Histoire de France - Moyen Âge; (Vol. 3 / 10)
73—page 129—Jacques Molay crut qu'il valait mieux se confier à un chevalier...
«Quem idem Magister rogasset nobilem virum dominum Guillelmum de Plasiano... qui ibidem venerat, sed non de mandato dictorum dominorum commissariorum, secundum quod dixerunt... et dictus dominus Guillelmus fuisset ad partem locutus cum eodem Magistro, quem, sicut asserebat, diligebat et dilexerat, quia uterque miles erat.» (Dupuy, 319.)
73—page 129—Les évêques lui donnèrent un délai...
«Quam dilationem concesserunt eidem, majorem etiam se daturos asserentes, si sibi placeret et volebat.» (Ibid., 520.)
74—page 132—Boniface était incrédule, impie et cynique en ses paroles...
«Vade, vade, ego plus possum quam Christus unquam potuerit, quia ego possum humiliare et depauperare reges, et imperatores et principes, et possum de uno parvo milite facere unum magnum regem, et possum donare civitates et regna.» (Ibid., p. 566.)—«Tace, miser, non credimus in asinam nec in pullum ejus.» (Ibid., p. 6.)
75—page 135—On leur lut en latin les articles de l'accusation, etc. Ils s'écrièrent...
«Quod contenti erant de lectura facta in latino, et quod non curabant quod tantæ turpitudines, quas asserebant omnino esse falsas et non nominandas, vulgariter exponerentur.» (Proc. contra Templ., ms.)—«Dicentes quod non petebatur ab eis quando ponebantur in janiis, si procuratores constituere volebant.» (Ibid.)
76—page 136—Quelques-uns remettent pour toute déposition une prière à la sainte Vierge, etc.
Le frère Élie, auteur de cette pièce touchante, finit par prier les notaires de corriger les locutions vicieuses qui peuvent s'être glissées dans son latin. (Process. ms., folio 31-32.)—D'autres écrivent une apologie en langue romane, altérée et fort mêlée de français du Nord. (Folio 36-8.)
77—page 136—Une protestation en langue vulgaire, etc.
Je donne cette pièce, telle qu'elle a été transcrite par les notaires, dans son orthographe barbare. «A homes honerables et sages, ordenés de per notre père l'Apostelle (le pape) pour le fet des Templiers li freres, liquies sunt en prisson à Paris en la masson de Tiron... Honeur et reverencie. Comes votre comandemans feut à nos ce jeudi prochainement passé et nos feut demandé se nos volens defendre la Religion deu Temple desusdite, tuit disrent oil, et disons que ele est bone et leal, et en tout sans mauvesté et traison tout ce que nos l'en met sus, et somes prest de nous defendre chacun pour soy ou tous ensemble, an telle manière que droit et sante Églies et vos an regardarons, come cil qui sunt en prisson an nois frès à cople II. Et somes en neire fosse oscure toutes les nuits.—Item nos vos fessons à savir que les gages de XII deniers que nos avons ne nos soufficent mie. Car nos convient paier nos lis. III deniers par jour chascun lis. Loage du cuisine, napes, touales pour tenelles et autres choses. II sols VI deniers la semaigne. Item pour nos fergier et desferger (ôter les fers), puisque nos somes devant les auditors, II sol. Item pour laver dras et robes, linges, chacun XV jours XVIII deniers. Item pour buche et candole chascun jor IIII deniers. Item passer et repasser les dis frères, XVI deniers de asiles de Notre Dame de l'altre part de l'iau.» (Proc. ms., folio 39.)
78—page 136—Les défenseurs soutiennent «que la religion du Temple est pure...»
«... Apud Deum et Patrem... Et hoc est omnium fratrum Templi communiter una professio, quæ per universum orbem servatur et servata fuit per omnes fratres ejusdem ordinis, a fundamento religionis usque ad diem præsentem. Et quicumque aliud dicit vel aliter credit, errat totaliter, peccat mortaliter...» (Dup. 333.)
79—page 140—La commission alléguait la bulle qui lui attribuait le jugement...
Selon Dupuy, p. 45, les commissaires du pape auraient répondu à l'appel des défenseurs «que les conciles jugeaient les particuliers, et eux informaient du général».—La commission dit tout le contraire.
80—page 143—Le jeune Marigni, créé archevêque de Sens tout exprès, etc.
«... Aquodam fuisse dictum coram domino archiepiscopo Senonensi, ejus suffraganeis et concilio..., quod dicti præpositus... et archidiaconus... (qui in dicta die martis... præmissa intimasse dicebantur, et ipsi iidem hoc attestabantur, suffraganeis domini archiepiscopi Senonensis... tunc absente dicto domino archiepiscopo Senonensi) prædicta non significaverunt de mandato eorumdem dominorum commissariorum.» (Process. ms., folio 71, verso.)
81—page 144—Par-devant les commissaires fut amené frère Aimeri de Villars-le-Duc...
«Pallidus et multum exterritus... impetrando sibi ipsi, si mentiebatur in hoc, mortem subitaneam et quod statim in anima et corpore in præsentia dominorum commissariorum absorberetur in infernum, tondendo sibi pectus cum pugnis, et elevando manus suas versus altare ad majorem assertionem, flectendo genua... cum ipse testis vidisset... duci in quadrigis LIIII fratres dicti ordinis ad comburendum... et AUDIVISSE EOS FUISSE COMBUSTOS; quod ipse qui dubitabat quod non posset habere bonam patientiam si combureretur, timore mortis confiteretur... omnes errores... et quidem etiam interfecisse Dominum, si peteretur ab eo...» (Process. ms., folio 70, verso.)
82—page 146—L'archevêque de Sens répondait, etc.
«Non erat intentionis... in aliquo impedire officium...» (Ibid.)
«Comme on disait que le prévôt de l'église de Poitiers et l'archidiacre d'Orléans n'avaient pas parlé de la part des commissaires, ceux-ci chargèrent les envoyés de l'archevêque de Sens de lui dire que le prévôt et l'archidiacre avaient effectivement parlé en leur nom. De plus, ils leur dirent d'annoncer à l'archevêque de Sens que Pierre de Boulogne, Chambonnet et Sartiges avaient appelé de l'archevêque et de son concile, le dimanche 10 mai, et que cet appel avait dû être annoncé le mardi, au concile, par le prévôt et l'archidiacre.» (Process. ms., ibid.)
83—page 148—Le résultat des travaux de la commission est consigné dans un registre...
Ce registre, que j'ai souvent cité, est à la Bibliothèque royale (fonds Harlay, no 329). Il contient l'instruction faite à Paris par les commissaires du pape: Processus contra Templarios. Ce manuscrit avait été déposé dans le trésor de Notre-Dame. Il passa, on ne sait comment, dans la bibliothèque du président Brisson, puis dans celle de M. Servin, avocat général, enfin dans celle des Harlay, dont il porte encore les armes. Au milieu du dix-huitième siècle, M. de Harlay, ayant probablement scrupule de rester détenteur d'un manuscrit de cette importance, le légua à la bibliothèque de Saint-Germain-des-Prés. Ayant heureusement échappé à l'incendie de cette bibliothèque en 1793, il a passé à la Bibliothèque royale. Il en existe un double aux archives du Vatican. Voyez l'appendice de M. Rayn., p. 309.—La plupart des pièces du procès des Templiers sont aux Archives du royaume. Les plus curieuses sont: 1o le premier interrogatoire de cent quarante Templiers arrêtés à Paris (en un gros rouleau de parchemin); Dupuy en a donné quelques extraits fort négligés; 2o plusieurs interrogatoires, faits en d'autres villes; 3o la minute des articles sur lesquels ils furent interrogés; ces articles sont précédés d'une minute de lettre, sans date, du roi au pape, espèce de factum destiné évidemment à être répandu dans le peuple. Ces minutes sont sur papier de coton. Ce frêle et précieux chiffon, d'une écriture fort difficile, a été déchiffré et transcrit par un de mes prédécesseurs, le savant M. Pavillet. Il est chargé de corrections que M. Raynouard a relevées avec soin (p. 50) et qui ne peuvent être que de la main d'un des ministres de Philippe-le-Bel, de Marigni, de Plasian ou de Nogaret; le pape a copié docilement les articles sur le vélin qui est au Vatican. La lettre, malgré ses divisions pédantesques, est écrite avec une chaleur et une force remarquables: «In Dei nomme, Amen. Christus vincit. Christus regnat. Christus imperat. Post illam universalem victoriam quam ipse Dominus fecit in ligno crucis contra hostem antiquum... ita miram et magnam et strenuam, ita utilem et necessariam... fecit novissimis his diebus per inquisitores... in perfidorum Templariorum negotio... Horrenda fuit domino regi... propter conditionem personarum denunciantium, quia parvi status erant homines ad tam grande promovendum negotium», etc. (Archives, section hist., J, 413.)
84—page 149, note 2—Les Templiers d'Allemagne se justifièrent à la manière des francs-juges westphaliens...
Origines du droit, liv. IV, chap. VI: «Si le franc-juge westphalien est accusé, il prendra une épée, la placera devant lui, mettra dessus deux doigs de la main droite, et parlera ainsi: «Seigneurs francs-comtes, pour le point principal, pour tout ce dont vous m'avez parlé et dont l'accusateur me charge, j'en suis innocent: ainsi me soient en aide Dieu et tous ses saints!» Puis il prendra un pfenning marqué d'une croix (kreutz-pfenning) et le jettera en preuves au franc-comte; ensuite il tournera le dos et ira son chemin.» (Grimm, 860).
85—page 149—En Castille on jugea les Templiers innocents, etc.
Collectio conciliorum Hispaniæ, epistolarum, decretalium, etc., cura Jos. Saenz. de Aguirre, bened. hisp. mag. generalis et cardinalis, Romæ, 1694, c. III, p. 546. Concilium Tarraconense omnes et singuli a cunctis delictis, erroribus absoluti, 1312.—Voy. aussi Monarchia Lusitana, pars 6, I, 19.
86—page 150—Philippe permit à Clément de déclarer que Boniface n'était point hérétique...
Cette timide et incomplète réparation ne semble pas suffisante à Villani. Il ajoute, sans doute pour rendre la chose plus dramatique et plus honteuse aux Français, que deux chevaliers catalans jetèrent le gant, et s'offrirent pour défendre l'innocence de Boniface. (Villani, l. IX, c. XXII, p. 454).
87—page 151—Tout concile parlait de la croisade, etc.
La pièce suivante, trouvée à l'abbaye des dames de Longchamp, est un échantillon des merveilleux récits par lesquels on tâchait de réchauffer le zèle du peuple pour la croisade: «A trez sainte dame de la réal lingniée des Françoiz, Jehenne, Royne de Jerusalem et de Cécile, notre trez honorable cousine, Hue roy de Cypre, tous ses boz desirs emprospérité venir. Esjouissez vous et elessiez avecquez nous et avecques lez autrez crestienz portans le singne de la croix, qui pour la reverance de Dieu et la venjance du trez doulz Jhesucrist qui pour nous sauver voult estre en l'autel de la crois sacrefiez, se combatent contre la trez mescréant gents des Turz. Eslevez au ciel le cri de vous voiz au plus haut que vous pourrez et criez ensemble et faitez crier en rendant gracez et loangez sans jamez cesser à la benoite Trinité et à la très glorieuse Vierge Marie de si sollempnel si grant et singullier bénéfice qui onquez maiz tel dusquez à hore ne fu ouis, lequel je faiz savoir. Quar le xxiiii jours de juing, nous avecquez lez autrez crestienz signés du singne de la croiz, estions assemblez en un plain entre Smirme et haut lieu, là ou estoit l'ost et l'assemblée trez fort et trez puissant des Turz prez de xii. c. mille, et nous crestiens environ cc. mille, meuz et animez de la vertu divine, comansamez à si vigreusement combattre et si grant multitudez Turz mettre à mort, que environ de heure de vesprez nous feusmez tant lassez et tant afoibloiez que nous n'en poyons pluz. Mais tous cheuz à terre atandions la mort et le loier de notre martire, pour ce que des Turzs avait encore moult deschiellez qui encore point ne sestoient combatu ne nestoient de rienz travaillez et venoient contre nous, aussi désiraux de boire notre sanc comme chienz sont désiraux de boire le sanc des lievrez. Et beu l'eussent, si la tres haute doulceur du ciel ne eust aultrement pourveu. Mais quant lez chevaliers de Jhesucrit se regarderent que il estoient venuz à tel point de la bataille, si commencierent de cuer ensemble à crier à voiz enroueez de leur grant labeur et de leur grant feblesce: O très doulz fils de la trèz doulce Vierge Marie, qui pour nous racheter voulsiz estre crucifiez, donne nous ferme espérance et veillez noz cuers si en vous confermer que nous pussions par l'amour de ton glorieux non le loier de martire recevoir, que pluz ne nous poonz deffandre de cez chienz mescreanz. Et ainsi comme nous estienz en oraison en pleurs et en larmez, en criant alassez vois enroueez, et la mort trez amere atendanz, soudainement devant noz tentez aparut suz un trez blanc cheval si trez haut que nulle beste de si grant hauteur nest unz homs en sa main portant baniere en champ plus blanche que nulle rienz à une croiz vermeille plus rouge que sanc, et estoit vestu de peuz de chamel, et avoit trez grant et trez longue barbe et de maigre face clere et reluisant comme le soleil, qui cria a clere et haute voiz: «O les genz de Jhesucrit, ne vous doubtez. Veci la majesté divine qui vous a ouver lez cielx et vouz envoie aide invisible. Levez suz et vous reconfortez et prenez de la viande et venez vigreusement avecquez moi combattre, ne ne vous doubtez de rienz. Quar des Turz vous aurez victoire et peu mourronz de vouz et ceulz qui de vouz mourront auront la vie perdurable.» Et adonc nous nouz levamez touz, si reconfortez et aussi comme se nous ne nous feussienz onquez combatuz et soudainement nous assilemez (assaillîmes) les Turz de tres grand cuer et nous combatimez toutez nuit, et si ne poons paz bien vraiement dire nuit, car la lune non pas comme lune, maiz comme le soleil resplendissant. Et le jour venu, les Turz qui demourez estoient senfouirent si que pluz ne lez veismez et aussi par l'aide de Dieu nous eumez victoire de la bataille, et de matin nous nous sentienz plus fors que nous ne faisienz au commencement de la première bataille. Si feimez chanter une messe en lonneur de la benoite Trinité et de la benoite Vierge Marie, et dévotement priamez Dieu que il nous voulsit octroier grace que les corps des sainz martirs nous puissienz reconnoistre des corps aux mescreanz. Et adonc celui qui devant nous avoit aparut nous dit: «Vous aurez ce que vous avez demandé et plus grant chose fera Dieu pour vous, se fermement en vraie foy perseverez.» Adonc de notre propre bouche li demandamez: «Sire, di nous qui es tu, qui si granz choses as fait pour nous, pourquoy nous puissionz au pueple crestien ton non manifester.» Et il respondi: «Je suis celui qui dist: «Ecce agnus Dei, ecce qui tollit peccata mundi, Celui de cui aujourduy vous celebrez la feste.» Et ce dit, pluz ne le veismez, mais de lui nous demoura si très grant et si très soueve oudeur que ce jour et la nuit ensuivant nous en feumez parfaitement soustenus, recreez et repuez sans autre soutenance de viande corporelle. Et en ceste si parfaite recreation nous ordenemez de querre et denombrer lez corps dez sainz martirs et quant nous veinmez au lieu nous trouvasmes au chief de chacun corps dez crestienz un lonc fut sanz wranchez (branches) qui avoit au coupel une trez blanche fleur ronde comme une oiste (hostie) que l'on consacre, et en celle fleur avoit escript de lettrez dor: Je suis crestien. Et adonc nous lez separamez dez corps dez mescreanz, en merciant le souverain Seingneur. Et ainsi comme nous voulienz suz lez corps faire dire l'office dez mors, cy comme lez crestienz ont acoustume à faire, lez voix du ciel sanz nombre entonnerent et leverent un chans de si tres doulce melodie que il sembloit a chaccun de nous que nous feussienz en possession de la vie perdurable, et par III foiz chanterent ce verset: «Venite, benedicti Patris mei», etc. Venez lez benoiz filz de mon Pere, et vous metez en possession du royaume qui vouz est aplie dez le commencement du monde. Et adonc nous ensevelismez les corps, cest a savoir III mille et cinquante et II, jouste la cite de Tesbayde qui fu jadiz une cite singuliere, laquelle, avuecquez le pays dileuc environ, nous tenonz pour nous et pour loiaux crestienz. Et est ce pays tant plaisant et delitable et plantureux que nul bon crestien qui soit la, ne se puet doubter que il ne puist bien vivre et trouver sa soustenance. Et les charoingnez des corps des mescreanz cy, comme nous les poimez nombrer, furent pluz de lxxiiim. Si avonz esperance que le temps est present venu que la parole de l'Euvangele sera verefiece qui dit qu'il sera une bergerie et un pasteur, c'est-à-dire que toutez manières de gent seront d'une foy emsemblez en la maison et lobediance de Se eglise dont Jhesucrist sera pasteur: Qui est benedictus in secula seculorum. Amen. Et avint cedit miracle en lan de grace MIL CCC et XLVII.» (Archives, section hist., M, 105.)
