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Histoire de France 1573-1598 (Volume 12/19)

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TABLE DES MATIÈRES

CHAPITRE PREMIER Pages.

  • Le lendemain de la Saint-Barthélemy.—Triomphe de Charles IX. 1573-1574 1
  • Craintes de l'Europe et jalousie de Philippe II. Naissance du parti politique 3

CHAPITRE II

  • Fin de Charles IX. 1573-1574 14
  • Siége de La Rochelle, épuisement des deux partis 19
  • La République protestante 27
  • Franco-Gallia d'Hotman 28
  • Mort de Charles IX (20 mai) 35

CHAPITRE III

  • Des sciences avant la Saint-Barthélemy 40
  • Paracelse, Vésale, Servet, Rabelais 42

CHAPITRE IV

  • Décadence du Siècle.—Triomphe de la Mort 52
  • Valentine de Birague 54

CHAPITRE V

  • Henri III. 1574-1576 58
  • Catherine commence imprudemment la guerre 65
  • Humiliation d'Henri III 66

CHAPITRE VI

  • La Ligue. 1576 72
  • La Ligue était déjà ancienne 73

CHAPITRE VII

  • La Ligue échoue aux États de Blois. 1576-1577 81
  • Le roi signe la Ligue, puis essaye la liberté de conscience 84

CHAPITRE VIII

  • Le vieux parti échoue dans l'intrigue de Don Juan. 1577-1578 89
  • Action directe des Jésuites 93

CHAPITRE IX

  • Le Gesù.—Premier assassinat du prince d'Orange. 1579-1582 102
  • Épernon, Joyeuse 103

CHAPITRE X

  • La Ligue éclate. 1583-1586 122
  • L'Espagne fait manquer l'expédition de Guise en Angleterre 126
  • Elle le fait agir en France 130

CHAPITRE XI

  • Les conspirations de Reims.—Mort de Marie Stuart. 1584-1587 138

CHAPITRE XII

  • Henri III est forcé de s'anéantir lui-même. 1587 159
  • Bataille de Coutras (20 octobre) 171

CHAPITRE XIII

  • Le roi d'Espagne fait faire les barricades de Paris. Mai 1588 175
  • Le parti espagnol dépasse Guise; le roi échappe 188

CHAPITRE XIV

  • L'Armada.—Juin, juillet, août. 1588 195
  • Les Guises voulaient lui ouvrir Boulogne 201
  • Destruction de l'Armada 207

CHAPITRE XV

  • Le roi, Guise et Paris pendant l'expédition de l'Armada. Mai, août 1588 212
  • La bourgeoisie de Paris résiste aux Guises 219
  • Le roi se livre à eux 221

CHAPITRE XVI

  • La Ligue aux États de Blois. Août, décembre 1588 223
  • Catherine penche pour les Guises 231
  • Guise se dépopularise 232

CHAPITRE XVII

  • Mort d'Henri de Guise. Décembre 1588 234
  • Mort de Catherine (5 janvier 1589) 253

CHAPITRE XVIII

  • Le terrorisme de la Ligue. 1589 256
  • En quoi le terrorisme d'alors différait de 93 267

CHAPITRE XIX

  • Henri III et le roi de Navarre assiégent Paris.—Mort d'Henri III. 1589 274
  • Ce qu'était le roi de Navarre 277
  • La réunion des deux rois 285
  • Mort d'Henri III (2 août) 291

CHAPITRE XX

  • Henri IV.—Arques et Ivry. 1589-1590 293
  • Venise se déclare pour Henri IV 306
  • Le roi attaque Paris 307
  • Ivry (13 mars 1590) 308

CHAPITRE XXI

  • Siége de Paris. 1590-1592 311
  • Le prince de Parme fait lever le siége 318

CHAPITRE XXII

  • Avortement des Seize et de l'Espagne.—Siége de Rouen. 1591-1592 322
  • Excès des Seize punis par Mayenne 328

CHAPITRE XXIII

  • Montaigne.—La Ménippée.—L'abjuration. 1592-1593 332
  • Gabrielle et l'abjuration 341

CHAPITRE XXIV

  • L'Entrée à Paris. Mars 1594 347

CHAPITRE XXV

  • Paix avec l'Espagne.—Édit de Nantes. 1595-1598 358
  • Blessure du roi; expulsion des Jésuites (décembre 1594) 361
  • Traité de Vervins (2 mai 1598) 366
  • Conclusion de l'histoire du xvie siècle 370
  • Notre histoire n'est point impartiale 371
  • Ce que nous avons voulu 372
  • La religion de l'humanité et de la nature 374
  • Comment le vieux principe parvint à vivre après sa mort 375
  • Pourquoi la Renaissance échoua 378
  • Impuissance du vieux principe dans sa victoire apparente 380
  • Notes des guerres de religion 387

PARIS.—IMPRIMERIE MODERNE, Barthier, directeur, rue J.-J.-Rousseau, 61.

