Essais d'un dictionnaire universel: contenant généralement tous les mots François tant vieux que modernes, & les termes de toutes les Sciences & des Arts
P.
PEAGE. s. m. Il s'est dit autrefois en général de toutes sortes d'impôts, qui se payoient sur les marchandises, qu'on transportoit d'un lieu à un autre: maintenant il se dit d'un Droit qu'on prend sur les voitures des marchandises pour l'entretien des grands chemins. La plûpart des Seigneurs s'attribuent des droits de péage sur leurs terres, sous prétexte d'entretenir les chemins, les ponts & chaussées. Anciennement ceux qui tenoient ce droit, devoient rendre les chemins seurs, & répondre des vols faits aux passans. Cela s'observe encore en quelques endroits d'Angleterre & d'Italie, où il y a des gardes qu'on appelle stationnaires, établis pour la seureté des Marchands, & entre autres à Terracine sur le chemin de Rome à Naples. Anciennement si un homme étoit détroussé en chemin public & entre deux soleils, le Seigneur Haut-Justicier qui levoit le péage, étoit obligé de le rembourser. Il y a une Ordonnance de mille cinq cens septante portant abolition de tous péages établis depuis cent ans sur la riviére de Loire. La plûpart des péages sont de pures usurpations. L'Ordonnance de 1552. enjoint aux Seigneurs qui ont droit de péage, d'entretenir les ponts & passages. Le péage est appellé de divers noms dans les Coûtumes & les Ordonnances. On le nomme Barrage aux entrées des Bourgs & des Villes, Pontenage aux passages des ponts, Billete ou Brunchiere aux passages de campagne, où on a mis pour signal un petit billot de bois attaché à une branche, on l'appelle quelquefois coûtume ou droit établi sans titre, quelquefois prevôté ou menu droit casuel, & quelquefois travers, qui est un droit qui ne se paye que sur la frontiére. Ce mot vient de paagium, abregé de passagium selon Vossius cité par Ménage: d'autres disent de pedagium qu'on trouve aussi chez les Auteurs Latins. Borel le dérive de pagus ou pais.
PEAGER. s. m. Fermier du péage, qui exige & fait payer ce droit. Les Péagers doivent mettre des billetes, des tableaux & pancartes en lieu éminent, pour faire connoître les droits qui sont dûs.
PEAUTRE s. m. le gouvernail d'un vaisseau. On dit proverbialement à des importuns qu'on veut chasser loin de soy: Allez au peautre: Je l'ay bien envoyé au peautre, je l'ay bien envoyé promener.
PEAUTRÉ en termes de Blason se dit de la queuë des poissons, lorsqu'elle est d'autre couleur que le corps, parce qu'elle est en effet le gouvernail des poissons: Il portoit d'argent au dauphin versé de sable, allumé, barbé & peautré d'or.
PEIGNE. s. m. petit instrument qui sert à décrasser & à nettoyer la tête, à arranger les cheveux, & à les tenir proprement. Il est fait d'un morceau de bois, d'ivoire, de corne, ou d'écaille de tortuë, divisé en plusieurs dents, ou petites ouvertures qui donnent passage aux cheveux. Les peignes font la principale garniture d'une toilette, d'une trousse, un étuy, une brosse à peignes: les Dames se coiffent avec les peignes: Les Courtisans fanfarons ont toûjours un peigne à la main. Les Tyrans ont eu aussi des peignes de fer, pour tourmenter les Martyrs en leur déchirant la peau: Les grosses dents d'un peigne s'appellent les oreilles. Ce mot vient du Latin pectem.
Peigne se dit aussi de l'instrument avec lequel on carde, on démêle la laine, la bourre, la soye. Un peigne de Cardeur est un morceau de bois chargé d'une infinité de petites pointes recourbées de fil de fer.
Peigne de Tisserand est une espece de chassis, ou treillis qui a un grand nombre de petites divisions ou ouvertures, dans chacune desquelles on passe les fils de la chaîne qui doit former la longueur de la piéce de la toile, ou de l'étoffe: elles servent à les soûtenir, & à laisser passer la navette qui porte les fils qui doivent être en travers. Les peignes de velours ont soixante ou quatre-vingt portées.
Peigne de jable se dit chez les Tonneliers des morceaux de douve amenuisez par un bout, & qui entrent à force dans les cerceaux pour réparer un jable rompu.
Peignes en termes de Manége sont des gratelles farineuses qui viennent aux paturons du cheval, & qui font hérisser le poil sur la couronne.
Peigne se dit figurément en choses morales: Il faut donner encore un coup de peigne à cet ouvrage; pour dire, il le faut revoir pour le polir davantage. On dit aussi qu'un Satirique a donné un coup de peigne à quelqu'un; pour dire qu'il en a fait quelque description maligne, qu'il l'a rendu ridicule.
Peigne de Venus, est une plante medicinale, que les Medecins appellent pecten Veneris, & autrement scandix, qui est ainsi nommée, parce qu'elle a plusieurs cornets disposez comme un peigne à peigner le lin. Sa tige est haute d'un demi pied, ses feüilles semblables aux pastenates sauvages, ou à la camomille. Elle jette plusieurs petits bouquets de fleurs blanches & menuës à la cime de ses branches, d'où sortent plusieurs petits becs ou aiguilles séparées les unes des autres, & disposées comme un peigne de Cardeur.
On dit proverbialement d'un homme qui est en mauvaise humeur, ou en colere, qu'il tueroit volontiers un Mercier pour un peigne.
PEIGNER. v. act. décrasser sa tête, démêler, ou arranger ses cheveux avec un peigne: Les Courtisans sont toûjours bien peignez & bien frisez; c'est l'épithete ordinaire que donne Homere à tous ses Grecs.
Peigner signifie figurément rendre bien propre & bien ajusté: Cet ouvrage est bien peigné, on y a mis la derniére main, il est fort poli & orné: Voilà un jardin bien peigné, dont on a grand soin, il est fort propre & fort net.
On dit aussi en contre-sens que deux Harengeres se sont peignées, quand elles se sont prises aux cheveux, décoiffées, égratignées. On dit aussi que le chat a peigné le chien, quand il lui a donné quelques coups de griffes.
PEIGNÉ. ée. part. pass. & adj. On dit de la laine peignée, du chamvre peigné, lorsqu'ils ont passé par les mains des Cardeurs, ou qu'ils ont eu quelque autre préparation pour les nettoyer.
PEIGNIER. s. m. Marchand & Artisan qui vend, ou qui fait des peignes.
PEIGNOIR. s. m. linge qu'on met sur ses épaules tandis qu'on est à sa toilette, qu'on se peigne: Les femmes en deshabiller ont de beaux peignoirs à dentelles.
PEIGNURES. s. f. pl. cheveux qui tombent quand on se peigne: Les perruques ne se faisoient autrefois que de peignures.
PELLICAN. s. m. oiseau aquatique qui approche de la forme d'un heron, dont le cry ressemble au braire de l'âne, d'où vient que les Grecs l'ont appellé onocrotalos. On tient qu'il aime si fort ses petits, qu'il meurt pour eux, & se déchire l'estomach pour les nourrir. On en dit plusieurs fables, & on en fait l'hieroglyphe de l'amour paternelle.
Pellican est un vaisseau de Chymie fait ordinairement de verre avec des anses creuses & percées, qui sert à faire plusieurs distillations des liqueurs par circulation; & à les réduire dans leurs plus petites parties.
Pellican est aussi un ferrement dont se servent les Chirurgiens pour arracher des dents.
Pellican est aussi un nom qu'on donne à une ancienne piéce d'artillerie, qui est un quart de coulevrine portant six livres de boulet. Voyez Hanzelet.
PENDULE. s. m. poids attaché à une corde, ou à une verge de fer, lequel étant agité une fois, fait plusieurs vibrations jusqu'à ce qu'il se soit remis en repos. Les vibrations du pendule contiennent un espace de temps parfaitement égal. Un pendule de trois pieds huit lignes & demie marque les secondes, & en Musique la mesure égale ou binaire. Galilée a le premier écrit & fait des observations sur le mouvement du pendule. On a trouvé par le moyen du pendule qu'un corps pesant en tombant, parcourt en une seconde de temps, un espace de quinze pieds & un pouce, mesure de Paris. On se peut servir du pendule comme d'une mesure invariable & universelle pour les lieux les plus éloignez & les siécles les plus reculez, par le moyen d'une vibration qu'on aura trouvée être précisément d'une seconde de temps selon le mouvement du Soleil: car si par exemple on trouve que le pied horaire (c'est ainsi que Monsieur Huggens appelle la troisiéme partie de ce pendule à secondes) étant comparé au pied de Paris, soit, comme il est en effet, en proportion de 864. à 881. il sera aisé de faire la réduction de toutes les autres mesures du monde à ces mêmes pieds par le calcul. Mouton Chanoine de Lion a fait aussi un beau traité de mensura posteris transmittenda, sur le même principe.
PENDULE. s. f. est une horloge de nouvelle invention qu'on fait avec un pendule qui en régle le mouvement égal par le moyen d'une ligne cycloïde, qu'on dit être inventée par M. Huggens, qui a fait un trés-beau Volume de horologio oscillatorio imprimé en 1673.
PENES ou PESNES en termes de mer se dit des bouchons d'étouppe attachez à un manche, qui servent aux calfateurs à goudronner un vaisseau, & le suifver & brayer.
PENNAGE. s. m. Terme de Fauconnerie. Tout ce qui couvre le corps de l'oiseau de proye. Pennage blond, roux, noir, baglé, fleuri, turturin, cendré, &c. Selon les diverses couleurs que les oiseaux portent en leur robbe. L'oiseau a quatre sortes de pennage: 1. le duvet qui est comme la chemise de l'oiseau proche sa chair; 2. la plume menuë qui couvre tout son corps; 3. les vanneaux qui sont les grandes plumes de la premiére jointure des aîles; 4. les pennes qui s'étendent jusqu'à la penne du bout de l'aîle qu'on appelle le cerceau.
PENNES ou PANNES, terme de Fauconnerie. Sont les longues plumes des aîles, celles de la queuë s'appellent balay. Les pennes croisées sont une marque de la bonté de l'oiseau. Toutes les pennes des aîles ont leurs noms, une, deux, trois, quatre, cinq, les rameaux & le cerceau; les pennes du balay pareillement, le milieu, la deux, la trois, &c. Les oiseaux ont 12. pennes à la queuë. Ce mot vient de penna.
Pennes se dit aussi des petites plumes qu'on met au bout d'une fléche, ou d'un matras pour les faire aller droit, d'où est venu le mot de trait bien empenné, & un matras desempenné. Les pennes se faisoient avec des plumes d'oye ou de gruë.
Penne, ou Pennache, en termes de Blason se dit des plumes d'oiseau qu'on met sur le Chapeau pour orner la tête, quand on les peint sur des écus: De Marolles porte d'azur à l'épée d'argent; la garde en haut d'or, accôtée de deux pennes ou pennaches adossées du second, c'est à dire, d'or.
Penne en termes de Marine est le point, ou le coin des voiles Latines, ou à tiers point.
PENNON. s. m. Etendart à longue queuë, qui appartenoit autrefois à un simple Gentilhomme: c'est proprement un guidon à mettre sur une tente. Il est opposé à banniére qui étoit quarrée: car quand on faisoit quelqu'un Banneret, la cérémonie étoit de couper la queuë de son pennon, d'où est venu un ancien Proverbe: Faire de pennon banniére; pour dire, passer à une nouvelle dignité. Il y a encore à Lion des Compagnies des quartiers qu'on appelle Pennonages, & leurs Chefs s'appellent Capitaines Pennons. Ce mot vient du Latin Pannus, parce que ces banniéres étoient autrefois faites de drap, ou d'autre riche étoffe, qui étoient comprises sous le même genre.
Pennon généalogique, est en termes de Blason un écu rempli de diverses alliances des Maisons desquelles un Gentilhomme est descendu, qui sert à faire ses preuves de noblesse. Il comprend les armes du pere & de la mere, ayeul & ayeule, bisayeul & bisayeule: il est composé de huit, de seize, de trente-deux quartiers, &c. sur quoi on dresse l'Arbre généalogique.
PIED. s. m. Partie double de l'animal, qui lui sert à se soûtenir & à marcher. L'homme & les oiseaux n'ont que deux pieds. La plûpart des animaux terrestres ont quatre pieds. La plûpart des insectes ont cent pieds, c'est à dire, un grand nombre. Les serpens n'ont point de pieds, ils rampent sur la terre. Les Marchands font accroire que les oiseaux de Paradis n'ont point de pieds, ce sont eux qui les coupent.
Les écrevisses ont douze pieds. Les araignées, les mittes, les polypes ont huit pieds. Les mouches, les sauterelles, les papillons ont six pieds. Les singes, les loups, la marmote marchent sur les pieds de derriére.
En Autourserie on dit le pied d'un vautour & d'un éprevier, au lieu qu'en Fauconnerie on dit la main de l'oiseau, du faucon.
Pied en tant qu'il appartient à l'homme, se marie avec plusieurs mots en diverses significations. On dit, lâcher le pied, pour dire, reculer, se défendre mal; gagner au pied, pour dire, prendre la fuite. On dit aussi qu'on ne peut mettre un pied devant l'autre, pour dire, être foible, ne pouvoir marcher. On dit, mettre pied à terre, pour dire, descendre de cheval; avoir le pied à l'étrier, pour dire, être prêt à partir. On dit aussi, trouver pied, prendre pied: Il y a pied là, lors qu'on trouve le fonds de la riviére, & qu'il n'est pas besoin d'y nager. On dit aussi, examiner un homme depuis les pieds jusqu'à la tête, l'armer de pied en cap. On dit aussi, qu'il sent le pied de Messager, pour dire qu'il pue; & on appelle pieds pourris, ceux qui ont toûjours les pieds dans l'eau, comme ceux qui conduisent les trains de bois flotté. On dit qu'un homme a le pied marin, pour dire qu'il supporte aisément la fatigue de la mer, qu'il ne s'y trouve point mal. On appelle pied plat un rustre, un paysan qui a des souliers tout unis. Prendre au pied levé, c'est à dire, sur le champ, sans delai. Avoir le pied bot, c'est un nom général qu'on donne à un pied estropié ou mal tourné, soit qu'il soit tourné en dedans, ce que les Latins appellent varus; soit qu'il soit tourné en dehors, ce que les mêmes appellent valgus. Avoir des cors aux pieds, c'est à dire, des calus ou des durillons. Porter le pied en avant, tourner bien le pied, attendre de pied ferme. Un appartement de plain pied; & au figuré un galand de plain pied.
Pied fourché se dit des animaux qui ont le pied fendu en deux seulement, comme les bœufs, les cochons, les moutons, les chévres, &c. Les Hebreux n'osoient manger la chair que des animaux qui avoient le pied fourché, & qui ruminoient. Le Pied fourché, est aussi une ferme d'un impôt qu'on léve aux portes de quelques Villes sur les animaux au pied fourché qui s'y consomment. La ferme du Pied fourché est differente de celle du Pied rond. On appelle des pieds de cochon assaisonnez des bas de soye. On appelle petits pieds la volaille, le menu gibier. Les Ecrivains appellent une écriture menuë & mal faite, des pieds de mouche.
Pied de cheval, c'est la partie de la jambe depuis la Couronne jusqu'au bas de la corne. Le pied gauche s'appelle le pied du montoir, & le droit, le pied hors du montoir. On dit qu'un cheval a le pied gras, quand il a la corne foible & mince, lors qu'il est difficile à ferrer; qu'il a le pied usé, qu'il a le pied mauvais, qu'il a le pied dérobé, lors qu'il a peu de corne, ou qu'il l'a usée pour avoir marché pied nud, c'est à dire, déferré; qu'il a le pied comble, lors que sa sole est arrondie par dessous, & qu'il a besoin d'un fer vouté.
Pied neuf se dit d'un cheval à qui la corne est revenuë, aprés que le sabot lui est tombé, auquel cas il ne vaut rien que pour le labour. Le petit pied est un os spongieux renfermé dans le milieu du sabot, & qui a toute la forme du pied. On dit aussi, remettre un cheval sur le bon pied, galoper sur le bon pied, quand on le fait aller uniment & sur les mêmes pieds qu'il a commencé de partir. On dit aussi, parer le pied d'un cheval, pour dire, enlever la corne du cheval avec un boutoir autant qu'il est nécessaire pour le bien ferrer.
Pied se dit aussi des plantes & des arbres: Il a tant de pieds d'œüillets, tant de pieds d'anemones: Il a tant de pieds d'arbres fruitiers dans ce jardin, tant de pieds d'arbres dans cette forest. On appelle pieds corniers les gros arbres qui sont dans les encoignures des ventes qui se font dans les forêts, & qui se marquent par le Garde-marteau. Pied cornier, se dit aussi des longues piéces de bois qui sont aux encoignures des pans de charpente. On le dit aussi des quatre principales piéces qui font l'assemblage du bateau d'un carosse, qui soûtiennent l'imperiale, & où on attache les mains, où on passe les soûpentes.
Pied se dit aussi des choses tout à fait inanimées. Le pied des Alpes, d'une montagne, d'un rocher. Le pied d'une escabelle, d'une table, d'un bahut: le pied d'un clavessin, d'un buffet, d'une platine: le pied d'une lunette, d'un graphometre, sur lequel on pose sa genoüillére pour faire des observations. On appelle aussi le pied d'une dentelle une petite dentelle qu'on coud à une plus grande pour la faire mieux paroître. On dit aussi qu'un homme a le nez fait en pied de marmite, quand il l'a retroussé.
Pied en termes d'Architecture se dit premiérement des murs. Le pied de la muraille, c'est l'escarpe: On a percé le fossé, on est au pied de la muraille: On a sappé ce bastion par le pied; ce qui se dit aussi au figuré d'un raisonnement dont on a détruit le principe. On dit à la Paulme: Chasse au pied, on entend du mur.
Pied se dit aussi d'un talus, d'un penchant qu'on donne à des ouvrages pour les soûtenir, & particuliérement quand ils sont de terre: Ce rampart n'a pas assez de pied, de talus, il s'éboulera. On dit aussi qu'il faut donner du pied à une échelle, l'éloigner de la muraille pour y monter sûrement.
On dit en Jurisprudence: Le pied saisit le chef, c'est à dire, l'édifice suit la nature du sol, sur lequel on le peut élever tant qu'on veut.
Pied de fief en Jurisprudence feodale, se dit d'un fief dépecé & démembré, dont il est fort parlé en la Coûtume de Touraine.
Pied se dit aussi en parlant de ce qui est debout: Il a fallu être sur pied toute la nuit pour veiller ce malade, ou à cause de cette allarme: Soyez sur pied demain dés cinq heures, pour dire, Levez-vous matin: Il se leva en pieds pour haranguer.
On dit d'un Courtisan, qu'il est obligé de faire le pied de gruë, pour dire, qu'il faut qu'il se tienne toûjours debout; qu'il fait le pied derriére, quand il fait la reverence, & burlesquement qu'il faut qu'il fasse le pied de veau, quand il est obligé d'aller saluer quelque Puissant. On dit aussi, qu'il n'a pas mis le pied dans une maison, pour dire, qu'il n'y est point entré depuis un tel temps. On dit de celui qui s'opiniâtre à demeurer dans un logis, qu'il n'en veut sortir que les pieds devant, c'est à dire, étant mort.