88—page 151—Ubertino, le premier auteur connu d'une Imitation de Jésus-Christ...
«Nihil in hoc libro intendit nisi Jesu Christi notitia et dilectio viscerosa et imitatoria vita.» (Arbor Vitæ crucifixi Jesu, Prolog., l. I.)—Plusieurs passages respirent un amour exalté: «Ô mon âme, fonds et résous-toi tout en larmes, en songeant à la vie dure du cher petit Jésus et de la tendre Vierge sa mère. Vois comme ils se crucifient, et de leur compassion mutuelle et de celle qu'ils ont pour nous. Ah! si tu pouvais faire de toi un lit pour Jésus fatigué qui couche sur la terre... Si tu pouvais de tes larmes abondantes leur faire un breuvage rafraîchissant; pèlerins altérés, ils ne trouvent rien à boire...—Il y a deux saveurs dans l'amour; l'une si douce dans la présence de l'objet aimé: comme Jésus le fit goûter à sa mère tandis qu'elle était avec lui, le serrait et le baisait. L'autre saveur est amère, dans l'absence et le regret. L'âme défaille en soi, passe en Lui; elle erre autour, cherchant ce qu'elle aime et demandant secours à toute créature. (Ainsi la Vierge cherchait le petit Jésus, lorsqu'il enseignait dans le Temple.) (Ubert. de Casali, Arbor Vitæ crucifixi Jesu, lib. V, c. VI-VIII, in-4o).
89—page 152—L'Imitation, pour ces mystiques, c'était la charité...
Selon quelques-uns, la Passion était mieux représentée dans l'aumône que dans le sacrifice: «Quod opus misericordiæ plus placet Deo, quam sacrificium altaris. Quod in eleemosyna magis repræsentatur Passio Christi quam in sacrificio Christi.» (Erreurs condamnées à Tarragone, ap. d'Argentré, I, 271.)
90—page 152—Les Franciscains aspiraient à ne rien posséder...
Voyez Ubertino de Casali, dans son chapitre: Jesus pro nobis indigens. «Habentes dicit (apostolus) non quantum ad proprietatem dominii sed quantum ad facultatem utendi, per quem modum dicimur esse quod utimur, etiam si non sit nobis proprium, sed gratis aliunde collatum.» (Ubert. de Casali, Arbor Vitæ, l. II, c. XI.)
91—page 153, note 4—Les Béghards...
«Non sunt humanæ subjecti obedientiæ, nec ad aliqua præcepta Ecclesiæ obligantur, quia, ut asserunt, ubi spiritus Domini, ibi libertas.» (Clementin., l. V, tit. III, c. iii. D'Argentré, I, 276.)
92—page 154—Une Anglaise était venue en France, etc.
«Venit de Anglia virgo decora valde pariterque facunda, dicens Spiritum sanctum incarnatum in redemptionem mulierum, et baptizavit mulieres, in nomine Patris, Filii ac sui.» (Annal. Dominican. Colmar. app. Urstitium. P. 2, fo 33.)
93—page 155—Clément V, dans ce consistoire, abolit l'ordre...
«Multis vocatis prælatis cum cardinalibus in privato consistorio, ordinem Templariorum cassavit. Tertia autem die aprilis 1312, fuit secunda sessio concilii, et prædicta cassatio coram omnibus publicata est (Quint. Vita Clem. V.)... præsente rege Franciæ Philippo cum tribus filiis suis, cui negotium erat cordi.» (Tert. Vita Clem. V.)
94—page 156—Le pape déclare dans sa bulle explicative...
«Quod ipsæ confessiones ordinem valde suspectum reddebant... non per modum definitivæ sententiæ, cum tam super hoc, secundum inquisitiones et processus prædictos, non possemus ferre de jure, sed per viam provisionis et ordinationis apostolicæ...» (Reg. anni VII Dom. Clem. V, Rayn. 195). On ne peut nier toutefois qu'il n'y eût aussi beaucoup de complaisance et de servilité à l'égard du roi de France. C'était l'opinion du temps... «Et sicut audivi ab uno qui fuit examinator causæ et testium, destructus fuit (ordo) contra justitiam. Et mihi dixit quod ipse Clemens protulit hoc: Et si non per viam justitiæ potest destrui, destruatur tamen per viam expedientiæ, ne scandalizetur charus filius noster rex Franciæ.» (Albericus à Rosate).
95—page 157—Jean XXII se plaignait de ce que le roi saisissait même les biens des Hospitaliers...
«Per captionem bonorum quondam ordinis Templi jam miserunt per omnes domos ipsius Hospitalis certos executores qui vendunt et distrahunt pro libito bona Hospitalis...» (Lettre de Jean XXII. XV kal. jun. 1316, Rayn, 25.)
96—page 158—Le roi les fit brûler tous deux...
Cont. G. de Nangis, p. 67. Il nous reste encore un acte authentique où cette exécution se trouve indirectement constatée, dans un registre du parlement de l'année 1313: «Cum nuper Parisius in insula existente in fluvio Sequanæ juxta pointam jardinii nostri, inter dictum jardinium nostrum ex una parte dicti fluvii, et domum religiosorum virorum ordinis S. Augustini Parisius ex altera parte dicti fluvii, executio facta fuerit de duobus hominibus qui quondam templarii extiterunt, in insula prædicta combustis; et abbas et conventus S. Germani de Pratis Parisius, dicentes se esse in saisina habendi omnimodam altam et bassam justitiam in insula prædicta... Nos nolumus... quod juri prædictorum... præjudicium aliquod generetur.» (Olim Parliam., III, folio CXLVI, 13 mars 1313 (1314).
97—page 159—Cette exécution fut un assassinat, etc.
Comment qualifier les étranges paroles de Dupuy: «Les grands princes ont je ne scay quel malheur qui accompagne leurs plus belles et généreuses actions, qu'elles sont le plus souvent tirées à contre sens, et prises en mauvaise part, par ceux qui ignorent l'origine des choses, et qui se sont trouvez intéressez dans les partis, puissans ennemis de la vérité, en leur donnant des motifs et des fins vitieuses, au lieu que le zèle à la vertu y prend d'ordinaire la meilleure part?» (Dupuy, p. 1.)
98—page 159—Le reniement des Templiers était symbolique...
Voy. plus haut, t. II, livre III et livre IV, ch. ix, les cérémonies grotesques et la fête des idiots, fatuorum: «Le peuple élevait la voix... il entrait, innombrable, tumultueux, par tous les vomitoires de la cathédrale, avec sa grande voix confuse, géant enfant, comme le saint Christophe de la légende, brut, ignorant, passionné, mais docile, implorant l'initiation, demandant à porter le Christ sur ses épaules colossales. Il entrait, amenant dans l'église le hideux dragon du péché, il le traînait, soûlé de victuailles, aux pieds du Sauveur, sous le coup de la prière qui doit l'immoler. Quelquefois aussi, reconnaissant que la bestialité était en lui-même, il exposait dans des extravagances symboliques sa misère, son infirmité. C'est ce qu'on appelait la fête des idiots, fatuorum. Cette imitation de l'orgie païenne, tolérée par le christianisme, comme l'adieu de l'homme à la sensualité qu'il abjurait, se reproduisait aux fêtes de l'enfance du Christ, à la Circoncision, aux Rois, aux Saints-Innocents.»
99—page 160, note 1—Déposition du précepteur d'Aquitaine...
Celui qui le recevait, l'ayant revêtu du manteau de l'Ordre, lui montra sur un missel un crucifix et lui dit d'abjurer le Christ, attaché en croix. Et lui tout effrayé le refusa s'écriant: Hélas! mon Dieu, pourquoi le ferais-je? Je ne le ferai aucunement.—Fais-le sans crainte, lui répondit l'autre. Je jure sur mon âme que tu n'en éprouveras aucun dommage en ton âme et ta conscience; car c'est une cérémonie de l'Ordre, introduite par un mauvais grand maître, qui se trouvait captif d'un soudan, et ne put obtenir sa liberté qu'en jurant de faire ainsi abjurer le Christ à tous ceux qui seraient reçus à l'avenir: et cela fut toujours observé, c'est pourquoi tu peux bien le faire. Et alors le déposant ne le voulut faire, mais plutôt y contredit, et il demanda où était son oncle et les autres bonnes gens qui l'avaient conduit là. Mais l'autre lui répondit: Ils sont partis et il faut que tu fasses ce que je te prescris. Et il ne le voulut encore faire. Voyant sa résistance, le chevalier lui dit encore: Si tu voulais me jurer sur les saints Évangiles de Dieu que tu diras à tous les frères de l'Ordre que tu as fait ce que je t'ai prescrit, je t'en ferais grâce. Et le déposant le promit et jura. Et alors il lui en fit grâce, sauf toutefois que couvrant de sa main le crucifix, il le fit cracher sur sa main... Interrogé s'il a ordonné quelques frères, il dit qu'il en fit peu de sa main, à cause de cette irrévérence qu'il fallait commettre en leur réception... Il dit toutefois qu'il avait fait cinq chevaliers. Et interrogé s'il leur avait fait abjurer le Christ, il affirma sous serment qu'il les avait ménagés de la même manière qu'on l'avait ménagé... Et un jour qu'il était dans la chapelle pour entendre la messe... le frère Bernard lui dit: Seigneur, certaine trame s'ourdit contre vous: on a déjà rédigé un écrit dans lequel on mande au grand maître et aux autres que dans la réception des frères de l'Ordre vous n'observez pas les formes que vous devez observer... Et le déposant pensa que c'était pour avoir usé de ménagements envers ces chevaliers.—Adjuré de dire d'où venait cet aveuglement étrange de renier le Christ et de cracher sur la croix, il répondit sous serment: «Certains de l'Ordre disent que ce fut un ordre de ce grand maître captif du soudan, comme on l'a dit. D'autres, que c'est une des mauvaises introductions et statuts de frère Procelin, autrefois grand maître; d'autres, de détestables statuts et doctrines de frère Thomas Bernard, jadis grand maître; d'autres, que c'est à l'imitation et en mémoire de saint Pierre, qui renia trois fois le Christ.» (Dupuy, p. 314-316.) Si l'absence de torture et les efforts de l'accusé pour atténuer le fait mettent ce fait hors de doute, ses scrupules, ses ménagements, les traditions diverses qu'il accumule avant d'arriver à l'origine symbolique, prouvent non moins sûrement qu'on avait perdu la signification du symbole.
100—page 161—L'Ordre du Temple mourut en France d'un symbole non compris...
