Études Littéraires; dix-huitième siècle
ANDRÉ CHÉNIER
I
L'HELLÈNE
Aux premiers abords, et à un premier point de vue (qui peut-être est le vrai, et où nous finirons peut-être par nous arrêter), André Chénier apparaît dans le XVIIIe siècle comme un isolé. Il constitue comme un cas extraordinaire, et qui étonne. C'est un poète dans un siècle de prose, un «ancien» dans un siècle où les anciens ont cessé d'inspirer la littérature, un «grec» dans un temps où l'on est aussi éloigné que possible de ces sources antiques de l'art européen.
Est-ce un précurseur? Est-ce un retardataire? A coup sûr c'est un fourvoyé dans son siècle. On dirait un homme de la Pléiade né en retard. Autour de lui on goûte les anciens, sans doute, mais avec ce sentiment du progrès et cette certitude de supériorité qui fait de l'approbation une manière d'acquiescement et de la complaisance une forme de mépris intelligent. On les goûte en les corrigeant, et en montrant par l'exemple des modernes de quels chefs-d'oeuvre ils étaient les premières ébauches, et quels merveilleux artistes ils devaient devenir dans les derniers de leurs disciples.
Chénier les goûte naïvement et cordialement, par un retour à eux, nom par un retour sur lui-même. Il est possédé de leur charme avec cette passion dont étaient pleins les hommes du XVIe siècle à la première découverte du monde ancien. Son goût, très vif, trop peu remarqué, pour les écrivains du XVIe siècle français, complète cette analogie. On voit bien qu'il se sent de leur famille. Il aime Rabelais. Il aime Montaigne. A la vérité il n'aime pas Ronsard, parce que son goût est plus pur que celui de Ronsard. Comme il goûte l'antiquité sans effort, la trace de l'effort, de la violence dans l'admiration, dans la prise de possession et dans le rapt de l'antiquité, qui est le propre de Ronsard, lui déplaît, sans doute, et l'effarouche. Mais s'il eût connu Joachim du Bellay, à coup sûr il l'eût, aimé, et certes il lui ressemble par beaucoup de traits. Revenir à l'inspiration antique sans avoir rien du mauvais goût de la Pléiade, c'était recommencer Malherbe avec moins de sécheresse, de rigueur, de pédantisme, et d'instincts belliqueux et proscripteurs; et en effet il étudie Malherbe, l'annote et le commente. presque avec amour, avec respect, avec gratitude, et avec discernement. Un homme de la Pléiade averti, discret, judicieux, d'humeur aimable, et homme du monde plus qu'homme du collège, voilà André Chénier.
Ajoutez un homme de la Pléiade qui serait plus grec que latin. Une des erreurs de notre seizième siècle, qui savait du reste aussi bien la Grèce que Rome, a été d'imiter les Romains plus que les Grecs, et, nonobstant la Défense et illustration, de piller plutôt le Capitole que le Temple de Delphes. Chénier est grec plus profondément, plus intimement. S'il est latin, et beaucoup trop, dans ses Elégies, il n'est que grec dans ses Idylles, dans ses fragments épiques, qui sont ses vrais titres de gloire. Homère, Théocrite, Callimaque Bion, et l'Anthologie, voilà ses vrais maîtres, sans cesse relus, sans cesse médités, transformés en substance de son esprit. «Il est du pays», comme disait Voltaire de Dacier, et il a vécu au bord de la mer où a roulé Myrto.
Quelque chose lui en échappe, et précisément comme aux hommes de la Pléiade, le haut sentiment philosophique et religieux, le sens du mystère, qu'à leur manière ont eu les Grecs, comme tous les hommes qui ont été capables de méditation, et que les Grecs ont connu beaucoup plus, même, que les Latins. On ne trouvera pas dans Chénier un écho de Platon, qu'on peut trouver, avec un peu de complaisance, dans Joachim du Bellay, qu'on trouvera, du premier coup et sans chercher, dans Lamartine. C'est bien pour cela, remarquez-le, que Chénier s'inspire peu des tragiques athéniens, dépositaires et interprètes, si souvent, du sentiment religieux grec, et qui ont, si souvent, médité sur le secret obscur et effrayant de la destinée humaine. C'est la Grèce pittoresque, la Grèce des beaux rivages, des belles collines, des groupes gracieux autour d'une source, des théories harmonieuses le long de la mer retentissante, des choeurs dansants sur la montagne blanche, dans le ciel bleu, qui ravit son esprit, léger comme l'air léger des Cyclades.
Son horreur pour les poètes du Nord vient de là. Il déteste ces artistes «tristes comme leur ciel toujours ceint de nuages, sombres et pesants comme leur air nébuleux», et «enflés comme la mer de leurs rivages». Fuyons de toutes nos forces «la pesante ivresse
De ce faux et bruyant Permesse
Que du Nord nébuleux boivent les durs chanteurs;»
et ne respirons que les senteurs fines et délicates, l'odeur de bruyère et de thym qui vient, dans un murmure de flûte, des pentes de l'Hymette ou des ravins de Sicile.
Et, en effet, il a l'air, le goût et le parfum de la Grèce. Plus que tout autre poète français, il atteint, quelquefois, la largeur et la simplicité homérique, comme dans l'Aveugle, et (un peu moins) dans le Mendiant; et aussi la grâce plus molle et plus parée, bien séduisante encore, des alexandrins, comme dans la Jeune Tarentine; et surtout, ce qui plus que toute chose a été le propre des Grecs, et des Latins qui ont su les imiter, la ligne nette, souple et sobre, admirablement pure, déliée et élégante du bas-relief. Il parle de quadro, souvent, en songeant à ce qu'il fait, ou veut faire, de petits tableaux restreints, délicats, bien composés et fins. C'est plutôt de frises qu'il devrait parler, de groupes légers, sans profondeur, sans vigoureux relief, sans musculatures fortement accusées, sans expression de passions vives et puissantes, mais d'un dessin net, d'une précision élégante, d'un mouvement aisé et noble, s'enlevant légèrement et glissant avec grâce sur la blancheur et la finesse polie d'un marbre pur.
C'est proprement là son domaine, son originalité, son don secret, sa façon de voir les choses qui n'est à aucun degré celle des autres, le sentiment de beauté qu'il apporte avec lui, que ses prédécesseurs du XVIe siècle n'ont eu qu'à moitié et par accident, et qu'il transmettra à d'autres.
C'est bien par là qu'au XVIIIe siècle, et il en eût été presque de même au XVIIe, il est isolé. Le sens du sobre, du discret, et de l'harmonieux, et du pittoresque, et surtout du sculptural, oh! que voilà bien ce que n'avaient pas ces polémistes, ces pamphlétaires, ces idéologues, et ces poètes de salon, et ces romanciers d'alcôve, et ces experts en sensibilité bourgeoise du XVIIIe siècle! Ce qu'il faut se figurer pour bien comprendre, c'est Fontenelle, Montesquieu, Crébillon père ou fils, Voltaire, Marivaux, Diderot surtout, Rousseau lui-même, et je parle de celui qui fut poète, non point, par conséquent, de celui qui a fait des vers, face à face avec l'Aveugle, la Jeune Tarentine, ou l'Oaristys. Il faudrait remonter, pour trouver qui le comprît; remonter jusqu'à Racine et La Fontaine, et, par delà, jusqu'à Ronsard, qui eût reconnu et salué, tout en la trouvant trop nue, et insuffisamment fastueuse, «la douce muse théienne».
