Histoire de la prostitution chez tous les peuples du monde depuis l'antiquité la plus reculée jusqu'à nos jours, tome 1/6
Eo conveniunt mercatores, ibi ego me ostendi volo.
Les courtisanes à Rome n'étaient pas, comme en Grèce, tenues à distance des autels; elles fréquentaient, au contraire, tous les temples, pour y trouver sans doute d'heureuses chances de gain; elles témoignaient ensuite leur reconnaissance à la divinité qui leur avait été propice, et elles apportaient dans son sanctuaire une portion du gain qu'elles croyaient lui devoir. La religion fermait les yeux sur cette source impure de revenus et d'offrandes; la législation civile ne s'immisçait point dans ces détails de dévotion malhonnête, qui touchaient au culte, et grâce à cette tolérance ou plutôt à l'abstention systématique du contrôle judiciaire et religieux, la Prostitution sacrée conservait à Rome presque ses allures et sa physionomie primitives, avec cette différence toutefois qu'elle ne sortait pas de la classe des courtisanes, et qu'elle était devenue un accessoire étranger au culte, au lieu de faire partie intégrante du culte lui-même.
CHAPITRE XV.
Sommaire.—A quelle époque la Prostitution légale s'établit à Rome.—Par qui elle y fut introduite.—Les premières prostituées de Rome.—De l'institution du mariage, par Romulus.—Les quatre lois qu'il fit en faveur des Sabines.—Établissement du collége des Vestales par Numa Pompilius.—Mort tragique de Lucrèce.—Horreur et mépris qu'inspirait le crime de l'adultère, chez les peuples primitifs de l'Italie.—Supplice infligé aux femmes adultères à Cumes.—Supplice de l'âne.—Les femmes adultères vouées à la Prostitution publique.—L'honneur de Cybèle sauvé par l'âne de Silène.—Priape et la nymphe Lotis.—Lieux destinés à recevoir les femmes adultères.—Horrible supplice auquel ces malheureuses étaient condamnées.—Le mariage par confarréation.—La mère de famille.—L'épouse.—Le mariage par coemption.—Le mariage par usucapion ou mariage à l'essai.—Le célibat défendu aux patriciens.—Un cheval ou une femme.—Vibius Casca devant les censeurs.—Les tables censoriennes.—La loi Julia.—Définition de la femme publique par Ulpien.—Des différents genres et des divers degrés de la Prostitution romaine.—La Prostitution errante.—La Prostitution stationnaire.—Stuprum et fornicatio.—Le lenocinium.—Lenæ et Lenones.—La classe de Meretricibus.—Les ingénues.—La note d'infamie.—Licentia stupri ou brevet de débauche.—Lois des empereurs contre la Prostitution.—Comédien, Meretrix et Proxénète.—Lois et peines contre l'adultère.—Le concubinat légal.—Les concubins.—L'impôt sur la Prostitution.—Le lénon Vetibius.—Plaidoyer de Cicéron pour Cœlius.—Indifférence de la loi pour les crimes contre nature.—La loi Scantinia.
La Prostitution légale ne s'établit à Rome sous une forme régulière, que bien après la fondation de cette ville, qui n'était pas d'abord assez peuplée pour sacrifier à la débauche publique la portion la plus utile de ses habitants. Les femmes avaient manqué aux Romains pour former des unions légitimes, de telle sorte qu'il leur fallut recourir à l'enlèvement des Sabines; les femmes leur manquèrent longtemps encore, pour faire des prostituées. On peut donc avancer avec certitude que la Prostitution légale fut introduite dans la cité de Romulus, par des femmes étrangères, qui y vinrent chercher fortune et qui y exercèrent librement leur honteuse industrie, jusqu'à ce que la police urbaine eût jugé prudent de l'organiser et de lui tracer des lois. Mais il est impossible d'assigner une époque plutôt qu'une autre à cette invasion des courtisanes dans les mœurs romaines, et à leurs débuts impudiques sur le théâtre de la Prostitution légale. Les souvenirs éclatants que la nourrice de Romulus, Acca Laurentia, avait laissés dans la mémoire des Romains, ne tardèrent pas à se cacher et à s'effacer sous le manteau des Lupercales; et lorsque la belle Flora les eut ravivés un moment, en essayant de les remettre en honneur, ils furent encore une fois absorbés et déguisés dans une fête populaire, dont les indécences mêmes n'avaient plus de sens allégorique pour le peuple, qui s'y livrait avec frénésie. Les magistrats et les prêtres s'étaient entendus, d'ailleurs, pour attribuer les Lupercales au dieu Pan, et les Florales à la déesse des fleurs et du printemps, comme s'ils avaient eu honte de l'origine de ces fêtes solennelles de la Prostitution. Acca Laurentia et Flora furent donc les premières prostituées de Rome; mais on ne doit considérer leur présence dans la ville naissante que comme une exception, et c'est peut-être par cette circonstance qu'il faut expliquer les richesses considérables qu'elles acquirent l'une et l'autre dans un temps où la concurrence n'existait pas pour elles. Un docte juriste du seizième siècle, frappé de cette particularité bizarre, a voulu voir, dans Acca Laurentia et surtout dans Flora, la prostituée unique et officielle du peuple romain, à l'instar d'une reine d'abeilles, qui suffit seule à son essaim; et il tira de là cette conclusion incroyable, qu'une femme, pour être dûment et notoirement reconnue prostituée publique, devait au préalable s'abandonner à 23,000 hommes.
Dès le règne de Romulus, si nous nous contentons de l'étudier dans Tite-Live, le mariage fut institué de manière à éloigner tout prétexte au divorce et à l'adultère; car le mariage, considéré au point de vue politique dans la nouvelle colonie, avait principalement pour objet d'attacher les citoyens au foyer domestique et de créer la famille autour des époux. Il y eut d'abord disette presque absolue de femmes, puisque, pour s'en procurer, le chef de cette colonisation eut recours à la ruse et à la violence. Lorsque ce stratagème eut réussi et que les Sabines se furent soumises, bon gré mal gré, aux maris que le hasard leur avait donnés, tous les hommes valides de Rome ne se trouvèrent pas encore pourvus de femmes, et l'on a lieu de supposer que, pendant les deux ou trois premiers siècles, le sexe féminin fut en minorité dans cette réunion d'hommes, venus de tous les points de l'Italie, et divisés arbitrairement en patriciens et en plébéiens, qui vivaient séparés les uns des autres. Le mariage était donc nécessaire, pour rallier et retenir dans un centre commun ces passions, ces mœurs, ces intérêts, essentiellement différents et disparates; le mariage devait être fixe et durable, afin de former la base sociale de l'État; le mariage, enfin, repoussait et condamnait toute espèce de Prostitution, laquelle ne se fût élevée auprès de lui qu'à son préjudice. Les faits eux-mêmes sont là pour faire comprendre qu'il y avait eu nécessité d'entourer des garanties les plus solides l'institution du mariage, tel que Romulus l'avait prescrit à son peuple. Les quatre lois qu'il fit à la fois en faveur des Sabines, et qui furent gravées sur une table d'airain dans le Capitole, prouvent amplement qu'on n'avait pas encore à craindre le fléau de la Prostitution. La première de ces lois déclarait que les femmes seraient les compagnes de leurs maris, et qu'elles entreraient en participation de leurs biens, de leurs honneurs et de toutes leurs prérogatives; la seconde loi ordonnait aux hommes de céder le pas aux femmes, en public, pour leur rendre hommage; la troisième loi prescrivait aux hommes de respecter la pudeur dans leurs discours et dans leurs actions en présence des femmes, à ce point qu'ils étaient tenus de ne paraître dans les rues de la ville qu'avec une robe longue, tombant jusqu'aux talons et couvrant tout le corps: quiconque se montrait nu aux yeux d'une femme (sans doute patricienne), pouvait être condamné à mort; enfin, la quatrième loi spécifiait trois cas de répudiation pour la femme mariée: l'adultère, l'empoisonnement de ses enfants, la soustraction des clefs de la maison; hors de ces trois cas, l'époux ne pouvait répudier sa femme légitime, sous peine de perdre tous ses biens, dont moitié appartiendrait alors à la femme et moitié au temple de Cérès. Plutarque cite, en outre, deux autres lois qui complétaient celles-ci, et qui témoignent des précautions que Romulus avait prises pour protéger les mœurs publiques et rendre plus inviolable le lien conjugal. Une de ces lois mettait à la discrétion du mari sa femme adultère, qu'il avait le droit de punir comme bon lui semblerait, après avoir assemblé les parents de la coupable, qui comparaissait devant eux; l'autre loi défendait aux femmes de boire du vin, sous peine d'être traitées comme adultères. Ces rigueurs ne se fussent guères accordées avec la tolérance de la Prostitution légale; on doit donc reconnaître, à cet austère respect de la bienséance, que la Prostitution n'existait pas encore ouvertement, si tant est qu'elle s'exerçât en secret hors de l'enceinte de la ville, dans les bois qui l'environnaient. Romulus n'eut pas besoin de fermer les portes de sa cité à des désordres qui se cachaient d'eux-mêmes à l'ombre des forêts et dans les profondeurs des grottes agrestes. Ses successeurs, animés de sa pensée législative, se préoccupèrent aussi de purifier les mœurs et de sanctifier le mariage. Numa Pompilius établit le collége des vestales, et fit bâtir le temple de Vesta, où elles entretenaient le feu éternel comme un emblème de la chasteté. Les vestales faisaient vœu de garder leur virginité pendant trente ans, et celles qui se laissaient aller à rompre ce vœu couraient risque d'être enterrées vives; mais il n'était pas facile, à moins de flagrant délit, de les convaincre de sacrilége; quant à leur complice, quel qu'il fût, il périssait sous les coups de fouet que lui administraient les autres vestales, pour venger l'honneur de la compagnie. Dans l'espace de mille ans, la virginité des vestales ne reçut que dix-huit échecs manifestes, ou plutôt on n'enterra vivantes que dix-huit victimes, convaincues d'avoir éteint le feu sacré de la pudeur. Numa eût voulu changer en vestales toutes les Romaines, car il leur ordonna, par une loi, de ne porter que des habits longs et modestes, c'est-à-dire amples et flottants, avec des voiles qui leur cachaient non-seulement le sein et le cou, mais encore le visage. Une dame romaine ainsi voilée, enveloppée de sa tunique et de son manteau de lin, ressemblait à la statue de Vesta, descendue de son piédestal; sa démarche grave et imposante n'inspirait que des sentiments de vénération, comme si ce fût la déesse en personne; et si les hommes s'écartaient avec déférence pour lui faire place, ils ne la suivaient des yeux qu'avec des idées de chaste admiration. La mort tragique de Lucrèce, qui ne se résigna pas à survivre à son affront, est la preuve la plus éclatante de la pureté des mœurs à cette époque: le peuple entier se soulevant contre l'auteur d'un viol commis sur le lit conjugal, protestait au nom de la moralité publique. On a, d'ailleurs, de nombreux témoignages de l'horreur et du mépris qu'excitait le crime de l'adultère chez les peuples primitifs de l'Italie, que la corruption grecque et phénicienne avait pourtant atteints. A Cumes, en Campanie, par exemple, quand une femme était surprise en adultère, on la dépouillait de ses vêtements, on la menait ensuite dans le forum et on l'exposait nue sur une pierre où elle recevait pendant plusieurs heures les injures, les railleries, les crachats de la foule; puis on la mettait sur un âne, que l'on promenait par toute la ville au milieu des huées. On ne lui infligeait pas d'autre châtiment, mais elle restait vouée à l'infamie; on la montrait du doigt, en l'appelant ὀνοβάτις (qui a monté l'âne), et ce surnom la poursuivait pendant le reste de sa vie abjecte et misérable.
Selon certains commentateurs, la peine de l'adultère, dans le Latium et dans les contrées voisines, avait été originairement plus déhontée et plus scandaleuse que l'adultère lui-même. L'âne de Cumes figurait aussi en cette étrange jurisprudence, mais le rôle qu'on lui faisait jouer ne se bornait pas à servir de monture à la patiente, qui devenait publiquement victime de l'impudicité du quadrupède.
On devine tout ce qu'une scène aussi monstrueuse pouvait prêter de sarcasmes et de risées à la grossièreté des spectateurs. C'était là un divertissement digne de la barbarie des Faunes et des Aborigènes qui avaient peuplé d'abord ces sauvages solitudes. Les malheureuses qui subissaient l'approche de l'âne, meurtries, contusionnées, maltraitées, ne faisaient plus partie de la société, en quelque sorte que pour en être esclave et le jouet, si bien qu'elles appartenaient à quiconque se présentait pour succéder à l'âne. Ce furent là vraisemblablement les premières prostituées qui se trouvèrent employées à l'usage général des habitants du pays. Ici, par décence, on fit disparaître l'intervention obscène de l'âne; là, au contraire, on conserva comme un emblème la présence de cet animal, à qui n'étaient plus réservées les fonctions de bourreau; mais il ne faut pas moins faire remonter à cette antique origine la promenade sur un âne, que l'on retrouve au moyen âge, non-seulement en Italie, mais dans tous les endroits de l'Europe où la loi romaine avait pénétré. L'âne représentait évidemment la luxure, dans sa plus brutale acception, et on lui livrait, pour ainsi dire, les femmes qui avaient perdu toute retenue en commettant un adultère ou en se vouant à la débauche publique. On ne saurait dire, dans tous les cas, si l'âne montrait ou non de l'intelligence dans les supplices qu'il était chargé d'exécuter. On croit seulement que, dans ces circonstances assez rares chez les ancêtres des Romains, il portait une grosse sonnette attachée à ses longues oreilles, afin que chacun de ses mouvements publiât la honte de la condamnée. Cette sonnette fut, d'ailleurs, un des attributs héroïques de l'âne de Silène, qui, malgré la fougue de ses passions, avait mérité la bienveillance de Cybèle pour avoir sauvé l'honneur de cette déesse: elle dormait dans une grotte écartée, et l'indiscret Zéphyr s'amusait à relever les pans de son voile; Priape passa par là, et il ne l'eut pas plutôt vue, qu'il se mit en mesure de profiter de l'occasion; mais l'âne de Silène troubla cette fête, en se mettant à braire. Cybèle s'éveilla et eut encore le temps d'échapper aux téméraires entreprises de Priape. Par reconnaissance, elle voulut consacrer au service de son temple l'âne qui l'avait avertie fort à propos, et, elle lui pendit une clochette aux oreilles, en mémoire du péril qu'elle avait couru: chaque fois qu'elle entendait tinter la clochette, elle regardait autour d'elle pour s'assurer que Priape n'y était pas. Celui-ci, en revanche, avait un tel ressentiment contre l'âne, que rien ne lui pouvait être plus agréable que le sacrifice de cet animal. Priape même, selon plusieurs poëtes, aurait puni l'âne, en l'écorchant, pour lui apprendre à se taire. Il est vrai que cette malicieuse bête avait renouvelé son braiment ou sa sonnerie dans une situation analogue: Priape rencontra dans les bois la nymphe Lotis, qui dormait comme Cybèle, et qui ne se défiait de rien; il s'apprêtait à s'emparer de cette belle proie, lorsque l'âne se mit à braire et le paralysa dans sa méchante intention. La nymphe garda rancune à l'âne plus encore qu'à Priape. Les Romains s'étaient laissés sans doute influencer par la nymphe Lotis, car ils avaient de la haine et presque de l'horreur pour l'âne, puisque sa rencontre seule leur semblait de mauvais augure.