Origines du droit:
«Le symbolisme féodal n'eut point en France la riche efflorescence poétique qui le caractérise en Allemagne. La France est une province romaine, une terre d'Église. Dans ses âges barbares, elle conserve toujours des habitudes logiques. La poésie féodale naquit au sein de la prose.
«Cette poésie trouvait dans l'élément primitif, dans la race même, quelque chose de plus hostile encore. Nos Gaulois, dans leurs invasions d'Italie et de Grèce, apparaissent déjà comme un peuple railleur. On sait qu'au majestueux aspect du vieux Romain siégeant sur sa chaise curule, le soldat de Brennus trouva plaisant de lui toucher la barbe. La France a touché ainsi familièrement toute poésie.
«Malgré l'abattement des misères, malgré la grande tristesse que le christianisme répandait sur le moyen âge, l'ironie perce de bonne heure. Dès le douzième siècle, Guibert de Nogent nous montre les gens d'Amiens, les cabaretiers et les bouchers, se mettant sur leur porte, quand leur comte, sur son gros cheval, caracolait dans les rues, et tous effarouchant de leurs risées la bête féodale.
«Le symbolisme armorial, ses riches couleurs, ses belles devises, n'imposaient probablement pas beaucoup à de telles gens. La pantomime juridique des actes féodaux faisait rire le bourgeois sous cape. Ne croyez pas trop à la simplesse du peuple de ces temps-là, à la naïveté de cette bonne vieille langue. Les renards royaux, qui s'affublèrent de si blanche et si douce hermine pour surprendre les lions, les aigles féodaux, tuaient, comme tuait le sphynx, par l'énigme et par l'équivoque.»
101—page 161—Ni la colombe, ni l'arche, ni la tunique sans couture, etc... Le glaive spirituel était émoussé...
«Una est columba mea, perfecta mea, una est matri suæ... Una nempe fuit diluvii tempore arca Noë... Hæc est tunica illa Domini inconsutilis... Dicentibus Apostolis: Ecce gladii duo hic...» (Preuves du différend, p. 55.)—«Qu'elle est forte cette Église, et que redoutable est le glaive...» (Bossuet, Oraison funèbre de Le Tellier.)
102—page 162—Nul doute que le pouvoir d'absoudre ne leur ait fait des ecclésiastiques d'irréconciliables ennemis...
C'est un des faits qui, par l'accord de tous les témoignages, avait été placé en Angleterre dans la catégorie des points irrécusables: «Articuli qui videbantur probati.» Tantôt les chefs renvoyaient à absoudre au frère chapelain, sans confession: «Præcipit fratri capellano eum absolvere a peccatis suis, quamvis frater capellanus eam confessionem non audierat.» (P. 377, col. 2, 367.) Tantôt ils les absolvaient eux-mêmes, quoique laïques: «Quod et credebant et dicebatur eis quod magnus magister ordinis poterat eos absolvere a peccatis suis. Item quod visitator. Item quod praæceptores quorum multi erant laïci.» (358, 22 test.) «Quod... templarii laïci suos homines absolvebant.» (Concil. Brit., II, 360.)—«Quod facit generalem absolutionem de peccatis quæ nolunt confiteri propter erubescentiam carnis... quod credebant quod de peccatis capitulo recognitis, de quibus ibidem fuerat absolutio non oportebat confiteri sacerdoti... quod de mortalibus non debebant confiteri nisi in capitulo, et de venialibus tantum sacerdoti.» (5 testes) 358, col. 1.)—Même accord dans les dépositions des Templiers d'Écosse: «Inferiores clerici vel laïci possunt absolvere fratres sibi subditos.» (P. 381, col. 1, Ier témoin. De même le XLe témoin, Concil. Brit., 14, p. 382.)
103—page 164, note 2—Procès simulé, où le diable, etc.
On connaît la fameuse légende de Dagobert. César d'Heisterbach cite une pareille histoire d'un usurier converti. Que le débat fût visible ou non, c'était toujours la formule: «Si quis decedat contritus et confessus, licet non satisfecerit de peccatis confessis, tamen boni angeli confortant ipsum contra incursum dæmonum, dicentes... Quibus maligni spiritus... Mox advenit Virgo Maria alloqueus dæmones..., etc.» (Herm. Corn., Chr. ap. Eccard. m. ævi, t. II, p. 11.)
104—page 168, note 4—Jean de Meung Clopinel, etc.
«Prudes femmes par saint Denis, Autant en est que de Phénix», etc.—Lui-même au reste avait pris soin de les justifier par les doctrines qu'il prêche dans son livre. Ce n'est pas moins que la communauté des femmes:
Car nature n'est pas si sotte...
Ains vous a fait, beau fits, n'en doubtes,
Toutes pour tous, et tous pour toutes,
Chascune pour chascun commune
Et chascun commun pour chascune.
Roman de la Rose, v. 14, 653. Éd. 1725-7.
Cet insipide ouvrage, qui n'a pour lui que le jargon de la galanterie du temps, et l'obscénité de la fin, semble la profession de foi du sensualisme grossier qui règne au quatorzième siècle. Jean Molinet l'a moralisé et mis en prose.
105—page 168, note—Blanche fut, dit brutalement le moine historien, etc.
«Blancha vero carcere remanens, a serviente quodam ejus custodiæ deputato dicebatur imprægnata fuisse quam a proprio comite diceretur, vel ab aliis imprægnata.» (Cont. G. de N., p. 70.) Il passe outre avec une cruelle insouciance; peut-être aussi n'ose-t-il en dire davantage.—Cette horrible aventure des belles-filles de Philippe-le-Bel a peut-être donné lieu, par un malentendu, à la tradition relative à la femme de ce prince, Jeanne de Navarre, et à l'hôtel de Nesle. Aucun témoignage ancien n'appuie cette tradition. Voy. Bayle, article Buridan. La tradition serait toutefois moins vraisemblable encore, si l'on voulait, comme Bayle, l'appliquer à l'une des belles-filles du roi. Jeunes comme elles l'étaient, elles n'avaient pas besoin de tels moyens pour trouver des amants. Quoi qu'il en soit, Jeanne de Navarre paraît avoir été d'un caractère dur et sanguinaire. Elle était reine de son chef, et pouvait moins ménager son époux.
106—page 169—Une fois dans cette voie de crimes, toute mort passe pour empoisonnement ou maléfice, etc.
Contin. G. de Nangis, ann. 1304, 1308, 1313, 1315, 1320, p. 58, 61, 67, 68, 70, 77, 78.
107—page 169, note 2—À la mort de Clément V, etc.
«Gascones qui cum eo steterant, intenti circa sarcinas, videbantur de sepultura corporis non curare, quia diu remansit insepultum.» (Baluz., Vit. Pap. Aven., I, p. 22.)
108—page 170—Dante ne trouve pas, pour la mort de Philippe-le-Bel, de mot assez bas...
Dante, Paradiso, c. XIX:
Li si vedra il duol, che sopra Senna
Induce, falseggiando la moneta,
Quel che morra di colpo di cotenna.
Suivant plusieurs auteurs, il aurait été en effet tué à la chasse au cerf. «Il voit venir le cerf vers luy, si sacqua son espée, et ferit son cheval des esperons, et cuida ferir le cerf, et son cheval le porta encore contre un arbre, de si grand'roideur, que le bon roy cheut à terre, et fut moult durement blecé au cueur, et fut porté à Corbeil. Là, luy agreva sa maladie moult fort...» (Chronique, trad. par Sauvage, p. 110, Lyon, 1572, in-folio.)
L'historien français contemporain ne parle point de cet accident...
«Diuturna detentus infirmitate, cujus causa medicis erat incognita, non solum ipsis, sed et aliis multis multi stuporis materiam et admirationis induxit; præsertim cum infirmitatis aut mortis periculum nec pulsus ostenderet nec urina.» (Contin. G. de Nangis, fol. 69.)
109—page 171—Egidio avait écrit pour son élève un livre: De regimine principum...
Voy. S. Ægidii Romani, archiep. Bituricensis questio De utraque potestate; edidit Goldastus, Monarchia, II, 95. Un Colonna ne pouvait qu'inspirer à son élève la haine des papes.
110—page 171, note 2—Jean de Meung lui avait traduit la Consolation de Boèce...
Il rappelle tous ses titres littéraires dans l'Épitre liminaire qu'il a mise en tête du livre de la Consolation. «À ta royale Majesté, très noble Prince, par la Grâce de Dieu Roy des François, Philippe-le-Quart; je Jehan de Meung qui jadis au Romans de la Rose, puisque Jalousie et mis en prison Bel-acueil, ay enseigné la manière du Chastel prendre, et de la Rose cueillir; et translaté de latin en françois le livre de Vegèce de chevalerie, et le livre des merveilles de Hirlande: et le livre des Épistres de Pierre Abeillard et Héloïse sa femme: et le livre d'Aclred, de spirituelle amitié: envoye ores Boëce de Consolation, que j'ai translaté en françois, jaçoit ce qu'entendes bien latin.»
111—page 172—L'Université persécutait les Mendiants par son docteur Jean Pique-Âne...
Bulæus, IV, 70. Voy. dans Goldast, II, 108, Johannis de Parisiis, Tractatus de potestate regia et papali.
112—page 173—Les pauvres écoliers, les pauvres maîtres...
Le maître sera élu entre les pauvres écoliers et par eux... L'élu sera appelé le ministre des pauvres. Il est fait mention dans ce règlement de 84 pauvres écoliers fondés en l'honneur des 12 apôtres et des 72 disciples.
L'habit de cette société était une cape fermée par devant, comme en portaient les maîtres ès arts de la rue du Fouarre, et un camail aussi fermé par devant et par derrière, d'où leur nom de Capètes. Les parents ne pouvaient menacer leurs enfants d'un plus grand châtiment que de les faire Capètes. (Félibien, I, 526 sq.)
114—page 174—Le roi veut exclure les prétres de la justice et des charges municipales...
«Omnes in regno Franciæ temperatam juridictionem habentes, baillivum, præpositum et servientes laïcos et nullatenus clericos instituant, ut, si ibi delinquant, superiores sui possint animadvertere in eosdem. Et si aliqui clerici sint in prædictis officiis, amoveantur.» (Ord., I, p. 316. Années 1287-1288.)
115—page 174—Il protège les juifs...
«Non capiantur aut incarcerentur ad mandatum aliquorum patrum, fratrum alicujus ordinis vel aliorum, quocunque fungantur officio.» (Ord., I, 317.)
116—page 174—Il augmente la taxe royale sur les acquisitions d'immeubles par les églises...
Ord., l. 322. On y distingue les fiefs du roi, les arrière-fiefs, les alleux. Dans tous les cas, la taxe royale pour les acquisitions à titre onéreux est le double de la taxe des acquisitions à titre gratuit. On craignait plus les achats que les donations.
117—page 174—Il défend les guerres privées, les tournois...
«Ad instar santi Ludovici, eximii confessoris... guerras..., bella..., provocationes etiam ad duellum... durantibus guerris nostris, expresse inhibemus.» (Ord., I, 390.) Conf. p. 328. Ann. 1296, p. 344. Ann. 1302, p. 549. Ann. 1314, juillet.—«Quatenus omnes et singulos nobiles... capias et arrestes, capique et arrestari facias, et tamdiu in arresto teneri, donec a nobis mandatum.» (Ord., I, 424, ann. 1304).
À chaque campagne, il lui fallait faire la presse...
En 1302, ordre au bailly d'Amiens d'envoyer à la guerre de Flandre tous ceux qui auront plus de 100 livres en meubles et 200 en immeubles: les autres devaient être épargnés. (Ord., I, 345.) Mais l'année suivante (29 mai) il fut ordonné que tout roturier qui aurait 50 livres en meubles ou 20 en immeubles, contribuerait de sa personne ou de son argent. (Ord., I, 373.)
118—page 174—Ordonnance pour empêcher la désertion des campagnes.
C'étaient des formalités analogues à celles qu'on impose aujourd'hui à l'étranger qui veut devenir Français; autorisation du prévost ou maire, domicile établi par l'achat «pour raison de la bourgeoisie d'une maison dedenz an et jour, de la value de soixante sols parisis au moins; signification au seigneur dessoubs cui il iert partis»; résidence obligatoire de la Toussaint à la Saint-Jean, etc. (Ord., I, 314.)
119—page 175—En 1290, le clergé arracha au roi une charte exorbitante.
Ord., I, p. 318... «Quod bona mobilia clericorum capi vel justiciari non possint... per justiciam secularem... Causæ ordinariæ prælatorum in parliamentis tantummodo agitentur... nec ad senescallos aut baillivos... liceat appellare... Non impediantur a taillis», etc.
En 1298, le roi seconde l'intolérance des évêques...
«Baillivis... injungimus... diocesanis episcopis, et inquisitoribus... pareant, et intendant in hæreticorum investigatione, captione... condemnatos sibi relictos statim recipiant, indilate animadversione debita puniendos... non obstantibus appellationibus.» (Ord., I, p. 330, ann. 1298.)
L'année suivante, il promet que les baillis, etc.
Mandement adressé aux baillis de la Touraine et du Maine, pour leur commander le respect des ecclésiastiques. Lettres accordées aux évêques de Normandie contre les oppressions des baillis, vicomtes, etc. (Ord., I. 331, 334.) Ordonnance semblable en faveur des églises de Languedoc, 8 mai 1302. (Ibid., p. 340.)
120—page 176—Il accorde aux nobles une ordonnance contre les usuriers juifs...
«Contra usurarum voraginem... volumus ut debita quantum ad sortem primariam plenarie persolvantur, quod vero ultra sortem fuerit legaliter penitus remittendo.» (Ord., I, 334.)
Les collecteurs royaux n'exploiteront plus les successions des bâtards et des aubains, etc.
«Nisi prius per aliquem idoneum virum, quem ad hoc specialiter deputaverimus... constiterit, quod nos sumus in bona saisina percipiendi...» (Ord., I, 338-339.)
121—page 176—Il saisit le temporel des prélats partis pour Rome...