Aussi notez bien que cet isolement, il le sentait. Encore qu'il voulût rester longtemps inédit, il publiait, de temps en temps, quelques vers. Lesquels? Les idylles antiques jamais. Les élégies voluptueuses, non pas tout à fait; mais déjà un peu. Il les montrait à ses amis, aux bons du Pange, aux bons Trudaine. Mais ce qu'il donnait au public, peut-être, hélas! le trouvant bon, à coup sûr le sentant dans le goût des contemporains, c'était le Serment du jeu de Paume et les Suisses de Châteauvieux; et par cela seul qu'il songeait au public en écrivant ces poèmes, les pires défauts du temps en toute leur lamentable perfection, nous le verrons assez, s'y étalaient avec confiance. Seul dans sa chambre, entouré de ses chers livres grecs et latins, ne songeant qu'à satisfaire son intime penchant, il laissait la belle source grecque «se frayer murmurante un oblique sentier» et chanter délicieusement à ses oreilles.
Et pourtant disons bien tout, au risque de sembler nous contredire. Chénier est seul de sa valeur, de sa fine essence, de son sentiment délicat et sûr des choses grecques et de la beauté antique; mais isolé, c'est aussi trop dire. Il y a, en cette fin du XVIIIe siècle, une véritable petite renaissance des études antiques, qui, certes, n'a pas créé Chénier mais dont Chénier a profité. On venait de retrouver Pompéi, et les esprits, non pas tous, recommençaient à se tourner de ce côté-là. Les Analecta de Brunck venaient de paraître, dont Chénier, qui connut Brunck personnellement, faisait son livre de chevet. Winckelmann, que Chénier a pu lire dans la traduction de Huber, donnait aux études sur l'art antique une forte impulsion, et communiquait son vif, un peu indiscret, mais salutaire enthousiasme. Et c'était les voyageurs en Grèce, Choiseul-Gouffier, Guys, ami de Mme de Chénier, avec qui Chénier s'est entretenu souvent, qui rapportaient de la terre sacrée des impressions et des souvenirs. Et, à l'écart, au milieu de ses médailles, de ses livres, et de ses dix mille fiches, le patient Barthélémy mettait la Grèce en mosaïque par petits morceaux numérotés. —C'était tout un petit monde grec, très passionné, très épris, un peu inaperçu en son temps, et de petit bruit dans la grande rumeur, mais qui faisait son oeuvre, reprise et agrandie plus tard. Chénier a parfaitement connu cette société de grands travailleurs et de demi-artistes, et a parfaitement entendu ce petit bruit-là. Son originalité, à lui poète, a été d'aller de ce côté, où semblait être seulement un atelier d'érudits et un cabinet de «médaillistes», et d'y voir et d'y sentir une vraie renaissance, un retour au vrai classique français, et la tradition renouée.
Il l'a renouée lui-même très fortement, moins par les «imitations» et traductions proprement dites que par l'air et le ton vrai. Ce serait une sottise ou une plaisanterie de vouloir retrouver toute la Grèce dans André Chénier, et il y a toute une partie de l'art grec, et qui n'est pas la moins grande, où il n'est nullement entré, mais il a eu en toute perfection le sens de l'épique, et de l'idyllique des Hellènes, le sens d'Homère, de Callimaque et de Théocrite. Il a compris la Grèce comme un Romain très intelligent des choses grecques la comprenait, comme l'entendaient un Catulle, un Horace, un Tibulle, un Properce, et, à dessein, tout en le nommant, j'évite un peu d'ajouter Virgile. Il a touché à Chio, à Alexandrie et à la Sicile, et s'est comme promené autour d'Athènes, à quelque distance, sans y entrer. Encore pratique-t-il Aristophane, et le goûte, et l'imite souvent. Précisément, c'est qu'Aristophane, avec tant de dons, si divers, de génie poétique, Aristophane grand humoriste, grand fantaisiste, grand lyrique, idyllique charmant à la rencontre, ne connaît pas ou ne saurait atteindre la grande poésie philosophique et religieuse, les hauts et purs sommets de l'imagination humaine; et Chénier pouvait entrer en commerce avec Aristophane. Ce n'était pas le sol attique qui lui était interdit; mais c'était du moins le cap Sunium.
Tel il a été, extrêmement original en son temps, sinon par sa faculté créatrice, du moins par son goût, par son tour d'esprit, par la direction de ses recherches et par le choix de son imitation. Imitateur, soit, mais qui imitait ce dont personne, sauf les voyageurs et les savants, ne se souciait.
Et maintenant, comme personne n'est un, et comme personne n'est vraiment original, un autre Chénier nous attire, qui, lui, fut tout à fait de son temps, et peut-être trop.
II
CHÉNIER FRANÇAIS DU XVIIIe SIÈCLE
Chénier est né à Constantinople, mais il a été élevé en France et a passé sa jeunesse à Paris de 1780 à 1791; sa mère est née grecque, mais c'est une Parisienne qui préside un salon littéraire où trône Lebrun. C'est beaucoup que Chénier, mort si jeune, ait entrevu et même embrassé un autre horizon que celui de l'Almanach des muses; mais qu'il eût échappé à l'influence de ce qu'on appelait en 1780 la poésie française, ce serait chose prodigieuse, et à la vérité il n'y a pas échappé.—Un homme écrit trois pages dans sa matinée, l'une pour lui, impression, sensation, réflexion ou souvenir; l'autre, billet à une belle dame chez laquelle il a dîné la veille et qui se connaît en beau style; l'autre, lettre à un ministre ou conseiller d'État. Ces trois pages ne se ressemblent aucunement: l'une a été écrite par l'homme, l'autre par l'homme du monde, et la troisième par l'homme officiel. Il y a dans Chénier de la poésie, de la poésie mondaine, et de la poésie officielle.
De ces deux dernières la première est bien mêlée, souvent bien mauvaise, et la seconde, fréquemment, ne laisse pas d'être à faire frémir. C'est le goût du temps qui agit, et qu'il inspire parce qu'il faut le satisfaire. La poésie mondaine, la poésie élégante de ce temps est spirituelle, un peu fade et extrêmement tourmentée. C'est une rhétorique laborieuse et périlleuse où l'on procède par trouvailles rares et rencontres extraordinaires d'expressions imprévues ou de syntaxes surprenantes. «Il est beau, quand le sort nous plonge dans l'abîme, de paraître le conquérir»: voilà du Lebrun. «Conquérir un abîme»: voilà une expression trouvée, et que ne trouverait pas le premier venu. Chénier a ce style. Il dira, même dans un fragment antique:
......et j'étais misérable
Si vous (car c'était vous) avant qu'ils m'eussent pris
N'eussiez armé pour moi les pierres et les cris.
Armer les pierres et les cris, c'est-à-dire s'armer de pierres et crier pour se faire craindre, voilà tout à fait l'élégance, un peu bien pénible et torturée, de 1780.
Ajoutez-y la fadeur, c'est-à-dire je ne sais quelle grimace du sentiment qui en marque la recherche et en trahit la parfaite absence. Un berger qui dit à une bergère:
Et devant qui ton sexe est-il fait pour trembler?
est bien un berger de 1780.
Enfin l'abus, je dirai même l'usage de l'esprit dans les choses de sentiment, est ce qui jette sur toute poésie amoureuse la plus sensible impression de froideur. Chénier est un amoureux trop spirituel. Faire parler la lampe de sa maîtresse infidèle, c'est déjà un tour trop ingénieux; mais c'est montrer qu'on n'aime point, et dès lors que nous importent vos amours, que de lui faire dire, en conclusion: «On m'éteignit;
Je cessai de brûler; suis mon exemple: cesse.