Lorsque l'âne eut été successivement privé de ses vieilles prérogatives dans la punition des adultères, on ne fit que lui donner un suppléant bipède et quelquefois plus d'un en même temps; on respecta aussi l'usage de la sonnette comme un monument de l'ancienne pénalité. Ce fut sans doute la coutume, plutôt que la loi, qui avait établi ce mode singulier de châtiment pour les coupables de basse condition; car il est difficile de supposer que les patriciens, même pour venger leurs injures personnelles, se soient mis à la merci de l'insolence plébéienne. Il y avait, dans divers quartiers de Rome les plus éloignés du centre de la ville et probablement auprès des édicules de Priape, certains lieux destinés à recevoir les femmes adultères, et à les exposer à l'outrage du premier venu. C'étaient des espèces de prisons, éclairées par d'étroites fenêtres et fermées par une porte solide; sous une voûte basse, un lit de pierre, garni de paille, attendait les victimes, qu'on faisait entrer à reculons dans ce bouge d'ignominie; à l'extérieur, des têtes d'âne, sculptées en relief sur les murs, annonçaient que l'âne présidait encore aux mystères impurs, dont cette voûte était témoin. Une campanille surmontait le dôme de cet édifice qui fut peut-être l'origine du pilori des temps modernes. Quand une femme avait été trouvée en flagrant délit d'adultère, elle appartenait au peuple, soit que le mari la lui abandonnât, soit que le juge la condamnât à la Prostitution publique. Elle était entraînée au milieu des rires, des injures et des provocations les plus obscènes; aucune rançon ne pouvait la racheter; aucune prière, aucun effort, la soustraire à cet horrible traitement. Dès qu'elle était arrivée, à moitié nue, sur le théâtre de son supplice, la porte se fermait derrière elle, et l'on établissait une loterie, avec des dés ou des osselets numérotés, qui assignaient à chaque exécuteur de la loi le rang qu'il aurait dans cette abominable exécution. Chacun pénétrait à son tour dans la cellule, et aussitôt une foule de curieux se précipitait aux barreaux des fenêtres pour jouir du hideux spectacle, que le son de la cloche proclamait au milieu des applaudissements ou des huées de la populace. Toutes les fois qu'un nouvel athlète paraissait dans l'arène, les rires et les cris éclataient de toutes parts, et la sonnerie recommençait. Si l'on s'en rapporte à Socrate le Scolastique, cette odieuse Prostitution fut en vigueur, par tout l'empire romain, jusqu'au cinquième siècle de l'ère chrétienne. L'âne primitif n'existait plus qu'au figuré dans les désordres d'une pareille pénalité, mais le peuple en avait gardé le souvenir, car il s'étudiait à braire comme lui pendant cette infâme débauche, qui se terminait souvent par la mort de la patiente, et par le sacrifice d'un âne sur l'autel voisin de Priape. Néanmoins, il est probable que les Romains ne méprisaient pas, autant qu'ils en avaient l'air, cet animal dont le nom ονος désignait le plus mauvais coup de dés: souvent un amant, un jeune époux suspendait aux colonnes de son lit une tête d'âne et un cep de vigne, pour célébrer les exploits d'une nuit amoureuse, ou pour se préparer à ceux qu'il projetait; l'âne transportait les offrandes au temple de la chaste Vesta; l'âne marchait fièrement dans les fêtes de Bacchus, et, comme le disait une épigramme célèbre, si Priape avait pris l'âne en aversion, c'est qu'il en était jaloux.
Si la punition de l'adultère était différente chez les patriciens et chez les plébéiens, c'était que le mariage différait aussi chez les uns et chez les autres. Romulus, qui fut un législateur aussi sage qu'austère, en dépit du rapt des Sabines, avait voulu faire du mariage une institution, pour ainsi dire, patricienne; car il le regardait comme indispensable à la conservation des familles de l'aristocratie héréditaire. Ce mariage, le seul dont le législateur se fut occupé d'abord, se nommait confarreatio, parce que les deux époux, pendant les cérémonies religieuses, se partageaient un pain de froment (panis farreus), et le mangeaient simultanément en signe d'union. Il fallait, pour être admis à célébrer ainsi une alliance qui donnait droit à divers priviléges, que les deux époux fussent d'abord reconnus appartenir à la classe des patriciens, et admis, en conséquence, à interroger les auspices qui ne concernaient que la noblesse. Romulus avait certainement établi cette loi que les décemvirs incorporèrent trois siècles plus tard dans les lois des Douze-Tables: «Il ne sera point permis aux patriciens de contracter des mariages avec des plébéiens.» Ces derniers, blessés de cette exclusion, protestèrent longtemps, avant qu'elle fût rayée dans le code des citoyens. Ce mariage par confarréation semblait seul légitime ou du moins seul respectable, puisqu'il mettait la femme, en quelque sorte, sur un pied d'égalité avec son mari, en la faisant participer à tous les droits civils que celui-ci s'était attribués, de façon que cette femme, honorée du titre de mère de famille (mater familias), était apte à hériter de son mari et de ses enfants. La condition de la mère de famille ne présentait donc aucune analogie avec la servitude qui attendait l'épouse (uxor) plébéienne dans l'état de mariage par coemption et par usucapion. C'étaient les deux formes distinctes que revêtait le mariage légal des plébéiens. Le nom de coemption indique assez qu'on faisait allusion à une vente et à un achat. La femme, pour se marier ainsi, arrivait à l'autel, avec trois as (monnaie d'airain équivalant à un sou de notre numéraire) dans la main; elle donnait un as à l'époux qu'elle prenait vis-à-vis des dieux et des hommes, mais elle gardait les deux autres as, comme pour faire entendre qu'elle ne rachetait qu'un tiers de son esclavage, et que le mariage ne l'affranchissait qu'en partie. D'autres juristes ont prétendu que, par ce symbole d'un marché conclu entre les époux, la femme achetait les soins et la protection de son mari. Ce mariage était réputé aussi légitime pour les plébéiens, que celui de la confarréation pour les patriciens, quoique l'uxor n'eût pas les mêmes prérogatives et les mêmes droits que la mater familias. Quant à la troisième forme du mariage, appelée usucapio, ce n'était réellement que le concubinage légalisé; il fallait, pour que ce mariage fût contracté, que la femme, du consentement de ses tuteurs naturels, demeurât maritalement, pendant une année entière, sans découcher trois nuits de suite, avec l'homme qu'elle épousait ainsi à l'essai. Ce mariage concubinaire, qui ne s'établit à Rome que par force d'usage, fut consacré par la loi des Douze-Tables, et devint une institution civile comme les deux autres espèces de mariage.
La population de Rome, composée d'habitants si différents d'origine, de pays, de langage et de mœurs, n'eût été que trop portée sans doute à vivre sans frein et sans loi, dans le désordre le plus honteux, si Romulus, Numa et Servius Tullius n'avaient pas créé une législation dans laquelle le mariage servait de lien et de fondement à la société romaine. Mais comme ces rois ne se préoccupèrent que des patriciens, la plèbe suppléa au silence des législateurs à son égard, et se fit des coutumes qui lui tinrent lieu de lois, jusqu'à ce qu'elles devinssent des lois acceptées par les consuls et le sénat. On peut donc supposer que le mariage des plébéiens fut précédé du concubinage et de la Prostitution, lorsque des femmes étrangères vinrent chercher fortune dans une ville où les hommes étaient en majorité, et lorsque les guerres continuelles de Rome avec ses voisins eurent amené dans ses murs beaucoup de prisonnières qui restaient esclaves ou qui devenaient épouses. En tous cas, la loi et la coutume donnaient également la toute-puissance au mari vis-à-vis de sa femme: celle-ci le trouvât-elle en plein adultère, comme le disait Caton, n'osait pas même le toucher du bout du doigt (illa te, si adulterares, digito non contingere auderet), tandis qu'elle pouvait être tuée impunément, si son mari la trouvait dans une position analogue. Les plébéiens n'usaient jamais, à cet égard, du bénéfice que leur accordait la loi; mais les patriciens, pour qui le mariage était chose plus sérieuse, se faisaient souvent justice eux-mêmes: ils avaient donc d'autres idées que le peuple sur la Prostitution, et l'on doit en conclure que, dans les premiers siècles de Rome, ils avaient vécu plus chastement, plus conjugalement que les plébéiens qui ne se marièrent peut-être que pour imiter les patriciens et s'égaler à eux. La femme mariée, mère de famille ou épouse, n'avait pas le droit de demander le divorce, même pour cause d'adultère; mais le mari, au contraire, pouvait divorcer dans les trois circonstances que Romulus avait eu le soin de préciser: l'adultère, l'empoisonnement des enfants, et la soustraction des clefs du coffre-fort, comme indice du vol domestique. La femme n'avait pas, d'ailleurs, plus de pouvoir sur ses enfants que sur son mari; celui-ci, au contraire, avait sur eux droit de vie et de mort, et pouvait les vendre jusqu'à trois fois. Cet empire de la paternité n'existait qu'à l'égard des enfants légitimes, ce qui démontre suffisamment que les enfants, issus de la Prostitution, n'avaient ni tutelle ni assistance dans l'État, et se voyaient relégués dans la vile multitude, avec les esclaves et les histrions.
Ce n'était pas d'enfants naturels que Rome avait besoin; elle ne faisait rien de ces pauvres victimes qui ne pouvaient nommer leur père, et qui rougissaient du nom de leur mère: elle voulait avoir des citoyens, et elle les demandait au mariage régulièrement contracté. Une vieille loi, dont parle Cicéron, défendait à un citoyen romain de garder le célibat au delà d'un certain âge qui ne dépassait pas trente ans, suivant toute probabilité. Quand un patricien comparaissait devant le tribunal des censeurs, ceux-ci lui adressaient cette question avant toute autre: «En votre âme et conscience, avez-vous un cheval, avez-vous une femme?» Ceux qui ne répondaient pas d'une manière satisfaisante étaient mis à l'amende et renvoyés hors de cause, jusqu'à ce qu'ils eussent fait emplette d'un cheval et d'une femme. Les censeurs, qui exigeaient cette double condition civique chez un patricien, lui permettaient parfois de se contenter de l'une ou de l'autre; car le cheval indiquait des habitudes guerrières; la femme, des habitudes pacifiques. «Je sais conduire un cheval, disait Vibius Casca interrogé par un censeur qui avait souvent gourmandé son célibat obstiné; mais comment apprendre à conduire une femme?—J'avoue que c'est un animal plus rétif, reprit le censeur, qui entendait pourtant la plaisanterie. C'est le mariage qui vous apprendra ce genre d'équitation.—Je me marierai donc, reprit Casca, quand le peuple romain se chargera de me fournir le mors et la bride.» Ce censeur, qui se nommait Métellus Numiadicus, n'était pas lui-même bien convaincu des mérites du mariage qu'il recommandait à autrui; un jour, il commença en ces termes une harangue au sénat: «Chevaliers romains, s'il nous était possible de vivre sans femmes, nous nous épargnerions tous, et très-volontiers, ce fâcheux embarras; mais puisque la nature a disposé les choses de façon que nous ne pouvons nous survivre sans elles, ni vivre agréablement avec elles, la raison veut que nous préférions l'intérêt public à notre bonheur.» Les censeurs, qui avaient dans leurs attributions les fiançailles et les mariages, furent certainement chargés, avant les édiles, de surveiller la Prostitution publique.
Servius Tullius avait ordonné à tout habitant de Rome de faire inscrire sur les registres des censeurs son nom, son âge, la qualité de ses père et mère, les noms de sa femme, de ses enfants, et le dénombrement de tous ses biens; quiconque osait se soustraire à cette inscription devait être battu de verges et vendu comme esclave. Les tables censoriennes étaient conservées dans les archives de la république, auprès du temple de la Liberté, sur le mont Aventin. Ce fut d'après ces tables, renouvelées tous les cinq ans, que les censeurs devaient se rendre compte du mouvement et des progrès de la population; ils pouvaient juger du nombre des naissances et des mariages, mais ils n'avaient aucun moyen de constater, d'ailleurs, les éléments de la Prostitution, puisque les femmes ne paraissaient pas devant eux, et qu'elles n'y étaient représentées que par leurs pères, leurs maris ou leurs enfants. Il y a donc grande apparence que les prostituées exercèrent d'abord librement, hors de l'atteinte même des lois de police; car elles échappaient au recensement, du moins la plupart, et elles n'avaient pas besoin de se faire reconnaître par une constatation d'état. Il est impossible de dire à quelle époque la loi romaine distingua pour la première fois la femme libre (ingenua) de la prostituée, et précisa d'une manière fixe la condition des courtisanes. On a lieu de croire que ces créatures dégradées furent en quelque sorte hors de la loi pendant plusieurs siècles, comme si le législateur n'avait pas daigné leur faire l'honneur de les nommer; car, si elles figurent çà et là dans l'histoire de la république, elles ne sont pas nommées dans les lois avant le règne d'Auguste, où la loi Julia s'occupe d'elles pour les flétrir, et ce n'est que plus d'un siècle après cette loi mémorable, que le jurisconsulte par excellence, Ulpien, définit la Prostitution et ses infâmes auxiliaires. Cette définition, quoique datée du deuxième siècle, peut être considérée cependant comme le résumé des opinions de tous les légistes qui avaient précédé Ulpien. La voici telle qu'il la donne, sous le titre De ritu nuptiarum, dans le livre XXIII de son recueil: «Une femme fait un commerce public de Prostitution, quand non-seulement elle se prostitue dans un lieu de débauche, mais encore lorsqu'elle fréquente les cabarets ou d'autres endroits dans lesquels elle ne ménage pas son honneur. §1. On entend par un commerce public le métier de ces femmes qui se prostituent à tous venants et sans choix (sine delectu). Ainsi, ce terme ne s'étend pas aux femmes mariées qui se rendent coupables d'adultère, ni aux filles qui se laissent séduire: on doit l'entendre des femmes prostituées. §2. Une femme qui s'est abandonnée pour de l'argent à une ou deux personnes n'est point censée faire un commerce public de Prostitution. §3. Octavenus pense avec raison que celle qui se prostitue publiquement, même sans prendre d'argent, doit être mise au nombre des femmes qui font commerce public de Prostitution.»
Cette définition résume certainement avec beaucoup de netteté les motifs des plus anciennes lois romaines relatives à la Prostitution; et, quoique nous ne possédions pas ces lois, il est facile de se rendre compte de l'esprit qui les avait dictées. La Prostitution comprenait, d'ailleurs, différents genres, et, pour ainsi dire, des degrés différents, qui avaient été sans doute distingués et classés dans la jurisprudence. Ainsi, quæstus représentait la Prostitution errante et solliciteuse; scortatio, la Prostitution stationnaire, qui attend sa clientèle et qui la reçoit à poste fixe. Quant à l'acte même de la Prostitution, c'était l'adultère avec une femme mariée; stuprum, avec une femme honnête qui en restait souillée; fornicatio, avec une femme impudique qui n'en souffrait aucun préjudice. Il y avait, en outre, le lenocinium, c'est-à-dire le trafic plus ou moins direct de la Prostitution, l'entremise plus ou moins complaisante que d'effrontés spéculateurs ne rougissaient pas de lui prêter; en un mot, l'aide et la provocation à toute sorte de débauches. C'était là une des formes les plus méprisables de la Prostitution, et le légiste n'hésitait pas à qualifier de prostituées ces viles et abjectes créatures qui faisaient métier d'exciter et de pousser à la Prostitution, par de mauvais conseils ou par des séductions perfides, les imprudentes et aveugles victimes, dont elles exploitaient, de compte à demi, le déshonneur et la honte. La loi confondait dans le même mépris les hommes et les femmes, lenæ, lenones, adonnés à ces scandaleuses négociations; mais la loi ne les troublait pas dans leur industrie, en les assimilant aux femmes et aux hommes qui trafiquaient de leur corps. On comprenait donc dans la classe de meretricibus, non-seulement les entremetteurs et entremetteuses qui tenaient maison ouverte de débauche et qui prélevaient un droit sur la Prostitution, qu'ils favorisaient, soit en y livrant leurs esclaves, soit en y conviant des personnes de condition libre (ingenuæ); mais encore les hôteliers, les cabaretiers, les baigneurs, qui avaient des domestiques du sexe féminin ou masculin à leur service, et qui mettaient ces domestiques à la solde du libertinage public, en sorte que le maître du lieu où la Prostitution s'opérait à son profit, en devenait complice, quelle que fût d'ailleurs sa profession ostensible, et encourait de plein droit la note d'infamie, de même que les misérables objets de son lenocinium.