On dit en ce sens & en termes de Guerre, mettre une armée, des troupes sur pied, pour dire, les lever & les entretenir. Un Capitaine, un Lieutenant en pied, c'est à dire, qui subsiste, qui n'est point réformé. On dit aussi des Compagnies, des Régimens de gens de pied, pour dire, de l'Infanterie. On appelle aussi un Valet de pied, celui qui sert & qui suit à pied le Roy & les Princes.
On dit en termes de Marine, que des marchandises sont en pied, pour dire qu'elles sont encore en nature, & qu'un Marchand les peut revendiquer en payant les frais du sauvement. On dit aussi qu'un vieux Château, un bâtiment sont encore sur pied, pour dire qu'ils subsistent, qu'ils ne sont point abattus.
Pied de Roy est une mesure contenant douze pouces, ou cent quarante quatre lignes. Un pied quarré est la même mesure en longueur & en largeur, qui fait cent quarante quatre pouces de superficie. Un pied cube est la même mesure selon les trois dimensions. Le pied cube a huit cent quarante-quatre pouces cubes. Le pied des anciens Romains avoit quatre palmes, & on l'appelloit pied Romain, ou pied du Capitole. Le pied Rhenan, ou le pied de Leyden, est celui qui sert de mesure à tout le Septentrion: sa proportion avec le pied Romain est comme de 950. à 1000. Voyez Casimir Polonois, qui dans sa Pyrotechnie a fait la réduction au pied Rhenan de tous les autres pieds des plus fameuses Villes de l'Europe.
Pied en termes de Poësie Grecque & Latine est la mesure des vers. Un vers hexametre a six pieds, un pentametre en a cinq. Les pieds sont composez de deux syllabes, comme le spondée & l'iambe, ou de trois, comme le dactyle & l'anapeste.
Pied signifie aussi mesure de proportion. Toutes les moyennes d'or se réglent pour leur poids & leur valeur sur le pied de l'écu sol, à proportion de son titre: On a fait cette contribution sur le pied de vingt mille écus: On l'a payé sur le pied de cent écus de gages: Sur ce pied-là il lui faut cent francs: Les Rentes se constituënt sur le pied du denier 20. On dit aussi, réduire une figure au petit pied, pour dire, faire la copie d'un grand tableau en petit avec les mêmes proportions; ce qui se fait avec le chassis, le parallelogramme, ou le singe.
Pied en termes de Teinturiers se dit des premiéres couleurs qu'on donne aux étoffes teintes en grand & bon teint, pour en recevoir aprés d'autres qui ayent plus d'éclat ou de durée. Ainsi on dit que les Teinturiers du bon teint doivent donner aux étoffes un pied necessaire de pastel, de garence ou de cochenille, devant que de les envoyer aux Teinturiers du petit teint; & ils sont obligez de laisser à la tête de la piéce une rosette de chaque sorte de pied du bon teint qu'ils luy auront donné.
Pied se dit figurément en plusieurs choses morales. On dit, mettre ses injures, ses ressentimens au pied du Crucifix, pour dire, les oublier, les pardonner pour l'amour de Dieu. On dit au contraire, mettre quelqu'un sous ses pieds, pour dire, le ravaler & le mépriser. On dit, se jetter aux pieds de quelqu'un, pour dire, implorer sa grace, sa misericorde. On dit qu'un homme, est aux pieds de la Cour, pour dire, qu'il est dans le Parquet de l'Audience. On dit, qu'un homme est à la Cour sur le bon pied, pour dire, en crédit, en fortune; qu'on le va voir sur le pied de bel esprit, de sçavant. On dit aussi qu'on s'est réduit au petit pied, pour dire, qu'on a retranché son train, diminué sa dépense. On dit prendre les choses au pied de la lettre, pour dire, à la rigueur & sans vouloir souffrir d'interpretation.
Pied se dit aussi en ces composez, d'arrache-pied, à clochepied, marchepied, trepied, chevrepied, pied leger, drap de pied, tapis de pied qui sont expliquez à leur ordre.
A PIED, adverbial, se dit en ces phrases: être à pied, c'est-à-dire, n'avoir ni cheval, ni carrosse: être venu de son pied. On dit aussi qu'on a mis quelqu'un à pied, quand on luy a fait vendre son équipage. On dit qu'il fait bon d'aller à pied quand on tient son cheval par la bride; qu'un cavalier qui n'a pas soin de son cheval, mérite d'aller à pied. On dit aussi, passer à pied sec; aller pied à pied, avancer peu à peu une affaire, accroître petit à petit sa fortune. Ou dit à la Guerre, gagner le terrain pied à pied lorsqu'on attaque une place dans les formes, qu'on fait des approches par trenchées.
Pied se dit proverbialement en plusieurs phrases. On dit qu'un homme a trouvé chaussure à son pied, pour dire, qu'il a trouvé une chose qui luy est fort convenable, ou au contraire quelqu'un qui luy résiste en face, qui se défend bien contre luy. On dit qu'il est déferré des quatre pieds, quand il a été si bien repoussé & contredit qu'il ne sçait plus que dire, ni que faire. On dit qu'un homme a bon pied, bon œïl, pour dire, qu'il se porte bien, & qu'il est fort vigilant, qu'il entend bien ses interêts; qu'il tient pied à boule, qu'il est assidu à son travail; qu'il ne se mouche pas du pied, pour dire qu'il est fin & difficile à surprendre; qu'il tirera pied, ou aîle d'une affaire, pour dire qu'il en aura l'avantage de quelque façon qu'elle tourne; & qu'il le trouve toûjours sur ses pieds, pour dire, qu'il subsiste, quelque changement d'affaires qui arrive. On dit qu'il s'est tiré une grande épine du pied, lorsqu'il a surmonté quelque grande difficulté, qu'il s'est tiré d'une grande inquiétude; & on dit de celuy qui est ruïné, qui n'a plus moyen de faire le fanfaron, qu'il ne sçait plus sur quel pied danser, qu'il est obligé d'aller à beau pied sans lance. On dit de celuy qui est joyeux du succés de quelque affaire, qu'il croit tenir Dieu par les pieds. On dit qu'un homme a eu un pied de nez, quand il a été trompé dans ses esperances. On dit qu'il a mis le pied dans la vigne du Seigneur, pour dire honnêtement qu'il a trop beu. Un Sergent dit que la vache a bon pied, lorsqu'une chose saisie est suffisante pour payer les frais d'un procés, ou que la partie qui poursuit, est riche. On dit lorsqu'on attend une chose promise qui ne vient point, qu'elle n'a point de pieds. On dit d'un grand criminel, qu'on l'a amené pieds & poings liez, & qu'on l'a emmené pied chaussé, l'autre nud, pour dire, en diligence, sans luy donner le loisir de s'habiller. Sa partie luy tient le pied sur la gorge, pour dire, luy propose des conditions fort déraisonnables. On dit de ceux qu'on fait partir brusquement: Beuvez un coup, & haut le pied. On dit de celuy qui cause beaucoup, qu'il a les pieds chauds. On dit d'une personne gaye, qu'elle a toûjours un pied en l'air; & d'un vieillard, qu'il a déja un pied dans la fosse. On dit qu'un homme qui a quelque grand sujet de tristesse, qu'il séche sur pied, qu'il voudroit être cent pieds sous terre. On dit d'un miserable qui n'a point de bien, que c'est un pied d'escaut, qu'il a les pieds poudreux. On dit aussi qu'un homme fait rage de ses pieds tortus: Chercher cinq pieds à un mouton où il n'y en a que quatre: Chercher à pied & à cheval. On dit aussi: Jamais coup de pied de jument ne fit mal au cheval: pour dire, qu'un homme ne se doit point fâcher des injures, ou des maux que luy font les femmes. On dit, aller du pied comme un chat maigre, comme un Basque. On dit, aller où le Roi va à pied, pour dire, aller à ses nécessitez. On appelle populairement un pendu, un Evêque des champs qui donne la benediction avec les pieds.
Pied d'aloüette, fleur qu'on appelle en Latin consolida regalis. Il y en a de plusieurs couleurs, de violettes, de gris-de-lin, de rouges, de blanches & de bleuës, il y en a aussi de pennachées. Elle fleurit aux mois de Juillet & d'Août.
Pied de biche, est la barre de fer qui sert à fermer les portes cocheres, qui se divise par un bout en deux crampons qui entrent dans les ferrures de la porte, & qui est par l'autre bout scellée dans la muraille.
Pied de chat, fleur dont on fait des sirops & des conserves pour les poulmoniques.
Pied de cheval, herbe, en Latin tussilago. Voyez Pas d'asne.
Pied de chévre est le composé de deux petits fers mobiles en charniéres, dont l'un se peut mouvoir d'un côté, & non pas de l'autre; c'est une piéce qui sert à faire la détente des horloges.
Pied de chévre est aussi une pince dont on se sert à remuër les pierres & les fardeaux, qui a un bec aigu, courbé & refendu.
Piedestal. s. m. C'est la partie basse de la colomne sur laquelle pose son fust. Il est composé de trois parties, de sa base, de son dé, & de sa corniche, qui ont differentes mesures suivant les divers ordres. On l'appelle aussi stilobate, quelquefois patin.
Pied droit, terme d'Architecture, est le jambage d'une porte ou d'une fenêtre, les parements de pierre de taille qui sont des deux côtez d'une porte, où les gons de la porte sont fichez, où on attache la menuiserie des fenêtres. On le dit aussi des jambages des cheminées: Les pieds droits des fenêtres doivent être embrasez & refeuïllez au moins de deux pouces, afin que la menuiserie puisse joindre contre les murs.
Pied de griffon est un instrument de Chirurgie, qui est de fer avec deux crochets, qui sert dans les accouchemens difficiles, à tirer la tête de l'enfant demeurée dans le ventre de la mere.
Pied de liévre se dit de ce qui sert aux Ecrivains à frotter & lisser leur papier, c'est en effet, un vray pied de liévre.
Pied de liévre est aussi une herbe qui croît parmi les bleds qu'on appelle autrement benoîte, galliot ou ressize, en Latin lagopus ou pes leporinus. Silvaticus la prend pour la caryophylata, ainsi nommée, parce qu'elle sent le girofle. C'est aussi le nom d'un oiseau ainsi appellé, parce qu'il a les pieds velus comme un liévre.
Pied de lion, ou patte de lion est une plante qui croît parmi les bleds & les champs, qui porte une tige haute d'un bon palme, qui a quelques concavitez, d'où elle jette plusieurs aîles, portant à sa cime deux ou trois grains dans des gousses en forme de cices. Ses fleurs sont rouges, & semblables à celles d'anemones; ses feüilles ressemblent à celles des choux, mais elles sont chiquetées comme celles de pavot; sa racine est noire & faite comme une rave, mais toute bossuë & pleine de durillons, en Latin leontopetalon. Il y a une espéce de pied de lion qui a la feüille comme la maulve; mais elle est plus dure & plus retirée, compartie en huit angles fort apparents, & dentelée tout à l'entour, si bien qu'en l'ouvrant & l'étendant elle est faite comme une étoile. Sa fleur est pâle, de pareille figure, & petite: elle naît au haut de ses tiges qui ont demi coudée, ce qui l'a fait appeller en Latin stellaria, alchimilla, pes, ou pata leonis.
Pied d'oiseau, autre plante appellée en Latin ornithopodium.
Piedouche est un petit piedestal qu'on met sous un buste, ou une petite figure, dans un cabinet, dans une gallerie. Il est ordinairement de marbre, on en fait quelques-uns de bois.
Pied d'oye est une plante qu'on nomme en Latin pes anserinus, tota bona.
Pied de veau, autre herbe, en Latin arum.
Pied de geline, herbe. Voyez Fumeterre.
PHOSPHORE, s. m. C'est une pierre qu'on appelle autrement pierre de Boulogne, qui imbibe la lumiére étant exposée au Soleil, & qui étant bien enveloppée, la conserve pour rendre en un lieu obscur aussi long-temps qu'elle a demeuré à la recevoir. Elle est trés-claire, & pesante, & semblable au plâtre; elle contient beaucoup de sel & de cendres caustiques. Elle soûtient une forte calcination: elle est transparente comme le talc qu'on appelle le miroir des ânes; mais elle se réduit plûtôt en brins qu'en lames. On l'appelle pierre de Boulogne, à cause qu'on la trouve prés de Boulogne la Grasse dans le mont Paterna qui en est à quatre milles. Il y en a aussi quantité dans l'Embrunois. On pile cette pierre en poussiere trés menuë, on en fait de petits gâteaux en la paîtrissant avec de l'eau commune & du blanc d'œuf; on la laisse secher à l'ombre, & puis on la calcine dans un fourneau de reverbere. Si on en fait des crucifix, aprés qu'ils auront été exposez le jour au soleil, ils rendront la nuit une trés-grande lumiére.
On a vû depuis quelque temps d'autres phosphores artificiels faits avec des compositions, &c.
R.
RAMADAN. Terme de Relations. C'est ainsi qu'on appelle le Carême des Mahometans, pendant lequel ils jeûnent tout le jour avec tant de superstition, qu'ils n'oseroient laver leur bouche, non pas même avaler leur salive. Les hommes peuvent se baigner, pourvû qu'ils ne mettent point la tête dans l'eau, de peur qu'il n'y en entre quelque goutte par la bouche ou par les oreilles; mais les femmes ne le peuvent pas, de peur de prendre l'eau par en bas. En récompense ils font bonne chere la nuit, & dépensent plus en ce mois qu'en six autres.
RAMBERGE. s. f. Terme de Marine, vaisseau Anglois en forme de patache, qui sert à faire la premiére garde à l'entrée d'un port où elle est entretenuë, & à aller faire la découverte, étant legére, & plus petite que les autres. Il y a pourtant des Auteurs qui parlent des Ramberges d'Angleterre comme des plus gros vaisseaux qu'on mette en mer en ce païs-là.
RAT. s. m. Petit Animal nuisible, que quelques-uns mettent au rang de la vermine, lequel se fourre dans les trous des maisons, & ronge les grains & les hardes. Esope a fait une fable du Rat de ville & du Rat de village. Il y a des Rats de grenier qui vivent du grain; & des Rats d'eau, qui vivent de poisson, & qui habitent le long des étangs; l'un s'appelle mus, l'autre, mus aquaticus. On confond dans le langage ordinaire les souris & les Rats, quoi que ce soient des espéces differentes. Il y a des souris de campagne qu'on appelle rattes rousses. Les Rats d'Egypte ont le poil dur & picquant, comme le herisson. Les Naturalistes distinguent les Rats en plusieurs espéces, qui sont bien differentes selon les païs. Les Rats de Pont sont blancs, & ont le dessus de la queuë fort noir, elle n'a qu'un doigt de long: ils sont gros comme des escurieux: Mathiole croit que c'est la même chose que l'hermine. Les Rats Lassiques sont blancs & cendrez, ils ont le ventre blanc, & sont plus grands que les hermines; c'est ce qu'on appelle en Blason menu vair, & chez les Foureurs petit gris. Les Rats de Nuremberg sont gros comme fouïnes, & ont le poil semblable à celuy du liévre; ils ont la queuë courte, & n'ont point d'oreilles, mais seulement deux trous qui leur en tiennent lieu. Les Rats de Hongrie tirent sur le verd, & ressemblent aux bellettes, mais ils ne sont gueres plus gros que des souris. Les Rats d'Inde ont le poil presque semblable aux marmottes, à la réserve qu'il est mêlé de plusieurs poils blancs, qui le font paroître argenté: ils ont la tête longue, le museau long, & les oreilles fort petites, ils sont gros comme des chats, mais ils ont les pieds plus petits, & le poil plus rude: on les appelle aussi Rats de Pharaon, ou Ramadous; & quelques Auteurs tiennent que c'est une espéce d'Icneumon. On met aussi les Marmottes au rang des Rats: car on les nomme en Latin mus montanus. Quelques-uns mettent aussi l'escurieu au rang des Rats, parce qu'il ressemble extrêmement au Rat Pontique; & pareillement les loirs ou glirons qui sont des espéces de marmottes, qu'on appelle mus Alpinus, & pareillement les chauve-souris qu'on appelle mus pennaticus. Les mulots passent aussi pour une espéce de Rats cachez en terre, mus silvaticus ou campestris. Il y a dans les villes de l'Indostan des Rats si gros & si affamez, qu'ils attaquent même les hommes, lorsqu'ils sont dans leur lit. Ce mot vient de l'Allemand Rat signifiant la même chose.
On appelle ironiquement Rat de cave, un Commis des Aides qui va visiter & marquer les tonneaux des Cabaretiers, pour en faire payer le Gros & Huitiéme.
On appelle de l'Arsenic, de la mort aux Rats, & généralement toute sorte de poison; & on dit d'une femme qui a empoisonné son mary, qu'elle luy a donné de la mort aux Rats.
On dit des méchans Auteurs, qu'ils ont à craindre les Beurrieures & les Rats.
En termes de Manége on appelle un cheval, queuë de Rat, quand sa queuë est dégarnie de poil; on appelle aussi queuë de Rat, des calus qui viennent aux jambes de derriére plus bas que le jarret.
En terme de Marine on appelle queuë de Rat, le cordage qui est plus gros par le bout d'en haut que par celuy d'en bas; ainsi on dit des escoutes à queuë de Rat, des couëts à queuë de Rat, quand ils sont attachez avec des cordes.
Rat, est aussi un nom que donnent les calfateurs à une espéce de ponton composé de bordages ou de planches, qui leur sert à donner le radoub au vaisseau.
Rat, est aussi un nom qu'on donne aux courants d'eau, ou aux contremarées, qui sont des mouvemens d'eaux contraires & fort dangereux, qu'on trouve sur tout dans les canaux où les mers sont serrées, comme dans le détroit de Magellan.
Quelques Ouvriers appellent Rats les trous de filiéres qui servent à dégrossir l'or, l'argent, le leton, & à le réduire en fils déliez.
Rat, se dit proverbialement en plusieurs phrases. On dit, que la montagne est accouchée d'un Rat, pour dire, qu'il est venu un petit effet d'une grande attente. On dit du reste de quelque chose endommagée: Voilà ce que les Rats n'ont pas mangé. On dit d'un homme qui paye mal, ou en petites parties, & en donnant des hardes & de mauvais effets, qu'il paye en chats & en Rats. On dit aussi d'un logis étroit, obscur & sale, que c'est un nid à Rats. On dit d'un homme pauvre, qu'il est gueux comme un Rat d'Eglise. On dit aussi: A bon chat bon rat, en parlant de celuy qui se sçait bien défendre, quand on l'attaque. On dit, que des gens sont heureux comme rats en paille, lorsqu'ils ont abondance de vivres, & qu'ils les mangent en repos. On dit aussi qu'une arme a pris un rat, lorsque le chien s'est abattu, & que l'arme n'a pas pris feu: on le dit aussi de celuy qui a manqué son coup en quelque autre sorte d'affaires. On dit d'une personne de fort petite taille, qu'elle n'est pas plus haute qu'un rat.