On aime un autre amant, aime une autre maîtresse.
Souffle sur ton amour, ami, si tu me croi,
Ainsi que pour m'éteindre elle a soufflé sur moi.
La chute en est jolie, et peut-être admirable; mais à coup sûr elle n'est pas amoureuse.
Toutes les élégies ne sont pas, certes, écrites continûment de cette sorte. Mais l'impression générale en est au moins tiède. C'est un ambigu assez curieux, assez adroit aussi, mais quelquefois assez étrange, de l'ardeur sensuelle des Latins, ardeur qui s'excite et s'entraîne avec de très grands efforts, et des grâces un peu mignardes du XVIIIe siècle, mélange bizarre, quoique assez habilement dissimulé, de Lesbie et de Pompadour.—Voilà pourquoi, sans que je veuille entrer ici dans l'histoire très obscure des amours d'André Chénier, il est si difficile de savoir à qui s'adressent ces adorations composites et pour qui fut bâti ce temple de Cythère d'architecture hybride. Est-ce à des courtisanes ou à de grandes dames que parle, ou que songe Chénier? On ne sait trop, et dans la même pièce le ton de l'homme de cour, et le ton du Catulle ou du Properce s'entremêlent ou s'entre-croisent. Une dame pourrait dire: «Pardon, Monsieur, en ce moment est-ce l'homme du monde qui parle, ou si c'est le poète latin?» Et jamais, sauf peut-être une strophe à Fanny, ce n'est «le coeur vraiment épris» et passionné.
Pour se rendre compte de tout ce qu'il y a là d'agréablement factice, mais de factice, il faut, après une lecture de ces Elégies franco-romaines, lire notre grand élégiaque Musset, ou Henri Heine; et je ne dis point Lamartine, parce que je ne veux comparer Chénier élégiaque qu'à ceux qui, sensuels comme lui, ont bien comme lui écrit l'élégie sensuelle, sans la rehausser par un grand sentiment ou un grand rêve, mais en tirant du trouble des sens toute la vraie poésie, anxieuse, douloureuse, tragiquement frémissante, qu'il peut contenir, et qu'il contient en effet chez ceux qui l'éprouvent.
Et je ne cherche pas à éviter la Jeune Captive. Je reconnais qu'elle est charmante. Un procédé très heureux, que Chénier a employé plusieurs fois104, est ici d'un effet excellent: faire parler le héros principal du poème avant de l'avoir présenté ou annoncé au lecteur. Ailleurs ce n'est qu'un procédé, ici il y a un grand air de vérité, et la scène se fait toute seule en l'esprit du lecteur. Nous sommes dans une prison; d'un coin sombre une voix s'élève, murmurante, qui peu à peu se fait plus distincte; un prisonnier écoute, se rapproche, entend, finit par voir la prisonnière, et pleure avec elle.
Et des traits exquis que je n'ai pas, parce qu'ils sont dans toutes les mémoires, la sotte pudeur de ne pas répéter: «Je ne veux point mourir encore!—Je plie et relève ma tête.—L'Illusion féconde habite dans mon sein.—J'ai les ailes de l'espérance.—Ma bienvenue au jour me rit dans tous les yeux»; et merveilleusement opposés l'un à l'autre en demi-chute et en chute de strophe: «Je veux achever mon année... Je veux achever ma journée.»
Mais la Jeune Captive n'est cependant pas dénuée de toute rhétorique, cette série d'images trop voisines les unes des autres (l'épi, le pampre, le printemps, la moisson, la rose à peine ouverte) est un développement, et un développement qui allait devenir un peu languissant au moment qu'il s'arrête. Il s'arrête; mais on a eu le temps d'être inquiet. Chénier avait déjà composé ainsi dans sa pièce À mademoiselle de Coigny: «Blanche et douce colombe...»—«Blanche et douce brebis...» Rien de plus dangereux que cette méthode, parce que rien n'est plus facile. Le lecteur tourne la page, dans la crainte, ou le malicieux désir, de voir s'il ne viendra pas un: «Blanche et douce gazelle...» Le trait final lui-même de la Jeune Captive sinon la dépare, du moins ne va pas sans l'affaiblir. Il n'est pas assez grave; on y voit comme se dessiner vaguement une révérence trop correcte et un sourire trop accompli.
Et, comme elle, craindront de voir finir leurs jours
Ceux qui les passeront près d'elle,
n'est point, si vous voulez, un madrigal, mais il en a bien un peu le tour et le geste. On n'est pas impunément du siècle de Boufflers. Lamartine lui-même, une ou deux fois, et Victor Hugo, se ressentiront d'y être nés, ou d'avoir connu des gens qui en étaient.
Quant à ses poésies officielles et destinées à la publication, on voudrait qu'elles ne fussent pas d'André Chénier. L'Hymne à la France est bien d'un écolier de Lebrun. C'est un modèle du style classique en honneur au XVIIIe siècle. Il est presque tout en descriptions mesquines, menues et coquettes, et en périphrases élégantes. C'est là qu'on voit les canaux qui «joignent l'une et l'autre Théty»; et «les vastes chemins départis en tous lieux»; et le poète cherchant un asile obscur où «sa main cultivatrice recueillera les dons d'une terre propice». C'est là qu'on peut admirer:
«...Ces réseaux légers, diaphanes habits,
Où la fraîche grenade enferme ses rubis.»
Aux collectionneurs de périphrases classiques je ne puis me tenir de signaler, au moins en note, une pièce rare. C'est le concierge de Camille:
Ma Camille, je viens, j'accours, Je suis chez toi.
Le gardien de tes murs, ce vieillard qui m'admire,
M'a vu passer le seuil, et s'est mis à sourire.
Le style par abstraction s'y rencontre aussi avec toute l'énergie et tout le relief qu'on lui connaît:
J'ai vu dans tes hameaux la plaintive misère,
La mendicité blême, et douleur amère.
Le Jeu de Paume, qui a du souffle, et, quoique trop long et surchargé, une certaine grandeur de composition, est bien difficile à goûter de nos jours. Il nous faudrait nous faire le tour d'esprit de Casimir Delavigne pour admettre ces apostrophes multipliées: «O France!... ô Raison!... ô soleil!... ô jour!... ô peuple!... hommes!... Salut, peuple français...»; ou cet emploi vraiment indiscret de l'interrogation:
Aux bords de notre Seine
Pourquoi ces belliqueux apprêts?
Pourquoi vers notre cité reine,
Ces camps, ces étrangers, ces bataillons français...?
De quoi rit ce troupeau?.......
Et l'on souffre encore de tant de souvenirs mythologiques mal accommodés à la description de scènes révolutionnaires. Rien de plus étrange, je veux dire rien de plus naturel aux yeux des contemporains, que ce Tiers-Etat comparé à Latone «déjà presque mère» courant la terre pour «mettre au jour les dieux de la lumière», et dont la salle du Jeu de Paume «fut la Délos».