Notes

1: Les lettres manuscrites de Granvelle, de Catherine, de l'ambassadeur de Savoie et du nonce, parmi les documents imprimés, les correspondances d'Angleterre et de Hollande m'ont aidé principalement à débrouiller le fil de nos affaires. Rien de plus important que cette dernière, publiée par M. Groen van Prinsterer. Les pièces si curieuses, les notes savantes et consciencieuses de l'éditeur, m'éclairaient également. Je les cite peu dans ces notes, mais, comme on a vu, très-souvent dans mon texte. Après la mort de Coligny, la tragédie des tragédies continue dans Guillaume, ce si grand homme! si humain, et si ferme, d'un malheur accompli, surtout dans ce traité lamentable avec Charles IX, que la patrie lui imposa et qui lui arracha le cœur (Lettre d'avril 1573, t. IV, p. 116). Les appendices de M. Groen m'ont servi aussi beaucoup en me donnant l'ambassade de Saint-Goard à Madrid et celle de Schomberg en Allemagne.

2: Les Archives du Vatican révèlent deux faits curieux: Charles IX, le 6 septembre, demanda au pape le prix du massacre, un prêt de cent mille écus. Déjà le 2 septembre, huit jours après la mort de Coligny, son parent, M. de Montmorency, avait tiré de Charles IX une abbaye dont Coligny avait les revenus.

Le nonce écrit au pape que le roi se tue à la chasse; depuis peu il a éreinté cinq mille chiens, et il crève pour trente mille francs de chevaux par an. Le cardinal de Lorraine craint extrêmement un arrangement et conseille un nouveau massacre.—Le roi trouve des hommes cachés dans son Louvre (29 avril 1574).—Dans la nuit du 9 mai, la vieille reine s'imagine qu'on a mis de la poudre sous son lit pour la faire sauter; elle cherche et ne trouve rien.—Le roi meurt et les évêques viennent demander à la régente ce qu'il a dit en mourant. Elle répond spirituellement: «Que vous résidiez dans vos diocèses.»—Sa misère est grande cependant; les cardinaux de Lorraine, de Bourbon et d'Est se cotisent avec d'autres prélats pour lui procurer cent écus. (22 juin 1574.)—Enfin Henri III arrive. Le nonce en fait le plus lamentable portrait. Il dit: «Il est faible et luxurieux; il n'aura pas de postérité. Quand il reste une nuit ou deux avec une femme, il reste huit jours au lit.»—Un autre écrit: «C'est un jeune homme aussi jeune d'esprit qu'on puisse imaginer, une créature paresseuse et voluptueuse qui passe sa vie à niaiser au lit. Il a peu de mois à vivre, etc.»—La mère et le fils écrivent au pape de longues lettres, radoteuses et pleureuses, pour demander de l'argent. Le pape offre dix mille francs. (Archives de France, extraits des Archives du Vatican, carton II, 338.)

3: Charles IX lui-même craignit l'effet de la tête de Coligny arrivant à Rome. Il ordonna au gouverneur de Lyon de l'arrêter au passage.—Pour le clergé, il lui a fallu plus de temps pour apprécier les choses. Ce n'est que soixante ans après qu'on a inventé des prélats contraires à la Saint-Barthélemy. Le premier, un jacobin breton, Mallet, dans son histoire de son ordre, imagina, affirma qu'un saint homme, directeur de Catherine de Médicis et de Diane de Poitiers, l'évêque de Lisieux, Hennuyer, avait empêché le massacre dans cette ville. Le jésuite Maimbourg a reproduit ce récit. Malheureusement les registres de la ville de Lisieux établissent tout le contraire. Ce fut le magistrat qui empêcha l'effusion de sang, et nullement l'évêque, alors absent, et d'ailleurs ardent persécuteur. La chose est discutée à fond par Louis Du Bois, Rech. sur la Normandie.

