Sauveur.
Bois se distingue en plusieurs sortes, tant par sa nature, ses vertus & ses qualitez, que par ses defauts, ses façons, ses voitures, ses mesures, & ses emplois.
Bois consideré selon ses diverses qualitez, utiles, curieuses, & medicinales, est premiérement le bois de charpente ou à bâtir, tels que sont les chênes, le châtagnier, le sapin, qu'on scie & qu'on équarrit, &c. qui sert à bâtir les maisons, à faire les planchers & les toits, les moulins, les machines, &c.
Les Bois estimez par curiosité sont les Bois de citron, de cédre, d'ébene, de Calemba ou Calembouc, de bouïs, à cause de leur odeur & de leur dureté, & parce qu'ils reçoivent un beau poli dont on fait des tables, des buffets, des chapelets, des peignes. Les bois des teintures sont bois d'Inde, bois de Bresil, bois de campêche, bois jaune, &c.
Les Bois medicinaux sont le Gayac, que les Espagnols appellent Ligno santo, l'Aloës ou agallochum, le Kinquinna, le bois d'aigle ou Pao d'aquila, & autres qui seront expliquez à leur ordre.
Bois en termes d'eaux & forêts, consideré suivant son état, s'appelle bois en étant lorsqu'il est debout & sur pied, vivant & prenant son accroissement sur la terre. Cette expression vient de ce que ce mot, étant, étoit autrefois un nom substantif, & on disoit qu'un homme étoit en son étant, pour dire qu'il étoit debout sur ses pieds, comme on dit encore qu'il est en son séant, pour dire qu'il est à demi couché.
Bois vif, est celui qui prend nourriture, ou qui porte du fruit, qui pousse des branches & des feüilles.
Bois d'entrée est celui que est entre verd, & sec, dont les arbres ont les houppiers, ou quelques branches séches, & d'autres vertes, la couppe en est défenduë aux Usagers.
Bois gisant, celui qui est couppé ou abattu & couché sur terre.
Bois mort, celui qui est seché sur pied, qui n'a plus de seve.
Mort-bois, est celui qui est expliqué & désigné dans la charte Normande accordée par Louïs X. en 1313. il y en a neuf especes, saux, marsaux, épines, puisnes, aulnes, le seur ou sureau, genest, geniévre, & ronces. Dans l'Ordonnance de François I. sur le fait des Chasses art. 55. le Roi déclare que pour ôter toute difficulté sur ce qu'on doit appeller bois mort, & mort bois, il veut qu'on suive l'interpretation & la restriction qui est contenuë en la charte aux Normands, du Roi Louïs X. Les Ordonnances postérieures y sont conformes. Ce mot s'est dit selon quelques-uns par corruption, pour maubois ou mauvais bois, qui ont voulu y comprendre tout le bois en étant qui n'avoit ni fruit, ni graine. Cependant il y a bien d'autres arbres qui ont vie, & qui ne portent point de fruit, qui ne sont pas renfermez dans le petit nombre d'espéces que l'Ordonnance met sous ce nom de mort bois, qui n'est en usage que suivant les restrictions qui y sont comprises. Le mort-bois n'est point sujet au tiers & danger.
Bois blanc, est le peuplier, le bouleau, le tremble, & autre bois leger & peu solide. Il n'y doit avoir que le tiers au plus de bois blanc dans la voye de bois de corde ou à brûler, suivant l'Ordonnance.
Bois en grume, est tout le bois qu'on améne sans être équarri, qui est avec son écorce, & tel qu'il est sur pied, comme sont les pilotis & plusieurs bois de charronage, & d'ouvrages. Il y a des Régles pour réduire le bois en grume au quarré, c'est à dire, pour sçavoir combien un arbre sur pied de tant de pourtour donnera de pieds de bois équarri.
Bois chablis sont bois abattus, ou rompus par les vents, soit par le pied, soit ailleurs, au corps, ou aux branches, ou déracinez; on l'appelle aussi caable ou bois versé: tous les arbres de condamnation pour forfaiture, ou délit y sont aussi compris.
Bois encroüé, est un arbre qui en l'abattant est tombé sur un autre, & dont les branches sont engagées les unes dans les autres. L'Ordonnance défend d'abattre les bois sur lesquels d'autres sont encroüez.
Le Bois consideré selon ses defauts, est premiérement le bois roulé, c'est du bois où les cruës de chaque année n'ont point fait corps ensemble, mais sont demeurées de leur épaisseur sans aucune liaison. Ce bois ne peut être debité ni en fente, ni en autre marchandise.
Bois trenché, est celui qui a le fil de travers, qui au lieu de suivre le long de l'arbre, le traverse d'un côté à l'autre de l'écorce: il ne peut être employé à la fente, & il se casse aisément.
Bois charmez, sont des bois auxquels on a fait quelque chose pour les faire mourir, ou tomber.
Bois arsins, sont des bois où a été le feu, soit qu'on l'y ait mis par malice, soit qu'il y ait pris par accident.
On appelle louppes de bois des bosses ou gros nœuds qui s'élevent sur l'écorce.
Bois Rabougris ou Abougris, Broutez ou Avortez sont les bois tortus & malfaits, qui ne croissent qu'à la maniére des pommiers, qui ne sont pas de belle venuë, & qui doivent être récépez.
Bois Rustique & Noailleux, est celui qui a crû sur le gravier, & est exposé au soleil de midi, qui ne se peut fendre, si ce n'est un peu vers le tronc. On le dit aussi des racines d'olivier, de noyer, & d'autres bois veinez, qui servent aux Ebenistes pour des ouvrages de placage, on l'appelle aussi bois madré.
Bois mouliné ou bois carié, est du bois corrompu, pourri, & où il y a des vers & des malandres.
Bois bombé, est celui qui est naturellement un peu courbe, & qu'on pose sur son fort, quand on met par dessus sa partie la plus élevée, & qui fait sa bosse.
Le Bois se considere aussi, selon sa taille & ses façons.
Bois d'équarrissage, ou Bois quarré, est tout le bois équarri destiné à bâtir, qui est au dessus de six pouces, & selon qu'il est debité, chaque grosseur porte son nom particulier.
Bois flacheux, est celui qui n'est pas bien équarri, & a vive arrête.
Un cent de bois chez les Charpentiers c'est cent fois 72. pouces de bois en longueur, ou une piéce qui a 12. pieds de long sur six pouces d'épaisseur & de largeur: de sorte qu'une seule poutre est souvent comptée pour 15. ou 20. piéces de bois. Tout le bois de charpente se réduit à cette mesure, soit pour la vente, soit pour la voiture, soit pour le toisé des ouvrages. Il est taillé en longueur depuis six jusqu'à 30. pieds, en augmentant les piéces toûjours de trois pieds en trois pieds. Celles de menuiserie ne vont guéres qu'à 15. pieds avec la même gradation. Ainsi on dit en ce sens, qu'un Navire de 1100. tonneaux, comme le Victorieux, qui a 120. pieds de quille portant sur gréve, est composé de 17465. piéces de bois réduites selon l'usage de Paris; & sa mâture de 4000. qui font bien 1800. charretées de bois, tant que deux chevaux en peuvent tirer, sans les affûts de canon & les piéces de rechange. Le Caron Arpenteur a fait deux petits volumes de la qualité & du toisé des bois fort utiles pour les Marchands, ou Bourgeois qui veulent acheter du bois à bâtir.
Bois de charronnage, est celui qui sert à faire des Rouës, des charriots & charrettes, comme l'orme & le chêne.
Bois de sciage, est le bois couppé en planches, & en solives qui sert pour les menuisiers: comme aussi tout le bois quarré dont l'épaisseur est moindre de six pouces, s'appelle bois de sciage.
Bois d'ouvrage, est celui qu'on travaille dans les forêts, dont on fait des sabots, des pelles, des seaux, des lattes, des cercles, des éclisses, &c.
On appelle aussi en général du bois ouvré, ou non ouvré, celui qui est façonné par les mains des Ouvriers, ou celui qui est en état de l'être.
Bois merrein, c'est du bois fendu en petits ais, dont on fait les douves des tonneaux, des cuves. On l'appelle aussi bois à Barils, bois d'enfonçures, bois à douvin, bois à pipes. Les Menuisiers en font aussi des panneaux, mais il ne sert point à bâtir, quoi qu'abusivement quelques-uns l'étendent à tout le bois de charpente, & plusieurs aux perches, échalats, &c.
Les Menuisiers appellent aussi du bois refait, du bois équarri & dressé sur toutes ses faces. Ils appellent courroyer le bois, quand ils lui donnent cette façon; ils disent aussi que des bois sont bien poussez & bien rabbotez, quand ils sont bien unis.
Les Charpentiers appellent aussi bois affoiblis, les bois qu'on a taillez en cintre, qu'on a rendus courbes. Les bois affoiblis exprés sont toisez de la grandeur de leur bossage, & les courbes de la grandeur de leur plein cintre; c'est à dire, qu'il faut comprendre le plus grand vuide de la courbe avec sa largeur.
Bois à brûler, est celui qu'on destine à faire du feu, qui se divise en plusieurs espéces.
Bois flotté, est celui qu'on améne en trains, & lié avec des perches & des rouëttes, sur des riviéres.
Bois perdu, est celui qu'on jette dans les petites Riviéres qui n'ont pas assez d'eau pour porter des trains, ni des bâteaux, & qu'on va recueillir & mettre en trains aux lieux où elles commencent à porter. Il est permis aux Marchands de jetter leurs bois à bois perdu, en avertissant les Seigneurs dix jours auparavant: comme aussi de faire des canaux, & de prendre les eaux des étangs pour les faire flotter, en dédommageant.
Bois volants, sont les bois qui viennent par le flot droit au port, où on les recueille.
Bois échappez, ceux qui par les innondations, s'échappent dans les prez & dans les terres.
Bois canars, ceux qui demeurent au fond de l'eau, ou qui s'arrêtent sur les bords des ruisseaux, où on a jetté un flot de bois à bois perdu. Les Marchands ont 40. jours aprés que le flot est passé, pour faire pêcher leurs bois canars sans rien payer.
Bois neuf, est le bois qui vient dans des bateaux sans tremper dans l'eau.
Bois pelard est du bois menu & rond, dont on a ôté l'écorce pour faire du tan.
Bois de moulle ou de quartier, est du bois qui est mesuré, il doit avoir au moins 18. pouces de grosseur. Les Marchands Ventiers doivent fournir aux Bûcherons des chaînes & mesures de ces longueurs.
Bois de corde, est du bois fait ordinairement de branchages ou de taillis, on l'appelle ainsi quand il est au dessous de 17. pouces de grosseur. Il doit être au moins de six, & se vend à la membrure, qui a quatre pieds de haut sur quatre pieds de large. Il est ainsi appellé à cause qu'on le mesuroit n'aguéres à Paris avec des cordes, comme on le fait encore sur les lieux. Tout bois à brûler en général doit avoir trois pieds & demi de long, y compris la taille. La corde de bois vaut deux voyes de Paris. La mesure de la corde de bois selon l'Ordonnance est de 8. pieds de long & de 4. de haut. Du bois en chantier, c'est du bois en pile & en magasin.
Bois de compte, est celui dont les 62. bûches au plus se trouveront remplir les trois anneaux qui composent la voye de bois par les Ordonnances de la Ville, & ceux qui sont au dessous de 18. pouces de grosseur doivent être rejettez & renvoyez parmi le bois de corde.
Mouleur de bois est un Officier de Ville établi sur les Ports, pour faire mesurer le bois dans les moulles ou membrures.
On appelle à Paris bois de gravier, un bois demi flotté, qui vient de la forest de Montargis, & qui est plus cher que le bois ordinaire.
On appelle du bois d'Andelle, un bois de deux pieds & demi au plus, qui vient par bateaux par la Riviére d'Andelle; il est ordinairement de hestre.
Brin de bois, est un morceau de bois de belle venuë, droit & long qui n'est point scié, si ce n'est pour l'équarrissage, & qui est de toute la grosseur de l'arbre: il est excellent pour faire des planchers.
On appelle aussi un Brin de bois, un bois de pique, un bois de lance, ou les bois de ces armes avant qu'ils soient ferrez.
Les anciens Chevaliers appelloient bois leurs lances: leurs bois volerent en éclats; & on disoit qu'ils portoient bien leurs bois, lors qu'ils couroient en lice de bonne grace. C'est de là que figurément on dit qu'une femme porte bien son bois, pour dire qu'elle a bonne mine à marcher.
On dit en termes de guerre, quand on fait faire alte à l'Infanterie, haut le bois, à cause qu'on leve alors les piques; & dans sa marche, faire long bois, quand on veut augmenter l'intervale qui est entre les rangs.
On appelle en Menuiserie des meubles de bois, des tables, des siéges, des bois de lit, quand ils n'ont point de garniture d'étoffe ni de tapisserie.
En termes de venerie, on dit un bois de cerf, ce qu'on appelle autrement corne de cerf; & l'on dit qu'un cerf a touché au bois, quand il a dépoüillé la peau de sa tête, en frottant contre des arbres.
On dit figurément en ce sens qu'une femme fait porter du bois à son mari, pour dire qu'elle lui fait porter les cornes, qu'elle lui est infidéle.
En Agriculture bois se dit des menuës branches, sions, ou rejettons que les arbres poussent chaque année: ainsi on dit qu'un arbre nain pousse trop de bois, qu'une vigne est trop chargée de bois, pour dire qu'il la faut tailler, & qu'il faut émonder ou élaguer les arbres. On appelle aussi la vigne, le bois tortu.
Bois gentil est une plante medicinale qui jette plusieurs surgeons, qui a ses branches hautes d'un palme; ses feüilles sont semblables à celles de l'olivier, quoi que plus menuës & plus améres. Elles ont un goût si piquant, qu'elles écorchent la langue & le gosier, on l'appelle en Latin chamelœa, & est de grand usage en Medecine.
Bois est aussi un nom collectif, qui signifie les arbres qui sont plantez fort épais & en grand nombre, soit dans un jardin, soit à la campagne: un bois épais: un bois dégradé.
Bois de haute fûtaye, c'est le bois qui est parvenu à sa plus grande hauteur, qui est réputé immeuble, & qui ne peut être abattu par un usufruitier.
On appelle bois de haut revenu, celui qui est de demie fûtaye de 40. ou de 60. ans.
Bois sur le retour, est un bois trop vieux, qui commence à diminuer de prix, & à se corrompre, qui a plus de 200. ans à l'égard des chênes: il est different du bois taillis qui renaît sur les vieilles souches de la haute fûtaye, coupées, & qu'on peut couper tous les neuf, douze, ou quinze ans, qui tourne au profit de l'usufruitier.
Bois taillis, est le bois qu'on met en coupes ordinaires tous les dix ans, & qui est au dessous de 40. ans, car au delà c'est une fûtaye sur taillis, c'est dont on fait le charbon & le bois à brûler.
Bois à faucillon, est un petit taillis, qu'on peut couper avec un petit ferrement.
Bois en pueil, c'est un bois nouvellement coupé, & qui n'a pas encore trois ans. Ce mot se trouve en plusieurs Coûtumes, & entr'autres en celle d'Auvergne.
On appelle un Bois en défens, quand on a défendu de couper un bois, qu'on a reconnu de belle venuë dans quelque triage, pour le conserver & le laisser croître jusqu'à ce qu'on en ait besoin; & on dit qu'un bois est jugé défensable, quand le Juge a donné permission d'y faire entrer les bestiaux en panage.
Bois marmenteaux ou bois de touche, sont des bois au tour d'une maison ou d'un parterre, pour leur servir d'ornement, ausquels on ne touche point. Les usufruitiers ne peuvent faire couper les bois marmenteaux & bois de touche, ni en haute fûtaye, ni en taillis, quand ils servent à la décoration d'une maison ou d'un Château.
Une coupe de bois réglée est une division qui se fait d'un grand bois en certaines portions, afin qu'on en coupe chaque année une certaine quantité sans dégrader le bois, ni en diminuer le revenu. On appelle l'âge du bois, ou l'essence du bois, le temps écoulé depuis sa derniére coupe.
L'usance du bois se dit de son exploitation.
Garde Bois, est l'Officier préposé pour empêcher les dégradations des bois, & conserver le gibier.
En Poësie on appelle les Divinitez des bois les Driades, Hamadriades, les Faunes, les Satyres, &c.
En termes de Marine on dit faire du bois, pour dire descendre en terre pour aller couper des bois nécessaires à l'équipage. On dit aussi qu'un vaisseau a reçû des coups en bois, pour dire dans les bas, dans les œuvres vives.
HAUT BOIS. s. m. Est une flûte qui est de differente grandeur selon les quatre parties, qui servent à en faire un concert. Il est devenu depuis peu un instrument militaire, le Roi en ayant mis dans les Compagnies des Mousquetaires.
On dit figurément qu'un homme jouë du haut bois, quand il fait abattre, &c.
C.
CACAO. s. m. Fruit dont on fait le chocolate avec quelques autres ingrédiens; il croît en abondance dans la nouvelle Espagne à un arbre qui se nomme la cucuhua-guahuilt; il est de la même grandeur que l'oranger; il a les mêmes feüilles, mais un peu plus grandes. Ce fruit est de la figure d'un concombre, ou melon, qui est rayé, cannelé & roux, plein de plusieurs noix qui sont proprement appellées cacao, plus petites qu'une amende: il est d'une moyenne saveur, entre le doux & l'amer; d'un temperament froid & humide. Il y a dix ou douze cacao enfermez dans une même coque; cet arbre est si delicat qu'il le faut planter auprés d'un grand arbre nommé atlinan afin qu'il le couvre de sa grande ombre, autrement le Soleil le brûle. On en tire aussi du beurre, dont les femmes se font un fard pour le visage. Le cacao sert aussi de menuë monnoye dans la Province; Laët, Acosta, Clusius en ont écrit.
CALANDRE. s. f. Terme de Manufactures. C'est une machine propre pour presser les draps, les toiles, & autres étoffes, & pour les rendre polies, unies & lissées: elle sert aussi pour y faire ces ondes qui sont sur le tabis & les moheres: Elle est composée de deux gros rouleaux de bois, autour desquels on roule les piéces d'étoffe; on les met entre deux gros madriers de bois dur, large, épais & poli; celui de dessous sert de base, celui de dessus est mobile, par le moyen d'une rouë telle que celle des gruës. Un cable est attaché à un tour qui compose son axe; cette partie du dessus est d'un poids prodigieux, par fois de cinquante ou soixante milliers; c'est cette pesanteur qui fait les ondes sur les étoffes qui sont autour de ces rouleaux par le moyen d'une legere gravûre qu'ils contiennent: on met & on ôte ces rouleaux en inclinant un peu la machine. Ce mot vient du Latin cylindrus, parce que tout l'effet de la machine vient d'un cylindre. Borel dit que ce nom lui vient d'un petit oiseau de même nom, parce que les marques qu'elle imprime sont semblables à ses plumes.