L'Hymne sur les Suisses de Châteauvieux a un début éloquent et d'une redoutable ironie; mais voilà bientôt que la mythologie et les réminiscences classiques viennent tout refroidir et tout gâter, jusque-là qu'il faut que les Suisses de Collot d'Herbois remplacent dans le ciel la chevelure de Bérénice, parce que les poètes chantaient autrefois la chevelure de Bérénice et qu'ils chantent maintenant les Suisses de Châteauvieux. C'était le bel air des choses en ce temps-là. Dans une ode sur le vaisseau le Vengeur, le fils de Calliope devait apparaître, au sommet glacé de Rhodope. Rien de plus glacé. Mais c'était la poésie élevée, noble, et non «familière», telle qu'on la comprenait autour de Chénier. Il prenait Lebrun pour son maître, et Marie-Joseph Chénier pour son frère. Mais en vérité, quand il se donnait tant de mal pour écrire dans le grand goût, il réussissait à se tourner le dos à lui-même.
III
CHÉNIER POÈTE PHILOSOPHE
Il rêvait de très grandes destinées poétiques, et de devenir tout différent de ce qu'il était, et un tel maître poète que tout ce que nous avons de lui n'eût plus passé que pour études préliminaires; et ce qu'il a rêvé, je ne doute pas qu'il ne l'eût accompli. Cet «antique» était, par ses idées, par les penchants les plus impérieux de son esprit, par une partie au moins, très considérable, de ses études, le plus éveillé et le plus hardi des modernes. Il aimait infiniment les sciences et la philosophie scientifique, avait une doctrine, mal arrêtée encore, mais qui se rapprochait du matérialisme, ou plutôt du naturalisme, adorait Lucrèce, savait Buffon par coeur; et certes nous voilà maintenant bien loin du pur hellène, et en plein courant du XVIIIe siècle.
Il voulait profiter des découvertes de la science moderne, et écrire en vers ce poème du monde que Buffon venait d'écrire en prose. C'est bien ici qu'on voit l'influence puissante que Buffon a exercée sur cette fin de siècle, et autant sur l'esprit littéraire que sur l'esprit scientifique de cette époque. Traduire Buffon en vers a été l'ambition de trois poètes distingués de la fin du XVIIIe siècle, de Fontanes, de Delille et d'André Chénier. Chénier le proclame avec une pleine sincérité et naïveté d'admiration:
Souvent mon vol armé des ailes de Buffon
Franchit avec Lucrèce, au flambeau de Newton,
La ceinture d'azur sur le globe étendue.....
Dans les plans et projets relatifs à Hermès que nous possédons, nous trouvons des pages entières qui ne sont que des résumés de la «genèse», de la géologie, de l'embryologie, et même de l'anthropologie de Buffon105. Il n'est pas jusqu'à cette idée que j'ai signalée dans Buffon, de la constitution forcément aristocratique de l'humanité, toujours guidée par les grands hommes de pensée et de savoir, ne pouvant se passer d'eux, et valant, vivant même par eux seuls, qui ne dût se retrouver, magnifiquement illustrée, dans l'Hermès106. A cela il eût ajouté un peu de Lucrèce, pour la partie irréligieuse107; car Chénier était irréligieux, et Hermès l'eût été, et ce semble un peu de Rousseau pour ce qui aurait eu trait à la première constitution des sociétés108.
Le poème eût été beau sans doute, et d'une singulière grandeur. En tout cas, et, si j'en parle, ce n'est que pour montrer le sens poétique, l'instinct et le flair sûr d'André Chénier au milieu même du faux goût dont il n'a pas laissé de recevoir la contagion, ce poème aurait eu cela de vrai, de vivant, de non artificiel, qu'il eût résumé la pensée du siècle où il aurait paru, qu'il nous eût donné dans un grand tableau la conception du monde et de l'humanité telle qu'elle était, plus ou moins précise, dans les esprits de ce temps. Or un grand poème est grand pour beaucoup de raisons diverses, mais d'abord à cette condition-là, et à cette définition répondent aussi bien l'Ennéide que l'Iliade et le Paradis Perdu que la Divine Comédie. Je ne sais donc si l'Hermès eût été un des grands poèmes de l'humanité, mais je vois qu'il en courait le risque et qu'il en prenait le chemin.
Peut-être eût-il été, à notre goût, décidément trop scientifique et «matérialiste» au sens purement littéraire du mot. N'oublions pas, car je crois que nous nous en sommes aperçus, que Chénier, à tout prendre, n'a pas infiniment d'imagination ni beaucoup de sensibilité. Son imagination a besoin d'aide, du secours d'un beau vers antique; c'est une belle et très pure répercussion. Sa sensibilité est de courte verve et de sobre effusion. Il aurait donc sans doute, et les quelques fragments qu'il a écrits semblent l'indiquer, décrit, admirablement décrit, car en cette affaire son talent est prodigieux, mais peu animé, peu échauffé et nourri de flamme, ce vaste sujet. Il aurait peu trouvé ces imaginations, «ces visions» qui transforment, au risque de la dénaturer un peu, mais qu'importe quand on écrit un poème? la vérité scientifique en idée poétique. Un exemple, car ces procédés de poètes, ou bien plutôt ces trouvailles, se sentent très bien et ne se définissent guère. Chénier dit dans un fragment de l'Hermès:
Je vois l'être et la vie et leur source inconnue,
Dans les fleuves d'éther tous les mondes roulants.
Je poursuis la comète aux crins étincelants,
Les astres et leurs poids, leurs formes, leurs distances;
Je voyage avec eux dans leurs cercles immenses...
En moi leurs doubles lois agissent et respirent;
Je sens tendre vers eux mon globe qu'ils attirent;
Sur moi qui les attire ils pèsent à leur tour.
Sans doute voilà de très beaux vers, à la fois exacts et d'un très vigoureux relief. Mais Musset écrit quelque part, et certes dans un poème indigne de contenir cette page:
J'aime!—voilà le mot que la nature entière
Crie au vent qui l'emporte, à l'oiseau qui le suit,
Sombre et dernier soupir que poussera la terre
Quand elle tombera dans l'éternelle nuit!
Oh! vous le murmurez dans vos sphères nacrées,
Etoiles du matin, ce mot triste et charmant!
La plus faible de vous, quand Dieu vous a créées,
A voulu traverser les plaines éthérées
Pour chercher le soleil, son immortel amant;
Elle s'est élancée au sein des nuits profondes;
Mais un autre l'aimait elle-même; et les mondes
Se sont mis en voyage autour du firmament.
Ce don de jeter une âme à travers les choses, et de faire d'une loi physique une pensée, un sentiment ou une passion, voilà peut-être ce qui aurait manqué à Chénier. Le symbolisme peut être, ou devenir, une manie; mais encore est-il que Chénier n'en a pas même été menacé.
Cependant c'était là un beau projet, et dont le seul essai eût comme renouvelé André Chénier. Il l'eût renouvelé, je le crois assez; car il le forçait de devenir comme le contraire ou au moins l'inverse de ce qu'il avait été jusque-là. Ce qu'il y a de très intéressant dans l'Invention, qu'il faut considérer comme la préface de l'Hermès, c'est que Chénier, dans ce manifeste littéraire, ou dans cette poétique, comme on voudra, conseille, promet et se promet d'être en art ce qu'il n'avait nullement été jusque-là, et ce qu'on ne pouvait guère prévoir qu'il dût, ou seulement qu'il voulût devenir.
Se faire ou rester un ancien, latin ou grec, créer et entretenir en soi une âme et un esprit antique, avoir, et facilement et comme spontanément par l'accoutumance, les sentiments et le tour d'esprit d'un Ionien ou d'un Sicilien, et non seulement les sentiments, mais les sensations à la manière antique, voir les choses avec leur couleur, et surtout avec leur contour, comme les voyait un ancien du siècle de Périclès ou de l'âge d'Auguste, et entendre, et peut-être goûter de la même façon, et trouver la même forme aux montagnes, le même bruit au flot, le même parfum aux fleurs et la même saveur au baiser; instinct personnel, atavisme, éducation, ou tour de force de génie artificiel, ç'avait été le propre caractère tant du peintre de l'Aveugle que de l'amant de «Camille» ou de «Fanny».