4: Les archives diplomatiques de la maison de Savoie m'ont été fort libéralement ouvertes à Turin, en juillet 1854. J'y ai trouvé les précieuses dépêches que l'envoyé du duc, à Paris, écrivait à son maître presque jour par jour. Elles commencent à la Saint-Barthélemy. Il m'importait de contrôler les pièces espagnoles par cette correspondance de Savoie, qui, quoique également catholique, n'en a pas moins son point de vue à part. J'en donnerai deux spécimens, des années 1573-1575 et 1586-1589. Voici le premier:

«1573, 12 avril. Le Roy se fâcha lundi merveilleusement contre la royne sa mère, jusques à luy reprocher que elle estoit cause de tout ce désordre, de fasson que sur collère il print opinion de se aller promener pour cinq ou six jours hors la court à la chasse aux environs de Mellun, là où il coucha mardy passé. Quoy voyant la royne sa mère le renvoya rappeler et raccointer par la royne sa femme.—31 mars 1574. Le roi de Pologne partant a machiné par sa mère que Guise resterait près de Charles IX contre le duc d'Alençon. Charles IX dit à Alençon: «Cadet, l'on te veut sortir de cuisine.» Et il lui conseilla de s'appuyer de Montmorency (qui le rapprocha des huguenots). Un parti vient menacer Guise à Saint-Germain. Tout se sauve. Alençon s'excuse à Charles IX, qui, dès lors, s'en défie. Et les huguenots aussi se défient du duc d'Alençon.—La reine pleure. On la sait maléficiée pour qu'elle ne puisse avoir enfant.—20 mai 1574. Élisabeth déplore le malheur de la pauvre France, qui, ayant déjà tant d'ennemis, etc. La reine mère se met contre ses enfants, le roi contre son frère sur si légère défiance. Éloquent et touchant.—31 décembre 1574. Mort du cardinal de Lorraine. La reine en prit une telle appréhension, que, le jour devant qu'il trépassa, le roy présent, elle s'imaginoit de veoir devant elle monseigneur le cardinal qui l'appeloit et qui la convioit de venir avec lui.—7 janvier 1575. Les huguenots pratiquent Alençon. L'envoyé de Savoye n'en parle pas, dit-il, car on dit que la grandeur de Votre Altesse est que la France soit en troubles, pendant quoy elle fait ses affaires.—5 septembre 1575. Leurs Majestés ont quitté le Louvre pour l'hôtel de Guise; le Louvre n'a pas de jardin et la reine, qui aime à se promener, allait au jardin des Tuileries. Mais, comme on se doute de la guerre plus que jamais, elle a pris opinion qu'on pourrait lui jouer mauvais tour, ou au roi.—18 décembre 1575. Sa Majesté continue ses dévotions, allant tous les matins visiter divers monastères, l'autre jour, à une abbaye près Corbeil, assez mal accompagnée, et heust avis de quelques chevaux qui le firent retirer plus vite que le pas et retourner en cette ville. La reine, sa femme, ne se rend guère moins superstitieuse, car elle porte dessus elle tout plein de reliqueries pour des vœux qu'elle a fet.—23 novembre 1575. C'est pitié de le veoir (Henri III). S'il n'estoit marié, on le feroit d'église. Il se laisse fort posséder des Jésuites, etc. (Archives diplomatiques de Turin. Dépêches manuscrites de l'ambassadeur de Savoie à Paris.)

5: Il est singulier de voir combien elle restait italienne, hors du point de vue de la France. Son orthographe suffirait pour montrer qu'elle s'était bien moins francisée qu'on ne l'a cru: «En priant Dieu vous donner cet que vous désirés... come jé dit has Boinvin...» (Lettre ms., 27 mars 1876.) Sa petite politique italienne eut le résultat d'isoler parfaitement la royauté, refoulant les protestants vers Élisabeth, les catholiques vers Philippe II. Son conseil à Henri III «de se faire fort,» d'imiter Louis XI, etc., est plus que puéril, dans son épuisement financier et l'embarras d'une guerre qu'elle a provoquée étourdiment, malgré les conseils des Montluc, des Vénitiens. Puis elle crie tout à coup au roi: «Sans la paix, je vous tiens perdu.» (Lettres mss. du 28 sept. 1574 et 11 déc. 1575.)—La lettre inepte du 5 juin 1572 que j'ai citée (Guerres de relig., p. 280) est ms. dans Bréquigny, t. XXXIII.