Calandre, petit oiseau du genre des alloüettes, qui n'a point de crête: En Latin corydalos minima.
Calandre, petit ver qui se fourre dans le bled & le mange, qu'on appelle aussi charançon, ou patepeluë: en Latin curculio.
Calandrer. v. act. Mettre une étoffe sous la calandre pour la presser ou tabiser.
Calandré éé. part.
CALCINATION. s. f. Action par laquelle on réduit en chaux, ou en poudre trés-subtile les métaux & les minéraux, avec un feu violent. La calcination actuelle se fait seulement par le feu, la potencielle se fait par le moyen d'un esprit corrosif, qui les pénétre & les dissout, comme l'argent & l'or par les eaux fortes & l'eau régale, & cette calcination est appellée immersive.
Calciner. v. act. Terme de Chimie. Réduire les métaux ou les minéraux en chaux, ou poudre trés-subtile par le moyen du feu. L'or se calcine au feu de Reverbere avec le mercure & le sel armoniac. L'argent avec le sel commun & le sel alkali: le cuivre avec le sel & le soulfre: le fer avec le sel armoniac & le vinaigre: l'étain avec l'antimoine, le plomb & le soulfre: le mercure avec l'eau forte, il se calcine aussi tout seul par le feu. Tous les autres minéraux se calcinent au feu, sans addition d'aucune drogue.
CAMPHRE. s. m. C'est la gomme d'un arbre qui croît aux Indes dans les montagnes maritimes, lequel est de telle hauteur & largeur, qu'un escadron de cent hommes pourroit demeurer dessous à l'ombre. On dit qu'elle sort en plus grande abondance durant la tempête & les tremblemens de terre. Il y en a de plusieurs sortes, car on en trouve une entre les veines du bois, & une autre qui sort par l'écorce rompuë, comme une résine, & demeure attachée à l'arbre: elle est rouge d'abord, & devient blanche, ou par la chaleur du Soleil, ou à force de feu. Il y en a une brune & obscure qui est moins estimée. Il y a aussi un camphre en rose, qui n'a point passé par le feu, & un autre qui a été purifié & blanchi, & fait par sublimation. Le camphre est si subtil que souvent de lui-même il se resout en fumée. Il est si odorant, que sur les lieux on s'en sert en guise d'encens; pour être bon il doit être blanc, pur, reluisant, transparent, de forte odeur, & il faut qu'il devienne moüillé quand on le met sur un pain chaud. Quelques-uns, comme Fuchsius, croyent que c'est un Bitume des Indes. On l'appelle en Latin camphora, qui vient du mot Hebreu copher.
On fait du camphre artificiel avec de la sandaraque, qu'on appelle autrement gomme de genévre, vernis blanc, ou mastic bien pulvérisé, du vinaigre blanc bien distilé, qu'on met vingt jours dans le fumier de cheval, & qu'on laisse aprés au Soleil pendant un mois pour secher, & on trouve le camphre fait comme une croûte de pain blanc. La chymie ne travaille point sur le camphre, puisqu'il surmonte en pureté, en subtilité, en volatilité & en pénétration tout ce qu'on en pourroit tirer par la distillation: Elle ne peut enchérir sur sa perfection: sa diaphanéïté est grande, sa blancheur égale à celle de la neige; son goût acre, son odeur forte témoignent sa volatilité; son inflammabilité dans l'eau, & sa totale consomption sans laisser aucune trace au vaisseau dans lequel on l'allume, montrent sa pureté & la subtilité de ses parties. On a fait ce proverbe sur le camphre.
La principale qualité du camphre est de retenir & de conserver un feu inextinguible qui brûle dans l'eau, sur la glace, & dans la neige, à cause qu'il est d'une nature fort tenuë & grasse, jusques-là que si on en jette dans un bassin sur de l'eau de vie, & qu'on les fasse boüillir jusqu'à leur entiére évaporation dans quelque lieu étroit & bien fermé, & que par aprés on y entre avec un flambeau allumé, tout cet air renfermé conçoit en un moment le feu qui paroît comme un éclair sans incommoder le bâtiment, ni les spectateurs.
CHARTEPARTIE. s. f. Terme de marine, c'est l'acte d'affretement sur l'Ocean, ou de nolissement sur la Mediterranée; c'est un écrit contenant la convention pour le loüage d'un Vaisseau, ou la Lettre de facture & le Contract de cargaison du Vaisseau: elle doit être rédigée par écrit, & passée entre les Marchands & le Maître, ou le propriétaire du Bâtiment: Elle doit contenir le nom & le port du Vaisseau, celui du Maître & de l'Affreteur, le prix du fret, & les autres conditions dont les parties seront convenuës, comme il est porté au Livre troisiéme de l'Ordonnance de la marine: dans cet acte les Capitaines & Officiers confessent avoir reçû un tel Navire bien & dûment calfeutré, étanché, victuaillé, munitionné, & agréé pour un tel voyage. La chartepartie est distinguée d'avec le connoissement, parce que celle-la se fait pour l'entier affrettement du Navire, & pour l'aller & pour le retour; au lieu que le connoissement n'est fait que pour une partie de la charge, & se fait par une promesse particuliére, pour l'aller ou pour le retour seulement. Le Président Boyer dit que ce mot vient de ce que per medium carta incidebatur & sic fiebat carta partita; parce qu'au temps que les Notaires étoient moins communs, on n'expédioit qu'un acte de la convention qui servoit aux deux parties, on le coupoit en deux pour en donner à chacune sa portion; elles les rassembloient au retour pour connoître si elles avoient satisfait à leurs obligations; ce qu'il atteste avoir vû encore pratiquer de son temps, de même qu'en usoient les Romains dans leurs stipulation, au rapport d'Isidore, qui rompoient un bâton dont chacun gardoit un morceau pour en conserver la marque.
CHIEN. s. m. Chienne. s. f. Animal domestique, qui aboye, qui sert à garder la maison, & à la chasse. Le chien est le simbole de la fidélité. Les chiens sont en telle abomination aux Maldives, que si un chien avoit touché quelqu'un du païs, il s'iroit incontinent baigner pour se purifier. Peirard. Au contraire chez les Gaures ils sont en si grande vénération, que les Prêtres se servent des chiens pour purifier leurs penitens. Tavernier.
Il y a plusieurs sortes de chiens differens, tant pour la taille que pour le naturel, ou le service qu'ils rendent aux hommes.
Les premiers sont les chiens de chasse dont les plus nobles sont les chiens courans, ou allans, qui chassent par la force de l'odorat. Entre les chiens François, quelques-uns sont appellez de race Royale, qui courent à force les cerfs, chevreüils, loups, & sangliers. Les chiens courans appellent les Veneurs, & pour cela dit qu'ils chassent de gueule.
Il y en a d'autres de race commune, qui chassent seulement le chevreüil, le loup & le sanglier; d'autres de race mêlée, ou petite racine, qui chassent les liévres tant dans les bois que dans la plaine.
Il y a aussi des chiens Anglois de trois sortes, ceux de la race Royale servent à chasser cerfs, daims, & chevreüils. Les chiens Baubis sont pour les liévres, renards & sangliers, on leur couppe presque à tous la queuë; ils sont plus bas de terre & plus longs que les autres, de gorge effroyable, qui heurlent sur la voye, & qui ont le nez dur, & sont barbets à demi poil. Les Bigles sont pour les liévres & lapins; il y en a de grands & de petits, & sont excellens pour courir le liévre dans les plaines.
Les levriers sont chiens à hautes jambes, qui chassent de vîtesse. Voyez Levrier.
Limiers sont des chiens muets, qui servent à quêter & à détourner le cerf, chien quêtant & requerant.
Chiens Baux, qu'on surnomme Greffiers, sont des chiens blancs, dont la race vient de Barbarie, ils sont bons chasseurs requerans & forcenans; ils chassent de haut nez, gardent bien le change; ils sont de bonne creance, & tiennent mieux dans les chaleurs; ce sont les meilleurs pour courir le cerf.
Les chiens gris sçavent faire tous métiers, & courent toutes sortes de bêtes. Les chiens noirs, qu'on appelle de saint Huber, sont bons pour les bêtes puantes; on en conserve sa race en mémoire de ce Saint, en l'Abbaye qui porte son nom dans les Ardennes. Les chiens fauves ou rouges sont chiens de grand cœur, fort hardis & chiens d'entreprise. On appelle chiens tout d'une piéce ceux qui sont tout d'une couleur, tout blancs, ou tout noirs, &c.
Les chiens couchans sont chiens de l'arquebuse, qui chassent de haut nez, & arrêtent tout: les meilleurs viennent d'Espagne, ils servent à faire lever les perdrix & les cailles, & ces chiens sont au poil & à la plume; & on dit que des chiens piquent la sonnette, pour dire qu'ils courent trop vigoureusement aprés l'oiseau.
Braques sont des chiens de même allure, aussi bien que les turquets & metis.
Epagneuls, ou espagnols sont des chiens qui chassent de gueule, & forcent les lapins dans les brossailles, ils rident ou suivent la piste de la bête sans crier, ils sont bons aussi pour les oiseaux, & chassent le nez bas.
Griffon, se dit aussi d'une espece de chiens qui chassent le nez haut, & qui arrêtent tout; ils viennent d'Italie & de Piedmont.
Bassets, qu'on appelle autrement chiens de terre, sont des chiens qui entrent dans les taniéres des renards & taissons; ils viennent de Flandres & d'Artois; ils attaquent tout ce qui se terre, comme blereaux, renards, chats harets, foüines, putois; ils quêtent bien & servent aussi à l'arquebuse; ils sont noirs à demi poil, avec la queuë en trompe: il y en a qui ont double rang de dents comme les loups, & qui sont sujets à mordre, qui ont les pattes de devant tortuës. On parle aux bassets en leur criant, coule, coule Bassets.
Barbets, sont chiens frisez qui chassent le nez bas quand le gibier fuit, & le nez haut quand il demeure; Ils l'arrêtent sur terre & dans l'eau: leur principale nature est de rapporter, & ce sont les plus fideles chiens du monde, qui ne veulent connoître qu'un maître, & ne le perdre jamais de vûë: on les appelle aussi chiens à gros poil.
Dogues, sont chiens de combat, qui servent à assaillir les grosses bêtes, comme des taureaux, des lions, &c. Les Espagnols doivent une partie des conquêtes de l'Amerique à des Dogues d'Angleterre, comme on voit dans Herrera.
Mâtins, sont chiens de garde qu'on laisse dans les bassecours pour aboyer. Il y a aussi des Mâtins dans le vautrait, pour chasser au sanglier.
Chiens allans ou gentils sont de gros chiens, qui en allant détournent le gibier: On le dit aussi des chiens de Bouchers qui servent à conduire leurs troupeaux.
On appelle chiens trouveurs, des chiens qui vont requerir un Renard, quand il y auroit vingt-quatre heures qu'il seroit passé.
Chien barreur est le meilleur chien pour le chevreüil.
On appelle un chien secret, un limier qui pousse la voye sans appeller; on l'appelle aussi muet, & on dit qu'il ride.
Un chien babillard, ou qui caquette, est celui qui crie hors la voye, & le plus souvent d'ardeur, ou qui crie des matinées entiéres.
Un chien menteur est un chien qui cele la voye pour gagner le devant.
Un chien vicieux, celui qui chasse tout ce qu'il rencontre, & qui s'écarte toûjours de la meute.
Un chien de bonne créance, de bonne affaire, celui qui est docile & obéïssant: un chien qui chasse de forlonge, qui sent de loin le gibier; un chien qui ne se rompt point au bruit.
Un chien sage, qui chasse bien, qui tourne juste, chien de tête & un chien d'entreprise, qui est hardi & vigoureux.
On dit qu'un chien a le nez dur, lors qu'il rentre mal-aisément dans la voye, & qu'il reprend lentement; qu'il est de haut nez lors qu'il va requerir sur le haut du jour; & qu'il a le nez fin lors qu'il chasse bien dans les chaleurs, & dans la poussiére.
On appelle chien d'aiguail, celui qui chasse bien le matin lors que la rosée est sur la terre, & qui ne vaut rien au haut du jour; & au contraire un chien du haut du jour, qui ne vaut rien dans l'aiguail.
On appelle chien étruffé celui qui a une cuisse qui ne prend point de nourriture, & qui est boiteux; chien butté celui à qui la jointure des jambes de devant grossit; chien épointé, celui qui a des os des cuisses rompus; chien allongé, celui qui a les doigts du pied étendus par quelque blessure qui a touché les nerfs; & chiens courtauts ceux à qui on a coupé la queuë.
On dit qu'un chien a belle gorge lors qu'il crie bien, & qu'il a la voix grosse & forte, qu'un chien aboye quand il sent le gibier; ou quelque chose d'étrange; qu'un chien jappe lors qu'il crie sans sujet, ou au moindre bruit de nuit ou de jour; & qui hurle lors qu'il sent des loups, ou une chienne chaude qu'il ne peut joindre. On dit que le chien sonne, pour dire qu'il appelle au bon chemin ayant trouvé la trace.
On appelle chien armé, quand il est couvert pour attaquer un sanglier.
C'est une bonne qualité de chien d'avoir le jarret droit & bien herbé.
A la chasse on dit parler aux chiens, pour dire les réjouïr comme on fait à la chasse du cerf; ou les exciter ou les menacer, comme on fait à celle du sanglier avec des cris rudes & furieux, & avec la trompe. On appelle titre de chiens le lieu où on pose les chiens, afin que quand la bête passera ils la courent bien à propos. Ces chiens sont mis en bon titre, pour dire sont postez en un bon relais.
Trait de chiens se dit des laisses de crin, & des colliers qui servent à coupler les chiens; ainsi on dit qu'un cerf, ou une autre bête, a senti le vent du trait, pour dire des chiens.
Rompre les chiens se dit de la faute d'un Piqueur & Chasseur, lors qu'ils passent à travers des chiens, pendant qu'ils courent, & ainsi rompent leur course. Il faut quelquefois rompre les chiens, les menacer, les recoupler, & frapper à route, afin de suivre & relancer le cerf, qui leur a donné le change & les a fait tomber en defaut.
On dit figurément en ce sens rompre les chiens, quand on interrompt quelqu'un dans son discours, pour empêcher qu'il ne dise quelque chose desavantageuse, ou qu'il n'entreprenne quelque affaire.
Le droit des chiens est ce qu'on leur donne à la curée, comme la langue, le muffle, les oreilles d'un cerf.
Il y a enfin des chiens de chambre pour le divertissement des Dames, qu'on nourrit pour leur petitesse, & leur beauté, & qu'on appelle chiens de manchon, comme les chiens de Boulogne, d'Artois, épagneuls, bichons, barbets, levrons, chiens ras ou de Barbarie, &c.
Chien, se dit aussi par injure, & pour reprocher à quelqu'un ses defauts. Les Turcs nous appellent chiens, nous traitent comme des chiens. On appelle un chien de valet, un chien de Procureur, un chien de frippon. On appelle une femme paillarde une chienne, une carogne, une chienne chaude, chienne de voirie: ce qui se dit aussi des choses: voilà des beaux chiens de vers; voilà un beau logement de chien, un beau present de chien.
On appelle Cerbere le chien à trois têtes, que les Poëtes ont feint être commis à la garde des Enfers.
Le chien céleste est une constellation; il y en a deux; le grand chien, qu'on nomme autrement Sirius, est une constellation composée de 18 étoiles selon Ptolomée, de la nature de Jupiter & de Venus, dont la principale est tenuë plus grande que tous les autres Astres, même que le Soleil. La petite chienne, qu'on appelle autrement la canicule, on Procyon, n'a que deux étoiles, dont l'une est de la premiére grandeur, & de la nature de Mars, c'est celle qui cause les plus grandes chaleurs de l'Eté.
Chien de mer ou marin, est un poisson long & à museau pointu, qui a des dents, en Latin galeus. Le grand chien de mer qu'on appelle canis carcharias, a quatre ou cinq rangs de dents à chaque mâchoire, dont quelques-unes ont un pouce de long, & sont extrêmement rudes, tranchantes & pointuës, qui ne leur servent pourtant point à manger leur proye, parce qu'on a trouvé des hommes tout entiers dans leur ventre.
Chien de pistolet, est une piéce de fer mobile appliquée sur la platine d'un pistolet, d'un fusil, d'une arquebuse; elle tient la pierre & fait le feu, quand elle est lâchée. Il courut le pistolet bandé, la carabine à la main, avec le chien abattu, &c.
Chien se dit proverbialement en ces phrases; on dit de deux amis qui ne vont point l'un sans l'autre, que c'est saint Roch & son chien. On dit, qui aime Bertrand aime son chien, pour dire qu'il faut prendre les passions, les intérêts, & les sentimens de son ami. On dit d'un traître, d'un hypocrite, d'un flatteur, qu'il fait bien le chien couchant. On dit de deux ennemis, que leurs chiens ne chassent pas ensemble. On dit d'un homme odieux qui entre en quelque lieu, qu'il y est bien venu comme un chien dans un jeu de quilles. On dit des gens qui se haïssent, qu'ils s'accordent comme chiens & chats. On dit encore de celui dont on souhaite la mort, & qui échappe de quelque péril, qu'il mourroit plûtôt un bon chien de Berger. On dit qu'il vaut autant être mordu d'un chien que d'une chienne, pour dire que de quelque côté que vienne le mal, il est également sensible. On dit qu'il ne se faut pas moquer des chiens qu'on ne soit hors du village, pour dire qu'il ne faut pas choquer un homme tant qu'on est en un lieu, où il est le plus fort, où il nous peut nuire.
