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Histoire de la prostitution chez tous les peuples du monde depuis l'antiquité la plus reculée jusqu'à nos jours, tome 5/6

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A suyvre les amours communes.

Voici l’allocution, qu’un ami adresse à cet incorrigible, qui ne pouvait se désister de faire feste aux filles:

Comment n’êtes-vous pas content,
Missir Macé, d’avoir eu tant
Et tant de mauvaises fortunes
A suyvre les amours communes?
D’avoir si roide la vérole,
Que vous n’avez dent qui n’en grole?
D’avoir la vérole si bien,
Que du nez ne vous reste rien?
D’avoir tout le palais mangé
Et d’avoir de chancres rongé
Votre membre plus qu’à demy?

Une autre épigramme de Baïf, dans laquelle un nommé Galin est le héros d’une aussi triste aventure, ne le dépeint pas sous des couleurs moins hideuses:

Pour hanter souvent les bourdeaux,
Le chancre t’accueillit si bien,
Que du nez en ta face rien
Ne t’est resté, que les naseaux!

Un écrivain du même temps, Antoine Duverdier, qui pensait que «Dieu a envoyé ceste peste sur la terre, pour fléau et vengeance des sales, illicites et fréquentes paillardises des mauvais,» reconnaît, dans ses Diverses Leçons, que «ce mal estoit beaucoup plus contagieux, au commencement, qu’il n’est maintenant, à cause des souverains remèdes qu’on a trouvés;» mais, néanmoins, il s’étonne que les débauchés osassent risquer la récidive dans un mal qui, pour n’être pas mortel ordinairement, laissait toujours de fâcheux ressouvenirs à ses victimes: «Y en a plusieurs, s’écrie-t-il avec surprise, qui ont sué vérole six ou sept fois!» Louis Guyon, qui a écrit ses Diverses leçons pour faire suite à celles de Duverdier, constate, en sa qualité de médecin, que la maladie vénérienne se jouait encore de tous les efforts de la science. «Ceste contagion vénérienne, dit-il (t. I, p. 612), parce que le plus communément elle se prend par paillardise et acte déshonnête, est, par conséquent, honteuse.» Louis Guyon, qui veut dire par là que le venin de la femme paillarde était plus dangereux dans les bordeaux que partout ailleurs, cite le fait de deux jeunes adolescents d’une grande famille, qu’il avait traités à Paris en 1563, et qu’il ne réussit pas à guérir. Ces deux imprudents, il est vrai, avaient essayé de cacher leur état, jusqu’à ce qu’il se fît connaître «par la pelade, par pustules rouges qui leur venoient au front, douleurs au milieu des os, tant des bras, jambes, cuisses, espaules, que sur le devant de la teste, les nuicts jusqu’environ l’aube du jour, et autres signes, comme douleur au gosier, ne pouvans bien avaller la viande.» Tous les médecins et chirurgiens, entre les mains desquels se remirent les pauvres malades, échouèrent dans leur guérison, jusqu’à ce qu’un ambassadeur du roi d’Espagne, qui les entendait gémir et se plaindre pendant la nuit, leur eût conseillé de partir pour l’Amérique et de s’y faire soigner à la mode du pays par les indigènes. Ce traitement eut un plein succès, et les malheureux jeunes gens, qui étaient partis étiques et semblables à des cadavres, revinrent en France florissants de santé. Un pareil résultat servit sans doute à confirmer l’opinion des savants qui voulait que le mal napolitain eût été découvert, en même temps que l’Amérique, par Christophe Colomb. Cependant, cette opinion n’était pas encore si bien établie, que certains docteurs de la Faculté de médecine de Paris ne soutinssent avec ténacité que cette maladie n’était pas nouvelle, quoiqu’elle eût changé de caractère. «Ceux-là errent grandement, disait Antoine Duverdier, qui estiment que la maladie que les Grecs appellent λειχἠν, Pline, mentagra, et nous, feu volage ou male dartre, soit ce mal que nous appelons vulgairement vérole

Il est donc possible que les hommes d’État, qui essayèrent d’abolir la Prostitution par un édit du roi, aient voulu appliquer un remède héroïque à la maladie honteuse, qu’ils espéraient chasser de France avec les misérables femmes qui en étaient presque toutes infectées. Mais on aurait dû prévoir qu’en forçant ainsi la population des mauvais lieux à rentrer dans le sein de la société et à s’y déguiser sous des dehors honnêtes, on faisait refluer la contagion vénérienne dans le courant de la vie domestique. Les documents nous manquent absolument pour apprécier les effets, physiologiques et hygiéniques de la fermeture des maisons de débauche. Ce ne fut pas, comme on peut le supposer, la cessation des désordres, qui n’avaient plus, il est vrai, d’asiles privilégiés et autorisés, mais qui n’étaient que plus hardis à s’étaler au grand jour. Ainsi, la Prostitution clandestine eut des marchés publics dans toutes les rues et sur toutes les places: la femme commune, en perdant le droit d’exercer légalement son métier à certaines conditions fixes, acquit la liberté de se montrer partout et de régler elle-même les conditions de la criminelle industrie qu’elle exerçait en cachette. Il y eut bientôt sans doute à Paris autant de lupanars secrets qu’il y en avait de publics auparavant; le nombre des agents de la Prostitution ne diminua pas; bien au contraire, les proxénètes des deux sexes, étant devenus plus nécessaires, devinrent aussi plus nombreux; l’usage eut bientôt adopté, dans la ville et dans les faubourgs, des endroits de rencontre et de rendez-vous, où la débauche allait recruter ses milices et dresser ses batteries. Quant aux bordeaux, qui n’étaient plus sous la surveillance du pouvoir municipal, ils tombèrent à la merci de tous les êtres dégradés, qui ne craignirent pas de s’exposer au châtiment de la loi et qui firent de ces cavernes impudiques le réceptacle de tous les crimes.