6: MM. Mignet et Ranke, très-favorables à Don Juan, ont rapproché, résumé d'une manière lumineuse tout ce qu'on en a dit.—Pour Philippe II, ils ne me paraissent pas sentir assez que, quoique lent et médiocre, ce fut de plus en plus un demi-fou. Je pense surtout à ses rêves sur la couronne impériale, celles de Pologne, de Danemark, ses expéditions à contre-temps en Barbarie (cf. Groen et Charrière, III, 336). Ce n'étaient pas seulement Granvelle ou Spinoza qui tâchaient de le retenir, mais le duc d'Albe qui, en 1569, lui expose l'énormité de l'entreprise sur l'Angleterre (Gonzalès, Documents, IV, 517, 521). Plus tard, au plus fort de ses embarras, le duc d'Albe frémit de le voir se lancer dans la guerre des Turcs. «Il est poussé par les prêtres,» dit-il (ap. Gachard),—tenté du diable (ap. Charrière).—Quant aux fameuses apostilles de Philippe II sur les dépêches, elles n'étaient pas de lui. «J'ai la preuve, dit Gachard (I, p. LXII), que c'était le secrétaire Çayas qui ordinairement en rédigeait la minute.»—Pour la ruine de l'Espagne, cf. Ranke, sur les finances, et Weiss, dans son excellent livre sur la décadence espagnole.—La statue de Philippe II, à Bruxelles, se voit au mur latéral de Sainte-Gudule.

7: Je n'attends pas, comme d'autres, 1586 et le procès de Marie Stuart pour parler de la série des conspirations jésuitiques; je les prends à l'origine, à la mission de Campian, à la première arrivée de Ballard en Angleterre, 1580. Le procès de Ballard et de Babington (States trials) montre parfaitement qu'il faut remonter très-haut, avant l'assassinat du prince d'Orange. Tout cela est d'une pièce. Les événements militaires alternent avec les conspirations: un jour l'épée, un jour le couteau.—Le curieux, c'est l'émulation des deux polices, qui se débauchent leurs agents l'une à l'autre.—Quant aux tentatives de descente, le moment intéressant est celui où Guise, entravé par l'Espagne, essaye de se lier, sans elle et contre elle, aux catholiques anglais; très-bien exposé par M. Mignet, Marie Stuart, II, p. 235.

8: Aux chapitres XII et XIII, j'ai suivi fréquemment De Thou pour l'intérieur de Paris. Les siens y avaient de fortes racines, et purent savoir beaucoup, étant et au Palais, et à la Cour, et dans les rues; son père le président était colonel de quartier.—Personne n'a bien compris qu'aux Barricades Guise était traîné par l'Espagne, qui le risqua, comme un brûlot, pour pouvoir faire partir l'Armada.

9: 12 février 1586. Les amis de Guise s'effrayent. Il ne va pas au Louvre qu'avec trois cents gentilshommes. Je croy qu'on verra bientost esclatter ce que le roi couve au fonds de la nue, le desdains qu'il porte dans sa poitrine.—20 février. Guise va toujours à pied au milieu de ses gentilshommes à cheval. M. de Sauves a dit que si Guise se hasardoit à s'accoutumer avec sa femme, il le feroit mourir sans respect.—16 février. On croit qu'il (Guise?) est venu pour offrir de l'argent au roi de la part du clergé pour continuer la guerre contre le roi de Navarre.—28 février. Hypocrisie de Guise. Il dit à l'ambassadeur de Savoie qu'il ne parlera point de paix, qu'il embrassera en bon serviteur le parti que suivra le roy, qu'en ces jours de pénitence, où les débats étoient bannis, on parleroit des affaires; que dans quinze jours il retourneroit dans son gouvernement, où il serviroit mieux le roy.—10 mars 1586. Guise fait effort pour que l'argent que donne le clergé soit remis en ses mains pour la guerre. Il visite ceux de Paris, tous les conseillers et présidents.—13 mars. Le roi met ordre que le sieur de la Noue se jette dans Genève avec soixante gentilshommes, du consentement de ceux de la ville (pour la garder contre la Savoie).—14 mars. La nécessité d'argent les fera tous changer sans vergogne. M. de Guise est pauvre et vend tous les jours. Argent comptant lui pourra faire changer de conseil. Et le clergé payera tout.