«Nonnulli prælati, abbates, priores..., inhibitione nostra spreta... ab regno egredi... Nolentes igitur ob ipsarum absentiam personarum bona earum dissipari et potius ea cupientes conservari... mandamus, etc. (Ord., I, 349.)
122—page 176—Dans son ordonnance de réforme, etc.
«Nisi in casu pertinente ad jus nostrum regium...»—Il ajoutait pourtant que le fief acquis ainsi par forfaiture serait dans l'an et jour remis hors sa main à une personne convenable qui desservît le fief. Mais il se réservait encore cette alternative: Ou nous donnerons au maître du fief récompense suffisante et raisonnable.» (Ord., I, 358.)
La plus grande partie de cette ordonnance de réforme concerne les baillis et autres officiers royaux, et tend à prévenir les abus de pouvoir. Nommés par le grand conseil (14), ils ne pourront faire partie de cette assemblée (16). Ils ne pourront avoir pour prévôts ou lieutenants leurs parents ou alliés, ni remplir cette charge dans le lieu de leur naissance (27), ni s'attacher par mariage ou achat d'immeubles au pays de leur juridiction, mesure de garantie imitée des Romains, mais étendue aux enfants, sœurs, nièces et neveux des officiers royaux (50-51). L'ordonnance réglait le temps de leurs assises (26), dont chacune, en finissant, devait préciser le commencement de la suivante; elle posait les limites de leur ressort entre eux (60), de leur compétence entre les justices des prélats et des barons (25), et les limites de leurs pouvoirs sur leurs justiciables. Ils ne pouvaient tenir aucun en prison pour dettes, à moins qu'il n'y eût sur lui contrainte par corps, par lettres passées sous le scel royal (52). La même ordonnance leur défendait de recevoir à titre de don ou de prêt (40-43) ni pour eux ni pour leurs enfants (41) (ils ne pourront recevoir de vin, «nisi in barillis, seu boutellis vel potis»), et ils ne pourront vendre le surplus; ni donner rien aux membres du grand conseil, leurs juges (44), ni prendre des baillis inférieurs leurs comptables (48). La nomination à ces charges devait se faire par eux avec les plus grandes précautions (56); le roi continue à en exclure les clercs; il met ceux-ci en assez mauvaise compagnie: «Non clerici, non usurarii, non infames, nec suspecti circa oppressiones subjectorum» (19). (Ord. I, 357-367.)
123—page 177, note 3—Règlement relatif au Parlement...
Voyez l'important mémoire de M. Klimrath Sur les Olim et sur le Parlement. Voy. aussi une dissertation ms. sur l'origine du parlement (Archives du royaume). L'auteur anonyme, qui peut-être écrivait sous le chancelier Maupeou, partage l'opinion de M. Klimrath.
124—page 177—Philippe-le-Bel rend aux nobles le gage de bataille, la preuve par duel...
Ann. 1304, Ord. I, 547. Cette ordonnance paraît être la mise à exécution de l'article 62 de l'édit que nous venons d'analyser. C'est le règlement d'administration qui complète la loi.
Origines du droit, livre IV, chap. VII: «Pendant tout le moyen âge, la jurisprudence flotte entre le duel et l'épreuve, selon que l'esprit militaire ou sacerdotal l'emporte alternativement.
«Le serment et les ordalies étant trop souvent suspectes, les guerriers préféraient le duel. Saint Louis et Frédéric II le défendirent dès le treizième siècle.
«Une trop mauvese coustume souloit courre enchiennement, si comme nous avons entendu des seigneurs de lois, car il aucuns si louoient campions, en tele manière que il se devoient combattre pour toutes les querelles que il aroient à fere ou bonnes ou mauveses.» (Beaumanoir.)—«Quand aucun a passé âge comme de soixante ans, ou qu'il est débilité d'aucun membre, il n'est pas habile à combattre. Et pour ce fut établi que s'il étoit accusé d'aucun cas, qui par gage de bataille se deut terminer, qu'il pourroit mettre champion qui feroit le fait pour lui, à ses périls et dépends, et pour ce fut constitué et établi homage de foy et de service. Et en souloit-on anciennement plus user que l'on ne fait, car on combattoit pour plus de cas qu'on ne fait pour le présent... Et doit l'en savoir que quand un champion faisoit gaige de bataille pour aucun autre accusé d'aucun crime, se le champion estoit desconfit, feust par soi rendant en champ, ou autrement, cil pour qui il combattait estoit pendu, et forfaisoit tous ses biens et meubles héritages, ainsi que la coutume déclaire, aussi bien comme cil propre eut été déconfit en champ; et le champion n'avoit nul mal et ne forfaisoit rien.» (Vieille glose sur l'ancienne Coutume de Normandie.)
125—page 178 et suiv.—L'hypocrisie de ce gouvernement dans les affaires des monnaies...
En 1295... «Nos autem Johanna impertinus assensum.» (Ord., I, 326.)
En 1305... (Ord., I, 429.)
Plus tard, il ordonne de détruire les fours, etc... (Ord., I, 451.)
En 1310 et 1311, il défend l'importation des monnaies étrangères...
«Que nul ne rachace, ne face rechacier, ne trebucher, ne requeure nulle monnoye quele qu'ele soit de nostre coing.» (20 janvier 1310, Ord., I, 475.)
En 1311, il défend de peser ou d'essayer les monnaies royales...
Ord., I, 481, 16 mai 1311.
En 1314, il appela les députés des villes à venir aviser avec lui sur le fait des monnaies, etc.
«Que le Roi pourchace par devers ses Barons que ils se sueffrent de faire ouvrer jusques à onze ans, car autrement il ne peut pas remplir son pueble de bonne monnoie, ne son royaume. Et furent à accort que li Rois doint tant en or, en argent que il n'y preigne nul profit.» (Ord., I, 547-549.) Cependant on rencontra tant de résistance de la part des barons et des prélats intéressés qu'il fallut se contenter de leur prescrire l'aloi, le poids et la marque de leurs monnaies. (Leblanc, p. 229.)
126—page 182 et suiv.—L'avénement de Louis-le-Hutin est une réaction violente de l'esprit féodal, local, provincial, etc.
Le duc de Bretagne, etc. (Ord., I, 551 et 592, 561-577 et 625, 572...)
La demande commune des barons, etc. (Ord., I, 559, 8o ; 574, 5o ; 554, 2o .)
Les provinces les plus éloignées, etc. (Ord., I, 562, 2o ...)
Bourgogne, Amiens, Champagne demandent unanimement, etc.
«Nous voullons et octroyons que en cas de murtre, de larrecin, de rapt, de trahison et de roberie gage de bataille soit ouvert, se les cas ne pouvoient estre prouves par tesmoings.» (Ord., I, 507.) «Et quant au gage de bataille, nous voullons que il en usent, si come l'en fesoit anciennement.» (Ibid. 558.)
Le roi n'acquerra plus, etc.
«Le quart article qui est tiel. Item, que le Roy n'acquiere, ne s'accroisse ès baronnies et chastellenies, ès fiez et riere-fiez desdits nobles et religieus, se n'est de leur volonté, nous leur octroyons.»
À ces demandes insolentes le roi répond...
Ord., I, 572 (31); 576 (15); 564 (6).
127—page 186—Raoul de Presles...
Il y eut trois Raoul de Presles: le premier, qui déposa en 1309 contre les Templiers, fut impliqué dans l'affaire de Pierre de Latilly, et recouvra la liberté en perdant ses biens. Louis-le-Hutin en eut des remords; par son testament, il ordonna qu'on lui rendît comme de raison tout ce qu'on lui avait pris. Philippe-le-Long et Charles-le-Bel l'anoblirent pour ses bons services. Le second Raoul n'est connu que par un faux, et aussi par un bâtard qu'il eut en prison. Ce bâtard est le plus illustre des Raoul. En 1365, il se fit connaître de Charles V par une allégorie, intitulée la Muse. Il fut chargé par ce prince de traduire la Cité de Dieu, et paraît n'avoir pas été étranger à la composition du Songe du Vergier.
128—page 188—Louis-le-Hutin décria les monnaies des barons, etc.
«Nous qui avons oie la grande complainte de nostre pueble du royaume de France, qui nous a montré comment par les monoies faites hors de nostre royaume et contrefaites à nos coings, et aus coings de nos barons, et par les monoies aussi de nos dits barons lesquelles monoies toutes ne sont pas du poids de la loy ne du coing anciens ne convenables, nos subgiez et nostre pueble sont domagiés en moult de manières et de ceuz souvent grossement... ordenons, etc.» (Ord., I, 609-6.)
Il fixa les rapports de la monnaie royale, etc. (Ord., I, 615 et suiv.)
129—page 189—Les serfs se souviendront de cette leçon royale...
À la fin de son règne si court, Louis semble devenu l'ennemi des barons. Jamais Philippe-le-Bel ne leur fit réponse plus sèche et, ce semble, plus dérisoire que celle de son fils aux nobles de Champagne (1er décembre 1315). Ils demandaient qu'on leur expliquât ce mot vague de Cas royaux, au moyen duquel les juges du roi appelaient à eux toute affaire qu'ils voulaient. Le roi répond: «Nous les avons éclaircis en cette manière. C'est assavoir que la Royal Majesté est entendüe, ès cas qui de droit, ou de ancienne coutume, püent et doient appartenir à souverain Prince et à nul autre.» (Ord., I, 606.)
130—page 191—Philippe-le-Long révoque toute donation depuis saint Louis...
Le roi révoque spécialement les dons faits à Guillaume Flotte, Nogaret, Plasian et quelques autres. (Ord., I, 667.)
131—page 192—Il aurait voulu établir l'uniformité des mesures et des monnaies...
«Le roi avait commencé à régler qu'on ne se servirait dans son royaume que d'une mesure uniforme pour le vin, le blé et toutes marchandises; mais prévenu par une maladie, il ne put accomplir l'œuvre qu'il avait commencée. Ledit roi proposa aussi que, dans tout le royaume, toutes les monnaies fussent réduites à une seule; et comme l'exécution d'un si grand projet exigeait de grands frais, séduit, dit-on, par de faux conseils, il avait résolu d'extorquer de tous ses sujets la cinquième partie de leur bien. Il envoya donc pour cette affaire des députés en différents pays; mais les prélats et les grands, qui avaient depuis longtemps le droit de faire différentes monnaies, selon les diversités des lieux et l'exigence des hommes, ainsi que les communautés des bonnes villes du royaume, n'ayant pas consenti à ce projet, les députés revinrent vers leur maître sans avoir réussi dans leur négociation.» (Cont. G. de Nang., 79.)
132—page 192 et suiv.—Il fait quelques efforts pour régulariser la comptabilité...
Ord., I, 713-4, 629, 659.
Parmi les règlements de finance, etc. (Ord., I, p. 660 (27.)
Le Parlement se constitue, etc. (Ord., I, 728-731.—Ord., I, 702.)
133—page 194—La méridienne du roi...
Voy. au tome Ier de cette histoire la concession de Clovis à saint Remi.—Voy. aussi la Légende dorée, c. 142.—Origines du droit: «En l'an 676, Dagobert ayant donné à saint Florent la ville où il demeurait et ses dépendances, le saint vint prier le roi de lui faire savoir combien il avait en long et en large. «Tout ce que tu auras chevauché sur ton petit âne pendant que je me baignerai et que je mettrai mes habits, tu l'auras en propre.» Or saint Florent savait fort bien le temps que le roi passait au bain: aussi il monta en toute hâte sur son âne et trotta par monts et par vaux mieux et plus rapidement que ne l'aurait fait à cheval le meilleur cavalier, et il se trouva encore à l'heure indiquée chez le roi.» (Grimm. 87.)
134—page 194—Philippe-le-Long parle de certains droits féodaux, etc.
Ord., I, p. 631 (39.)
Il recommande aux receveurs, etc. (Ord., I, 713 (9.)
135—page 195—Le roi cherche à mettre une barrière à sa libéralité.
«Que pour les dons outragens qui ont esté faiz ça en arrières, par nos prédécesseurs, li domaine dou Royaume sont moult apetitié. Nous qui désirons moult l'accroissement et le bon estât de notre Royaume et de nos subgiez, nous entendons dores en avant garder de tels dons, au plus que nous pourrons bonement, et défendons que nul ne nous ose faire supplication de faire dons à héritage, se ce n'est en la présence de notre grant conseil.» (Ord., I, 670 (6.)
136—page 197—Les pastoureaux...
«Cum solis pera et baculo sine pecunia, dimissis in campis porcis et pecoribus, post ipsos quasi pecora confluebant.» (Cont. G. de Nangis, p. 77.)—«Projectis innumerabilibus lignis et lapidibus, propriis projectis pueris, se viriliter et inhumaniter defensabant... Videntes autem dicti judæi quod evadere non valebant... locaverunt unum de suis... ut eos gladio jugularet.» (Ibid.)—«Illic viginti, illic triginta secundum plus et minus suspendens in patibulis et arboribus.» (Ibid.)
Voy. le Mémoire de M. Beugnot, sur les juifs d'Occident, et la grande histoire de Jozt.
138—page 199—Le bruit se répand que les juifs et les lépreux ont empoisonné les fontaines, etc.
«Fiebant de sanguine humano et urina de tribus herbis... ponebatur etiam Corpus Christi, et cum essent omnia dissicata, usque ad pulverem terebantur, quæ missa in sacculis cum aliquo ponderoso... in puteis... jactabantur.» (Cont. G. de Nang., ann. 1321, p. 78.)—«Inventum est in panno caput colubri, pedes bufonis et capilli quasi mulieris, infecti quodam liquore nigerrimo... quod totum in ignem copiosum.. projectum, nullo modo comburi potuit, habito manifesto experimento et hoc itidem esse venenum fortissimum.» (Ibid.)
Les principaux lépreux tinrent quatre conciles, etc.