La note d'infamie, qui était commune à tous les agents et intermédiaires de la Prostitution, aussi bien qu'aux condamnés en justice, aux esclaves, aux gladiateurs, aux histrions, frappait de mort civile ceux qu'elle atteignait par le seul fait de leur profession: ils n'avaient pas la libre jouissance de leurs biens; ils ne pouvaient ni tester ni hériter; ils étaient privés de la tutelle de leurs enfants; ils ne pouvaient occuper aucune charge publique; ils n'étaient point admis à former une accusation en justice, à porter témoignage et à prêter serment devant un tribunal quelconque; ils ne se montraient que par tolérance dans les fêtes solennelles des grands dieux; ils se voyaient exposés à toutes les insultes, à tous les mauvais traitements, sans être autorisés à se défendre ni même à se plaindre; enfin, les magistrats avaient presque droit de vie et de mort sur ces pauvres infâmes. Quiconque était une fois noté d'infamie ne se lavait jamais de cette tache indélébile; «car, disait la loi, la turpitude n'est point abolie par l'intermission.» La loi n'acceptait aucune excuse qui pût relever de cette dégradation sociale celui ou celle qui l'avait méritée. La Prostitution clandestine n'était, pas plus que la Prostitution publique, à l'abri de l'ignominie; la pauvreté, la nécessité, n'offraient pas même une excuse aux yeux de la loi, qui se contentait du fait, sans en apprécier les motifs et les circonstances. Le fait seul constatant l'infamie, on avait donc toujours une raison suffisante pour rechercher la preuve et la constatation de ce fait, même dans un passé assez éloigné. Ainsi, n'y avait-il pas de prescription qu'on pût invoquer contre le fait qui impliquait l'infamie. Dès que l'infamie avait existé, n'importe en quel temps, n'importe en quel lieu, elle existait encore, elle existait toujours; rien ne l'avait pu effacer, rien ne l'atténuait. Un esclave qui avait eu des filles dans son pécule, et qui s'était enrichi des fruits de leur prostitution, conservait, même après son affranchissement, la note d'infamie. Ulpien et Pomponius citent cet exemple remarquable de l'indélébilité de l'infamie vis-à-vis de la jurisprudence romaine. Mais, en revanche, les filles qui avaient été prostituées par cet esclave, et à son profit, pendant leur servitude, n'étaient pas notées d'infamie, malgré le métier qu'elles auraient fait comme contraintes et forcées. C'est l'empereur Septime-Sévère qui formula cet avis rapporté par Ulpien. Cependant, sous les empereurs surtout, la note d'infamie n'avait pas empêché des femmes de condition libre et même d'extraction noble, de se vouer à la Prostitution, avec l'autorisation des édiles, qu'on appelait licentia stupri ou brevet de débauche.
Les lois des empereurs eurent donc pour objet d'empêcher la Prostitution de s'étendre dans les rangs des familles patriciennes et de s'y enraciner. Auguste, Tibère, Domitien lui-même, se montrèrent également jaloux de conserver intact l'honneur du sang romain, en protégeant par de rigides prescriptions l'intégrité, la sainteté du mariage, qu'ils regardaient comme la loi fondamentale de la république. Ils ne se piquèrent pas, d'ailleurs, de se conformer eux-mêmes aux règles légales qu'ils imposaient à leurs sujets. Dans toute cette jurisprudence si complexe et si minutieuse contre les adultères, la Prostitution est sans cesse remise en cause, et constamment avec un surcroît de rigueur qui prouve les efforts du législateur pour la réprimer, alors même que l'empereur donnait lui-même l'exemple de tous les vices et de toutes les infamies. La loi Julia porte qu'un sénateur, son fils ou son petit-fils ne pourra pas fiancer ni épouser sciemment ou frauduleusement une femme, dont le père ou la mère fera ou aura fait le métier de comédien, de meretrix ou de proxénète; pareillement, celui dont le père ou la mère fait ou aura fait les mêmes métiers infâmes ne peut fiancer ou épouser la fille ou la petite-fille, ou l'arrière petite-fille d'un sénateur. Mais, comme les personnes que la loi déclarait infâmes auraient pu souvent vouloir se réhabiliter en invoquant le nom et la naissance de leurs parents nobles, un décret du sénat interdit absolument la prostitution aux femmes dont le père, l'aïeul ou le mari faisait ou avait fait partie de l'ordre des chevaliers romains. Tibère sanctionna ce décret, en exilant plusieurs dames romaines, entre autres Vestilia, fille d'un sénateur, qui s'étaient consacrées, par libertinage plutôt que par avarice, au service de la Prostitution populaire. Beaucoup de patriciennes et de plébéiennes, pour se soustraire aux terribles conséquences de la loi contre l'adultère, avaient cherché un refuge, qu'elles croyaient inviolable, dans la honte de cette Prostitution; car, dans les temps de la république, il suffisait à une matrone de se déclarer courtisane (meretrix), et de se faire inscrire comme telle sur les registres de l'édilité, pour se mettre elle-même en dehors de la loi des adultères. Mais de nouvelles mesures furent prises pour arrêter ce scandale et en annuler les effets pernicieux: le sénat décréta que toute matrone qui aurait fait un métier infâme, en qualité de comédienne, de courtisane ou d'entremetteuse, pour éviter le châtiment encouru par l'adultère, pourrait être néanmoins poursuivie et condamnée en vertu d'un sénatus-consulte. Le mari était invité à poursuivre sa femme adultère jusque dans le sein de la Prostitution et de l'infamie; tous ceux qui auraient prêté la main sciemment à cette Prostitution, le propriétaire de la maison où elle aurait eu lieu, le lénon qui en aurait profité, le mari lui-même qui se serait attribué le prix de son déshonneur, devaient être poursuivis et punis également comme adultères. Bien plus, le maître ou le locataire d'un bain, d'un cabaret ou même d'un champ où le crime aurait été commis, se trouvait accusé de complicité; le crime n'eût-il pas été commis dans ces lieux-là, on pouvait encore rechercher avec la même rigueur les personnes qui étaient censées avoir complaisamment préparé et facilité l'adultère, en fournissant aux coupables, non-seulement un local, mais encore le moyen de se rencontrer dans des entrevues illicites. Les magistrats poussèrent aussi loin que possible l'application de la loi, comme pour faire contraste avec le débordement d'adultères et de crimes qui entraînaient l'empire romain vers sa ruine. On vit des femmes, adultères dans l'intervalle d'un premier mariage, se remarier en secondes noces et susciter tout à coup un accusateur, qui venait, au nom d'un premier mari mort, les déshonorer et les punir dans les bras de leur nouvel époux. Il n'y avait que la femme veuve, fût-elle mère de famille, qui pût se livrer impunément à la Prostitution, sans craindre aucune poursuite, même de la part de ses enfants.
La jurisprudence, on le voit, ne s'occupait de la Prostitution qu'au point de vue de l'adultère et dans l'intérêt du mariage; elle laissait, d'ailleurs, aux lois de police, émanées de la juridiction des censeurs et des édiles, le gouvernement des courtisanes et des êtres dépravés, qui vivaient à leurs dépens. C'était particulièrement la Prostitution des femmes mariées et l'odieux lenonicium des maris, que le sénat et les empereurs essayaient de combattre et de réprimer. La loi, d'abord, imposait un frein égal aux femmes de toutes conditions, pourvu qu'elles ne fussent pas infâmes; mais on le restreignit plus tard aux matrones et aux mères de famille, lorsque, dans la plupart des maisons patriciennes, l'adultère fut paisiblement établi sous les auspices du mari, qui exploitait indignement l'impudicité de sa femme. L'institution du mariage, que la législation voulait sauvegarder, fut plus que jamais compromise par suite des turpitudes qui venaient se dévoiler en justice. Ici, la femme partageait avec son mari le prix de l'adultère; là, le mari se faisait payer pour fermer les yeux sur l'adultère de sa femme; presque toujours, le péril de l'adultère ajoutait un attrait de plus à la Prostitution. Mais si l'homme qui avait fait acte d'adultère prouvait qu'il ne savait pas auparavant avoir affaire à une femme mariée, il était mis hors de cause, comme s'il se fût adressé à une simple meretrix. On avait soin, de part et d'autre, de se ménager des faux-fuyants et de se mettre en garde contre les rigueurs de la loi. En conséquence, les matrones, pour courir les aventures, s'habillaient comme des esclaves et même comme des prostituées; elles provoquaient ainsi dans les rues des passants qu'elles ne connaissaient pas, ou bien elles se plaçaient sur le chemin de leurs amants, qu'elles étaient censées rencontrer par hasard. Grâce à ce déguisement, qui les exposait aux paroles libres, aux regards impudente et parfois aux attouchements hardis du premier venu, elles pouvaient chercher fortune dans les promenades, dans les faubourgs et le long du Tibre, sans compromettre personne, ni leurs maris, ni leurs amants. Mais en se montrant sous d'autres habits que ceux de matrone, elles s'interdisaient toute plainte à l'égard des injures qu'elles pouvaient devoir à leur costume d'esclave ou de prostituée; car il y avait une pénalité très-sévère contre ceux qui provoquaient une femme ou une fille, vêtue matronalement ou virginalement, soit par des gestes indécents, soit par des propos obscènes, soit par une poursuite silencieuse. La loi n'accordait protection qu'aux femmes honnêtes, et ne supposait pas que la pudeur des prostituées eût besoin d'être défendue contre les attentats qu'elles appelaient ordinairement au lieu de les repousser.
Ce luxe de lois et de peines qui menaçaient les adultères ne les rendit pas moins fréquents ni plus secrets; mais le mariage, ainsi hérissé de périls et entouré de soupçons, n'en parut que plus redoutable et moins attrayant. On vit diminuer considérablement le nombre des unions légitimes, approuvées et reconnues légalement, d'autant plus que la parenté, même à des degrés éloignés, créait des obstacles qui pouvaient, le mariage accompli, se transformer en causes permanentes de divorce. Ce fut alors que les patriciens, qui ne voulaient pas s'exposer à ces ennuis et à ces dangers, appliquèrent à leur convenance le mariage usucapio, qui n'avait eu cours jusque-là que dans le petit peuple; les patriciens y changèrent quelque chose pour en faire le concubinat, qu'une loi, aussi vague que l'était le concubinat lui-même, admit et reconnut comme institution. Il n'était plus nécessaire, comme dans l'usucapio, de la cohabitation de la femme sous le même toit durant une année pour faire prononcer le mariage définitif: le concubinat ne pouvait en arriver là dans aucun cas, car il ne se formait, il n'existait que par la volonté des deux parties; il n'avait, d'ailleurs, aucune forme particulière, aucun caractère général, si ce n'est qu'une femme ingenua et honesta, ou de sang patricien, ne pouvait devenir concubine, et que la parenté était un obstacle au concubinat comme au mariage. Un homme marié légitimement, séparé ou non de sa femme, se trouvait, par cela seul, inapte à contracter une liaison concubinaire, et, dans aucun cas, l'homme célibataire ou veuf ne fut autorisé à prendre deux concubines à la fois. Quant à en changer, il était toujours libre de le faire, mais en avertissant le magistrat devant lequel il avait déclaré vouloir vivre en concubinage. C'était donc, en quelque sorte, un demi-mariage, un contrat temporaire résiliable à la fantaisie d'un des contractants. Dans l'origine du concubinat, la concubine avait droit presque aux mêmes égards que l'épouse légitime; on lui accordait même le titre de matrone, du moins en certaines circonstances, et la loi Julia punissait un outrage fait à une concubine, aussi gravement que s'il eût atteint une ingénue ou fille de condition libre, cette concubine fût-elle esclave de naissance; mais, par suite de la corruption des mœurs, le concubinat se multiplia d'une manière inquiétante, et il fallut que les lois lui imposassent des règles et des limites; les concubines furent alors déchues de la protection légale qu'elles avaient obtenue d'abord, et l'empereur Aurélien ordonna qu'elles ne seraient prises que parmi les esclaves ou les affranchies. De ce moment, le concubinat ne fut plus qu'une Prostitution domestique, qui ne dépendait que du caprice de l'homme, et qui n'offrait pas la moindre garantie à la femme. Toutefois, les enfants nés d'une concubine n'en restèrent pas moins aptes à être légitimés, tandis que ceux qui naissaient de la Prostitution proprement dite, ou d'un commerce passager nommés spurci ou quæsiti, ainsi que ceux nés d'une union prohibée, ne pouvaient jamais se voir admis à la faveur d'une légitimation qui effaçât la tache de leur origine.
La Prostitution légale, sous toutes ses formes et sous tous ses noms (il y avait même des concubins), était donc tolérée à Rome et dans l'empire romain, pourvu qu'elle se soumît à divers règlements de police urbaine, et surtout au payement de l'impôt (vectigal) proportionnel qu'elle rapportait à l'État. Mais il est probable qu'à part ces règlements et cet impôt, la vieille législation romaine n'avait pas daigné s'intéresser à l'infâme population qui vivait de la débauche publique, et qui en contentait les honteux besoins. Un fait curieux prouve l'indifférence et le dédain du législateur, du magistrat, pour tous les misérables agents de la Prostitution. Quintus Cœcilius Metellus Celer, qui fut consul soixante ans avant Jésus-Christ, refusa, pendant sa préture, de reconnaître les droits de succession que faisait valoir un nommé Vétibius, noté d'infamie comme lénon; le préteur motiva son refus, en disant que le lupanar n'avait rien de commun avec le foyer civique, et que les malheureux que le lenocinium avait stigmatisés, étaient indignes de la protection des lois (legum auxilio indignos). On peut aussi, dans ce passage très-explicite du plaidoyer de Cicéron pour Cœlius, trouver la preuve de la tolérance absolue qui entourait à Rome l'exercice de la Prostitution: «Interdire à la jeunesse tout amour des courtisanes, ce sont les principes d'une vertu sévère, je ne puis le nier; mais ces principes s'accordent trop peu avec le relâchement de ce siècle ou même avec les usages de la tolérance de nos ancêtres; car enfin, quand de pareilles passions n'ont-elles pas eu cours? quand les a-t-on défendues? quand ne les a-t-on pas tolérées? dans quel temps est-il arrivé que ce qui est permis ne le fût pas?» On le voit, la Prostitution était permise; le droit civil ne la prohibait que dans certains cas exceptionnels, et se bornait ainsi à en modérer l'abus; c'était seulement à la morale publique, à la philosophie, qu'appartenait le soin de corriger les mœurs et d'arrêter la débauche; mais comme Cicéron nous le fait entendre, la philosophie et la morale publique étaient également indulgentes pour de mauvaises habitudes que leur ancienneté même rendait presque respectables. Les Romains, de tous temps, furent trop jaloux de leur liberté, pour subir des entraves ou des contradictions dans l'usage individuel de cette liberté; ils justifiaient de la sorte à leurs propres yeux la Prostitution, dont ils usaient largement; ils exigeaient seulement que les prostituées fussent des esclaves ou des affranchies, parce qu'ils considéraient la Prostitution comme une forme dégradante de l'esclavage; voilà pourquoi les hommes et les femmes, ingénus ou libres de naissance, perdaient ce caractère sacré vis-à-vis de la loi, dès qu'ils s'étaient mis d'une manière quelconque au service de la Prostitution.