—Et maintenant ce qu'il recommande, c'est d'être inventeur, avant toute chose, «aux seuls inventeurs la vie étant promise»; c'est de ne plus «avoir les seuls anciens pour Nord et pour étoile»; c'est de ne plus «les côtoyer sans cesse»; c'est de ne plus «dire et dire cent fois ce que nous avons lu»; c'est de ne pas croire «qu'un objet né sur l'Hélicon a seul de nous charmer pu recevoir le don»; et «qu'on a tout dit et que tout est pensé»; c'est de savoir regarder et comprendre «la Cybèle nouvelle» qui s'est révélée aux hommes; c'est de puiser une inspiration nouvelle, et qui, suivant les pas de la science humaine, pourra être indéfinie, dans le tableau déroulé devant nous des choses telles qu'elles sont maintenant, c'est-à-dire telles que les yeux modernes ont appris à les voir.
Mais les anciens, qu'en faut-il donc faire?—Ils restent nos maîtres, mais les maîtres de notre forme, non plus de notre pensée, et non plus ni de notre coeur ni de notre esprit, mais de notre plume. Pour cet usage et ce profit gardons-les soigneusement, et avec amour. Qu'ils nous apprennent à écrire avec netteté, avec force et avec éclat, et qu'on croie bien qu'eux seuls, d'ici à longtemps, peuvent nous donner cet enseignement et cet exemple. Qu'on les pratique donc, non pour les contrefaire, mais pour faire, aussi bien qu'eux, autre chose.—-Et voilà la nouvelle pensée d'André Chénier, comme son nouveau dessein, et elle ressemble à l'ancienne en ce que la préoccupation de l'antique y est encore, mais si bien tournée à un autre but, que c'est toute la conception d'André Chénier qui s'est comme renversée. L'aimable poète qui jusque-là sur des pensers anciens faisait des vers quelquefois un peu jeunes, a pour but désormais et pour maxime:
Sur des pensers nouveaux faire des vers antiques.
De telle sorte que, comme je l'ai fait prévoir, il y a bien au moins trois Chéniers, l'un antique dans sa pensée et dans sa forme; l'autre contemporain de ses contemporains par sa manière de penser et de sentir, et celui-là d'une forme un peu incertaine et flottante, quoique encore soutenu souvent par l'imitation de l'antique; le troisième enfin, qui voulait naître, et dont nous ne connaissons que les promesses, et qui, sauf la forme, que du reste il eût certainement été forcé de modifier tout en la gardant forte et pure, prétendait bien dépasser le premier et oublier complètement le second.
Seulement, de ces trois Chéniers, le troisième n'est intéressant que comme indication de tendances, et promesses, et déjà demi-puissance de renouvellement; et dans toute étude sur André Chénier c'est bien toujours aux deux autres qu'il en faut revenir.
IV
OEUVRES EN PROSE
Les oeuvres en prose d'André Chénier ne dépassent pas la mesure d'un beau talent ordinaire de polémiste; et tout en faisant honneur au génie d'André Chénicr en font encore plus à son caractère. Il a brillamment soutenu de 1789 à 1793 la cause de l'ordre, de la raison et de la justice; il a parfaitement mérité l'échafaud, et voila, sans lui faire beaucoup de tort, à quoi l'on pourrait borner l'appréciation de ses articles et pamphlets.
Si l'on voulait plus de détails, je dirais que ce qui frappe en lisant ces pages, c'est le caractère sain et pur de la langue. André Chénier a quelque chose, on l'a vu, de la déclamation de l'époque révolutionnaire dans ses vers officiels et de circonstance. Il n'en a absolument aucune trace, ce qui surprend, mais agréablement, dans ses articles. Ils sont écrits, à très peu près, dans la langue sévère et sobre du XVIIe siècle. Vigoureux du reste, et souvent d'un beau mouvement, ils sentent l'homme qui deviendrait très facilement orateur, et qui, dit-on, à ses heures, l'était en effet. Elève de Buffon et de Rousseau, à tant de titres, il l'est aussi de Mirabeau, et la longue phrase périodique (un peu trop longue peut-être) s'étale et se déroule dans ses brochures, comme dans les plus courts écrits de Mirabeau, avec une ampleur assez imposante. Rappelez-vous une page de Mirabeau, à peu près au hasard, car il n'a pas, et c'est son défaut, en plus d'un style, et lisez cette page de Chénier, qui du reste vaut qu'on la lise:
«Si les représentants du peuple ne sont point interrompus dans l'ouvrage d'une constitution, et si toute la machine publique s'achemine vers un bon gouvernement, tous ces faibles inconvénients s'évanouissent bientôt d'eux-mêmes par la seule force des choses, et on ne doit point s'en alarmer; mais si, bien loin d'avoir disparu après quelque temps, l'on voit les germes de haines publiques s'enraciner profondément; si l'on voit les accusations graves, les imputations atroces se multiplier au hasard; si l'on voit surtout un faux esprit, de faux principes fermenter sourdement et presque avec suite dans la plus nombreuse classe de citoyens; si l'on voit enfin aux mêmes instants, dans tous les coins de l'Empire, des insurrections illégitimes, amenées de la même manière, fondées sur les mêmes méprises, soutenues par les mêmes sophismes; si l'on voit paraître souvent, et en armes, et dans des occasions semblables, cette dernière classe du peuple, qui, ne connaissant rien, n'ayant rien, ne prenant intérêt à rien, ne sait que se vendre à qui veut la payer; alors ces symptômes doivent paraître effrayants.»
Ce ton oratoire, très soutenu, qui était du reste le ton ordinaire dont on usait alors toutes les fois qu'on parlait politique, mais qui seulement chez les hommes de mérite et d'éducation littéraire devenait un style, est, chez André Chénier, imposant, élevé et de grande allure. Quelquefois (encore que très rarement) il touche à la vraie et grande éloquence, et rappelle la dialectique enflammée des Provinciales. Ce qui suit, avec plus de relief, de verdeur et quelque chose de plus dru dans l'expression, serait une page de Pascal:
«Ils déclarent abhorrer ces mots d'ordre, d'union et de paix, parce que, disent-ils, c'est le langage des hypocrites. Ils ont raison. Il est vrai, ces mots sont dans la bouche des hypocrites; et ils doivent y être, car ils sont dans celle de tous les gens de bien; et l'hypocrisie ne serait plus dangereuse et ne mériterait pas son nom, si elle n'avait l'art de ne répéter que les paroles qu'elle a entendues sortir des lèvres de la vertu... C'est ainsi que certains démagogues se revêtent d'une autorité censoriale et distribuent des brevets de civisme, de la même manière que certaines gens dans tous les pays ont dit, disent et diront que vouloir les soumettre aux lois, c'est attaquer le ciel même et être ennemi de Dieu et de la vertu.»