23 mars 1586.—Le roi ne consulte plus sa mère. Il met des impôts pour rendre odieux Guise, qui veut la guerre.—1er mai. On réduit Guise par la pauvreté. Il vient d'engager sa meilleure terre de 25,000 fr. de revenus.—14 mai. Guise dit au roi en partant: Je vois que mes ennemis, du vivant de S. M., peuvent m'ôter l'honneur et la vie; mais je leur montrerai avec combien de malheurs cela adviendra. Cent ans après nous, on sentira la plaie qu'ils auront faite à ce royaulme.—Guise aspireroit à la couronne après la mort du roi.—27 mai. La Ligue a dégoûté tout le monde. Guise s'est laissé mener par le nez.—18 juin. Dévotion d'Henri III. Le pape le prie de modérer ses abstinences.—10 juin. On va imprimer les lettres de Guise à l'Espagne et au pape. Le roi est devenu le plus fort.—4 juillet. Le roi a dressé 12 enfants joueurs de luth, et les fait coucher à la garde-robe.—15 février. Joie de la Savoie. Le jeu commence. Le duc pourra tomber enfin sur Genève que le roi défend.—D'Espernon périra le premier, et l'on profitera de ses débris.—20 février. Le roi devient mélancolique, n'aime plus le bruit, se retire aux Capucins. Il laissera faire. Les mignons sont ennemis entre eux. Joyeuse trahirait Épernon pour Guise.—6 mars. Henri III dit qu'il voudroit que Savoie fût dans Genève, qu'il s'en réjouiroit avec le duc.—31 mars. Le roi s'abandonne; mais si d'Épernon vient, il peut tuer ses ennemis. Épernon dit qu'il les fera sauter des galeries du Louvre.—20 avril. Le roi, larme à l'œil, met le chapeau de Joyeuse à Épernon, et celui d'Épernon à Joyeuse, et les deux chapeaux sur sa tête: union.—29 avril. Il faut que le duc de Savoie gagne Marseille et Lyon. Sans Marseille, point de Provence, sans Lyon, point de Dauphiné.—2 juin. Savoie pourroit se déclarer défenseur du roi, qui lui remettroit ses places plutôt qu'à un d'Épernon.—4 août. Guise, au désespoir, avoue qu'il appellera les Espagnols.—C'est à ce point de ses affaires le plus ébranlé qu'il fera bon traiter avec luy. Je luy ay faict tenir les 2 billets. On verra ce qu'il répondra.—3 septembre. (Aux États), il y aura quelque querelle d'Allemand qui troublera la fête. Les fourriers des princes s'y entrebattent déjà.—11 septembre. Le roi est vindicatif et dissimulé, mais qui n'exécute pas, il sera toujours prévenu par M. de Guise.—12 septembre. Guise a 5,000 arquebusiers dans Orléans, et l'ambassadeur offre du secours à Guise, qui se croit fort et ne veut encore agir.—Guise en vient à nonchaloir, reprend ses amours avec madame de Sauves.—Le roi fait entendre qu'il le fera connétable.—1589, 17 mars. Le président Jeannin m'est venu trouver; il m'a dit que V. A. devoit agir, que M. du Maine estant élu lieutenant de l'Estat, ne pourroit sans rougir consentir ouvertement et du premier abord qu'on démembrast la France.—Voyant qu'il parle vaguement comme Guise, le Savoyard répond durement, écarte les belles paroles de Jeannin, dit qu'il lui faut au moins le Dauphiné sous la protection de la Savoie.—Les trois ou quatre qui mènent les affaires offrent le Dauphiné et la Provence.—Dépêches inédites de l'ambassadeur de Savoie. Archives de Turin.

10: De Thou, si complet ici, doit être comparé aux Anglais; il donne la part importante que les Hollandais eurent à la chose. Les Mémoires de la Ligue contiennent les dépositions des Espagnols naufragés, t. II, p. 452. Nos archives possèdent trois curieuses ballades anglaises, avec gravures; on y voit les grils, fouets, etc., qu'apportaient les Espagnols (Archives de Simancas, B, 6, 76).