Si les Romains toléraient si complaisamment le commerce naturel des deux sexes entre eux, ils ne gênaient pas davantage le commerce contre nature que les Faunes du Latium auraient inventés, s'il n'eût pas été, dès les premiers siècles du monde, répandu, autorisé dans tout l'univers. Cette honteuse dépravation, que les lois civiles et religieuses de l'antiquité, à l'exception de celles de Moïse, n'avaient pas même songé à combattre, ne fut jamais plus générale que dans les meilleurs temps de la civilisation romaine. C'était encore là, aux yeux du législateur, une forme tolérée de la Prostitution ou de l'esclavage: les hommes ingénus ou libres ne devaient donc pas s'y soumettre; quant aux esclaves, aux affranchis, aux étrangers, ils pouvaient disposer d'eux, se louer ou se vendre, sans que la loi eût à se mêler des conditions de la vente ou du louage; quant aux citoyens ou ingénus, ils achetaient ou louaient à volonté ce que bon leur semblait, sans que la nature du marché fût passible d'une enquête légale: les uns agissaient en hommes libres, les autres en esclaves; ceux-ci subissaient la Prostitution; ceux-là l'imposaient. Mais, entre hommes libres, les choses se passaient autrement, et la loi, gardienne des libertés de tous, intervenait quelquefois pour punir un attentat fait à la liberté d'un citoyen. Telle était du moins la fiction légale; en cette circonstance seule, un citoyen n'avait pas le droit d'aliéner sa liberté jusqu'à se soumettre à un acte outrageux pour elle. Ainsi, dans le cinquième siècle de la fondation de Rome, L. Papyrius, surpris en flagrant délit avec le jeune Publius, fut condamné à la prison et à l'amende, pour n'avoir pas respecté le caractère et la personne d'un ingénu; peu de temps après, ce même C. Publius fut puni à son tour pour un fait analogue. Le peuple ne souffrait pas que des citoyens se conduisissent comme des esclaves. Lœtorius Mergus, tribun militaire, conduit devant l'assemblée du peuple pour avoir été surpris avec un des corniculaires ou brigadiers de sa légion, fut unanimement condamné à la prison. Le viol d'un homme passait pour plus coupable encore que celui d'une femme, parce qu'il était censé accuser plus de violence et de perversité; mais cette espèce de viol n'entraînait la mort, que s'il avait été commis sur un homme libre: un centurion, nommé Cornélius, auteur d'un viol semblable, fut exécuté en présence de l'armée. Cette pénalité n'était pourtant appliquée en vertu d'une loi spéciale, que vers la seconde guerre punique, lorsqu'un certain Caius Scantinius fut accusé par C. Métellus d'avoir commis une tentative de viol sur le fils de ce patricien. Le sénat promulgua une loi contre les pédérastes, sous le nom de lex scantinia; mais il ne fut question, dans cette loi, que des attentats exercés sur des hommes libres, et l'on ne mit pas d'autres entraves à ce genre de Prostitution, qui resta l'apanage des esclaves et des affranchis.
Telle fut chez les Romains la seule jurisprudence à laquelle ait donné lieu la Prostitution, jusqu'à ce que la morale chrétienne eut introduit une législation nouvelle dans le paganisme en l'éclairant et en le purifiant. Sous l'empire des idées païennes, la Prostitution avait existé à l'état de tolérance, et la loi ne daignait pas même soulever le voile qui la couvrait aux yeux de la conscience publique; mais dès que l'Évangile eut commencé la réforme des mœurs, le législateur chrétien se reconnut le droit de réprimer la Prostitution légale.
CHAPITRE XVI.
Sommaire.—Prodigieuse quantité des filles publiques à Rome.—Leur classification en catégories distinctes.—Les meretrices et les prostibulæ.—Les alicariæ ou boulangères.—Les bliteæ.—Les bustuariæ ou filles de cimetière.—Les casalides.—Les copæ ou cabaretières.—Les diobolares.—Les forariæ ou foraines.—Les gallinæ ou poulettes.—Les delicatæ ou mignonnes.—La délicate Flavia Domitilla, épouse de l'empereur Vespasien et mère de Titus.—Les famosæ ou fameuses.—Les junices ou génisses.—Les juvencæ ou vaches.—Les lupæ ou louves.—Les noctilucæ et les noctuvigilæ ou veilleuses de nuit.—Les nonariæ.—Les pedaneæ ou marcheuses.—Les doris ou dorides.—Des divers noms donnés indifféremment à toutes les classes de prostituées.—Étymologie du mot putæ.—Les quadrantariæ.—Les quæstuaires.—Les quasillariæ ou servantes.—Les ambulatrices ou promeneuses.—Les scorta ou peaux.—Les scorta devia.—Les scrantiæ ou pots de chambre.—Les suburranæ ou filles du faubourg de la Suburre.—Les summœnianæ ou filles du Summœnium.—Les schœniculæ.—Les limaces.—Les circulatrices ou filles vagabondes.—Les charybdes ou gouffres.—Les pretiosæ.—Le sénat des femmes.—Les enfants de louage.—Les pathici ou patients.—Les ephebi ou adolescents.—Les gemelli ou jumeaux.—Les catamiti ou chattemites.—Les amasii ou amants.—Les eunuques.—Les pædicones.—Les cinèdes.—Les gaditaines.—Les danseuses, flûteuses, joueuses de lyre.—Les ambubaiæ.—Le meretricium ou taxe des filles.—Courtiers et entremetteurs de Prostitution.—Le leno.—La lena.—Les cabaretiers et les baigneurs.—Les boulangeries.—Les barbiers et les parfumeurs.—L'unguentarius.—Les admonitrices, les stimulatrices, les conciliatrices.—Les ancillulæ ou petites servantes.—Les perductores.—Les adductores.—Les tractatores.—Les lupanaires ou maîtres de mauvais lieux.—Les belluarii.—Les caprarii.—Les anserarii.
Les filles publiques à Rome, du moins dans la Rome corrompue et amollie par l'importation des mœurs de la Grèce et de l'Asie, étaient plus nombreuses qu'elles ne le furent jamais à Athènes ni même à Corinthe; elles se divisaient aussi en plusieurs classes qui n'avaient pas entre elles d'autre rapport que l'objet unique de leur honteux commerce; mais, parmi ces différentes catégories de courtisanes venues de tous les pays du monde, on eût cherché inutilement ces reines de la Prostitution, ces hétaires aussi remarquables par leur instruction et leur esprit que par leurs grâces et leur beauté, ces philosophes formées à l'école de Socrate et d'Épicure, ces Aspasie, ces Léontium, qui avaient en quelque sorte réhabilité et illustré l'hétairisme grec. Les Romains étaient plus matériels, sinon plus sensuels que les Grecs; ils ne se contentaient pas des raffinements, des délicatesses de la volupté élégante; ils ne se nourrissaient pas le cœur avec des illusions d'amour platonique; ils auraient rougi de s'atteler au char littéraire d'une philosophe ou d'une muse; ils n'eussent pas daigné chercher auprès d'une femme de plaisir les chastes distractions d'un entretien spirituel. Pour eux, le plaisir consistait dans les actes les plus grossiers, et comme ils étaient naturellement d'une nature ardente, d'une imagination lubrique et d'une force herculéenne, ils ne demandaient que des jouissances réelles, souvent répétées, largement assouvies et monstrueusement variées. Ce tempérament, qu'annonçait la grosseur de leur encolure nerveuse semblable à celle d'un taureau, se trouvait servi à souhait par une foule de mercenaires des deux sexes, qui devaient des noms particuliers à leurs habitudes, à leurs costumes, à leurs retraites et aux menus détails de leur profession.
Toutes les femmes, qui faisaient trafic de leur corps à Rome, pouvaient être rangées dans deux catégories essentiellement distinctes, les mérétrices (meretrices) et les prostituées (prostibulæ). On entendait par meretrices, celles qui ne travaillaient que la nuit; prostibulæ, celles qui se livraient nuit et jour à leur infâme travail. Nonius Marcellus, grammairien du troisième siècle, dans son livre des Différences de signification des mots, établit celle qui était tout à l'avantage des mérétrices: «Il faut remarquer entre la mérétrice et la prostituée, que la première exerce d'une manière plus décente sa profession, car les mérétrices sont nommées ainsi à cause du merenda (repas du soir), parce qu'elles ne disposent d'elles que la nuit; la prostibula tire son nom de ce qu'elle se tient devant son stabulum (repaire), pour y faire son commerce la nuit comme le jour.» Plaute, dans sa comédie de la Cistellaria, établit très-clairement cette distinction: «J'entre chez une bonne mérétrice; car se tenir dans la rue, c'est le fait proprement d'une prostituée.» Nous pensons que ces deux sortes de filles publiques, celles qui ne l'étaient que la nuit, et celles qui l'étaient à toute heure de la nuit et du jour, devaient avoir encore d'autres différences notables dans leur genre de vie, dans leur habillement et même dans leur condition sociale; ainsi, les écrivains latins, qui font mention des registres où les édiles inscrivaient les noms des courtisanes, ne parlent que des meretrices, et semblent à dessein avoir laissé de côté les prostibulæ. Celles-ci, en effet, occupaient un domicile fixe, et n'avaient que faire de changer de nom et de costume, puisqu'elles appartenaient à la plus basse classe de la plèbe. Les mérétrices, au contraire, exerçaient aussi honorablement que possible leur commerce déshonnête, et ne se mettaient pas en contravention avec les règlements de police; elles pouvaient, d'ailleurs, vivre en femmes de bien, sub sole, jusqu'à l'heure où, couvertes de l'ombre protectrice de la nuit, elles se rendaient aux lupanars, qu'elles ne quittaient qu'aux premières lueurs du matin. Il est probable aussi que la bonne mérétrice, comme l'appelle Plaute avec une naïveté que le savant M. Naudet s'est bien gardé de traduire, payait très-exactement l'impôt à la république, et n'essayait pas, en déguisant sa profession, de faire tort d'un denier à l'État. Mais toutes les ouvrières de la Prostitution n'étaient pas aussi consciencieuses, et l'on peut supposer hardiment que le plus grand nombre, les plus pauvres, les plus abjectes, ne se faisaient pas scrupule d'échapper à l'inscription de l'édile, et, par conséquent, au payement du vectigal impudique. Ces malheureuses, en effet, de même que les Prostituées du dernier ordre, ne gagnaient point assez elles-mêmes pour réserver la moindre part de leur gain au trésor public.
Les alicariæ ou boulangères étaient des filles de carrefour, qui attendaient fortune à la porte des boulangers, surtout ceux qui vendaient certains gâteaux de fine fleur de farine, sans sel et sans levain, destinés aux offrandes, pour Vénus, Isis, Priape et autres dieux ou déesses. Ces pains, appelés coliphia et siligones, représentaient sous les formes les plus capricieuses la nature de la femme et celle de l'homme. Comme on faisait une énorme consommation de ces pains priapiques et vénéréiques, principalement à l'occasion de certaines fêtes, les maîtres boulangers plantaient des tentes et ouvraient boutique sur les places et dans les carrefours; ils ne vendaient pas autre chose que des pains de sacrifice, mais en même temps ils avaient des esclaves ou des servantes qui se prostituaient jour et nuit dans la boulangerie. Plaute, dans son Pœnulus, n'a pas oublié ces bonnes amies des mitrons: Prosedas, pistorum amicas, reliquas alicarias. Les bliteæ ou blitidæ étaient des filles de la plus vile espèce, que le vin et la débauche avaient abruties, tellement qu'elles ne valaient plus rien pour le métier qu'elles faisaient encore à travers champs: leur nom dérivait de blitum, blette, espèce de poirée fade et nauséabonde. Suidas ne s'écarte pas de cette étymologie, en disant: «Ils appelaient blitidæ ces femmes viles, abjectes et idiotes.» (Viles, abjectas, fatuasque mulieres, vocabant blitidas.) Selon d'autres philologues, ce surnom s'appliquait aux courtisanes en général, parce qu'elles portaient souvent des chaussures vertes ou couleur d'ache. C'était, du reste, une grave injure, que de qualifier de blitum une femme honnête. Les bustuariæ étaient les filles de cimetière; elles vaguaient jour et nuit autour des tombeaux (busta) et des bûchers; elles remplissaient parfois l'office de pleureuses des morts, et elles servaient spécialement aux récréations des bustuaires, qui préparaient les bûchers et y brûlaient les corps; des fossoyeurs, qui creusaient les fosses, et des colombaires, qui gardaient les sépultures: elles n'avaient pas d'autre lit que le gazon qui entourait les monuments funèbres, pas d'autre rideau que l'ombre de ces monuments, pas d'autre Vénus que Proserpine. Les casalides, ou casorides, ou casoritæ, étaient des prostituées qui logeaient dans de petites maisons (casæ), dont elles avaient pris leur surnom; ce surnom signifiait aussi en grec la même chose, κασαυρα ou κασωρις. Les copæ ou cabaretières étaient les filles des tavernes et des hôtelleries: elles n'étaient pas toujours assises à l'entrée de leur séjour ordinaire; tantôt elles versaient à boire aux passants qui s'arrêtaient pour se rafraîchir; tantôt elles se montraient aux fenêtres pour attirer des clients; tantôt elles leur faisaient signe d'entrer; tantôt elles restaient retirées dans une salle basse et retirée. Les diobolares ou diobolæ étaient de misérables filles, la plupart vieilles, maigres, éreintées, qui ne demandaient jamais plus de deux oboles, comme leur nom l'indiquait. Plaute, dans son Pœnulus, dit que la Prostitution des diobolaires n'appartenait qu'aux derniers des esclaves et aux plus vils des hommes (servulorum sordidulorum scorta diobolaria). Pacuvius taxe même cette Prostitution, en disant que les dioboles n'avaient rien à refuser pour qui leur offrait la plus petite pièce de monnaie (nummi caussa parvi). Les forariæ ou foraines étaient des filles qui venaient de la campagne pour se prostituer en ville, et qui, les pieds poudreux, la tunique crottée, erraient dans les rues sombres et tortueuses, pour y gagner leur pauvre vie. Les gallinæ ou poulettes étaient celles qui s'en allaient percher partout, et qui emportaient tout ce qu'elles trouvaient sous leur main, les draps du lit, la lampe, les vases et même les dieux pénates.