On ne saurait douter que l’édit de 1560, contre les bordeaux, n’ait eu de scandaleuses conséquences, lorsqu’on voit la Prostitution errante se grouper pendant la nuit autour des croix de pierre, qui s’élevaient sur presque toutes les places de Paris. En 1572, l’évêque de Paris fit enlever la Croix de Gastine, érigée sur une petite place dans la rue Saint-Denis; car cette croix, suivant l’expression d’un chroniqueur, «servait d’enseigne aux débauchés,» qui se réunissaient là tous les soirs et qui y commettaient mille profanations. Le Journal de Henri III raconte, en ces termes, l’enlèvement d’une autre Croix, que le libertinage n’avait pas moins profanée: «La nuit du jeudy 10 mars 1580, de l’ordonnance de l’évêque de Paris, et d’un secret consentement de la cour, fut enlevé du lieu où il estoit le crucifix surnommé Maquereau, et par les gens du guet porté à l’évesché, et ce à cause du scandaleux surnom que le peuple lui avoit donné, à raison de ce que ce crucifix de bois peint et doré, de la grandeur de ceux qu’on voit ordinairement aux paroisses, estoit plaqué contre la muraille d’une maison, sise au bout de la vieille rue du Temple, vers et proche les esgouts, en laquelle et ès environs se tenoit un bordeau; en sorte que ce vénérable instrument de notre Rédemption servoit d’enseigne aux bordeliers repaires.» Pierre de l’Estoile ne nous apprend pas si le bordeau fut fermé par ordre de la prévôté, après que l’évêque Pierre de Gondi eut mis fin à un scandale, qui était plus déplorable que celui de l’impunité d’une boutique de débauche.

La plupart des maisons, en ce temps-là, avaient des enseignes qui les faisaient reconnaître, en l’absence de numéros et d’autres signes indicateurs. Les maisons de Prostitution devaient donc avoir aussi leur marque ou enseigne, qui ne rappelait pas toujours la destination du lieu, car l’enseigne pouvait être plus ancienne que sa destination, mais souvent l’enseigne annonçait, par un emblème indécent ou par une devise équivoque, le genre de commerce auquel le local était consacré. Ainsi, Piganiol de la Force affirme que le quartier du Gros-Caillou a dû son nom à un gros caillou qui servait d’enseigne à un lupanar. Dans tous les cas, ce nom-là n’a pas été en usage avant la fin du seizième siècle, et on peut le faire naître de l’installation de ce lieu de débauche et de son enseigne, métaphoriquement obscène. Nous n’entreprendrons pas une digression étymologique, pour expliquer ce que pouvait être ce caillou, ce qu’on devinera sans effort en cherchant son origine dans ces vers d’un vieux poëte:

Jouer au jeu qu’aux cailles on appelle,
Aux filles est chose plaisante et belle.

Les historiographes de Paris mentionnent plusieurs enseignes de la même espèce, qui avaient donné le nom de rue de la Corne à deux rues du faubourg Saint-Germain-des-Prés, nommées maintenant rue Beurrière et rue Neuve-Guillemin, ainsi qu’à une rue du faubourg Saint-Marceau, laquelle a été fermée au dix-septième siècle et est devenue le cul-de-sac des Corderies. Sauval rapporte qu’il y avait une tête de cerf, «que le peuple appelle corne,» dit-il, scellée dans la muraille à l’encognure de la rue de la Corne, et que cette tête de cerf avait fait donner aussi le nom de rue de la Petite-Corne à la rue adjacente; mais il ajoute que ce nom leur venait bien plutôt d’une «troupe de prostituées accourues là d’abord, pour s’y établir.» Ce fut à la fin du seizième siècle, que ces prostituées, qui ne pouvaient plus résider dans l’enceinte de la ville, se réfugièrent dans le faubourg, où l’abbé de Saint-Germain les laissa se fixer, moyennant une redevance. Mais, plus tard, ce lieu de débauche causa de tels désordres et scandalisa tellement les bons paroissiens de Saint-Sulpice, que le curé de cette paroisse obtint de l’abbé de Saint-Germain l’expulsion de ces turbulentes voisines. On fit disparaître, avec l’enseigne de leur repaire, le nom des deux rues que cette enseigne avait baptisées: la première reçut le nom de rue Guillemin, à cause d’un fief appartenant à une famille de ce nom-là, et la seconde prit celui de rue Beurrière ou des Beurriers; mais le peuple, qui se souvenait d’avoir vu la corne et le mauvais lieu qu’elle annonçait au passant, persista longtemps à désigner les deux rues sous leurs anciens noms, quoique les nouveaux eussent été gravés en lettres d’or, sur des plaques de marbre, au coin des deux rues, par ordre du bailli de Saint-Germain. Il fallut bien s’accoutumer à substituer enfin ces nouveaux noms aux anciens. Mais l’idée d’une maison de débauche y restait toujours attachée, «et, dit Sauval, parce que le nom de Guillemin est un peu proverbial, le peuple qui se plaît à tourner tout en raillerie, non content d’avoir ajouté au nom de Guillemin, propriétaire du jardin, celui de Crocquesolle, il l’a donné encore à la rue, de sorte qu’il l’appelle plus souvent la rue Guillemin-Crocquesolle, que la rue Guillemin.» Sans entrer dans de longues dissertations archéologiques, nous dirons que Guillemin, dans le langage métaphorique du bas peuple, signifiait tantôt un cafard, tantôt la nature de l’homme, de même que guillery; et l’on chantait alors, dans les carrefours, un fameux refrain, qui était encore en vogue sous la Régence, puisque le duc d’Orléans l’avait toujours à la bouche (voy. les Mém. du cardinal Dubois):

Du temps du roi Guillemot,
De la reine Guillemote,
On prenoit les hommes au mot
Et les femmes à la m....

Aux étymologistes de rechercher et de découvrir l’origine de guillemin et guillemot! Quant à crocquesolle, c’est évidemment une épithète qualificative, et nous croyons que, la solle ou soulle étant un jeu de ballon très-usité autrefois, on avait fait un rapprochement tout naturel entre ce jeu-là et celui qui se joue dans les lieux de Prostitution, où la femme commune passe de main en main, à l’instar d’une solle ou ballon que les joueurs se renvoient de l’un à l’autre: de là, le mot solle comme synonyme de prostituée et, par extension, de la nature d’une femme débauchée.