On dit à un glorieux qui se fâche, qu'on le regarde trop fixement, un chien regarde bien un Evêque. On dit encore, il ne faut pas tant de chiens aprés un os, pour dire qu'il est fâcheux de partager un profit avec beaucoup de personnes, ou d'être plusieurs à avoir les mêmes prétentions. On dit aussi, jamais à un bon chien il ne vient un bon os, pour dire que ceux qui ont bonne envie de travailler, n'en trouvent pas les occasions. On dit jetter un os à la gueule d'un chien pour le faire taire, ce qui a lieu au figuré, pour dire faire un present à quelqu'un pour l'empêcher de crier & de venir troubler quelque affaire importante. On dit qu'il n'est telle chasse que de vieux chiens, & qu'un bon chien chasse de race, pour dire que la naissance & l'experience donnent de grands avantages sur les autres. On dit d'un homme peu consideré, qu'il a du crédit comme un chien à la boucherie. On dit cela n'est pas tant chien, pour dire cela n'est pas mauvais. On dit qu'un homme n'est pas bon à jetter aux chiens, quand il a fait quelque lâcheté, quelque indignité. On dit, de celui qui a des prétentions à quelque chose, quoi que fort éloignées, qu'il n'en jette pas sa part aux chiens. On dit aussi, petit chien belle queuë. On dit à ceux qui ont une méchante cause, si vous n'avez pas d'autre filet vôtre chien est perdu. On dit d'un homme peu complaisant, qui ne fait rien de ce qu'on desire, que c'est un chien de Jean de Nivelle qui s'enfuit quand on l'appelle. Voyez l'origine de ce proverbe au mot de Jean. On dit d'un envieux qu'il est comme le chien du Jardinier, il ne mange point de choux, & ne veut pas que les autres en mangent. On dit de ceux qui entreprennent quelque chose au delà de leurs forces, qu'ils font comme les grands chiens, qu'ils veulent pisser contre les murailles. On dit des pécheurs qu'ils font comme les chiens, qu'ils retournent à leur vomissement. On dit de ceux qui font quantité de cris & d'imprécations inutiles, que ce sont des chiens qui aboyent à la Lune. On dit aussi de ceux qui font des menaces vaines, chien qui aboye ne mord pas. On dit aux gens quéreleux, que les chiens hargneux ont toûjours les oreilles déchirées. On dit des gens timides, entrez il n'y a point de danger, nos chiens sont liez: On dit aussi pour reprocher ou plaindre la misere de quelqu'un, on l'abandonne comme un pauvre chien, il mene une vie de chien; il n'a ni foy ni loy, il vit comme un chien; il est comme un chien à l'attache, il est las comme un chien, on l'a battu, on l'a étrillé comme un chien courtaut. Les coups de bâton sont pour les chiens. On dit d'un miserable qu'on abandonne, qu'on ne lui demande pas, és-tu chien, és-tu loup. On dit aussi quand on veut noyer son chien, on l'accuse de la rage. On dit d'un jeune étourdi, qu'il est foû comme un jeune chien, qu'il court comme un chien foû. On dit d'une chose tortuë, d'une jambe mal faite, qu'elle est droite comme la jambe d'un chien. On appelle figurément un chien au grand collier celui qui meine les autres, qui est principal dans une maison, dans une assemblée. On dit d'un homme accoûtumé à la fatigue, il y est accoûtumé comme un chien à aller nud tête, d'aller à pied. On dit encore tandis que le chien pisse le loup s'enfuit, pour dire que tous les momens sont précieux en certaines occasions. Un bon chien n'abboye point à faux, ce qui se dit au figuré d'un habile homme qui fait toûjours bien réüssir ses entreprises, parce qu'il sçait bien prendre son temps, & ménager les occasions. On dit battre le chien devant le lion, pour dire châtier un petit devant un plus puissant, qui a commis la même faute. On dit encore entre chien & loup, pour signifier le crepuscule, ou le temps sombre qui est entre le jour & la nuit, & où on ne peut discerner le chien d'avec le loup.
COCAGNE. s. f. C'est le nom qu'on donne en Languedoc à un petit pain de pastel avant qu'il soit réduit en poudre, & vendu aux Teinturiers: on en fait grand trafic en ce païs-là; & parce qu'il ne vient que dans des terres fort fertiles, & qu'il apporte un trés-grand revenu à ses maîtres, vû qu'on en fait jusqu'à cinq ou six récoltes par an; quelques-uns ont nommé le haut Languedoc un païs de cocagne. Et c'est là-dessus qu'est fondée la fable du Royaume de Cocagne, des païs imaginaires, où les habitans vivent fort heureux sans rien faire.
COCATRIX. s. m. Espece de basilic qui s'engendre dans les cavernes & les puits, en Latin Basiliscus, regulus. Il y a en la Cité de Paris un fief qui s'appelle Cocatrix, dans une ruë du même nom.
COHUE. s. f. Vieux mot qui signifioit autrefois l'assemblée des Officiers de Justice, que se faisoit en certain lieu pour juger les procés, comme on voit dans les Ordonnances de l'Echiquier de Normandie de l'an 1383. On s'en est servi depuis pour signifier le lieu destiné à tenir la Justice dans les Villages par des Juges pedanées, ainsi appellez à coëunte multitudine. Ménage témoigne que coüa a été dit autrefois pour halle; or c'est dans les halles que se tiennent la plûpart des petites Justices. On appelle encore la halle & cohuë de Quintin en Bretagne, le lieu où se font les publications de justice.
Cohüe, se dit figurément des assemblées tumultuaires où il n'y a point d'ordre, où chacun parle en confusion. On tenoit autrefois de belles conferences chez un tel, mais il y est venu tant d'impertinens, que cela est dégéneré en cohuë.
COULEUR. s. f. lumiére refléchie & modifiée selon la disposition des corps, qui les fait paroître bleus, jaunes, rouges, &c. & qui les rend objets de la vûë. Les experiences modernes ont prouvé clairement que les Anciens se sont fort trompez, en distinguant les couleurs en vrayes & en apparentes. Virgile a eu raison de dire que la nuit ôtoit la couleur à toutes choses. Il y a des couleurs simples, comme sont les cinq couleurs matrices des Teinturiers, dont toutes les autres dérivent; il y en a de composées, sçavoir le bleu, le rouge, le jaune, le fauve, ou couleur de racine, & le noir. A l'égard du verd il n'y a point dans la nature de drogue qui serve à teindre en cette couleur, mais on teint les étoffes deux fois, d'abord en bleu, & puis en jaune, & elles deviennent verdes. Du mêlange des premiéres couleurs il s'en fait un grand nombre, comme le violet, le gris de lin, incarnat, &c. expliquées à leur ordre. Le mercure est le fondement des couleurs, comme le sel des saveurs, & le soulfre des odeurs.
On appelle aussi couleurs simples, celles qui servent aux Enlumineurs & aux Peintres, qui viennent des vegetaux, & qui ne peuvent pas souffrir le feu, comme le jaune fait de safran ou de graine d'Avignon, la laque, & autres teintures extraites des fleurs. Les autres sont minerales, qui se tirent des métaux, & qui souffrent le feu; ce sont les seules propres à faire l'émail: ainsi on tire de l'or & du fer le rouge, de l'argent le bleu, du cuivre le verd, du plomb le blanc ou la ceruse, quand il est dissous avec le seul vinaigre; mais quand la ceruse a été cuite dans le fourneau, elle donne du massicot, & du minium quand elle est poussée davantage au feu.
Les Peintres distinguent aussi les couleurs en legéres & en pesantes; sous le blanc on comprend toutes les couleurs légéres. L'outremer est mis au rang des couleurs légéres. Sous le noir on comprend toutes les couleurs pesantes & terrestres. Le brun-rouge, la terre d'ombre: le verd-brun & le bistre sont les couleurs les plus pesantes & les plus terrestres aprés le noir. Les Peintres appellent aussi couleurs rompuës, les couleurs trop vives qu'ils affoiblissent par le mêlange d'autres plus sombres. On dit que l'azur d'outremer est rompu de laque & d'ocre jaune, pour dire qu'il y entre un peu de ces couleurs. Les couleurs rompuës servent à l'union & à l'accord des couleurs, soit dans les tournans des corps, soit dans leurs ombres. On appelle couleurs noyées, celles qui s'affoiblissent insensiblement, comme sont celles que forment les nuances. Et on appelle un ton de couleur, un degré de couleur, par rapport au clair obscur. Les couleurs changeantes sont celles qui dépendent de la situation des objets à l'égard de la lumiére, comme celle des taffetas changeans, de la gorge des pigeons, &c. néanmoins quand on regarde attentivement avec un bon microscope les plumes de la gorge d'un pigeon, on voit que chaque petit fil de ses plumes est composé de plusieurs petits carrez alternativement rouges & verds, & ainsi ce sont des couleurs fixes. Le Pere Kircher dit que les couleurs changeantes qu'on void sur les plumes des pigeons & des paons viennent de ce que ces plumes sont diaphanes, & d'une figure semblable à celle des triangles de cristal, ou primes de verre, qui étant opposez à la lumiére font voir des iris. Les couleurs fixes & permanentes ne se font point par des réflexions comme les changeantes, mais par le passage de la lumiére à travers certains corps, soit en les traversant entiérement, soit en se reflêchissant sur quelques-unes de leurs parties internes, ou aprés avoir un peu pénétré leurs superficies. Il y a deux ordres differens dans les couleurs, pour passer du blanc au noir; l'un est le blanc, le jaune, le rouge, & le noir; l'autre est le blanc, le bleu, le violet & le noir; c'est la doctrine du Sieur Mariotte dans l'excellent Livre qu'il a fait des couleurs. Il y a des couleurs ou teintures fixes, comme la teinture jaune de l'or, ou la bleuë du lapis lazuli, que le feu ne diminuë point, & il est trés-difficile de les tirer par les dissolvans ordinaires.
Couleur, se dit encore des corps solides, des drogues qui servent aux Peintres & aux Teinturiers pour faire paroître ces couleurs. Un Peintre prépare ses couleurs sur sa palette. On appelle de mauvais Peintres des broyeurs de couleurs; & quand on dit que l'air mange les couleurs, on entend que son intemperie détache de petits corps des sujets, sur lesquels elles avoient été attachées, lors de leur teinture.
Couleur, est quelquefois opposée au noir, parce qu'en effet le noir n'est pas une couleur, à cause qu'il imbibe toute la lumiére, & qu'il n'en refléchit aucune partie. En ce sens on dit que les gens de guerre, & les Courtisans portent des habits de couleur, & que les gens de robbe, ou d'Eglise en portent de noirs.
En approchant de ce sens on appelle couleur haute, couleur rude, couleur forte, gaye, couleur éclatante, couleur claire, celle qui refléchit à nos yeux plus de rayons de lumiére, comme la couleur de cerise, la couleur de feu, l'incarnat; & au contraire on appelle couleur douce, sombre, morne, triste, modeste, celle qui en refléchit le moins, comme le gris de lin, feüille-morte, couleur d'olive, couleur de pensée, &c.
Couleur d'eau, c'est un certain brillant violet qu'acquiert le fer bien poli, quand il a passé au feu dans un certain degré de chaleur.
On dit qu'on met une chose en couleur, quand on rafraîchit les peintures, quand on les décrasse, quand on y met du vernis, & autres drogues qui en font revivre, ou paroître les couleurs à demi effacées.
Nuance de couleurs, est une certaine disposition de la même couleur, mêlangée & montant par degrez depuis le plus clair jusqu'au plus obscur: leurs noms seront expliquez à leur ordre.
Couleur se dit aussi de la disposition du teint, du visage, & des chairs. Les gens qui se portent bien ont la couleur vermeille, sont hauts en couleur. Les Espagnols ont la couleur olivastre. Les filles qui ont leurs ordinaires ont la couleur plombée; celles qui sont trop amoureuses ont les pâles couleurs. Quand la cangrene paroît, elle rend la chair de couleur livide.
On le dit aussi des alterations qui se font au visage par les mouvemens interieurs de l'Ame. Un reproche veritable fait à un homme, le fait changer de couleur, il rougit de honte, & pâlit de colere. La couleur lui a monté au visage, pour dire il a rougi.
Couleur, se dit encore des changemens qui arrivent aux corps par la differente cuisson & application du feu, & sur tout en Chymie. Ce pain, ce rost est cuit, mais il n'a pas encore assez de couleur. Les Chymistes admirent les changemens de couleurs qui se font dans les métaux, & cherchent sur tout le beau rouge, le beau citrin, qui sont les couleurs de la Benoiste.
Couleur, en termes de Fleuriste, se dit d'une tulippe qui n'est que d'une couleur, dont la plus fantasque est la plus estimée: On a mis les panachées dans ces carreaux, & les couleurs sont dans les costieres.
Couleur, en termes de blason, est une des principales désignations des piéces de l'Ecu: On n'en admet que cinq, gueule c'est le rouge, azur le bleu, sinople le verd, le sable le noir, le pourpre est mêlangé de gueules & d'azur: leurs significations seront expliquées à leur ordre, c'est une maxime qu'il ne faut point mettre couleur sur couleur, ni métail sur métail.
COUPELLE. s. f. Petit vaisseau plat préparé pour essayer les métaux; il est fait de cendres de bois leger, comme aubier de chêne, & de cendres d'os sans moëlle, comme de pieds de mouton. Dans ce vaisseau on fait fondre l'or, ou l'argent qu'on veut éprouver, ou purger, sur un feu ardent de charbon, & on y mêle un peu de plomb, lequel s'imbibe dans ce creuset, ou s'évapore; & il emporte avec lui toute l'impureté du métail.
On dit figurément qu'un homme a passé par la coupelle, quand il a subi un trés-severe examen, quand il a été bien seigné, & bien purgé, aprés une grande maladie, comme on examine & on purge les métaux par la coupelle.
D.
DEGRÉ s. m. Terme d'Architecture, escalier, montée qui sert à monter & descendre du haut en bas d'un Bâtiment. Il y a un beau degré en rampe à la Chambre des Comptes. Un petit degré est fort commode pour dégager les appartemens.
Degré. Est aussi chaque marche d'un escalier: Il lui a fait sauter les degrez quatre à quatre.
Degré. Se dit figurément des choses qui servent de moyens pour parvenir à une plus haute, ainsi Corneille a dit d'Auguste dans le Cinna:
En Morale on dit qu'il faut aller de degré en degré, venir au dernier degré de perfection, au plus haut degré d'honneur, de gloire, de vertu: Venir d'Avocat Conseiller, Maître des Requêtes, Président; de Soldat, Enseigne, Lieutenant, Capitaine, c'est monter par degrez: On le dit aussi en mauvaise part. Il est méchant, avare, orgueilleux au dernier, au souverain degré.
Degré. Se dit aussi des marques, ou divisions de plusieurs choses, qui reçoivent du plus ou du moins, qui vont en descendant, ou successivement les unes aprés les autres: ainsi on dit en Théologie il y a plusieurs degrez de gloire dans le Paradis, plusieurs degrez de peine dans l'Enfer: les vertus Chrêtiennes sont autant de degrez pour monter au Ciel.
On appelle aussi degrez de Jurisdiction, les Tribunaux qui reçoivent l'appel des Justices inferieures. On a vû jusqu'à cinq degrez de Jurisdiction de Justices ordinaires: L'Ordonnance les a réduits à quatre.
Degré. Se dit aussi dans les Universitez, des Lettres qu'on donne à quelqu'un pour lui permettre d'enseigner, après qu'il en a été jugé capable par un long examen.
Le degré de Maître és Arts, de Bachelier, de Licencié, de Docteur; ces trois derniers se donnent en Théologie, en Droit Civil, & Canon, & en Medecine: Il a obtenu un Benefice en vertu de ses degrez.
Degré. En terme de Jurisprudence se dit des générations, suivant lesquelles on compte la proximité où l'éloignemcnt des parentez & alliances. L'Ordonnance a permis les récusations & les évocations jusqu'au quatriéme degré de parenté & d'alliance, c'est à dire, jusqu'au cousin issu de germain, & en matière criminelle jusqu'au cinquiéme degré: Un pere & son fils sont parens au premier degré. Le Droit Civil compte les degrez de parenté autrement que le Droit Canon, il n'en faut qu'un de celui-là pour en faire deux de ceux-ci. On dit absolument au Palais, il a des parens au degré, pour dire, il ne peut être juge.
Degré. En termes de Fauconnerie se dit de l'endroit où l'oiseau durant sa montée ou élevation en l'air tourne la tête, & prend une nouvelle carriere qu'on appelle second ou troisiéme degré, jusqu'à ce qu'il se perde de vûë au quatriéme.
Degré. En termes de Medecine, est une certaine extention des qualitez Elementaires, on ne les divise qu'en quatre, le poivre est chaud en un tel degré.
En termes de Phisique ancienne les mêmes qualitez sont divisées en huit: Le dernier ou souverain degré d'intention s'appelle dans l'Ecole ut octo: Le feu est chaud au huitiéme degré & sec au quatriéme.
En termes de Chymie on appelle donner le feu par degrez, lors qu'on ouvre ou qu'on ferme les regîtres ou trous, qu'on fait exprés dans les fourneaux, pour augmenter ou diminuer la violence du feu.
Degré. Se dit aussi des divisions des lignes qui se font sur plusieurs instrumens de Mathematique, comme sur l'Arbalête ou Bâton de Jacob. Il sert aussi sur les Thermometres, ou Barometres, à marquer par les divisions qui sont sur la table qui les supporte, les degrez de chaleur & de pesanteur des corps liquides, par le moyen desquels la Physique moderne a beaucoup encheri sur l'ancienne, pour la subdivision de ces qualitez.
Degré. En termes de Géometrie & d'Astronomie, c'est la division qu'on fait sur les cercles pour servir de mesure: tout cercle se divise en 360. degrez: Cet Astre est élevé de tant de degrez sur l'Horison, il décline de l'Equateur de tant de degrez de longitude & de latitude: Un angle droit est de 90. degrez. Ptolomée a observé qu'un degré sur la terre valoit 68. milles & deux tiers, mais les Arabes n'ont trouvé que 56. milles, quand ils l'ont observé exactement dans les plaines de Seniar par l'ordre d'Almamoum. Ptolomée contoit sur le pied de 500. stades pour degré. Le mille Arabique étoit égal à sept stades & demie. Mais voici des observations plus modernes & plus certaines, Fernel a observé qu'un degré d'un grand cercle de la terre contenoit 68096. pas Géometriques, qui valent 56746. toises, quatre pieds de Paris. Snellius a observé que ce degré étoit de 28500. perches du Rhin, qui font 55021. toises de Paris. Riccioli a fait le degré de 64363. pas de Boulogne qui font 62900. de nos toises; mais M. Picard de l'Academie des Sciences, l'ayant mesuré par ordre du Roi avec toute l'exactitude possible, a trouvé qu'il étoit de 57060. toises suivant l'étalon de Paris, lesquelles étant réduites à la mesure universelle ou invariable, qu'il établit sur la pendule qui a sa proportion avec la toise de Paris, comme de 881. à 864. le degré se trouve de 55959. toises de la mesure universelle. En voici la réduction juste à diverses mesures.