Dans un ordre de courtisanes plus distingué, les delicatæ ou mignonnes étaient celles que fréquentaient les chevaliers romains, les petits-maîtres parfumés et les riches de toute condition; elles ne se piquaient pas, d'ailleurs, de délicatesse en fait d'argent, et elles ne trouvaient jamais qu'il sentît l'esclave affranchi, l'adultère ou le délateur: elles n'étaient difficiles que pour les gens qui les approchaient sans avoir la bourse bien garnie. Flavia Domitilla, que l'empereur Vespasien épousa, et qui fut mère de Titus, avait été délicate, avant d'être impératrice. Les famosæ ou fameuses étaient des courtisanes de bonne volonté, qui, quoique patriciennes, mères de famille et matrones, n'avaient pas honte de se prostituer dans les lupanars: les unes, pour contenter une horrible ardeur de débauche; les autres, pour se faire un ignoble pécule, qu'elles dépensaient en sacrifices aux divinités de leur affection. Les junices ou génisses et les juvencæ ou vaches étaient des mérétrices qui devaient ce surnom à leur embonpoint, à leur facilité et à l'ampleur de leur gorge. Les lupæ ou louves, lupanæ ou coureuses de bois, avaient été nommées ainsi en mémoire de la nourrice de Rémus et Romulus, Acca Laurentia; comme cette femme du berger Faustulus, elles se promenaient la nuit dans les champs et les bois, en imitant le cri de la louve affamée, pour appeler à elles la proie qu'elles attendaient. Ce surnom avait été porté dans le même sens par les dictériades du Céramique d'Athènes. Il se naturalisa depuis à Rome, et il devint la désignation générique de toutes les courtisanes. «Je crois, dit Ausone dans une de ses épigrammes, je crois que son père est incertain, mais sa mère est vraiment une louve.» Les noctilucæ étaient aussi des coureuses de nuit: de même que les noctuvigilæ ou veilleuses de nuit, l'un et l'autre surnom avait été donné à Vénus par des poëtes, qui pensaient par là honorer la déesse. On appelait encore généralement nonariæ les filles nocturnes, parce que les lupanars ne s'ouvraient qu'à la neuvième heure, et que les louves ne commençaient pas leur course avant cette heure-là. Ces dernières se nommaient pedaneæ, parce qu'elles n'épargnaient pas leurs souliers, quand elles en avaient. Les marcheuses n'avaient pas de ces petits pieds dont les Romains étaient si friands, et qu'Ovide ne manque jamais, dans ses descriptions mythologiques, d'attribuer aux déesses.
Les doris devaient ce surnom à leur costume ou plutôt à leur nudité; car elles se montraient absolument nues, à l'instar des nymphes de la mer, entre lesquelles la mythologie a caractérisé Doris, leur mère, en lui donnant les formes les plus voluptueuses et les mieux arrondies. Juvénal se récrie contre ces doris ou dorides, qui, dit-il, de même qu'un vil histrion représente une sage matrone, se dépouillaient de tout vêtement pour représenter des déesses. Les filles publiques étaient encore désignées sous plusieurs noms, qui les embrassaient toutes indifféremment: mulieres ou femmes; pallacæ, du grec παλλακή; pellices, en souvenir des bacchantes, qui avaient des tuniques de peaux de tigre; prosedæ, parce qu'elles attendaient, assises, le moment où quelqu'un leur ferait appel. On les nommait peregrinæ ou étrangères, comme elles sont nommées sans cesse dans les livres hébreux, parce que la plupart étaient venues de tous les points de l'univers pour se vendre à Rome; beaucoup y avaient été amenées comme prisonnières de guerre, après chaque conquête des aigles romaines; beaucoup appartenaient à des entremetteuses et à des lénons, qui les avaient achetées et qui les faisaient travailler pour eux. Les Romains, avant d'être tout à fait corrompus, se flattaient donc de ne voir que des étrangères parmi les tristes victimes de leur débauche. Ces créatures portaient encore un nom qui s'est conservé presque dans notre langue populaire: putæ ou puti, ou putilli, soit que ce nom rappelle celui de la déesse Potua, qui présidait à ce qui se peut; soit qu'il dérivât de potus, par allusion au philtre amoureux qu'on buvait dans leur coupe; soit qu'on les qualifiât de pures (putæ pour puræ), par antiphrase; soit enfin que, pour déguiser une image obscène, on eût contracté putei en puti, en conservant au mot le sens de puits ou citernes. Quelle que fût l'origine du mot, les amants s'en étaient servis d'abord pour adresser un compliment à leur maîtresse. Plaute, dans son Asinaria, met en scène un amant qui emploie cette épithète en compagnie d'autres empruntées à l'histoire naturelle: «Dis-moi donc, ma petite cane, ma colombe, ma chatte, mon hirondelle, ma corneille, mon passereau, mon puits d'amour!» On n'usait de l'expression de quadrantariæ qu'en signe de mépris, à l'égard des plus basses prostituées; on entendait par là constater le misérable salaire dont elles se contentaient; le quadrans était la quatrième partie de l'as romain, et cette petite pièce d'airain, équivalant à vingt centimes de notre monnaie, faisait ordinairement la rétribution du baigneur dans les bains publics. Cicéron, dans son plaidoyer pour Cœlius, dit que la quadrantaire, à moins que ce ne fût une maîtresse femme, revenait de droit au baigneur. Cicéron faisait peut-être une maligne allusion à la sœur de Claudius, son ennemi, qu'il avait fait surnommer quadrans, parce qu'en jouant avec elle, quand ils étaient jeunes l'un et l'autre, il s'amusait à lui lancer des quadrans, qu'elle recevait dans sa robe et qui l'atteignaient souvent au but où Cicéron avait visé. Toutes les filles publiques étaient quæstuariæ et quæstuosæ, parce qu'elles faisaient trafic ou argent (quæstus) de leur corps. Sous le règne de Trajan, on fit le recensement des quæstuaires qui servaient aux plaisirs de Rome, et l'on en compta trente-deux mille. Plaute, dans son Miles, définit la quæstuosa: «Une femme qui donne son corps en pâture à un autre corps (quæ alat corpus corpore).» Les quasillariæ étaient de pauvres servantes qui s'échappaient pendant quelques instants, avec la corbeille contenant leur tâche de la journée, et qui s'en allaient se prostituer pour quelques deniers, après quoi, elles rentraient à la maison et se remettaient à filer de la laine. Vagæ, c'étaient les filles errantes; ambulatrices, les promeneuses; scorta, les prostituées de la plus vile espèce, les peaux, comme il faut traduire ce mot injurieux; quant aux scorta devia, elles attendaient chez elles les amateurs et se mettaient seulement à la fenêtre pour les appeler. On les injuriait toutes également, quand on les traitait de scrantiæ, scraptæ ou scratiæ, que nous sommes forcés de traduire par pots de chambre ou chaises percées.
Ce n'étaient pas encore les seules dénominations que les courtisanes de Rome subissaient en bonne ou en mauvaise part, outre les deux principales qui les divisaient en mérétrices et en prostituées; on les appelait aussi suburranæ ou filles de faubourg, parce que la Suburre, faubourg de Rome près de la Voie sacrée, n'était habitée que par des voleurs et des femmes perdues. Une pièce des Priapées cite, parmi ces jeunes suburranes qui se sont affranchies avec le produit de leur métier (de quæstu libera facta suo est), la belle Telethuse, que la Prostitution avait enrichie en l'enlaidissant. Les summœnianæ étaient pareillement des filles de faubourg, qui peuplaient le Summœnium, rues désertes, voisines des murs de la ville, dans lesquelles se trouvaient des lupanars ou des caves qui en tenaient lieu. «Quiconque peut être le convive de Zoïle, dit une épigramme de Martial, soupe entre des matrones summœnianes!» Martial, dans une autre épigramme, semble vouloir pourtant rendre justice à la décence de ces filles: «La courtisane, dit-il, écarte les curieux, en tirant verrou et rideau; rarement, le Summœnium offre une porte ouverte.» Enfin, les schœniculæ, qui hantaient les mêmes quartiers écartés et qui vendaient leurs caresses aux soldats et aux esclaves, portaient des ceintures en jonc ou en paille σχοῖνος pour annoncer qu'elles étaient toujours à vendre. Un commentateur a fait de savantes recherches, qui tendent à prouver que ces filles d'esclaves et de soldats attachaient leur ceinture aussi haut que possible (alticinctæ), afin d'être moins gênées dans l'exercice de leur profession. Un autre commentateur, docte hébraïsant, veut retrouver dans les schœniculæ des Romains ces prostituées babyloniennes, que nous voyons, dans Baruch et les prophètes juifs, ceintes de cordes et assises au bord des chemins et faisant brûler des baies d'encens. Un autre commentateur, qui s'appuie d'une citation de Festus, soutient que ces filles de bas étage devaient leur surnom au parfum grossier dont elles se frottaient le corps, «schœno delibutas,» dit Plaute. Les naniæ étaient des naines ou des enfants qu'on formait dès l'âge de six ans à leur infâme métier. Les limaces (ce surnom s'est conservé dans presque toutes les langues) avaient plus d'une analogie avec ce mollusque visqueux et baveux qui se traîne dans les lieux humides, qui laisse sa trace gluante partout où il passe, et qui ronge les fruits et les herbes. Les circulatrices comprenaient toutes les filles vagabondes. On traitait naturellement de charybdes ou gouffres celles qui engloutissaient la santé, l'argent et l'honneur de la jeunesse. Les pretiosæ, du moins, qui vendaient chèrement leurs faveurs, ne portaient atteinte qu'à la bourse de leurs sectateurs. Courtisanes du peuple ou de la noblesse, mérétrices ou prostituées, toutes portaient l'habit de leur état, c'est-à-dire la toge ou tunique courte, et toutes avaient droit au nom de togatæ, qualification honteuse pour elles, tandis que les Romains s'honoraient du nom de togati (citoyens en toge). Enfin, pour terminer cette nomenclature de la Prostitution romaine, il ne faut pas oublier de dire que, les filles publiques étant souvent réunies aux mêmes endroits, leurs assemblées se nommaient conciones meretricum et senacula, quelquefois même senatus mulierum ou sénat de femmes, que ces réunions se tinssent dans la rue ou dans les tavernes, ou chez les boulangers. Les courtisanes du grand ton avaient aussi leurs lieux d'asile à Baia, à Clusium, à Capoue et dans les différentes villes où elles allaient prendre les eaux pour se remettre de leurs fatigues; elles se rendaient en si grand nombre aux bains de Clusium, qu'on disait: «Voici un troupeau de bêtes de Clusium! (Clusinum pecus),» dès qu'elles étaient quatre ou cinq à rire ensemble et à provoquer les galants.
Il est pénible de savoir que la plupart de ces appellations distinctives appliquées aux filles publiques avaient également leur application à des hommes, à des esclaves, à des enfants surtout, qui rendaient d'infâmes services à la débauche effrénée des Romains. La Prostitution masculine était certainement plus ardente et plus générale à Rome que la Prostitution féminine; mais nous n'avons pas le courage de descendre dans ces mystères infects de dépravation, et le cœur nous manque, en abordant un sujet qui s'étale effrontément dans les poésies d'Horace, de Catulle, de Martial, et même de Virgile; c'est à peine si nous oserons énumérer l'odieuse cohorte des agents et des auxiliaires de ces mœurs abominables. A chaque classe de prostituées correspondait une classe de prostitués, entre lesquels il n'y avait pas d'autre différence que le sexe. La langue latine avait, pour ainsi dire, augmenté sa richesse, pour caractériser, dans le nom qu'elle créait, la spécialité du vice de chacun. Ces infâmes n'étaient pas même flétris par la loi, puisque les règlements de police ne leur assignaient aucun vêtement particulier, puisque l'édile ne les inscrivait pas sur les tables de la Prostitution. On leur laissait dans leurs turpitudes une liberté qui témoignait de l'indulgence et même de la faveur que la législation leur avait accordée, pourvu qu'ils ne fussent pas nés libres et citoyens romains. C'étaient ordinairement des enfants d'esclaves, qu'on instruisait de bonne heure à subir la souillure d'un commerce obscène. «On appelait enfants de louage (pueri meritorii) ceux qui, de gré ou de force, se prêtaient à la honteuse passion de leur maître.» Telle est la définition que nous fournit un ancien commentateur de Juvénal. Dans ses satires, ce grand poëte, qui a marqué d'un fer rouge les ignominies de son temps, revient à chaque page sur l'usage dégoûtant auquel ces malheureux enfants étaient condamnés en naissant, ignoble joug qu'ils acceptaient sans se plaindre. On les nommait pathici (patients), ephebi (adolescents), gemelli (jumeaux), catamiti (chattemites), amasii (amants), etc. Il serait trop long et trop fastidieux de passer en revue cette vilaine litanie de noms figurés ou significatifs, que la corruption des mœurs romaines avait créés pour peindre les incroyables variétés de ces tristes instruments de Prostitution. Il suffira de dire que les adolescents, formés à cet art abominable dès leur septième année, devaient réunir certaines exigences de beauté physique qui les rapprochaient du sexe féminin; ils étaient sans barbe et sans poil, oints d'huiles parfumées, avec de longs cheveux bouclés, l'air effronté, le regard oblique, le geste lascif, la démarche nonchalante, les mouvements obscènes. Tous ces vils serviteurs de plaisir se trouvaient rangés en deux catégories qui n'empiétaient pas, en général, sur leurs attributions spéciales: il y avait ceux qui n'étaient jamais que des victimes passives et dociles; il y avait ceux qui devenaient actifs à leur tour, et qui pouvaient au besoin rendre impudicité pour impudicité à leurs Mécènes débauchés. Ces derniers, dont les dames romaines ne dédaignaient pas les bons offices, étaient ordinairement des eunuques (spadones), dont la castration avait épargné le signe de virilité. Les autres, quelquefois aussi, avaient été soumis à une castration complète, qui faisait d'eux une race bâtarde tenant à la fois de l'homme et de la femme. C'était là un raffinement dont les pædicones (pédérastes) se montraient friands et jaloux. Au reste, pour bien comprendre l'incroyable habitude de ces horreurs chez les Romains, il faut se représenter qu'ils demandaient au sexe masculin toutes les jouissances que pouvait leur donner le sexe féminin, et quelques autres, plus extraordinaires encore, que ce sexe, destiné à l'amour par la loi de nature, eût été fort en peine de leur procurer. Chaque citoyen, fût-ce le plus recommandable par son caractère et le plus élevé par sa position sociale, avait donc dans sa maison un sérail de jeunes esclaves, sous les yeux de ses parents, de sa femme et de ses enfants. Rome, d'ailleurs, était remplie de gitons qui se louaient de même que les filles publiques; de maisons consacrées à ce genre de Prostitution, et de proxénètes, qui ne faisaient pas d'autre métier que d'affermer à leur profit les hideuses complaisances d'une foule d'esclaves et d'affranchis.