«Suadente diabolo per ministerium judæorum... ut christiani omnes morerentur, vel omnes uniformiter leprosi efficerentur, et sic, cum omnes essent uniformes, nullus ab alio despiceretur.» (Ibid.)—Voy. sur les lépreux les Dictionnaires de Bouchel et Brion et surtout le Dictionnaire de police, par Delamare, I, p. 603. Voy. aussi les Olim du Parlement, IV, f. 76, etc.
139—page 200—Les rituels pour la séquestration des lépreux différaient peu de l'office des morts...
«Leprosum aqua benedicta repersum ducat ad ecclesiam cruce procedente... cantando Libera me Domine... In ecclesia, ante altare pannus niger. Presbyter cum palla terram super quemlibet pedum ejus perducit dicendo: Sis mortuus mundo, vivens iterum Deo.» (Rituel du Berri, Martène, II, p. 1010.) Plusieurs rituels défendirent plus tard ces lugubres cérémonies, celui d'Angers, de Reims. (Ibid., p. 1005, 1006.)
140—page 203—Quant aux juifs, on les brûla sans distinction...
«Judæi... sine differentia combusti... Facta quadam fovea permaxima, igne copioso in eam injecto, octies viginti sexies promiscui sunt combusti; unde et multi illorum et illarum cantantes quasique invitati ad nuptias, in foveam saliebant.» (Cont. G. de Nangis, p. 78.)
Mainte veuve y fit jeter son enfant... «Ne ad baptismum raperentur.» (Ibid.)
Quarante juifs s'accordèrent à se faire tuer par un de leurs vieillards...
«Unius antiqui... santior et melior videbatur; unde et ob ejus bonitatem et antiquitatem pater vocabatur.» (Ibid., p. 79).—«Cum funis esset brevior... dimittens se deorsum cadere, tibiam sibi fregit, auri et argenti præ maximo pondere gravatus.» (Ibid.)
141—page 204—L'Angleterre se trouvant désarmée par ces discordes, le roi de France s'empara de l'Agénois...
Voy. le Différend entre la France et l'Angleterre sous Charles-le-Bel, par M. de Bréquigny. La querelle, qui d'abord n'avait pour objet que la possession d'une petite forteresse, prit en peu de temps le caractère le plus grave par la faiblesse d'Édouard et l'audace de ses officiers. Tandis qu'Édouard excuse ses lenteurs à venir rendre hommage, et prie le roi de France d'arrêter les entreprises des Français sur ses domaines, les officiers anglais en Guyenne ruinent la forteresse disputée, et rançonnent le grand maître des arbalétriers de France, qui avait voulu en tirer satisfaction. Édouard se hâta de désavouer ces actes auprès de Charles, et en même temps il donnait ordre à toutes personnes de prêter assistance à Raoul Basset, auteur de l'insulte faite au roi de France. Mais il recula bientôt devant cette guerre et destitua Raoul Basset; ses officiers laissés sans secours durent donner satisfaction à Charles-le-Bel, qui ne s'arrêta pas en si beau chemin: les ambassadeurs d'Édouard lui écrivaient qu'on disait tout haut à la cour de France «qu'on ne voulait mie être servi seulement de parchemin et de parole comme on l'avait été». Édouard, qui d'abord avait eu recours au pape et fait quelques préparatifs, s'alarma de cet orage qui pouvait troubler ses plaisirs. Il donna pleins pouvoirs pour tout terminer, et envoya à Charles un Français nommé Sully avec son plénipotentiaire. Le roi écouta le Français, chassa l'Anglais et fit entrer ses troupes en Guyenne. Agen, après avoir inutilement attendu le secours du comte de Kent, ouvrit ses portes. De nouveaux ambassadeurs vinrent d'Angleterre; ils eurent pour toute réponse qu'il fallait «qu'on souffrît sans obstacle que le roi de France mît en ses mains le reste de la Gascogne, et qu'Édouard se rendît auprès de lui. Alors s'il lui demandait droit, il le lui ferait bon et hâtif; s'il lui requérait grâce, il ferait ce que bon lui semblerait.»
142—page 205—Charles-le-Bel défendit de prendre le parti de la reine Isabeau, etc.
«... Dont plusieurs chevaliers en furent moult courroucés... et dirent que or et argent y étoient efforciement accourus d'Angleterre.» (Froissart, éd. Dacier, I, 26.)—«Si entendit-il secrètement que Charles-le-Bel étoit en volonté de faire prendre sa sœur, son fils, le comte de Kent et messire Roger de Mortimer, et de eux remettre ès mains du roi d'Angleterre et dudit Spenser; et ainsi le vint-il dire de nuit à la reine d'Angleterre et l'avisa du péril où elle étoit.» (Froissart, I, 29.)
143—page 207—Édouard croyait au moins vivre, etc.
«Ut innotuit viri dejectio, plena dolore (ut foris apparuit), fere mente alienata fuit... Misit indumenta delicata et litteras blandientes. Eodem tempore assignata fuit dos reginæ talis et tanta, quod regi filio regni pars tertia vix remansit.» (Wals, p. 126-127.)—«Ipso prostrato et sub ostio ponderoso detento ne surgeret, dum tortores imponerent cornu, et per foramen immitterent ignitum veru in viscera sua.» (Ibid.)
144—page 210—Livre des secrets des fidèles de la croix, par le Vénitien Sanuto...
«Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Amen. En l'an 1321, j'ai été introduit auprès de notre seigneur le Pape et lui ai présenté deux livres sur le recouvrement de la terre sainte, et le salut des fidèles; l'un était couvert en rouge, l'autre en jaune. En même temps j'ai mis sous ses yeux quatre cartes géographiques, l'une de la mer Méditerranée, l'autre de la terre et de la mer, la troisième de la terre sainte, la quatrième de l'Égypte.» (À la suite de Bongars, Gesta Dei per Francos.)
S'il partage son livre en trois parties en l'honneur de la Sainte Trinité, la raison qu'il en donne c'est qu'il y a trois choses principales pour le rétablissement de la santé du corps, le sirop préparatoire, la médecine et le bon régime: «Partitur autem totale opus ad honorem Sanctæ Trinitatis in tres libros. Nam sicut infirmanti corpori... tria impertiri curamus: primo syrupum ad præviam dispositionem... secundo congruam medicinam quæ morbum expellat... tertio ad conservandam sanitatem debitum vitæ regimen... sic conformiter continet liber primus dispositionem quasi syrupum, etc. (Secreta fidelium crucis, etc., p. 9.)
145—page 211—Il propose contre le Soudan d'Égypte un simple blocus...
Dix galères suffiront. Il fixe avec une prévoyance toute moderne ce qu'il faut d'hommes, d'argent, de vivres. La flotte doit être armée à Venise. «Les marins de Venise, dit-il, sauront seuls se conduire sur les plages basses d'Égypte qui ressemblent à leurs lagunes» (p. 35-36). Il n'ose pas demander que l'amiral soit un Vénitien, il se contente de dire qu'il doit être ami des Vénitiens, pour agir de concert avec eux (page 85). «Il faut, dit-il nettement, ou que l'accès de l'Égypte soit absolument interdit, ou qu'il soit élargi et facilité de telle sorte que chacun puisse aller, revenir, commercer par les terres du soudan, en toute liberté, et qu'en ce dernier cas on ne parle plus de recouvrer la terre sainte.»—«Mais, dira-t-on, si le soudan détournait le Nil de la Méditerranée dans la mer Rouge? La chose est impossible; et si elle avait lieu, l'Égypte serait anéantie, elle deviendrait déserte... Le soudan réduit, les forteresses de l'Égypte maritime deviendront un sûr asile pour les nations chrétiennes comme le furent pour les Vénitiens les lagunes de l'Adriatique qui, dans les tempêtes des invasions gauloises, africaines, lombardes et dans celle d'Attila, sont restées inviolées.» (Part. III, ch. ii.) Ces derniers mots font allusion aux craintes récentes que les invasions des Mongols avaient inspirées à toute la chrétienté.
146—page 214—La charte que le roi d'Angleterre accorda aux étrangers...
Le roi déclare qu'il leur accorde à jamais, en son nom et au nom de ses successeurs: 1o de pouvoir venir en sûreté sous la protection royale, libres de divers droits qu'il spécifie: De muragio, pontagio et panagio liberi et quieti; 2o d'y vendre en gros à qui ils voudront; les merceries et épices peuvent même être vendues en détail par les étrangers; 3o d'importer et exporter, en payant les droits, toute chose, excepté les vins, qu'on ne peut exporter sans licence spéciale du roi; 4o leurs marchandises n'auront à craindre ni droit de prise ni saisie; 5o on leur rendra bonne justice; car si un juge leur fait tort, il sera puni même après que les marchands auront été indemnisés; 6o en toute cause où ils seront intéressés, le jury sera composé pour une moitié de leurs compatriotes; 7o dans tout le royaume il n'y aura qu'un poids et une mesure; dans chaque ville ou lieu de foire, il y aura un poids royal, la balance sera bien vide, et celui qui pèse n'y portera pas les mains; 8o à Londres, il y aura un juge desdits marchands, pour leur rendre justice sommaire; 9o pour tous ces droits, ils paieront deux sous de plus qu'autrefois sur chaque tonneau qu'ils amèneront; quarante deniers de plus par sac de laine, etc., etc.; 10o mais une fois ces droits payés, ils pourront aller et commercer librement par tout le royaume.
147—page 217—Ce fut Édouard III qui sur la Table ronde a juré le héron de conquérir la France...
Par devant la roïne, Robert s'agenouilla,
Et dist que le hairon par temps départira,
Mès que chou ait voué que le cuer li dira,
«Vassal, dit la roïne, or ne me parlés jà;
Dame ne peut vouer puis qu'elle seigneur a,
Car s'elle veue riens, son mari pooir a.
Que bien puet rapeller chou qu'elle vouera;
Et honnis soit li corps que jasi pensera,
Devant que mes chiers sires commandé le m'ara.»
Et dist le roy: «Voués, mes cors l'aquittera.
Mes que finer en puisse, mes cors s'en penera;
Voués hardiement, et Dieux vous aidera.»
Adonc, dit la roïne, je sais bien que piecha,
Que suis grosse d'enfant, que mon corps senti là,
Encore n'a il gaires, qu'en mon corps se tourna,
Et je voue, et prometh a Dieu, qui me créa,
Qui nasqui de la Vierge, que ses corps n'enpira,
Et qui mourut en crois, on le crucifia,
Que jà li fruis de moi de mon corps n'istera,
Si m'en arès menée ou païs par delà,
Pour avanchier le veu que vo corps voué a;
Et s'il en voelh isir, quant besoins n'en sera,
D'un grand coutel d'achier li miens corps s'ochira;
Serai m'asme perdue, et li fruis périra.»
Et quand li rois l'entent, moult forment l'en pensa;
Et dist: «Certainement nuls plus ne vouera.»
Li hairons fu partis, la roïne en mengna.
Adonc, quant che fu fait, li rois s'apareilla,
Et fit garnir les nés, la roïne i entra,
Et maint franc chevalier avecques lui mena.
De illoc en Anvers, li rois ne s'arrêta.
Quant outre sont venu, la dame délivra;
D'un beau fils gracieux la dame s'acouka,
Lyon d'Anvers ot non, quant on le baptisa.
Ensi le franque Dame le sien veu acquitta;
Ainsque soient tout fait, main preudomme en morra,
Et maint bon chevalier dolent s'en clamera.
Et mainte preude femme pour lasse s'en tenra.
Adonc parti li cours des Englès par delà.
Chi finent leus veus du hairon.
Ce petit poème se trouve à la fin du tome Ier de Froissart, éd. Dacier-Buchon, p. 420.
148—page 221—Bataille de Cassel...
«Oncques en l'ost du roy ne feit on guet; et les grands seigneurs alèrent d'une tente en l'autre, pour eux déduire, en leurs belles robes. Or vous dirons des Flamans, qui sur le mont étoient... Si feirent trois grosses batailles les Flamans; et veindrent avalant le mont, au grand pas, devers l'ost du roy: et passèrent tout outre, sans cry ne noise: et fut à l'heure de vespres sonnans... Et les Flamans ne s'atargèrent mie, ains veindrent le pas, pour surprendre le roy en sa tente.» (Froissart, I, c. LXIX, p. 123.—Voy. aussi Cont. de Nangis, p. 90. Oudegherst, c. CLIV, f. 259.)—Je regrette de n'avoir pas eu entre les mains l'important ouvrage de M. Warnkœnig, lorsque j'ai imprimé le récit de la bataille de Courtrai: Histoire de la Flandre et de ses institutions civiles et politiques, jusqu'à l'année 1305, par M. Warnkœnig, traduit de l'allemand par M. Ghueldorf, 1835. Voy. particulièrement au premier volume, quelques circonstances intéressantes qui complètent mon récit.
149—page 222—Les quatre tours de Vincennes par leurs ponts-levis, vomissaient aux quatre vents...
Les châteaux, comme les églises du moyen âge, comme les cités antiques, sont, je crois, généralement orientés. Voy. mon Histoire romaine et ma Symbolique du droit.
150—page 223—Robert se plaignait d'avoir été supplanté dans la possession de l'Artois par Mahaut, etc.
Un arrêt de la cour de France, prononcé en plein parlement, déboutait pour toujours Robert et ses successeurs de leurs prétentions et ordonnait «que ledit Robert amast ladite comtesse comme sa chière tante, et ladite comtesse ledit Robert comme son bon nepveu».
151—page 223—Personne n'eut plus de part que Robert à ce qu'un fils de Charles-de-Valois parvînt au trône...
L'ancienne Chronique de Flandre allait même jusqu'à lui en donner tout l'honneur: «Et n'estoient mie les barons d'accord de faire le roy, mais toutefois par le pourchas de messire Robert d'Artois fut tant la chose démenée, que messire Philippe... fut élu à roy de France.» (Chron., ch. LXVII, p. 131, Mém. Ac. Insc., X, 592.)
152—page 224—Le roi réservait à Robert le droit de proposer ses raisons...