Il est évident que le peuple avait alors très-peu de sympathie et même de pitié pour les femmes de mauvaise vie, puisqu’il les poursuivait de ses huées, et les chassait souvent à coups de pierres, quand il les reconnaissait dans les rues honnêtes. Nous avons vu aussi que les hommes dépravés, qui osaient entrer en plein jour dans les rues infâmes consacrées à la débauche, n’étaient pas mieux traités par la populace. On peut donc assurer que l’édit de 1560, qui supprimait la Prostitution légale, fut accueilli favorablement par l’opinion générale; et les habitants de Paris, hormis ceux qui prélevaient sur cette Prostitution les loyers de leurs maisons, applaudirent tous à la fois aux mesures de police qui amenèrent la fermeture de la plupart des mauvais lieux. La ruine et l’embarras des courtières de débauche, le désarroi et la dispersion des filles, la colère et la confusion des libertins, ne touchèrent personne et amusèrent tout le monde. Il y eut un concert de plaisanteries et d’épigrammes contre les exilés et les victimes de la Prostitution. Ce furent surtout le lupanar du Huleu et sa célèbre directrice, la mère Cardine, qui servirent de sujet à ces facéties en prose et en vers, que la gaieté populaire inspirait avec tant de verve et d’abondance. La plus connue de ces facéties est l’Enfer de la mère Cardine, dont la première édition, que nous ne possédons plus, fut certainement contemporaine de tous les canards poétiques que fit naître la destruction du Hulleu. Voici l’intitulé de cette rare et curieuse satire, dirigée contre les courtisanes les plus fameuses de cette époque: l’Enfer de la mère Cardine, traitant de la cruelle et terrible bataille qui fut aux enfers entre les diables et les maquerelles de Paris, aux nopces du portier Cerberus et de Cardine, qu’elles vouloient faire royne d’enfer, et qui fut celle d’entre elles, qui donna le conseil de la trahison... (Sans date et sans indication de lieu, mais sans doute imprimé à Paris vers 1570, in-8.) Cette pièce, en vers, qu’on attribue à Flaminio de Birague, neveu du chancelier de France, fut réimprimée en 1583 et en 1597. Dans les réimpressions, on ajouta une chanson de certaines bourgeoises de Paris qui, feignant d’aller en voyage, furent surprises au logis d’une maquerelle à Sainct-Germain-des-Prez. Il n’existe que deux ou trois exemplaires des réimpressions du seizième siècle; mais, en 1793, un bibliophile bienfaisant ne voulut pas laisser disparaître tout à fait l’Enfer de la mère Cardine, et il en fit une nouvelle édition tirée à 108 exemplaires, qui sont déjà presque aussi rares que les éditions anciennes.

Voici le début de ce poëme allégorique, qui n’est pas, comme le suppose M. le marquis du Roure dans son Analectabiblion, un acte de vengeance personnelle du poëte contre la mère Cardine, mais une satire collective qui s’adresse à toutes les reines de la Prostitution.

Puisque l’oysiveté est mère de tout vice,
Je veux, en m’esbattant, chanter cy la malice,
La faulse trahyson et les cruels efforts,
Que fit Cardine un jour en la salle des morts,
Alors que Cupidon lui fit oster les flammes
Qui tourmentent là-bas nos pécheresses âmes.

«La fable du poëme est toute simple, dit M. le marquis du Roure: Cardine épouse Cerberus, et au festin de noces paraissent les principales filles de Paris: Marguerite Remy, surnommée les gros yeux; la Picarde, cresmière; Anne au petit bonnet; la Normande, bragarde; la Lyonnaise, douteuse, etc. Cupidon, l’ennemi juré de Pluton, paraît à ces noces pour exciter les damnés à combattre l’enfer, voire même à étrangler Cerberus.» M. le marquis du Roure résume tout l’ouvrage dans cet apophthegme: «Quelques filles sont pires que tous les diables ensemble.» L’éditeur de 1793 a réimprimé, en outre, à la suite de l’Enfer de la mère Cardine, une pièce du même genre, qui nous donne la véritable date du poëme de Flaminio de Birague, qu’elle accompagne: Déploration et complaincte de la mère Cardine de Paris, cy-devant gouvernante de Huleu, sur l’abolition d’iceluy. Trouvée, après le deceds d’icelle Cardine, en un escrain auquel estoient ses plus privez et précieux secretz, tiltres de ses qualitez authentiques, receptes souveraines, compostes, anthidotes, baulmes, fardz, boetes, ferrements et ustenciles servant audict estat dudit mestier (sans nom de lieu, 1570, in-4 de 8 ff.). Il suffit de citer deux autres pièces de la même époque, qui furent inspirées par l’exécution de l’édit de 1560: La destruction avec la desolation des povres filles de Huleu et de Darnetal (sans lieu ni date, pet. in-8 goth de 4 ff., avec une gravure en bois sur le titre). M. J.-C. Brunet, dans son Manuel du libraire, dit que cette pièce de vers de six syllabes a été composée vers 1520; mais on sait que M. Brunet n’est pas une autorité, dès qu’il s’avise de juger un livre au delà du titre. Cette complainte est évidemment du même temps, sinon de la même main, que la Complainte de la mère Cardine. Une autre pièce, qui se rapporte à cette grande affaire de l’abolition des lupanars, est intitulée: Ban de quelques marchands de graine à poile et d’aucunes filles de Paris (sans nom de lieu, 1570, in-8). Mais nous doutons qu’un seul exemplaire de l’édition originale ait survécu à la circonstance, et, par bonheur, un bibliophile s’est encore rencontré, en 1814, pour faire réimprimer cette facétie ordurière, dont l’auteur, Rasse Desneux, était le chirurgien de Charles IX et l’ami de Ronsard.