RATE. s. f. Terme d'Anatomie, partie du corps des Animaux située en l'hypocondre gauche à l'opposite du foye. Sa partie cave est tournée vers le foye & le ventricule, & la gibbeuse vers les extrêmitez des épines des côtes. Elle est de figure longue & quadrangulaire, & ressemble à une langue de bœuf. Hippocrate la compare à la plante du pied d'un homme. Sa chair est comme du sang caillé, rare & lâche comme une éponge, propre pour recevoir & boire les grosses humeurs du foye. Galien dit, que l'usage de la rate est de nettoyer le sang feculent, & d'attirer l'humeur mélancolique; & pour cela quelques-uns l'ont appellée faux foye, & d'autres l'organe du ris; d'où vient qu'on dit de ceux qui se réjouïssent, qu'ils s'épanouïssent la rate. La rate n'est autre chose qu'un tissu de veines, d'artéres & de fibres nerveuses entrelacées ensemble, & ce tissu qui fait sa substance, est ce qu'on appelle le parenchyme de la rate; il est recouvert d'une membrane composée aussi de fibres nerveuses capable de constriction & de dilatation: sa membrane vient du peritoine, & ses veines du rameau splenique; & il y a un petit nerf inseré, qui vient de la sixiéme conjugaison du cerveau. C'est une maxime que la plus grande rate est toûjours pire que la plus petite: car quand elle s'enfle, elle rend toûjours le corps mal composé. On dit qu'on ôte la rate aux Couriers du Grand Seigneur, afin qu'ils courent mieux; mais c'est une fable, car un homme ne sçauroit vivre sans rate, quoi qu'on ait vû des chiens vivre quelque temps aprés qu'on la leur avoit ôtée. Les Animaux qui ont peu de sang limoneux, n'ont point de rate.
L'Empereur Trajan appelloit le Fisc la rate de l'Empire, parce que plus la rate s'enfle, plus le reste du corps diminuë; ainsi plus le Fisc s'enrichit, plus le Peuple s'appauvrit.
On dit proverbialement & ironiquement à ceux qui tiennent quelque discours ridicule & peu vray-semblable: Vous avez bon foye, Dieu vous sauve la rate.
RATELEUX. euse. adje. Qui est sujet aux maux de rate, aux opilations de rate: Les rateleux ont le corps livide & plombé: les rateleux sont ceux qui ont la rate enflée contre nature, ou qui l'ont endurcie de longue main, de sorte qu'on y apperçoit déja une tumeur skirrheuse. On les appelle autrement spleniques.
RATEPENNADE. s. f. Oiseau nocturne, chauve-souri. En Latin mus pennatus, vespertilio.
RESINE. s. f. Gomme, suc gras & visqueux qui coule des pins ou sapins, & de quelques autres arbres, qui s'enflamme aisément, & dont on fait de la poix & autres drogues. On mêle la poix resine dans les flambeaux. Le mastic est la resine du lentisque. Le camphre est une espéce de resine. La meilleure de toutes les resines est la terebenthine qui doit être blanche & claire, tirant un peu sur le pers; & aprés, celle du lentisque, du pin & du sapin, & enfin celle de la pesse. Le cyprés produit aussi une resine liquide qui a les mêmes proprietez que les autres. Pline distingue seulement deux sortes de resine, la liquide & la seiche. La resine seiche se tire des pommes de pin, de sapin & de la pesse, on l'appelle proprement poix resine. La meilleure est celle qui est odorante & transparente, qui n'est ni seiche, ni humide, & qui ressemble à la cire. On fait cuire, seicher & brûler les resines pour en tirer de la suye, comme on fait de l'encens, ou pour en faire de la colophone qu'on appelle resine frite.
RESINEUX. euse. adje. Bois qui produit de la resine. Dans les montagnes on fait des flambeaux d'une branche de pin & d'autres bois resineux.
RETINE. s. f. Terme d'Optique & d'Anatomie. C'est une des tuniques de l'œïl, qu'on met la cinquiéme en ordre, & qu'on appelle aussi retiforme ou reticulaire, parce qu'elle est faite en forme de rets. Elle naît de la substance moëlleuse du nerf optique dilaté, c'est pourquoi elle est molle & blanche, & ressemble à de la cervelle délayée, ou à du papier huilé, & elle a la transparence de la corne des lanternes. C'est en cette partie que se fait la vision, ou l'impression des images, des objets, par le moyen des rayons de lumiére qui partent de chaque point de l'objet, qui se brisent dans le crystallin, & se vont peindre au fond de l'œïl sur la retine. On fait des retines de papier huilé, ou d'une glace dépolie dans des yeux artificiels qui montrent clairement & sensiblement, comment se fait l'action de la vûë, & tournent en ridicule l'opinion de plusieurs Anciens qui croyoient qu'elle se faisoit par émission de rayons.
RETROGRADATION. s. f. Terme d'Astronomie, action par laquelle on marche, ou on se meut en arriére. On ne le dit guere que des planettes: La retrogradation de Mars & de Saturne.
RETROGRADE. adj. m. & f. Qui marche en arriére, à reculons, ce qu'on compte à rebours: Le mouvement des écrevisses est retrograde. Quand au lieu de dire, 1, 2, 3, 4. on dit 4, 3, 2, 1. on appelle cela un ordre retrograde. Il y a des vers retrogrades où on trouve les mêmes mots en les lisant à rebours, comme Roma tibi subitò motibus ibit amor: on les appelle aussi recurrents, & reciproques. Il y en a plusieurs exemples dans Pasquier.
Retrograde, en termes d'Astronomie, se dit d'un mouvement apparent des planettes, quand elles semblent reculer au lieu d'avancer. On les appelle directes, quand elles vont selon l'ordre, la suite & la succession des signes, comme d'Aries en Taurus, de Taurus en Gemini, &c. comme lorsqu'elles vont du perigée en l'apogée; & au contraire quand elles vont de l'apogée au perigée, elles sont retrogrades, & paroissent aller contre la succession des signes, de Gemini en Taurus, de Taurus en Aries, &c. la raison de ce phénomene est expliquée dans la Théorie des planettes de Quepler & d'autres Astronomes.
RETROGRADER. v. n. marcher ou se mouvoir en arriére, faire une chose à rebours, contre l'ordre naturel. Les planettes semblent retrograder aprés qu'elles ont été stationaires: la Lune & le Soleil ne retrogradent jamais: Les faiseurs d'acrostiches tâchent de trouver les mêmes mots, soit qu'on les lise de droit fil, ou en retrogradant: Cet écolier va en retrogradant, au lieu de monter de Cinquiéme en Quatriéme, il l'a fallu remettre en Sixiéme: Ceux qui font paroître de grands efforts de mémoire disent plusieurs mots ou nombres en retrogradant contre l'ordre naturel.
RHINOCEROS. s. m. Bête farouche à quatre pieds, ainsi nommée à cause d'une corne qui lui sort du nez. Pline dit que c'est l'ennemi de l'Elephant, qu'il s'aiguise la corne, quand il veut le combattre, tâchant de le frapper au ventre où il a la peau la plus tendre. Du Bartas a fait une belle description de ce combat qu'on tient fabuleux. Le Rhinoceros est de la longueur de l'Elephant, mais il a les jambes plus courtes, & les ongles des pieds fendus. Pausanias asseure qu'il a deux cornes, l'une fort grande sortant du nez, l'autre petite, mais trés-forte qui pousse en haut; & quelques-uns disent que ces cornes ne sont point arrêtées, mais s'agitent de part & d'autre, & que quand il entre en colere, elles deviennent si roides & si dures, qu'elles déracinent un tronc d'arbre, quand elles le heurtent de front. Festus croit que c'étoit un bœuf d'Egypte, quoi qu'il ait la tête & le museau d'un cochon. On le chasse pour avoir sa peau qui est trés-dure & trés-forte, étant toute couverte d'écailles, & épaisse de quatre doigts; on en fait des cottes d'armes, des boucliers & des socs de charruë.
On appelle proverbialement, un nez de rhinoceros, un homme qui a un nez gros & éminent. Les Latins ont dit d'un homme fin & rusé, qu'il avoir un nez de rhinoceros.
ROUVRE. s. m. C'est la seconde espece de chêne qui est moins haut que les autres, qui a le tronc & le branchage tortu, creux & fort dur, qui a l'écorce rabotteuse, & la feüille un peu moindre que le vray chêne. Il a un gland gros, long & mince, ayant une longue queuë, & fort agréable au bêtail. Il y a trois sortes de chêne. Le chêne ordinaire, le rouvre, & le chêne verd. Rouvre vient du Latin robur.
ROY. s. m. souverain, maître absolu. C'est la qualité qu'on donne à Dieu qui est le Roy, le souverain Créateur du Ciel & de la Terre, le Roy des Rois. On donne à J. C. sur la terre la qualité de Roy des Juifs.
Roy signifie aussi Monarque qui commande seul & souverainement à une région de la terre. Les Grecs appelloient le Roy de Perse le Grand Roy. Les Europeans regardent le Roy de France comme le Roy le plus grand & le plus puissant de l'Europe: on l'appelle le Roy trés-Chrêtien: Le Roy Louïs XIV. est le plus grand Roy qui ait été depuis l'établissement de la Monarchie. Le Roy d'Espagne est appellé le Roy Catholique. Le Roy des Romains, est un Prince désigné Empereur, qui est une espece de Coadjuteur à l'Empire. On a aussi appellé Roy le Seigneur d'Yvetot.
Roy, se dit aussi des personnes qui sont de vaines images ou representations du Roy: comme celui qu'on fait au jour des Rois qu'on nomme le Roy de la féve, c'est celui qui a trouvé la féve au gâteau dans sa part: On va faire les Rois, crier, Le Roy boit, en un tel lieu; pour dire, y faire la cérémonie de cette réjouïssance. On la célébre en l'honneur de la fête des Rois ou de l'Epiphanie, & c'est pourtant une imitation des Saturnales des Payens. On appelle Roy, celui qui doit payer pour tous les autres un repas qu'on a joüé, & on dit alors qu'on a fait un Roy. On appelle aussi le Roy du bal celui qui en fait les frais, & qui danse la premiére courante. Un Roy de théatre, est un Roy en representation, ou un Roy qui laisse toute son autorité entre les mains de ses Ministres.
Roy, se dit aussi entre les Animaux de celui qui est le plus excellent en leur espece. Le Lion est appellé le Roy des Animaux à cause de son courage. Le Phenix est le Roy des Oiseaux à cause de sa rareté, qui est encore plus grande qu'on ne pense. Le Basilic est appellé le Roy des Serpens, à cause qu'il tuë de ses regards, à ce que disent les Naturalistes qui ne l'ont jamais vû. Les Abeilles ont aussi leur Roy qu'on dit être femelle & sans aiguillon.
Roy, se dit aussi de ce qui est excellent en chaque chose, de ce qu'on veut loüer: Cet homme a milles bonnes qualitez, c'est le Roy des hommes: Voilà un manger de Roy, un plaisir de Roy, pour dire excellent: Quand ce seroit pour le Roy, il ne seroit pas plus chaud, il ne seroit pas meilleur: C'est un homme qui a un cœur de Roy, qui est vaillant, liberal, magnifique, qui fait une dépense de Roy, qui traite en Roy, c'est à dire, fort bien.
Roy, se dit aussi au jeu des Cartes, des quatre premiéres peintures, & on appelle ironiquement un jeu de cartes, le livre des Rois. Aux Eschecs le Roy est la principale piéce du jeu à qui il faut donner échec & mat pour gagner. On dit aussi qu'aux Echecs les foûs sont les plus prés des Rois; pour montrer qu'il n'est pas nouveau que les foûs ayent souvent l'oreille du Roy, la faveur du Roy.
Pied de Roy, poulce de Roy, c'est la mesure publique des longueurs, sur laquelle on étalonne les autres. Le pied de Roy a douze pouces, le pouce de Roy a 12. lignes, ou grains d'orge. Voyez Pied.
Roy, se dit aussi en plusieurs phrases qui regardent la personne ou le service du Roy. On appelle Maison du Roy, non pas seulement son Palais, mais tous ses Officiers qui servent à sa Cour, & qui sont couchez sur l'Etat. A la guerre on appelle, la Maison du Roy, tous les gens de guerre qui servent à sa garde, tant cavalerie qu'infanterie. En général on dit, aller servir le Roy, pour dire, s'enroller, prendre parti dans ses troupes. La Justice s'exerce sous le nom & l'autorité du Roy, sous les ordres du Roy, de par le Roy. Tous les Officiers Royaux de Judicature s'appellent Conseillers du Roy, même les Notaires & les Secrétaires. On dit que les choses saisies sont mises sous la main du Roy & de Justice. Les Edits & Déclarations du Roy, Arrêt du Conseil d'Etat du Roy, donné le Roy étant en son Conseil. On appelle dans les Prisons le pain du Roy, celui qui est pris sur le fonds des amendes, que le Roy donne pour la subsistance des Prisonniers qui n'ont pas le moyen de se nourrir. On n'entend dans les réjouïssances que des cris de Vive le Roy. On appelle dans un siége le quartier du Roy, celui où est campé le Général. On appelle dans les grandes maisons, ou dans les hôtelleries, la Chambre du Roy, celle où il a couché une fois en allant par païs.
Roy, se dit figurément en Morale. Un Stoïque dit que le sage est son Roy, pour dire qu'il est maître de ses passions.
Roy, s'est dit aussi autrefois de celui qui étoit le superieur, le premier, ou le Juge en quelque Corps & Compagnie. Ainsi on appelloit le Roy des Merciers, celui qui avoit l'œil sur les poids, aûnes & mesures des Marchands: le Roy des Barbiers, celui qui avoit droit de visite sur les autres: le Roy des Arbalêtriers, celui qui étoit le premier des Maîtres. On trouve des Lettres Patentes du Roy Charles VI. de l'an 1411. qui portent, qu'il a reçû la supplication des Rois, Connêtable & Maîtres de la Confrairie des 60. Arbalêtriers de Paris. Il y avoit aussi un Roy de la Basoche pour les Clercs. Un Roy des Arpenteurs, &c. Il y a encore maintenant un Roy des Violons, qui est le Chef de la Maîtrise. Aux Jeux floraux on appelloit le Roy des Poëtes celui qui avoit emporté le prix, & qui l'année suivante jugeoit des poësies des autres. Il y a eu aussi un grand Officier à la Cour qu'on nommoit Roy des Ribauds. Il est expliqué à Ribaud.
Le Roy d'armes étoit autrefois un Officier fort considérable dans les armées & dans les grandes cérémonies. Il commandoit aux Herauts, il présidoit à leur chapitre, & avoit Jurisdiction sur les armoiries. Quelques-uns disent que ce fut Clovis qui institua ces sortes d'Officiers, & les baptiza du nom de son cri, S. Denys mont-joye; d'autres disent que ce fut Dagobert. La Colombiere prétend que ce fut le Roy Robert, & que le premier qui eut cette Charge, fut un nommé Robert Dauphin, noble & vaillant Chevalier. Charlemagne les appella compagnons des Rois, & les reçût entre ses principaux Conseillers. Leur établissement en cette Charge se faisoit avec de grandes cérémonies, qui parce qu'elles sont curieuses, seront ici rapportées. Celui qui étoit élû par le Chapitre des Herauts, étoit presenté au Roy, qui lui donnoit des habits royaux d'écarlate fourrez de menu vair, qu'il lui faisoit vêtir par ses Valets de chambre: en suite il étoit conduit par le Connêtable & plusieurs Chevaliers, & tous les Herauts & poursuivans d'armes deux à deux, jusqu'au lieu où le Roy devoit entendre la Messe: là on le plaçoit devant l'autel dans une chaise sur un tapis velu, ayant à ses deux lez ou côtez des Chevaliers qui portoient les honneurs, comme la couronne, la cotte d'armes & l'épée. Le Roy arrivé lui faisoit faire serment sur les Evangiles, & lui donnoit le cri de Mont-joye Saint Denys, avec plusieurs articles concernans ses fonctions: en suite le Roy le faisoit Chevalier, en lui donnant l'épée qu'il lui faisoit ceindre par le Connêtable, & le Roy lui mettoit sa cotte d'armes, lui accrochoit à la poitrine le blason émaillé des Armes de France, & lui mettoit la couronne sur la tête. Puis le Roy d'armes étoit assis dans la chaise du Roy vis à vis de lui pendant le service; & le Roy le faisoit dîner au bas bout de sa table, & servir par ses mêmes Officiers. Il lui faisoit un grand present dans une couppe d'or, & en suite il étoit reconduit en son hôtel avec la couronne sur la tête & la cotte d'armes sur l'habit royal par deux Maréchaux de France & plusieurs Chevaliers en grande cérémonie. Voyez dans Louvan Geliot plusieurs autres particularitez.
Le Roy d'armes Mont-joye a l'avantage de tenir le premier rang sur les autres Rois d'armes des Marches ou Provinces, lesquels avoient sous eux chacun deux Herauts & deux Poursuivans, qui composoient un College, dont le Chapitre se tenoit à Paris en l'Eglise du petit S. Antoine. Il est distingué des autres par sa cotte d'armes de velours violet cramoisi, ornée devant & derriere de trois grandes fleurs de lis en broderie d'or, surmontées & couvertes d'une couronne royale frangée & galonnée d'or: sur la manche droite trois fleurs de lis, & le nom & titre de Mont-joye écrit en broderie d'or; & Roy d'armes de France sur la gauche. Anciennement il portoit sur sa poitrine un camayeu ou émail de crystal rechaussé d'or, garni & bordé de pierreries fines, où étoient peintes les armes du Roy: à present il porte un cordon large, d'où pend une médaille d'or avec l'effigie du Roy. Son bonnet est une toque de velours noir avec un cordon d'or semé de deux rangs de perles, & des touffes ou aigrettes de heron, il porte à la main droite un sceptre couvert de velours violet semé de fleurs de lis d'or en broderie, orné au bout d'une fleur de lis massive, chargée d'une couronne royale de même. Favin dit que la cotte d'armes des Rois d'armes de Province étoit appellé tunique; ayant les manches courtes & arrondies par en bas, sur lesquelles étoient marquez les noms de leurs Provinces.
Les Rois d'armes ont eu divers noms en divers lieux. Celui du Roy d'armes de France s'appelloit Mont-Joye S. Denys. Celui de l'Empereur est appellé Arche-Roy, qui est créé par l'Empereur aprés que le Marquis du S. Empire le lui a nommé. Celui du Roy d'Espagne s'appelle Toison d'or, à cause de l'Ordre de la Toison dont le Roy d'Espagne est le Chef. Jean de S. Remy fut le premier Roy d'armes sous le nom de Toison d'or, qui a laissé un Traité de l'an 1463. où il rapporte les Ordonnances faites par les anciens Ducs de Bourgogne sur les Armoiries.
En Angleterre il y a trois Rois d'armes, nommez Jarretiére, Clarence & Norroy. En Ecosse il est appellé Leon.
Ils prennent aussi leurs noms des Ordres de Chevalerie, dont ils sont Rois d'armes, comme celui du Roy Louïs XI. Mont S. Michel; celui des Ducs d'Orleans, Porc Epic; celui d'Anjou, Croissant; celui de Bretagne, Hermine, &c.
Maintenant les Rois d'armes sont bien déchûs de leur ancienne élevation & autorité. Le Grand Ecuyer prétend que la qualité de Roy d'armes est comme annexée à sa Charge, il en fait plusieurs fonctions, & en prétend les plus beaux droits. En la Cour des Ducs de Normandie les Rois d'armes s'appelloient Ducs d'armes.