«Sur ce qu'il lui a esté donné à entendre, que au traitté de mariage de Philippe d'Artois avec Blanche de Bretagne... duquel traicté furent faites deux paires de lettres rattiffiées par Philippe-le-Bel... et furent enregistrées en nostre Cour ès registre, lesquelles lettres, depuis le deceds dudit comte, ont esté fortraites par notre chière cousine Mahault d'Artois.» (1329. Chron. de Flandre, p. 601.)
153—page 224 et suiv.—... La maîtresse de l'évêque, une certaine dame Divion...
«Quædam mulier nobilis et formosa, quæ fuerat M. Theoderici concubina.» (Gest. episc. Leod., p. 408.)
La Divion prétendit que Jeanne-de-Valois la menaçait de la faire brûler...
Elle l'en menaçait même au nom du Roi. «J'ai voulu vous excuser, disait-elle, en luy représentant que vous n'aviez nulle desdites lettres, et il m'a répondu qu'il vous ferait ardoir se vous ne l'en baillez.» (Ibid., 600.)
... Elle y plaqua de vieux sceaux, etc.
La Divion avait été envoyée tout exprès en Artois pour se procurer le sceau du comte. Elle parvint après quelque recherche à en trouver un entre les mains d'Ourson-le-Borgne dit le beau Parisis. Il en voulait trois cents livres. Comme elle ne les avait pas, elle offrit d'abord en gage un cheval noir sur lequel son mari avait joûté à Arras. Ourson refusa; alors, autorisée de son mari, elle déposa des joyaux, savoir deux couronnes, trois chapeaux, deux affiches, deux anneaux, le tout d'or et prisé sept cent vingt-quatre livres parisis.» (Ibid., 609-610.)—«Ensuite elle prit un scel à une lettre qui estoit scellée dudit évêque Thierry, et par barat engigneur, l'osta de cette lettre vieille et le plaça à la nouvelle. Et a ce faire furent présens Jeanne et Marie, meschines (servantes) de ladite Divion, laquelle Marie tenoit la chandelle, et Jehanne li aidoit. (Ibid., 598. Déposition de Martin de Nuesport.) La Divion déclara qu'elle assista seule avec la dame de Beaumont et Jeanne à l'application des sceaux «et n'y avoit à faire que elles trois tant seulement». (Ibid., p. 611.)—De plus «pour ce que le Roy Philippe avoit accoustumé de faire ses lettres en latin», on avait demandé à un chapelain Thibaulx, de Meaux, de donner en cette langue le commencement et la fin d'une lettre de confirmation qui devait, disait-on, servir au mariage de Jean d'Artois avec la demoiselle de Leuze. (Ibid., p. 612.)
À cette époque de calligraphie, etc.
La Divion semble pourtant attacher grande importance à son œuvre; elle faisait passer les pièces, à mesure qu'elle les fabriquait, à Robert d'Artois, «disant teles paroles: Sires vées ci copie des lettres que nous avons, gardez si elle est bonne; et il respondoit: Si je l'avoie de cette forme, il me suffiroit.» Elle voulut même les soumettre d'abord à des experts. (Mém. Ac., X, ibid.)
Robert produisait cinquante-cinq témoins...
Archives, sect. hist., J, 439, no 2.—Ils avaient eu soin de ménager à ces témoignages un commencement de preuve par écrit, dans la fausse lettre de l'évêque d'Arras: «Desquelles lettres jou en ay une, et les autres ou traictié du mariage madame la Royne Jehanne furent par un de nos grands seigneurs gettés au feu...» (Ibid., p. 597.)
Il soutint mal ce roman, etc.
«... Et jura au Roy, mains levées vers les saints, qu'à un homme vestu de noir aussi comme l'archevêque de Rouen, il avoit baillé lesdites lettres de confirmation.» Cet homme vêtu de noir était son confesseur; Robert les lui avait données, puis les avait reçues de ses mains; moyennant quoi il jurait en toute sûreté de conscience. (Ibid., p. 610.)
La Divion avoua tout ainsi que les témoins...
Jacques Roudelle convint qu'on lui avait dit, que s'il déposait «ce luy vaudrait un voyage à Saint-Jacques en Gallice». Gérard de Juvigny, «qu'il avoit rendu faux témoignage à la requeste dudit Monsieur Robert, qui venoit chiez luy si souvent, qu'il en estoit tou ennuyé.» (Ibid., 599.)
Déposition de la Divion: «... Item elle confesse que Prot sondit clerc, de son commandement, escript toutes lesdites fausses lettres de sa main, et escript celle ou pent le scel de ladite feu comtesse o une penne d'airain, pour sa main desguizier... Item elle dit que mons. Robert assez tost après en envoya ledit Prot elle ne scet où, en quel lieu, ne en quel part, que elle avoit dit à mons. Robert, Sire, je ne say que nous faciens de cest clerc, je me doubt trop de sa contenance, car il est si paoureus que c'est merveille et que à chacune chose que il oyoit la nuit, il dit: Ay ma demoiselle, Ay Jehanne, Ay Jehanne, les sergents me viennent querre, en soy effreant et disant, Je en ay trop grand paour. Et à moy mesme a il dit plusieurs fois, tout de jours, de la grant paour qu'il en avoit, que se il est pris et mis en prison, il dira tout sans riens espargnier. Et dit que ledit mons. Robert li respondoit, Nous nous enchevirons bien. Mes elle ne scet ou il est, fors que elle croit que il est en aucuns des hébergemens des terouere audit mons. Robert.» (Archives, section hist., J, 440, no 11.) «Item elle dit que par trop de fois la dite dame Marie sagenouilla devant elle, en li priant, en plorant et adjointes mains, par tels mos, Pour dieux, damoiselle, faites tant que Monseigneur aie ces lettres que vous savez, qui li ont métier pour son droit don comté d'Artoys, et je say bien que vous le ferez bien se il vous plaist, car ce soit grand meschief s'il estoit desherité par deffaut de lettres, il ne li faut que trop pou de lettre. Le roy a dit à Madame que sil li en puet monstrer letre, ja si petite ne fet, que il delivrera la conté, et pour Dieu pensez en et en mettez Monseigneur et Madame hors de la mesaise ou il en sont. Car il sont en si grant tristesse quil n'en pueent boire, mengier, dormir ne reposer nuit ne jour.» (Archives, section hist., J, 440, no 11.)
154—page 226—Robert avait envoyé des assassins pour tuer le duc de Bourgogne...
«Les assassins vinrent jusqu'à Reims, ou ils cuidoient trouver le comte de Bar a une feste qu'il y devoit tenir pour dames;» mais on était sur leurs traces, ils durent revenir; ce coup manqué, Robert d'Artois se décida à venir lui-même en France. Il y passa quinze jours, et revint convaincu par les insinuations de sa femme que tout Paris serait pour lui, s'il tuait le roi. (Mém. de l'Acad., X, p. 625-6.)
155—page 226—Robert essayait d'envoûter la reine et son fils...
«Entre la S. Remy et la Toussaint de la même année 1333, frère Henry fut mandé par Robert, qui, après beaucoup de caresses, débuta par luy faire derechef une fausse confidence, et luy dit que ses amis luy avoient envoyé de France un volt ou voust, que la Reine avoit fait contre luy. Frère Henry lui demanda «que est ce que voust? C'est une image de cire, répondit Robert, que l'en fait pour baptiser, pour grever ceux que l'on welt grever. L'en ne les appelle pas en ces pays voulz, répliqua le moine, l'en les appelle manies.» Robert ne soutint pas longtemps cette imposture: il avoua à frère Henry que ce qu'il venoit de luy dire de la Reine n'estoit pas vray, mais qu'il avoit un secret important à luy communiquer; qu'il ne le lui diroit qu'après qu'il auroit juré qu'il le prenoit sous le sceau de la confession. Le moine jura, «la main mise au piz». Alors Robert ouvrit un petit écrin et en tira «une image de cire enveloppée en un quevre-chief crespé, laquelle image estoit à la semblance d'une figure d'un jueune homme, et estoit bien de la longueur d'un pied et demi, ce li semble, et si le vit bien clerement par le quevre-chief qui estoit moult deliez, et avoit entour le chief semblance de cheveux aussi comme un jeune homme qui porte chief.» Le moine voulut y toucher. «N'y touchiez, frère Henry, luy dit Robert, il est tout fait, icestuy est tout baptisiez, l'en le m'a envoyé de France tout fait et tout baptisié; il n'y faut riens à cestuy, et est fait contre Jehan de France et en son nom, et pour le grever: Ce vous dis-je bien en confession, mais je en vouldroye avoir un autre que je vouldroye que il fut baptisié. Et pour qui est-ce? dit frère Henry. C'est contre une dyablesse.
Robert, c'est contre la Royne. Non pas Royne, c'est une dyablesse; ja tant comme elle vive, elle ne fera bien ne ne fera que moy grever, ne ja que elle vive je n'auray ma paix, mais se elle estoit morte et son fils mort, je auroie ma paix tantos au Roy, quar de luy ferois-je tout ce qu'il me plairoit, je ne m'en doubte mie, si vous prie que vous me le baptisiez, quar il est tout fait, il n'y faut que le baptesme, je ay tout prest les parrains et les maraines et quant que il y a mestier, fors de baptisement... il n'y fault à faire fors aussi comme à un enfant baptiser, et dire les noms qui y appartiennent.» Le moine refusa son ministère pour de pareilles opérations, remontra «que c'étoit mal fait d'y avoir créance, que cela ne convenoit point à si hault homme comme il estoit. Vous le voulez faire sur le Roy et sur la Royne qui sont les personnes du monde qui plus vous peuvent ramener à honneur.» Monsieur Robert répondit: «Je ameroie mieux estrangler le dyable que le dyable m'estranglat.» (Ibid., p. 627.)
156—page 227—Benoît XII avoua, en pleurant aux ambassadeurs impériaux, etc.
«In aurem nuntiis quasi flens conquerebatur, quod ad principem esset inclinatus, et quod rex Franciæ sibi scripserit certis litteris, si Bavarum sine ejus voluntate absolveret, pejora sibi fierent, quam papæ Bonifacio a suis prædecessoribus essent facta.» (Albertus Argent., p. 127.)
157—page 229—Édouard, ayant défendu l'exportation des laines, réduisit la Flandre au désespoir...
«Statutum fuit quod nulla lana crescens in Anglia exeat, sed quod ex ea fierent panni in Anglia.» (Walsingh., Hist. Angl.)—«Vidisses tum multos per Flandriam textores, fullones, aliosque qui lanificio vitam tolerant, aut inopia mendicantes, aut præ pudore et gravamine æris alieni solum vertentes.» (Meyer, p. 137.)
On attirait à tout prix les ouvriers flamands en Angleterre...
«Quod omnes operatores pannorum, undicunque in Angliam venientes reciperentur, et quod loca opportuna assignarentur eisdem, cum multis libertatibus et privilegiis, et quod haberent...»—On leur rendait la nécessité d'émigrer plus pressante, non seulement en leur refusant les laines, mais de plus en prohibant les produits de leur industrie... «Item statutum fuit quod nullus uteretur panno extra Angliam operato.» (Walsingham, 1335, 1336.—Voy. Rymer, passim, l'Hist. du commerce d'Anderson, etc.)
158—page 230—Les villes haïssaient le comte parce qu'il admettait les Français au partage de leur commerce...
«Mercatoribus S. Joanis Angeliaci et Rupellæ dedit ut liceret illis... frequentare portum Flandrensem apud Slusam adferentes quascumque mercaturas constituentesque stabilem sibi sedem vinorum suorum in oppido Dummensi... eaque in mercura omne monopolium prohibens.» (Meyer, p. 135.)
159—page 230—Artevelde organisa une vigoureuse tyrannie...
«Et avoit adonc à Gand un homme qui avoit été brasseur de miel; celui étoit entré en si grande fortune et en si grande grâce à tous les Flamands, que c'étoit tout fait et bien fait quand il vouloit deviser et commander partout Flandre, de l'un des côtés jusques à l'autre; et n'y avoit aucun, comme grand qu'il fut, qui de rien osât trépasser son commandement, ni contredire. Il avoit toujours après lui allant aval (en bas) la ville de Gand soixante ou quatre-vingts varlets armés, entre lesquels il y en avoit deux ou trois qui savoient aucuns de ses secrets; et quand il encontroit un homme qu'il heoit (haïssoit) ou qu'il avoit en soupçon, il étoit tantôt tué; car il avoit commandé à ses secrets varlets et dit: «Sitôt que j'encontrerai un homme, et je vous fais un tel signe, si le tuez sans déport (délai), comme grand, ni comme haut qu'il soit, sans attendre autre parole.» Ainsi avenoit souvent; et en fit en cette manière plusieurs grands maîtres tuer: par quoi il étoit si douté (redouté) que nul n'osoit parler contre chose qu'il voulut faire, ni à peine penser de le contredire. Et tantôt que ces soixante varlets l'avoient reconduit en son hôtel, chacun alloit dîner en sa maison; et sitôt après dîner, ils revenoient devant son hôtel, et béoient (attendoient) en la rue, jusques adonc qu'il vouloit aller aval (en bas) la rue, jouer et ébattre parmi la ville; et ainsi le conduisoient jusques au souper. Et sachez que chacun de ces soudoyés (soldats) avoit chacun jour quatre compagnons ou gros de Flandre pour ses frais et pour ses gages; et les faisoit bien payer de semaine en semaine. Et aussi avoit-il par toutes les villes de Flandre et les chatelleries sergents et soudoyés à ses gages, pour faire tous ses commandemens et épier s'il avoit nulle part personne qui fût rebelle à lui, ni qui dît ou informât aucun contre ses volontés. Et sitôt qu'il en savoit aucun en une ville, il ne cessoit jamais tant qu'il eut banni ou fait tuer sans déport (délai); jacil (celui-ci) ne s'en put garder. Et mêmement tous les plus puissants de Flandre, chevaliers, écuyers et les bourgeois des bonnes villes qu'il pensoit qui fussent favorables au comte de Flandre en aucune manière, il les bannissoit de Flandre et levoit la moitié de leurs revenues, et laissoit l'autre moitié pour le douaire et le gouvernement de leurs femmes et de leurs enfans.» (Froissart, t. I, c. LXV, p. 184.)