L’abolition des bordeaux, tout incomplète qu’elle fût, avait été vue de si bon œil par la France entière, que Charles IX et son chancelier Michel de l’Hospital continuèrent à vouloir réformer les mœurs par ordonnance: il avait été plus facile d’éloigner de l’enceinte des villes les lieux de débauche, que d’expulser complétement les prostituées de la cour et de l’armée. Depuis les temps les plus reculés, une cour princière, de même qu’une armée, traînait à sa suite une bande plus ou moins nombreuse de mauvais sujets et de femmes perdues. Le roi, de concert avec son vertueux ministre, s’efforça de remédier à cet abus. Par un édit du 6 août 1570, il ordonna que «tous autres vagabonds, sans maistre ny adveu, ayent dans vingt-quatre heures à vuider nostredite cour, sur peine d’estre pendus et estranglez, sans espérance d’aucune grace ny remission; que toutes filles de joie et femmes publiques deslogent de nostre-dite cour, dans ledit temps, sous peine du fouet et de la marque.» Il y eut probablement une multitude de filles fouettées et marquées, car elles ne se pressèrent pas d’obéir à l’ordonnance royale qui les chassait, et Charles IX dut raviver plusieurs fois cette ordonnance dans le cours de son règne. Celle qu’il fit contre les prostituées suivant l’armée ne rencontra pas moins de difficultés dans son application, puisque Henri III n’eut rien de plus pressé, en montant sur le trône, que de la renouveler dans les mêmes termes: «Enjoignons non-seulement aux prévôts des maréchaux et leurs lieutenants, mais aussi à nos juges ordinaires, de chasser les filles de joye, s’il s’en trouve à suitte desdites compagnies et les chastier de peine de fouet, et pareillement les goujats, au cas qu’il s’en trouve plus d’un pour trois soldats.» Il est certain que cette ordonnance ne fut jamais exécutée, du moins d’une façon régulière et générale; mais, parfois, aussi elle était cruellement mise en vigueur par le seul fait d’un caprice du chef d’armée. Par exemple, si l’on peut se fier au témoignage de Varillas (Hist. de Henri III, liv. VI), le maréchal Philippe Strozzi, que l’historien nous représente comme extrêmement sévère, commanda «qu’on jetât dans la rivière de Loire 800 filles de joye qui suivoient son camp.»

Ces pauvres filles n’étaient pas traitées partout avec autant de rigueur, et si elles ne figuraient pas dans les armées des réformés, elles menaient joyeuse vie dans les armées catholiques. Ainsi, Brantôme décrit complaisamment la belle arrière-garde, que le duc d’Albe, dans son expédition, contre les Gueux de Flandres, pouvait passer en revue, avec ses dix mille hommes de vieilles troupes. C’étaient, dit Brantôme, «quatre cents courtisanes à cheval, belles et braves comme princesses, et huit cents à pied, en point aussi.» Il y avait là un gentilhomme français, messire François Le Poulchre, seigneur de la Motte Messemé, chevalier de l’ordre du roi et capitaine de cinquante hommes d’armes des ordonnances de Sa Majesté. Ce qu’il admira le plus dans cette expédition militaire, ce furent les douze cents courtisanes en bon point, qui semblaient être chargées de sauvegarder l’honneur des filles et des femmes sur le théâtre de la guerre. Voici comment il parle de ces créatures, dans les sept livres de ses Honnêtes Loisirs, dédiés au roi Henri III (Paris, Marc Ourry, 1587, in-12):

Il les entretenoit, qui vouloit, tout le jour;
Mais, avec un respect plein de cérémonie,
Le barisel-major leur tenoit compagnie.
Or, ces dames avoient tous les soirs leur quartier,
Du maréchal de camp, par les mains du fourrier,
Et n’eût-on pas osé leur faire une insolence.

Leur vanité s’en accrut tellement, qu’elles finirent par faire de la femme honnête et qu’elles taxèrent leurs faveurs à un prix trop élevé pour la bourse des soudards. Il fallut que le duc d’Albe intervînt et fît crier dans son camp, par ses hérauts d’armes:

Qu’entre elles ne fust pas une qui osast
Refuser désormais soldat qui la priast
De luy payer sa chambre à cinq sols par nuictée.

On ne saurait prendre le taux fixé par le duc d’Albe, pour le prix courant de la Prostitution populaire à cette époque. Cependant il est permis de supposer, d’après le chapitre de Rabelais intitulé: Comment Panurge enseigne une manière bien nouvelle de bastir les murailles de Paris, que le relâchement des mœurs publiques avait singulièrement fait tort au métier impudique des prostituées de carrefour. «Je voy, dit Panurge, que les callibristris des femmes de ce pays sont à meilleur marché que les pierres: d’yceulx fauldroit bastir les murailles, en les arrangeant par bonne symétrie d’architecture et mettant les plus grands aux premiers rancz, et puys, en talvant à dos d’asne, arranger les moyens et finablement les petits.» Cette sale bouffonnerie de Panurge renferme assurément un indice de l’avilissement du prix des denrées de la débauche. La fermeture des mauvais lieux ne diminua pas le nombre des femmes de bonne volonté. Pierre l’Estoile, dans son Journal de Henri III, à la date du 26 mai 1575, caractérise ainsi la corruption qu’il voyait régner autour de lui, dans la bourgeoisie et le peuple de Paris: «Ce dont se plaint le prophète Jérémie, chapitre III des Filles de Sion, qui estoient eslancées, cheminant le col estendu et les yeux affettés, se guindant et branslant et faisant resonner leurs pas, se pouvoit, à aussi bon tiltre et meilleur, dire, en ce temps, des femmes de Paris et filles de la cour. Dont ne se faut esbahir, si le Seigneur, selon la menace qu’il en fait au lieu mesme par son prophete, descheveloit leurs testes et leurs parties honteuses, par ces folatres faiseurs de pasquils, dont la ville de Paris et la cour estoient remplies. Brief, le desbordement, sans parler de pis, estoit que la caballe du cocuage estoit un des plus clairs revenus de ce temps.» (Voy. l’édition publiée par MM. Champollion père et fils, d’après le ms. original de P. l’Estoile, dans la collect. des Mém. pour servir à l’histoire de France.)