Roy, se dit proverbialement en ces phrases: Un Dieu, un Roy, une Loy. On dit aussi souhait de Roy, fils & fille. On dit d'un homme de bonne maison, qu'il est noble comme le Roy. Et on dit pour affirmer une chose: Cela est vray, ou le Roy n'est pas noble. On dit de celui qui a obtenu une chose qu'il souhaitoit fort: Maintenant le Roy n'est pas son cousin. On dit en parlant des choses qui sont hors d'usage: Cela étoit bon du temps du Roy Guillemot. On dit d'une assemblée tumultueuse: C'est la Cour du Roy Peto où chacun est maître. Voyez l'origine de ce proverbe à Maistre. On dit à table quand on prend du sel avec les doigts: J'ay vû le Roy. On appelle, joüer au Roy dépoüillé, quand plusieurs personnes sont aprés quelqu'un pour le piller, le ruïner, pour en tirer chacun sa piéce. On dit aller où le Roy va à pied, pour dire à ses nécessitez. On dit, Qui aura de beaux chevaux, si ce n'est le Roy? quand on s'étonne de voir un homme riche bien meublé. On dit, Qui mange la vache du Roy, à cent ans de là en paye les os; pour dire que celui qui a manié les deniers du Roy, qui a fraudé les droits du Roy, en est recherché tôt ou tard. Pour se mocquer de celui qui dit absolument, Je le veux; on répond, Et le Roy dit, Nous voulons. On dit d'un opiniâtre qui s'est placé quelque part, qu'il n'en sortiroit pas pour le Roy. On dit, au Royaume des aveugles les borgnes sont Rois, pour dire que ceux qui ont moins de défauts, sont les plus estimables. On dit encore: Nous verrons cela avant qu'il soit trois fois les Rois; pour dire, dans quelque temps d'ici.
RUBIS. s. m. pierre rouge qui est au troisiéme rang des pierres précieuses, & qui est la plus estimée après le diamant & le saphir. Il a la dureté du saphir. Son prix excede aujourd'hui celui du diamant, car il est devenu fort rare. Les Grecs ont appellé les rubis, apyroti, c'est à dire, charbons ardens. Le rubis se nourrit dans la mine, où premiérement il blanchit, & en se meurissant il contracte sa rougeur, d'où vient qu'on en voit de moitié blancs moitié rouges, comme qui diroit moitié saphir, & moitié rubis.
Il n'y a que de deux sortes de rubis, le rubis balais, & le rubis spinelle. Le rubis balais naît d'une matiére pierreuse de couleur de rose, qu'on appelle mere ou matrice du rubis. Il est de couleur d'un rouge de rose vermeille. Le rubis spinelle est de couleur de feu & plus rouge que le rubis balais, & n'a pas l'éclat du vray rubis, ni tant de dureté, il est appellé la femelle du vray rubis. Les rubis viennent du Pegu & de l'Isle du Ceylan. On dit que le plus gros a été vû chez le Roy de cette Isle, qu'il étoit long d'un palme, & épais comme le bras d'un homme, & qu'il éclairoit comme une grosse flamme de feu; mais on tient celui-là fabuleux. L'Empereur Rodolphe en avoit un gros comme un petit œuf de poule, & il l'acheta soixante mille ducats. Usumcassan Roy de Perse en avoit un qui étoit un veritable parangon, gros d'un doigt, du poids de deux onces & demie, comme témoigne Vigenere. On en a vû à Paris de 240. carats.
Rubis, se dit aussi des gros bourgeons rouges qui viennent sur le visage, & particuliérement à celui des yvrognes. Ainsi Regnier a dit du nez d'un Pedant:
Les Chymistes font plusieurs preparations de corps naturels qu'ils appellent Rubis, à cause de leur couleur rouge, comme Rubis d'arsenic & autres.
On dit proverbialement faire Rubis sur l'ongle, lors qu'en débauche on vuide si bien un verre, qu'il n'en reste qu'une goutte qu'on verse sur l'ongle, & qui est si petite qu'elle ne s'écoule point, quoi qu'on renverse le pouce. On dit aussi, payer Rubis sur l'ongle, quand on paye exactement jusqu'au dernier denier, par allusion à cette maniére de boire jusqu'à la derniére goutte.
RUBORD. s. m. Terme de Charpenterie qui se dit du premier rang des planches ou bordages d'un bateau foncet ou autre, qui se joint à la semelle, & qui est la premiére piéce qui s'éleve du fond du bâtiment. Le second rang de ces planches s'appelle le deuxiéme bord, le troisiéme rang, le troisiéme bord, & le dernier qui joint le dessous du plat bord, s'appelle sous barque.
RUCHE. s. f. Panier destiné à nourrir & serrer des mouches à miel. On fait aussi des Ruches de verre pour avoir le plaisir de voir travailler les abeilles. Ce mot vient de rupes, à cause que les abeilles se mettent quelquefois dans des roches. Ménage. D'autres le dérivent de rytikon apo tou ryestay, qui signifie custodire, parce qu'elle sert à garder le miel.
Ruche, se prend aussi pour les mouches, le miel & la cire qui sont dedans: Il m'a vendu tant de Ruches.
Ruche, en termes de Médecine se dit de la cavité qui est auprés du conduit de l'oreille, en laquelle s'amassent les ordures qu'on tire avec le cure-oreille, qu'on appelle suif, & quelquefois cire.
Ruche en termes de Marine, c'est le corps d'un Vaisseau sans ses agreils, lors qu'il est tout nud & destitué de mâts & de cordages.
Ruche est aussi un engin à pescher fait à peu prés comme une ruche à mouches. Voyez Rouche.
RUM. s. m. Terme de Marine, est une espace qu'on prepare dans le fond de cale d'un Vaisseau pour les marchandises de cargaison. On dit aussi reun & arruner ou arrumer, pour dire, ranger les marchandises; & il y a des Officiers exprés sur les ports.
RUMB est un grand Cercle vertical tracé sur le Globe, qui divise l'horizon en trente deux parties. Sur les Cartes les Rumbs sont tracez en ligne droite: c'est une division que les pilotes les plus exacts ont faite des vents qui sont marquez sur la Rose de la Boussole ou Compas de mer, & qui sert à marquer la route d'un vaisseau pour aller d'un lieu à un autre. Chaque ligne ou pointe désigne un vent. On les divise & subdivise. Le Rumb entier ou quart de vent est celui qui soufle d'un des 4. points Cardinaux. Le demi Rumb est celui qui soufle entre les points Cardinaux, & fait avec eux un angle de 45. degrez. Le quart de Rumb est celui qui fait un angle de 22. degrez 30. minutes; & le demi quart de Rumb en fait un de 11. degrez 15. minutes. Ce mot au reste dans sa propre signification se prend pour la partie du monde vers laquelle on dresse sa route. De sorte que quand on dit qu'un Navire suit le Rumb du Nord, on ne veut pas dire que le vent du Nord soufle, mais que la prouë du vaisseau est tournée vers le Nord, a le cap au Nord. Les rumbs font la même division sur le Globe, que les Azimuts ou les Cercles verticaux.
Rumb, signifie aussi entre les Mariniers rang ou ordre. Etre en bon Rumb, c'est à dire, être en bon ordre. Tenir son Rumb, c'est garder son rang.
S.
SAFRAN. s. m. Plante qui porte une fleur du même nom jaune & odoriferante qu'on réduit en poudre.
Le Safran a les feüilles longues & étroites, épaisses & douces à manier, & plusieurs petits Rameaux capillaires, il jette des fleurs semblables à l'Ephemeron, rouges & belles à voir: il sort de la terre devant que ses feüilles viennent & il n'a point de calice, mais la nature l'a pourvû de deux voiles qui le mettent à couvert & lui tiennent lieu de feüilles, du milieu de sa fleur sortent des filamens rouges, ayant un sommet assez gros, accompagnez de petites languettes de couleur d'or semblables à celles de la Barbe-bouc: il fleurit un mois durant, puis des fleurs sortent ses feüilles, lesquelles verdoyent tout l'hiver, le printemps venu elles se sechent & disparoissent en Eté, il a sa racine bulbeuse, & revêtu de plusieurs cartilages jaunissans comme le glayeul: il a cela de particulier qu'il fructifie mieux quand il est bien foulé. En Latin Crocus.
Le Safran bâtard a ses feüilles longues, rudes, piquantes, chiquetées tout à l'entour: sa tige est d'un pied & demi de haut, ses têtes & chapiteaux sont de la grosseur d'une Olive, qui sont herissonnées & épineuses longuettes & écaillées avec des feüilles au dessous qui s'ouvrent en forme d'étoile: sa graine est blanche & anguleuse, lissée & dure, un peu plus grosse qu'un grain d'orge, qui a au dedans une moëlle blanche; sa racine est longue, grêle & fort cheveluë, sa fleur est semblable à celle du Safran domestique. Les plumassiers se servent du Safran Bâtard pour teindre leurs plumes en incarnadin d'Espagne en mêlant dans son suc du jus de citron. On l'appelle en Latin Cnicus, Cnecus, ou Crocus Sarracenicus, & les Apoticaires suivant les Arabes l'appellent Cartamus.
Le Safran est employé par les Enlumineurs pour faire du jaune doré. On fait du Ris jaune avec du Safran. On fait grand trafic de Safran vers le Septentrion. Le Safran épanoüit le cœur. On dit que les mulets n'en sçauroient porter une charge bien loin, & qu'il les faut relayer pour cela. Quand on veut loüer du Beurre, on dit qu'il est jaune comme Safran. Ce mot vient de l'Arabe Zapheran on le dit en cette signification en Turquie & en Italie, & en Allemand d'où le François est dérivé. Ménage.
Safran. Terme de Marine, est une piéce de Bois qu'on applique sur le gouvernail pour en faciliter le mouvement.
Safran en termes de Charpenterie est la planche qui est à l'extrêmité du gouvernail d'un batteau foncet, sur laquelle sont attachées les Barres qui soûtiennent les planches de Remplage.
On dit proverbialement qu'un homme est allé au Safran, lorsqu'il est mal dans ses affaires, qu'il est obligé à faire banqueroute, car on suppose que son chagrin lui doit donner la jaunisse: & on dit de ceux qui ont cette maladie, qu'ils sont jaunes comme Safran. On dit aussi rire jaune comme Safran par une antiphrase, pour dire qu'on n'a guéres envie de rire.
SAFRANIER. iere. s. m. & f. banqueroutier qui n'a plus de bien. On nous a voulu presenter pour caution un Safranier, un homme ruïné. Quelques-uns disent que ce mot vient de Saffre & goulu, qui a mangé son patrimoine; d'autres du mot de Safran, parce que le chagrin d'un homme qui a mal fait ses affaires, le rend jaune & sec, & l'on dit qu'il trafique en Safran; il peut venir aussi de ce qu'il n'y a pas long-temps qu'on peignoit de jaune ou de couleur de Safran les maisons des Banqueroutiers, ou de ceux dont les biens étoient confisquez avec note d'infamie.
SALVATELLE. s. f. Terme de Médecine. C'est un nom que les Arabes donnent à un Rameau fameux de la veine cephalique qui s'étend au petit doigt & à son proche voisin. On en saigne fort à propos aux fiévres quartes & aux maladies provenantes de la mélancolie & des obstructions de la ratte.
SAMIS ou SAMILIS. Terme de Negoce. C'est une étoffe fort riche qui vient de Venise, qui est lamée ou tremée de lames d'or & d'argent. Ce mot est fort ancien. Dans les Registres de la Chambre des Comptes il est fait mention de plusieurs Armes du Roy couvertes de Samis Vermeil: en Latin Auri Samitum, Examitum, qu'on trouve en plusieurs anciens tîtres, l'Oriflame étoit faite d'un Samis Vermeil selon quelques-uns.
SANDARAQUE s. f. Terme de Pharmacie. C'est un suc mineral durci qui semble quelquefois avoir passé par le feu & être onctueux. On la trouve dans les mines d'Or & d'Argent mêlée souvent avec l'orpigment: elle est rouge & vient de l'Asie mineure, & de plusieurs autres lieux. La naturelle dont parle Vitruve n'est autre chose que l'Arsenic rouge. La factice est le Sandix de Dioscoride & de Gallien qui est faite de ceruse passée au feu, dont l'invention fut trouvée par hasard dans un incendie. On en fait aussi avec de l'Orpigment poussé au feu comme dit Scaliger. La meilleure est la plus rouge, qui sent le souffre. Les Médecins se servent de la naturelle qui est un poison, & un reméde: & les peintres de la factice. Voyez Agricola, Pline, Dioscoride.
Sandaraque est aussi la Gomme de Geniévre dont on fait le vernis lequel a tiré son nom de ce que cette Gomme vient vers le printemps: Car on l'appelle vernix en Latin, en François & en Allemand. Ce sont les Mores qui appellent la Gomme de Juniperus Sandarax qui font de la confusion entre le Vernix & la Sandaraque. De sorte que Mathiole avertit que quand les Arabes parlent dans leurs médicamens de la Sandaraque, ils entendent parler de la Gomme de Geniévre. Quand ce sont les Grecs ils entendent parler de la vraye Sandaraque minerale qui est un poison.
SAPHENE. s. f. Terme de Médecine, c'est une veine considerable née auprés des glandules de l'aine, qui descend le long de la cuisse jusqu'au malleole externe, & se perd parmi la peau du dessus du pied.
SAPHIR. s. m. Terme de Joüailler. Pierre précieuse Orientale de couleur d'un bleu Celeste & bel azur qui est d'égale dureté avec la Topase, l'un & l'autre tiennent le premier rang aprés le Diamant. La bague Episcopale est un Saphir. Les Rabbins disent que la Verge de Moïse & les Tables qu'il reçût au Mont Sinai étoient de Saphir. On trouve des Saphirs au Puy en Auvergne dont la couleur tire sur le verd. Il y a aussi un Saphir d'Eau qui est aussi tendre que le Cristal qui se trouve en Boheme & en Silesie. Le Saphir Oriental est quelquefois blanc & même le bleu ou violet se peut blanchir par le feu étant mis entre deux Creusets luttez dans de l'or fondu, & il ne reprend jamais sa couleur. Il y a aussi un Saphir que les Latins appellent Oculus Felis, Œil de Chat qui a des diversitez de couleurs admirables & dont la dureté souffre un poliment égal au vrai Saphir. Les Indiens croyent qu'il fait leur bonne ou leur mauvaise fortune, ce qui le met en grande estime chez eux. Le nom de Saphir vient de ce qu'en Hebreu les plus belles choses sont appellées Saphires, c'est pourquoi il est dit dans l'Ecriture que le Siége de Dieu ressemble au Saphir.
SCARIFICATEUR s. m. Est un instrument de Chirurgie fait en forme de Boëte, au bas de laquelle sont 18. Roües trenchantes comme un Rasoir, qu'on bande avec un ressort, & qui se débande avec un autre; il sert pour faire évacuer le sang épandu sous le cuir, parce qu'il fait 18. incisions à la fois, qui font moins de douleur que si on les faisoit l'une aprés l'autre.
SCARIFICATION. s. f. Terme de Chirurgie. Operation par laquelle on incise la Peau avec un instrument propre, en la picquant en plusieurs endroits.
SCYTALE Laconique s. f. Terme de Steganographie. C'est une invention dont se servoient autrefois les Lacedemoniens, pour écrire à leurs correspondans des lettres secretes, afin que ceux qui les auroient interceptées ne les pussent lire. Ils avoient deux rouleaux ou cylindres de bois fort égaux, dont l'un se gardoit à la Ville, l'autre étoit entre les mains du correspondant. Celui qui écrivoit tortilloit au tour d'un de ses rouleaux une laniére de parchemin fort déliée, & y écrivoit ce qu'il avoit à mander, puis il la détachoit & l'envoyoit au correspondant, lequel l'appliquant sur le rouleau de même grosseur, trouvoit les mots & les lignes en la même disposition qu'ils avoient été écrits; & les lisoit facilement; c'étoit une invention qu'ils estimoient beaucoup, quoi qu'elle fut assez grossiére. On s'est bien raffiné depuis ce temps-là en cette maniére d'écrire; c'est la premiére que décrit Aporta dans son Livre de Ciferis.
SECANTE. s. f. Terme de Trigonometrie. C'est la ligne tirée du centre du cercle qui coupe la ligne tangente élevée perpendiculairement sur l'extrêmité du diametre: elle passe aussi par l'extrêmité superieure de l'Arc dont elle est secante. On a fait plusieurs tables des sinus tangentes & secantes.
SEGRAIER. s. m. Terme des Eaux & Forêts; c'est celui qui possede par indivis la proprieté d'un bois avec d'autres Proprietaires & Seigneurs, qui le tient en segrairie.
SEGRAIRIE. s. f. Bois qui est possedé en commun ou par indivis soit avec le Roy, soit avec des particuliers. Il y a plusieurs articles de Réglemens pour les Bois tenus en segrairie dans l'Ordonnance des Eaux & Forêts. La disposition qui regarde les Bois du Roy, a lieu aussi à l'égard de ceux qui sont tenus en segrairie avec luy.
SEL. s. m. Substance Acide qui entre en la composition de tous les corps, & qui est un de leurs principes Physiques. Les Chymistes ne connoissent que trois principes, le Sel, le Souffre, & le Mercure. Il n'y a proprement que deux Sels en la nature, l'Acide & l'Alkali, dont tous les corps sublunaires sont composez. Ce Sel des Chymistes reste ordinairement mêlé parmi la terre aprés la distillation, est de couleur blanche & de consistance seche & friable.
Le Sel commun est de trois sortes; Le premier est le Sel gemme ainsi nommé par les Arabes, les Chymistes & les Apoticaires; il est blanc & fossile, & a les mêmes qualitez du marin: il est ainsi nommé à cause de sa transparence, il se lapidifie par le feu sous terrain ou par le Soleil, & est presque dur comme du marbre; il est clair comme du cristal, & on en fait des vases; il rougit & s'ignifie comme le fer, & ne petille point au feu. Il y en a des montagnes dans la Pologne, dans la Hongrie & dans la Catalogne au Duché de Cardone; c'est la source de tous les autres Sels. Pline dit, qu'en la Ville de Carhos en Arabie on fait les murailles & on bâtit les maisons de Sel, & qu'au lieu de mortier on use d'eau simple.
Le 2. Sel est fait par l'évaporation de l'eau des Fontaines salées, comme celles de Salins en Franche-Comté.
Le 3. est le Sel marin fait de l'eau de la mer, on la fait entrer par des rigoles dans les marais salans, & la chaleur du Soleil la fait évaporer. Sa figure est cubique, comme l'a fort bien fait voir M. Descartes. C'est le plus parfait de tous les Sels, il ne peut être détruit par aucun autre Sel. Le Sel marin blanchit la solution du Sel de Saturne.
L'Ecume de Sel se fait de l'eau de la mer, qui se congele avec la rosée sur ses bords & sur les rochers.
Fleur de Sel, est une écume qui nage sur certains lacs & sur le Nil, dont parle Dioscoride, qui dit que la meilleure est la jaune qui a une odeur fâcheuse; & que la naturelle ne se peut dissoudre qu'en huile, & la sophistiquée en eau. Pline dit, que vers les portes Caspies il y a des riviéres qui charrient le Sel comme des glaces, & qu'elles l'ont entraîné des montagnes. Fuchsius dit, que la fleur de Sel est le sperme de Baleine; mais il se trompe lourdement. Voyez sperma ceti.