Parfois enfin, mais plus rarement encore, cette puissance un peu diffuse d'ironie se ramasse en un trait vif et acéré et qui part en sifflant. Je dis que cela est tout à fait rare. En général, Chénier n'a pas le trait, et du reste, ne le cherche pas. Cependant on n'est pas aussi bien doué que Chénier, et tout fulminant d'honnête colère, et contemporain de Chamfort, sans trouver quelquefois une épigramme souple, brillante et aiguë. En voici: «Il est incontestable que, tout pouvoir émanant du peuple, celui de pendre en émane aussi; mais il est bien affreux que ce soit le seul qu'il ne veuille pas exercer par représentant»—«Je reconnais là cet honneur de corps, l'éternel apanage de ceux qui trouvent trop difficile d'avoir un honneur qui soit à eux.»—Mais Chénier a trop peu de ces vives saillies pour un journaliste. Il est convaincu, vigoureux, élevé, éloquent, écrivain pur, le tout avec un peu de monotonie. On lira toujours ses oeuvres en prose, parce qu'il a laissé de beaux vers.
V
L'ÉCRIVAIN
À s'en tenir simplement aux questions de style, Chénier, si peu inventeur en tout autre chose, est un véritable créateur. Nous ne dirons plus un mot, bien entendu, ni des «poésies officielles» ni même des Elégies, où il est très rare, quoique cela arrive, de trouver une expression neuve, originale et jaillie de source. Mais il faut étudier, et de très près, le style des Idylles et des fragments épiques. Il est d'une nouveauté et d'une fraîcheur souvent merveilleuses. Il est la création naturelle d'un homme qui a gardé dans l'oreille et comme mêlée à ses sens la modulation de ces langues anciennes qui étaient des musiques. Le principal mérite de cette langue de Chénier, auquel on pourrait ramener toutes les autres, c'est en effet la qualité du son. La langue française s'assourdissait depuis Racine. Ternie par les abstractions et les formules, elle était surtout éteinte par les mots lourds, sourds et secs. «L'heureux choix de mots harmonieux», et, plutôt encore, la disposition harmonieuse des mots mélodieux était chose oubliée et désapprise. La langue de Rousseau, remarquez-le, est beaucoup plus nombreuse, et rythmée, que mélodieuse à proprement parler. Elle ne laisse pas d'avoir, relativement, quelque chose de compact encore et de trop solide. Les sonorités légères et cristallines de La Fontaine, l'air circulant au travers des alexandrins, la note détachée, la phrase musicale, trop courte encore, mais ayant son dessin très net et très sensible à l'oreille, voilà ce qu'en remontant jusqu'au XVIIe siècle, je cherche avant Chénier sans le pouvoir trouver.
Les vers sont faits pour être retenus, et pour nous accompagner en chantant dans notre tête, quand nous allons nous promener. Les vers latins, les vers grecs ont presque tous cette vertu; les vers français ne l'ont pas toujours. Il n'y a que Ronsard, du Bellay, Malherbe, Racine, La Fontaine, puis Chénier, puis Lamartine, Hugo, Vigny et Musset qui aient eu le don d'en écrire beaucoup de tels. Les vers «amis de la mémoire», comme a dit excellemment Sainte-Beuve, sont seuls, à proprement parler, des vers, parce que, s'ils sont amis de la mémoire, c'est qu'ils sont amis de l'oreille.
Chénier avait cette faculté poétique, qui n'est pas toute la poésie, et tant s'en faut, mais qui en est une partie essentielle, à un degré tout à fait supérieur et extraordinaire. Grâce à elle, il réussissait surtout au morceau descriptif et au fragment épique. Ce sont ses deux talents indiscutables. Je ne rappelle pas le début de l'Aveugle, ni la Jeune Tarentine, à tous les égards le chef-d'oeuvre d'André Chénier. Mais dites-vous à haute vois ces quatre vers:
Mais l'onde encor soupire et sait le rappeler;
Sur l'immobile arène il l'admire couler,
Se courbe, et s'appuyant à la rive penchante,
Dans le cristal sonnant plonge l'urne pesante.
Et pour ce qui est du talent épique, rappelez-vous cette mort d'Hercule, que Victor Hugo, déjà guidé par son instinct épique, saluait avec admiration en 1819:
.......Il monte. Sous nos pieds
Etend du vieux lion la dépouille héroïque.
Et l'oeil au ciel, la main sur sa massue antique,
Attend sa récompense et l'heure d'être un Dieu.
Le vent souffle et mugit, le bûcher tout en feu
Brille autour du héros, et la flamme rapide
Porte au palais divin l'âme du grand Alcide.
Et voilà pourquoi j'ai tant insisté sur l'Hermès, qui n'a pas été écrit. C'est qu'un grand poème scientifique et philosophique sur l'histoire du monde comporte et réclame surtout le talent descriptif et le génie épique, et qu'à ces deux titres personne plus que Chénier n'était capable de conduire brillamment l'histoire du monde depuis
L'Océan éternel où bouillonne la vie.
jusqu'à cette conquête du monde par les races civilisées, par le génie scientifique, que n'émeut pas et n'arrête point
Des derniers Africains le cap noir de tempêtes.
VI
LE VERSIFICATEUR
On a beaucoup exagéré l'invention rythmique d'André Chénier, la réforme, la révolution rythmique apportée par André Chénier dans la versification française. Il était en cela très loin du but, je dis de celui-là même qu'il cherchait. Il s'essayait; il brisait le rythme uniforme de la versification de son temps; il ne s'en était pas encore fait un qui lui fût personnel. Il n'était encore qu'un insurgé, il n'était pas encore un conquérant.
En cela, comme en autre chose, et ce n'était pas un mauvais chemin, il remontait à la Pléiade, et retrouvait cette liberté de coupes que Ronsard et ses amis, un peu indiscrètement, avaient pratiquée. Mais la liberté de coupes n'est nullement par elle seule une invention de rythmes heureux; elle permet seulement d'en trouver. Que le vers «n'ose pas enjamber», cela est très déplorable; mais qu'il ose enjamber, cela ne suffit pas à le rendre beau; il faut qu'il enjambe en sachant pourquoi.
Un rythme est l'expression d'une pensée,—ou l'image d'un sentiment,—-ou la peinture soit d'une forme, soit d'un mouvement. Tout rythme, toute coupe exceptionnelle, ne doit être risquée que pour donner la sensation de quelque chose, pensée, sentiment, mouvement ou forme, qui soit, aussi, extraordinaire, et pour en donner la sensation exacte. D'une part, donc, hasarder une coupe exceptionnelle sans raison appréciable au lecteur, n'est pour lui qu'un heurt inutile, et partant un déplaisir;—d'autre part multiplier les coupes exceptionnelles inutiles finit par faire perdre de vue toute espèce de rythme et par donner la pure sensation de la prose, comme dans l'Albertus de Gautier, et la plupart des vers de Baïf; —et enfin risquer une coupe exceptionnelle, à dessein, avec une raison, pour un effet, mais ne pas atteindre cet effet, parce qu'on n'a pas trouvé le rhythme juste qui le devait produire, c'est un contre-sens rythmique.
Ces trois défauts ne laissent pas d'être fréquents dans Chénier. Il a deux procédés coutumiers de coupes exceptionnelles, le rejet monosyllabique et la coupe 9-3 (neuf syllabes sans arrêt, puis trois). Ce sont des coupes très exceptionnelles, très risquées; il en abuse. Elles sont dans son oreille, une fois pour toutes; elles ne sont pas dans sa sensation actuelle, au moment même où il veut peindre quelque chose, et s'imposant à lui pour le peindre; et partant elles sont plutôt un procédé qu'une inspiration.