Nous trouverions sans doute, dans les œuvres des poëtes du seizième siècle, une foule de passages qui se rapporteraient à notre sujet, et qui nous permettraient de faire une peinture fidèle et même minutieuse des mœurs de la Prostitution; mais nous avons hâte de sortir de cet impur treizième siècle, où la débauche italienne est le dernier cloaque où vient se salir et s’éteindre la branche royale des Valois; nous craindrions d’être entraîné dans une trop longue digression, en feuilletant ces poëtes libertins qui se plaisaient à fonder le Parnasse de Priape, et qui n’avaient pas de muse plus inspiratrice que la Vénus des carrefours. Certes, les poëtes étaient d’avance autorisés à tous les désordres de la poésie érotique, quand ils rencontraient chez les prostituées les plus grands seigneurs de la cour, des princes de l’Église et des magistrats vénérables. Le cardinal Charles de Lorraine n’allait-il pas, comme l’eût fait un jeune écolier, passer la nuit, hors de son hôtel, dans le logis d’une femme perdue? Louis Regnier, sieur de la Planche, nous raconte, dans son Histoire de François II, que ce prélat débauché, «sortant un grand matin de la maison de la belle Romaine, courtisane renommée du temps de Henry, logée en la Cousture de Saincte Catherine, avoit failli d’estre maltraité par certains ruffians qui cerchent volontiers les chappes cheutes à l’entour de telles proyes.» Cette Romaine, qui rivalisait en beauté et en libertinage avec la Grecque, tant exaltée par Brantôme, nous paraît être le type de cette courtisane, que Joachim Dubelloy a mise en scène dans un poëme fameux, intitulé tantôt la Maquerelle ou la Vieille courtisane de Rome, et tantôt la Courtisane repentie. Ce poëme nous offre quantité de traits qui peuvent servir à faire le portrait des courtisanes à la mode du seizième siècle. C’est elle-même qui raconte sa vie et qui, son bon temps passé, essaye de consoler ses ennuis,

Par les soupirs d’une complainte vaine.

Dès l’âge de seize ans, corrompue par le mauvais exemple d’une impudique mère, elle laissa cueillir sa fleur par un serf; mais ce fut chose si secrète, que personne au monde, excepté sa mère, ne pût soupçonner cet accident:

Bientôt après, je vins entre les mains
De deux ou trois gentilshommes romains,
Desquels je fus aussi vierge rendue,
Comme j’avois pour vierge esté vendue.
De main en main je fus mise en avant,
A cinq ou six, vierge comme devant.

Un prélat l’achète ensuite comme pucelle; elle apprend alors à chanter, à danser, à pincer du luth et à proprement parler; puis, à se farder et à se parer. Ce prélat l’aimait assez pour ne lui refuser aucune preuve de tendresse: il l’enrichit, et il finit par la marier à un gentilhomme qui la dépouilla, sitôt la noce faite, de tout ce qu’elle avait apporté en dot; elle se trouve tout à coup ruinée:

Et rejetant toute vergogne et honte,
J’ouvre boutique; et faite plus savante,
Vous mis si bien ma marchandise en vente,
Subtilement affinant les plus fins,
Qu’en peu de temps fameuse je devins.
Lors, me voyant de Rome assez connue
Pour n’estre au rang de squaldrine tenue,
De deux ou trois à poste je me mis,
Lesquels étoient mes plus fermes amis,
Et tous les mois me donnoient pour salaire
Un chacun d’eux trente écus d’ordinaire.

Elle ne se contentait pas de ce salaire, et elle employait toutes sortes de ruses pour mettre à contribution ses trois amis, en faisant accroire à chacun d’eux qu’elle l’aimait plus que les autres. Ils n’étaient pas jeunes ni beaux, mais ils étaient crédules et généreux; elle fuyait, d’ailleurs, plus que peste

Ces jeunes gens, lesquels, sans débourser,
A tout propos, pour beaux veulent passer,
Nous pensant bien payer d’une gambade,
D’une chanson, d’un lut ou d’une aubade.

Elle connaissait tous les mystères de la vie des courtisanes, et elle les employait à son avantage, quoiqu’elle se donnât des airs d’honnêteté et même de pruderie:

J’avais aussi une soigneuse cure,
De n’endurer sur mon corps une ordure,
De boire peu, de manger sobrement,
De sentir bon, me tenir proprement,
Fût en public ou fût dedans ma chambre,
Où l’eau de naffe, et la civette et l’ambre,
Le linge blanc, le pennage éventant,
Et le sachet de poudre bien sentant,
Ne manquoient point: surtout, je prenois garde
(Ruse commune à quiconque se farde)
Qu’on ne me pût surprendre le matin.
Bref, tout cela qu’enseigne l’Arétin,
Je le savois, et savois mettre en œuvre
Tous les secrets que son livre descœuvre,
Et d’abondant, mille tours inconnus
Pour éveiller la dormante Vénus.

Mais comme elle excellait à cacher sa profession! Elle était honneste en ses propos, elle savait deviser de la vertu, et se déguisait si bien,

Que rien qu’honneur ne sortoit de ma bouche,
Sage au parler et folâtre à la couche.

Ce fut par de tels moyens, qu’elle acquit faveur à Rome et à Paris, en sorte que les gentilshommes n’étaient pas estimés, qui ne pouvaient se vanter de lui faire l’amour,

Au demeurant, fût de nuit ou de jour.

On devine qu’elle n’avait rien à redouter des lois de police relatives aux courtisanes subalternes:

Je ne craignois d’aller sans ma patente,
Car j’étois franche et de tribut exempte,
Je n’avois peur d’un gouverneur fâcheux,
D’un barisel ou d’un sbire outrageux,
Ni qu’en prison on retînt ma personne...
N’ayant jamais faute de la faveur
D’un cardinal ou autre grand seigneur
Dont on voyoit ma maison fréquentée,
Ce qui faisoit que j’estois respectée.