11: Vers le mois d'avril 89, le légat Morosini s'étant retiré à Marmoutiers, le roi y vient pour se récréer, dit-il, puis il avoue que c'est pour parler au légat.—Il s'excuse de s'appuyer sur l'alliance des hérétiques.—Suit un dialogue très-vif. À tout ce qu'objecte l'homme du pape, le roi répond toujours par l'impossibilité d'apaiser les catholiques. «Que voulez-vous que je fasse si le duc de Mayenne vient pour me couper le cou, il me faut bien une épée, recourir aux hérétiques, aux Turcs même. Ils veulent absolument ma tête, et moi je veux la garder, etc., etc.—Le cardinal Cajetano fait, le 28 mars 1590, un long rapport sur la situation.—Si le Navarrais arrive à la couronne, il faudra peu de temps pour que la religion soit exterminée.—Villeroy lui a raconté un entretien de Mornay, d'après lequel «le Navarrais ne se fera pas catholique, mais laissera tout le monde croire et vivre à sa guise; il réformera le catholicisme, se fera roi des Romains, envahira l'Italie, bouleversera la chrétienté.»—«Le Navarrais, dit Cajetano, a su, par des lettres interceptées, que le pape me donnait ordre de semer la division parmi les princes du sang.»

On est saisi d'étonnement, en voyant, quelques feuilles plus loin, Henri IV devenu si indifférent au parti protestant, qu'il songe à épouser une fille de Philippe II (26 juin 1597). La grande crainte du pape à cette époque, c'est qu'à la mort d'Élisabeth, Henri IV ne fasse tomber la succession d'Angleterre dans les mains du roi d'Espagne; cette idée monstrueuse paraît si naturelle au pape, qu'elle fait son inquiétude; il y pense jour et nuit! Archives de France. Extraits des Archives du Vatican, carton L, 388.

Les Archives de Suisse contiennent plusieurs pièces intéressantes sur cette époque. Celles de Berne éclairent la destinée du fils aîné de l'amiral. Dans les Registres du conseil de Genève, on trouve la manière étrange dont on avait imaginé d'annoncer l'abjuration aux étrangers. Le chancelier écrit: «S. M. demeure en l'église où elle a été baptisée.» (Communiqué par MM. Bétant et Gaberel.)—Cf. la correspondance d'Henri avec le landgrave, éd. Rommel; une très-curieuse brochure de M. C. Read: Henri IV et le ministre Chamier, 1854; enfin, le charmant livre de M. E. Jung, Henri IV écrivain.—J'ajourne beaucoup de choses. La publication prochaine de l'important ouvrage de M. Poirson ne peut manquer d'éclairer ce règne d'un jour tout nouveau.

12: Inexact: cela n'est vrai qu'en 1597.

13: Luther fut réellement le premier apôtre de la tolérance. Il y a des textes pour et contre dans l'Évangile. Les Pères sont partagés: saint Hilaire, saint Ambroise et saint Martin sont pour; saint Cyprien, saint Augustin sont contre, et ce sont ces derniers que toute l'Église a suivis, et les conciles, et les papes, et saint Thomas d'Aquin.—Luther n'hésite pas. Il tranche ainsi la question: «L'usage de brûler les hérétiques vient de ce qu'on craignait de ne pouvoir les réfuter.» Léon X et la Sorbonne le condamnent (error 33) pour avoir avancé: Hereticos comburi esse contra voluntatem Spiritûs. Il avait dit (à la noblesse allemande): «Contre les hérétiques, il faut écrire et non brûler.» Dans son explication de saint Mathieu (XIII, 24-30): «Qui erre aujourd'hui n'errera pas demain. Si tu le mets à mort, tu le soustrais à l'action de la parole et tu empêches son salut, ce qui est horrible... Oh! que nous avons été fous de vouloir convertir le Turc avec l'épée, l'hérétique par le feu, et le Juif à coups de bâton!» Le 21 août 1524, il intercède auprès de l'électeur pour ses ennemis, Münzer et autres: «Vous ne devez point les empêcher de parler. Il faut qu'il y ait des sectes et que la Parole de Dieu ait à lutter... Qu'on laisse dans son jeu le combat et le libre choc des esprits.—La guerre des paysans qui ne l'écoutèrent pas et le mirent dans une si grande colère, ne lui fit pas cependant modifier ces doctrines. Il autorise seulement les princes à se faire obéir et à réprimer l'esprit de meurtre (4 février 1525). En 1530 encore (sur le psaume LXXXII), il ne demande contre les blasphémateurs publics que leur éloignement.—Un savant et consciencieux ministre d'Alsace, M. Müntz, qui connaît à fond Luther, et que j'ai consulté, me répond: «Je ne connais de lui aucun passage où il approuve qu'on punisse l'hérétique qui ne prêche pas la révolte et le meurtre.»