Chaque degré du grand cercle contient
| Toises du Chatelet de Paris | 57060. | |
| Pas de Boulogne | 58481. | |
| Verges de Rhin de 12. pieds | 29556. | |
| Lieuës Parisiennes de 2000. toises | 28. | 1/4 | 
| Lieuës communes de France de 2280 toises | 25. | |
| Lieuës de Marine de 2853. toises | 20. | |
| Milles d'Angleterre de 5000. pieds | 73. | 7/200 | 
| Milles de Florence de 3000. brasses | 63. | 7/10 | 
| La minute d'un degré de la terre est de 951. toises & la seconde de 16. toises. | 
DEVISE. s. f. Terme de Blason, ce mot se dit en général des chiffres, des caractéres, des rebus, des sentences de peu de mots & des proverbes, qui par figure ou par allusion avec les noms des personnes ou des familles, en font connoître la Noblesse ou les qualitez. La Devise en ce sens est d'un usage plus ancien que le Blason, & c'est d'elle que les armoiries ont pris leur origine; ainsi l'Aigle a été appellée la devise de l'Empire, & S. P. Q. R. étoit la devise du Peuple Romain, qui est encore aujourd'hui ce qui compose l'Ecu de la Ville de Rome. Les devises ont été de simples Lettres semées sur les bords des cottes d'armes, sur les haussures & dans les Banniéres; ainsi le K. a été la devise de nos Rois nommez Charles, depuis Charles V. jusqu'à Charles IX. Il y a eu aussi des devises par rebus, équivoques, ou allusions tant aux noms qu'aux armes, Messieurs de Guise ont pris des A. dans des O. pour signifier chacun A son tour, la Maison de Seneçay, in virtute & honore Senesce. Morlaix, s'il te mord, mord-le. Ceux qui ont eu des tours dans leurs armoiries, turris mea Deus, &c. Il y en a d'autres énigmatiques ou à demi mot, comme celle de la Toison d'or, Autre n'aurai, pour dire que Philippes le Bon qui institua cet Ordre, renonçoit à toute autre femme qu'à Isabelle de Portugal, qu'il épousoit alors. Les Devises contiennent quelquefois des proverbes entiers & sentences, comme celle de Cesar Borgia, aut Cæsar, aut nihil. On met les Devises des armes dans des rouleaux ou listons tout au tour des armoiries, ou bien en cimier, & quelquefois aux côtez & au dessous, & celles des Ordres sur leurs colliers.
Devise. En termes de Blason se dit de la division de quelques piéces honorables de l'Ecu. Quand une fasce n'a que la troisiéme partie de sa largeur ordinaire; elle s'appelle fasce en Devise, ou Devise seulement, & il n'y en doit avoir qu'une en écu. On le dit aussi du chef lors qu'on le pose en sa partie basse, & qu'il n'a que le tiers de sa largeur ordinaire, & alors on l'appelle chef du second surmonté ou chargé de tant d'étoiles, de molettes, ou autres meubles semblables. Ce mot de Devise s'est dit, parce qu'elle servoit à diviser, à separer, & à remarquer les gens & les partis, ce qui se faisoit par les habits, les livrées, les écharpes, & enfin par les paroles ou sentences particuliéres que les Chevaliers prenoient pour se faire remarquer. On les a en suite posées sur les Ecus, d'où sont venuës insensiblement les armoiries. On disoit en vieux François faire sa Devise, pour dire faire son testament ou la division de ses biens, comme on voir dans Villehardoüin.
On a appellé aussi autrefois Devise, les robes de deux couleurs, comme sont celles des Maires & Echevins, & des Huissiers & Bedaux des Villes, des Paroisses, & des Communautez de Marchands: Et cela par la même raison qu'elles étoient divisées en deux couleurs.
Devise se prend maintenant en un sens plus étroit, & signifie une embleme qui consiste en la representation de quelque corps naturel, & en quelque mot qui l'applique en un sens figuré à l'avantage de quelqu'un; le tableau s'appelle le corps, & le mot l'ame de la devise. On met des Devises sur les monnoyes, sur les jetons, sur les écus des Cavaliers, dans les ornemens des Arcs de triomphe, de feux d'artifice, & autres solemnitez. Les Devises sont des espéces d'images qui representent les entreprises de guerre, d'amour, de pieté, d'étude, d'intrigue, de fortune, &c. Les François sont les premiers qui ont fait des Devises, & les Italiens les premiers qui en ont donné des régles. Les Peres Menétrier & le Moine Jesuïtes ont écrit de l'art des Devises.
DRAGON. s. m. Serpent monstrueux qui est parvenu avec l'âge à une prodigieuse grandeur. Les anciens Naturalistes se sont égayez à décrire ce monstre en diverses maniéres, ils lui ont donné des aîles, des crêtes, des pieds & des têtes de differentes figures, jusques-là qu'Aldroandus fait mention d'un Dragon né de l'accouplement d'une aigle avec une louve, qui avoit de grandes aîles, une queuë de serpent & des pieds de loup: mais il est le premier à dire avec les modernes, que c'est un Animal chimerique, si on le prétend faire differer d'un vieux serpent. Quelques-uns mêmes ont dit qu'il y a en Afrique des Dragons volans, qui peuvent emporter un homme & un cheval, & qu'ils emportent souvent des vaches. Albert le Grand fait mention d'un Dragon de mer, semblable à un serpent qui a les aîles courtes & le mouvement trés-prompt, & si venimeux qu'il fait mourir par sa morsure. On appelle aussi la Vive, Dragon de mer, ou araignée de mer. Les Poëtes qui ont feint que le jardin des Hesperides étoit gardé par un Dragon, ont entendu la mer Oceane, qui fermoit l'entrée aux Iles fortunées ou à l'Amerique, d'où venoient de beaux fruits & où se trouvoient les mines d'or. On peint un Dragon auprés de sainte Marguerite, on appelle Dragon la gargoüille de Roüen. Voyez fierte.
Dragon. En termes de l'Ecriture se dit figurément du serpent infernal, de Satan. Ainsi quand il est dit dans l'Apocalypse, ch. 12. que le Dragon & ses Anges combattoient contre Saint Michel, il est expliqué aussi-tôt que c'étoit le Diable, & Satan. Et de même au ch. 13. quand il est dit, que le Dragon a été adoré, & pareillement quand il est dit dans les propheties d'Isaïe & de Daniel, que le Dragon a été blessé, a été mis à mort, cela s'entend du mystére de la Rédemption, qui a détruit l'Empire de Satan.
Dragon. Se dit hyperboliquement de ceux qui font les méchans & les difficiles à contenir dans le devoir: on le dit même des femmes & des enfans. Cette femme crie toûjours son mari, c'est un vrai Dragon. Cet enfant est un vrai Dragon, il est incorrigible & mutin.
Dragon. En termes de guerre est une sorte de Cavalier sans bottes, qui marche à cheval & qui combat à pied. On a beaucoup multiplié en France le corps de Dragons. Les Dragons sont postez à la tête du Camp, & vont les premiers à la charge comme les enfans perdus: ils sont réputez du corps de l'Infanterie, & en cette qualité ils ont des Colonels & des Sergens, mais ils ont des Cornettes comme la Cavalerie. Ménage dérive ce mot du Latin Draconarÿ, qu'on trouve dans Vegece dans la signification de Soldats, mais il y a plus d'apparence qu'il vient de l'Allemagne tragen, ou draghen, qui signifie Infanterie portée.
Dragon volant, est aussi un nom qu'on a donné à une ancienne coulevrine extraordinaire qui a 39. calibres de long, & qui tire 32. livres de balle, selon Hanzelet.
Dragon est aussi une maladie qui vient aux yeux des chevaux. Ce cheval a diminué de prix depuis qu'il lui est venu dans l'œil un dragon.
Dragons en termes de marine, ce sont de gros tourbillons d'eau qu'on trouve souvent sous la ligne, qui briseroient ou couleroient à fonds les Navires s'ils passoient pardessus, & les Mariniers ont la superstition de croire qu'ils les détournent à côté en battant leurs épées nuës en croix du côté d'où vient l'orage, comme dit François Peyrard.
Dragon est aussi une constellation celeste vers le Pole Arctique, ayant 31. Etoiles selon Ptolomée, 32. selon Kepler, & 33. selon Bayer, qui sont de la nature de Saturne & de Jupiter.
En terme d'Astronomie on appelle la tête & la queuë du Dragon, les points des intersections de l'Eclyptique par l'orbite des autres Planettes, & particuliérement par celle de la Lune. Le ventre du Dragon est l'endroit de ces cercles où se trouve leur plus grande latitude & éloignement; comme ces cercles marquent une plus grande enflûre au milieu qu'aux extrêmitez, cela a fait croire qu'ils avoient la figure d'un Dragon, ce qui les a fait nommer ainsi, & c'est dans ces seuls points d'intersection que se font toutes les éclipses; on les marque dans les horoscopes avec ces signes Ω tête de Dragon, ℧ queuë de Dragon: mais il n'y a rien de plus vain que les prédictions que font là-dessus les Astrologues, car en effet ces points n'ont aucune vertu, ni influence.
Dragon est aussi un méteore qui se forme de quelques nuées enflammées, qui jettent quelques étincelles qui ont divers plis, & qui imitent la figure d'un Dragon.
Dragon en termes de Blason, quand on le dit simplement, s'entend du terrestre, qui doit avoir deux pieds, & la queuë en pointe. Il y en a d'autres qu'on appelle monstrueux, qui ont des aîles; & qu'on appelle Dragonnez, les autres animaux qui sont peints avec des queuës de Dragons, ou de Serpens.
Sang de Dragon, Terme de Pharmacie. Les Anciens ont crû que le Dragon combattoit contre l'Elephant, qu'il lui suçoit tout son sang par les yeux & les oreilles, que l'Elephant tombant mort écrasoit le Dragon, & que de ce sang mêlé tombant sur la terre on en recueilloit ce qu'ils appelloient sang de Dragon, dont ils faisoient grand état; c'est ainsi qu'en parlent Solin, Pline, Isidore, & plusieurs autres aprés eux: mais ce combat est une fable inventée par les Marchands. On appelle aussi le Cinnabre sang de Dragon, selon Avicenne & Serapion. Mais le vrai naturel sang de Dragon est un suc, ou gomme d'un arbre nommé anchuse qui vient d'Afrique, & il s'en fait d'artificiel avec du santal, ou de la gomme de cerisier ou amandier dissoute & cuite dans la teinture du bois de Bresil. Cardan dit qu'il vient d'un autre arbre de l'Ile Zocotora.
Il y a un vray sang de Dragon dont François Cauche fait mention en son voyage de Madagascar. Il dit qu'on lui fit present de six morceaux de sang de Dragon, chacun long de trois pouces, ressemblans à des morceaux de boudin, marbrez comme le savon d'Alican, de rouge, de noir & de blanc, ce que les Habitans appellent onguent pour étancher le sang. Ils sont faits de feüilles pilées d'un arbre fort branchu & gros comme un poirier, qui a les feüilles longues & plus étroites que celles du laurier, ayant une odeur de violette, les fleurs sont blanches & odoriferantes, venant en bouquet, rondes & n'ayant que cinq feüilles bien ordonnées, elles se ferment la nuit & ne sont pas plus larges qu'un double; il sort du milieu un filet rougeâtre, qui se recoquille en telle sorte qu'il fait la figure d'un Dragon. Amatus Lusitanus, Mathiole & Bisciola, rapportent quelque chose de semblable, & disent qu'il y a de grands arbres à Madere, à Porto santo, aux Canaries & en Afrique, appellez Dragons & Draconaries, qui jettent en larmes des gouttes ou gommes rouges & luisantes, desquelles si on touche quelque chose, il y paroît une rougeur noirâtre, & qu'on nomme cette goutte le sang de Dragon. Ils produisent un fruit semblable à une cerise, qui a au dessous de la peau qui la couvre la figure d'un Dragon, aussi bien representé, que s'il avoit été taillé par un Sculpteur, avec la gueule ouverte, un long col & une longue queuë, ce qui a donné à l'arbre le nom de Dragon, & la couleur rouge de la gomme lui a donné le nom de sang.
Dragonné, adj. terme de Blason, qui se dit du lyon, ou autre animal qui est representé avec une queuë de Dragon.
Dragonneau, s. m. C'est selon quelques Medecins, un animal semblable à un ver long & large, qui se meut entre cuir & chair & qui vient aux jambes, & quelquefois aux muscles du bras. Il est ainsi nommé, parce qu'il a la figure & la tortuosité d'un petit serpent. Il paroît sur tout sous la peau des Côtes, & les Habitans des Païs chauds y sont fort sujets.
Drague, s. f. Outil qui sert à tirer du sable des riviéres, à curer les puits, & à tirer les immondices de quelque endroit. C'est une espéce de pelle de fer ayant une perche, ou un long manche de bois, qui a des rebords de trois côtez, & est platte par le devant pour enlever ce sable & ces ordures.
Drague est aussi un outil de Vitriers, ou pinceau qui leur sert à signer, ou à marquer leur verre.
Drague, s. m. terme de Marine, est un gros cordage dont on se sert sur les Vaisseaux, pour arrêter le recul des Canons quand ils tirent.
DROIT. oite. adj. & subst. Terme de Géometrie. Ce qui ne décline ni d'un côté, ni d'autre. Une ligne droite est la plus courte entre deux points. Le plus droit chemin, de droit fil. Ce mot vient de directus. Nicod.
Droit. Signifie aussi perpendiculaire, qui est à plomb. Un angle droit est un angle de 90. degrez, qui se fait quand une ligne tombe à plomb sur une autre. Ce mur n'est pas droit, il menace ruïne. Cette femme danse mal, elle ne se tient pas droite.
En termes d'Architecture on appelle pied droit, le rang de pierres, qui fait chacun des côtez d'une porte cochere. On le dit aussi des côtez, ou tableaux des fenêtres.
En termes d'Astronomie on appelle la Sphere droite, celle où l'Equateur coupe l'horison à angles droits, ou perpendiculairement, en laquelle les jours sont toûjours égaux aux nuits. L'ascension droite & oblique, voyez à leur ordre.
En termes de chasse on appelle le droit, lors qu'on est au vray chemin que la bête tient, & qu'on a redressé le change. Quand on a connoissance du droit, on sonne deux mots pour appeller les piqueurs. Les bons chiens connoissent le droit, courent bien le droit.
Droit. En termes de Medecine, c'est le dernier des boyaux ou intestins, parce qu'il s'étend tout droit depuis l'os sacré jusqu'au siége ou à l'anus, sans faire aucuns tours ni replis; sa partie inferieure, est serrée & fermée par des muscles qu'on nomme Sphincteres, c'est à dire, fermeurs ou tirans. Les Medecins appellent aussi Rectum.
On dit en généalogie, il descend en ligne droite ou en ligne collaterale d'un tel Prince.
Droit. Signifie aussi le côté où la main est ordinairement la plus forte, & de laquelle on se sert naturellement pour faire quelque ouvrage qu'on fait d'une seule main, en ce sens il est opposé à gauche. Le côté droit est le plus honorable. On donne la droite à ceux qu'on respecte. La main gauche, la main droite. On dit l'aîle droite, l'aîle gauche d'une Armée, d'un bâtiment.
Droit. En termes de manége se dit d'un cheval qui ne boite point, & qu'on garantit droit, chaud & froid, c'est à dire, qu'il ne boite point ni lors qu'il est échauffé, ni lors qu'il est refroidi. On dit aussi qu'un cheval est droit sur ses jambes, quand le devant du boulet tombe à plomb sur la couronne, en sorte que le canon & le paturon sont en ligne droite. On dit aussi promener un cheval par le droit, le guider droit, le faire partir & reculer droit, quand il va sur une ligne droite sans se traverser, ni se jetter de côté.
Droit. Se dit figurément en choses spirituelles. Cet homme a l'ame droite, a l'intention droite, pour dire il est bon & équitable, il a l'esprit droit, pour dire qu'il a l'esprit juste, qu'il ne s'égare d'un côté ni d'autre.
On dit aussi figurément d'un homme à l'égard d'un autre, que c'est son bras droit, pour dire que c'est son principal appui, celui qui luy sert dans ses principales actions.
Droit. s. m. Terme de Jurisprudence. Ce qui est juste, raisonnable, qui est établi par les Loix, qui rend à chacun ce qui lui appartient. Il y a trois sortes de droits, le droit de nature qui nous est connu par la seule lumiére de la raison, & qui est general à tous les hommes; le droit des gens qui s'observe dans presque toutes le Nations, comme de ne point violer les Ambassadeurs; & le droit de chaque Nation particuliére, qui a ses maximes & son gouvernement differens.
Droit divin, est celui qui a été ordonné & établi de Dieu, lequel nous a revelé sa volonté par ses Prophetes. Droit humain ou positif, celui qui a été établi par la police des hommes.
Droit Civil est proprement le Droit Romain contenu dans le Digeste, le Code & les Instituts, où sont les Loix Romaines compilées par l'ordre de Justinien. On l'appelle autrement droit écrit, & il y a plusieurs Provinces en France qui se gouvernent par le droit écrit, le Lyonnois, le Languedoc, &c.
Le Droit écrit qui est établi dans la Gascogne, vient de ce que les Visigots ayant vécu sous les Coûtumes anciennes du païs d'Aquitaine jusqu'à la vingt-deuxiéme année du Régne d'Alaric II. il ordonna que le Code Théodosien, réformé par Aman l'un de ses principaux Conseillers, fût observé par tout le païs de son obéïssance. Pasquier.
Droit Canon, est le droit Ecclesiastique qui est reçû en France, à l'exception de quelques cas contraires aux libertez de l'Eglise Gallicane. Le Droit Canon consiste premiérement au decret, qui a été compilé par Gratien Boulonnois du temps de Louïs VII. qu'il divisa en deux parties, l'une de distinctions & l'autre de questions. Il est composé de plusieurs Canons des Conciles, des décisions & autoritez des Peres, dont la premiére compilation a été faite du temps de Clovis par Isidore Evêque de Seville, selon l'ordre des dattes; la seconde du temps du Roi Robert par Burchard, sous le nom de decret, qu'il divisa en vingt Livres; la troisiéme sous Philippes premier, par Yves Evêque de Chartres, qu'il fit en dix-sept Livres, où il mêla plusieurs Loix du Code Theodosien & des Capitulaires; & enfin celle de Gratien ci-dessus. La seconde partie contient les Decretales de Gregoire en cinq Livres, & la troisiéme partie le Sexte de Boniface VIII. les Clementines du Pape Clement V. qui furent mises en lumiére par Jean XXII. son successeur; & en fin les Extravagantes du même Jean XXII.