Elle avait fait ce beau ménage pendant six ou sept ans, lorsqu’elle commença, se sentant vieillir, à éprouver de la honte et du repentir; un sermon, qu’elle entendit un jour, acheva de lui faire comprendre le scandale de sa vie passée. Elle sentit tout ce qu’il y avait d’amertume dans les plaisirs décevants de la Prostitution:

Car, quel plaisir, hélas! me pouvoit estre,
Bien que je prisse à dextre et à senestre,
D’avoir soumis mes membres éhontés
A l’appétit de tant de volontés,
Et d’imiter le vivre d’une beste
Pour m’enrichir par un gain déshonneste!....
Outre la peur (gesne perpétuelle!)
D’une vérole ou d’une pellarelle,
Et tout cela dont se trouve héritier
Qui longuement exerce un tel mestier!

Elle entra donc dans un couvent pour y faire pénitence et se laver de ses souillures dans la pratique d’une austère dévotion; elle avait légué au couvent les acquets du vice, et elle croyait n’avoir plus besoin des biens de la terre. Mais l’ennui ne tarde pas à la prendre; elle se repent de s’être repentie, jette le froc aux buissons, et veut recommencer son ancien train de vie: il était trop tard! Adieu les grands seigneurs et les amours parfumés! Voici venir, avec la vérole gouteuse,

La denterelle et pelade honteuse,

voici venir le bourreau, qu’elle reçoit dans son lit, au lieu d’un gentilhomme, et qui la récompense, de ses faveurs, en la fustigeant lui-même sur la place publique!

FIN DU TOME CINQUIÈME.

TABLE DES MATIÈRES
DU CINQUIÈME VOLUME.

FRANCE.

CHAPITRE XXI.

Sommaire.—Symptômes de la syphilis, d’après Fracastor.—Affaiblissement et transformation du virus, à partir de l’année 1526.—Traitement italien par le mercure.—Traitement français par le bois de gaïac.—Arrêt du parlement de Paris contre le mal de Naples, en 1497.—Premiers hôpitaux vénériens à Paris.—Ordonnances du prévôt de Paris et mesures de police, sous Louis XII, François Ier et Henri II.—Invasion de la syphilis dans les provinces depuis 1494.—Les médecins refusent de soigner les malades.—Le Triumphe de très-haute et très-puissante dame Vérole.—Ce livre rarissime, attribué à Rabelais, sous le pseudonyme de Martin Dorchesino.—-Citation d’un passage du Pantagruel.—La gorre de Rouen.—Les syphilitiques admis à l’Hôtel-Dieu de Paris.—L’hôpital de l’Ourcine.—Disparition des léproseries en France.

CHAPITRE XXII.

Sommaire.—Les poëtes de la Prostitution, au treizième siècle.—Corruption obscène de la langue.—Christine de Pisan fait la guerre aux vilains mots.—Influence du Roman de la Rose sur les mœurs.—L’Art d’aimer de Guillaume de Lorris et de Jean de Meung.—Les femmes putes.—Vengeance des dames.—Les antagonistes du Roman de la Rose.—Projet de réforme des filles publiques.—Le Champion des dames.—Les Puys d’amour de Picardie et de Hainaut.—Le jargon des galloises.— Guillaume Coquillart, official de Reims.—Les Droits nouveaux, code du libertinage.—Facio ut des.—Tromperie sur la qualité de la marchandise.—Stellionat amoureux.—Le Plaidoyer d’entre la Simple et la Rusée.—Ne rien prendre sans payer.—Portrait d’une vieille courtière.—Nomenclature des mignonnes de Reims, avec leurs sobriquets.—Olive de Gâte-Fatras.—Marion de Traîne-Poetras.—Mort de Coquillart.—Son épitaphe.—Digression sur ses coquilles.

CHAPITRE XXIII.

Sommaire.—La vie des mauvais garçons et des filles de joie au quinzième siècle.—La jeunesse de François Villon.—Ses villonneries.—Ses procès.—Son Petit Testament.—Cabarets en renom.—Son épitaphe.—Son Grand Testament.—La belle Heaulmière.—Folles femmes des corporations de métier.—Parler un peu poictevin.Saint-Genou et Brisepaille, en Poitou.—Enné, juron des filles.—Tableau du ménage d’un compagnon ou francgontier.—Ballade à ceux de mauvaise vie.—Les truies et les pourceaux.—Villon crie merci.—Ses Repues franches.—La diablerie de Montfaucon.—Les joueurs de farces.—-Les Enfants-sans-souci.—La verde jeunesse de Clément Marot.—La Légende de maistre Pierre Faifeu.—Macée la devote et la fille attournée.

CHAPITRE XXIV.

Sommaire.—De la philologie érotique.—Le jargon ou l’argot de la Prostitution.—Origines de ce jargon.—Un vieux conte sur hic et hoc.—Le Commentaire de Leduchat sur Rabelais.—Les Erotica verba de l’abbé de l’Aulnaye.—Le Dictionnaire comique de Leroux.—Richesse de la langue érotique, au seizième siècle.—Noms anciens des filles publiques.—Synonymes formés du grec, du latin, de l’italien, etc.—Synonymes empruntés à des noms d’animaux.—Synonymes relatifs à la vie errante des prostituées.—Ceux relatifs à leur métier.—Ceux qui les classent par catégories.—Périphrases et jeu de mots licencieux.—Noms de saintes, déguisés et corrompus.—Additions à la nomenclature de l’abbé De l’Aulnaye.—Les Femmes au court talon.—Proverbes moraux tirés de la Prostitution.—Diminutif de Catherine.—Anciens noms des mauvais lieux: étymologies.—Anciens noms des parasites de la Prostitution: étymologies.—Anciens noms des entremetteuses: étymologies.—Portrait d’une vieille proxénète, par François Rabelais.—La Sibylle de Panzoust et la Macette de Regnier.

CHAPITRE XXV.