Quelquefois, quoique plus rarement, la multiplicité des coupes exceptionnelles ramène le vers à la prose pure:
La liberté du génie et de l'art
T'ouvre tous ses trésors. Ta grâce auguste et fière
De nature et d'éternité
Fleurit. Tes pas sont grands. Ton front ceint de lumière
Touche les cieux. Ta flamme agite, éclaire,
Dompte les coeurs La liberté......
C'est presque un jeu d'écolier qui s'émancipe d'amener ainsi qu'il suit un rejet ambitieux:
Strophe XI.
L'Enfer de la Bastille à tous les vents jeté
Vole, débris infâme et cendre inanimée;
Et de ces grands tombeaux, la belle Liberté
Altière, étincelante, armée.
Srophe XII.
Sort!—.....
Enfin sa coupe exceptionnelle ne dit pas toujours ce qu'elle veut dire. Dans l'exemple précèdent, ni vole, ni sort, à les prendre en eux-mêmes seulement, ne sont très heureux. Ce n'est pas un monosyllabe sec qui exprime bien la fuite et la dispersion dans le vent de la fumée et de la cendre d'un château fort incendié. Il exprimerait mieux une flèche dardée ou une fusée qui file.—Ce n'est pas un monosyllabe sec qui exprime l'apothéose de la Liberté se dressant et planant sur les ruines. Trois syllabes y conviendraient mieux.—De même dans cette peinture des élections de 1789:
Tous à leurs envoyés confieront leur pouvoir.
Versailles les attend. On s'empresse d'élire;
On nomme. Trois palais s'ouvrent pour recevoir
Les représentants de l'Empire.
Cette cheville en rejet est une lourde faute et je m'y arrête point, de peur d'y trouver du burlesque. Longtemps Chénier n'eut, ni dans ses alexandrins, ni dans ses vers lyriques, le sentiment de la période poétique. Son style en prose est périodique, son style en vers ne l'est nullement, à l'ordinaire. Comme il était doué, comme il adorait les anciens, et comme il faisait des vers latins, il la cherchait, cette période en vers, et on le voit s'y essayer souvent. Ses essais furent longtemps malheureux. Sa strophe du Jeu de Paume est longue, lourde et pénible. Ces dix-neuf vers, dont dix alexandrins, sept octosyllabes et deux décasyllabes, combinés de telle sorte que tantôt deux alexandrins tombent sur un octosyllabe, tantôt un alexandrin sur deux octosyllabes, tantôt trois alexandrins sur un octosyllabe, tantôt un alexandrin sur un décasyllabe, ne sont pas un rythme pour une oreille française; c'est une méthode, au contraire, pour rompre continuellement le rythme à mesure qu'il commence à se dessiner, pour dérouter l'oreille dès qu'elle s'apprête à suivre une courbe mélodique. Elle y renonce, et on lit tout le Jeu de Paume avec cette sensation, bien contraire au dessein de l'auteur, qu'il est écrit en vers libres.
Vers la fin de sa carrière il trouva la période poétique, en vers lyriques du moins, c'est-à-dire qu'il trouva la strophe pleine, nettement coupée et soutenue, dans Charlotte Corday et dans la Jeune Captive.
Il trouva aussi, car il peut passer pour en être presque l'inventeur, un rythme agile, nerveux et bondissant qui est d'un merveilleux effet dans l'invective et qu'il a manié tout à fait en maître. C'est ce qu'il appelle l'Iambe. Ceci est véritablement une petite conquête. «L'Iambe» consiste dans l'entrelacement régulier et continu de l'alexandrin à rime féminine et de l'octosyllabe à rime masculine. Cela existait dans la versification française, mais en strophes. Deux alexandrins et deux octosyllabes, rimes croisées, formaient une strophe; puis, après un fort repos, une autre strophe semblable commençait. De ce système rythmique Chénier avait même sous les yeux un exemple tout récent, la dernière ode de Gilbert. Ce qu'il a imaginé, c'est de supprimer le repos. Dès lors on a un rythme continu, très rapide, très impétueux, d'une marche ardente en avant, un des plus beaux de notre versification. Ce sont les distiques élégiaques latins, plus courts, partant plus rapides par eux-mêmes, et, en outre, avec une plus grande différence entre le vers long et le vers court, ce qui double la force du jet et la saillie de l'élan.—Et comme le rythme est continu, le poète peut y faire sa strophe à son gré, tantôt partir de l'octosyllabe, tantôt de l'alexandrin, tantôt s'arrêter en chute de période sur l'alexandrin et tantôt sur l'octosyllabe, varier ses effets à l'infini dans un dessin rythmique arrêté pourtant et très net qui est une certitude pour l'oreille.
Chénier avait comme tourné autour de ce rythme dont il avait l'instinct secret et la confuse impatience. Dans «À Byzance» on surprendra les tâtonnements de l'Iambe. C'est d'abord la stance de trois alexandrins tombant sur un octosyllabe; puis une strophe qui mêle alexandrins et octosyllabes en partant d'un octosyllabe et en s'arrêtant sur un octosyllabe aussi; puis une strophe partant d'un octosyllabe et s'arrêtant sur un alexandrin; puis une strophe entre-croisant les uns et les autres, mais ayant un alexandrin au début et à la chute (et remarquez que dans tout cela le décasyllabe, dont l'union soit à l'octosyllabe soit à l'alexandrin est antimusicale, a disparu); et c'est enfin l'ïambe pur: «Sa langue est un fer chaud...»; et il le nomme: «Archiloque aux fureurs du belliqueux ïambe...»; et il le manie déjà avec beaucoup d'aisance, de sûreté et de vigueur.—Dans les Suisses de Châteauvieux, et surtout dans les Vers écrits à Saint-Lazare, il en fera un admirable instrument de passion et d'éloquence.
VII
On voit quel homme supérieur était Chénier et quel grand homme il allait devenir. Il faut se le figurer comme un excellent poète imitateur qui allait se dégager et devenir original lorsqu'il a été frappé; et qui avait pleinement acquis, juste à ce moment, une perfection de forme capable de soutenir tous les sujets et d'être à la hauteur d'une forte inspiration personnelle. —Tel que nous l'avons, il est quelque chose comme notre Tibulle, un Tibulle qui aurait quelquefois la voix d'un Juvénal, et beaucoup plus souvent l'art laborieux, et les trop bonnes études, et la mémoire indiscrète d'un Properce.
Il était peu connu comme poète à l'époque où il a vécu. Il était discret, montrait peu ses vers et les publiait encore moins. Le Jeu de Paume et les Suisses, c'est tout ce qu'il a fait imprimer en fait de poésie de son vivant. Il ne faut pas tout à fait croire cependant que Chénier ait éclaté tout à coup en 1819, lors de l'édition de Latouche, et fût absolument ignoré auparavant. La Jeune Captive avait paru six mois après sa mort dans la Décade, et la Jeune Tarentine dans le Mercure de 1811. Chateaubriand cite plusieurs fragments des Idylles dans une note du Génie du Christianisme; et Millovoye publia plusieurs fragments du poème L'Aveugle dans les notes de ses élégies.