Droit. Signifie aussi la Jurisprudence, les Ecoles de droit, les régles du droit, une question de droit, une présomption de droit, cela est de droit. On appelle droit étroit, la rigueur de droit, ce qui ne reçoit point d'extension. Cela est fondé en droit & raison, est jugé selon droit & raison. On appelle un sifleur de droit, celui qui le montre en chambre; un Professeur de droit, celui qui l'enseigne publiquement.
Droit Coûtumier, est celui de plusieurs Provinces qui ont conservé leurs Coûtumes particuliéres, lesquelles ont été rédigées par écrit, & réformées de temps en temps. Paris, la Normandie, la Bretagne, sont des païs de droit coûtumier.
Droit commun, est le droit ordinaire & fondé sur les maximes générales, qui est opposé aux privileges qui en font exception.
Droit signifie encore autorité, puissance. Les Anciens avoient droit de vie & de mort sur leurs Esclaves. Il n'y a en France que le Roi qui ait ce droit-là sur ses Sujets.
Droit signifie aussi une puissance qu'on a de donner ou de faire quelque chose. Le Pape a conferé ce Benefice de plein droit, ou par droit qui lui a été dévolu. Un Prélat n'a pas droit de faire les Ordres hors de son Diocese, sans permission.
Droit. Signifie aussi action qu'un homme peut poursuivre en Justice, pour demander un bien qui lui appartient. Chacun est reçû à poursuivre ses droits en Justice. Un cessionaire de droits litigieux. Une fille majeure usante & joüissante de ses droits. Je suis en droit, en possession de passer sur cette terre. C'est un droit acquis, un droit hereditaire. Il a épousé cette fille avec ses droits. Il est subrogé en tous ses droits, noms, raisons, & actions. Il exerce les droits de son debiteur, il les poursuit au lieu de lui. Il a été pourvû de cette Charge avec tous ses droits, profits & émolumens.
Un droit de bannalité, de pressoir, de four, de moulin. Un droit d'aubeine, de désherence.
Droit. Signifie aussi titre qu'on a pour posseder quelque chose, ou y prétendre. Il y a plusieurs prétendans droit à ce Benefice, l'un comme résignataire, l'autre comme indultaire. Il a accumulé droits sur droits. Il a dit cela par surabondance de droit. Cela lui appartient de droit. Il a le droit d'ancienneté. Les Princes ont le droit de bien-seance, de represailles, &c.
Droit. Signifie aussi redevance, chose qu'on possede avec un titre. René Chopin a écrit des droits du Roi, des droits Domaniaux. Les droits de cens, surcens, dixmes, champarts, de lods & ventes, de rachapt &c. sont droits Seigneuriaux. Le Seigneur saisit le fief, faute de droits & devoirs non faits & non payez. Droits honorifiques & de patronage, sont ceux qui sont dûs aux Fondateurs des Eglises, aux Seigneurs hauts Justiciers. Le droit de Régale est un droit du Roi de pourvoir aux Benefices, le Siége Episcopal vacant.
Droit. Se dit aussi de toutes sortes d'impositions établies pour soûtenir les charges de l'Etat. On a établi un droit sur le vin, sur le bois, sur telle marchandise. L'ancien & le nouveau droit du pied fourché. Il ne faut pas frauder les droits du Roi.
Droit. Signifie aussi salaire qu'on taxe, ou qui est ordonné à quelqu'un, pour ses peines & vacations. Le droit du Greffe, du Controlle, de la signature d'un Arrêt. Droit de consultation, de revision dû aux Procureurs. On appelle droit d'avis la paraguante qu'on est obligé de donner à celui qui a été cause qu'une affaire a réüssi, qui en a donné le premier avis.
Droit. Signifie aussi un privilege accordé par le Roi ou par la Loi, qui donne prérogative à quelqu'un, pour excepter du droit commun de la Régle générale. Droit de Committimus. Droit de franc salé. Droit d'entrer aux Etats. Droit de Bourgeoisie. Droit d'aînesse.
En terme de pratique on dit être à droit, pour dire comparoître en jugement pour y être interrogé. Appointement en droit, c'est un réglement qu'on donne aux parties pour écrire & produire sur quelque question de droit, ou en premiére instance. Appointement à ouïr droit, est le réglement qu'on donne en matiére criminelle, aprés la confrontation pour ouïr le jugement. On dit aussi qu'on a fait droit sur le tout, pour dire qu'on a prononcé sur toutes les demandes. On dit aussi, sans garder ordre de droit, ni forme de justice. On dit aussi, prendre droit par les charges, pour dire s'en rapporter aux témoins, sans préjudice du droit des parties au principal. Le Roi finit ainsi ses Lettres Patentes, sauf en autre chose nôtre droit, & l'autrui en toutes. On dit aussi deffendre ses droits, user de son droit, renoncer à son droit. C'est un passe-droit, une grace, une faveur.
Droit. En termes de chasse signifie la part de la bête défaite qui appartient aux veneurs, ou aux chiens. Le pied droit du Cerf est celui qu'on offre au Roi, ou au maître de la chasse. Le droit des chiens est ce dont on leur fait curée. On dit aussi en Fauconnerie le droit de l'oiseau, lors qu'on le paît de ce qu'il a volé, comme la tête, la cuisse, le cœur, le foye de la perdrix, l'aîle de la corneille, &c.
Droit adverbial, d'une maniére droite. Cet homme va droit au but. Il lui a tiré droit dans la tête. Il faut marcher droit, aller droit avec lui. Il va droit en besogne. Il a mis tout droit la main dessus, il veut avoir cela à tort, ou à droit. On dit aussi à bon droit, pour dire avec raison, avec juste cause. On dit aussi à droit, à gauche, pour dire qu'il faut tourner de ce côté-là.
On dit proverbialement que, où il n'y a pas de quoi, le Roi perd son droit, pour dire qu'il est inutile de plaider contre des insolvables; que bon droit a besoin d'aide, pour dire qu'il ne faut pas négliger la sollicitation des meilleurs procés. On dit aussi, c'est le droit du jeu, pour dire on a accoûtumé d'en user ainsi. On dit encore qu'un homme est droit comme un jonc, comme un échalas, comme un cierge, comme un sapin, pour dire qu'il se tient bien droit. On dit ironiquement, cela est droit comme la jambe d'un chien.
DUEL. s. m. Combat de particuliers assigné à certain lieu & heure, en suite d'un appel ou d'un défi. Les Duels étoient autrefois permis pour défendre, ou accuser en Justice dans les cas dont on ne pouvoit avoir de preuve: Le Duel étoit un moïen si ordinaire pour vuider les differens des Nobles, qu'on n'en dispensoit pas même les Ecclesiastiques, & afin qu'ils ne se soüillassent pas de sang, on les obligeoit seulement de donner des gens, &c.
E.
EAU. s. f. C'est le troisiéme des quatre anciens Elemens, qui est froid & humide par sa nature: ce nom se donne à tous les corps clairs & liquides qui coulent sur la terre, comme eau de mer, de riviére, de fontaine, d'étangs, de sources, de cîternes, de puits. Cela est clair comme eau de roche. Thalés soûtenoit que l'eau étoit le principe de tous les corps, & cette opinion a été renouvellée en nos jours par Robert Flud, qui en a fait un sistême compris en plusieurs volumes. Ce mot est dérivé du Latin aqua, d'où on a fait premiérement aiguë, témoin aiguës mortes, aiguë perse, aiguë belette; en suite on a dit ayve & ayau, qu'on dit encore en quelques lieux, dont enfin on a fait eau. Borel dit que ce mot vient du vieux gaulois aven ou avon, qui signifioit autrefois riviere, d'où sont venus les noms des Villes Gandavum, Genabum, & autres.
On dit en général aller par eau, pour dire naviger, voyager sur la mer, sur les lacs, & sur les rivieres. Passer l'eau, c'est à dire, de l'autre côté de la riviere. Les eaux sont débordées, sont cruës.
On dit qu'une chose ne sent que l'eau, quand elle n'a ni sel, ni saveur. Jeûner au pain & à l'eau. On a observé que l'eau d'une fontaine est d'un autre poids à sa source qu'à quelque distance de là, & qu'aprés son dégel elle est d'un autre poids qu'elle n'étoit auparavant. Une pinte d'eau du Gange est plus legere d'une once, que quelque autre eau que ce soit: le Mogol n'en boit point d'autre, en quelque lieu qu'il se trouve.
Eau en particulier se dit de la pluye. Ce nuage épais nous menace d'eau; il tombe de l'eau; une ondée d'eau.
L'Ecriture distingue les eaux qui sont au dessus du Firmament, & celles qui sont au dessous; ici le Firmament est pris pour l'air. L'Esprit de Dieu étoit porté sur les eaux.
Eau, en termes de Théologie, se dit premiérement de celle avec laquelle on baptise. Le pécheur est régénéré par les eaux du Baptême, par les eaux de la grace.
Eau benîte, est une eau qui se fait dans l'Eglise avec certaines priéres, exorcismes, & cérémonies; on la prend à l'entrée & au sortir de l'Eglise. L'eau benîte de Pâques est celle qu'on préparoit autrefois, seulement pour baptiser les enfans. Celle de la Pentecôte & celle qu'on fait tous les Dimanches sert pour la dévotion, pour effacer les péchez veniels, chasser les démons, préserver du tonnerre, &c.
On appelle aussi eau benîte, cette cérémonie & ces priéres qui se font les Dimanches avant la grande Messe pour benir l'eau, comme voilà l'eau benîte qui sonne.
Dans le Livre des Nombres il est fait mention d'une eau, qui servoit à éprouver si une femme étoit adultere. Chez nos Anciens on faisoit la preuve des crimes par l'immersion du corps, ou du bras dans de l'eau chaude, ou dans de l'eau froide avec plusieurs cérémonies Ecclesiastiques; ce qui a encore lieu chez plusieurs Nations. Voyez Preuve.
En dévotion il y a de l'eau de S. Clair qui guérit du mal des yeux, de l'eau de sainte Geneviefve qui guérit la fiévre. Chez les Payens on appelloit l'eau lustrale, une eau qu'ils préparoient avec plusieurs cérémonies à leur mode.
Eau en termes de Physique, se dit aussi des humiditez qui sortent des corps, comme de l'urine & de la sueur. Il est allé faire de l'eau, lâcher de l'eau, un filet d'eau; il ne peut tenir son eau. Cette course, cet accés de fiévre l'a mis tout en eau. On le dit aussi de l'eau qui est enfermée dans quelque bube ou vessie, ou entre cuir & chair qui forme l'hydropisie. Il a vuidé quantité d'eaux. Il lui est tombé des eaux sur les jambes; ce qui se dit plus ordinairement des chevaux, quand il leur tombe de mauvaises humeurs sur le boulet & le paturon. On dit fondre en eau, pour dire pleurer abondamment.
En termes de Marine on dit faire de l'eau, pour dire faire aiguade, faire ses provisions d'eau douce au milieu d'un voyage de long cours. Ce Navire fait eau, c'est à dire, que l'eau entre dans le Navire par quelque ouverture, ou voye d'eau. Ce Vaisseau tire tant d'eau, pour dire enfonce dans l'eau de tant de pieds. Il faut attendre le vif de l'eau, ou la haute eau, pour dire la pleine marée: on dit au contraire basse eau, ou eau morte dans le reflus, lors que la marée est basse, & que la mer refoule. Les eaux vives régnent trois jours devant & trois jours après la nouvelle ou pleine Lune. Les eaux mortes viennent aprés les six jours qu'ont occupé les eaux vives. Ce Vaisseau alloit à fleur d'eau, c'est à dire, n'avoit guéres de bord hors de l'eau. Ce Navire étoit percé à l'eau, c'est à dire, dans les œuvres vives, ou qui plongent dans l'eau. On dit aussi qu'un Navire est sur l'eau d'un autre, pour dire qu'il suit son cours, son sillage. On dit aussi mettre un Navire à l'eau, le pousser à l'eau, quand du chantier où il étoit pour le bâtir ou le radouber on le pousse dans la mer. Des courans d'eau, ce sont des mouvemens d'eau impetueux, qui se trouvent le long des côtes ou détroits, & qui naissent de leurs sinuositez. Le courant de l'eau, ou le fil de l'eau se dit seulement de l'endroit des riviéres où l'eau est la plus forte. On appelle aussi chef d'eau la haute marée, & dans la bonasse on dit que l'eau est platte & courtoise.
On dit en termes d'hydrauliques conduire les eaux, pour dire les enfoncer dans des tuyaux ou canaux & élever les eaux par des machines, comme par des pompes qui l'élevent par aspiration jusqu'à trente-deux pieds, ou par compression en pressant l'eau pour l'élever si haut qu'on veut, parce que l'eau ne se condense jamais. Faire un jet d'eau, c'est élever l'eau & la faire jaillir en l'air. Un boüillon d'eau, est celui qui ne s'éleve guéres au dessus du tuyau. Une chute d'eau ou cascade. Une nappe d'eau se dit, quand l'eau s'étend comme une nappe sur une pierre d'où elle tombe. Un Soleil d'eau, quand les jets se distribuent en rayons. Une verge d'eau, quand il y a grand nombre de tuyaux prés l'un de l'autre qui jettent de l'eau ensemble. Un berceau d'eau, quand il y a des jets d'eau à droit & à gauche qui se courbent en arc par dessus la tête. Un rond d'eau, un réservoir d'eau, ou un regard, un pouce d'eau. Bernard Palissi, Jacques Buffon, Serlio & le théatre d'Agriculture, ont écrit de l'art de conduire les eaux, de trouver des sources & des fontaines.
En Medecine on appelle eaux cordiales, certains remédes qui confortent le cœur. Eaux minerales, celles qui servent de reméde, & qui ont contracté quelque vertu en passant à travers des mineraux, comme alun, vitriol, soulfre. Les eaux de Bourbon, de Forges, de Spa, de Pougues; & on dit absolument il est allé aux eaux, on lui a donné les eaux. Eau panée, eau battuë, est celle où on a mis tremper du pain, ou qu'on a battuë, pour lui ôter sa crudité. Eau ferrée, celle où on a atteint une bille d'acier rougie au feu. On dit aussi saigner le pied en l'eau.
Les Apothicaires font aussi des eaux cephaliques, ophthalmiques, thoraciques, stomachiques, hepatiques, spleniques, nephretiques, hysteriques, arthritiques, & autres contre plusieurs maladies, que l'on peut voir dans la Framboisiere & les dispensaires.
En termes de chymie on appelle aussi eaux, les sucs qui se tirent par la distillation ou avec la force du feu, comme eau de senteur, de rose, de fleur d'orange, de naphte. Eau d'ange, eau de plantin.
Eau forte, ou eau ardente ou caustique, c'est de l'eau qui se fait par la distillation du vitriol seul, ou avec alun & salpêtre, qui est la base ordinaire des eaux fortes, ou avec d'autres sels mêlez ensemble, elle sert à graver & dissout tous les métaux: à la réserve de l'or, on l'appelle en Latin aqua stygia.
Eau philosophique, ou des deux champions, est celle qui se fait avec du salpêtre & du sel armoniac.
Eau seconde, est l'eau forte qui a déja servi à la dissolution de quelques métaux, qui par ce moyen a perdu une partie de sa force.
Eau régale ou de départ, c'est de l'eau forte dans laquelle on a ajoûté en la faisant du sel commun, du sel gemme, ou du sel armoniac, laquelle en ce cas dissout l'or sans toucher aux autres métaux; toutes ces eaux s'appellent aussi menstruës ou dissolvantes.
Eau de la Reine de Hongrie, est une distillation qui se fait au bain de sable, des fleurs de romarin, mondées de leur calices sans aucune partie de l'herbe, dans de l'esprit de vin bien rectifié; on l'appelle ainsi à cause du merveilleux effet, qu'en ressentit une Reine de Hongrie à l'âge de 72. ans.
Eau imperiale, c'est de l'eau distillée de noix muscade, écorce de citron, cloux de girofle, feüilles de laurier, d'hyssope, de thim, de marjolaine, de sauge, de romarin, de lavende, des fleurs d'orange, &c.
Eau stiptique, est celle qui est faite avec une dissolution de vitriol.
Eau de vie, c'est du vin qu'on fait distiller dans un matras au bain marie, ou à petit feu de flamme, & qu'on réduit environ à la sixiéme partie, le reste est une flegme insipide: on fait passer le col du matras en serpentant dans un tonneau d'eau froide, pour le refroidir plûtôt; quand cette eau de vie est distillée encore une fois & réduite à la septiéme partie, on a de l'esprit de vin, lequel étant derechef distillé, donne de l'esprit de vin rectifié.
Eau gommée, c'est celle qui se fait en y laissant tremper de la gomme arabique enfermée dans un morceau de linge: les femmes en font aussi pour gommer leurs cheveux, en y laissant tremper des pepins de coin.
Eau de blanc d'œuf, c'est de l'eau qui se fait en foüettant bien le blanc d'œuf, ou bien en le faisant abreuver par une éponge plusieurs fois, & l'épreignant aussi-tôt, puis la faisant couler par le papier gris, c'est une eau jaunâtre qui est la plus fine de toutes les colles.
Les Limonadiers font aussi des eaux, pour chatoüiller le goût, des eaux de cerise, de groseille, de frangipane, qui sont des eaux succrées & parfumées où on a mis des groseilles, des cerises, des parfums.
Eau, se dit aussi du suc de quelque fruit que ce soit: cette poire est de bonne eau.
En termes de Joüailliers on appelle eau l'éclat des perles & des diamans, qu'on suppose être faits d'eau. Cette perle est de belle eau: l'eau de ce diamant est trouble. Donner l'eau à un drap, c'est le lustrer, le calandrer. On dit aussi des cuirs quand ils sont à la tannerie, qu'on leur donne plusieurs eaux pour les préparer.
En Astronomie on appelle un signe celeste, le verseur d'eau qui est l'onziéme à compter d'Aries.
Eaux, se dit au plurier en ces phrases: le grand Maître des eaux & forêts prend la qualité d'Enquêteur & de Réformateur des eaux & forêts. Les maîtrises particuliéres des eaux & forêts, la réformation générale des eaux & forêts, ce sont des Officiers, ou des Jurisdictions qui jugent des causes concernant les eaux & les forêts. Intendant des eaux, celui qui a soin de faire aller les eaux des Maisons Royales.