Sommaire.—La Prostitution légale comparée, par un moraliste, aux «parties secrètes du corps social.»—Derniers vestiges et transformations de la Prostitution religieuse.—Le manichéisme, la vauderie et la sorcellerie.—Métamorphose diabolique de la Prostitution hospitalière.—Les incubes et les succubes remplacent les dieux lares et les demi-dieux agrestes.—Les Dusiens ou Druses des Gaulois.—Saint Augustin affirme et saint Jean Chrysostome nie.—Rêveries des rabbins juifs, adoptées par les docteurs de l’Église.—Adam et ses diablesses.—Multiplication surnaturelle des premiers hommes.—Variétés du cauchemar.—Opinion de Guibert de Nogent.—Sentiment du père Costadau.—Étymologie d’incube et de succube.—Le préfet Mummolus.—Les succubes de l’évêque Éparchius.—L’incube de la mère de Guibert de Nogent.—Le bâton et l’exorcisme de saint Bernard.—Décision du pape Innocent VIII.—La vie ascétique prédisposait aux attentats des éphialtes.—Doctrine des casuistes sur les songes impurs.—Armelle Nicolas.—Angèle de Foligno.—Correspondance de sœur Gertrude avec Satan.—Le démon et les vierges.—Jeanne Herviller, de Verberie.—Les incubes chauds et les incubes froids.—Aveux de leurs victimes.—Puanteur du diable.—Enfants nés du démon.—Distinction entre l’incubisme et la sorcellerie.—Agrippa et Wier.—Les incubes et les succubes discutés en pleine Académie, au dix-septième siècle.—Leurs faits et gestes expliqués par la science et la raison.

CHAPITRE XXVI.

Sommaire.—De la Prostitution dans la sorcellerie.—Origines du sabbat.—Courses nocturnes de Diane et d’Hérodiade.—Capitulaire contre les stryges.—Lois ecclésiastiques.—La plus ancienne description du sabbat.—Les œuvres du démon, d’après les interrogatoires des procès de sorcellerie.—Arrivée des sorcières au sabbat.—Adoration de bouc.—Affreux sacrifices au diable.—Le péché sur-contre-nature.—La ronde de sabbat.—Divers témoignages à l’appui.—Physiologie obscène de Satan.—Sabbat de la Vauderie d’Arras.—Sabbat de Gaufridi.—Impureté des sorciers et sorcières.—Castration magique.—Les vieilles sorcières.—Marques diaboliques.—Les sorciers de Sodome.—Supplice des sodomites dans l’enfer.—Incestes du sabbat.—Accusation de bestialité.—Les serpents de la caverne de Norcia.—Le chien des religieuses de Cologne et de Toulouse.—Conséquences de la démonomanie.—La vérité sur les actes de Prostitution de la sorcellerie.—Justification de la jurisprudence du moyen âge.

CHAPITRE XXVII.

Sommaire.—La Prostitution dans l’hérésie au moyen âge.—Homogénéité de l’hérésie et du sensualisme.—Le manichéisme reparaît dans toutes les hérésies.—Assemblées secrètes.—Leur but et leur usage.—Les Bulgares ou bougueres.—Leur doctrine.—Leur destruction en France.—La bouguerie.—Patares et cathares.—Étymologie de ces différents noms.—Stadings, Fratricelles, Begghards.—Les Flagellants.—Leurs réunions impudiques.—Avantages moraux de la flagellation selon les casuistes.—Abus qu’en faisait aussi le libertinage.—Portrait d’un flagellant par Pic de la Mirandole.—Flagellations publiques en France.—Procession des Battus sous Henri III.—Les nouveaux Adamites.—Leur prophète Picard.—Cérémonial du mariage des Picards.—Les Turlupins.—Origine de ce nom.—Leur costume indécent.—Fraternité des pauvres.—Jehanne Dabentonne brûlée vive au Marché-aux-Pourceaux.—La Vauderie d’Arras.—Les Anabaptistes.—Leurs dogmes de Prostitution.—Bayle s’en moque, et les combat par le ridicule.—Les bons et les mauvais hérétiques.—Les réformés calomniés à cause de leurs assemblées.—La cour de Rome, dite la Grande Prostituée.—L’hérésie déclare la guerre à la Prostitution.

CHAPITRE XXVIII.

Sommaire.—Les vieux sermonnaires font l’histoire de la Prostitution de leur temps.—Selon Dulaure, la Prostitution était un vice de gouvernement.—Selon Henri Estienne, tout va de mal en pis.— Olivier Maillard, Michel Menot, Jean Clerée, Guillaume Pepin et autres prêchaient pour le petit peuple.—Leurs auditeurs ordinaires.—Les vendeurs dans le temple.—Nombre des filles publiques à Paris au quinzième siècle.—Admiration du poëte Antoine Astezani.—Les amoureux à l’église.—Les sermons étaient-ils débités en latin ou en français?—Olivier Maillard à Saint-Jean en Grève.—Extraits de ses sermons et de ceux de Michel Menot, relatifs aux mauvais lieux, aux prostituées, aux proxénètes des deux sexes, et aux débauchés.—Ces citations prouvent que la Prostitution s’était énormément accrue sous Louis XI, Charles VIII et Louis XII.—Les mères qui vendent leurs filles, et les filles qui gagnent leur dot.—Style macaronique de Menot.—Le courtier d’amour et les cinq femmes.—Débordements des ecclésiastiques.—Les concubines à pain et à pot.—Mystères des couvents, d’après Théodoric de Niem.—Les jeux de mots, en chaire, de l’Italien Barletta.—Causes des progrès de la Prostitution.

CHAPITRE XXIX.