On distingue aussi les Sels en volatils & fixes; le volatil est la partie salsugineuse, sulfureuse, mercuriale & fugitive des corps mixtes, qui s'éleve par la distillation, ou qui s'exhale & se fait sentir à l'odorat. Le Sel fixe ou essenciel, est celui qui comme plus materiel résiste au feu & le soûtient: Il demeure dans la partie terrestre aprés la calcination, ou distillation. Celui-ci se fait remarquer par son amertume & sa chaleur si on en met dans la bouche. Le volatil se fait sentir d'abord par sa tenuité à la langue, au nez & au cerveau.
Le Sel lexivial, quelques-uns l'appellent lixiviel, est un Sel fixe qu'on tire des minéraux par plusieurs lotions ou lescives d'eau chaude, qu'on fait en suite évaporer, comme le salpêtre & autres.
La plus grande propriété du Sel, est qu'il ne craint aucune corruption, & même il en préserve les viandes qu'on en assaisonne, & qu'on y laisse tremper. Il résiste au feu & s'y purifie parce que son humidité en sort, & alors on l'appelle Sel décrépité; même dans un grand feu il se met en fusion, & il se convertit en eaux fortes. Il donne la fertilité aux terres, la solidité à toutes sortes de substances, & avance la fusion des métaux. Il y a eu pourtant des Princes qui ont fait semer du Sel sur les terres, pour marque d'indignation, & croyant les rendre steriles. Les Egiptiens croyoient que le Sel étoit le crachat ou l'écume du Geant Typhon ennemi de leurs fausses Divinitez; c'est pourquoi ils l'avoient en horreur, au rapport de Plutarque.
Le Sel a deux qualitez contraires; car par son acidité aerienne, subtile, rongeante & pénétrante, il brise & dissout les minéraux durs, compactes, & solides; bien que par un effet contraire il coagule des corps liquides comme l'eau & le sang: Il y a de ses esprits qui étant mêlez avec l'eau, y produisent une chaleur excessive, & les mêmes mêlez en petite quantité avec des eaux froides en augmentent la froideur, comme le salpêtre dans la neige.
Tous les Sels se dissolvent par l'humidité, mais ils ne se fondent dans l'eau que jusqu'à une certaine quantité; & lors qu'elle est impregnée d'un certain Sel autant qu'elle en peut porter, elle dissout encore une quantité d'un autre Sel dont les parties ou atomes sont d'une autre figure, & propres à s'insinuer dans les pores qui restent vuides dans la même eau. Ainsi aprés que le Sel commun ne s'y pourra plus dissoudre, il s'y fondra encore de l'alun & puis du salpêtre, de l'armoniac & autres; ce sont les diversitez des figures de ces Sels qui font les differentes saveurs.
Il y a quantité de noms differents de Sels qu'on tire des minéraux, vegetaux & des animaux: comme alun, vitriol, salpêtre, nitre, natron, armoniac, de Saturne, de Mars, d'urine, de vipere, de tartre, de polycreste, &c. qui sont expliquez à leur ordre Alphabetique.
Le Sel pour l'usage ordinaire, se distingue en Sel blanc & noir, en gros Sel & menu Sel; & on dit qu'une chose est de bon Sel, qu'elle est cuitte dans son Sel, qu'elle ne sent ni sel, ni sauge, pour dire qu'elle est bien ou mal assaisonnée.
Grenier à Sel, est un dépôt public où on met le Sel, que le Roy vend à son Peuple, & on appelle Sel Gabellé, celui qui a passé dans ce Grenier & qui y a demeuré deux ans, qui n'est livré que par les Officiers. Le faux Sel, est celui qui est vendu secretement par des particuliers qui ont fraudé les droits du Roy. Impôt du Sel est le droit que le Roy leve sur chaque minot de Sel. On dit aussi qu'on donne le Sel par impôt, quand on oblige les Peuples à venir prendre aux Greniers du Roy une quantité de Sel qu'on leur taxe, & qu'ils peuvent consommer, dans les païs voisins des salines, où on peut aisément frauder la Gabelle; c'est en cet impôt que consiste la Ferme du Sel ou des Gabelles, sur lequel sont assignées les rentes du Sel.
Grenier à Sel. Est aussi une jurisdiction établie aux lieux où il y a de pareils greniers pour conserver les droits du Roy, & décider les differens qui surviennent à leur occasion. Elle est composée d'un President & de plusieurs Grenetiers ou Conseillers, d'un Procureur du Roy & d'un Greffier, avec des Archers & Gardes. Les appellations en ressortissent à la Cour des Aides.
Sel. Se dit figurément en choses morales. Jesus Christ dit à ses Apôtres qu'ils étoient le Sel de la Terre. On dit que dans un ouvrage il n'y a pas un grain de Sel, pour dire qu'il est fade, qu'il n'y a rien qui pique, pas une pointe ou subtilité d'esprit; & qu'une Epigramme a bien du Sel, quand elle a un grand sens ou quelque équivoque agréable.
Sel. Se dit proverbialement en ces phrases. On dit de deux personnes de differente humeur qui s'associent, qu'elles ne mangeront pas un minot de Sel ensemble. On dit au contraire que pour bien connoître un homme, il faut avoir mangé un muid de sel avec luy. On dit aussi de celui qui est bien plus fort qu'un autre, qu'il le mangeroit avec un grain de sel.
SELENOGRAPHIE. s. f. Partie de la Cosmographie, science qui fait la description de la Lune & de toutes ses parties & apparences, comme la Geographie le fait sur la terre. Hevelius grand Astronome de Dantzie, a fait le premier un livre de la Selenographie. A l'observatoire du Roy, on fait maintenant des Cartes Selenographiques. Les Astronomes ont donné des noms à plusieurs taches ou points de la Lune, comme Aristarque, nommé autrement, Mons Porphirîtes, le bord de Platon, ou Lacus niger, Copernique ou Etna, Possidonius, Hyginus & Mersenne, Tycho, autrement Sinai, Gassendi, Dantes, autrement Athos, mare Adriaticum & Apenninus.
SETON. s. m. Terme de Chirurgie. C'est un Reméde qui sert comme un cautére à détourner les fluxions qui sont sur les yeux en faisant une playe à la peau du derriére du col qu'on entretient en suppuration par le moyen d'un fil de coton ou de soye qu'on y passe; on en applique aussi à ceux qui tombent souvent d'Epilepsie.
SILLET. s. m. Terme de Lutier. C'est un petit morceau d'yvoire appliqué au haut du manche d'un Luth ou d'un Theorbe, ou autre semblable Instrument, sur lequel posent les cordes quand on les monte.
SINOPLE. s. f. Terme de Blason, c'est ainsi qu'on appelle le Verd ou la couleur Prasine dans les Armoiries. Les Herauts l'appelloient ainsi, quoi que Pline & Isidore entende par Sinople le rouge brun. Cette couleur signifie amour; jeunesse, beauté, jouïssance & sur tout liberté, d'ou vient qu'on scelle en Cire verte & en lacs de soye verte les lettres de grace, d'abolition & de legitimation: les Villes Franches & les Universitez ont la plûpart des sceaux de même couleur. Les Evêques ont pris la bordure verte à leurs chapeaux pour marque de leur exemption, & on fait porter le bonnet verd aux cessionaires, à cause qu'ils sont liberez de toutes leurs dettes, comme ont remarqué les curieux simbolistes. Ménage aprés Hauteserre le dérive de Sinope Ville d'Asie où on en faisoit trafic. Quelques Auteurs de Blason disent encore Sinope au lieu de Sinople. Le Pere Menestrier croit que ce mot vient du Grec Prasina Opla qui signifie Armoiries Vertes, dont par corruption la premiére syllabe a été retranchée, ce qui est arrivé à plusieurs mots Orientaux, comme par exemple on dit Salonique pour Thessalonique. On represente le Sinople en graveure par des hacheures qui prennent de l'angle dextre du chef à l'angle Senestre de la pointe.
SINUS. s. m. Terme de Trigonometrie. C'est la ligne qu'on tire de la pointe d'un Arc de cercle perpendiculairement sur le diametre qui passe par l'autre bout du même Arc, & celuy-là s'appelle sinus droit. Mais la partie du diametre coupé par le sinus droit jusqu'à la circonference s'appelle le sinus verse, autrement la fleche, & le demi diametre s'appelle le sinus total, ou le plus grand de tous les sinus, il se divise ordinairement en cent mille parties. On a fait plusieurs tables de sinus & tangentes: Elles sont de grand usage en géometrie; car c'est par leur moyen seul qu'on fait la résolution ou la mesure de tous les triangles, tant plans que Sphæriques. Les sinus de Clavius d'Adrien Vlac de Morin, &c.
SIPHON. s. m. Terme d'Hydrauliques. Tuyau recourbé qui sert à faire plusieurs experiences pour connoître la nature des Eaux & des Liqueurs. Quelques-uns le disent aussi d'un simple Tuyau ou Chalumeau. Heron en montre les propriétez dans son livre des Pneumatiques. On en fait de verre, de plomb & d'autre matiére, ce mot est Grec & signifie simplement Tuyau.
Siphon. En termes de Marine est un Orage qui éleve l'Eau de la Mer en forme d'une Colomne haute de cent brasses, & la fait piroüetter & tournoier spiralement par la largeur de quinze à vingt pieds de diametre, de même maniére que si c'étoit par un Siphon ou une Vis d'Archimede. Il paroît d'abord en l'air comme une petite Nuée qui ne semble pas plus grosse que le poing, venant du côté du sud, & il en arrive souvent au Cap de bonne esperance, aux côtes de Barbarie, & aux plages Orientales de l'Amerique. Du temps de Pline les Mariniers versoient du Vinaigre à l'approche du tourbillon pour l'appaiser; maintenant ils font grand bruit en ferraillant & escrimant sur le tillac. Ils pensent par ce moyen faire passer à côté le fortunal. Aristote l'a nommé Exhydrias. Les Mariniers l'appellent Tourbillon, Dragon de vent, Grain de vent, les Portugais Oeil de Beuf, les Levantins Typhon & Syphon, & les Anciens Typhon ou Cirrius.
SOMMIER. s. m. Terme de Messageries qui se dit d'un Cheval ou autre bête de somme. Ce Messager avoit avec lui tant de Sommiers pour porter ses Balots. Ce mot a été dit par corruption de Saumier qui a été fait de Salme par corruption de Sagma qui signifie le bast d'un Cheval, ou sa charge. Ménage aprés Saumaise. Pasquier dit, que Somme, Sommier & Sommelier sont de vieux mots Gaulois, ce qui a plus d'apparence.
Sommier. Est aussi un Officier chez le Roy qui porte les draps de pied & les carreaux dans la Chapelle du Roy.
Sommier. Se dit aussi des Officiers qui ont soin de fournir les bêtes de Somme pour transporter les bagages, lors que la Cour fait voyage. Dans l'Etat du Roy il y a un ou plusieurs Sommiers employez pour la Chambre, la Garderobbe, la Cuisine, &c.
Sommier. Terme de Tapissier. C'est un gros matelas rempli de crin & piqué qui sert de Paillasse, & fait partie de la garniture d'un lit.
Sommier. En terme d'Architecture, est une grosse pierre, la premiére qui est posée sur des Colonnes ou Pilastres quand on commence à faire une voute, qui sert à arcbouter & faire tenir le reste de la voute ou croisée.
Sommier. Est aussi une piéce de bois de moyenne grosseur entre la Solive & la Poutre.
Sommier. Se dit aussi des piéces de bois qui servent dans plusieurs machines à en soûtenir le poids ou l'effort, comme celles qui forment la Bascule des Ponts levis, celle qui soûtient l'effort des Presses d'Imprimerie. On le dit aussi des cerceaux doubles qui se mettent sur le jable des tonneaux; & des piéces de bois sur lesquelles, les Cloches sont penduës & qui aboutissent en tourillons, qui entrent dans le Poallier.
Sommier d'Orgues, est la plus importante piéce du Buffet d'Orgues qui fait joüer toute la machine. C'est un Vaisseau ou Réservoir dans lequel le vent des souflets est conduit par un porte-vent, d'où il se distribuë en suite dans les Tuyaux qui sont posez sur les trous de sa partie superieure: le vent y entre par des soupapes qui s'ouvrent en pesant sur les touches du clavier aprés qu'on a tiré les Registres qui empêchent que l'air n'entre dans d'autres Tuyaux que ceux où on le veut faire aller. Le Sommier des cabinets d'Orgues est de deux à trois pieds de long. Les Orgues de quatre pieds de Tuyaux bouchez, ont un Sommier de cinq à six pieds. Les Orgues de 16 pieds ont deux Sommiers qui se communiquent le vent l'un à l'autre par un porte-vent de plomb.
Sommier. En terme de Finances est aussi un gros Registre tenu par les Commis des Bureaux des aydes, sur lequel ils comptent de leur recepte, & où on void les produits des fermes, & où on met à côté leurs décharges. Il y a aussi des Sommiers pour les Gabelles, pour les Tailles & pour les autres droits des fermes du Roi.
SOUPAPE. s. f. Terme de Méchaniques. C'est une petite platine de Cuivre qu'on dispose de telle sorte dans les pompes & autres machines hidrauliques, qu'elle s'ouvre pour donner passage à l'Eau quand elle y doit entrer, & qu'elle se ferme quand on veut faire monter l'Eau par la compression. Il y a trois sortes de Soupapes, l'une à Clapet, la seconde en Cone, & la troisiéme en maniére de porte à deux Battans. La premiére se ferme & s'ouvre comme une Trape, la seconde comme un Bondon d'un Tonneau, ces deux-là n'ont jamais plus de quatre ou cinq pouces; & la troisiéme a quelquefois deux ou trois Toises & sert à fermer les Ecluses. On appelle aussi Soupapes ces petites Languettes qui s'ouvrent ou se ferment avec un Ressort pour donner le passage au vent & le luy fermer dans les Balons & Souflets.
En termes d'Organiste on appelle aussi Soupapes, ou Soustapes (comme si on disoit les Tampons de dessous) de petits Tampons qui sont dans le Sommier, & qui bouchent les Rainures ou porte-vents jusqu'au pied de chaque Tuyau, & qui sont soûtenus par un petit Ressort de leton: quand on presse sur la touche, elles font baisser la Soupape par le moyen d'un petit bâton qu'on appelle Le pilotis.
Les Anatomistes modernes prétendent qu'il y ait quelque chose de semblable dans les Veines & les Arteres, qui ouvre & ferme le passage du sang dans la circulation. Voyez Valvule, & il y en a qui étendent la chose jusqu'à la circulation qu'ils prétendent dans le suc des Arbres & des Plantes.
STATIQUE. s. f. C'est une science qui fait partie des Mathematiques, qui enseigne la connoissance des poids, des centres de gravité, de l'équilibre des corps naturels. L'Hydrostatique, est celle qui enseigne la connoissance des corps pesans étant considerez sur des corps liquides, avec la comparaison des uns avec les autres. Archimede connut la tromperie qu'on avoit faite en la Couronne du Roi Hieron par le moyen de l'Hydrostatique. Le Pere Pardiez Jesuite a écrit de la Statique. Elle consiste purement en la Theorie, & la Méchanique en la pratique & construction des Machines suivant les loix de la Statique, par le moyen desquelles un petit poids en peut élever un infiniment plus grand.
STERLING. s. m. Terme de Monnoyes. C'est un mot Anglois dont on fait souvent mention en France à cause du grand commerce qu'on a avec l'Angleterre. C'étoit autrefois une Monnoye ainsi nommée du nom d'un Château d'Ecosse appellé Sterlin, où elle fut premiérement battuë. Quelques-uns dérivent ce mot de Sterling qui signifie Bec d'Etourneau, c'étoit une Monnoye blanche au titre de 8 den. de fin où le Duc de Guyenne étoit representé avec une Epée au bras droit, & une main de Justice à la gauche: & comme cette figure ressembloit à un Bec d'Etourneau, elle fut nommée par sobriquet Sterling. On n'est pas certain de sa valeur, Salmoner dérive ce mot de Sterlingue qui est une Monnoye d'Angleterre pesant 32 grains de Bled. Voy. Ménage. Depuis ce mot a passé pour poids, & faisoit valoir une somme le décuple. De sorte qu'un soû Sterling valoit dix soûs, maintenant la livre Sterling vaut environ 13 livres 4 sous, ou vingt schelins.
Les Marchands Anglois tiennent encore leurs livres, par livres, soûs & deniers Sterling: La livre vaut dix livres, le sol dix sols, & le denier dix deniers. En ce sens c'est une Monnoye de compte.
STRATIFICATION. s. f. Terme de Chymie. C'est un arrangement de plusieurs lames de métail, ou d'herbes, de bois, ou autres choses semblables, dont on fait plusieurs lits ou couches alternativent pour purifier les matiéres, ou pour les fondre, ce qu'on nomme en Latin stratum super stratum, & qui est marqué dans les Livres de Chymie par S. S. S. On pratique la Stratification quand on purifie l'or par la cementation.
STRIBORD. s. m. Terme de Marine. Le côté droit du Vaisseau à l'égard du Pilote; ou Commandant qui est à la poupe & qui regarde la prouë. On dit aussi Tienbord, Extribord & Dexstribord, d'où apparemment est venu le mot de Stribord qui est le plus en usage. Le côté gauche s'appelle Basbord.
STROPHE. s. f. Terme de Poësie Greque & Latine. Elle signifie couplet ou certain nombre de vers au bout duquel on finit un sens: & aprés on en recommence un autre qui a même nombre & mesure de vers avec une même disposition de rimes. Les Odes, les Stances, les Ballades, sont composées d'un certain nombre de Strophes. Le mot de Couplet se dit des simples Chansons ou Airs, & Strophe se dit des Chants, des Odes & des Poëmes.
SUAGE. s. m. Terme de Marine. C'est le coust des graisses & des suifs dont il faut de temps en temps enduire le Vaisseau pour le faire couler plus doucement sur les eaux: à Marseille on le nomme aussi sperme, dont on a fait esparmer ou espalmer. Le Suage est compté entre les menuës avaries.
Suage. En termes d'Orfévres, ou Doucine, est un ornement semblable à la Doucine d'Architecture, ou une espéce de quart de rond, qui se fait en plusieurs piéces d'orfévrerie, & particuliérement sur le pied des aiguieres, des flambeaux & autres ouvrages semblables.
SURSOLIDE. s. m. Terme d'Algébre. C'est la quatriéme multiplication, ou puissance de quelque nombre que ce soit pris pour racine. Ainsi le nombre de deux pris pour côté ou racine, multiplié par soi-même produit 4, nombre quarré, qui est la premiére puissance, & 4 multiplié par 2, produit 8, nombre cube & solide, qui est la seconde puissance de la racine 2, & 8 multiplié par 2, produit la troisiéme puissance 16 nombre quarré de quarré & 16, multiplié par 2, produit 32, qui est sa quatriéme puissance, ou nombre Sursolide.
SECONDINES ou Secondes. s. f. Terme de Medecine qui se dit des Tayes ou Membranes qui enveloppent le Fetus dans le Ventre de la mere, qu'on appelle ainsi parce qu'elles sortent les derniéres dans l'accouchement, c'est ce que les Matrones appellent l'Arriére faix, Hippocrate dit que les jumeaux sont enveloppez en une même Secondine. Mr. Grew dans son Anatomie des Plantes a appellé Secondine, la quatriéme & derniére enveloppe des Graines, parce qu'elle est à peu prés dans les Plantes, ce que sont dans les Animaux les membranes qui enveloppent le fetus.