Si le libertinage de cette espèce n'avait pas de plus habiles interprètes que certains danseurs et mimes, appelés cinèdes (cinædi, du verbe grec κινεῖν, mouvoir), qui étaient presque tous châtrés, c'était aussi dans la classe des danseuses et des baladines, que l'on pouvait recruter les meilleurs sujets pour la pantomime des jeux de l'amour. Les joueuses de flûte et les danseuses furent aussi recherchées à Rome qu'elles l'étaient en Grèce et en Asie; on les faisait venir de ces pays-là, où elles avaient une école perpétuelle qui les formait d'après les leçons de l'art et de la volupté. Elles n'étaient pas par état vouées à la Prostitution; on ne lisait pas leurs noms inscrits sur les registres de l'édile, du moins dans le vaste répertoire des courtisanes; elles se recommandaient seulement du métier qui leur appartenait, et qu'elles exerçaient d'ailleurs avec une sorte d'émulation; mais elles ne se privaient pas des autres ressources que ce métier-là leur permettait d'utiliser en même temps. Elles ne différaient donc des filles publiques proprement dites que par la liberté qu'on leur laissait de ne pas faire de la Prostitution leur principale industrie. Elles n'avaient affaire, d'ailleurs, qu'aux gens riches, et elles se louaient à l'heure ou à la nuit, pour flûter, danser ou mimer dans les festins, dans les assemblées et dans les orgies. Ces femmes de joie différaient les unes des autres, non-seulement par leur taille, leur figure, leur teint, leur langage, mais encore par le genre de leur danse et de leur musique. On distinguait parmi elles les Espagnoles (gaditanæ), qui savaient merveilleusement exciter, par leur chant et leur danse, la convoitise et les désirs des spectateurs les plus froids: «De jeunes et lubriques filles de Cadix agiteront sans fin leurs reins lascifs aux vibrations savantes.» C'est Martial qui dépeint ainsi leurs danses nationales, et Juvénal y ajoute un trait de plus en disant que ces gaditaines s'accroupissaient jusqu'à terre en faisant tressaillir leurs hanches (ad terram tremulo descendant clune puellæ); puissant aphrodisiaque, selon lui, ardent aiguillon des sens les plus languissants. Toutes les danseuses n'arrivaient pas d'Espagne: l'Ionie, l'île de Lesbos et la Syrie n'avaient rien perdu de leurs anciens priviléges pour fournir à la débauche les plus expérimentées dans l'art de la flûte et dans l'art de la danse. Celles qu'on appelait sans distinction danseuses, flûteuses, joueuses de lyre (saltatrices, fidicinæ, tibicinæ), étaient des Lesbiennes, des Syriennes, des Ioniennes; il y avait aussi des Égyptiennes, des Indiennes et des Nubiennes: une peau noire, jaune ou bistrée convenait, aussi bien que la plus blanche, aux plus voluptueuses apparitions de la danse ionique ou bactrianique. L'une se nommait bactriasmus, remarquable par les tremblements spasmodiques des reins; l'autre, ionici motus, imitant avec une obscène vérité la pantomime et les péripéties de l'amour. Horace nous assure que les vierges de son temps, plus avancées qu'elles ne devaient l'être pour leur âge et leur condition, apprenaient les poses et les mouvement de l'ionique (motus doceri gaudet ionicos matura virgo). Le latin dit même qu'elles y prenaient plaisir. Entre toutes ces étrangères, on donnait la palme aux Syriennes (ambubaiæ), qui se prêtaient à tout, comme leur nom semble l'indiquer. Il n'y avait pas de bons soupers sans elles; mais, comme elles ne payaient pas le meretricium, ou la taxe des filles, l'édile ne leur faisait pas grâce quand elles étaient prises en fraude, et il les condamnait d'abord à l'amende, ensuite au fouet, puis enfin à l'exil. Dans ce cas-là, elles sortaient par une porte de Rome et y rentraient par une autre. La plupart de ces baladines ne travaillaient que pour les riches et dans l'intérieur des maisons; quelques-unes pourtant se donnaient en spectacle sur les places et dans les carrefours, où il ne fallait que le son d'une flûte ou le cliquetis d'un grelot pour attirer une foule compacte de peuple qui faisait cercle autour des danseuses et des musiciennes. Quant aux danseurs et musiciens, ils remplissaient exactement le même rôle que leurs compagnes.
Cette Prostitution effrénée, revêtant mille déguisements, et se glissant partout sous mille formes variées, nourrissait et enrichissait une immense famille de courtiers et d'entremetteurs des deux sexes, qui tenaient boutiques de débauche ou qui exerçaient de maintes façons leur métier avilissant, sans avoir rien à craindre de la police de l'édile; car la loi fermait les yeux sur le lenocinium, pourvu que ce ne fût pas un citoyen romain ou une Romaine ingénue, qui s'imposât cette note d'infamie. Mais comme le métier était lucratif, bien des Romaines et des Romains, de naissance et de condition libres, s'adonnaient secrètement à l'art des proxénètes, car c'était un art véritable, plein d'intrigues, de ruses et d'inventions. Le nom générique de ces êtres dépravés, que punissait seul le mépris public, était leno pour les hommes, lena pour les femmes. Priscien dérive ces mots du verbe lenire, parce que, dit-il, ce vil agent de Prostitution séduit et corrompt les âmes par des paroles douces et caressantes (deliniendo). Dans l'origine du mot, leno s'appliquait indifféremment aux deux sexes, comme si le lénon n'était ni mâle ni femelle; mais plus tard on employa le féminin lena, pour mieux préciser l'intervention féminine dans cette odieuse industrie. «Je suis lénon, dit un personnage des Adelphes de Térence, je suis le fléau commun des adolescents.» Parmi les lénons et les lènes, on comptait une quantité d'espèces différentes qui avaient des relations d'affaires et d'intérêt avec les différentes espèces de filles publiques. Nous avons déjà dit que les boulangers, les hôteliers, les cabaretiers et les baigneurs, aussi bien que les femmes qui tenaient des bains, des cabarets, des auberges et des boulangeries, se mêlaient tous plus ou moins du lenocinium. Le lénon existait dans toutes les conditions et se cachait sous tous les masques; il n'avait donc pas de costume particulier ni de caractère distinctif. Le théâtre latin, qui le mettait continuellement en scène, lui avait pourtant donné un habit bariolé et le représentait sans barbe, la tête rasée. Il faut citer encore, entre les professions qui étaient le plus favorables au trafic des lénons, celles de barbier et de parfumeur: aussi, dans certaines circonstances, tonsor et unguentarius sont-ils synonymes de leno. Un des anciens commentateurs de Pétrone, un simple et candide Hollandais, Douza, est entré dans de singuliers détails au sujet des boutiques de barbier à Rome, dans lesquelles le maître avait une troupe de beaux jeunes garçons, qui ne s'amusaient pas à couper les cheveux, à épiler des poils et à faire des barbes, mais qui, de bonne heure, exercés à tous les mystères de la plus sale débauche, se louaient fort cher pour les soupers et les fêtes nocturnes. (Quorum frequenti opera non in tondenda barba, pilisque vellendis modo, aut barba rasitanda, sed vero et pygiacis sacris cinædice, ne nefarie dicam, de nocte administrandis utebantur.) Quant aux parfumeurs, leur négoce les mettait en rapport direct avec la milice de la Prostitution, à l'usage de laquelle les essences, les huiles parfumées, les poudres odoriférantes, les pommades érotiques et tous les onguents les plus délicats avaient été inventés et perfectionnés; car homme ou femme, jeune ou vieux, on se parfumait toujours avant d'entrer dans la lice de Vénus, tellement qu'on désignait un ganymède par le mot unguentatus, frotté d'huile parfumée. «Chaque jour, dit Lucius Afranius, l'unguentarius le pare devant le miroir; lui, qui se promène les sourcils rasés, la barbe arrachée, les cuisses épilées; lui, qui, dans les festins, jeune homme accompagné de son amant, se couche, vêtu d'une tunique à longues manches, sur le lit le plus bas; lui, qui ne cherche pas seulement du vin, mais des caresses d'homme (qui non modo vinosus, sed virosus quoque sit), est-ce qu'on peut douter qu'il ne fasse ce que les cinædes ont coutume de faire?»
D'ordinaire, tous les esclaves étaient dressés au lenocinium; ils n'avaient, pour cela, qu'à se souvenir, en vieillissant, de l'expérience de leur jeunesse. Les vieilles surtout n'avaient pas d'autre manière de se consacrer encore à la Prostitution. Les servantes, ancillæ, méritaient donc de leur mieux les surnoms d'admonitrices, de stimulatrices, de conciliatrices; elles portaient les lettres, marchandaient l'heure, la nuit, le rendez-vous, arrêtaient les conditions du traité, préparaient le lieu et les armes du combat, aidaient, excitaient, poussaient, entraînaient. Rien n'égalait leur adresse, sinon leur friponnerie. Il n'y avait pas de vertu invincible, quand elles voulaient s'acharner à sa défaite. Mais il fallait leur donner beaucoup et leur promettre davantage. Il y avait de petites servantes, ancillulæ, qui ne le cédaient pas aux plus fourbes et aux plus habiles. Néanmoins, ces officieux domestiques étaient moins pervers et moins méprisables que les courtiers de débauche, que l'argent seul mettait en campagne, et qui n'avaient pas un maître ou une maîtresse à contenter. C'est de ces lénons qu'Asconius Pedianus disait dans son commentaire sur Cicéron: «Ces corrupteurs des prostituées le sont aussi des personnes qu'ils conduisent malgré elles à commettre des adultères que les lois punissent.» Perductores, c'étaient ceux qui conduisaient leurs victimes au vice et à l'infamie; adductores, ceux qui se chargeaient de procurer des sujets à la débauche, et qui se mettaient, pour ainsi dire, à sa solde; tractatores, ceux qui négociaient un marché de ce genre. On ne peut imaginer le nombre et l'importance de marchés semblables, qui se débattaient tous les jours, par intermédiaire, entre les parties intéressées. De même que les vieilles entremetteuses, les lénons étaient presque invariablement de vieux débris de la Prostitution, lesquels n'avaient plus d'ardeur que pour servir les plaisirs d'autrui; quelques-uns même cumulaient les profits et les fatigues des deux professions, en les combinant l'une par l'autre.
Enfin, il faut ranger aussi dans le dernier groupe des lénons mâles et femelles, les maîtres et maîtresses de mauvais lieux, les lupanaires (lupanarii), qui avaient la haute main dans ces lieux-là. Ces entrepreneurs de Prostitution se cramponnaient au dernier échelon de la honte, quoique le jurisconsulte Ulpien ait reconnu qu'il existait des lupanars en activité dans les maisons de plusieurs honnêtes gens. (Nam et in multorum honestorum virorum prædiis lupanaria exercentur.) Les propriétaires des maisons ne participaient nullement à l'infamie de leurs locataires. Mais, au-dessous des lupanaires, il y avait encore des degrés de turpitude et d'exécration qui appartenaient de droit aux belluarii, aux caprarii et aux anserarii; les premiers entretenaient des bêtes de diverses sortes, surtout des chiens et des singes; les deuxièmes, des chèvres; les troisièmes enfin, des oies, «les délices de Priape,» comme les appelle Pétrone, et ces animaux impurs, dressés au métier de leurs gardiens, offraient de dociles complices au crime de la bestialité! «Si les hommes manquent, dit Juvénal en décrivant les mystères de la Bonne Déesse dans la satire des Femmes, la ménade de Priape est prête à se soumettre elle-même à un âne vigoureux.»
Quæritur et desunt homines, mora nulla peripsam
Quominùs imposito clunem submittat asello.
FIN DU TOME PREMIER.
TABLE DES MATIÈRES
DU PREMIER VOLUME.
PREMIÈRE PARTIE.
ANTIQUITÉ.—Grèce.—Rome.
Sommaire.—La Chaldée, berceau de la Prostitution hospitalière et de la Prostitution sacrée.—Babylone.—Vénus Mylitta.—Loi honteuse des Babyloniens.—Mystères du culte de Mylitta.—Culte de Vénus Uranie dans l'île de Cypre.—Le prophète Baruch et Hérodote.—Prostitution sacrée des femmes de Babylone.—Offrandes pour se rendre Vénus favorable.—Le Champ sacré de la Prostitution.—Corruption épouvantable des Babyloniens.—Leur science dans l'art du plaisir et des voluptés.—Impudeur des dames babyloniennes et de leurs filles dans les banquets.—La Prostitution sacrée en Arménie.—Temple de Vénus Anaïtis.—Sérails des deux sexes.—Hôtes de Vénus.—L'enclos sacré.—Prêtresses d'Anaïtis.—La Prostitution sacrée en Syrie.—Cultes de Vénus, d'Adonis et de Priape.—L'Astarté des Phéniciens.—Fêtes nocturnes et débauches infâmes qui avaient lieu sous les auspices et en l'honneur d'Astarté.—La déesse des Sidoniens.—La Prostitution sacrée dans l'île de Cypre.—Les filles d'Amathonte.—Cypris, maîtresse du roi Cinyras, fondateur du temple de Paphos.—Phallus offerts en holocauste.—La Vénus hermaphrodite d'Amathonte, dite la double déesse.—Mystères secrets du culte d'Astarté.—Le Hochequeue.—Philtres amoureux des magiciens.—La Prostitution sacrée dans les colonies phéniciennes.—Les Tentes des Filles, à Sicca-Veneria.—Principaux caractères du culte de Vénus, précisés par saint Augustin.—Culte hermaphrodite dans l'Asie-Mineure.—Fêtes en l'honneur d'Adonis, à Byblos.—Rites du culte d'Adonis.—Sa statue phallophore.—Temples de Vénus Anaïtis à Zela et à Comanes, à Suse et à Ecbatane.—La Prostitution sacrée chez les Parthes et chez les Amazones.—Mollesse des Lydiens.—Débauche éhontée des filles lydiennes.—Tombeau du roi Alyattes, père de Crésus, construit presque en entier avec l'argent de la Prostitution.—Prostituées musiciennes et danseuses suivant l'armée des Lydiens.—Orgies des anciens Perses en présence de leurs femmes et de leurs filles légitimes.—Les trois cent vingt-neuf concubines de Darius.
Sommaire.—La Prostitution en Égypte, autorisée par les lois.—Cupidité des Égyptiennes.—Leurs talents incomparables pour exciter et satisfaire les passions.—Réputation des courtisanes d'Égypte.—Cultes d'Osiris et d'Isis.—Osiris, emblème de la nature mâle.—Isis, emblème de la nature femelle.—Le Van mystique, le Tau sacré et l'Œil sans sourcils, des processions d'Osiris.—La Vache nourricière, les Cistophores et le Phallus, des processions d'Isis.—La Prostitution sacrée en Égypte.—Initiations impudiques des néophytes des deux sexes, réservées aux prêtres égyptiens.—Opinion de saint Épiphane sur ces cérémonies occultes.—Fêtes d'Isis à Bubastis.—Obscénités des femmes qui s'y rendaient.—Souterrains où s'accomplissaient les initiations aux mystères d'Isis.—Profanations des cadavres des jeunes femmes par les embaumeurs.—Rhampsinite ou Rhamsès prostitue sa fille pour parvenir à connaître le voleur de son trésor.—Subtilité du voleur, auquel il donne sa fille en mariage.—La fille de Chéops et la grande pyramide.—La pyramide du milieu.—La pyramide de Mycérinus et la courtisane Rhodopis.—Histoire de Rhodopis et de son amant Charaxus, frère de Sapho.—Les broches de fer du temple d'Apollon à Delphes.—Rhodopis-Dorica.—Ésope a les faveurs de cette courtisane, en échange d'une de ses fables.—Le roi Amasis, l'aigle et la pantoufle de Rhodopis.—Épigramme de Pausidippe.—Naucratis, la ville des courtisanes.—La prostituée Archidice.—Les Ptolémées.—Ptolémée Philadelphe et ses courtisanes Cleiné, Mnéside, Pothyne et Myrtion.—Stratonice.—La belle Bilistique.—Ptolémée Philopator et Irène.—La courtisane Hippée ou la Jument.