«Artevelde louoit qu'on teinst le roy d'Angleterre à amy»...
Sauvage, p. 143. «Ejus fœderis præcipui auctores fuere Jacob Artevelda, et Sigerus Curtracensis eques Flandrus nobilissimus. Sed hunc Ludovicus... jussu Philippi regis, Brugis decollavit.» (Meyer, p. 138; comp. Froissart, p. 187.)
160—page 231—Édouard fit lire dans les paroisses une circulaire au peuple...
Rymer, t. IV, p. 804. De même avant la campagne qui se termina par la bataille de Créci, il écrivit aux deux chefs des Dominicains et des Augustins, prédicateurs populaires: «Rex dilecto sibi in Christo.... ad informandum intelligentias et animandum nostrorum corda fidelium... specialiter vos quibus expedire videretis clero et populo velitis patenter exponere...» (Rymer, Acta public, V, 496.)
161—page 239—Les Flamands allèrent piller Arques à côté de Saint-Omer...
Robert d'Artois les conduisait: «Par un mercredi matin il manda tous les chèvetaines de son ost, et leur dit: Seigneurs, j'ay ouy nouvelles que je m'en voise vers la ville de Saint-Omer, et que tantôt me sera rendue. Lesquels sans délay se coururent armer, et disoient l'un à l'autre: Or tost, compain: Nous bevrons encore en huy de ces bons vins de Saint-Omer.» (Chronique publiée par Sauvage, p. 156.)
162—page 240—Heureusement pour Édouard, la Bretagne prit feu...
Le comte de Montfort était venu lui faire hommage. «Quand le roi anglois eut ouï ces paroles, il y entendit volontiers, car il regarda et imagina que la guerre du Roy de France en seroit embellie, et qu'il ne pouvoit avoir une plus belle entrée au royaume, ne plus profitable, que par Bretagne; et tant qu'il avoit guerroyé par les Allemands et les Flamands et les Brabançons, il n'avoit fait fors que frayé et dépendu grandement et grossement; et l'avoient mené et démené les seigneurs de l'Empire qui avoient pris son or et son argent, ainsi que l'avoient voulu, et rien n'avoient fait.» (Froissart, ann. 1341, II, p. 20.) Les lettres par lesquelles Louis de Bavière révoque le titre de vicaire de l'Empire sont du 25 juin 1341.
163—page 244—Montfort avait pour lui les Bretons bretonnants...
Froissart, t. I, c. 314. «Si chevaucha le connestable premièrement Bretagne bretonnant, pourtant qu'il la sentoit tousjours plus encline au duc Jehan de Montfort, que Bretagne gallot.»—«La dame de Montfort tenoit plusieurs forteresses en Bretagne bretonnante.»—Le comte de Montfort fut enterré à Quimper-Corentin. (Sauvage, p. 175.)
164—page 245—L'adversaire de Montfort, Charles de Blois, n'était pas moins qu'un saint...
Procès-verbal et informations sur la vie et les miracles de Charles duc de Bretagne, de la maison de France, etc. Ms. de la Bibl. du Roi, 2 vol. in-fol., no 5381. D. Morice, Preuves, t. II, p. 1, en a donné l'extrait, d'après un autre manuscrit.—XXIVe témoin, Yves le Clerc, t. I, p. 147: «Non mutabat cilicem suum, dum fuisset tanto plenum pediculis, quod mirum erat, et quando cubicularius volebat amovere pediculos a dicto cilice, ipse dominus Carolus dicebat: «Dimittatis, nolo quod aliquem pediculum amoveatis», et dicebat quod sibi malum non faciebant et quod, quando ipsum pungebant, recordabatur de Deo»...
Quand il priait Dieu, il se battait furieusement la poitrine...
«In tantum quod adstantibus videbatur quod a sensu alienatus erat, et color vultus ipsius mutabatur de naturali colore in viridem.» (XVIIe témoin, Pagan de Quélem, t. I, p. 87.)
165—page 246—Montfort se rendit, et contre la capitulation fut enfermé à la tour du Louvre...
La Chronique en vers de Guillaume de Saint-André, conseiller, ambassadeur et secrétaire du duc Jean IV, notaire apostolique et impérial, ne laisse aucun doute sur la duplicité dont on usa envers lui. (Roujoux, III, p. 178.)
166—page 249—Les fabricants, soutenus par Artevelde, écrasèrent les ouvriers...
«Malus dies lunæ (Den quaden maendach)... Pugnabant textores contra fullones ac parvum quæstum. Dux textorum Gerardus erat, quibus et Artevelda accessit.» (Meyer, p. 146.) «Lesquels ayant occis plus de quinze cents foullons, chassèrent les autres dudict mestier hors de la ville, et réduisirent ledict mestier de foullons à néant, comme il est encoires pour le jourd'huy.» (Oudegh, f. 271.)
167—page 249—Artevelde fut tué...
«Quand il eut fait son tour, il revint à Gand et entra en la ville, ainsi comme à heure de midi. Ceux de la ville qui bien savoient sa revenue, étoient assemblés sur la rue par où il devoit chevaucher en son hôtel. Sitôt qu'ils le virent, ils commencèrent à murmurer et à bouter trois têtes en un chaperon, et dirent: «Voici celui qui est trop grand maître et qui veut ordonner de la comté de Flandre à sa volonté; ce ne fait mie à souffrir.»... Ainsi que Jacques d'Artevelle chevauchoit par la rue, il se aperçut tantôt qu'il y avoit aucune chose de nouvel contre lui, car ceux qui se souloient incliner et ôter leurs chaperons contre lui, lui tournoient l'épaule, et rentroient en leurs maisons. Si se commença à douter; et sitôt qu'il fut descendu en son hôtel, il fit fermer et barrer portes et huis et fenêtres. À peine eurent ses varlets ce fait, quand la rue où il demeuroit fut toute couverte, devant et derrière, de gens, spécialement de menues de métier. Là fut son hôtel environné et assailli devant et derrière, et rompu par force. Bien est voir (vrai) que ceux de dedans se défendirent moult longuement et en alterrèrent et blessèrent plusieurs; mais finalement ils ne purent durer, car ils étoient assaillis si roide que presque les trois parts de la ville étoient à cet assaut. Quand Jacques d'Artevelle vit l'effort, et comment il étoit appressé, il vint à une fenêtre sur la rue, se commença à humilier et dire, par trop beau langage et à un chef: «Bonnes gens, que vous faus? Que vous meut? Pourquoi êtes-vous si troublés sur moi? En quelle manière vous puis-je avoir courroucé? Dites-le moi, et je l'amenderai pleinement à votre volonté.» Donc répondirent-ils, à une voix, ceux qui ouï l'avoient: «Nous voulons avoir compte du grand trésor de Flandre que vous avez devoyé sans titre de raison.» Donc répondit Artevelle moult doucement: «Certes, seigneurs, au trésor de Flandre ne pris-je oncques denier. Or vous retraiez bellement en vos maisons, je vous en prie, et revenez demain au matin; et je serai si pourvu de vous faire et rendre bon compte que par raison il vous devra suffire.» Donc répondirent-ils, d'une voix: «Nennin, nennin, nous le voulons tantôt avoir; vous ne nous échapperez mie ainsi: nous savons de vérité que vous l'avez vidé de piéça, et envoyé en Angleterre, sans notre sçu, pour laquelle cause il vous faut mourir.» Quand Artevelle ouit ce mot, il joignit ses mains et commança pleurer moult tendrement, et dit: «Seigneurs, tel que je suis vous m'avez fait, et me jurâtes jadis que contre tous hommes vous me défendriez et garderiez; et maintenant vous me voulez occire et sans raison. Faire le pouvez, si vous voulez, car je ne suis que un seul homme contre vous tous, à point de défense. Avisez pour Dieu, et retournez au temps passé. Si considerez les grâces et les grands courtoisies que jadis vous ai faites. Vous me voulez rendre petit guerredon (récompense) des grands biens que au temps passé je vous ai faits. Ne savez-vous comment toute marchandise étoit périe en ce pays? je la vous recouvrai. En après, je vous ai gouvernés en si grande paix, que vous avez eu, du temps de mon gouvernement, toutes choses à volonté, blés, laines, avoir, et toutes marchandises, dont vous êtes recouvrés et en bon point.» Adonc commencèrent eux à crier tous à une voix: «Descendez, et ne nous sermonez plus de si haut: car nous voulons avoir compte et raison tantôt du grand trésor de Flandre que vous avez gouverné trop longuement, sans rendre compte; ce qui n'appartient mie à nul officier qu'il reçoive les biens d'un seigneur et d'un pays, sans rendre compte.» Quand Artevelle vit que point ne se refroidiroient ni refreneroient, il recloui (referma) la fenêtre, et s'avisa qu'il videroit par derrière, et s'en iroit en une église qui joignoit près de son hôtel étoit jà rompu et effondré par derrière, et y avoit plus de quatre cents personnes qui tous tiroient à l'avoir. Finalement il fut pris entre eux et là occis sans merci, et lui donna le coup de la mort un tellier (tisserand) qui s'appeloit Thomas Denis. Ainsi fina Artevelle, qui en son temps fut si grand maître en Flandre: poures (pauvres) gens l'amontèrent (l'élevèrent) premièrement, et méchants gens le tuèrent en la parfin.» (Froissart, II, 254-9.)
168—page 250—Si l'on en croyait l'invraisemblable récit de Froissart, etc.
«Si singlèrent ce premier jour à l'ordonnance de Dieu, du vent, et des mariniers, et eurent assez bon exploit pour aller vers Gascogne ou le roi tendoit aller. Au tiers jour... le vent les rebouta sur les marches de Cornouailles... En ce termine eut le roi autre conseil par l'ennort et information de messire Godefroy d'Harcourt qui lui conseilla qu'il prit terre en Normandie. Et dit adonc au roi: Sire, le pays de Normandie est l'un des plus gros du monde... et trouverez en Normandie grosses villes et bastides qui point ne sont fermées, ou vos gens auront si grand profit, qu'il en vaudront mieux vingt ans après.» (Froiss., II, c. CCLIV, p. 296.)
169—page 250—Le pillage de la Normandie par les Anglais...
«Et fit messire Godefroy de Harcourt conducteur de tout son ost, pourtant qu'il savoit les entrées et les issues en Normandie... Si trouvèrent le pays gras et plentureux de toutes choses, les granges pleines de blés, les maisons pleines de toutes richesses, riches bourgeois, chevaux, pourceaux, brebis, moutons, et les plus beaux bœufs du monde que on nourrit en ce pays.» (Froiss., II, p. 303.)—«Ils vinrent à Barfleur... la ville fut robée et pris or, argent et riches joyaux; car ils en trouvèrent si grand foison, que garçons n'avoient cure de draps fourrés de vair.» (Ibid.)—«Et furent les Anglois de la ville de Caen seigneurs trois jours et envoyèrent par barges tout leur gain, draps, joyaux, vaisselle d'or et d'argent et toutes autres richesses dont ils avoient grand'foison jusques à leur grosse navie; et eurent avis par grand'délibération que leur navie à (avec) tout le conquet et leurs prisonniers ils enverroient arrière en Angleterre.» (Ibid., 320.)—«Et trouva-t-on en ladite ville de Saint-Lo manants huit ou neuf mille que bourgeois, que gens de métier... on ne peut croire a la grand'foison de draps qu'ils y trouverent.» (Ibid., p. 311).—«Louviers adonc etoit une des villes de Normandie ou l'on faisoit la plus grand'plenté de draperie et etoit grosse, riche et marchande mais point fermée... et fut robée et pillée, sans deport et conquirent les Anglois très grand avoir.» (Ibid., p. 323.)
170—page 251—Pour animer ses gens, Édouard découvrit à Caen un acte, etc.
Rymer, III, pars I, p. 76.—Ils auraient promis de fournir 4000 hommes d'armes, 20,000 de pied dont 5000 arbalétriers tous pris dans la province, excepté 1000 hommes d'armes que le duc de Normandie pourrait choisir ailleurs, mais qui seraient payés par les Normands. Ils s'obligeaient à entretenir ces troupes pendant dix et même douze semaines. Si l'Angleterre est conquise, comme on l'espère, la couronne appartiendra dès lors au duc de Normandie. Les terres et droits des Anglais nobles et roturiers, séculiers, appartiendront aux églises, barons, nobles et bonnes villes de Normandie. Les biens appartenant au pape, à l'Église de Rome et à celle d'Angleterre, ne seront point compris dans la conquête. Robert d'Avesbury rapporte cet acte en entier d'après la copie trouvée, dit-il, à Caen, 1346.—Ce langage belliqueux, cette certitude de la conquête, s'accordent mal avec l'état pacifique où Édouard trouva le pays.
171—page 253 et suiv.—Bataille de Créci...
«Il n'est nul homme qui put accorder la vérité, spécialement de la partie des François, tant y eut pauvre arroy et ordonnance en leurs conrois (dispositions), et ce que j'en sais, je l'ai su le plus... par le gens messire Jean de Hainaut, qui fut toujours de lez le roi de France.» (Froissart, III, 357.)
Les gens du roi de Bohême lièrent leurs chevaux au sien, etc.
Froiss., I, c. CCLXXXVIII, p. 363. Il y a là un vieil usage barbare. Voy. la Germania, de Tacite, et les récits de la bataille de Las navas de Tolosa.
Le champ de bataille de Créci...