SIVADIERE. s. f. Terme de Marine. C'est la voile de Beaupré, qui est la plus basse du bâtiment & qui prend le vent à fleur d'eau.
T.
TEINDRE. v. act. Terme de negoce. Préparer une étoffe, ou un autre corps avec des sels, liqueurs, ou drogues colorantes, en telle sorte qu'ils paroissent d'une certaine couleur. On teint les draps, les laines, les soyes & les toiles en noir, en rouge, en violet, &c. On teint en blanc les laines, lors qu'on les tond & qu'on les dégraisse. Il est défendu de teindre aucune étoffe de blanc en noir, pour quelque cause que ce soit, & de teindre les soyes sur le crud ou à demi-bain. Quand on teint une étoffe en jaune & puis en bleu, elle se trouve teinte en verd. On teint en cramoisi quand le premier pied de teinture se fait avec de la graine d'écarlate, ou la cochenille. On teint les cheveux, les bois, les gommes. On teint les pierres & le verre pour en faire de fausses pierreries. On teint aussi des liqueurs en les mêlant avec d'autres. Cet homme est si sobre qu'il ne fait que teindre, que rougir son vin.
On dit figurément teindre ses mains du sang des innocens, pour dire, faire mourir des innocens. On dit aussi que les Riviéres étoient teintes du sang des ennemis, pour dire, qu'on en avoit fait grand carnage.
Teint. einte. part. pass. & adj.
Teint. s. m. Art de teindre. Il se dit aussi des drogues qu'on y employe. Les Réglemens du métier distinguent les choses qui doivent être teintes du grand teint, d'avec celles du petit teint: ce qui fait deux corps & deux maîtrises separées. La premiére est celle du grand & bon teint, l'autre est du petit teint. Les Teinturiers du bon teint sont ceux qui donnent aux étoffes un pied necessaire, de pastel, garance, ou cochenille, puis ils les mettent en la main du Teinturier du petit teint pour les raciner, engaller, noircir, brunir & griser. Les Teinturiers du bon teint doivent laisser des Rosettes, sçavoir au verd, une du jaune & l'autre du bleu; au feüille morte une du jaune & l'autre du fauve; au cramoisi, une Rosette du bleu, & l'autre du rouge de la Cochenille; au tanné ou amarante, une Rosette de guesde, & l'autre de la garance ou demi rouge cramoisi, & il faut laisser une Rosette en blanc dans toutes les couleurs simples, comme le bleu, le rouge & le jaune; le tout pour faire connoître la bonté ou la qualité du grand & du petit teint. Les Teinturiers du petit teint peuvent teindre toutes sortes de bisage ou repassage, & se servir pour cela de brunitures de galle, orseille & bois d'Inde, & les étoffes usées en toutes sortes de noir, de racinages, grisages, & bisages.
Le bleu, le rouge, & le jaune appartiennent aux Teinturiers du bon teint, pour les teindre seuls sans la participation du petit teint. Le fauve & le noir appartiennent aux Teinturiers du bon teint & du petit teint, le noir devant recevoir le pied de guesde, ou garence du bon teint, & être engallé & noirci par le petit teint.
Teint, se dit aussi d'une lame d'étain fort mince, appliquée par le moyen du vif argent derriére les glaces d'un miroir.
Teint, se dit aussi de la couleur & de la delicatesse de la peau du visage. Cette femme n'a point de teint, elle a eu le teint gâté de la petite verole. Cette fille a le teint blanc, vermeil, a un teint de lis & de roses. Le grand hale rend le teint brun & basané. Ce jeune homme a le teint frais & fleuri, on luy vient de faire la barbe. La pommade nourrit le teint; la Ceruse mange le teint.
Teinte. s. f. Terme de Peinture, maniére d'appliquer les couleurs pour donner du relief aux figures pour bien marquer les jours, les ombres, les éloignemens. Le grand secret de la Peinture c'est de bien donner les teintes, les demi teintes. Cette draperie est d'une bonne teinte, pour dire d'une forte couleur. La demi teinte est un ménagement de lumiére par rapport au clair obscur, ou un ton moyen entre la lumiére & l'ombre: car s'il y a cinq tons ou degrez de clair obscur, le second ou le troisiéme qui suivent la grande lumiére, seront appellez demi teinte.
Teinture. s. f. Action par laquelle on teint. La teinture demande beaucoup d'experience. Cet homme est sçavant en l'Art de la teinture. La perfection de la teinture consiste à donner le lustre à la soye, à la bien décreuser, dégorger & aluner. La matiére avec laquelle on teint, c'est l'indigo qui sert à la teinture bleuë, la cochenille à la teinture en écarlate: la noix de galle en noir. Les drogues qui croissent en France, pour la teinture sont le pastel de Lauragais, Albigeois & Languedoc, ou la voüede. La cochenille, le pastel d'écarlate, graine d'écarlate; le Vermillon & la garance pour le rouge; la gaude, la Sarrette & la genestolle pour le jaune; la galle à l'épine, & d'alep, la racine écorce de Noyer & coque de Noix pour le fauve, autrement appellé couleur de racine ou noisette; le Rodoul, le fovic & la couperose pour le noir. L'Agaric, le sumac, l'arsenic, l'alun, la gravelle & le tartre servent pour les boüillons. On employe aussi la cendre cuitte & la potasse, la Cassenolle, la malherbe, le trentanel, la garoüille. Les ingrédiens faux, qui peuvent servir au petit teint sont bois d'Inde, bois de bresil, bois de Campeche, bois jaune, fustel, tournesol, Raucour, Orseille, le Safran bâtard, l'écorce d'aulne. Ces mots sont expliquez à leur ordre.
La Teinture de ces Etoffes de cotton qu'on void en Europe, se tire d'une plante qui croît dans l'Inde qu'on appelle Chai, où elle est autant estimée que la Cochenille l'est en France.
Regnier a dit agréablement en parlant de la nuit,
On appelle en Chymie la grande teinture Minerale, la Pierre Philosophale, parce qu'on croit qu'il ne s'agit que de donner au Mercure fixé la couleur, ou teinture de l'or.
Teinture, se dit aussi de l'extraction ou separation qu'on fait de la couleur d'un ou de plusieurs mixtes, & de l'impression qu'elle fait dans quelque liqueur ou menstruë propre, qui emporte une portion de leur plus pure substance; car elle quitte son propre corps en se dissolvant, & s'unit aux menstruës, pour leur communiquer sa couleur & ses vertus, & ainsi on fait dans la Pharmacie des teintures cephaliques, stomachiques, antiscorbutiques, &c. On tire des teintures de Rose, de Corail, &c. Dans les memoires de l'Academie des sciences, il est fait mention de certaines liqueurs mixtes (par exemple, des sels qu'on tire du bled) qu'on dit être trés-propres à tirer des teintures, même de quelques pierres précieuses: & qu'elles sont plus capables de produire cet effet à proportion qu'elles rougissent davantage la solution du Vitriol.
Teinture se dit figurément en choses morales, des bonnes ou mauvaises impressions dont l'ame de l'Homme est susceptible. On prend dans les Seminaires de si fortes teintures de piété, qu'elles ne s'effacent jamais. On ne doit point parler de Physique, lors qu'on n'en a qu'une legere teinture, qu'on ne la sçait point à fonds.
Teinturier, iere. s. m. & f. qui fait métier de teindre; il y a des Teinturiers de grand teint, & d'autres de petit teint. Les teinturiers de la Ville de Roüen sont divisez en trois fonctions, en guesderons, garanceurs, & noircisseurs. Il y a de nouveaux Statuts des Teinturiers de l'année 1669. qui portent la qualité des drogues qui doivent être employées à la teinture, suivant les diverses couleurs, & selon le mérite & le prix des Etoffes. Les Teinturiers du grand & bon teint, ne peuvent teindre en petit teint, & ne doivent avoir chez eux que les drogues appartenantes au bon teint; & ceux du petit teint ne peuvent teindre en bleu, à cause du pastel qui appartient au bon teint, & ne doivent avoir chez eux que les drogues qui appartiennent au petit teint. Ils ne doivent teindre que des frisons, tiretaines, petites serges à doubler, & qui ne valent au plus que 40. sols l'aune en blanc.
Teinturier, est aussi une espece de raisin, dont le suc est fort rouge, & dont on mêle quelques seps, parmi un plant de raisin blanc, pour colorer & faire du vin clairet, son suc est fort doux & sa feüille est rouge.
THÉ. s. m. quelque Medecins l'écrivent Tay. Est un petit arbrisseau domestique de la hauteur des Groselliers ou Grenadiers & Myrthes, fort estimé chez les Chinois & Japonnois, ils l'appellent Cha ou Theia. Il croît en la Province de Kiagnon prés la Ville de Hoicheu & auprés de Nankin: il y en a aussi au Royaume de Siam: le meilleur de tous est celui du Japon: on dit qu'il en vient aussi en Tartarie: Il a la feüille petite comme celle du Sumac des Corroyeurs, dont il est une espece selon quelques-uns, mais sa Fleur tire davantage sur le jaune, & ses Branches sont vêtuës de Fleurs blanches & jaunes, pointuës & dentelées, sa graine est noirâtre, & l'arbrisseau croît en trois ans malgré les neiges & les rigueurs de l'hyver: il a des Racines Fibreuses & dentelées. On fait un Breuvage de sa premiére feüille qui naît au Printemps, qu'on cueille feüille à feüille avec les mêmes soins qu'on fait les Vendanges en Europe: on la fait chauffer & seicher, & aprés l'avoir gardée en des vaisseaux d'étain bien bouchez, si on la jette en de l'eau boüillante, elle réprend sa premiére verdure, & donne une teinture verdastre à l'eau avec une odeur & un goût agréable. Les Chinois ne boivent que l'eau où la feüille a trempé le plus chaudement qu'ils peuvent. Les Japonnois boivent l'eau & la poudre qu'ils y ont laissé infuser. On en met le poids d'un écu sur un bon verre d'eau, & on y met un peu de sucre pour corriger son amertume. Elle est si differente en bonté, qu'il y en a dont la livre vaut 100 ou 150. francs; d'autre qui ne vaut que deux écus; il y en a même à sept deniers. Les Hollandois la vendent en France 30. livres, & elle ne leur coûte que dix sols; sa bonne marque est d'être verte, amere & seche, en sorte qu'elle se brise avec les doigts.
Elle guerit la goute & la gravelle, & on croit qu'elle est la cause de ce qu'on n'entend point parler de ces maux à la Chine & dans l'Inde; & de ce que les peuples parviennent à une extrême vieillesse. Elle guérit les indigestions de l'estomac; elle des-enyvre, & donne de nouvelles forces pour boire & dissiper les vapeurs qui causent le sommeil; elle fortifie la raison que le vin affoiblit, & guérit soudain la migraine, & les douleurs de ventre.
Les Chinois en prennent en toutes rencontres, & sur tout à dîner; ils en offrent aux Amis qu'ils veulent régaler. Les plus moderez en prennent trois fois par jour, les autres dix fois & à toute heure. Les personnes de la plus grande qualité font gloire de le préparer eux-mêmes dans leurs appartemens les plus magnifiques, & ont plusieurs Vaisseaux de prix pour cet effet.
Ceux qui en ont écrit sont le Pere Maffée, Louïs Almeyda, Mathieu Riccius, Aloisius Frois, Jacob Bontius, Jean Linscot, le Pere Alexandre de Rhodes dans leurs Voyages, & les Auteurs du voyage de l'Ambassade de la Chine, & de celui de Monsieur l'Evêque de Berite, & Nicolas Tulpius Medecin d'Amsterdam; mais Simon Paul Medecin du Roy de Dannemarck, qui a fait un Traité exprés de cette Plante, dit que ces vertus qu'on lui attribuë n'ont point de lieu pour ceux qui habitent en Europe; & que ceux qui ont passé 40. ans n'en doivent pas user, parce qu'elle avance leur mort, étant trop dessicative. Il prétend que le Thé n'a pas plus de vertu que la Betoine, & que ce n'est qu'une espece de myrte qu'on trouve en Europe aussi bien qu'aux Indes; qu'on l'appelle Chamæleagnus ou Piment Royal, dont la description, les experiences & les analyses qu'il en a faites sont tout à fait semblables.
Tiercer, v. act. terme d'agriculture; qui signifie donner aux terres le troisiéme labour; la troisiéme façon, comme on dit biner de la seconde. On le dit pareillement de la troisiéme façon des Vignes.
Tiercer, signifie aussi séparer les fruits d'une Abbaye en trois, pour en donner le tiers à l'Abbé; le tiers aux Religieux, & réserver le tiers pour les réparations, en ce sens il vient du Latin tertiare.
Tiercer, en terme de Finances, signifie faire un tiercement, ou une enchere du tiers du prix sur une Adjudication déja faite: ou dans les fermes du Roy, encherir du triple de l'enchere courante.
Tierceur, s. m. encherisseur qui fait une enchere d'un tiers, ou un tiercement aprés une Adjudication. L'Ordonnance des Eaux & Forêts, veut qu'aprés le tiercement & doublement on ne reçoive les encheres qu'entre le tierceur & le doubleur.
Tiers, tierce, adj. qui est aprés le second, c'est chaque partie d'un tout divisé en trois. L'Eglise, la Noblesse & le tiers Etat.
En perspective, on appelle le tiers point: un point qu'on prend à discretion sur la ligne de vûë, où aboutissent toutes les diagonales qu'on tire pour racourcir les figures.
En Architecture, on appelle une voute en tiers point, quand elle est élevée au dessus du plein cintre.
On appelle aussi un tiers point, ce qui donne un branle à plusieurs machines dans la méchanique.
En termes de Marine, on appelle des voiles à tiers point: les voiles triangulaires qu'on nomme autrement voiles latines dont on se sert sur la Mediterranée & sur les Galéres, & à l'artimon.
Au feminin, on appelle la fiévre tierce, celle qui laisse l'intervalle d'un jour entre deux accés. Voyez fiévre. Et tierce.
Tiers, en termes de négoce se prend aussi substantivement: il faut une aulne & un tiers de drap pour faire un habit. Un tiers est un pot ou mesure entre la chopine & le demi septier. Il est aux champs un tiers de l'année. Cette somme se doit partager par tiers; j'y ay mon tiers ou les deux tiers. Il faut faire boüillir ce Sirop jusques à ce qu'il soit réduit au tiers.
Tiers, en Jurisprudence se dit des entremetteurs, des Experts, des sur-arbitres. Ces deux parties plaidoient, un tiers les a accommodées. Ils avoient l'épée à la main, un tiers s'est mis entre-deux qui les a séparez. Voilà des rapports qui se contredisent, il faut qu'il y ait un tiers nommé d'Office. Quand deux arbitres sont de contraire avis, on leur donne pouvoir de nommer, de prendre un tiers pour sur-arbitre. On dit aussi en amour qu'il ne faut point de tiers, si ce n'est pour appareiller, aussi une femme qui fait ce métier s'appelle en Espagnol tercera.
Il y a aussi au Palais des tiers referendaires, & en matiére de Taxe de dépens on appelle le tiers celui qui régle les dépens, dont les Procureurs ne sont pas d'accord.
Tiers & danger, termes d'eaux & forêts, c'est un droit qui appartient au Roy & à quelques Seigneurs, & sur tout en Normandie, sur les bois possedez par les Vassaux. Il consiste au tiers de la vente qui se fait d'un bois, soit en argent ou en espece, & outre cela au Dixiéme: ainsi de trente arpens, c'est treize arpens: de 3000. livres, c'est 1300. livres: quelques-uns ne payent que le danger, qui est le dixiéme. La derniére Ordonnance déclare le droit de tiers & danger imprescriptible.
On dit proverbialement qu'un homme hante le tiers & le quart, qu'il médit du tiers & du quart, qu'il prend sur le tiers & le quart, pour dire indifferemment, sans choix & discretion de toutes sortes de personnes.
TON. s. m. Terme de musique, inflexion de voix qui marque diverses passions de l'ame. Un ton doux & agréable, est le ton dont on parle en conversation. Un ton aigre & menaçant, est celui qui marque un homme en colere. Un ton fier & imperieux, est celui qui commande, lors qu'on parle d'un ton de maître. Un ton moqueur & ironique, est le ton d'une personne qui a de la haine ou de l'envie. Un ton plaintif & dolent, est celui qui témoigne de l'affliction, de la douleur. Un ton de Déclamateur, de Comedien, est celui dont on use dans les harangues & sur les théatres. Ce mot de ton exprime sa principale cause, qui est la tension du corps qui le produit, le ton est grave ou aigu, selon que le corps sonnant a une differente tension, comme on voit arriver aux cordes des Instrumens.
Ton se dit particuliérement en musique de l'élevation de la voix par certains degrez ou intervalles égaux ou mesurez, qui servent à former des accords, & qui sont réglez par les nottes, ut, re, mi, fa, sol, la, si; on le dit des Instrumens aussi bien que de la voix. Il faut hausser ou baisser sa voix ou son instrument d'un ton, d'un demi ton. Un ton faux est celui qui n'est pas juste. Le ton mineur est la difference de la quinte & de la sexte majeure, ou de la quarte & de la tierce mineure: il est composé de deux demi tons l'un majeur & l'autre mineur, & aide à composer la tierce majeure. Le ton majeur est la difference de la quinte & de la quarte; & le demi ton majeur est la difference de la quarte & de la tierce majeure. Le ton majeur surpasse le ton mineur d'un comma. Le demi ton est toûjours placé entre deux tons d'un côté, & trois de l'autre. On appelle aussi le ton majeur, le ton parfait; & demi ton mineur, le demi ton imparfait. L'intervalle en nombres du ton majeur est de 8. à 9. celui du mineur de 9. à 10.
Ton se dit aussi d'une maniére de chanter ou d'accorder un instrument. Ce luth est accordé sur le ton de B quarre, on n'y peut joüer cette piéce qui est sur B mol, sans changer de ton. C'est le Maître de Musique qui donne le ton pour accorder les Instrumens, pour commencer à chanter. On dit aussi le ton enrhumé. Dans le plein chant on dit les 8. tons du Magnificat, le ton de la Préface, de l'Evangile, &c.
Ton se dit aussi en peinture d'un degré de couleur par rapport au clair obscur.
Ton se dit figurément en Morale. Depuis la perte de son procés, il a bien changé de ton, il est bien humilié, il parle bien d'une autre maniére. Cet homme l'a pris sur un ton trop haut, pour dire, Il ne pourra soûtenir ce qu'il a entrepris. On dit aussi ironiquement, il est bon sur ce ton-là, pour dire, qu'une chose est ridicule ou mal fondée.
TROMPE, s. f. vieux mot qui signifioit autrefois la même chose qu'à present trompette: il se dit encore en cette phrase, tout ce qu'on veut faire sçavoir au peuple se publie à son de trompe. On l'a crié à trois briefs jours à son de trompe.
La Trompe de chasse est une espece de cor ou grand tuyau de cuivre recourbé & qui fait un tour au milieu comme un cercle ou un anneau, elle sert pour appeller les chiens.
Trompe, est un petit instrument de leton ou d'acier, dont se servent les laquais pour en tirer quelque harmonie; elle est faite de deux petites branches & d'une languette au milieu qui fait ressort & qu'on remuë sans art avec les doigts tandis qu'on la tient entre les dents; elle rend un son fremissant, modifié par le mouvement de la langue, & l'ouverture de la bouche, ce qui cause un bourdonnement sourd assez agréable. On l'appelle aussi gronde & rebube, & quelques-uns trompe de Bearn.