14: Pour la bénédiction de ce livre, finissons par ces innocents, le protestant, le catholique. J'ai tiré ce que j'ai dit de Palestrina des Memorie du chanoine Baïni, très-lumineusement résumés dans un excellent article de M. Delécluze (ancienne Revue de Paris).

Quant à Palissy, je serais inconsolable de n'en pas parler tout au long, si M. Alfred Dumesnil n'en avait fait si bien la légende. Un mot seulement sur son séjour aux Tuileries. Ce sont de ces spectacles où Dieu s'amuse, que ce bon homme, ce saint, ait été logé au palais de la Saint-Barthélemy par Catherine, dans sa ménagerie, avec ses bêtes, oiseaux, poissons, à côté de l'astrologue et du parfumeur trop connu!... Elle prenait plaisir à voir Palissy orner ses vases de plantes d'un vert pâle où couraient des serpents.

Sa poterie lui sauva la vie et fit excuser son génie de naturaliste. Admirablement étranger aux sottes sciences du Moyen âge, il avait un sens pénétrant pour toute chose d'expérience et de vérité, une seconde vue lointaine des vraies sciences. Il semblait que la nature, charmée de trouver un homme si ignorant, lui dît tout, comme à son enfant. Il voyait au sein de la terre couler les eaux, sourdre les fontaines, monter la sève aux plus secrètes veines des plantes. Il entendait parfaitement la formation des coquillages et l'élaboration profonde du monde des mers. Le premier, il ramassa toutes sortes de curiosités et fit un Cabinet d'histoire naturelle. Beaucoup de gens demandant ce que signifiait tout cela, il commença (1575) à enseigner, non telle science (faisant profession de ne rien savoir), mais seulement ce qu'il avait vu, trouvé, expérimenté.

Ce qu'il regarde volontiers dans les choses de la nature, ce qu'il observe avidement et voudrait imiter, ce sont les arts ingénieux par lesquels elle protége les plus humbles de ses enfants. Les volutes des coquillages où ils se retirent, s'abritent et trouvent tant de sûreté contre la violence des flots, contre la rage d'un monde de destructeurs, lui font envie; il les propose comme modèle originaire des forteresses les plus sûres. Ah! pourquoi Dieu n'a-t-il pas donné le refuge au moins de l'huître et du moule, la carapace des tortues, à ce grand peuple poursuivi, à ces infortunés troupeaux de vieillards, d'orphelins, de femmes, qui, désormais sans foyer, s'enfuient, éperdus, sur les routes de France?... Le rêve des Îles bienheureuses dont se berça l'humanité, les solitudes d'Amérique où nos fugitifs qui cherchaient la paix trouvèrent la mort et l'Espagnol, tout cela n'arrête pas l'imagination de Palissy, positif jusque dans ses songes. Le sien, c'est une œuvre d'industrie, un vaste jardin établi dans une position forte et savamment fortifiée où il ferait un château de refuge pour sauver les persécutés. Les sciences de la nature ont été précisément cet abri pour l'âme humaine.

Ce pauvre homme, méprisé, jeté à la voirie avec les chiens, n'en commence pas moins le vrai nouveau monde. Il termine le XVIe siècle et le dépasse. Par lui, nous passons de ceux qui devinèrent la nature à ceux qui la refirent, des découvreurs aux inventeurs, créateurs et fabricateurs.—De lui est cette parole: «La nature la grande ouvrière; l'homme ouvrier comme elle.»—Non, non, le XVIe siècle n'a pas été perdu, puisqu'il finit par un tel mot. Combien nous voilà loin de l'Imitation monastique, froide et stérile! La chaude imitation dont il s'agit ici, c'est le prolongement de la création.

15: Les renvois des pages indiquées dans ces notes se rapportent au volume XI.

Notes au lecteur de ce fichier numérique:

Seules les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. L'orthographe de l'auteur a été conservée.

La note 8 n'a pas d'ancre dans le texte.

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