Chénier était donc connu des lettrés de 1794 à 1819. Mais il était inconnu du public. Latouche en publia une édition incomplète (les nôtres le sont encore) et très fautive, qui tomba en pleine révolution romantique et fit grand bruit dans une société toute préoccupée de poésie. Il y eut un phénomène littéraire assez curieux. Les révolutions littéraires ressemblent tellement aux autres, et leurs auteurs savent si peu ce qu'ils font, que les romantiques prirent Chénier pour un des leurs, pour un précurseur et un allié. C'était le moment où, par horreur de Racine et Boileau, les Romantiques chantaient la gloire de Ronsard, sans se douter que Ronsard est le plus classique des classiques, et le père de tout le «classicisme» français. L'erreur fut la même à l'égard de Chénier, étoile nouvelle de la vieille Pléiade. De plus, Chénier avait certaines hardiesses de métrique qui séduisaient les novateurs. Il n'en fallut pas plus pour déclarer Chénier romantique et même pour soupçonner Latouche d'avoir imaginé les poésies qu'il publiait à l'effet de soutenir la nouvelle école. Cette singulière confusion s'est prolongée, et l'on représente encore quelquefois Chénier comme un précurseur de la littérature moderne.
C'est une erreur absolue. C'est le dernier des poètes classiques, qui s'est distingué des poètes classiques de son temps en ce qu'il l'était véritablement, et remontait aux sources au lieu de contrefaire des imitations; mais il est classique exclusivement, sans avoir même le soupçon des sentiments, passions et états d'esprit qui seront familiers à Chateaubriand, à Vigny, à Lamartine, et par conséquent à Hugo. Le mot à retenir, c'est celui où Sainte-Beuve avait fini par en venir, après avoir longtemps dit sur Chénier des choses moins justes: «C'est notre plus grand classique en vers depuis Racine».
Il n'a pas été cependant sans influence sur une certaine partie de la littérature du XIXe siècle. Chateaubriand avait montré qu'on pouvait, tout en étant très original, et de son pays, et de sa religion, et de son temps, avoir le profond sentiment de la beauté antique et en tirer d'admirables choses. Par ce côté de son génie, il venait en aide à Chénier en quelque sorte, ne l'excluait point, au moins, et même le recommandait à son siècle. Et en effet, après lui et un peu d'après lui, il y a eu, chez nous, nombre de poètes distingués qui ont cherché leur inspiration dans les légendes antiques et dans les sentiment antiques, quelquefois même plus profondément compris qu'ils ne l'avaient été par Chénier, grâce à une information un peu plus complète. —C'est là toute une école beaucoup moins éclatante que la grande, mais qui marque sa trace à part, et que la postérité en distinguera très nettement. C'est une petite école classique, écrivant quelquefois en vers modernes, mais toute classique en son essence et en son esprit, et qui procède d'André Chénier, et qui le sait bien, car les plus grands admirateurs qu'ait eus Chénier en ce siècle sont dans ce groupe.
Malgré cette école néo-hellénique et les talents distingués qu'on y compte; malgré, encore, le groupe des Parnassiens, petite école un peu indistincte, où se sont rencontrés des romantiques moins la sensibilité, et des néo-antiques moins l'intelligence profonde de l'antiquité, et qui procède un peu d'André Chénier par le soin curieux de la forme rare; malgré Hugo lui-même, qui, avec sa prodigieuse souplesse d'exécution, s'amuse quelquefois à se donner la sensation de l'antique à la manière de Ronsard, et, parce qu'il a plus de goût que Ronsard, rencontre juste André Chénier; malgré un certain nombre, enfin, d'infiltrations de son esprit à travers la pensée de notre siècle, Chénier, en notre temps comme au sien, reste un peu un isolé. Il est un phénomène curieux de déplacement. Classique dans un siècle qui croit l'être et qui n'est que prosaïque; classique et connu seulement à l'époque romantique; admiré par elle et recommandé à notre génération par ceux à qui il ressemblait le moins, et un peu défiguré et dénaturé, au premier regard du moins, par ce patronage; il arrive à nous souvent mal compris, et plus souvent mal classé.—Sans compter qu'on a parfois, en songeant à lui, l'idée de ce qu'il voulait devenir, qui était à peu près le contraire de ce qu'il avait été, et de ce que, dans l'oeuvre qu'il a écrite, il reste.
Le vrai moyen de le goûter tel qu'il est dans ce mince volume, que, dix ans plus tard, il eût peut-être désavoué, c'est de le lire dans une bonne édition, comme celle du diligent Becq de Fouquières, donnant en notes la clef de ses imitations et réminiscences. C'est alors comme notre bibliothèque grecque et latine qui s'anime, qui vit, qui prend une voix, et qui chante autour de nous. Tous les bruits clairs et doux des mers d'Ionie, des vallons de Sicile, des côtes de Baies viennent à nous, sous notre ciel gris, et nous donnent une fête de lumière gaie et d'harmonies légères:
Le toit s'égaie et rit de mille odeurs divines.
Et cette sensation est exquise; mais encore c'est celle que nous donnerait un traducteur de génie. Et il voulait faire autre chose; et il l'aurait fait. Et ce ne sont là que ses études et exercices. Il faut les admirer et les chérir, mais non pas trop les imiter. Il ne faut pas trop imiter les années d'apprentissage même d'un grand poète, sinon comme exercice aussi, et années d'apprentissage.
FIN
TABLE DES MATIÈRES
AVANT-PROPOS
PIERRE BAYLE
I.—Bayle novateur
II.—Bayle annonce le XVIIIe siècle sans en être
III.—Le «Dictionnaire» lu de nos jours
IV.—Conclusion
FONTENELLE
I.—Ses idées littéraires et ses oeuvres littéraires
II.—Ses idées et ses ouvrages philosophiques
III.—Conclusion
LE SAGE
I.—Transition entre le XVIIe et le XVIIIe siècle au point de vue purement littéraire
II.—Le «réalisme» dans Le Sage
III.—L'art littéraire de Le Sage
IV.—Le Sage plus vulgaire
V.—Conclusion
MARIVAUX
I.—Marivaux philosophe
II.—Marivaux romancier
III.—Marivaux dramatiste
IV.—Conclusion
MONTESQUIEU
I.—Montesquieu jeune
II.—Montesquieu amateur de l'antiquité
III.—Son goût pour les récits de voyages
IV.—Idées générales de Montesquieu
V.—«L'Esprit des lois», livre de critique politique
VI.—Système politique qu'on peut tirer de «l'Esprit des lois»
VII.—Montesquieu moraliste politique
VIII.—Conclusion
VOLTAIRE
I.—L'homme
II.—«Son tour d'esprit
III.—Ses idées générales
IV.—Ses idées littéraires
V.—Son art littéraire
VI.—Son art dans les «genres secondaires»
VII.—Conclusion
DIDEROT.
I.-L'homme
II.—Sa philosophie
III.—Ses oeuvres littéraires
IV.—Diderot critique d'art
V.—L'écrivain
VI.—Conclusion
JEAN-JACQUES ROUSSEAU
I.—Son caractère
II.—Le «Discours sur l'inégalité»
III.—La «Lettre sur les spectacles»
IV.—«L'Emile»
V.—La «Nouvelle Héloïse»
VI.—Les «Confessions»
VII.—Idées philosophiques et religieuses de Rousseau
VIII.—Le «Contrat social»
IX.—Rousseau écrivain
X.—Conclusion
BUFFON
I.—Son caractère
II.—Le savant
III.—Le moraliste
IV.—L'écrivain—Ses théories littéraires
V.—Conclusion
MIRABEAU
I.—Caractère—Tour d'esprit—Etudes
II.—Le système politique de Mirabeau
III.—L'orateur
IV.—Conclusion
ANDRÉ CHÉNIER
I.—L'Hellène
II.—Le Français du XVIIIe siècle
III.—Le poète philosophe
IV.—Oeuvres en prose
V.—L'écrivain
VI.—Le versificateur
VII.—Conclusion.