Trompe en termes d'Architecture, est une espece de voûte trés-artistement taillée, dont la clef est en l'air & qui semble n'être soûtenuë de rien, sur laquelle pourtant on éleve des murailles de pierre. La trompe du château d'Anet, & celle de la ruë de la Savaterie sont fort estimées par Philbert de Lorme qui bâtit cette derniére en faveur d'un de ses amis.
Trompe se dit aussi d'un membre particulier qu'ont les Elephans, qui leur sert de main, qui est comme un nez allongé qui leur sort du milieu du front, à laquelle est joint un petit Appendice en forme de doigt. Le Cameleon a aussi une trompe, qui est sa langue qu'il lance hors de sa gueule comme s'il la crachoit, puis il la racourcit en un moment, lors qu'il la retire: elle lui sert comme la trompe de l'Elephant pour prendre sa nourriture. Le microscope nous a fait aussi découvrir une espece de petite trompe dans les mouches & cousins, par le moyen de laquelle ils succent le sang des animaux ou les liqueurs pour se nourrir. Quelques Medecins appellent aussi la trompe de la matrice les cornes de la matrice des brutes, qu'on appelle autrement portiéres.
Tromper, v. act. abuser de l'ignorance ou de la facilité de quelqu'un, lui faire passer des choses pour autres qu'elles ne sont. Dieu ne peut tromper, ni être trompé. Un Marchand tromperoit son pere sur sa Marchandise. Il y a peu de personnes qui ne trompent au jeu, quand ils le peuvent faire.
Tromper, avec le pronom personnel, se dit de soy-même, quand par erreur on prend une chose pour une autre. Les plus grands esprits sont sujets à se tromper. Cet homme, si je ne me trompe, est un hypocrite. Ces jumeaux se ressemblent si fort qu'il n'y a personne qui ne s'y trompe. Ménage croit que ce mot vient de l'Espagnol traupa, qui signifie un instrument à prendre des souris que les Italiens appellent trappola, & les Latins decipula.
Tromper, se dit aussi des choses qui sont cause que nous sommes trompez. Le calme, le beau temps nous a trompez, nous a fait mettre en chemin. L'œil nous trompe; nous fait voir les choses autres qu'elles ne sont. Sa maladie ne m'a pas trompé; je n'en ay jamais eu bonne opinion. Cette perspective trompe agréablement. Cette grêle a trompé l'esperance des Laboureurs.
Tromper, se dit figurément en choses morales. Les passions trompent nôtre jugement. On est bien trompé par l'apparence. Le malin esprit nous trompe par des illusions, par des songes & des visions trompeuses.
TROMPETTE. s. f. Terme de guerre. Instrument de musique qui est le plus noble des instrumens à vent portatifs, qui sert à la guerre dans la Cavalerie pour l'avertir du service. On la fait d'ordinaire de leton, & on en peut faire de fer, d'étain, de bois ou d'argent. Moïse en fit faire deux d'argent qui servoient aux Prêtres, comme il est porté dans le dixiéme chap. des Nombres; & Salomon en fit faire 200. mille, telles que Moïse avoit ordonnées, comme témoigne Josephe, livre 8. ce qui fait voir que c'est le plus ancien des instrumens. La trompette est composée d'un bocal par où on l'embouche, large de dix lignes, quoy que le fonds ne soit que de trois lignes. Les deux premiers canaux qui portent le vent s'appellent branches; les deux endroits par où elle se recourbe & replie s'appellent potences, & le canal qui est depuis la seconde courbure jusqu'à son extrêmité s'appelle pavillon; les endroits où les branches se peuvent briser & séparer ou souder, s'appellent les nœuds, qui sont au nombre de cinq; & qui en couvrent les jointures. On appelle Banderolle le petit étendart armorié qui est attaché à ses branches, & bandereau le cordon qui sert à la pendre au cou de celui qui en sonne. Quand on en ménage bien le son, il est de grande étenduë, & il passe les quatre octaves qui sont l'étenduë des claviers des épinettes & des orgues, & il peut aller jusqu'à 32. intervalles. Le jeu de la trompette dépend de l'adresse de celui qui l'embouche, qui est obligé de mettre le bout des lévres dans le bocal. A la guerre il y a huit principales maniéres de sonner la trompette; la premiére s'appelle le cavalquet, dont on se sert quand l'armée approche des Villes, ou quand elle passe par dedans durant la marche; la seconde s'appelle le Boute-selle; dont on use quand on veut déloger ou marcher, & puis on fait suivre la levée du Boute-selle; la troisiéme est quand on sonne à cheval, & puis à l'étendart; la quatriéme est la charge; la cinquiéme est le guet; la sixiéme s'appelle double cavalquet; la septiéme la chamade; & la huitiéme est la retraite. On fait aussi des fanfares avec la trompette dans les réjouïssances.
On dit figurément qu'un Ange viendra avec la trompette annoncer le jour du Jugement & réveiller les morts pour y comparoître. Les Payens ont mis aussi une trompette à la bouche de la Renommée, dont ils ont fait une divinité fabuleuse. Les Poëtes disent qu'ils sont les trompettes de la gloire des Heros. Cet Ecrivain a été la trompette de la guerre qui a publié des manifestes qui ont été cause de la guerre. Ménage dérive ce mot du Grec strombos qui signifie une conque dont on usoit autrefois au lieu de trompette.
Il y a aussi dans l'orgue un jeu de trompettes qui a huit pieds de long & qui s'élargit par en haut comme le Pavillon des trompettes militaires: il a environ un demi pied de diametre par en haut, & un pouce & demi par en bas. Il y a aussi une trompette de pedales qui est de huit pieds; ce jeu est accordé à l'octave de la montre.
On appelle en général trompettes & clairons les tuyaux qui s'élargissent par en haut.
Trompette marine est un instrument de musique composé de trois tables, qui forment son corps triangulaire, elle a un manche fort long & une seule corde de boyau fort grosse montée sur un chevalet qui est ferme d'un côté sur un de ses pieds, & tremblotant de l'autre côté sur un pied qui n'est point attaché à la table; on la touche d'une main avec un archet, & de l'autre on presse la corde sur le manche avec le pouce, c'est ce tremblement du chevalet qui lui fait imiter le son de la trompette, ce qu'elle fait si parfaitement qu'il n'y a presque pas moyen de la distinguer de la trompette ordinaire, & c'est ce qui lui a fait donner ce nom, quoy que d'ailleurs ce soit une espece de monocorde.
Trompette parlante, est une trompette longue de sept à huit pieds & quelquefois de quinze, qui est toute droite, faite de fer blanc, & qui a un fort large pavillon, son bocal est assez large pour y introduire dedans les deux lévres; que si on parle dedans, elle porte la voix jusqu'à mille pas & se fait entendre distinctement. On dit que l'invention en est moderne, & est du Chevalier Morlan Anglois, néanmoins le Pere Kircher a donné la figure d'une trompette dont il dit qu'Alexandre se servoit pour parler à son armée, qui est presque la même chose, à la réserve que celle-ci se divise en deux tuyaux, qui par aprés se rejoignent.
Trompette, s. m. est le Cavalier qui sonne de cet instrument. Ce sont les trompettes qu'on envoye aux assiégez pour les sommer de se rendre, pour leur faire sçavoir quelque chose.
Trompette se dit proverbialement en ces phrases. On dit qu'un homme est bon cheval de trompette, qu'il ne s'étonne pas pour le bruit, quand il ne se soucie pas des crieries qu'on peut faire contre lui. On dit qu'il faut déloger sans trompette, quand on chasse quelqu'un, quand on l'oblige de s'enfuir avec précipitation: On dit aussi à gens de village trompette de bois, pour dire qu'il faut faire aux gens des traitemens proportionnez à leur condition.
Trompetter. v. act. publier à son de trompe & à cri public dans les marchez, dans les carrefours, quelque Réglement, quelque Ordonnance de Police, quelque ajournement à trois briefs jours. Un tel a été trompetté pour la troisiéme fois.
Trompillon. s. m. petite trompe d'Architecture. Les voutes ou trompillons sous les marches droites d'un escalier se toisent pour mur sans reins.
TRUAND, ande. adj. mendiant valide qui demande l'aumône & qui aime la fainéantise, qui fait un métier de gueuser: Ce mot est fort ancien. L'Abbé Guibert en son Histoire de Jerusalem represente la vie & les gestes des gueux & truands qui suivirent l'armée croisée, qu'il nomme trudents. Leur Capitaine fut un Chevalier de Normandie qui se fit nommer le Roy Thafur, & il remarque que ces gens firent grand peur aux Sarrasins, qui craignoient fort de tomber entre leurs mains, parce qu'ils étoient antropophages; cette Royauté a toûjours continué depuis; & à present les gueux de France nomment leur Roy Le grand Cosroê, & le Roy de Thunes, comme on voit dans le jargon de l'Argot. Pasquier & Ménage aprés lui prétendent que le nom de truand vient d'un vieux mot gaulois treu ou trud qui signifioit tribut, dont la pesanteur, disent-ils, avoit réduit ces gens à la mendicité, mais ils se trompent, parce que ce nom est bien plus ancien: car les Tailles ne furent imposées que du temps de Saint Louïs: outre que leur libertinage les rendoit exempts de toutes impositions. C'est pourquoy d'autres disent qu'il vient de molæ trusatiles, qui signifient les moulins à bras, qui étoient tournez par des gueux & des miserables avant l'invention des autres dont on se sert. D'autres croyent que ce nom vient d'un oiseau de marais qui a le pied d'oye & la taille d'un cigne, que les Latins appellent truo, & les Grecs Onocrotale, parce que cet oiseau a une bourse tenant à la partie inferieure du bec, qui descend en poche ou besace, où il ramasse toutes les bribes qu'il trouve, pour les retirer & manger à loisir, ce qui a fait qu'on a nommé truands, les gueux qui font la même chose.
On appelle truands en Espagne, les Bouffons, Bâteleurs, joüeurs de gibeciére & faiseurs de tours de passe-passe. Borel dit que ce mot signifioit autrefois gens de pied, & des gens mal-propres & sales; comme qui diroit des Tripiers, qui ont donné le nom à la ruë de la truanderie à Paris où demeuroient les Tripiers.
Il y a quelques coûtumes qui font mention d'un cens truand, dormant ou mort, c'est à dire, qui ne porte aucun profit, ni droits Seigneuriaux, qui n'est qu'une espéce de Rente Roturiére. Il y a un vieux Proverbe cité dans l'indice de Ragueau, qui dit qui fit Normand, fit truand. Ce qui vient de ce que dit Pasquier que les Normands ont été les plus chargez de trus, qui en vieux gaulois signifioit impost.
Truandaille, s. f. Vieux mot qui signifie aussi gueux ou vau-rien. On trouve ce mot employé dans la vieille Bible des Noëls. Vous ne semblez que truandailles, vous ne logerez point céans.
Truander, v. n. Demander l'aumône par libertinage & pure faineantise. Il y a des gens qui sont nez avec l'inclination de truander, on dit maintenant trucher.
Turbit, s. m. Espéce de petite plante que les Latins nomment tripolium, c'est aussi l'écorce d'une racine laiteuse. Il doit être obscur au dehors, blanc au dedans & nettoyé de son cœur dur & fibreux, & n'être ni moisi, ni chansi, ni vermoulu; il doit être aussi gommeux, car il contient au dedans de la resine.
Dioscoride dit, que le turbit blanc est la racine d'une herbe nommé alypum ou alypia, dont les jettons & les feüilles sont menuës, les fleurs tendres & legéres, & qui a sa racine comme la Bette; sa racine est grêle & pleine d'un jus acre & piquant, sa graine semblable à celle d'Epithymum. Il dit aussi que ses fleurs changent trois fois de couleur par jour, car au matin elles sont blanches, sur le midy purpurines, & deviennent rouges sur le soir: il dit encore que ses feüilles sont semblables au pastel & qu'il croît sur le bord de la mer. Turbit est le nom que les Arabes donnent au tripolium.
Mathiole dit, que le turbit est la racine de pityusa, qui est une espéce de tithymale que les Apoticaires appellent Esula major. Le turbit est une drogue dangereuse parce qu'elle purge trop violemment.
Les Chymistes appellent aussi turbit mineral, &c.
V.
VARECH. s. m. Terme de Marine. C'est une herbe qui croît sur les rochers, que la mer arrache en montant & jette sur ses bords. Les Riverains s'en servent pour engraisser leurs terres: cette herbe est ainsi appellée sur les côtes de Normandie. Sur celles de Bretagne on la nomme Goüesmon, & sur les côtes du païs d'Aunis Sar. Tout ce que la mer jette sur ses bords, soit de son crû, soit qu'il vienne de bris & naufrage, est de là appellé Varech sur les côtes de Normandie; & dans cette même Province les droits que les Seigneurs des Fiefs voisins de la mer prétendent sur les effets qu'elle pousse sur son rivage, est appellé droit de Varech: on l'appelle en d'autres lieux chose du flot.
Les Réglemens pour le Varech sont contenus au tître 10. du livre 4. de l'Ordonnance de la Marine, il est défendu de couper le Varech la nuit, & hors des temps réglez. On l'appelle autrement Vraicq.
La Coûtume de Normandie a un tître particulier du Varech, qu'elle appelle autrement, choses gayves, où elle ne parle point de l'herbe, mais elle comprend seulement les choses que l'eau jette à terre par tourmente & fortune de mer, ou qui arrivent si prés de terre, qu'un homme à cheval y puisse toucher avec sa lance, article 598. Ménage tient que ce mot vient de l'Anglois Vrac, qui signifie bris & naufrage.
VARENNE. s. f. Plaine, étenduë de païs uni, qui ne se fauche, ni ne se laboure, fonds plat entre des côtaux. Les habitans de ce Village menent paître leurs bestiaux dans la Varenne où il y a de bons pâturages. La Varenne du Louvre est une Jurisdiction qui se tient au Louvre, établie pour la conservation de la chasse dans les plaines qui sont à six lieuës à la ronde de Paris.
VENT. s. m. Agitation de l'air. Air rarefié. L'Ecriture dit que Dieu tire le vent de ses tresors. Descartes démontre la formation du vent par la comparaison des Eolipiles. Le vent est mis au rang des Méteores. On fait du vent avec un éventail en remuant l'air; les anciens croyoient que les Cavales du Portugal concevoient du vent, à cause de leur vîtesse. En ce sens on dit qu'il fait vent, que le vent s'éleve, que le vent souffle de ce côté-là, qu'une maison est à l'abry du vent, du mauvais vent, quand elle en est à couvert; que des arbres sont à plein vent, quand ils ne sont point attachez à quelque muraille.
On appelle Vent-coulis un petit vent qui entre par l'ouverture des portes, ou des fenêtres & cloisons qui joignent mal.
Vents sous-terrains sont les vents enfermez dans les entrailles de la terre, & qui sont cause de ses tremblemens.
Vent, signifie simplement de l'air. Bailler vent à un tonneau; ce tuyau prend vent, ce soufflet prend vent; un balon est rempli de vent.
Vent, signifie encore l'haleine, l'air qu'on respire. Il faut faire une pause pour reprendre son vent. Ce plongeon retient bien son vent. Ce Trompette a bon vent. Tirer son vent, c'est respirer.
Vent signifie aussi l'air enfermé dans le corps des animaux, quand il sort par haut ou par bas. Cet homme est travaillé de vents. La bile engendre bien des vents. Il a lâché un vent par derriére. En Médecine on connoît une hydropisie de vents.
Vent, signifie aussi une chose petite & legére: Vivre de vent, c'est à dire, presque de rien: se repaître du vent, de chiméres, la gloire de ce monde n'est que du vent. Il croyoit gagner beaucoup en cette affaire, mais il n'en retirera que du vent. Ce mets n'est point solide, ce n'est que du vent. On a crû que le Cameleon vivoit de vent, quoi qu'il vive de petites mouches qu'il attrape avec sa langue.
En ce sens il signifie figurément vanité, orgueil. Cet homme a bien du vent dans la tête.
En Musique on appelle instrumens à vent, ceux que l'air ou le vent fait joüer, comme les orgues, les flûtes, la musette, la trompette, la saquebutte, le cor, &c.
Une arquebuse à vent, est celle qu'on charge avec du vent condensé. Moulin à vent, celui que le vent fait tourner.
Vent, en termes de venerie se prend pour l'odeur & le sentiment qu'une bête laisse en son passage. Le cerf est de plus grand vent & de sentiment que le liévre, il fuit toûjours à vau le vent, & ne met jamais la gueule ni le nez dedans le vent. Le sanglier prend le vent de toutes parts, pour sentir & flairer s'il n'y a rien qui luy puisse nuire. On dit aussi chasser au vent, pour dire chasser contre le vent. On dit le vent du trait lors que le cerf a eu le matin le vent du limier; ce qui fait qu'il s'en va souvent de hautes erres, & l'on trouve buisson creux. On dit aussi qu'il ne faut pas se fier aux chiens, qui en veulent au vent, c'est à dire, qui ne mettent point le nez à terre.
En terme de Fauconnerie on dit qu'un oiseau va à vau le vent, quand il a la queuë ou le balay au vent; qu'il va contre le vent quand il a le bec au vent; & qu'il va aise au vent, pour dire qu'il vole à côté du vent. On dit qu'il bande au vent quand il se tient sur les chiens, faisant la crecerelle. On dit aussi qu'il tient bec au vent, qu'il chevauche le vent, lors qu'il résiste au vent, sans jamais tourner queuë. On appelle à la chasse vent leger, le vent qui est propre à la chasse, qui n'est point trop fort, mais doux & gracieux; c'est un vent clair lors qu'il souffle pendant que le Ciel est serain.
En ce sens il signifie figurément un bruit confus, une connoissance imparfaite qu'on a de quelque chose. Cette entreprise étoit fort secrette, néanmoins on en a eu quelque vent, on en a senti le vent. On a bien cherché les Auteurs de ce vol, mais on n'en a ni vent, ni voix, quelques-uns disent, voyes.
Vent du Bureau, se dit au Palais des Nouvelles qu'on apprend, qu'on découvre, du sentiment qu'ont les Juges d'une affaire qu'on leur rapporte, quand ils s'ouvrent un peu trop. Il faut accommoder cette affaire, le vent du Bureau n'est pas pour nous.
Vent en terme de Manége se dit en parlant d'un cheval qui commence à être poussif: ce cheval a du vent. On dit aussi qu'il porte le nez au vent, ou qu'il porte au vent, quand il tient la tête haute, comme font les chevaux Croates, ou Cravates. On le dit aussi des hommes qui levent trop la tête.
Vent, en termes de Marine se dit aussi de cette agitation de l'air considerée comme le fondement de toute la Navigation, ainsi on dit avoir bon vent, ou vent arriére, pour dire vent en pouppe.
Vent de quartier, c'est le vent qui souffle à côté, & qui est meilleur que le vent en pouppe, lequel ne donne pas dans toutes les voiles, à cause que l'artimon l'en empêche: Vent à la Bouline, c'est à dire, qui se prend de côté. Ce qu'on appelle un lit de vent, qui s'étend jusqu'à cinq ou six Rumbs éloignez de la route; on l'appelle aussi vent largue. Un rumb de vent, c'est la route que fait le vaisseau en suivant un des 32. vents marquez sur la boussole. Mettre la voile au vent, c'est à dire, partir. On dit qu'un vaisseau est battu du vent, du mauvais vent, quand il a souffert un orage. On navige à tous vents. Vent de terre est celui qui repousse les vaisseaux en mer, & empêche qu'ils n'abordent.