Eau, se dit proverbialement en ces phrases. Un Medecin d'eau douce, c'est à dire un mal-habile Medecin qui n'a pour reméde que de l'eau douce. On dit qu'un homme a mis de l'eau dans son vin, pour dire qu'il est revenu de son emportement. Ses desseins vont à vau l'eau, pour dire ne réüssissent pas. L'eau lui en vient à la bouche, pour dire cela lui donne l'envie d'en tâter. On dit d'un homme qui fait beaucoup de complimens ou de promesses, sur lesquelles il ne faut pas faire grand fondement, que c'est de l'eau benîte de Cour, parce qu'on n'est point chiche de belles promesses à la Cour, non plus que d'eau benîte à l'Eglise. On dit d'un homme dont le mérite n'est point connu, qu'il faut qu'il fasse voir de son eau, pour dire qu'il fasse voir ce qu'il sçait faire. On appelle des gens de delà l'eau, des gens grossiers & mal instruits des nouvelles & des affaires du temps. Les eaux sont basses, pour dire qu'on n'a point de fonds, point d'argent en bourse. Suer sang & eau, pour dire faire un effort, ou un travail extraordinaire pour parvenir à quelque chose. On appelle un beuveur d'eau, un homme froid & incapable de grandes affaires. On dit faire venir l'eau au moulin, pour dire faire venir du profit, de l'argent à la maison. Nager en grande eau, pour dire être en fortune, dans les grands emplois: il est heureux comme le poisson dans l'eau, pour dire il est en son élevement où il se plaît, ou il est bien.
Revenir sur l'eau, se dit d'un homme qu'on croyoit abîmé, & qui rétablit ses affaires, & r'entre dans le négoce. On dit aussi rompre l'eau à quelqu'un, pour dire apporter quelque obstacle à sa fortune, à ses affaires, ce qui se dit au propre des chevaux, qu'on oblige à boire à plusieurs reprises. On dit qu'un valet est allé à la bonne eau, pour dire qu'il est trop long-temps à revenir d'un message. Laisser courir l'eau, pour dire ne se pas soucier comment vont les affaires. Battre l'eau, pour dire travailler inutilement. On dit encore, tant va la cruche à l'eau qu'enfin elle se brise, pour dire qu'à la fin on périt dans les dangers, où on s'expose trop souvent. Nager entre deux eaux, c'est à dire, être incertain quel parti ou opinion on doit suivre. Pêcher en eau trouble, c'est à dire, profiter du desordre du temps, du mauvais état d'une famille. On dit encore d'un homme malheureux, qu'il se noyeroit dans un verre d'eau, d'un avare, qu'il ne donneroit pas un verre d'eau, qu'il ne donne rien du tout; d'un mélancolique & méchant, que c'est une eau dormante, qu'il n'y a point d'eau pire que celle qui dort; d'un homme inutile, qu'il ne gagne pas l'eau qu'il boit.
Porter de l'eau à la mer, c'est à dire, donner à quelqu'un des choses dont il n'a déja que trop. C'est une goute d'eau dans une mer, c'est à dire, que ce qu'on met dans quelque chose ne la fait pas paroître davantage. Il n'y fera que de l'eau toute claire, pour dire qu'il ne réüssira pas en telle affaire. On dit de deux gemeaux, qu'ils se ressemblent comme deux goutes d'eau; de deux personnes qui se haïssent, que c'est le feu & l'eau; d'une affaire qui n'a point réüssi, tout s'en est allé en eau de boudin, ou à vau l'eau; d'un homme niais & innocent, qu'il ne sçait pas l'eau troubler. Tenir le bec en l'eau, c'est à dire, amuser long-temps une personne sans lui tenir ce qu'on lui fait esperer. On dit aussi d'un homme officieux, qu'il se mettroit dans l'eau jusqu'au cou pour servir ses amis; d'un homme qui se noye, que l'eau est entrée dans ses souliers par le collet de son pourpoint. On dit des enfans, qu'il les faut garder de feu & d'eau, jusqu'à sept ans. On dit encore ce crime est si grand, que toute l'eau de la mer ne suffiroit pas pour le laver; & au contraire il fait aussi peu de scrupule de cela, que de boire un verre d'eau. On dit aussi si on l'envoyoit à la riviere il ne trouveroit point d'eau, pour dire qu'il ne pourroit pas trouver les choses les plus communes. On dit aussi il passera bien de l'eau sous les ponts entre ci & là, pour dire cela n'arrivera de long-temps. On dit aussi gare l'eau là bas, quand on veut jetter par les fenêtres quoi que ce soit.
Eau benîtier, termes d'Orfévres, ils nomment ainsi les vaisseaux d'argent qu'ils préparent pour mettre de l'eau benîte: ils doivent être contre-marquez au corps, au collet de pied & goupillon; à l'égard de la gorge, creux ou panache, quarré de pied ou anse, ils sont seulement marquez du poinçon du maître.
Ebe. s. f. terme de Marine, c'est le reflus de la mer, la basse marée ou l'eau morte, lors que la mer refoule & s'en retourne. Il est opposé au flot & au montant; on l'appelle autrement jussant.
ELECTUAIRE. s. m. terme de Pharmacie, c'est un médicament composé de poudres, ou d'autres drogues incorporées avec du miel & du sucre; il est ainsi nommé à cause que les parties qui le composent doivent être curieusement choisies, il est de consistance moyenne entre les opiates, les lenitifs & les confections; il y en a deux sortes, les mols sont en consistance d'opiate, & se font de trois onces de poudre sur une livre de miel écumé; les solides se font en forme de tablettes, où on met trois onces de poudre sur une livre de sucre clarifié, dissous en quelque liqueur & cuit en suite en perfection: sous les especes d'électuaires on met le mithridate, la theriaque, la confection Hamec, celle d'Akermes, le catolicon, le diaprunum, diaphœnicum, diacartami, diatragagant, &c. qui sont expliquez à leur ordre.
L'hiere picre de Galien, est mise aussi au rang des électuaires; il y a un électuaire de citron qu'on nomme de Guy de Cauliac, fameux Chirurgien, qui l'a mis le premier en vogue, la benedicte de Nicolas, & autres.
ELIXIR. s. m. terme de Medecine, c'est une liqueur spiritueuse destinée à des usages internes, contenant la plus pure substance des mixtes choisis, qu'on lui a communiquée par infusion & maceration. Les esprits tirez des vegetaux, ou leurs eaux spiritueuses sont d'ordinaire la base des elixirs, & les menstruës dont on se sert pour dissoudre & retenir la vraye essence des médicamens, qui entrent dans leur composition. L'esprit de vin est l'elixir, le menstruë, le plus commode de tous. L'elixir approche beaucoup de la nature des teintures.
Elixir de propriété, est un reméde inventé par Paracelse, composé d'esprits de soulfre, d'aloës, de myrrhe, de safran, &c. dissous par un puissant dissolvant nommé alkaest. Crollius veut que cet elixir soit le baume des Anciens, & contienne toutes les vertus du baume naturel.
Elixir, terme de chymie, c'est la substance la plus subtile interne & specifique de chaque corps, qui en est comme l'essence. Les charlatans abusent beaucoup de ce nom, & le donnent à plusieurs simples extraits pour vendre plus cher leurs drogues: on l'appelle autrement quinte-essence. Ménage tient que ce mot vient de l'Arabe elexir, qui signifie proprement fraction, à cause que l'elixir a la force de rompre les maladies, & de rompre les métaux en les dissolvant: d'autres le dérivent avec plus d'apparence de l'Arabe alechstro, qui signifie une extraction artificielle de quelque essence: d'autres veulent qu'il vienne du Grec elayon, & syro, comme une extraction d'huiles, qui est la partie essencielle des mixtes: d'autres enfin du verbe Grec alexeo, à cause du grand secours qu'on reçoit des elixirs. D'autres appellent elicsir, une prétenduë poudre qui convertit les métaux en or, qu'on appelle poudre de projection.
EOLIPILE. s. f. Terme des Hydraulyques. C'est une petite boule de fer ou de cuivre, ayant une queuë où il y a un fort petit trou pour la charger: on la chauffe pour rarefier l'air qui est dedans, & puis on la jette dans l'eau. Il y en entre autant qu'il faut pour remplir le vuide que laisse l'air condensé par la froideur de l'eau; & quand cette boule est derechef mise au feu, il en sort du vent, avec une impetuosité & une durée qui surprennent. On la nomme autrement poire à feu. C'est par la comparaison de ces éolipiles, que Descartes explique admirablement bien la cause naturelle des vents.
EPACTE. s. f. Terme de comput Ecclesiastique, c'est la difference de l'année Lunaire, qui n'est que de 354. jours d'avec l'année Solaire, qui est de 365. jours. Cette difference fait que les nouvelles Lunes reculent tous les ans d'onze jours. On trouve l'âge de la Lune en ajoûtant l'épacte de l'année au nombre des jours du mois où on est, & au nombre des mois écoulez depuis celui de Mars. En observant aussi de retrancher trente jours quand ces trois sommes ajoûtées vont au-delà. Le cicle des Epactes est de dix-neuf ans, répondant au nombre d'or, ou cicle Lunaire, aprés lequel toutes les Lunations reviennent au même jour.
Eparer. v. n. Terme de manége, qui se dit d'un cheval qui détache des ruades, & qui nouë l'aiguillette; un cheval doit s'éparer de toute force à l'air des cabrioles.
Epanorthose. s. f. Terme de Réthorique, c'est une figure, par laquelle on corrige, ou on révoque ingenieusement ce qu'on avoit auparavant allegué.
EPHEMERE adj. Terme de Medecine, qui ne dure qu'un jour, il se dit en cette phrase, fiévre Ephemere. La fiévre Ephemere des Anglois est une espéce de peste.
Ephemere. En termes de Botanique, est une flambe sauvage, ses feüilles sont semblables à celles du lis, quoi que plus menuës, sa tige pareillement. Sa fleur est blanche & amére, sa graine est tendre, sa racine est grosse d'un doigt, longue, astringeante & odorante. Mathiole dit que l'Ephemeron de Dioscoride est le colchicum, qui est un poison croissant au païs de Colchos, il est si dangereux qu'il fait mourir en moins d'un jour ceux qui en mangent, ce qui lui a donné ce nom d'Ephemere, & il ajoûte que ce n'est autre chose qu'un oignon blanc, que les Apothicaires appellent hermodactylus.
Ephemere, est aussi un petit animal qui ne vit que cinq heures, pendant lesquelles il naît, il étend ses membres, il paroît jeune, il change deux fois sa peau, il fait des œufs, jette des semences, vieillit & meurt. Aristote en a fait la description, & l'a ainsi nommé, parce qu'il ne dure qu'un jour. Il paroît vers la Saint Jean, c'est un insecte volant, qui naît à six heures aprés midi, & meurt à onze heures. Il est vrai toutefois qu'avant que d'avoir pris cette figure, il a vécu trois ans sous celle d'un verd au bord de l'eau, dans la vase, ou dans des trous qu'il y a creusé lui-même; il s'en trouve de deux ou trois pouces. Les pescheurs s'en servent pour appâter leurs hameçons. On a observé dans quelques-uns de ces insectes jusqu'à 7000. yeux semez par tout le corps, ils ne s'accouplent point, la femelle jette ses œufs, & le mâle les rend feconds en les couvrant de sa semence. Il ne prend aucun aliment depuis qu'il est changé, & il ne change que pour se multiplier. Aldrovandus, Jonston, & Clusius en ont écrit, mais bien plus incertainement que Swammerdam, qui en a fait les dissections & les observations avec le microscope. Il en est aussi parlé dans le recueil de Thevenot.
Ephemerides. s. f. plur. Terme d'Astronomie, ce sont des Tables calculées par des Astronomes, qui marquent l'état du Ciel tous les jours à midi, c'est à dire, le lieu où à midi se trouvent toutes les Planettes, & ce sont des Tables qui servent à dresser les horoscopes, ou themes celestes. Les Ephemerides d'Origan, de Kepler, d'Argolus, de Joannes Heckerus, &c. Jean Dominique Cassini a fait des Ephemerides des Astres de Medicis, ou des satellites de Jupiter, qui servent à la découverte des longitudes.
Ephialtes. Voyez Incube.
EQUATION. s. f. Terme d'Astronomie, qui se dit de la maniére de réduire le temps ou les mouvemens inégaux du Soleil, à un temps ou à un mouvement égal & moyen. Le jour astronomique se compte depuis le départ du soleil d'un Méridien jusqu'à ce qu'il y retourne le jour suivant, c'est ce qu'on appelle le jour & le mouvement égal; mais parce que cependant le Soleil avance dans l'Eccliptique tantôt plus, tantôt moins à nôtre égard, selon qu'il est apogée, & perigée, & parce que les arcs de l'Ecliptique sont aussi inégaux à nôtre égard, à cause de l'obliquité de la sphere; c'est ce qui rend les jours inégaux. Il a donc fallu que les Astronomes, qui ont besoin d'un jour égal pour faire leurs supputations, trouvassent ce mouvement, ou temps moyen, & c'est ce qu'on appelle équation, par laquelle on trouve 59. minutes & huit secondes qu'il faut ajoûter au vrai jour égal, pour faire ce moyen mouvement journalier. Jean Baptiste Morin a fait un beau traité des équations en son Livre des longitudes. Monsieur Huggens a donné une Table exacte de l'équation des jours, pour régler les mouvemens des horloges à pendules, où on void combien ces horloges doivent avancer ou reculer en chaque jour de l'année, à cause de l'irrégularité du mouvement du Soleil & de l'obliquité de l'Eccliptique.
Equation, en termes d'Algebre est la réduction de deux nombres heterogenes, ou de diverse nature à une même nature en valeur, pour les rendre égaux. L'équation se dit aussi de la connoissance juste de la partie qu'il faut ajoûter à deux nombres differens, pour les mettre dans l'égalité. La science des équations est la principale partie de l'algebre. L'équation se marque ainsi.
ECHELLE. s. f. Instrument qui sert à monter; il est composé de deux perches ou piéces de bois longues & legéres, traversées de pied en pied de menus bâtons qu'on nomme échelons, sur lesquels on met les pieds l'un aprés l'autre pour monter. Jacob vit une échelle par où les Anges descendoient & montoient du Ciel en terre. Les soldats, les voleurs se servent d'échelles pour surprendre les Villes, pour entrer dans les maisons par les fenêtres, par dessus les murs. Les Maçons se servent d'échelles pour monter sur les échaffauts.
On fait aussi des échelles de corde, de soye, qui se plient & qui sont portatives; on en fait aussi de brisées. Il y en a aussi de doubles, qui sont étenduës par le pied, qui servent aux Peintres. Il y en a d'autres pour la guerre qu'on transporte sur des rouës, & qui sont de diverses constructions, dont on void les figures dans la pyrotecnie de Hanselet.
Echelle, se dit aussi d'un méchant escalier qui est tout droit. Les escaliers de la Halle sont des échelles, sont droits comme des échelles.
Echelle, se prend quelquefois pour le gibet, à cause qu'on monte avec une échelle ceux qu'on pend à une potence; ainsi on dit celui-là a été condamné à assister à l'execution, à avoir le foüet au pied de l'échelle: il a été long-temps sur l'échelle avant que d'être jetté. On coupe souvent des bourses au pied de l'échelle.
Echelle, se dit aussi d'un rang de nœuds de Ruban, que les femmes mettent par ornement le long de leur busque, à cause que cela ressemble à une échelle. Cette Dame avoit une échelle de rubans de satin bleu.
Echelle. En termes d'Architecture & de Géographie, se dit d'une ligne divisée en parties égales, qui sert de mesure commune à toutes les parties d'un bâtiment, à la description des cartes topographiques. Pour sçavoir combien cet étage a de haut, il en faut prendre avec un compas la mesure sur l'échelle. On en use de même pour sçavoir combien il y a de lieuës, entre deux Villes marquées sur une carte.
Echelle, ou bâton de Jacob, en termes de Marine est un instrument en croix divisé en semblables parties égales, qui a été décrit ci-devant au mot d'Arbalête.
Echelle, est aussi un nom qu'on donne sur la Méditerranée, ou mer du Levant aux Villes de commerce. La France a ses Consuls, ses Magasins, ses Bureaux en toutes les échelles du Levant, aussi bien que la plûpart des autres Nations, à Smirne, à Said, à Alep, au Caire, &c. On appelle aussi ces places des Ports & Etapes. Ce mot vient d'escale, vieux terme de marine, qui signifie port de mer; qu'on trouve sur sa route, où on entre par occasion pour acheter quelques vivres, pour éviter la tempête ou les ennemis.
Echelle campanale, est une régle qu'ont les fondeurs pour proportionner la longueur, largeur, & épaisseur d'une cloche à son poids, & pareillement celle de son batail pour lui faire rendre un certain son, ils ont fait cette échelle par une longue experience, plûtôt que par une voye géometrique; elle est cependant curieuse, & on la trouve au sixiéme Livre de la Pyrotecnie de Biringuccio, & dans le Pere Mersenne; on l'appelle aussi Brochette, Bâton, Régle, & Diapason.
Echelle, est aussi un instrument de musique assez grossier, composé de douze bâtons enfilez ensemble & separez l'un de l'autre par des grains de chapelet; ils vont toûjours en diminuant depuis le grand qui a dix pouces jusqu'au plus petit qui en a trois, leur figure peut être ronde ou quarrée, ou en forme de prisme, ou de parallellepipede; on en jouë avec un petit bâton, dont une des extrêmitez est tournée en boule; quand cet instrument est bien touché, il rend une symphonie assez agréable.
On dit proverbialement qu'il faut tirer l'échelle aprés quelqu'un, pour dire qu'il n'y a rien à faire aprés lui, qu'il a épuisé la matiére, qu'il a appris tout ce qu'on en pouvoit sçavoir. On dit aussi qu'on punit comme voleurs, ceux qui tiennent le pied de l'échelle.
Echeler, v. act. Vieux mot, au lieu duquel on dit à present escalader.
Echelette. s. f. espéce de petite échelle qu'on attache sur le bast d'une bête de somme pour y accrocher de la viande, du foin, de la paille, &c.
Echelier. s. m. Est une piéce de bois traversée de longues & grosses chevilles, qui sert à monter au haut des gruës, des engins, & des estrapades, on l'appelle aussi Rancher.
Echelon, s. m. petite piéce de bois qui traverse l'échelle: cette échelle avoit trente échelons.
Echelon, se dit figurément en choses morales. La qualité d'Avocat est un échelon pour monter à celle de Conseiller, de Maître des Requêtes. Il est monté d'un échelon, d'un degré, il est avancé d'autant.
ECROU. s. m. piéce de bois, ou de fer, ou d'autre métail qui a un trou, relatif à la grosseur d'une vis, & qui sert à la serrer, ou à la retenir quand on la fait entrer dedans. Il faut que les vis de ce lit ayent été changées, elles ne peuvent entrer dans leurs écrous.
En Mathematique on appelle le clou de l'alhidade l'écrou, ou le chevalet.