Sommaire.—La Prostitution hospitalière chez les Hébreux.—Les fils des anges.—Le déluge.—Sodome et Gomorrhe.—Les filles de Loth.—La Prostitution légale établie chez les Patriarches.—Joseph et la femme de l'eunuque Putiphar.—Thamar se prostitue à Juda son beau-père.—Le marché aux paillardes.—Les femmes étrangères.—Le roi Salomon permet aux courtisanes de s'établir dans les villes.—Apostrophe du prophète Ézéchiel à Jérusalem la grande prostituée.—Lois de Moïse.—Sorte de Prostitution permise par Moïse, et à quelles conditions.—Trafic que les Hébreux faisaient entre eux de leurs filles.—Inflexibilité de Moïse à l'égard des crimes contre nature.—Raisons qui avaient décidé Moïse à exclure les Juives de la Prostitution légale.—Le chapitre XVIII du Lévitique.—Infirmités secrètes dont les femmes juives étaient affligées.—Précautions singulières prises par Moïse pour sauvegarder la santé des Hébreux.—Tourterelles offertes en holocauste par les hommes découlants, pour obtenir leur guérison.—La loi de Jalousie.—Le gâteau de Jalousie et les eaux amères de la malédiction.—La Prostitution sacrée chez les Hébreux.—Cultes de Moloch et de Baal-Phegor.—Superstitions obscènes et offrandes immondes.—Les Molochites.—Les efféminés ou consacrés.—Leurs mystères infâmes.—Le prix du chien.—Les consacrées.—Maladies nées de la débauche des Israélites.—Zambri et la prostituée de Madian.—Les efféminés détruits par Moïse reparaissent sous les rois de Juda.—Asa les chasse à son tour.—Maacha, mère d'Asa, grande prêtresse de Priape.—Les efféminés, revenus de nouveau, sont décimés par Josias.—Débordements des Israélites avec les filles de Moab.—Mœurs des prostituées moabites.—Expédition contre les Madianites.—Massacre des femmes prisonnières, par ordre de Moïse.—Lois de Moïse sur la virginité des filles.—Moyens des Juifs pour constater la virginité.—Peines contre l'adultère et le viol.—L'achat d'une vierge.—La concubine de Moïse.—Châtiment infligé par le Seigneur à Marie, sœur de Moïse.—Recommandation de Moïse aux Hébreux, au sujet des plaisirs de l'amour.—La fille de Jephté.—Les espions de Josué et la fille de joie Rahab.—Samson et la paillarde de Gaza.—Dalila.—Le lévite d'Éphraïm et sa concubine.—Infamie des Benjamites.—La jeune fille vierge du roi David.—Débordements du roi Salomon.—Ses sept cents femmes et ses trois cents concubines.—Tableau et caractère de la Prostitution à l'époque de Salomon, puisés dans son livre des Proverbes.—Les prophètes Isaïe, Jérémie et Ézéchiel.—Le temple de Dieu à Jérusalem, théâtre du commerce des prostituées.—Jésus les chasse de la maison du Seigneur.—Marie Madeleine chez le Pharisien.—Jésus lui remet ses péchés à cause de son repentir.
Sommaire.—La Prostitution sacrée en Grèce.—Les Vénus grecques.—Vénus-Uranie.—Vénus-Pandemos.—Pitho, déesse de la persuasion.—Solon fait élever un temple à la déesse de la Prostitution, avec les produits des dictérions qu'il avait fondés à Athènes.—Temples de Vénus-Populaire à Thèbes et à Mégalopolis.—Offrande d'Harmonie, fille de Cadmus, à Vénus-Pandemos.—Vénus-Courtisane ou Hétaire.—La ville d'Abydos délivrée par une courtisane.—Temple de Vénus-Hétaire à Éphèse construit aux frais d'une courtisane.—Les Simœthes.—Temple de Vénus-Courtisane, à Samos, bâti avec les deniers de la Prostitution.—Vénus Peribasia ou Vénus-Remueuse.—Vénus Salacia ou Vénus-Lubrique.—Sa statue en vif-argent par Dédale.—Dons offerts à Vénus-Remueuse par les prostituées.—Vénus-Mélanis ou la Noire, déesse de la nuit amoureuse.—Ses temples.—Vénus Mucheia ou la déesse des repaire.—Vénus Castnia ou la déesse des accouplements impudiques.—Vénus Scotia ou la Ténébreuse.—Vénus Derceto ou la Coureuse.—Vénus Mechanitis ou Mécanique.—Vénus Callipyge ou aux belles fesses.—Origine du culte de Vénus Derceto.—Jugement de Pâris.—Origine du culte de Vénus Callipyge.—Les Aphrodisées et les Aloennes.—Les mille courtisanes du temple de Vénus à Corinthe.—Offrande de cinquante hétaires, faite à Vénus par le poëte Xénophon de Corinthe.—Procession des consacrées.—Fonctions des courtisanes dans les temples de Vénus.—Les petits mystères de Cérès.—Le pontife Archias.—Cottine, fameuse courtisane de Sparte.—Célébration des fêtes d'Adonis.—Vénus Leæna et Vénus Lamia.
Sommaire.—Motifs qui engagèrent Solon à fonder à Athènes un établissement de Prostitution.—Ce que dit l'historien Nicandre de Colophon, à ce sujet.—Solon salué, pour ce même fait, par le poëte Philémon, du titre de bienfaiteur de la nation.—Taxe de la prostitution fixée par Solon.—Les dictériades considérées comme fonctionnaires publiques.—Règlements de Solon pour les prostituées d'Athènes.—Festins publics institués par Hippias et Hipparque.—Ordonnance du tyran Pisistrate pour les jours consacrés à la débauche publique.—Vices honteux des Athéniens.—Mœurs privées des femmes de Sparte et de Corinthe.—Vie licencieuse des femmes spartiates.—Inutilité des courtisanes à Sparte.—Indifférence de Lycurgue à l'égard de l'incontinence des femmes et des filles.—La fréquentation des prostituées regardée comme chose naturelle.—Mission morale des poëtes comiques et des philosophes.—L'aréopage d'Athènes.—Législation de la Prostitution athénienne.—Situation difficile faite par les lois aux courtisanes.—Bacchis et Myrrhine.—Euthias accuse d'impiété la courtisane Phryné.—L'avocat Hypéride la fait absoudre.—Reconnaissance des prostituées envers Hypéride.—La courtisane Théocris, prêtresse de Vénus, condamnée à mort sur l'accusation de Démosthène.—Isée.—Décrets de l'aréopage d'Athènes concernant les prostituées.—L'hétaire Nemea.—Triste condition des enfants des concubines et des courtisanes.—Hercule dieu de la bâtardise.—Infamie de la loi envers les bâtards.—Les Dialogues des Courtisanes de Lucien.—L'orateur Aristophon et le poëte comique Calliade.—Loi dite de la Prostitution.—Singularités monstrueuses des lois athéniennes.—Tribunaux subalternes d'édilité et de police.—Leurs fonctions.
Sommaire.—Des différentes catégories de prostituées athéniennes.—Les Dictériades, les Aulétrides, les Hétaires.—Pasiphaé.—Conditions diverses des femmes de mauvaise vie.—Démosthène contre la courtisane Nééra.—Revenu considérable de l'impôt sur la Prostitution.—Le Pornicontelos affermé par l'État à des spéculateurs.—Les collecteurs du Pornicontelos.—Heures auxquelles il était permis aux courtisanes de sortir.—Le port du Pirée assigné pour domaine à la Prostitution.—Le Céramique, marché de la Prostitution élégante.—Usage singulier.—Profanation des tombeaux du Céramique.—Le port de Phalère et le bourg de Sciron.—La grande place du Pirée.—Thémistocle traîné par quatre hétaires en guise de chevaux.—Enseignes impudiques des maisons de Prostitution.—Les petites maisons de louage des hétaires.—Lettre de Panope à son mari Euthibule.—Police des mœurs concernant les vêtements des prostituées.—Le costume fleuri des courtisanes d'Athènes.—Lois somptuaires.—Costume des prostituées de Lacédémone.—Loi terrible de Zaleucus, disciple de Pythagore, contre l'adultère.—Suidas et Hermogène.—Loi somptuaire de Philippe de Macédoine.—Costume ordinaire des Athéniennes de distinction.—Costume des courtisanes de Sparte.—Différence de ce costume avec celui des femmes et des filles spartiates.—Mode caractéristique des courtisanes grecques.—Dégradation, par la loi, des femmes qui se faisaient les servantes des prostituées.—Perversité ordinaire de ces servantes.
Sommaire.—Auteurs grecs qui ont composé des Traités sur les hétaires.—Histoire des Courtisanes illustres, par Callistrate.—Les Déipnosophistes d'Athénée.—Aristophane de Byzance, Apollodore, Ammonius, Antiphane, Gorgias.—La Thalatta de Dioclès.—La Corianno d'Hérécrate.—La Thaïs de Ménandre.—La Clepsydre d'Eubule.—Les cent trente-cinq hétaires en réputation à Athènes.—Classification des courtisanes par Athénée.—Dictériades libres.—Les Louves.—Description d'un dictérion, d'après Xénarque et Eubule.—Prix courants des lieux de débauche.—Occupation des dictériades.—Le pornoboscéion ou maître d'un dictérion.—Les vieilles courtisanes ou matrones.—Leur science pour débaucher les jeunes filles.—Éloge des femmes de plaisir, par Athénée.—Les dictérions lieux d'asile.—Salaires divers des hétaires de bas étage et des dictériades libres.—Phryné de Thespies.—La Chassieuse.—Laïs.—Le villageois Anicet et l'avare Phébiane.—Cupidité des courtisanes.—Le pêcheur Thallassion.—Origine des surnoms de quelques dictériades.—Les Sphinx.—L'Abîme et la Pouilleuse.—La Ravaudeuse, la Pêcheuse et la Poulette.—L'Arcadien et le Jardinier.—L'Ivrognesse, la Lanterne, la Corneille, la Truie, la Chèvre, la Clepsydre, etc., etc.
Sommaire.—Dangers, pour la jeunesse, de la fréquentation des hétaires subalternes.—Ce que le poëte Anaxilas dit des hétaires.—Portrait qu'il fait de l'hétairisme.—Science des femmes de mauvaise vie dans l'emploi des fards.—Le pædérote.—Dryantidès à sa femme Chronion.—Manière dont les courtisanes se peignaient le visage.—Les peintres de courtisanes Pausanias, Aristide et Niophane.—Lettre de Thaïs à Thessala au sujet de Mégare.—Amour de Charmide pour la vieille Philématium.—Les vieilles hétaires.—Comment les hétaires attiraient les passants.—Conseils de Crobyle à sa fille Corinne.—L'hétaire Lyra.—Reproches de la mère de Musarium à sa fille.—L'esclave Salamine et son maître Gabellus.—Simalion et Pétala.—Dialogue entre l'hétaire Myrtale et Dorion, son amant rebuté.—Les marchands de Bithynie.—Sacrifice des courtisanes aux dieux.—La dictériade Lysidis.—Singulière offrande que fit cette prostituée à Vénus Populaire.—Les commentateurs de l'Anthologie grecque.—Explication du proverbe célèbre: On ne va pas impunément à Corinthe.—Le mot Ocime.—Denys-le-Tyran à Corinthe.—D'où étaient tirées les nombreuses courtisanes de Corinthe.—Le verbe λεσβιάζειν.—L'amour à la Phénicienne.—Les beaux ouvrages des Lesbiennes.—Préceptes théoriques de l'hétairisme.—Code général des courtisanes.—Lettres d'Aristénète.—Piéges des hétaires pour faire des victimes.—Encore les murs du Céramique.—Le cachynnus des courtisanes.—Infâme métier de Nicarète, affranchie de Charisius.—Ses élèves.—Prix élevé des filles libres et des femmes mariées.—Pénalité de l'adultère.—Le supplice du radis noir.—Les lois de Dracon.—Philumène.—Philtres soporifiques et philtres amoureux.—Les magiciennes de Thessalie et de Phrygie.—Cérémonies mystérieuses qui accompagnaient la composition d'un philtre.—Mélissa.—Diversité des philtres.—Opérations magiques.—Philtres préservatifs.—Jalousies et rivalités des courtisanes entre elles.—L'amour lesbien.—Sapho, auteur des scandaleux développements que prit cet amour.—Dialogue de Cléonarium et de Lééna.—Mégilla et Démonasse.
Sommaire.—Les joueuses de flûte.—Le dieu Pan, le roi Midas et le satyre Marsyas.—Les aulétrides aux fêtes solennelles des dieux.—Aux fêtes bachiques.—Intermèdes.—Noms des différents airs que les aulétrides jouaient pendant les repas.—L'air Gingras ou triomphal.—Le chant Callinique.—Supériorité des Béotiens dans l'art de la flûte.—Inscription recueillie par saint Jean Chrysostome.—Supériorité des joueuses de flûte phrygiennes, ioniennes et milésiennes.—Leur location pour les banquets.—Le philosophe et la baladine.—Les danseuses.—Genre distinctif de débauche des joueuses de flûte.—Passion des Athéniens pour les aulétrides.—Délire qu'occasionnaient les flûteuses dans les festins.—Bromiade, la joueuse de flûte.—Indignation de Polybe, au sujet des richesses de certaines femmes publiques.—Les danseuses du roi Antigonus et les ambassadeurs arcadiens.—Ce qui distinguait les aulétrides de leurs rivales en Prostitution.—Philine et Dyphile.—Liaisons des aulétrides entre elles.—Amour de l'aulétride Charmide pour Philématium.—Mœurs dépravées des aulétrides.—Les festins callipyges.—Combats publics de beauté, institués par Cypsélus.—Hérodice.—Les chrysophores ou porteuses d'or.—Tableau des fêtes nocturnes où les aulétrides se livraient les combats de beauté.—Lettre de l'aulétride Mégare à l'hétaire Bacchis.—Combat de Myrrhine et de Pyrallis.—Philumène.—Les jeunes gens admis comme spectateurs aux orgies des courtisanes.—Le souper des Tribades.—Lettre de l'hétaire Glycère à l'hétaire Bacchis.—Amours de Ioesse et de Lysias.—Pythia.—Désintéressement ordinaire des aulétrides.—Tarif des caresses d'une joueuse de flûte à la mode.—Billet de Philumène à Criton.—Lettre de Pétala à son amant Simalion.—Caractère joyeux des aulétrides.—Mésaventures de Parthénis, la joueuse de flûte.—Le cultivateur Gorgus, et Crocale sa maîtresse.—Origine des sobriquets de quelques aulétrides célèbres.—Le Serpolet.—L'Oiseau.—L'Éclatante.—L'Automne.—Le Gluau.—La Fleurie.—Le Merlan.—Le Filet.—Le Promontoire.—Synoris, Euclée, Graminée, Hiéroclée, etc.—L'ardente Phormesium.—Neméade.—Phylire.—Amour d'Alcibiade pour Simœthe.—Antheia.—Nanno.—Jugement des trois Callipyges.—Lamia.—Amour passionné de Démétrius Poliorcète, roi de Macédoine, pour cette célèbre aulétride.—Comment Lamia devint la maîtresse de Démétrius.—Lettre de cette courtisane à son royal amant.—Jalousie des autres maîtresses de Démétrius: Lééna, Chrysis, Antipyra et Démo.—Secrets amoureux de Lamia, rapportés par Machon et par Athénée.—Origine du surnom de Lamia ou Larve.—Les ambassadeurs de Démétrius à la cour de Lysimachus, roi de Thrace.—Épigrammes de Lysimachus sur Lamia.—Réponses de Démétrius.—Lettres de Lamia à Démétrius.—Jugement de Bocchoris, roi d'Égypte, entre l'hétaire Thonis et un jeune Égyptien.—Boutade de Lamia au sujet de ce jugement.—Exaction de Démétrius au profit de Lamia.—Ce que coûta aux Athéniens le savon pour la toilette de cette courtisane.—Richesses immenses de Lamia.—Édifices qu'elle fit construire à ses frais.—Polémon, poëte à la solde de Lamia.—Magnificence des festins que donnait Lamia à Démétrius.—Comment elle s'en faisait rembourser le prix.—Mort de Lamia.—Bassesse des Athéniens qui la divinisent et élèvent un temple en son honneur.—Mot cruel de Démo, rivale de Lamia.