Froissart, c. CCXCIII, p. 373.—Ibid., II, p. 375-380: «Si en eut morts sur les champs, que par haies, que par buissons, ainsi qu'ils fuyoient, plus de sept mille. Ainsi chevauchèrent cette matinée les Anglois querants aventures et rencontrerent plusieurs François qui s'étoient fourvoyés le samedi et mettaient tout à l'épée, et me fut dit que des communautés et des gens de pied des cités et des bonnes villes de France il y en eut mort ce dimanche au matin, plus quatre fois que le samedi que la grosse bataille fut... Les deux chevaliers messire Regnault de Cobham et messire Richard de Stanfort dirent que onze chefs de princes étoient demeurés sur la place, quatre-vingts bannerets, douze cents chevaliers d'un écu et environ 30,000 hommes d'autres gens.»
172—page 257—Les villes maritimes d'Angleterre donnèrent une flotte à Édouard...
Quelques villes de l'intérieur contribuèrent aussi, mais dans une proportion bien différente. La puissante ville d'York donna un vaisseau et neuf hommes. (Anderson, I, 322.)
173—page 258—Autour de Calais, Édouard bâtit une ville...
«Et fit bâtir entre la ville et la rivière et le pont de Nieulai hotels et maisons et couvrir lesdites maisons qui étoient assises et ordonnées par rues bien et facilement d'estrain (paille) et de genêts, ainsi comme s'il dut là demeurer dix ou douze ans, car telle étoit son intention qu'il ne s'en partiroit par hiver ni par été, tant qu'il l'eut conquise.» (Froiss., p. 385.)
Cinq cents personnes moururent de misère et de froid, entre la ville et le camp...
Knyghton, De event. Angl., l. IV. Froissart dit au contraire que non seulement il les laissa passer parmi son ost, mais encore qu'il les fit dîner copieusement. (II, p. 387.)
174—page 259—Les gens de Tournai emportèrent bravement une tour...
«Si s'avancèrent ceux de Tournai, qui bien étoient quinze cents et allerent de grand volonté cette part. Ceux de dedans la tour en navrèrent aucuns. Quand les compagnons de Tournai virent ce, ils furent tous courroucés et se mirent de grande volonté à assaillir ces Anglais. La eut dur assaut et grand, et moult de ceux de Tournai blessés, mais ils firent tant que par force et grand appertise de corps, ils conquirent cette tour. De quoi les Français tinrent ce fait à grand prouesses.» (Froiss., II, p. 449.)
175—page 260—Les Anglais haïssaient mortellement les Calaisiens, comme marins, comme corsaires...
Villani, qui devait être très bien instruit des affaires de France par les marchands florentins et lombards, dit expressément qu'Édouard était résolu à faire pendre ceux de Calais comme pirates, parce qu'ils avaient causé beaucoup de dommages aux Anglais sur mer. (Villani, l. XII, c. XCV.)—M. Dacier a comparé les récits divers des historiens (Froissart, III, 466-7). Voy. aussi une dissertation de M. Bolard, couronnée par la Société des antiquaires de la Morinie.—Aucun critique, que je sache, n'a senti toute la portée du passage de Villani.
176—page 261—Cette grande action se fit tout simplement...
C'est peut-être pour cela que les historiens contemporains ne désignent point Eustache de Saint-Pierre et ses compagnons, lorsqu'ils font mention de cette circonstance: «Burgenses procedebant cum simili forma, habentes funes singuli in manibus suis, in signum quod rex eos laqueo suspenderet vel salvaret ad voluntatem suam.» (Knyghton.) Le récit de Thomas de la Moor s'accorde avec cet historien. Villani dit qu'ils sortirent nus en chemise, et Robert d'Avesbury qu'Édouard se contenta de retenir prisonniers les plus considérables. Toutes ces données réunies forment les éléments du dramatique récit de Froissart.
177—page 261, note—Plusieurs Calaisiens se tournèrent aux Anglais, entre autres Eustache de Saint-Pierre...
Par des lettres du 8 octobre 1347, deux mois après la reddition de Calais, Édouard donne à Eustache une pension considérable en attendant qu'il ait pourvu plus amplement à sa fortune. Les motifs de cette grâce sont les services qu'il devait rendre soit en maintenant le bon ordre dans Calais, soit en veillant à la garde de cette place. D'autres lettres du même jour lui accordent la plupart des maisons et emplacements qu'il avait possédés dans cette ville et en ajoutent quelques autres. (Voy. Froiss., II, p. 473.)
178—page 262—... qu'il chassât le renard...
Ce caractère du fox-hunter anglais n'est pas moderne. Voy. au t. IV, l'entrée d'Henri V à Paris.
179—page 264—Ces décimes arrachées au clergé, les nobles en avaient bonne part...
«Illis autem diebus (1346) levabat dominus rex decimas ecclesiarum de voluntate domini papæ... et sic infinitæ pecuniæ per diversas cautelas levabantur, sed revera quanto plures nummi in Francia per tales extorquebantur, tanto magis Dominus Rex depauperabatur; pecuniæ militibus multis et nobilibus, ut patriam et regnum juvarent et defensarent contribuebantur, sed omnia ad usus inutiles ludorum, ad taxillos et indecentes jocos contumaciter exponebantur.» (Contin. G. de Nangis, p. 108.)
180—page 266—Narbonne avait diminué, etc...
Narbonne demande qu'on lui allège les contributions de guerre: «L'inondation de l'Aude nous a extrêmement incommodés, et le nombre de feux est diminué de cinq cents depuis quatre à cinq ans; plusieurs habitants sont réduits à la mendicité, etc.» (D. Vaissette, Hist. de Lang., IV, 231).
181—page 267—La peste noire fut terrible à Paris...
Contin. G. de Nangis, p. 110, et le traducteur contemporain de la Petite Chronique de Saint-Denis, ms. Coaslin, no 110. Bibl. Reg.—«Ad sepeliendos mortuos vix sufficere poterant. Patrem filius, et filius patrem in grabato relinquebat.» Contin. Can. de S. Victore, ms. Bibl. Reg., no 818, petit in-4o .
Elle tua dans Strasbourg 16,000 hommes qui se crurent damnés...
Voy., entre autres ouvrages, la thèse remarquable de M. Schmidt, de Strasbourg, sur les mystiques du quatorzième siècle.
182—page 269—Les flagellants chantant des cantiques qu'on n'avait jamais entendus...
«Noviter adinventas.» (Contin. G. de Nangis, III.)—M. Mazure, bibliothécaire de Poitiers, a publié un cantique fort remarquable que les frères de la Croix avaient coutume de chanter dans leurs cérémonies:
Or avant, entre nous tous frères
Battons nos charognes bien fort
En remembrant la grant misère
De Dieu et sa piteuse mort,
Qui fut pris en la gent amère
Et vendus et traïs à tort
Et battu sa char vierge et dère...
Au nom de ce, battons plus fort, etc.
183—page 272—Les jouissances égoïstes qui suivent les grandes calamités...
Thucydide nous a retracé le même effet dans la description de la peste de l'Attique. Il exprime aussi un remarquable progrès du scepticisme, lorsqu'il rappelle la fausse interprétation donnée aux paroles de l'oracle (λιμὸς, faim, pour λοιμὸς, peste).
«Ceux qui restaient, hommes et femmes, se marièrent en foule...»
«... Sed quod supra modum admirationem facit, est quod dicti pueri nati post tempus illud mortalitatis supradictæ, et deinceps dum ad ætatem dentium devenerunt, non nisi viginti dentes vel viginti duos in ore communiter habuerunt, cum ante dicta tempora homines de communi cursu triginta duos dentes et supra simul in mandibulis habuissent.» (Contin. G. de Nangis, p. 110.)
184—page 274—Modes nouvelles en France et en Angleterre...
Chaucer, 198. Gaguin, apud Spond., 488. Lingard, ann. 1350, t. IV, p. 106-7 de la trad.
Robes courtes, etc.
«Ad fugiendum coram inimicis magis apti.» (Contin. G. de Nangis, p. 105).
185—page 276—Laure est épouse, elle est mère, elle vieillit, toujours adorée...
«Non tam corpus amasse quam animam... Quo illa magis in ætate progressa est... eo firmior in opinione permansi; et si enim visibiliter in vere flos tractu temporis languesceret, animi decus augebatur...» (Pétrar., p. 356.) Il semble qu'il ait reconnu plus tard la vanité de ses amours: «Quotiens tu ipse... in hac civitate (quæ malorum tuorum omnium non dicam causa, sed officina est), postquam tibi convaluisse videbaris... per vicos notos incedens ac sola locorum facie admonitus veterum vanitatum, ad nullius occursum stupuisti, suspirasti, substitisti, denique vix lacrymas tenuisti, et mox semisaucius fugiens dixisti tecum: Agnosco in his locis adhuc latere nescio quas antiqui hostis insidias; reliquiæ mortis hic habitant...» (De Cont. mundi., p. 360, ed. Basileæ, 1581.)—Voy. aussi, entre autres ouvrages relatifs à Pétrarque, les Mémoires de l'abbé de Sades; l'ouvrage récent, intitulé: Viaggi di Petrarcha, l'article de la Biographie universelle, par M. Foisset, etc.
À la nouvelle de sa mort, Pétrarque écrivit cette note touchante sur son Virgile...
«Laure, illustre par ses propres vertus, et longtemps célébrée par mes vers, parut, pour la première fois à mes yeux, au premier temps de mon adolescence, l'an 1327, le 6 du mois d'avril, à la première heure du jour (six heures du matin), dans l'église de Sainte-Claire d'Avignon, et dans la même ville, au même mois d'avril, le même jour 6 et à la même heure, l'an 1348, cette lumière fut enlevée au monde, lorsque j'étais à Vérone, hélas! ignorant mon triste sort. La malheureuse nouvelle m'en fut apportée par une lettre de mon ami Louis: Elle me trouva à Parme, la même année, le 19 mai au matin. Ce corps si chaste et si beau fut déposé dans l'église des Frères Mineurs, le soir du jour même de sa mort. Son âme, je n'en doute pas, est retournée au ciel, d'où elle était venue. Pour conserver la mémoire douloureuse de cette perte, j'éprouve un certain plaisir mêlé d'amertume à écrire ceci; et je l'écris préférablement sur ce livre, qui revient souvent à mes yeux, afin qu'il n'y ait plus rien qui me plaise dans cette vie, et que, mon lien le plus fort étant rompu, je sois averti, par la vue fréquente de ces paroles et par la juste appréciation d'une vie fugitive, qu'il est temps de sortir de Babylone; ce qui, avec le secours de la grâce divine, me deviendra facile par la contemplation mâle et courageuse des soins superflus, des vaines espérances et des événements inattendus qui m'ont agité pendant le temps que j'ai passé sur la terre.» (Trad. de M. Foisset, Biogr. univ., XXXI, p. 437.)
186—page 277—Le poète avait vu périr toutes ses espérances...
«Que faisons-nous maintenant, mon frère? Nous avons tout éprouvé, et nulle part n'est le repos. Quand viendra-t-il? où le chercher? Le temps nous fuit, pour ainsi dire entre les doigts, nos vieilles espérances dorment dans la tombe de nos amis. L'an 1348 nous a isolés, appauvris, non point de ces richesses que les mers des Indes ou de Carpathie peuvent renouveler... Il n'est qu'une seule consolation; nous suivrons ceux qui nous ont devancés... Le désespoir me rend plus calme. Que pourrait craindre celui qui tant de fois a lutté contre la mort:
Una salus victis nullam sperare salutem.
Tu me verras de jour en jour agir avec plus d'âme, parler avec plus d'âme; et si quelque digne sujet s'offre à ma plume, ma plume sera plus forte.» (Petrarch. Epist. fam. Præf., p. 570.)
187—page 277—Lorsqu'il se rendit à Naples, la reine Jeanne avait succédé à Robert, etc.
«Ita me Reginæ junioris novique Regis adolescentia, ita me Reginæ alterius ætas et propositum; ita me tandem territant aulicorum ingenia, equos duos multorum custodiæ luporum creditos video, regnumque sine rege...» (P. 639.) «Neapolim veni, Reginas adii et reginarum consilio interfui. Proh pudor! quale monstrum. Auferat ab Italico cœlo Deus genus hoc pestis...» (Ibid., p. 640-1.)—«Nocturnum iter hic non secus atque inter densissimas silvas, anceps ac periculis plenum, obsidentibus vias nobilibus adolescentulis armatis... Quid miri est... cum luce media, inspectantibus regibus ac populo, infamis ille gladiatorius ludus in urbe itala celebretur, plusquam barbarica feritate...» (Ibid., p. 645-6.)
188—page 278—Il écrivit à Rienzi une lettre triste et inquiète...
«Cave, obsecro, speciosissimam famæ tuæ frontem, propriis manibus deformare. Nulli fas hominum est nisi tibi uni rerum tuarum fundamenta convellere, tu potes evertere qui fundasti... Mundus ergo te videbit de bonorum duce satellitem reproborum... Examina tecum, nec te fallas, qui sis, qui fueris, unde, quo veneris... quam personam indueris, quod nomen assumpseris, quam spem tui feceris, quid professus fueris, videbis te non dominum Reipublicæ, sed ministrum.» (Ibid., p. 677-8.)
189—page 280—Le roi Jean créa l'ordre de l'Étoile...
«En ce temps ordonna le roi Jean une belle compagnie sur la manière de la Table ronde, de laquelle devoient être trois cents chevaliers des plus suffisants et eut en convent le roi Jean aux compagnons de faire une belle maison et grande à son coût de lez Saint-Denis, là où tous les compagnons devoient repairer à toutes les fêtes solennelles de l'an... et leur convenoit jurer que jamais ils ne fuiroient en bataille plus loin de quatre arpents, ainçois mourraient ou se rendroient pris... Si fut la maison presque faite et encore est elle assez près de Saint-Denis; et si il avenoit que aucuns des compagnons de l'Étoile en vieillesse eussent mestier de être aidés et que ils fussent affoiblis de corps et amoindris de chevance, on lui devoit faire ses frais en la maison bien et honorablement pour lui et pour deux varlets, si en la maison vouloit demeurer.» (Froiss., III, 53-58.)