Ecrou. Est aussi l'acte d'emprisonnement d'une personne écrit sur le Registre de la geole. Il faut attacher son écrou à la Requête d'élargissement, quand on est recommandé pour plusieurs affaires, ce sont autant d'écrous, quand on déclare un emprisonnement injurieux, tortionaire & déraisonnable, on ordonne que l'écrou sera rayé & biffé. On disoit autrefois écrouë.
Ecroüe. s. f. chez le Roi se dit des rolles ou états de la dépense de sa maison, qui se mettent dans des peaux de parchemin qu'on coud & qu'on attache les unes aux autres, dont on fait de gros rouleaux qui sont signez & arrêtez au Bureau par les Maîtres & Controlleurs de la maison du Roi. On le dit aussi des rolles que les Receveurs des tailles, ou des amendes baillent aux Sergens pour en faire le recouvrement, qui sont appellez écrouës dans plusieurs Edits.
On void dans la Chambre des Comptes une écrouë du Parlement tenu sous Louïs Hutin, qui contient la liste des Conseillers du Conseil étroit, des Maîtres des Requêtes, & autres Officiers.
Ecroüe, en plusieurs Coûtumes se dit de la déclaration, dénombrement & aveu d'heritages cottiers que le sujet donne à son Seigneur. En l'Edit de l'établissement de l'Echiquier de Normandie, on appelle écrouës les écritures qui contiennent les faits & raisons des parties; où il est dit aussi que les Sergens doivent bailler leurs exploits par écrouës, c'est à dire, par écrit. Borel estime que ce mot vient d'écrit, ou écrire, parce qu'on a appellé aussi écrouë une quittance en faveur de celui qui a manié les finances; & on dit bailler écrouë à un Receveur de sa recepte, pour dire souder son compte.
Ecroüer. v. act. Charger un Geolier de la personne d'un prisonnier, en écrivant sur son registre par l'Officier qui l'arrête la cause pour laquelle il est emprisonné, & par quelle autorité, ou Ordonnance; il est défendu sévérement aux Geoliers de détenir qui que ce soit sans être écroüé. Cujas estime que ce mot vient du Grec Encrouo, c'est à dire, injicio: & Ragueau au contraire de Eccrouein qui signifie extendere, liberare; missum facere.
Ecroüé, ée. part. pass. & adj.
Ecroüelles. s. f. pl. Terme de Medecine, ce sont des tumeurs sanguines faites aux parties glanduleuses, comme aux mammelles, aux aisselles & aux aînes. Elles sont presque toûjours enveloppées dans une membrane propre, engendrées de pituite gypsée, grosse & visqueuse. Lors qu'il s'y mêle de l'humeur mélancolique, elles s'échauffent & deviennent malignes, & font un ulcére corrosif & chancreux, qui ronge la substance des glandes; & quand cette humeur court par le corps, elle altére & pourrit les os où elle s'assied, alors c'est une maladie incurable par Art. Les Latins l'appellent scrophulæ du mot scropha, qui signifie une truye, & les Grecs choirades du mot Grec choiros qui signifie un pourceau, parce que les pourceaux sont sujets à avoir ces tumeurs sous la gorge, & ceux qui mangent de leur chair y ont aussi plus de disposition. Le Roi de France a le don de guerir des écroüelles, en touchant les malades.
Ecroüi. adj. Est un terme de monnoye qui se dit des piéces durcies à la sortie du moulin, & qu'il faut faire recuire.
Ecroulement, s. m. Eboulement de terres, d'édifices qui ne sont pas soûtenus.
Ecrouler, v. n. Vieux mot qui signifie s'ébouler. Aprés une vingtaine de volées de canon, tout le bastion s'écroula.
Ecrouter. v. act. Oter la croûte du pain, le couper mal proprement. On dégoûte les gens quand on écroute le pain.
Ecrouté. ée. part. & adj.
Ecrüe. adj. c'est une épithete qu'on donne aux soyes & aux toiles qui n'ont jamais été moüillées. Il est défendu aux tapissiers de doubler les tapisseries de toiles écrües, parce qu'elles se retirent. Les belles étoffes se font de soye cuitte, & les petites de soye cruë ou écruë. Il est sévérement défendu de mêler la soye cuitte avec la soye écruë. On dit aussi du fil écru.
F.
FANON s. m. le devant d'un bœuf, d'un taureau. Rampale dans ses Idiles a dit, la peau d'un gras fanon lui bat sur les genoux. Les Latins l'appellent Paleare.
Fanon en termes de manége se dit d'un gros toupet de poil ou de crin, qui vient au derriére du Boulet de plusieurs chevaux. Les chevaux de carrosse ont souvent de gros fanons.
Fanon, se dit aussi des barbes de Baleine, qui pendent des deux côtez de la gueule de ce monstre: le cent pesant de fanons de Baleine a été réglé par Arrêt du Conseil à 67l. 10. sols: c'est ce qui sert à mettre dans le corps de juppe des femmes & à plusieurs sortes d'ouvrages, où on a besoin d'une matiére pliante & qui fasse ressort.
Fanon en termes de marine est un racourcissement du point d'une voile & particuliérement de celle d'Artimon, lors qu'on la trousse & ramasse avec des garcettes, pour prendre moins de vent. Ces fanons sont des bouts de corde divisez en plusieurs articles ou marticles attachez aux grandes voiles, qui les embrassent & serrent quand il est de besoin.
Fanon en termes d'Eglises signifie un manipule ou ornement sacerdotal, que les Prêtres, les Diacres & soûdiacres mettent au bras gauche en officiant: il est fait en forme de petite étole. Voyez manipule où on a fait voir que c'étoit autrefois une espéce de mouchoir blanc, comme témoigne Durandus: son primitif est Pannus, dont les Allemans ont fait fanus, parce qu'ils changent ordinairement le p. en f.
Fanon se dit aussi des deux pendants, qui sont au derriére de la Mître d'un Evêque, & aussi du bonnet ou de la Couronne de l'Empereur.
Fanon, en termes de blason est un large brasselet fait à la maniére du fanon de Prêtre pendant du bras droit, au lieu que celui du Prêtre pend du bras gauche: c'étoit autrefois une manche pendante qu'on portoit prés du poignet sur tout en Allemagne d'où ce nom nous est venu, parce que les Allemans appellent fanen une piéce de linge ou d'étoffe, & quelquefois une banniére, on l'appelle autrement Dextrochere.
Fanon se prend aussi quelquefois pour gonfanon, voyez gonfanon; & en ce sens Borel le dérive du grec phaino, appareo, parce qu'on le void de loin étant au bout d'une pique.
FAUCON s. m. Oiseau de leurre, qui a le plus beau vol & qui est le plus noble & le plus estimé entre les oiseaux de proye, c'est pourquoi il donne le nom à la fauconnerie, il a les pieds jaunes, la tête noire, & est semé sur le dos de plusieurs taches. Le bon faucon a la tête ronde, le bec court & gros, le col long, les épaules larges, les pennes des aîles subtiles & déliées, les cuisses longues, les jambes courtes, les pieds, ou mains longs, larges & grands: il y a des faucons riviereux, d'autres champêtres propres à voler sur les riviéres ou les campagnes, en Latin falco, triorches, buteo, & en général accipiter, qui est le nom de la meilleure espéce, qui l'a donné aux autres.
Faucon pelerin, est celui qui vient des païs lointains, dont on ne trouve point l'aire, qui est pris depuis le mois d'Octobre jusqu'en Janvier.
Faucon gentil, de passage, qui vient des païs circonvoisins, le plus aisé à dresser, qui est pris en Août ou en Septembre; ce mot vient de Gentilis.
Faucon niais, qui n'a jamais été à soi qui est pris au nid, ou dans le roc quand il est fort petit, on l'appelle aussi faucon Royal, parce qu'on l'éleve facilement.
Faucon sor, c'est un faucon qui a encore son premier plumage, les pennes du premier an.
Faucon hagard, c'est à dire, fier & bisarre celui qui n'est plus sor quand on le prend, qui a mué ou changé de plumes, on l'appelle aussi faucon de repaire.
Faucon antanaire ou antenaire, qui est pris au printemps avant la muë.
Faucon mué en main d'homme se dit simplement du faucon mué; quand il est mué des champs & puis pris au passage il se dit ardoisé, madré ou fleuri, hors de connoissance, & vieil faucon.
Faucon tagarot, c'est un oiseau fort long & flouet, d'une espéce particuliére, on l'apporte du côté d'Egypte.
Faucon Tartaret, qui vient de Tartarie, c'est un grand oiseau dit de haute maille, appellé des Turcs faucon sahin.
Faucons Balarins, qui viennent de Hongrie sont des faucons communs petits, de pennage brun avec la tête noire.
Faucon familleux, c'est un faucon famelic, ou sujet à la faim.
Le Faucon montanier est brun & hardi, & se doit entretenir entre gras & maigre.
Le Faucon Thunisien, qui vient de Thunis, nommé autrement alphanet de alpha, parce que les Grecs le mettent au premier rang des faucons. Il y a des faucons qu'on appelle du Perou, & autrement neblies, qui volent plus haut que les autres, qui ont des serres fortes & une couleur tirant sur le noir.
Le gerfaut, le sacre, le lanier sont des espéces de faucons.
Faucon. Terme d'artillerie espéce de Canon qui a trois pouces de diamêtre & qui porte une livre & demie de balle.
Fauconneau s. m. piéce d'artillerie, qui tient le sixiéme rang entre les Canons, qui a six à sept pieds de long, & deux pouces de diamêtre, dont la balle pese environ une livre & demie, mais selon Hanzelet c'est une huitiéme de coulevrine qui a 35. calibres de long, qui tire deux livres & demie de fer avec deux livres de poudre, & le bâtard à 30. calibres, tire trois livres de fer avec autant de poudre.
Fauconneau chez les maçons, est la piéce de bois la plus haute d'un engin à élever des fardeaux, elle porte les deux poulies par où passent les cables.
Fauconnerie s. f. l'art de dresser, d'affaiter, de gouverner, d'apprivoiser & d'assûrer les oiseaux de proye, Desparon a bien écrit de la fauconnerie.
Fauconnerie se dit aussi de l'équipage de la chasse, qui se fait avec les oiseaux. Ce Prince aime la fauconnerie, il a beaucoup d'Officiers de fauconnerie. La fauconnerie du Roi est en tel endroit.
Fauconnier s. m. affaiteur, ou apprivoiseur d'oiseaux, celui qui dresse & qui gouverne, ou qui a le soin des oiseaux de proye, des gants de fauconnier. Le grand Seigneur entretient ordinairement six mille fauconniers & le moins qu'il en ait eu c'est trois mille.
On appelle chez le Roi le grand fauconnier, l'officier qui a soin de toute sa fauconnerie.
On dit en termes de manége, monter à cheval en fauconnier, pour dire monter du pied droit.
Fauconniere s. f. poche ou bourse de fauconnier.
On appelle aussi fauconniére une espéce de Bissac de cuir ou double gibeciére qu'on porte à cheval & qu'on met des deux côtez de l'arçon de la selle, où on serre les menuës hardes nécessaires pour un voyage.
FEU. s. m. Element chaud & sec, qui entre en la composition de tous les corps naturels, & sur tout de ceux qui sont animez. Les anciens ont crû qu'il y avoit un feu élementaire dans le concave de la Lune, ce qui est une pure vision établie sans fondement. Le feu n'est autre chose qu'une matiére fort subtile & violemment agitée. Le feu est le plus violent de tous les acides. Dans les forges on n'employe que du feu de Charbon, dans les Verreries que du feu de bois sec; dans les Chambres on allume du feu clair, du feu de fagot quand on veut prendre l'air du feu, une poignée de feu. Les pauvres font du feu de tourbes & de mottes. Les volcans sont de grands gouffres de feu, des feux soûterrains qui sortent de temps en temps. On fait du feu avec des pierres, avec un fuzil. Aux Indes Orientales on en fait en frottant deux morceaux de bois de Candou l'un contre l'autre. Aux Occidentales avec un autre bois qu'on appelle Ticaca, qui ressemble à la canelle & qui sert de fuzil. Mathiole dit que les Anciens avant l'invention de l'Acier, tiroient le feu d'un bois dur, frotté avec un bois tendre & spongieux, tel que le bois de la vigne sauvage.
Feu, en termes de Chymie, se dit des degrez de la chaleur, qui servent à en faire les operations. Ainsi les Chymistes appellent feu de digestion, le fumier qu'ils nomment autrement ventre de Cheval, dont la chaleur est telle qu'on ne sçauroit tenir la main dans le milieu d'un grand tas de fumier échauffé, ni souffrir dans la main une verge de fer qu'on y aura introduite & tenuë quelques momens. Le second feu est celui du bain vaporeux, du Bain marie, du Bain de cendre, du Bain de sable, du Bain de limaille & autres qui sont expliquez à Bain. Le troisiéme est le feu ordinaire qu'on applique sous le Vaisseau. Le quatriéme feu est le feu de Lampe qui est moderé & égal, qu'on peut augmenter par la grosseur & le nombre des méches qu'on allume, c'est celui qui sert aux Emailleurs. Le cinquiéme est le feu de Roüe qu'on allume en rond autour d'un Creuset, qu'on approche peu à peu autour du vaisseau également & pour l'échauffer. Le sixiéme feu est nommé de suppression, qui se donne lorsque non seulement on environne le vaisseau, mais aussi lors qu'on le couvre tout à fait de charbons allumez, dont on augmente la force suivant le besoin. Le septiéme feu, est celui de Reverbere clos, qui se fait dans un fourneau, où non seulement il frappe le vaisseau, mais encore il le refléchit & le refrappe par dessus & tout autour: il y a encore feu de Reverbere ouvert, qui se fait dans un fourneau qui n'a point de couverture. Le huitiéme feu est le feu de flame ou de fusion, qui se fait pour la fusion & calcination des Métaux & Mineraux, on l'appelle aussi feu d'atteinte. Le neuviéme feu est celui des grandes Verreries, qui sert à vitrifier les Cendres des plantes, les sables & les caillous, qui est plus violent que tous les autres.
On dit mesurer le feu, donner le feu par degrez, pour dire le donner plus ou moins violent, en ouvrant ou fermant les registres ou trous du fourneau, & on l'appelle alors un feu gradué.
On croit aussi en Chymie qu'il y a un feu central qui cuit & produit les métaux & les mineraux qu'on nomme l'Archée. On dit aussi qu'on éprouve les métaux par le feu, qu'il faut qu'ils souffrent le feu, pour dire la coupelle: en d'autres occasions on dit qu'il faut qu'ils passent par le feu, sur le feu, pour les purger du mauvais air.
On a vû ces derniéres années quelques Charlatans à Paris qui ont mangé du feu, qui ont marché sur le feu, qui ont lavé leurs mains de plomb fondu; ce qui n'est pas un secret nouveau, puis qu'Ambroise Paré dit avoir éprouvé lui-même, qu'aprés avoir lavé ses mains de son urine, ou bien avec de l'unguentum aureum, on les peut laver seurement de plomb fondu. Il dit aussi qu'il fit distiller du lard fondu avec une pelle rouge sur ses mains, aprés les avoir lavées avec du jus d'oignon.
Feu, signifie aussi incendie, embrasement. Le feu a pris à la maison, à la cheminée. On sonne le tocsin, on crie au feu quand le feu est quelque part. Une petite bluette, une étincelle de feu cause souvent une grande incendie. Il a fallu abattre ce corps de logis à cause que le feu gagnoit.
Feux d'artifice ou feux de joïe, sont des feux faits artistement avec de la poudre à Canon, qu'on tire dans les réjouïssances publiques, ou dans les régals magnifiques. Ils sont composez de fusées volantes, saucissons, petards, lances à feu, pots à feu, girandoles, &c. Et accompagnez pour l'ornement de plusieurs figures & devises. On fait à la gréve un feu de joïe la veille de la Saint Jean, on en fait aux naissances, entrées & mariages des Rois, dont les compositions se trouvent dans les pyrotecnies de Hanzelet, Vanoccio, Malthus, & sur tout de Casimir simieirowies Polonnois, qui en a fait un excellent Livre in folio. On dit aussi au figuré qu'un homme fait des feux de joïe dans son cœur, quand il se réjouït secrettement dans son ame de quelque chose qui est arrivée.
Feu, se dit souvent en termes de guerre. On voyoit les feux de l'Armée, c'est à dire, les feux qu'on allume la nuit dans un Camp. Les Armes à feu sont celles qu'on charge de poudre, comme pistolets, mousquets, fusils, carabines, canons, grenades, bombes & carcasses, on les appelle quelquefois bâtons à feu. On dit des Villes prises d'assaut, qu'on y a mis tout à feu & à sang. Le feu de la place, c'est le flanc, ou la partie de la courtine où aboutit la ligne de défense, d'où on a fait feu pour défendre la face du Bastion opposé: la meilleure façon de fortifier est celle qui donne plus de feu, en cet Assaut la courtine étoit toute en feu, il falut soûtenir, essuyer le feu de cette demi-lune. Cette trenchée étoit en filée, exposée au feu de la place.
On appelle feu gregeois un feu d'artifice qui brûle dans l'eau, qu'on dit avoir été inventé par Callinicus, vers l'an de grace 660. comme remarque le P. Petault fondé sur l'autorité de Nicetas & de Zonare: ce fut par son moyen que l'Empereur Constantin Pogonat ou Barbu défit les Agarennes ou Sarrasins qui le tenoient assiégé à Constantinople. Il est inextinguible, si ce n'est avec du sable, du vinaigre, ou des cuirs verds. Mais d'autres soûtiennent qu'il est plus ancien, & qu'il fut inventé par Marcus Gracchus: en effet il y a quelques Auteurs qui font mention que les Grecs & les Romains s'en sont servis dans leurs guerres, pour attaquer & défendre les Places & les Vaisseaux.
On dit d'un homme brave & intrépide qu'il ne craint point le feu, qu'il va au feu comme à la nopce.
Feu, signifie quelquefois simplement la lumiére d'une bougie, d'une chandelle, d'un flambeau. Dans les Villes policées il est défendu de marcher la nuit sans feu, sans flambeau & sans lanterne. On demande du feu pour cacheter une lettre. Les fermes du Roi s'adjugent au premier feu, au second feu, c'est à dire, à l'extinction de la premiére ou seconde bougie qu'on allume pendant les Enchéres. Il est défendu de pêcher, de chasser au feu, c'est à dire, la nuit avec de la lumiére.