On dit avoir vent devant, faire vent devant, prendre vent devant, pour dire prendre le vent par prouë; ce qu'on appelle aussi être debout au vent; avoir le vent contraire. On dit aussi tenir au vent, pour dire naviger malgré le vent contraire.
On dit aussi être au vent d'un vaisseau, passer au vent d'un vaisseau; monter au vent, lui gagner le vent, avoir l'avantage du vent, le dessus du vent, lors que le vent porte un vaisseau sur un autre, & au contraire être sous vent, c'est avoir le desavantage du vent; être à vau le vent, c'est se laisser aller selon le cours du vent. On dit aussi être porté d'un bon vent, pour dire d'un vent foible; serrer le vent, pour dire prendre l'avantage du vent de côté: Bouliner le plus qu'il est possible pour se servir du vent qui souffle. Tomber sous le vent c'est perdre l'avantage du vent. On dit aussi que le vent tombe lors qu'il cesse, qu'il fait place au calme, & qu'il ne fait point de mer. On appelle aussi partager le vent, chicaner le vent quand on le prend en louviant, en faisant plusieurs bordées tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. On dit que le vent se fit nord, qu'il se rangea au sud, qu'il vint à l'oüest, pour dire que le vent changea & soufla de ces côtez-là.
Mettre le vent sur les voiles, c'est empêcher que les voiles ne prennent du vent, les disposer en une situation paralelle au vent, en sorte qu'il ne fasse que les raser, ou friser. On appelle le beau temps vent gaillard, une fraîcheur vent à volonté, & favorable.
Vents Cardinaux, ce sont les principaux vents qui souflent aux quatre points Cardinaux de l'horison. On appelle un vent réglé, ou alisé celuy qui est favorable, & qui se maintient sans sauter d'un Rumb à l'autre. On le dit aussi des vents de saison, qui souflent toûjours en même saison sur certaines côtes, comme la monson dans les Indes, les vents Etesiens, &c.
Vents d'aval, ce sont des vents mal-faisans qui viennent de la mer & du Midy; ceux qui font des Relations, les appellent Brises, ou vents d'abas, vers les côtes de Canada & de la Floride, ils sont grandement vehemens.
Vent d'Amont, c'est un vent qui vient de terre & d'en haut, & d'Orient.
Vent frais est celui qui est doux & rafraîchissant sur terre, ou qui est favorable sur la mer.
On appelle coup de vent un orage ou une tempête qui dure souvent plusieurs jours, & grain de vent un orage subit & violent, qui d'ordinaire desempare les vaisseaux, & ruïne les manœuvres. On l'appelle aussi dragon de vent, tourbillon, les Portugais œil de bœuf, les Levantins typhon & syphon.
Les vents les plus dangereux sur les côtes Occidentales sont l'Est & Suroüest, ou Lebecio, & le Nortoüest, qu'on nomme galerne; & sur la Mediterranée aux côtes d'Europe sont le Sud nommé Austro, & le Nort-est ou bise nommé Græco; & le plus dangereux de tous est le Circius, que les Anciens nommoient Typhon.
Les Anciens ont fort varié sur le nombre des vents. Aristote n'en compte que onze, & obmet Libonotus; Vitruve en met vingt-quatre, les modernes trente-deux.
En tout l'Ocean les vents ont des noms Allemans & Flamens, sur la Mediterranée des noms Italiens. Voici leurs noms modernes avec les anciens Grecs & Latins pour les faire mieux connoître.
Est, ou vent Oriental, solaire & équinoctial; vent d'Amont sur l'Ocean, sur la Mediterranée Levante, en Grec Apeliotes, en Latin Solanus.
Est quart sudest, hypeliotes subsolanus.
Est sudest, demi rumb, ornithias, ethesias, aviarius.
Sudest, nordest, quart dest, Elioteurus, Meseurus.
Sudest en l'Ocean: en Mediterranée Siroco, Eurus.
Sudest quart de sudest, Vulturnus.
Sud sudest, Euronotus, Phænicias.
Sud quart de sudest, Altanus.
Sud, vent de Midi, ou Meridional, Autan en l'Ocean: en Italien Abrego, mezzodi, austro, marin vent d'aval sur la Mediterranée, en Latin Auster, en Grec Notus.
Sud quart sud-oüest, Hyponotus, Sub-auster.
Sud sud-oüest, demi vent, Libonotus.
Sud-oüest quart de sud, Mesolibs.
Sud-oüest en l'Ocean: Afro, Garbino, Lebeschio en Mediterranée, Africus, libs, c'est celui qui fait geler les vignes.
Oüest, quart de sud-oüest, Subvesperus.
Oüest sud-oüest, demi vent Libozephirus.
Oüest quart de Sud-oüest, Mezozephirus, Etesiæ.
Oüest, vent Occidental, vent d'aval, vent d'abas, Brises en l'Ocean: Ponente, vent de Ponant, en la Mediterranée: Favonius, Zephirus.
Oüest quart de Nort-oüest, Circius.
Oüest Nort-oüest, demi vent, Argesto Zephirus, Caurozephirus.
Nort-oüest quart d'oüest, Leuconotus, Albicaurus.
Nort-oüest en l'Ocean: Maestral ou Maestro, Gaillego en la Mediterranée, Argestes, Caurus, Corus.
Nort-oüest quart de Nort, Hypargestes, Scyron, Olimpias.
Nort Nort-oüest, demi vent, Thrascias.
Nort quart de Nort-oüest, Supernas.
Nort, bize en l'Ocean: Nordebrida, Tramontana en la Mediterranée, Aparctias, Boreas, Septentrio.
Nort quart de Nort-est, Gallicus, Hypoboreas.
Nort Nort-est demi vent, Aquilo, Meses. Nort-est quart de Nort, Hypomeses, subaquilo.
Nort-est, galerne, sur l'Ocean: Greco, Gregale en Mediterranée, Cæcias, Hellespontius, Japix.
Nort-est quart d'est, Hypocæcias.
Est Nort-est, demi vent, Cæcieliotes.
Est quart de Nort-est, Carbas.
Les vents Ethesies & Ornithies sont expliquez à leur ordre.
Il faut noter qu'en Italien la troisiéme division des vents se fait par la conjonction de deux vents les plus voisins, comme Græco tramontana, Maëstro tramontana; & pour la quatriéme division on les appelle les quartes, comme la quarte de la tramontane au Grec. La quarte du Lebesche au Ponant. Et à l'égard de ces quartes qui étoient inconnuës aux Anciens; leurs noms sont la plûpart inventez par les modernes & factices. Les vents qui souflent entre les points Cardinaux s'appellent vents collateraux.
Vent se dit proverbialement en ces phrases: mettre flamberge au vent, pour dire tirer l'épée. On dit qu'il ne fait ni vent, ni haleine, pour dire qu'il y a un grand calme. On dit qu'un homme vend du vent, de la fumée, quand il promet des choses qu'il ne peut tenir. On dit aussi qu'il pleut à tous vents, pour dire qu'il peut venir du bien & du mal de tous côtez. On dit qu'un homme s'en est allé plus vîte que le vent, quand il s'en est enfuy avec grande diligence. On dit quand on fait une mauvaise comparaison, que cela ressemble comme à un moulin à vent.
On dit des promesses vaines & qu'on ne veut pas tenir, autant en emporte le vent. Jetter la paille ou la plume au vent, quand on est incertain de ce qu'on doit faire, quand on s'en raporte au hasard. Petite pluye abat grand vent. Fendre le vent, pour dire s'en aller, faire banqueroute. On dit d'un miserable qui ne sçait de quel côté se tourner pour faire fortune, qu'il regarde de quel côté vient le vent; & d'un homme en fortune, qu'il est au dessus du vent, qu'il a vent en pouppe; & de celui qui fait une entreprise mal à propos, qu'il va contre vent & marée.
On dit d'un homme leger & inconstant, que c'est une giroüette qui tourne à tous vents: & d'un homme logé dans un lieu mal fermé, qu'il est logé aux quatre vents.
VENTRE. s. m. partie de l'animal, qui dans sa capacité enferme les entrailles, ou les autres choses nécessaires pour faire agir toutes ses facultez. Les Medecins divisent le corps humain en trois ventres, régions ou capacitez; le premier est la tête, le second la poitrine jusqu'au diaphragme; & le troisiéme celui où sont les intestins: & c'est celui-ci qu'on appelle plus communément le ventre. Ce ventre inferieur se subdivise en trois régions; la premiére & la plus haute s'appelle Epigastrique, & s'étend depuis l'os Xiphoïde jusqu'auprés du nombril; la seconde Umbilicale, qui est aux environs du nombril; elle a trois ou quatre doigts de large, & contient les lombres & les reins: la troisiéme est l'Hypogastrique, qui s'étend jusqu'aux parties honteuses, c'est proprement ce qu'on appelle le bas ventre: Hippocrate l'appelle estron, ses deux côtez s'appellent les flancs, & ses plus basses extrêmitez s'appellent les aines, que les Grecs nomment boubons.
Ventre, signifie aussi la partie exterieure du bas ventre. Le nombril est au milieu du ventre. Il a de l'eau jusqu'au ventre. On lui a donné un coup de pied dans le ventre. On lui a dansé à deux pieds sur le ventre: & figurément il est à la paille jusqu'au ventre, pour dire il est bien à son aise, il est fort riche. On dit qu'on a passé sur le ventre à ses ennemis, pour dire qu'on les a défaits & mis en fuite. En ce dernier sens on dit qu'un homme a un benefice de ventre, quand il a un petit cours ou flux de ventre qui lui lâche le ventre, qui lui rend le ventre libre, qui l'empêche d'avoir le ventre dur, qui lui fait décharger son ventre. On dit aussi se coucher sur le ventre; des douleurs de ventre quand on a la colique. Les organes naturels qui servent à la digestion & à la génération sont contenus en la basse région du ventre.
Ventre, se dit aussi de l'estomac, qui est enfermé dans la même capacité, & qu'on appelle pour cela petit ventre. Jonas fut trois jours dans le ventre de la Baleine. On nous a donné une bonne carrelure de ventre, pour dire un bon repas. Le ventre lui tire, pour dire il y a long-temps qu'il n'a mangé; qu'il n'a rien dans le ventre, c'est à dire dans l'estomac. Cet homme est sujet à son ventre, il fait son Dieu de son ventre: il est raisonnable de servir Dieu devant son ventre.
Ventre, signifie aussi la poitrine, & c'est en cette seconde concavité ou région, où est situé le cœur: en ce sens on dit tant que le cœur me battra dans le ventre. Il lui a crevé le cœur au ventre; & figurément on dit de celui à qui on ôte ce qu'il aime, c'est lui arracher le cœur du ventre; & de celui qu'on a encouragé, on lui a remis le cœur au ventre. Les organes qui servent à la respiration & au battement du pouls sont compris dans ce ventre moyen.
Ventre, se dit aussi de la tête, qui est cette premiére capacité dont il a été ci-devant parlé, & alors il signifie l'esprit, la pensée; en ce sens on dit allez sonder cet homme-là, & voyez un peu ce qu'il a dans le ventre, ce qu'il pense, ce qu'il veut faire: ce Poëte n'a pû faire que cent vers sur ce sujet, c'est tout ce qu'il avoit dans le ventre.
Ventre. A l'égard des femmes se dit de la matrice & de leur grossesse. Nous disons de la Sainte Vierge, beny soit le fruit de ton ventre, & le ventre qui t'a porté. On croit que cette femme a deux enfans dans le ventre, tant elle a le ventre gros: elle s'est laissé enfler le ventre.
En Jurisprudence on dit que l'enfant suit le ventre, pour dire qu'il est de condition libre ou servile, selon celle de sa mere. On dit aussi créer un curateur au ventre, à l'égard des enfans posthumes qui sont encore dans le ventre de leur mere. A l'égard des Princes on a quelquefois couronné le ventre.
Ventre, se dit aussi des animaux: ce cheval n'a point de ventre, on dit autrement, n'a point de boyau quand il est serré des flancs.
Ventre, se dit aussi des creux & capacitez qui sont dans la terre: le mont Gibel a fait sortir de son ventre quantité de flammes, de cendres, de pierres ponces. L'avarice des hommes a foüillé dans le ventre de la terre pour tirer l'or de ses entrailles, la mer a englouti ce vaisseau dans son ventre.
Ventre, se dit encore des creux & capacitez des choses artificielles qui ont quelque enflure, quelque éminence. Le ventre d'un navire, d'un tonneau, d'une bouteille: il faut voir ce que cette bouteille a dans le ventre. Le ventre d'un pot d'étain, d'une cruche; le ventre d'un tambour. On dit aussi le ventre d'un luth.
En maçonnerie on dit qu'une muraille fait ventre, quand elle pousse en dehors, quand elle n'est plus à plomb, quand elle menace de ruïne.
En Medecine on appelle le ventre d'un muscle sa partie charneuse la plus enflée. En Chymie on appelle ventre de cheval le fumier, dans lequel enfermant quelques vaisseaux on fait plusieurs operations par le moyen de la chaleur douce qui y est contenuë.
Ventre, se dit proverbialement en ces phrases: on dit qu'on a mis le feu sous le ventre à quelqu'un, pour dire qu'on luy a fait prendre courage, qu'on l'a excité à faire quelque action rigoureuse. On dit aussi d'une chose dont on est mal satisfait, qu'on ne veut point recommencer, c'est le ventre de ma mere, je n'y retourne plus. On dit aussi, ventre affamé n'a point d'oreilles, pour dire, qu'un homme assiegé ou affamé n'écoute point les remontrances. On dit aussi, boire à ventre déboutonné, rire à ventre déboutonné, pour dire, de toute sa force. Rabelais ajoûte, car autrefois on se boutonnoit le ventre. On dit aussi en goinfrerie tout fait ventre, pourveu qu'il puisse entrer. On dit aussi qu'on a battu un homme dos & ventre, qu'on luy en a donné sur le ventre & par tout, pour dire qu'on l'a bien battu. On dit qu'on a demandé pardon ventre à terre, pour dire avec la derniére soûmission. On dit aussi ventre de son, robbe de velours, pour dire qu'il y en a qui font mauvaise chere pour avoir de quoi paroître en habits. On dit aussi le dos au feu, le ventre à table, de ceux qui sont fort à leur aise en Hyver.
VENTRÉE. s. f. Les enfans dont une femme a accouché en une seule grossesse. Voilà deux enfans jumeaux, qui sont d'une même ventrée. C'est une fable que ce qu'on dit d'une Comtesse d'Hollande, qu'elle a eu 365 enfans d'une ventrée.
Ventrée, en termes de Coûtumes se dit du partage des successions des pere & mere entre des enfans nez de differents mariages: ce partage se fait en sorte qu'un seul enfant d'un mariage ou d'un même lit prend autant que plusieurs enfans d'un autre mariage, qu'on appelle ventrée; & pour cela on divise la succession en autant de parts qu'il y a de mariages.
VELOURS. s. m. terme de Marchands, étoffe toute de soye dont les filets de traverse sont conduits autour d'une petite verge de cuivre, sur laquelle aprés on les coupe; ce qui fait paroître un tissu de poils plus courts que ceux de la pane. Ce mot vient de villosus, Nicod. Cujas tient qu'il vient du Grec veros, qui signifioit robbe de soye; d'autres de vellus, qui signifioit autrefois drap. En vieux François on disoit velueil, ou veluyau.
Les plus beaux velours sont à quatre poils, appellez vulgairement à six lisses; ils se font sur un peigne de 20 portées, qui font 60 portées de chaîne, & chaque portée a 80 filets. Il y a 8 fils de poil par chaque dent de peigne, les poils & chaînes doivent être d'organsin filé, tordu au moulin & tramé de trames doubles, le tout cuit & de pure & fine soye. Le velours doit avoir onze vingt-quatriémes d'aune de largeur entre les deux lisiéres, lesquelles doivent être marquées par quatre chaînettes de soye d'autre couleur, qui font connoître le velours à quatre poils.
Le second velours est appellé à trois poils, dont le peigne a vingt portées, & soixante portées de poil & de chaîne: il a aussi quatre-vingt filets à six fils par chaque dent de peigne: ses lisiéres sont marquées de trois chaînettes, & sa soye & sa largeur de même qualité que le précédent.
La troisiéme sorte s'appelle deux poils, vulgairement appellé quatre lisses: il se fait en un peigne de vingt portées, & de quarante portées de chaîne & de poils, chacune de quatre-vingt fils; ses lisiéres sont marquées de deux chaînettes.
La quatriéme sorte de velours s'appelle poil & demy, il a quatre lisses, il a quarante portées de chaîne, & trente portées de poil, de quatre-vingt fils: sa soye est de même qualité, tordage & moulinage, & sa largeur de même: ses lisiéres sont marquées d'un côté d'une chaînette, & de l'autre de deux, c'est pourquoi on l'appelle poil & demy.
La derniére sorte est du petit velours, qu'on appelle renforcé à quatre lisses, dont le peigne est de 19 portées, de 38 portées de chaîne, & de 19 portées de poil, chacune de 80 filets; la lisiére doit avoir une chaînette de chacun côté. Les velours cramoisis doivent avoir un filet d'or ou d'argent fin au milieu de la lisiére, pour les distinguer de ceux où il y aura des couleurs communes tant en chaîne qu'en trame.
En général tous les velours tant façonnez que figurez, ras ou couppez ont les chaînes & poils d'organsin filé, tordu au moulin, & sont tramez de soye cuitte & non cruë, & ont la même largeur.
On fait des habits, des just'aucorps, des robbes de velours, des carreaux, des tapis de pied de velours: on met un ou deux lez de velours dans les obseques des grands Seigneurs qu'on charge de blason.
Velours plein, est celuy qui est tout uni.
Velours figuré, est un velours mince sur lequel sont representées quelques figures: il sert ordinairement aux habits de femme.
Velours à ramages, est le velours diversifié par plusieurs figures ou couleurs; on l'appelle grand dessein, & on s'en sert pour faire des carrosses, des lits, des meubles, & des ornemens d'Eglise.
Velours ras, est un velours dont les filets de traverse ne sont point couppez.
On fait aussi des velours à fond d'or, à fond d'argent, à fond de satin.
Velours, se dit figurément d'un chemin, d'une allée, d'une pelouse, quand elles sont herbuës & fort unies: il nous mena par un chemin de velours; & par une double figure on dit, il est venu à cette charge par un chemin de velours, pour dire qu'il a trouvé de grandes facilitez.
On appelle en Chirurgie des cauteres de velours d'Ambroise Paré, qui ne font point de douleur quand on les applique.
Velours, se dit proverbialement en ces phrases; on dit d'un homme qu'il se pare d'une telle femme, d'une telle chose, comme de sa robbe de velours, pour dire qu'il se fait honneur de la mener, ou d'être le maître de ce qu'il étale en parade. On dit aussi d'une fille qu'elle doit avoir ventre de son, & robbe de velours, pour dire qu'on doit avoir plus de soin de la bien parer, que de la nourrir delicatement. Regnier a aussi appellé des ongles longs & pleins de crasse, des ongles de velours, en parlant de son Pedant.