Sommaire.—La cour est «l’enseigne des mœurs du peuple.»—Les petits imitent les grands.—La malice du vulgaire.—Blanche, mère de saint Louis, et son chevalier Thibaut, comte de Champagne.—Chanson des écoliers de Paris sur le Légat.—La cour de France sous les successeurs de Louis IX.—Chanson de la tour de Nesle.—La cour vertueuse de Charles V.—Dépravation de la cour de Charles VI.—Les passes de lubricité, au tournoi de Saint-Denis.—La chambre des portraits, à l’hôtel Barbette.—Usage des masques et des habits dissolus.—Le ballet des Ardents.—Les deux Augustins de l’hôtel des Tournelles.—Les sermons de Jacques Legrand.—Colère d’Isabeau de Bavière et de sa cour.—Punition de ses favoris et de ses complices.—La petite reine Odette.—Les amours du duc d’Orléans.—Le sire de Canny et sa femme.—La cour de Charles VII et ses ébattements.—La demoiselle de Fromenteau.—Agnès Sorel sauve le roi et la France, par un bon conseil.—Quatrain de François Ier.—Les Parisiens insultent la concubine du roi.—Les mascarades de cour.—Le momon.—La fête des Fous et les Barbatoires.—Arrêts contre les masques.—La fête de Conardie.—Le jour des Innocents.—Usage original.—Une épigramme de Marot.—Libertinage d’esprit.—Les Advineaux amoureux.—Coutume indécente de la nuit des noces.—Le mariage d’Hercule d’Est avec Renée de France.—L’honor della citadella.—Le pilori du mariage.

CHAPITRE XXX.

Sommaire.—Les Contes du roi Louis XI.—Vie privée des femmes au quinzième siècle.—Marguerite d’Écosse et Jamet de Tillay.—Les commères de Louis XI.—Gages des bonnes femmes.—La Chronique scandaleuse.—La mule du cardinal la Balue.—Le serviteur d’Olivier Ledain.—Le duc d’Orléans et Madame de Beaujeu.—Charles VIII en Italie.—Sa continence.—Procès de Louis XII et de Jeanne de France, sa femme.—Citations de l’interrogatoire des parties.—Anne de Bretagne et la Cour des dames.—Louis XII en Italie.—L’intendio de Thomassine Spinola.—Les Milanaises.—Le Doctrinal des dames, de Jean Marot.—Comparaison entre les Lombardes et les femmes de Paris.

CHAPITRE XXXI.

Sommaire.—Les Dames galantes de Brantôme.—Dédicace à la reine Marguerite.—La Prostitution sous les Valois.—François Ier, dit le roi grand nez.—Causes de sa première expédition en Italie.—Sa première maladie.—Éloge de la cour des dames.—Son origine et son usage.—L’exemple de la cour.—Le roi proxénète.—Le rut des cerfs.—Les dames en carême.—Indécence du langage et de la poésie.—La demoiselle de Tallard et les papes.—La belle Helly.—La comtesse de Châteaubriant.—Faveur de la duchesse d’Étampes.—La petite maison du roi, rue de l’Hirondelle.—Surprises nocturnes du logis du roi.—La Prostitution dans la clémence.—Diane de Poitiers et son père.—Jean de Brosse, mari de la duchesse d’Étampes.—La belle Ferronnière, etc.

CHAPITRE XXXII.

Sommaire.—La Prostitution à la cour de Henri II.—Éloge des belles Françoises.—Diane de Poitiers, maîtresse du roi.—Les chiffres et la devise de Diane.—Brissac sous le lit.—Bonnivet dans la cheminée.—Horribles dépravations de la cour.—Les arts corrupteurs.—Description des tableaux et des statues dans les palais royaux.—La coupe obscène.—Les figures de l’Arétin.—Digression bibliographique sur ce recueil infâme, gravé par Marc Antoine.—Destruction des planches et des exemplaires du livre.—La Somme de J. Bénédicti.—Miniatures dans le goût de l’Arétin.—La galerie du comte de Chateauvillain.

CHAPITRE XXXIII.

Sommaire.—La Prostitution appliquée à la politique par Catherine de Médicis.—L’escadron volant de la reine.—Portraits des filles d’honneur par Brantôme.—Le pasquil de la belle Limeuil.—Dépravation des dames et des belettes.—Digression sur les ceintures de chasteté.—Leur origine.—Leur apparition à la foire Saint-Germain.—Corruption de la cour, favorisée par Catherine de Médicis.—Charles IX et Marie Touchet.—Les incestes de la reine Margot.—La pipée de la Saint-Barthélemy.—Le grand cardinal de Lorraine et la reine mère.—Le banquet de Chenonceaux.—Les noces de l’orfévre Marcel.—Le langage lubrique.—Les poésies du capitaine Lasphrise.

CHAPITRE XXXIV.

Sommaire.—L’édit de 1560 contre la Prostitution.—Abolition des Bordeaux.—Rupture de bail pour cause de mauvaises mœurs.—Fermeture des lieux de débauche à Paris.—Procès soutenu par la mère Cardine, gouvernante de Hueleu.—Origine des maisons de tolérance.—Arrêt du parlement contre les repaires du Champ Gaillard et du Champ d’Albiac.—Affreux ravages de la syphilis causés par la Prostitution.—Enlèvement des enseignes de débauche.—Le Gros-Caillou.—Les rues de la Corne.—L’Enfer de la mère Cardine, et autres facéties sur l’abolition de Huleu.—Les ribaudes de l’armée.—Prix courant des prostituées au seizième siècle.—La courtisane repentie, par Joachim Du Bellay.

FIN DE LA TABLE.

— Note de transcription détaillée —

En plus des corrections des erreurs clairement introduites par le typographe, les erreurs suivantes ont été corrigées:

  • p. 26: «du» ajouté dans «l’auteur anonyme du Triumphe»,
  • p. 181 et 203, «Sommaire» ajouté, comme dans les autres chapitres,
  • p. 207, «;» remplacé par «:» dans «lettres datées de Paris:»,
  • p. 207, «innombrables» corrigé en «innombrable» («une quantité innombrable»),
  • p. 220, «troisième» corrigé en «quatrième» («mieux accueilli par la quatrième»),
  • p. 322, «dell’ Abbate» corrigé en «dell’Abbate» («Nicolo dell’Abbate»),
  • p. 324, «Aretin» corrigé en «Arétin» («Figures de l’Arétin»),
  • p. 331, «biefvement» corrigé en «briefvement» («je diray ce mot briefvement»).

L’ortographe n’a pas été harmonisée.

L’auteur racourcit parfois les poèmes, ou joint des strophes, comme pour celui de la page 53 («Pour Amours balladent et riment»). Ceux-ci sont restés tels qu’imprimés.

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