Feu, en termes de Marine signifie le fanal ou lanterne, qui est sur la pouppe des Vaisseaux pour servir de guide la nuit. L'Amiral porte quatre feux, fanal de quatre feux. Le Vice-Amiral, le Contre-Amiral, & chef d'Escadre en portent chacun trois, les autres Vaisseaux n'en portent qu'un; le feu sert aussi de signal pour régler la route, la voilure & la manœuvre: on le met en divers endroits & aux haubans de divers mats, suivant qu'il a été concerté entre les Officiers. On dit des grands vaisseaux qu'ils ne craignent que la terre & le feu, un Corsaire qui craint la corde s'il est pris, met le feu aux poudres & fait sauter le Vaisseau. On appelle aussi feux, ces fanaux qui sont allumez sur le haut d'une tour, sur la côte ou à l'entrée des Ports & des Riviéres pour éclairer & guider pendant la nuit les vaisseaux dans leur route.
Feu, signifie quelquefois la cheminée. Il y a tant de feux en cette maison, c'est à dire, tant de chambres à feu ou à cheminées, quelquefois il se dit du feu actuel qu'on entretient dans un âtre. Il me faut 20. voïes de bois par an, car j'ai toûjours deux feux jour & nuit; quelquefois il se dit des utenciles qui servent à attiser, détiser, entretenir & souffler le feu, comme grille, pelle, pincettes, tenailles, soufflet. Un feu garni d'argent.
Feu. Se dit quelquefois aussi d'un ménage, de toute une famille, il y a tant de feux en cette Paroisse. Le beaupere & son gendre ne font qu'un feu, c'est à dire, vivent ensemble, ne font qu'un ménage: ce mot vient du latin focus.
Feu. En termes de Théologie, se dit des feux immateriels dont Dieu se sert pour punir les méchans. Les feux d'Enfer, & du Purgatoire sont des feux inextinguibles qui brûlent les malheureux sans les consumer. Le monde doit périr par un deluge de feu. Sodome & Gomorre furent punis par le feu du Ciel: ils avoient fait des crimes qui méritoient le feu. Dieu apparut à Moïse sous la figure d'un feu ardent en un buisson, le S. Esprit descendit sur les Apôtres en langue de feu. Le Camp des Israëlites étoit guidé par une colonne de feu. Les Hebreux conservoient un feu sacré dans le Temple. Les Payens ont adoré le feu. Les Vestales gardoient le feu sacré des Romains. Les Perses ont encore des feux qui brûlent depuis plus de mille ans sur des montagnes.
Feu. Se dit aussi des Astres & des Méteores. Les Poëtes appellent tous les Astres les feux du firmament, les feux de la nuit, des globes de feu. La Lune est un des moindres feux du Ciel, les feux follets ou ardens sont des exhalaisons qui s'enflamment. On dit que le Ciel est tout en feu, pour dire qu'il tonne & éclaire beaucoup. On appelle sur la mer le feu saint Elme, certains feux volans autour des mâts & des manœuvres, & de la cage, causez apparemment par quelques exhalaisons qui restent aprés une tempête & qui en présagent la fin. Les Mariniers les appellent saint Nicolas, sainte Claire, sainte Helene. Les Italiens hermo, les Castillans san Elmo, les Anciens Castor & Pollux: quand il n'en paroît qu'un on l'appelle furolle ou helene, ce qu'on tient de mauvais présage, quand il en paroît deux les Mariniers s'en réjouïssent & les saluent avec leurs sifflets.
Feu. Se dit aussi en Médecine & en Chirurgie. Le feu saint Antoine étoit autrefois une maladie fort dangereuse. Le feu volage est une espece de dartre qui s'enflamme & qui vient sur tout au visage. On ôte le vin aux malades de crainte de mettre le feu dans une playe, d'augmenter le feu de la fiévre. L'Arsenic met le feu dans la bouche, dans les entrailles. Il y a des playes qui ne se guérissent qu'avec le feu. Le feu actuel est un bouton de feu, un fer chaud. Un feu potentiel est celui qui est enfermé dans les remédes caustiques comme les cauteres, & en quelques minéraux ou plantes corrosives. On dit aussi donner le feu à un Cheval, quand on lui applique un bouton ou un couteau de feu pour le guérir du farcin ou de quelques autres maladies.
Feu. Se dit en termes de Lapidaires, de l'éclat, de la vivacité de quelque corps, de la lumiére qu'il jette ou qu'il refléchit. Un Diamant fin jette bien du feu, de l'éclat. L'Escarboucle est une pierre imaginaire qu'on dit jetter assez de feu pour éclairer une chambre. Des yeux vifs & brillans jettent du feu. Les vers luisans, la pierre de Boulogne, le phosphore la nuit jettent du feu. On appelle couleur de feu un rouge vif & foncé qui a l'éclat du feu.
Feu. Se dit aussi de certains poils roux qui viennent autour des yeux des petits Chiens, qui les font beaucoup estimer par ceux qui en sont curieux.
Feu. Se dit figurément en choses spirituelles & morales de la vivacité de l'esprit, de l'ardeur des passions. Cet Avocat a bien du feu, c'est un esprit tout de feu. Ce Poëte n'a point de genie, il n'eut jamais de feu. Le feu brille par tout dans ses écrits. Il a l'ame échauffée d'un beau feu, d'un noble feu.
On dit d'un homme en colere qu'il a les yeux tout en feu, que le feu lui a monté au visage, qu'il jette feu & flammes, qu'il lui faut laisser jetter son feu. On dit aussi d'un homme amoureux qu'il brûle d'un beau feu, qu'il nourrit un feu discret, un feu caché sous la cendre, un feu qui le devore. La bonne morale veut qu'on éteigne le feu de la concupiscence. On dit aussi brûler d'un feu divin, d'un feu celeste, d'un amour divin. On dit en ce sens qu'il faut laisser passer le feu de la jeunesse, ses emportemens. Le feu se dit aussi du courage. On a du mal à soûtenir le premier feu, la premiére impetuosité des François.
Feu. Se dit aussi des troubles, des séditions. Pendant les Guerres des Huguenots tout le Royaume étoit en feu. Des Prédicateurs séditieux mettoient le feu par tout, le Roi a éteint enfin le feu de la sédition. Quand on use en ces occasions de remédes violens, on dit qu'il y faut appliquer le fer & le feu.
On dit au lansquenet que le premier Roi qui viendra fera feu, pour dire qu'il fera gagner ou perdre quelque coup notable.
Feu. Se dit proverbialement en ces phrases. Un feu à rôtir un bœuf, c'est un grand feu de reculée. On dit aussi il n'est feu que de gros bois. On dit des débauchez qu'ils font grande chere & bon feu. On dit aussi qu'un homme a mis le feu à la cheminée, pour dire qu'il a mangé des viandes trop salées & trop épicées, & qu'il s'est mis le gosier, le palais en feu. On dit aussi c'est un feu de paille, d'une émotion qui ne dure pas long-temps, d'une entreprise qu'on n'achevera point. On dit aussi faire du feu violet pour dire faire quelque chose avec vigueur, ou éclat, à cause que le feu de bois vert qui est le plus violent tire sur le violet. On dit encore le bois tortu fait le feu droit. On dit d'un homme qui s'enfuit fort vîte, qu'il court comme s'il avoit le feu au cul. On dit de deux personnes ennemies qui ne se sçauroient souffrir, que c'est le feu & l'eau. On dit aussi dites-lui cela & vous allez chauffer au coin de son feu, pour dire allez lui reprocher cela en face. On dit d'une maison qu'on trouve en desordre, qu'il n'y a ni pot au feu, ni écuelles lavées. On dit d'un homme fort pauvre qu'il n'a ni feu ni lieu, quand il n'a aucune retraite, aucune demeure assurée. On dit de celui qui n'a point voyagé, ni n'a point vû le grand monde, qu'il n'a jamais bougé du coin de son feu. On dit faire mourir quelqu'un à petit feu, pour dire le faire languir dans une longue attente d'une chose dont il a besoin. On dit que le feu ne va point sans fumée, pour dire qu'il paroît toujours quelque signe au dehors d'une violente passion qu'on a dans l'ame, & qu'il y a toûjours quelque chose de vrai de ce qu'on dit publiquement. On dit encore mettre les fers au feu, en parlant d'une affaire, pour dire commencer à la remuer, ou s'y appliquer vigoureusement. On dit aussi, que le feu est à une marchandise, pour dire, qu'il y a presse à l'acheter qu'on y court comme au feu. On dit mettre le feu aux étouppes, mettre le feu aux poudres, jetter de l'huile sur le feu, mettre le feu sous le ventre à quelqu'un: pour dire l'exciter, l'encourager à faire quelque action, à laquelle il étoit déja porté d'ailleurs, animer sa colére, sa passion. On dit, qu'un homme se mettroit au feu pour son ami, pour dire qu'il est prêt de le servir dans les choses les plus difficiles; & qu'il mettroit sa main au feu, son doigt au feu, quand il propose quelque chose dont il est trés-assuré: ce proverbe se dit par allusion à une coûtume qu'on avoit autrefois, de se purger d'une accusation par l'attouchement du fer chaud. Cunegonde femme de l'Empereur Henri de Baviére se purgea du soupçon que son mari avoit contre elle, en marchant les pieds nuds sur 12 socs de charruë ardens.
Feu. Feuë. Subst. terme indéclinable dont on se sert en parlant des défunts, dont la mémoire est encore assez récente. Le feu Roi se dit du Roi dernier mort; la feuë Reine. Feu mon pere, mon oncle. Les Notaires de quelques Provinces disent encore au plurier furent en parlant de deux personnes conjointes & décedées, ce qui marque que ce mot vient de fuit & de fuerunt, néanmoins, Ménage prétend avec quelque apparence qu'il vient de functus, au lieu de fato functus.
S'il se trouve quelque conformité en cet endroit avec le Dictionnaire de l'Academie, le Lecteur n'en doit pas être surpris, puisque c'est le même Auteur qui en a fait le canevas, dont la minute qui est écrite de sa main peut faire foi. Ce mot qui apparemment se fera distinguer des autres, doit suffire pour faire cesser le reproche qui lui est fait de n'avoir pas voulu communiquer ses lumiéres à la compagnie, puis qu'il n'en a pas été chiche toutes les fois qu'on les a voulu recevoir.
Fief s. m. Terre, Seigneurie, ou droits qu'un Seigneur dominant donne à un vassal à la charge de foi & hommage avec quelques redevances. Les fiefs n'étoient point connus dans le droit Romain, mais ils sont établis dans toutes les Coûtumes de France, & plusieurs tiennent qu'ils sont venus des Lombards. Pasquier soûtient le contraire & prouve par un passage d'Aimoin qu'ils étoient en usage en France dés le temps de Clovis. On possede en fief non seulement des heritages, mais des droits incorporels, comme dîmes, champarts & autres redevances & même des Offices & dignitez. Ce mot est dérivé selon quelques-uns de fœdus comme venant d'un traité & d'une Alliance faite avec le Seigneur; les autres de fides, à cause de la foi qu'on est obligé de porter & de garder à celui dont on releve; Bodin tient que le mot fedum latin vient par la contraction de ces lettres initiales, fidelis ero domino vero meo, qui est une ancienne formule de la foi & hommage; Nicod tient qu'il vient de felo Allemand signifiant la même chose; d'autres de foden qui signifie nourrir, ou du saxon feod qui signifie stipendium, le fief étant une espéce de prébende pour vivre; on a commencé de se servir de ce mot sous Charles le Gros. Fief dominant est celui à qui on doit foi & hommage; fief servant, celui qui releve d'un autre fief, ou qui n'a sous soi que des rotures.
Un fief en nuesse ou de Hautbert, est celui qui reléve de la Couronne nuëment & immédiatement, ce qu'on appelle aussi de nud à nud, qui tient du Roi sa Seigneurie en plein fief, ce qu'on appelle aussi fief chevel. Fief noble, est celui qui est tenu en plein hommage, ou en pairie, ou en plein lige, où il y a Justice, Maison ou Château notable, motte, fossez ou autres signes de noblesse & d'ancienneté, on appelle les autres fiefs ruraux & non nobles qu'on appelle quelquefois fiefs restraints ou abregez. On a appelé aussi fiefs roturiers, des mairies, & fiefs boursiers ou boursaux, des fiefs acquis de bourse roturiére qu'on appelle en plusieurs lieux coûtumiére; les portions de fief qui appartiennent aux aînez s'appellent aussi Bourseaux en la Coûtume du grand perche. Franc fief, cette épithete est donnée aux fiefs, parce qu'ils ne doivent être tenus que par des personnes franches & nobles de race ou annoblies, qui sont franches libres & exemptes de tailles, aides & subsides, & on appelle francs fiefs & nouveaux acquets, la taxe qu'on fait tous les 30 ou 40 ans sur les roturiers, les Eglises, les Communautez & gens de main morte pour les fiefs qu'ils tiennent, ou qu'ils ont acquis de nouveau, qui ne sont point amortis, afin qu'ils ne soient point obligez d'en vuider leurs mains; cette taxe se fait sur le pied du revenu de six années à l'égard des fiefs qui sont tenus du Roi nuëment, & de trois ans à l'égard de ceux qui n'en relevent qu'en arriére fief. Pied de fief est un fief dépecé & démembré dont il est fait souvent mention en la Coûtume de Tours.
Fief de danger est celui dont on ne peut prendre possession qu'aprés avoir fait la foi & hommage, & qu'on ne peut aliener sans le congé du Seigneur, autrement il est confisqué.
Il y a des fiefs à vie, d'autres qu'on appelle fiefs morts qui sont des heritages tenus à rente seche, qui ne portent point de profit de cens, ni de rente fonciére. On dit, qu'un Seigneur de son domaine fait son fief quand de son plein fief il en donne une partie à un vassal pour en faire un arriére fief, & au contraire, que de son fief il fait son domaine, quand il y réünit un arriére fief, ou quand il le retire par puissance de fief. Il y a aussi des fiefs en régale, ou des fiefs de dignité comme étoit autrefois la charge de Connêtable que le Roi donnoit en fief, & dont on lui faisoit foi & hommage.
Fief en l'air, c'est un fief qui n'a point de Château ou principal manoir où les tenanciers soient obligez de venir faire les devoirs & payer les droits.
Profit de fief, se dit des droits Seigneuriaux, comme quints & requints, rachats, laods & ventes qui se payent à chaque mutation des heritages ou fiefs servans quand le fief est ouvert ou vacant. On dit aussi qu'un Seigneur peut se joüer de son fief, pour dire le démembrer.
Puissance de fief, est un droit Seigneurial qui donne pouvoir à un Seigneur de retirer & de prendre un heritage dépendant de lui, pour le même prix qu'il est vendu à un étranger, & non lignager de celui qui vend, ou du vassal.
Commise de fief, c'est la dénégation que fait un vassal de tenir un fief de son Seigneur, ce qui en emporte confiscation, d'où est venu ce proverbe qui fief nie, ou fief rogne, perd son fief.
Arriére fief, est un fief relevant d'un autre fief, lequel en a encore un autre au-dessus de lui.
Fieffer. v. act. donner en fief une terre, un droit à la charge de foi & hommage, & de quelque redevance.
Fieffé, ée. part. un Officier, un Sergent fieffé, sont ceux qui dépendent d'un fief. Il y a quantité d'Offices fieffez & hereditaires. On a appellé Tailleur fieffé, celui qui tenoit en foi & hommage du Roi le pouvoir de tailler les monnoyes de France. On dit aussi par injure & exaggeration, un coquin fieffé, une coquette fieffée, de ceux qui font profession d'être malhonnêtes gens ou qui sont galantes de profession.
FOYER s. m. l'âtre de la cheminée d'une chambre où on fait le feu. Les Penates des anciens étoient appellez les Dieux des foyers. Ce mot vient du latin foculare. Ménage.
Foyer se prend quelquefois pour la maison. Ce Gentilhomme a envoyé ses enfans à la guerre, & il est demeuré pour garder son foyer; cela se dit aussi des faineans ou poltrons qui ne veulent point s'éloigner du coin de leur feu.
Foyer, en termes de Marine se dit des feux allumez au haut d'une Tour éminente pour donner la nuit par leur lumiére l'adresse aux vaisseaux, comme la Tour de Cordoüan sur la riviére de Bourdeaux, les lanternes de la Rochelle, de Boulogne, de l'Ecluse, le Phare d'Alexandrie, &c. On le dit aussi des feux, que ceux qui font le guet sur la côte doivent avoir pour faire des signaux. On appelle aussi foyer dans les vaisseaux l'endroit où on fait le feu.
Foyer en termes de Géometrie se dit des centres des ellipses, des paraboles & des hyperboles où aboutissent les réflexions des rayons qui tombent sur leurs surfaces, & d'où on tire des lignes qui ont de particuliéres proprietez amplement démontrées par Appollonius Pergeus dans ses sections coniques. Les Ellipses ont deux foyers ou centres sur lesquels la figure est décrite, d'où les lignes qui sont tirées à quelque endroit que ce soit de la circonference égalent étant prises ensemble le grand Diametre.
On appelle aussi foyer dans les miroirs ardens, le point brûlant où se rassemblent les rayons soit par la réflexion, soit par réfraction à travers un verre de lunette quand il est taillé en sorte que les rayons soient convergens.
Le foyer solaire est un rond ou cone de brillante clarté & fort vive qui se forme des rayons de lumiére brisez dans un verre sphérique & convergents qui aboutissent à un point brûlant. C'est une erreur de croire que ce foyer soit justement au centre du verre qui a causé la réfraction, il ne va que jusqu'au tiers ou au quart du rayon. Il faut que la retine soit au foyer du cristalin afin que la vision soit parfaite.
En termes de Médecine on appelle foyer le lieu où on croit qu'est le principe & le levain de la fiévre. Les fiévres tierces & quartes viennent de ce que la corruption des humeurs est faite en deux ou trois foyers differents.
Fugue, s. f. Terme de musique, est une suite de consonances qui se chantent à deux parties, dont la premiere s'appelle guide qui précede & montre le chemin à la seconde qu'on appelle consequente ou imitation, replique, redite, écho, c'est à dire, qu'elle montre par quels degrez ou intervalles elle doit aller. La seconde commence à chanter par une notte qui est à la quinte ou à la quarte de la premiere notte. Lorsque la premiere notte de la consequente est à la quarte de la premiere de la guide, on l'appelle fugue en diatessaron, & quand elle est à la quinte fugue en diapente, & ainsi des autres. La fugue grave se jouë dans la grande orgue sur le bourdon, prestant, trompette & clairon.
La contrefugue se fait lors que l'une des parties monte, & que l'autre descend par mêmes intervalles, comme quand la guide fait la, sol, fa, & la consequente fa, sol, la, &c.