Sommaire.—Les concubines athéniennes.—Leur rôle dans le domicile conjugal.—But que remplissaient les courtisanes dans la vie civile.—En quoi l'hétaire différait de la fille publique.—Origine du mot hétaire.—Vicissitudes de ce mot.—Les hétaires de Sapho.—Les bonnes amies ou grandes hétaires.—Leur position sociale.—Les familières et les philosophes.—Préférences que les Athéniens accordaient aux courtisanes sur leurs femmes légitimes.—Portrait de la femme de bien, par le poëte Simonide.—Les neuf espèces de femmes de Simonide.—Les femmes honnêtes.—Axiome de Plutarque.—Loi du divorce.—Alcibiade et sa femme Hipparète devant l'archonte.—Avantages des hétaires sur les femmes mariées.—Influence des courtisanes sur les lettres, les sciences et les arts.—Action salutaire de la Prostitution dans les mœurs grecques.—Les jeunes garçons.—Les deux portraits d'Alcibiade.—L'aulétride Drosé et le philosophe Aristénète.—Les philosophes, corrupteurs de la jeunesse.—Thaïs et Aristote.—Les plaisirs ordinaires des hétaires et les amours extraordinaires de la philosophie.—Gygès, roi de Lydie.—Les Ptolémées.—Alexandre-le-Grand et l'Athénienne Thaïs.—Mariage de cette courtisane.—Hommes illustres qui eurent pour mères des courtisanes.
Sommaire.—Les hétaires philosophes.—La Prostitution protégée par la philosophie.—Systèmes philosophiques de la Prostitution.—La Prostitution lesbienne.—La Prostitution socratique.—La Prostitution cynique.—La Prostitution épicurienne.—Philosophie amoureuse de Mégalostrate, maîtresse du poëte Alcman.—Sapho.—Cléis, sa fille.—Sapho mascula.—Ode saphique traduite par Boileau Despréaux.—Les élèves de Sapho.—Amour effréné de Sapho pour Phaon.—Source singulière de cet amour.—Suicide de Sapho.—Le saut de Leucade.—L'hétaire philosophe Lééna, maîtresse d'Harmodius et d'Aristogiton.—Son courage dans les tourments.—Sa mort héroïque.—Les Athéniens élèvent un monument à sa mémoire.—L'hétaire philosophe Cléonice.—Meurtre involontaire de Pausanias.—L'hétaire philosophe Thargélie.—Mission difficile et délicate dont la chargea Xerxès, roi de Perse.—Son mariage avec le roi de Thessalie.—Aspasie.—Son cortége d'hétaires.—Elle ouvre une école à Athènes, et y enseigne la rhétorique.—Amour de Périclès pour cette courtisane philosophe.—Chrysilla.—Périclès épouse Aspasie.—Socrate et Alcibiade, amants d'Aspasie.—Dialogue entre Aspasie et Socrate.—Pouvoir d'Aspasie sur l'esprit de Périclès.—Guerres de Samos et de Mégare.—Aspasie et la femme de Xénophon.—Aspasie accusée d'athéisme par Hermippe.—Périclès devant l'aréopage. Acquittement d'Aspasie.—Exil du philosophe Anaxagore et du sculpteur Phidias, amis d'Aspasie.—Mort de Périclès.—Aspasie se remarie avec un marchand de grains.—Croyance des pythagoriciens sur l'âme d'Aspasie.—La seconde Aspasie, dite Aspasie Milto.—Le cynique Cratès.—Passion insurmontable que ressentit Hipparchia pour ce philosophe.—Leur mariage.—Cynisme d'Hipparchia.—Les hypothèses de cette philosophe.—Portrait des disciples de Diogène par Aristippe.—Les hétaires pythagoriciennes.—La mathématicienne Nicarète, maîtresse de Stilpon.—Philénis et Léontium, maîtresses d'Épicure. Amour passionné d'Épicure pour Léontium.—Lettre de cette courtisane à son amie Lamia.—Son amour pour Timarque, disciple d'Épicure.—Son portrait par le peintre Théodore.—Ses écrits.—Sa fille Danaé, concubine de Sophron, gouverneur d'Éphèse.—Mort de Danaé.—Archéanasse de Colophon, maîtresse de Platon.—Bacchis de Samos, maîtresse de Ménéclide, etc.—Célébration des courtisanes par les philosophes et les poëtes.
Sommaire.—Les familières des hommes illustres de la Grèce.—Amour de Platon pour la vieille Archéanasse.—Épigramme qu'il fit sur les rides de cette hétaire.—Interprétation de cette épigramme par Fontenelle.—L'Hippique Plangone.—Pamphile.—Singulière offrande que fit cette courtisane à Vénus.—Son académie d'équitation.—Vénus Hippolytia.—Rivalité de Plangone et de Bacchis.—Proclès de Colophon.—Générosité de Bacchis.—Le collier des deux amies.—Archippe et Théoris, maîtresses de Sophocle.—Hymne de Sophocle à Vénus.—Théoris condamnée à mort sur l'accusation de Démosthène.—Archippe la Chouette.—Aristophane rival de Socrate.—Théodote, Don de Dieu.—Socrate sage conseiller des amours.—Dédains d'Archippe pour Aristophane.—Vengeance d'Aristophane.—Les Nuées.—Mort de Socrate.—Lamia et Glycère, maîtresses de Ménandre.—Lettre de Glycère à Bacchis.—Amour sincère de Ménandre pour Glycère.—Comédies faites en l'honneur des courtisanes.—Le poëte Antagoras et l'avide Bédion.—Lagide ou la Noire et le rhéteur Céphale.—Choride et Aristophon.—Phyla concubine d'Hypéride.—Les maîtresses d'Hypéride.—Euthias accusateur de Phryné.—Isocrate et Lagisque.—Herpyllis et Aristote.—L'esclave Nicérate et le rhéteur Stéphane.—L'impudique Nééra.—Le maître, le complaisant, le médecin et l'ami de Naïs ou Oia.—L'hétaire Bacchis.—Efforts que fit cette courtisane pour sauver Phryné de l'accusation portée contre elle par Euthias.—Regrets que causa sa mort.—Désespoir d'Hypéride son amant.—La bonne Bacchis.—Mœurs honnêtes de la courtisane Pithias.—Exemple de tendresse donné par Théodète lors de la mort d'Alcibiade son amant.—L'hétaire Médontis d'Abydos.—Les quadriges de Thémistocle.—La vieille courtisane Thémistonoé.—Boutades de Nico dite la Chèvre—Épigrammes de Mania dite l'Abeille et Manie.
Sommaire.—Biographie des courtisanes célèbres de la Grèce.—Gnathène.—Ses bons mots mis en vers par Machon.—Ses repas.—Sa nièce Gnathœnion ou la petite Gnathène.—Les Apophthegmes de Lyncæus.—Amants de Gnathène.—Le vase de neige et la sardine.—Comment Gnathène s'y prit pour manger avec le Syrien un repas donné par Dyphile.—Lois conviviales de la maison de Gnathène.—Ses reparties spirituelles.—Ses querelles avec l'hétaire Mania.—Bonne réponse de cette courtisane à Gnathène.—Le souper de Dexithea.—Gnathœnion.—Sa rencontre avec le vieux satrape.—Amants de Gnathœnion.—Gnathœnion et l'athlète.—Gnathène hippopornos.—Diogène et le maquignon.—Laïs.—Son enfance.—Son rachat par Apelles.—Laïs à Corinthe.—Renommée de cette courtisane.—Sommes exorbitantes qu'elle exigeait de ceux qui voulaient obtenir ses faveurs.—Démosthène et Laïs.—Les amants de Laïs.—Aristippe.—Diogène.—Laïs et Xénocrate.—Honte et confusion de Laïs.—Le sculpteur Myron.—Laïs et Eubates.—Richesses de Laïs.—Sa vieillesse malheureuse.—L'Anti-Laïs.—Sa mort.—Monuments élevés à sa mémoire.—Les autres Laïs.—Phryné.—La lie du vin de Phryné.—Pourquoi cette courtisane reçut le surnom de Phryné.—Son emploi dans les mystères d'Eleusis et aux fêtes de Neptune et de Vénus.—Phryné accusée d'impiété par Euthias.—Son acquittement.—Le parasite de la courtisane.—Grandes richesses de Phryné.—Offre que cette courtisane fait aux Béotiens, de reconstruire à ses frais la ville de Thèbes détruite par Alexandre-le-Grand.—Le Cupidon de Praxitèle.—Statue d'or élevée à Phryné après sa mort.—Phryné dite le Crible.—Pythionice et Glycère.—Harpalus.—Les deux amants de Pythionice.—Mort de cette courtisane.—Le blé de Glycère.—Assassinat d'Harpalus.—Bons mots de Glycère.—Le Monument de la Prostituée.—Mort de Glycère.
Sommaire.—Introduction de la Prostitution sacrée en Étrurie.—Conformation physique singulière des habitants de l'Italie primitive.—Rome.—La Louve Acca Laurentia.—Origine du lupanar.—Construction de la ville de Rome, sur le territoire laissé par Acca Laurentia à ses fils adoptifs Rémus et Romulus.—Fêtes instituées par Rémus et Romulus en l'honneur de leur nourrice, sous le nom de Lupercales.—Les luperques, prêtres du dieu Pan.—Les Sabines et l'oracle.—Hercule et Omphale.—La Prostitution sacrée à Rome.—La courtisane Flora.—Son mariage avec Tarutius.—Origine des Florales.—Les fêtes de Flore et de Pomone.—Les courtisanes aux Florales.—Caton au Cirque.—Vénus Cloacine.—Les Vénus honnêtes: Vénus Placide, Vénus Chauve, Vénus Generatrix, etc.—Les Vénus malhonnêtes: Vénus Volupia, Vénus Lascive, Vénus de bonne volonté.—Temple de Vénus Erycine, en Sicile, reconstruit par Tibère.—Les temples de Vénus à Rome.—Dévotion de Jules César à Vénus.—Origine du culte de Vénus Victorieuse.—Épisode mystique des fêtes de Vénus.—Vénus Myrtea ou Murcia.—Offrandes des courtisanes à Vénus.—Les Veillées de Vénus.—Sacrifices impudiques offerts à Cupidon, à Priape, à Mutinus, etc., par les dames romaines.—Les Priapées.—Culte malhonnête du dieu Mutinus.—Mutina.—La déesse hermaphrodite Pertunda.—Tychon et Orthanès.—Culte infâme introduit en Étrurie par un Grec.—Chefs et grands prêtres de cette religion nouvelle.—Analogie de ce culte avec celui d'Isis.—Les mystères d'Isis à Rome.—Les Isiaques.—Corruption des prêtres d'Isis.—Culte de Bacchus.—Les bacchants et les bacchantes.—Fêtes honteuses qui déshonoraient les divinités de Rome.—Le marché des courtisanes.—Différence de la Prostitution sacrée romaine et de la Prostitution sacrée grecque.
Sommaire.—A quelle époque la Prostitution légale s'établit à Rome.—Par qui elle y fut introduite.—Les premières prostituées de Rome.—De l'institution du mariage, par Romulus.—Les quatre lois qu'il fit en faveur des Sabines.—Établissement du collége des Vestales par Numa Pompilius.—Mort tragique de Lucrèce.—Horreur et mépris qu'inspirait le crime de l'adultère, chez les peuples primitifs de l'Italie.—Supplice infligé aux femmes adultères à Cumes.—Supplice de l'âne.—Les femmes adultères vouées à la Prostitution publique.—L'honneur de Cybèle sauvé par l'âne de Silène.—Priape et la nymphe Lotis.—Lieux destinés à recevoir les femmes adultères.—Horrible supplice auquel ces malheureuses étaient condamnées.—Le mariage par confarréation.—La mère de famille.—L'épouse.—Le mariage par coemption.—Le mariage par usucapion ou mariage à l'essai.—Le célibat défendu aux patriciens.—Un cheval ou une femme.—Vibius Casca devant les censeurs.—Les tables censoriennes.—La loi Julia.—Définition de la femme publique par Ulpien.—Des différents genres et des divers degrés de la Prostitution romaine.—La Prostitution errante.—La Prostitution stationnaire.—Stuprum et fornicatio.—Le lenocinium.—Lenæ et Lenones.—La classe de Meretricibus.—Les ingénues.—La note d'infamie.—Licentia stupri ou brevet de débauche.—Lois des empereurs contre la Prostitution.—Comédien, Meretrix et Proxénète.—Lois et peines contre l'adultère.—Le concubinat légal.—Les concubins.—L'impôt sur la Prostitution.—Le lénon Vetibius.—Plaidoyer de Cicéron pour Cœlius.—Indifférence de la loi pour les crimes contre nature.—La loi Scantinia.
Sommaire.—Prodigieuse quantité des filles publiques à Rome.—Leur classification en catégories distinctes.—Les meretrices et les prostibulæ.—Les alicariæ ou boulangères.—Les bliteæ.—Les bustuariæ ou filles de cimetière.—Les casalides.—Les copæ ou cabaretières.—Les diobolares.—Les forariæ ou foraines.—Les gallinæ ou poulettes.—Les delicatæ ou mignonnes.—La délicate Flavia Domitilla, épouse de l'empereur Vespasien et mère de Titus.—Les famosæ ou fameuses.—Les junices ou génisses.—Les juvencæ ou vaches.—Les lupæ ou louves.—Les noctilucæ et les noctuvigilæ ou veilleuses de nuit.—Les nonariæ.—Les pedaneæ ou marcheuses.—Les doris ou dorides.—Des divers noms donnés indifféremment à toutes les classes de prostituées.—Étymologie du mot putæ.—Les quadrantariæ.—Les quæstuaires.—Les quasillariæ ou servantes.—Les ambulatrices ou promeneuses.—Les scorta ou peaux.—Les scorta devia.—Les scrantiæ ou pots de chambre.—Les suburranæ ou filles du faubourg de la Suburre.—Les summœnianæ ou filles du Summœnium.—Les schœniculæ.—Les limaces.—Les circulatrices ou filles vagabondes.—Les charybdes ou gouffres.—Les pretiosæ.—Le sénat des femmes.—Les enfants de louage.—Les pathici ou patients.—Les ephebi ou adolescents.—Les gemelli ou jumeaux.—Les catamiti ou chattemites.—Les amasii ou amants.—Les eunuques.—Les pædicones.—Les cinèdes.—Les gaditaines.—Les danseuses, flûteuses, joueuses de lyre.—Les ambubaiæ.—Le meretricium ou taxe des filles.—Courtiers et entremetteurs de Prostitution.—Le leno.—La lena.—Les cabaretiers et les baigneurs.—Les boulangeries.—Les barbiers et les parfumeurs.—L'unguentarius.—Les admonitrices, les stimulatrices, les conciliatrices.—Les ancillulæ ou petites servantes.—Les perductores.—Les adductores.—Les tractatores.—Les lupanaires ou maîtres de mauvais lieux.—Les belluarii.—Les caprarii.—Les anserarii.
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES.