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L'oeuvre du divin Arétin, deuxième partie: Essai de bibliographie arétinesque par Guillaume Apollinaire

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Dame, la beauté qui passe toute merveille
Est belle seulement parce qu'elle vous ressemble.
Pour la rendre plus belle encore,
Dissipez vos glaçons et éteignez ma flamme;
Vous serez d'autant plus belle à merveille
Qu'avec la pitié vous aurez plus de ressemblance,
Car enfin vous en recevrez blâme
Si c'est en vain que mon espoir espère,
Et l'on dira: Est cruelle à merveille
La cruauté, rien que parce qu'elle vous ressemble.

La nourrice.—C'est gentil.

La commère.—Après l'avoir lue tout à mon aise, je la laissai là et, avec le velours dont elle était enveloppée, je me confectionnai deux sachets à porter au cou, tout en riant de celui qui attendait la réponse, laquelle vint comme tu vas voir. Quand je retournai chez la veuve, j'entendis que l'on y criait à propos de je ne sais quelle chaîne de cou brisée en quatre morceaux pendant qu'on tirait dessus: c'était le plus beau travail qu'on eût jamais vu, un travail comme personne à Rome n'en sait faire; aussi madonna menait-elle grand tapage. En femme rusée, je pense à la malice et je lui dis: «—Ne vous emportez pas: quand vous viendrez à la messe, je vous aboucherai avec un maître orfèvre, que vous avez peut-être aperçu quelquefois, et il vous la raccommodera si bien qu'elle sera plus belle aux endroits brisés que là où elle est restée intacte.» Elle se calma aussitôt et me répondit: «—Tâchez de venir à l'église demain matin sans faute.» Je lui promets, rentre au galop chez moi et, le temps de dire un bénédicité à table, le galant apparaît. «—Il faut être femme, lui dis-je, et avoir la volonté de vous servir comme je viens de le faire. Votre lettre a plu, et tellement; tellement, que cela vous semblera étrange; c'étaient des larmes, un tas d'affaires, des soupirs, ne m'en parlez pas, sans compter les petites risettes. Dix fois elle a lu les vers et en a fait des éloges, je ne peux pas vous dire; ce ne fut pas sans la baiser et la rebaiser qu'elle la nicha entre ses deux seins de neige et de roses, et la conclusion c'est que demain matin à l'église, quand tout le monde sera parti, elle désire vous parler.» En apprenant cela, voici notre homme qui veut me remercier à voix haute. «—Doucement, lui dis-je, on chemine doucement aux endroits scabreux.—Comment, quels endroits scabreux? me demanda-t-il.—Je vais vous le dire, répliquai-je.» Elle ne se fie pas à sa suivante et, de peur que votre secret ne se découvre, nous avons trouvé un joli expédient. La noble dame a brisé une chaîne à laquelle elle tient beaucoup; elle fera semblant de prendre Votre Seigneurie pour un orfèvre et, afin que cette rapporteuse de suivante ne s'aperçoive de rien, elle vous présentera la chaîne, vous demandera ce qu'il en coûtera pour la raccommoder et quand elle pourra la ravoir. Tâchez de ne pas sortir de votre rôle et arrangez-vous de manière à la contenter.

La nourrice.—Quelle diable d'intrigue!

La commère.—La comédie fut jouée; ils s'abouchèrent ensemble et tu aurais crevé de rire si, pendant que le benêt maniait la chaîne, tu avais vu lui trembler les lèvres et les mains. Il s'efforçait de parler par paraboles, ne parvenait pas à se faire entendre et comprenait encore moins la veuve. A la fin, il s'éloigna en lui promettant de lui envoyer, pour quelle pût le voir, un travail de même genre que celui de la chaîne brisée. Il se laissa mener par le bout du nez trois mois durant, grâce à mes «Aujourd'hui ou demain, vous serez aux prises avec elle», et je parlai de lui à la veuve tout autant que tu lui en parlas toi-même. A la dernière extrémité, il vit clair, et, de la honte qu'il eut de s'être laissé promener de la sorte, n'osa souffler mot. Entre autres bonnes farces, il rougissait surtout d'une bonne aubade donnée par lui à la veuve, pour laquelle aubade il avait rassemblé les premiers musiciens d'Italie, avec ou sans instruments, et s'était mis à chanter de jolis vers tout à fait nouveaux.

La nourrice.—Si tu t'en souviens, dis-les-moi.

La commère.—Que je me souvienne aussi bien de la mort, qui viendra, et des prières que ma mère m'enseignait quand j'étais petite! Il lui chanta sur son luth:

Ma douce flamme, ma maîtresse,
Quand je vois tout mon bonheur sur votre visage,
Je dis que là seulement est le Paradis;
S'il est autre part,
Il doit être une image prise sur vous,
Et il n'est beau que pour ressembler à votre figure.

La nourrice.—Court et bon.

La commère.—Puis ils chantèrent sur le livre, entourés d'une foule de gens:

Puisque le monde refuse de croire
Qu'en moi, grâce à l'amour, habite tout malheur,
Tandis que tout bonheur réside en mon ennemie,
O Roi cruel des races maudites,
Et toi, le Dieu des Dieux,
Pour grâce je voudrais
Qu'un de vous arrachât aux flammes, aux monstres, aux glaçons,
La plus tourmentée des âmes,
Et l'autre l'âme la plus heureuse;
Aux anges du ciel;
Que la mal partagée fût une heure avec moi
Et la bienheureuse avec ma Dame.
Je suis certain que la coupable dirait à tous,
Mise en fuite par mes gémissements:
«J'endure pour mes péchés moindre supplice;»
Et que pleine de joie, l'âme bienheureuse,
Prise au filet de ce doux visage,
Ne voudrait plus retourner là-haut;
Car en moi est un Enfer plus cruel,
Et en elle un Paradis plus sempiternel.

La nourrice.—Voilà qui est stupidement beau; tes bavards de poètes peuvent se vanter de dire de grandes sottises et de délirer continuellement.

La commère.—Aux peintres et aux poètes il est permis de mentir, et c'est pour eux une façon de parler que de grandir les dames qu'ils aiment et le tourment qu'ils éprouvent à les aimer.

La nourrice.—Une corde! et qu'on m'attache ensemble peintres, sculpteurs et poètes: ce sont tous des fous.

La commère.—Les peintres et les sculpteurs (j'en demande pardon au Baccino) sont des fous volontaires; la preuve, c'est qu'ils s'ôtent le sentiment à eux-mêmes pour en douer un tableau, un morceau de marbre.

La nourrice.—Raison de plus pour les lier.

La commère.—Nous oublions ceux qui chantent:

Beaux yeux, pour vous, pour vous, j'aime à mourir,
Vous m'avez, vous m'avez assassiné.

La nourrice.—Va, si tu veux.

La commère.—Et celui qui dit à la fin, s'adressant à je ne sais quels yeux:

Ah! si le soleil, sur cette terre,
Faisait la nuit claire, comme vous faites!

Je veux te raconter les moindres vétilles, parce qu'il n'y a pas de doute que la maquerelle doive parfois ressembler à l'araignée; s'il arrive que ses projets soient renversés, elle les reprend comme l'araignée refait sa toile à l'endroit rompu. De même que l'araignée reste tout un jour pour attraper une mouche, ainsi la maquerelle doit guetter, immobile, pour attraper n'importe qui, et, l'occasion se présentant, elle en tire aussitôt profit, comme l'araignée se jette sur le moucheron tombé dans ses fils; le gibier a beau n'être pas bien gros, qu'importe! suffit qu'on puisse becqueter une bouchée. Quand la maquerelle parvient à se faire héberger à crédit, grâce à la bêtise de quelqu'un, elle suce le sang de la bourse, comme l'araignée suce le sang des mouches qu'elle attrape. L'araignée est toujours éveillée: la maquerelle de même; l'araignée court au moindre fétu qui vole sur la toile: la maquerelle court immédiatement ouvrir à qui frappe à sa porte, et toujours guette, comme guette l'araignée.

La nourrice.—Je ne crois pas que la nature, quoiqu'elle fasse les choses dont tu tires tes comparaisons, sût aussi bien que toi trouver toutes ces similitudes.

La commère.—Oh! songe à ce que ce serait si je m'y appliquais.

La nourrice.—Si tu t'y appliquais, tu stupéfierais le ciel.

La commère.—Oui, je ferais de belles choses, bien que je ne me soucie pas de la gloire et que je ne sois pas de ces vaniteuses qui tiennent toute la rue et gonflent les joues à la Renommée. Je reste dans mes jupes et me contente de ce que je suis. Mais laissons là les autres murmurer. Moi, ma chère nourrice, j'ai navigué par tous les temps, sans jamais perdre une heure, et j'ai toujours gagné peu ou prou. Parfois, après dîner, je m'en allais du côté des Banchi, par le Borgo, jusqu'à Saint-Pierre, et je guignais de l'œil ces imbéciles d'étrangers, que l'on reconnaît autrement que ne se peuvent reconnaître les melons. Dès que j'en avais avisé un, je l'abordais tout bonnement, bêtement, je le saluais et lui disais: «—De quel pays êtes-vous, homme de bien?» Puis je lui demandais depuis combien de temps il était à Rome, s'il cherchait quelque protecteur et autres balivernes. Je me familiarisais tout de suite avec lui, et l'amitié conclue je m'émerveillais comme lui de tout ce monde qui, continuellement, passe sur le pont Saint-Ange. A la fin, je lui disais: «—De grâce, venez donc avec moi jusqu'où je loge, j'ai des comptes à rendre à ma maîtresse et je ne connais rien à ces baïoques, à ces demi-Jules, à ces Jules tout entiers; je ne sais ce que vaut un ducat de chambre ou un autre.» Le nigaud, avec un «Très bien, volontiers», sans se douter de rien, venait avec moi et je l'emmenais dans une chambrette où se trouvait quelque petite salope de putain, à qui en arrivant je disais: «—Appelez votre mère.» Elle, qui comprenait l'argot, me répondait: «—Ma mère vous attend chez sa tante, elle a dit que vous alliez la trouver tout de suite, quelqu'un voudrait vous parler, puis vous reviendrez faire les comptes.»

La nourrice.—Que de ruses, de trames et de manigances! Mais je ne vois pas clair encore.

La commère.—«C'est bien», disais-je, et me retournant vers le dindon: «Je suis à vous à l'instant, faites la collation en m'attendant.» Lui, qui guignait de l'œil, du haut en bas, la pouliche toute dressée, répondait: «—Allez, allez, je vous attendrais une année entière plutôt qu'une seule minute.» Mais à quoi bon perdre le temps à bavarder? Le pauvre homme, ne pouvant résister aux agaceries que lui faisait la petite gueuse, tombait dans le panneau, et, au moment où il croyait pouvoir s'en aller sans payer l'écot, elle se mettait à hurler, lui arrachait sa cape de dessus les épaules et le flanquait à la porte avec un torrent d'injures.

La nourrice.—Ah! ah! ah!

La commère.—Tous les jours, j'attrapais ainsi quelqu'un, et qui n'avait pas un quattrino en poche y laissait les habits qu'il avait sur le dos. Ils pouvaient tous attendre mon retour.

La nourrice.—Qui ne sait pas nager et se lance au plus creux sans ceinture de jonc et sans calebasse est sûr de se noyer vite. Je dis cela pour celles qui se mettent en tête de vouloir maquereller sans guide.

La commère.—Tu comprends le métier.

La nourrice.—Si je ne le comprends pas, du moins il me semble le comprendre.

La commère.—Écoute bien attentivement celle que je vais te dire.

La nourrice.—Je ne souffle plus mot.

La commère.—Je ne sais comment s'y prit le diable pour faire faire le faux pas à la femme d'un homme de marque, fameuse par sa beauté; elle se sauva et personne ne sut jamais avec qui. Pendant que l'on ne parlait que de son départ, j'appelle le favori d'un grand personnage et je lui fais jurer sur la sainte pierre de tenir secret ce que je vais lui dire; il jure. Je lui annonce alors, pendant qu'il me donnait la main en signe de foi, que la femme du bel ami était dans ma chambre, mais enfermée dans une obscurité complète et qu'il en adviendrait grand malheur s'il découvrait la chose à personne. M'entendant dire qu'elle est entièrement à ma disposition, il se met à m'accabler de câlineries, me donner de la maman, de la madonna, de la petite sœur, de la souveraine; moi: «—Je ne voudrais pas que cela se sût», lui dis-je, «car outre que la pauvrette courrait le risque d'être tuée, moi je me casserais le cou, l'épaule et la cuisse; je serais fouettée, marquée, brûlée peut-être.»

La nourrice.—Notre homme va besogner quelque chambrière; il me semble voir cela d'ici.

La commère.—Quelle autre voudrais-tu qu'il besognât?

La nourrice.—Ne te l'ai-je pas dit?

La commère.—Nourrice, après bien des cérémonies et non sans lui avoir souhaité bonne chance, je le conduisis à tâtons entre les bras de la chambrière que tu as devinée: il la paya et la besogna comme il faut et, après m'avoir remerciée, s'en fut trouver un ambassadeur, en exigeant sa parole, lui raconta la trame, et force fut à l'ambassadeur de venir sous un déguisement tâter de la chambrière: il en tâta et retâta plus de dix fois, et non seulement lui, mais une centaine de chevaliers, d'officiers et de courtisans vinrent le lui mettre; je gagnai à ce jeu presque tout ce que je possède.

La nourrice.—Dis moi, la filouterie fut-elle découverte?

La commère.—Oui, elle fut découverte.

La nourrice.—Comment?

La commère.—Un beau matin que par hasard elle s'était appliqué sur l'estomac un tonsuré, comme il faisait grand froid, un réchaud de charbons allumés que j'avais placé dans la chambre jeta un peu de flamme, et le monsignor aperçut le visage de la donzelle. Voyant que ce n'était pas celle qu'il croyait, il voulut me manger, m'envoya une bordée d'injures, des plus grosses, deux ou trois fois m'enfonça les doigts dans les yeux pour me les arracher et ne put se retenir de m'administrer une volée de coups de poing. Si ma langue n'était venue à mon secours, j'étais démolie. Peu s'en fallut ensuite, quand le bruit courut du tour que j'avais joué à tant de monde, que le mari de la femme envolée ne me taillât en pièces et en morceaux: il lui semblait véritablement que cette seconde histoire le déshonorait plus que la première. Mais qui échappe une fois échappera cent fois; bientôt ma bonne farce ne fit plus que rire.

La nourrice.—A la bonne heure!

La commère.—Que de putains, que d'hommes j'ai trahis, assassinés, bafoués, durant ma vie!

La nourrice.—Ton âme en payera les arrérages.

La commère.—Patience! On ne peut pas être en même temps une sainte et une maquerelle; et supposé que mon âme paye les dettes de mon corps dans l'autre monde, elle pourra dire: «Qui jouit une bonne fois ne pâtit pas toujours»; puis, il est toujours temps de se repentir.

La nourrice.—C'est vrai!

La commère.—J'ai fait coucher vingt marchands de volailles, trente porteurs d'eau et cinquante meuniers avec les plus huppées courtisanes qu'il y ait ici, en leur faisant accroire que c'étaient des seigneurs et des chevaliers «venus pour leurs beaux yeux», comme dit l'Innamoramento; la vérité, c'est qu'ils payent en conséquence. Puis, tournant le feuillet, j'ai fait travailler de grandes salopes par de hauts personnages, en fardant leurs laideurs de belles nippes louées à la journée, et je ne puis me tenir de t'en raconter une bonne que je fis, au très utile profit de la signora et au mien. Prends-y garde, petite sœur, quoique je te dépeigne comme on ne peut plus accorte la courtisane dont je te parle, enfonce-toi bien dans la tête que toutes ses gentillesses étaient accommodées à mon huile et à mon sel.

La nourrice.—Il n'est pas permis de croire le contraire.

La commère.—Débarqua par chez nous un marchand étranger, qui y restait pour ses affaires huit mois de l'année. Comme le voulut Amour, il s'éprit d'une des plus huppées, une femme qui se tenait beaucoup mieux que je ne saurais te dire. Notre homme en étant échauffé, comme de juste, et n'avisant aucun moyen, me tomba entre les mains et me confia son tourment. Je lui répondis par ces: «Je verrai;... je ne sais pas;... cela se pourrait;... peut-être bien;... mais...» qu'on entremêle, dans le doute où l'on est d'obtenir quelque chose. Néanmoins, je vais la voir, je parle, j'y retourne; je donne à l'homme quelque espoir, puis je le lui ôte, un tas de singeries. Il me donne à porter des lettres, puis des sonnets, et je vais les remettre à sa dame.

La nourrice.—Toujours billets doux et sonnets sont envoyés les premiers en ambassade; pourquoi pas de bons écus? Il faut pourtant offrir autre chose que du papier et des vers, si l'on ne veut se le secouer à l'odeur d'une telle ou d'une telle.

La commère.—Tu parles bien; néanmoins, les gentillesses sont des gentillesses, et les chansons étaient déjà fort à la mode en ce temps-là. Celle qui n'en aurait pas su une foule, des plus belles et des plus nouvelles, en serait morte de honte, et les putains ne s'en délectaient pas moins que les maquerelles. La Nanna que voici ne me laisserait pas dire une fausseté, et je sais bien tout le profit qu'elle en tira de ses chansons, sans compter l'amusement qu'elle procura un bout de temps à tout le monde avec celle qui dit:

Je possède, mesdames, certain objet,
Qu'alors que de deux l'Amour en fait un,
Vous possédez également:
Il est blanc, sa tête est pourpre,
Ses cheveux sont noirs comme l'encre.
Il se redresse si on le touche
Et toujours a le lait en bouche;
Il croît et diminue souvent;
Il n'a pas d'oreilles et entend.
Maintenant, sur votre foi,
Dites-moi donc ce que c'est.

La nourrice.—Je le sais bien; tu veux parler de la queue.

La commère.—De la queue, oui, madonna. Mais plus le monde se fait vieux, plus il devient méchant, et les talents des courtisanes consistent aujourd'hui à savoir paraître; celle-là en est remplie qui a de l'adresse et de la chance, comme la Pippa doit l'avoir entendu dire à sa mère. Mais revenons au marchand à qui je dis, après la moitié d'un mois de démarches:—«La signora est heureuse de vous faire plaisir, et ne croyez pas que ce qu'elle en fait ce soit pour vos écus, l'argent ne lui manque pas. C'est votre gracieuseté, votre belle mine qui l'ont mise à mal.» Après lui avoir dit qu'elle viendra chez moi et que, pour garder les convenances, elle ne peut accepter qu'il vienne chez elle, je l'amène effectivement et ils font l'affaire ensemble; il l'eut plusieurs fois, toujours à la dérobée, et il fit de riches cadeaux, persuadé qu'elle venait chez moi parce qu'elle mourait d'amour pour lui et dans la crainte qu'un grand personnage, qui l'entretenait, ne s'aperçût de rien. Cela m'était sorti de la tête. Le marchand lui fit tant de promesses et tant de présents qu'il la força, qu'il la contraignit à venir coucher deux nuits sur mon grabat. Habituée aux lits de plume, aux matelas, aux draps de fine toile, aux couvertures de soie, aux courtines de velours, elle lui dit, en se tournant vers lui pour l'embrasser: «—L'amour que j'ai pour vous me fait venir coucher où ne coucherait pas la plus malheureuse servante que je puisse jamais avoir; mais les épines, oui les épines me semblent douces, du moment que vous êtes là.» Et lui appliquant un baiser, elle ajouta: «La nuit prochaine, je veux que vous veniez coucher dans mon lit; qu'importe s'il m'arrive malheur?»

La nourrice.—La poudre prend feu en dedans, le mousquet va partir.

La commère.—Sur la foi de cette promesse, le galant toujours empressé lui envoie de quoi faire le souper, des faisans, toutes sortes de bonnes choses, et, au coup d'une heure, se présente chez elle; il entre à la clarté d'une torche de cire blanche, monte l'escalier et, parvenu dans la salle, voit qu'elle est toute tapissée et fort vaste; introduit dans la chambre, stupéfait de son luxueux ameublement, il se dit: «Comment pourrai-je la dédommager des ennuis qu'elle a supportés pour moi pendant qu'elle couchait dans ce lit où je l'ai fait coucher?» Pour abréger, ils soupèrent, puis allèrent reposer, et, peu après qu'on eut éteint la lumière, au moment où il allait fermer les yeux dans le premier sommeil, voici qu'un gros pavé est lancé par la chambre, où il fracasse tout. La belle se presse contre lui de toutes ses forces en s'écriant: «Hélas!» Puis voici que la couverture du lit est enlevée, ils en restent presque tout nus et, la ramenant à eux, ils entendent éclater de rire. Le marchand, terrifié, lui dit:—«Seraient-ce les Esprits?»

La nourrice.—J'y pensais.

La commère.—«Ma foi oui, mon cher Seigneur», répond-elle. «Outre l'homme qui m'a faite ce que je suis et qui ne peut souffrir qu'une mouche me regarde, ce qui m'oblige à dérober le peu de temps que je passe à vous complaire, l'esprit d'un pauvre ancien amant à moi, qui se pendit par amour pour moi, me persécute et toujours, toujours, quand je dors avec un autre, il me joue quelque tour comme celui-ci. Quand je dors seule, il reste tranquille.» Aussitôt une petite soubrette, qui était cachée sous le lit, tire de nouveau la couverture et éclate de rire.

La nourrice.—O Dieu, voilà de plaisantes momeries!

La commère.—En écoutant parler la belle et en entendant les rires de la servante, le marchand commençait à fantastiquer, et si elle ne lui avait pas rendu quelque courage, force était de l'attacher au pilier. Le matin, une fois levé, il fit exorciser de signes de croix et d'eau bénite la chambre, la salle, la cuisine, le cellier au vin, l'endroit où l'on met le bois, le toit, toute la maison, et s'étant abouché avec un prêtre, le moins galeux qu'il put trouver, il lui dit en lui donnant un ducat:—«Dites les messes de saint Grégoire pour l'âme de l'Esprit qui revient dans la maison de la signora une telle.»

La nourrice.—Ah! ah!

La commère.—Le gros bêta, qui faisait le savant et l'entendu, se laissa fourrer dans la tête que l'Esprit n'avait jamais fait autant d'espiègleries que lorsqu'il était couché avec la dame, et la raison, c'est que jamais elle n'avait aimé de cœur personne autant qu'elle l'aimait.

La nourrice.—Dindon!

La commère.—Le plus joli, c'est que le balourd racontait l'histoire de l'Esprit, et, comme on le reprenait de prêter foi à de telles bourdes, il voulait se battre contre tous ceux qui refusaient d'y croire.

La nourrice.—Marchand de peaux d'anguilles!

La commère.—Il était riche ce gobe-lasagnes!

La nourrice.—Tant pis.

La commère.—Si je m'en souviens bien, j'ai promis de te dire comment les putains nous rendent l'honneur qu'elles ont usurpé sur nous.

La nourrice.—Tu m'as parlé de je ne sais quelle main droite.

La commère.—Quand les putains, qui nous méprisent en ce qui regarde la préséance, se trouvent avoir un tel besoin de nous que, dussent-elles en crever, impossible à elles de s'en passer, elles nous abordent gentiment, nous mènent dans leur chambre, nous font asseoir au-dessous d'elles, nous donnent du vous, se recommandent à nos bontés, nous font des promesses, des cadeaux, nous embrassent, et la moindre parole qu'elles profèrent c'est: «Vous êtes mon espérance, notre existence est dans vos mains»; et nous autres bonnes femmes, nous nous refaisons leurs servantes. Mais il nous faut changer de nature, ne pas ainsi agir à la bonne franquette, et quand elles se pâment de jalousie, de maladie ou de misère, les laisser pâmer, ne pas leur offrir remède à toute chose, ou si nous le leur offrons, de faire qu'il leur en coûte bon et qu'elles nous rendent l'honneur qui nous est dû. Je ne connais pas un seul homme, je parle des seigneurs et des princes, qui ne quitte non seulement la table, mais les affaires d'État, sitôt qu'on lui fait savoir que la maquerelle est là; ils s'enferment avec nous, traitent amicalement, et toujours à main droite.

La nourrice.—Je ne te donnerais pas un sou de tes mains droites.

La commère.—Tu es une folle; j'ai vu des gens en venir aux coups de poing pour tel banc près de la chaire du recteur de l'Université, et quand le Pape chevauche pontificalement, tout dignitaire se chamaille pour son rang à droite ou à gauche; les camériers sont au-dessus des écuyers, les écuyers au-dessus des estafiers, les estafiers au-dessus des valets d'écurie, les valets d'écurie au-dessus des marmitons. Que de peines on endure pour passer messire de simple sieur, et de messire seigneur! Tout doit aller par ordre; voici les nobles dames, les bourgeoises, les artisanes: que nous ayons à cheminer ensemble ou à nous asseoir, la noble dame se placera au milieu, la bourgeoise à main droite et l'artisane à main gauche, la maquerelle a donc raison, et si je ne savais que les procès sont des ruine-plaideurs et des engraisse-avocats ou procureurs, comme on les appelle, je voudrais plaider ce litige contre n'importe quelle putain. Les filouteries de ces espèces de gens me font seules rester ainsi tranquille.

La nourrice.—Plaider, hein? Il vaut mieux avoir à payer qu'à recevoir.

La commère.—Je ne t'ai point parlé de la dévotion d'une maquerelle; non, ma foi, je ne t'en ai point parlé.

La nourrice.—Non.

La commère.—Hypocrisies et dévotions sont les dorures de notre méchante vie. Voici que je passe devant une église, j'y entre, je me mouille le bout du doigt dans l'eau bénite, je m'en fais une croix sur le front, je dis un Pater, un Ave, et je m'en vais. J'aperçois une image peinte, dans la rue; je me donne sur la bouche d'un «Confesse ton péché» et fais le signe de la croix avant de continuer ma route. Je salue les religieux et, faisant deux morceaux d'un petit bout de cierge, j'en donne un en aumône, avec deux bouchées de pain, un denier et une tête d'ail encore! Je porte toujours quelque petite pochette sous le bras et j'ai dedans soit une vingtaine de figues sèches, soit une douzaine de noix à moitié piquées des vers, tantôt un plat de bouillie de fèves, tantôt une écuelle de pois chiches, tantôt trois gousses d'ail, quelques fuseaux, des croûtes de pain, de vieilles savates. J'ai toujours en main de petits cierges, des Agnus Dei; quelquefois, tout en cheminant, je roule entre mes doigts un billet de confession et j'égrène mon chapelet; si quelque pauvre diable tombe par terre, j'aide à le relever; j'enseigne les fêtes à qui me les demande et je donne par écrit le moyen de connaître le jour de la Saint-Paul, en vers de la façon suivante:

S'il fait grand ou petit soleil,
Nous sommes au milieu de l'hiver;
S'il tonne ou s'il pleut,
De l'hiver nous sommes hors;
S'il fait brouillard ou s'il bruine,
Signe de disette ou d'abondance.

Je ne m'en rappelle pas plus; il y a si longtemps que je ne les ai dits! Qu'il faisait beau me voir pendant la semaine sainte me promener partout, la corbeille pleine d'un tas de choses et, sans jamais cracher dans l'église, écouter toute la Passion, tenant en main mon cierge allumé et le rameau d'olivier; au moment de baiser la croix, des larmes longtemps comprimées me ruisselaient le long des joues, suavement, suavement. Le samedi saint, je restais debout tout le temps de l'office et, à la lecture de la Passion, j'accompagnais de mes cris le clerc comme une vieille bigote, une qui se tape sur la poitrine. J'acquis un grand crédit par le moyen d'une bonne niche de ma façon.

La nourrice.—Comment, une niche?

La commère.—En me promenant, un jour, je tombe dans une rue où se tenaient peut-être une douzaine de femmes en train de filer la fleur du coton. Je les salue, je leur tire ma révérence, elles me font asseoir au milieu d'elles et commencent à me mettre sur le chapitre de mes petites affaires. Je leur plantai les plus belles carottes du monde; je leur parlai d'un vieux confrère qui, pour m'en avoir fait la promesse avant de mourir, était revenu me voir et ne m'avait causé aucune frayeur; je leur fis croire qu'une stryge m'avait non seulement emmenée au Noyer, mais sous les fleuves et sur la mer, sans jamais nous mouiller les pieds; je leur appris de quelles façons il faut interpréter les voix des bêtes de la Beffana, quelles vertus possèdent les croisements de routes; et après leur avoir donné à tous des conseils, des préceptes, jusqu'à des remèdes pour les chaud et froid, en me levant pour m'en aller je laissai tomber un bout d'étoffe dans lequel était enveloppée une discipline; à peine l'eut-on aperçue que toute la séquelle me tint fermement pour un Magnificat femelle, bien loin de ne me croire qu'un Sanctificetur et un Alleluia.

La nourrice.—Le monde est aux attrape-bon-Dieu.

La commère.—Maintenant et toujours. Feignez la dévotion, vous qui voulez duper les autres; allez à la messe, à vêpres, à complies, restez à genoux des heures entières; quand même on n'en croirait rien, vous trônerez dans les admirations et dans les gloires. Combien y a-t-il de femmes que je connais, vêtues de bure grise, pratiquant le jeûne, faisant l'aumône, qui se l'ôtent d'où on leur a mis! Combien de mangeurs d'indulgences ai-je vus s'adonner à l'ivrognerie, à la sodomie, à la putanerie! Parce qu'ils savent plier le cou et faire vœu de ne manger ni d'esturgeon ni de viande coûtant plus de trois sous la livre, ils gouvernent Rome et la Romagne. Une maquerelle bonne catholique est donc une cornaline appréciée de tout le monde.

La nourrice.—Qui refuse de te croire est hérétique.

La commère.—Maintenant, à l'art de tenir une école.

La nourrice.—Une école! et pourquoi faire?

La commère.—Pour faire plus de choses à la fois, pour passer le temps, pour être estimée d'une foule de monde et gagner quelques petits profits. J'aurais pu te montrer, autrefois, à présent non, quinze ou seize bambines placées sous ma direction, et je leur enseignais à compter le pain qui vient du four, à plier le linge sec de la lessive, à faire la révérence, à mettre le couvert sur la table, à dire le bénédicité, à répondre à Madonna et à Messer, à se signer, à s'agenouiller, à tenir l'aiguille entre les doigts et tous autres petits talents de fillettes.

La nourrice.—Quelle femme!

La commère.—Je débarbouillais les gamins et j'achevais l'éducation des hommes faits. Mais où laissé-je les servantes? J'en avais toujours cinq ou six en réserve, et après en avoir tiré tout le suc en les faisant essayer par l'un ou par l'autre, je les donnais à celui-ci pour filles d'adoption, à celui-là pour des pucelles, à cet autre pour des expertes en toutes choses. Lorsqu'elles partaient de chez moi, je leur adressais des conseils, des recommandations qu'une mère n'aurait pu bonifier. Par-dessus tout, je les avertissais de fermer les yeux sur les écarts de leurs maîtresses. «Soyez discrètes, leur disais-je à part; si vous savez l'être, vos maîtresses deviendront vos servantes et vous deviendrez leurs maîtresses; elles partageront avec vous leur lit, leurs chemises, leur pain, leur vin, et vous boirez toujours de celui qui est si doux au gosier.»

La nourrice.—Tu leur rappelais la pure vérité.

La commère.—Je saute, avec ma cervelle, qui toujours vole, à un grand diable de moine, gros, joufflu, à ronde tonsure, vêtu du plus fin drap qui se puisse acheter; il cherchait à me rendre son amie, il y parvint et, pour y réussir, me donna tantôt des petits cordons artistement tressés, tantôt de grosses salades, des prunes, que sais-je? un tas d'histoires de moines. Lorsqu'il m'apercevait à l'église, il quittait n'importe qui pour venir à moi, et comme je voyais bien de quel pied boitait mon mulet, je faisais celle qui est absorbée dans la contrition et cherche le bien de son âme en infligeant toutes les souffrances à son corps. A la fin des fins, il se découvre à moi, me fait la confidence de sa passion amoureuse et veut m'envoyer faire une ambassade qui aurait donné à réfléchir à des ambassadeurs eux-mêmes, eux qui ne portent pas la peine de ce qu'il leur est ordonné de dire.

La nourrice.—Les moines aussi se plaisent donc à jouer des basses marches?

La commère.—Oui, ils trouvent du goût à la chose, à quelque sauce qu'on la leur serve.

La nourrice.—Au feu de saint Ban, que l'on éteint à coups de pierres!

La commère.—Moi qui ne pouvais faire faux bond à la paterne paternité du père, du moment qu'il m'ouvrit son cœur, je lui dis: «Soyez-sans crainte; je ferai plus qu'il ne faut, et demain matin je suis à votre disposition.» Je le laisse sur cette parole et je m'en vais, toute songeuse, après l'avoir quitté, me demandant par quel moyen je pourrais lui tirer de l'âme une centaine de ducats dont il me mettait souvent, souvent l'eau à la bouche, rien qu'en vue de me donner des ailes pour le contenter; je n'eus pas à aller pêcher bien loin pour le trouver, ce moyen.

La nourrice.—Peux-tu me dire comment tu l'as pêché?

La commère.—Tu sais bien que oui.

La nourrice.—Dis-le, alors.

La commère.—J'arrêtai mon idée sur une gourgandine qui, de taille et pour la grosseur, les membres dodus, ressemblait (j'entends dans l'obscurité) à la matrone que désirait Sa Révérence; pour ce qui est du reste, le diable ne l'aurait pas flairée. Elle avait apaisé la soif des valets des Espagnols et des Allemands, qui vinrent faire à Rome le beau remue-ménage, et rassasié la faim des assiégés de Florence, sans compter tout ce qu'il y eut jamais de gens à Milan, tant dedans qu'au dehors. Songe maintenant, si elle s'était si bien conduite durant la guerre, quelles prouesses elle dut faire durant la paix dans les écuries et les cuisines et les tavernes! Mais ses charmes suppléaient au peu de fraîcheur de sa virginité: elle avait deux yeux dont, à la barbe de la chanson, qui dit:

Deux vivants soleils...,

on pouvait dire que c'étaient deux mortes lunes.

La nourrice.—Pourquoi? Est-ce qu'ils étaient chassieux!

La commère.—Ma foi oui, madonna; outre cela, un goître abominable lui produisait un apostume à la gorge, et l'on prétendait que Cupidon y avait amassé toute la rouille des flèches qu'il donnait à fourbir à je ne sais quel forgeron, son beau-père. Ses tétons ressemblaient à ces civières dans lesquelles l'Amour dépêche à l'hôpital les gens qui tombent malades à son service.

La nourrice.—Ne m'en dis pas plus long.

La commère.—J'en ai dit assez; mais je veux te conter que le moine, habillé en capitaine de gens d'armes, arriva chez moi à l'heure que je lui avais assignée et, comme il en avait encore trois à attendre, se mit à lire un livre que je gardais pour passer le temps; il ne l'eut pas plus tôt ouvert, qu'il lut à haute voix certaine pièce tournée de la sorte:

Madonna, à parler vrai,
Si je vous le fais, puissé-je mourir;
Car je sais que vous le savez,
Sur votre motte
Souvent Amour joute avec les morpions;
Puis vous avez l'anus si large
Que toute notre époque y entrerait;
Et toi, Amour, crois-moi sans que j'en jure,
Elle pue également de la bouche et des pieds.
Voilà pourquoi, à parler vrai,
Si je vous le fais, puissé-je mourir!

Après avoir lu cela, il se mit à rire à crève-panse et, croyant que je riais de le voir rire, redouble ses ah! ah! sans se douter que la commère se décrochait la mâchoire de ce que le morceau dont il devait tâter était en tout semblable à celui de la canzone.

La nourrice.—Oh! bien.

La commère.—Le moine tourne la page et lit en chantonnant:

Madonna, je veux le dire et que chacun m'entende:
Je vous aime parce que je ne suis pas riche,
Et s'il me fallait acheter
Les façons en quattrino pièce,
A ne pas dire de mensonge,
Je vous verrais moins d'une fois par mois.
Oh! vous pourriez prétendre
Que j'ai dit que le feu
Me consume (en votre honneur) petit à petit;
Je l'ai dit, c'est vrai, mais pour rire,
Et mille fois je mens par la gorge.

Il lut encore toute la suite, que des soucis de plus grande importance m'ont ôtée de la mémoire.

La nourrice.—La belle fin que cette chanson doit avoir!

La commère.—Elle l'a pour sûr. Il se mit ensuite à en lire une terrible, composée à la louange d'une certaine Angela Zaffetta, et que je m'en vais parfois gazouillant quand je n'ai rien de mieux à faire ou quand mes tracas me tourmentent.

La nourrice.—Eh quoi! l'on chasse ses tracas en chantant?

La commère.—Je vais te dire, nourrice. Celui qui à minuit passe par un cimetière chante pour donner du courage à sa frayeur, et celle qui semblablement fredonne en songeant à ses ennuis le fait pour donner le change à son chagrin.

La nourrice.—Jamais, jamais on ne trouvera une autre commère. Aboie qui voudra, par envie ou pour n'importe quoi, c'est la vérité.

La commère.—Voici cette chanson que lut le moine:

Être privé du ciel
N'est plus aujourd'hui que le supplice
De la gent réprouvée.
Savez-vous quel tourment
Accable les âmes damnées?
C'est de ne plus pouvoir contempler l'Angela sur la terre.
Rien que l'envie et la jalousie
Qu'elles ont de notre bonheur,
Et l'espoir perdu de ne jamais la voir
Les plongent à toute heure
Dans l'éternelle douleur.
S'il leur était permis de contempler son visage,
L'Enfer serait un nouveau Paradis.

La nourrice.—Que c'est beau, que c'est bon, que c'est galant! Elle peut s'estimer heureuse celle pour qui la pièce a été faite, bien que les flatteries n'emplissent pas le ventre.

La commère.—Elles l'emplissent, sans l'emplir. Le moine la relut trois fois, puis il entama celle qui dit:

Je meurs, Madonna, et je me tais;
Interrogez Amour là-dessus:
Je suis autant de feu que vous êtes de glace.

Il ne put achever, par la raison que le reste était déchiré; en apercevant une autre, qui était très bien écrite, il voulut la lire et je ne pus lui arracher le livre des mains. Je voudrais bien te dire cette pièce-là, et je voudrais tout autant ne pas te la dire.

La nourrice.—Dis-la, j'en courrai le risque.

La commère:

S'il est possible, Amour,
Répartis dans les cœurs des autres hommes
Cette mienne passion.
Mes esprits, mon âme, mes sens,
Sous la souffrance dont tu m'accables,
Endurent en cette chair un martyre immense;
Et puisque c'est un supplice atroce
Que d'expirer sur l'amoureuse croix,
J'espère en ta pitié à mon dernier soupir.
Mais non; n'aie pas égard, Seigneur,
A mes si grandes peines.
Je veux mourir d'amour,
Et bien qu'en la douleur
Le corps sente son salut,
Que ta volonté soit faite!

La nourrice.—Ce madrigal a été mis en musique et parle de l'amour divin; le maître dit qu'il l'a composé quand il n'était encore qu'un disciple, ainsi que tous ceux que tu as récités et que tu nous réciteras.

La commère.—Le Fléau des Princes les a composés dans la fleur de sa jeunesse. En ce moment, le moine, entendant heurter à la porte, jette le livre, court s'enfermer dans la chambre, et moi j'ouvre à la gourgandine; je la prends par la main, je la mène au beau sire sans lui laisser le temps de reprendre haleine et, après avoir tiré sur moi la porte de la chambre, je reste en suspens une minute; j'entends alors un tic toc, tic le plus brutal dont on ait jamais frappé porte de maquerelle ou de putain, après trahison.

La nourrice.—Qui est-ce qui frappait si fort?

La commère.—Certains miens coupe-jarrets.

La nourrice.—Oh! pourquoi?

La commère.—Par ordre de moi-même.

La nourrice.—Je ne comprends pas.

La commère.—J'avais fait accompagner la drôlesse de peut-être bien treize de mes brigands; ils avaient ordre d'attendre un instant, puis de heurter de toutes leurs forces.

La nourrice.—Pourquoi cela?

La commère.—Pour une bonne raison. Dès que j'entends frapper, j'accours faire signe au moine et je lui dis:—«Cachez-vous sous le lit, vite et sans bruit. Holà là! nous voici déshonorés. Le bargello, avec toute son escouade par derrière, veut nous prendre. Ne vous l'avais-je pas dit de n'en pas souffler mot dans le couvent? Est-ce que je ne connais pas les mœurs des religieux? Ne sais-je pas l'envie qui vous dévore tous, ne le sais-je pas?» Le moine tomba pâmé et la volonté concupiscible lui dévala dans le fond de ses chausses; ne sachant que faire, croyant se fourrer sous le lit, il mit le genou sur le bord de la fenêtre et, si je ne le retenais, il se précipitait du haut en bas.

La nourrice.—Ah! ah!

La commère.—Un larron pris en flagrant délit, voilà à quoi ressemblait le Révérend. Cependant, on ne cesse de frapper à la porte, on me menace avec des hurlements d'enragés, on crie:—«Ouvre, ouvre, sorcière, sinon nous flanquons la porte à bas.» Je tremble et, d'une figure jaune comme une omelette, je lui dis:—«Apaisons-les avec quelques écus.—Pourvu qu'ils s'en contentent, soupire le gros porc.—Essayons toujours», lui dis-je. Lui qui aurait volontiers donné toute la soupe destinée à lui venir en subsistance le reste de ses jours, il me lâche vingt ducats; je me montre à la fenêtre et je dis d'une voix humble:—«Seigneur capitaine, monseigneur, miséricorde et non justice! Nous sommes tous de chair et d'os; ne déshonorez pas Sa Paternité vis-à-vis du Sénateur et du Général...»

La nourrice.—Je suis toute hors de moi d'entendre ce que tu me racontes.

La commère.—«Contentez-vous de cet argent», et je leur jette une couple de ducats pour godailler; j'empoche les autres et je rends grâces au bargello pour rire, qui me dit:—«Votre bonté, votre courtoisie, votre générosité, commère, lui ont ôté la mitre de dessus la tête.» Toute revenue à moi, je déniche le pauvre homme, je le fais sortir de la cachette où je l'avais forcé de se blottir et je lui dis:—«Vous l'avez échappé belle; quand j'y pense, la chose a encore bien tourné; l'argent n'est rien, vous en aurez toujours assez.» Nourrice, il voulait se montrer homme de cœur et retourner saillir la haquenée, mais des étais n'auraient pas pu faire dresser son pal, et il s'en alla sans commettre de péché. Avec cinq Jules je satisfis la drôlesse, et mon sac à tripes ne me souffla plus mot d'amoureuses ni de quoi que ce fût.

La nourrice.—Mal an pour lui!

La commère.—Un jaloux des plus obstinés et des plus maudits qu'on ait jamais vus...; la nuit, il verrouillait la chambre, la fenêtre du lit, celles de la salle et de la cuisine, et il ne se serait pas couché avant d'avoir jeté l'œil et sous le lit et derrière; il furetait jusque dans les armoires et dans le retrait, soupçonnait les parents, les amis et ne voulait même pas souffrir qu'une maîtresse, qu'il tenait en charte privée, dît un mot même à sa mère. Un simple passant dans la rue où il logeait le mettait en fureur:—«Et qui est cet homme-ci? Et qui est cette femme-là?» S'il sortait de la maison, il fermait la porte à double tour de clef et la scellait de son sceau, pour voir si personne le trompait. Pas un pauvre, pas une pauvresse ne heurtait jamais à sa porte, car il leur criait:—«Va-t'en, ruffian; va-t'en, ruffiane.» Moi qui savais, comme je te l'ai dit, ensorceler, médicamenter et ressusciter tout le monde d'un seul mot, j'épie si le jaloux n'a pas quelque infirmité et je découvre que souvent, souvent, une dent le fait horriblement souffrir. Je bâtis là-dessus mon projet et je dis à quelqu'un qui se mourait pour la prisonnière:—«Ne vous désespérez pas.»

La nourrice.—Tu me réconfortes, rien qu'en m'indiquant la façon dont tu l'as réconforté.

La commère.—Après avoir rendu le courage au pauvre dolent, je dépêche un mien vaurien, que nul ne connaissait, à la porte du jaloux, c'est-à-dire à la porte de la maison où il tenait recluse la jeune femme, et je lui dis que, quand il verra passer du monde, il fasse semblant de se trouver mal; que, revenu à lui, il se mette à crier:—«Je suis fou, je meurs d'une rage de dents!» C'est ce qu'il fit; tout en criant et pestant, il se laissa choir par terre et rassembla autour de lui plus de trente personnes qui compatissaient à son mal, si bien que la madonna, malgré l'ordre qu'elle avait de se montrer ni à la fenêtre, ni sur la porte, mit le nez au balcon, attirée par tout ce tapage. En ce moment, je passe comme par hasard et, voyant l'homme qui se roulait par terre, j'en demande la raison; dès qu'on m'eut répondu que c'était la rage de dents qui le crucifiait, je dis:—«Faites-moi place, et toi, ne crains rien, je vais te guérir. Ouvre la bouche.» Le gredin ouvre la bouche et se touche la dent gâtée; je pose dessus deux brins de paille en croix, je mâchonne une oraison et, après qu'il a dit trois fois le Credo, je fais disparaître la douleur. Toute l'assistance reste stupéfiée du miracle et je m'éloigne, suivie d'une ribambelle de gamins dont la simplicité enfantine allait répandre partout l'histoire de la dent.

La nourrice.—Que ne se trouve-t-il ici quelqu'un pour écrire ces belles choses et les faire imprimer!

La commère.—Pendant que je m'en retournais chez moi, le jaloux arrive et, voyant des groupes causer près de sa porte, soupçonne d'abord quelque querelle; mais après qu'on lui eût conté l'histoire, il court à la jeune femme qu'il tenait sous clef et lui dit:—«As-tu vu guérir la dent?—Quelle dent?» répondit-elle; «depuis que je suis tombée entre vos mains, je n'ai même pas songé à respirer l'air, bien loin de songer aux gens qui jappent dans la rue; que je vous voie, et je vois tout mon bonheur.» Le soupçonneux lui apprend la chose, puis vient me trouver et me montrer la dent gâtée qui lui empoisonnait la bouche; je la regarde, et après l'avoir bien regardée, je lui dis:—«Je ne voudrais pas faire le moindre tort à l'avocat des dents, et c'est pour moi un cas de conscience; je saurai cependant bien vous ôter de la bouche cet ennui-là. Mais où demeurez-vous?» Et plus il me l'indiquait, plus je faisais semblant ne pas comprendre; à la fin, il m'emmena avec lui et me fit mettre la main dans la main de celle que je devais enjôler pour l'amour de..., et cœtera.

La nourrice.—Tu devins familière dans la maison par le moyen de cette malice; ne m'en dis pas davantage.

La commère.—Écoute la fin de l'histoire sans plus.

La nourrice.—Parle.

La commère.—J'eus le temps et archi le temps d'enfoncer dans le cœur de la madonna la mort que c'était pour elle de rester ainsi sous clef, à la discrétion d'un ennuyeux personnage; et, comme elle avait une bonne judiciaire, elle ne me lanterna pas longtemps à le croire. Non seulement elle consentit à voir le joli garçon, mais elle se sauva avec lui; pourtant ce n'est pas leur fuite que je veux te raconter, c'est une bonne farce que je fis.

La nourrice.—Je serais heureuse de la connaître.

La commère.—Le malheureux jaloux n'eut la rage de dents dont il était coutumier que peut-être une vingtaine de jours après que je fus entrée dans la maison; et comme il craignait de me laisser échapper, à force de cadeaux, de promesses et de cajoleries, il m'arracha de la conscience l'oraison qui guérissait le mal de dents, c'est-à-dire qu'il crut me l'arracher. Moi qui n'avais pour cela ni oraison ni légende, je guette l'heure où celle qu'il retenait recluse s'enfuyait avec l'autre et, rencontrant notre homme dans une église, en train de causer à un ami, je l'aborde et je lui donne ceci cacheté dans une lettre:

Ma dame est divine,
Car elle pisse de l'eau de fleur d'orange et chie serré
Du benjoin, du musc, de l'ambracan et de la civette;
Si par hasard elle peigne ses beaux crins,
Par milliers pleuvent les rubis.
Sa bouche distille continuellement
Du nectar, du corso, de l'ambroisie, du malvoisie,
Et en cet endroit où sont les bons morceaux
Se voient des émeraudes au lieu de morpions.
En somme, si maintenant elle avait à notre service
Un seul trou, au lieu des deux qu'elle a,
Un chacun dirait à la voir:
«Elle est proprement une perle.»

Tu peux penser, nourrice, la mine que fit et les paroles que proféra l'enragé jaloux quand il lut la plaisanterie et qu'arrivé chez lui il n'y trouva plus sa maîtresse.

La nourrice.—Je fais mieux que le penser.

La commère.—Il y a déjà un bon bout de temps que je voulais te parler de la peine qu'a une maquerelle à faire relever leurs jupes pour quelqu'un à ces fileuses de laine, ces dévideuses de soie, ces pelotonneuses de chanvre, ces tisseuses, ces couturières. Sache que si nous pouvions entrer dans les maisons des grandes dames comme nous allons chez ces filles, si nous pouvions leur parler avec pareille sécurité, nous en ferions ce qu'il nous plaît sans la moindre difficulté. Les pauvrettes sont toujours à cheval, obstinément sur le «Je veux me marier!» Il leur semble que, dès qu'elles auront un mari, elles pourront se présenter partout; et comme elles ne sont pas habituées à boire souvent du vin et à manger de la viande, elles ne se soucient pas des aises qu'elles auraient en se donnant à l'un et à l'autre; elles restent là, sans nippes et sans souliers, couchant sur la paille, veillant toutes les nuits d'hiver et celles d'été pour gagner à grand'peine leur pain. Si elles nous prêtent l'oreille, c'est que notre obstination à tarabuster leurs mères, leurs grand'mères, leurs tantes, leurs sœurs, les y force, et j'en connais assez que leurs maris, après avoir perdu de l'argent au jeu ou rentrant ivres, ont beau assommer à coups de bâton, piler aux pieds, traîner du haut en bas de l'escalier, elles n'en supportent pas moins tout, pour vivre en cette honnêteté qui consiste à avoir un mari.

La nourrice.—Certainement, c'est tel que tu le dis.

La commère.—Mais les autres maquerelles ne sont pas la commère: elle, il lui suffit d'un regard pour corrompre des virginités de fer, d'acier ou de porphyre, et non pas seulement des virginités de chair. Ferme comme tu voudras ta porte et tes oreilles: la petite clef de ma malice ouvre tout, si petite qu'elle soit. La commère, hein? il n'en vient pas tous les jours au monde de pareille à elle, non, sur ma foi! et ses talents sont de ceux dont on est doué en naissant. Déblatère qui voudra: elle ne changerait pas son métier contre celui de n'importe quel artisan, et si elle n'était pas maintenant volée par ces entremetteurs dont je t'ai parlé, les capitaines et les docteurs ne lui viendraient pas à la cheville. Si je voulais te dire combien de grands personnages et de jolis garçons se laissent tomber sur notre estomac, je n'aurais pas fini d'ici un mois; on se soulage avec nous autres des fantaisies qu'on n'a pu se passer ailleurs, et nous profitons, sans soupirs et sans plaintes, d'occasions dont pourraient s'estimer heureuses les plus grandes dames de la terre.

La nourrice.—J'ai compris tout le reste, rien qu'à la frottée que t'administra celui que tu avais mis en humeur en lui dépeignant comment était faite, sous le linge, celle que tu lui donnais à croire qu'elle serait venue le trouver, si son mari ou n'importe quel autre n'était revenu de la campagne.

La commère.—Peut-être bien que je t'ai dit; mais je veux terminer en te parlant de la magie. Je te dirai d'abord de quels sortilèges j'usais pour assurer à une femme enceinte si ce sera une fille ou un garçon; pour dire si les objets perdus se retrouveront, si le mariage doit se faire ou non, si le voyage aura lieu, si la marchandise rapportera bénéfice, si un tel vous aime, si un tel autre a d'autres maîtresses que vous, si le dépit passera, si votre amant reviendra bien vite, et un tas d'autres balivernes propres à ces petites folles de femmes.

La nourrice.—Je tiens beaucoup à savoir tous ces attrape-nigauds et nigaudes.

La commère.—J'avais taillé de ma main un petit chérubin de liège, mignon, mignon, et on ne peut mieux colorié; au fond d'un verre percé, au beau milieu se trouvait un pivot, c'est-à-dire une pointe fine, sur laquelle était fixée la plante du pied du chérubin, qu'un souffle faisait tourner; il tenait à la main un lis en fer. Pour dire la bonne aventure, je prenais une baguette dont le bout était une pierre d'aimant; je n'avais qu'à l'approcher du fer pour qu'il tournât aussitôt du côté où je tournais la baguette. Lors donc qu'une femme ou qu'un homme désirait savoir s'il était ou si elle était aimée, si la paix se referait avec celui-ci ou avec celle-là, je pratiquais des conjurations et, marmottant des paroles inintelligibles, j'opérais le miracle à l'aide de ma baguette, vers l'aimant de laquelle le lis de fer tournait aussitôt; le chérubin faisait passer le mensonge pour vérité pure.

La nourrice.—Qui n'y aurait été pris?

La commère.—Par hasard, il m'arrivait quelquefois de tomber juste et, comme la chose paraissait merveilleuse à ceux qui ne connaissaient pas la fourberie, bien des gens pensaient que j'avais tous les démons à mon service. Mais venons à la manière de jeter les fèves.

La nourrice.—Je n'ai jamais vu cette momerie-là, mais j'en ai entendu dire des merveilles.

La commère.—Je vais te dire. Cette sorcellerie n'est pas en grande faveur ici; elle se pratique à Venise, et il y a des gens qui y croient comme les luthériens croient au bon chrétien Fra Martino.

La nourrice.—Qu'est-ce que ces fèves-là?

La commère.—On en prend dix-huit, neuf fèves femelles et neuf mâles; d'un coup de dents on en marque deux qui seront l'une la femme et l'autre l'homme. Il faut avoir avec cela un bout de cierge bénit, une branche de palme et du sel blanc, toutes choses qui symbolisent les peines du cœur des amoureux. On prend ensuite un morceau de charbon qui signifie le courroux dont l'amant est agité et un peu de suie de la cheminée pour savoir quand il reviendra à la maison. Et où laissé-je le pain? A tous les ingrédients ci-dessus, on ajoute une bouchée de pain qui doit servir à connaître le bien que l'amant pourra faire. Après cela, on prend une moitié de fève, en sus du nombre de dix-huit, et cette moitié signifie le bonheur ou le malheur. Lorsqu'on a mis le tout en tas, fèves, bout de cierge, branche de palme, sel, suie, pain, on mêle le tout et, avec les deux mains, on le brouille, on le ressasse légèrement, puis on fait dessus le signe de la croix la bouche ouverte; si par hasard la bouche, placée au-dessus du tas, se met à bâiller, c'est bon signe, parce que les bâillements assurent la réussite. Quand la pratique a fait, elle aussi, le signe de la croix, on prononce ces paroles:

«Ave, Madame Sainte-Hélène, reine; Ave, mère de Constantin, empereur; mère vous fûtes, mère vous êtes; sur la sainte mer vous allâtes, à onze mille vierges vous vous mêlâtes, autant et plus de chevaliers vous accompagnâtes; la sainte table vous dressâtes, avec trois cœurs de mille-feuilles le sort vous jetâtes, la sainte croix vous trouvâtes, au mont Calvaire vous allâtes et le monde entier vous illuminâtes.»

On remêle encore une fois, on éparpille, on ressasse de nouveau les fèves et le reste, et après avoir fait le signe de la croix, on dit:

«Par les mains qui les ont semées, par la terre qui les a fait germer, par l'eau qui les a mouillées, par le soleil qui les a séchées, je vous prie de montrer la vérité. Si un tel lui veut du bien, faites que je le trouve à côté d'elle, sur ces fèves; s'il lui parlera tôt, faites que je le trouve bouche à bouche avec elle; s'il viendra tôt, faites qu'il tombe de ces fèves; s'il lui donnera de l'argent, faites que je voie des fèves en croix à côté d'elle, ou, s'il me mandera quelque chose, montrez-moi la vérité dans cette bouchée de pain.»

On prend ensuite les fèves, on les enveloppe dans un morceau de toile blanche, en faisant trois nœuds, et à chaque nœud on prononce ces paroles:

«Je ne noue pas ces fèves, je noue le cœur d'un tel. Qu'il ne puisse jamais avoir de bonheur, ni de repos, ni de tranquillité en aucun lieu; qu'il ne puisse ni manger ni boire, ni dormir ni veiller, ni marcher ni s'asseoir, ni lire ni écrire, ni parler à homme ou femme, ni travailler, ni faire ni dire quoi que ce soit, jusqu'à ce qu'il soit venu la voir; et qu'il n'aime aucune femme, sinon elle.»

On tourne alors par trois fois au-dessus de sa tête la pièce de toile où sont les fèves et on la laisse tomber par terre: si elle tombe le nœud en dessus, c'est signe d'amour chez l'amant. Après avoir fait toutes les singeries que je t'ai dites, on attache le paquet à la jambe gauche de la femme qui se fait tirer les sorts, et quand elle va se coucher, elle le place sous son oreiller. C'est le moyen de donner de la jalousie à l'amant, et de la sorte elle s'éclaircit de ses soupçons.

La nourrice.—Je ne comprends pas ce «Faites que je le trouve bouche à bouche avec elle, et s'il viendra tôt, faites qu'il tombe de ces fèves.»

La commère.—Cela veut dire: «Faites que la fève mâle touche la fève femelle et qu'en tombant seule, pendant qu'on les mêle, elle montre que l'amant viendra voir sa maîtresse.»

La nourrice.—Je vois clair maintenant; oui, oui, sur ma foi, cela me plaît beaucoup.

La commère.—On prétend que sainte Hélène se lève par trois fois de dessus son siège quand on dit la bonne aventure à l'aide de son oraison, et c'est un péché dont n'absoudraient pas les stations de dix carêmes. J'ai pourtant vu croire à cela des personnes dont tu ne te douterais jamais, et, j'y pense...

La nourrice.—A quoi donc?

La commère.—Pour la magie au chérubin de liège j'ai oublié de te dire l'oraison qui se prononce cinq fois, avant que l'on ne touche le lis avec la baguette.

La nourrice.—Il me semblait aussi qu'il manquait quelque chose. Dis-la-moi.

La commère:

Bon petit Ange, beau petit Ange,
Messire saint Raphaël,
Par vos ailes d'oiseau,
Écoutez ce que je vous demande.
Si un tel méprise une telle,
Tournez-vous par-ci, de grâce,
Et par-là si nulle autre ne le soulage.

La nourrice.—Que de bêtises se disent et se croient!

La commère.—Si on en dit et si on en croit, hein? On ne saurait évaluer à son prix la simplicité des gens, et sois bien sûre que qui ferait le compte des scélérats et des imbéciles ne trouverait pas beaucoup moins de nigauds que de coquins.

La nourrice.—Je n'en fais aucun doute.

La commère.—Pour la bonne aventure à la cire vierge, on prend une marmite neuve et on la met sur le feu avec de la cire dedans. Quand la cire commence à s'échauffer, on prononce l'incantation, puis on prend un verre qui n'ait jamais servi, on y jette dedans la cire fondue et, sitôt qu'elle est refroidie, on y voit tout ce qu'on sait demander.

La nourrice.—Dis-moi l'incantation.

La commère.—Une autre fois.

La nourrice.—Pourquoi pas maintenant?

La commère.—J'ai fait vœu de ne pas la dire le jour où nous sommes, mais je t'enseignerai celle du Pater nostri, l'ensorcellement de l'œuf et jusqu'au sas à bluter la farine où l'on plante des ciseaux, avec l'oraison de saint Pierre et de saint Paul. Tout cela, ce sont des niaiseries, des attrapes, des moqueries, proches parentes de la perversité de celles qui usent de semblables maléfices. Mais comme tout le monde est porté sans peine à croire ce qui lui agrée, la maquerelle donne pour vérités pures les mensonges de sa sorcellerie, et le hasard qui fait parfois tomber l'un d'eux juste sauve celles de ses prédictions qui tournent mal.

La nourrice.—Je me frappe, à cause de ton histoire du vœu.

La commère.—Ne disons pas de mal des vœux, car il est permis de se moquer des valets, non des saints, et tu fais bien de te frapper la bouche en disant ta coulpe comme tu viens de te le faire. Mais me voici bien lasse d'avoir tant parlé, et cela me fatigue de te dire comment, quand je n'avais rien de mieux à faire, j'allais rôder à une heure ou deux de nuit, vers les logis des étrangers et heurter à la porte, sans répondre au «Qui frappe en bas?» Lorsque le valet venait ouvrir, la vérité c'est que je lui demandais:—«N'est-ce pas ici que demeure Sa Seigneurie messire un tel?» L'homme, voyant se montrer puis se cacher telle ou telle petite salope que j'emmenais toujours avec moi, me répondait:—«Oui, madonna, entrez; il y a deux heures qu'il vous attend.» Ce que le drôle en disait, c'était croyant m'attraper et pour donner l'occasion de s'amuser à son maître, qui raffolait des petites putains, ce dont j'étais parfaitement informée. Je m'avançais donc en toute assurance; une fois entrée, le valet fermait à clef la porte derrière moi, pour qu'il me fût impossible de m'en aller, et, montée à l'étage, je pouvais bien m'exclamer, pousser les hauts cris de ce que je n'étais pas dans la maison de celui qui m'attendait! On nous mettait toutes les deux à table à la place d'honneur, et, du moins, s'il n'y avait pas autre chose à regratter, nous y gagnions un bon souper et d'être renvoyées accompagnées chez nous; je laissais aussi la fille coucher avec le messire, quelquefois s'entend, et j'empochais les Jules et les ducats.

La nourrice.—Cette espèce de flouerie ne me déplaît point.

La commère.—Parfois j'allais en trouver un que je n'avais pas vu depuis passé deux ans et, faisant rester cachée par derrière la nymphe que je menais en location, je frappais à la porte. On venait m'ouvrir; je disais:—«Allez avertir votre maître que c'est moi, une telle.» Le particulier accourait aussitôt en personne et s'écriait:—«Je croyais bien que c'était tout autre que toi: la Lune de Bologne, autant dire; mais comment te portes-tu?—Très bien pour vous servir,» répondais-je. «En passant par ici, j'ai voulu vous faire une petite visite; il y a cent fois que j'ai eu l'intention de venir et je n'ai pas osé, de peur de vous ennuyer.» Au moyen de ces fariboles, je l'accointais avec la diva qui me suivait partout.

La nourrice.—Ne te fatigue pas davantage. Maintenant, quand tu m'auras dit comment m'y prendre pour cacher cette cicatrice de mal français que j'ai sur le haut du front et cette balafre que tu me vois là au beau milieu de la joue droite, nous finirons l'entretien.

La commère.—Comment? cacher ta pustule et ta balafre? Je veux que tu t'en estimes bien heureuse; oui, que diable, tu dois t'en estimer heureuse! La balafre et la pustule signifient et démontrent la perfection de l'art du maquerellage; et de même que les blessures attrapées par les soldats dans les batailles les font paraître plus vaillants et plus braves, ainsi les cicatrices du mal français et les balafres de coups de couteau indiquent à tous le mérite de la maquerelle; ce sont des perles dont elle doit faire sa parure. Laissons de côté cette comparaison; il serait impossible de distinguer d'une autre telle ou telle boutique d'apothicaire, telle ou telle auberge, si elles n'avaient pas d'enseignes: l'Épicier du Maure, le Bonhomme, l'Épicier de l'Ange, du Médecin, du Corail, de la Rose, de l'Homme armé, et voici l'auberge du Lièvre, de la Lune, du Paon, des Deux Épées, de la Tour, du Chapeau. N'étaient les armes que parmi les bagages portent quelques maroufles, sur une rosse poussive, au ventre plein de son, qui distinguerait les vrais nobles d'avec les poltrons qui les portent? Les cicatrices et les balafres sont donc nécessaires à la maquerelle, comme aussi les marques aux chevaux: on ne saurait de quelle race ils sont s'ils n'avaient la marque sur la cuisse; et je dirai plus, ils ne seraient nullement privés s'ils venaient à la parade sans une marque.

Ici s'arrêta la commère et, se levant sur les pieds, fit lever aussi la nourrice, la Pippa et sa maman. A la vue de la collation qui était préparée, elle s'humecta légèrement la langue et les lèvres, sèches à force d'avoir parlé, et pencha en même temps l'oreille du côté de la Nanna, qui la félicitait grandement de ses discours et avouait avec stupéfaction que toutes les maquerelles du monde n'en savaient pas si long qu'elle à elle seule. La Nanna se tourna vers la nourrice et lui dit:—Ce pêcher, qui a entendu ce bel entretien, pourrait tenir école rien qu'à l'aide de ce qu'il s'en rappellerait; songe à ce que tu dois en faire, toi.» Puis elle recommanda à sa fille de bien se souvenir de ce qu'elle avait entendu. Cependant Mme la commère buvait coup sur coup, louant fort celui qui inventa le boire, et comme le corso poilu qui lui grattait et lui caressait le gosier lui avait fait venir une petite larme à l'œil, elle en restait in extasis, sans s'occuper de la Nanna, qui se reprochait d'avoir oublié un seul point, dans son premier entretien, à savoir d'enseigner à la Pippa comment s'y prendre pour ne pas lâcher tout à fait ceux qui se seraient ruinés, soit par sa faute, soit par la leur, et comme toutes les femmes les envoient se faire pendre, qu'elles ne se souviennent plus les avoir connus, qu'elles ne veulent plus les voir d'aucune façon, cela lui paraissait une chose d'importance, valant qu'on en dît deux mots: néanmoins elle laissa de côté cette affaire. La commère s'étant mise à se promener par le jardin le regardait curieusement partout et s'écria:—«Nanna, ta maison de passe-temps est un véritable lieu de délices; oh! le beau jardin,» répétait-elle; «pour sûr, il ne pourrait que faire paraître vilains les jardins du Chigi en Transtévère, et ceux de Fra Mariano, sur le Monte Cavallo. C'est une calamité que ce prunier se dessèche. Regarde, regarde; cette treille a tout à la fois le raisin en fleur, en verjus et à maturité. Que de grenades, mon Dieu! douces et demi-douces; je les connais bien, et il faut les cueillir dès maintenant, si l'on ne veut que d'autres les cueillent. Le bel espalier de jasmin; les jolis gobelets de buis; la belle haie tapissée de romarin, et voyez-moi ce miracle: des roses de septembre, miséricorde! des figues noires, hein! Ma foi, j'ai délibéré de venir ici entre avril et mai, et je veux m'emplir le giron et le tablier de violettes, car... Mais que vois-je? Oh! que de touffes de violettes de Damas! Pour finir, le charme de ce petit paradis m'a fait oublier qu'il est déjà tard. Allons, madame la menthe, madonna marjolaine, madame la pimprenelle et messire le bouton de fleur d'oranger me pardonneront de ne pas faire plus longtemps la causette avec eux. Sur ma vie, tout vous sourit en ces lieux; quel zéphyr souffle, quel bon air, quelle jolie vue! Par cette croix, Nanna, s'il y avait ici seulement une petite fontaine d'où l'eau jaillirait en l'air, ou bien se déverserait par-dessus les bords et tout doucement coulant en ruisselet arroserait l'herbe, tu pourrais dire que tu as non pas le jardinet des jardinets, mais le jardin des jardins.»

Ainsi s'exprima la commère. L'heure de rentrer à la maison lui paraissait venue; elle embrassa donc la Pippa et lui souhaitant bon soir et bon an, elle s'en fut avec la nourrice où elles avaient à se rendre.

[18] La croyance à la guérison des maladies par la prière est encore fort répandue.

L'oraison à sainte Apolline a été célèbre dans toute la chrétienté. Cervantes en a fait mention dans son Don Quichotte. De nos jours, cette patronne des dentistes est encore invoquée en Espagne, en Italie et même en France.

Voici la prière à sainte Apolline telle qu'on la trouve dans un livret populaire intitulé: Le médecin des pauvres ou Recueil de prières et oraisons précieuses contre le mal de dents, les coupures, les rhumatismes, la teigne, la colique, les brûlures, les mauvais esprits, etc. (s. l. n. d.).

Sainte Apolline assise sur une pierre de marbre, Notre-Seigneur passant par là lui dit: «Apolline, que fais-tu là?—Je suis ici pour mon chef, pour mon sang et pour mon mal de dents.»—«Apolline, retourne-toi: si c'est une goutte de sang, elle tombera, et si c'est un ver, il mourra.»


TABLE DES MATIÈRES


Bibliothèque des Curieux

4, rue de Furstenberg—PARIS

Extrait du Catalogue

Les Maîtres de l'Amour

Collection unique des œuvres les plus remarquables des littératures anciennes et modernes traitant des choses de l'amour.

L'Œuvre du Divin Arétin (2 vol.) chaq. vol.10fr.
L'Œuvre du Marquis de Sade10»
L'Œuvre du Comte de Mirabeau10»
L'Œuvre du Chevalier A. de Nerciat (3 vol.), chaque volume.10»
L'Œuvre de Giorgio Baffo10»
L'Œuvre libertine de Nicolas Chorier10»
L'Œuvre libertine des poètes du XIXe siècle10»
Le Théâtre d'amour au XVIIIe siècle10»
Le Livre d'amour de l'Orient (I). Ananga-Ranga10»
Le Livre d'amour de l'Orient (II).—Le Jardin parfumé10»
Le Livre d'amour de l'Orient (III).—Les Kama-Sutra10»
Le Livre d'Amour de l'Orient (IV).—Le Bréviaire de la Courtisane.—Les Leçons de l'Entremetteuse10»
L'Œuvre des Conteurs libertins de l'Italie (xviiie siècle)10»
L'Œuvre de John Cleland (Mémoires de Fanny Hill)10»
L'Œuvre de Restif de la Bretonne10»
L'Œuvre des Conteurs libertins de l'Italie (xve siècle)10»
L'Œuvre libertine de l'Abbé de Voisenon10»
L'Œuvre libertine de Crébillon le fils10»
Le Livre d'amour des Anciens10»
L'Œuvre libertine des Conteurs russes10»
L'Œuvre libertine de Corneille Blessebois (Le Rut)10»
L'Œuvre de Choudart-Desforges (Le Poète libertin)10»
L'Œuvre de Fr. Delicado (La Lozana Andalusa)10fr.
L'Œuvre du Seigneur de Brantôme10»
L'Œuvre de Pigault-Lebrun10»
L'Œuvre de Pétrone10»
L'Œuvre de Casanova de Seingalt10»
L'Œuvre priapique des Anciens et des Modernes10»
L'Œuvre de Boccace Florentin (I)10»
L'Œuvre poétique de Charles Baudelaire10»
L'Œuvre des Conteurs espagnols10»
L'Œuvre badine d'Alexis Piron10»
L'Œuvre badine de l'Abbé de Grécourt10»
L'Œuvre amoureuse de Lucien10»
L'Œuvre galante des Conteurs français10»
L'Œuvre de Choderlos de Laclos (Les Liaisons dangereuses)10»
L'Œuvre des Conteurs allemands (Mémoires d'une Chanteuse)10»
L'Œuvre des Conteurs anglais (La Vénus indienne)10»

Le Coffret du Bibliophile

Jolis volumes in-18 carré tirés sur papier d'Arches (exemplaires numérotés).

Les Anandrynes (Confession de Mlle Sapho)8fr.
Le Petit Neveu de Grécourt8»
Anecdotes pour l'histoire secrète des Ebugors8»
Julie philosophe (Histoire d'une citoyenne active et libertine), 2 vol.16»
Correspondance de Mme Gourdan, dite «la Comtesse»8»
Portefeuille d'un Talon Rouge.—La Journée moureuse8»
Les Cannevas de la Pâris (Histoire de l'hôtel du Roule)8»
Souvenirs d'une cocodette (1870)8»
Le Zoppino. Texte italien et traduction française8»
La Belle Alsacienne (1801)8»
Lettres amoureuses d'un Frère à son élève (1878)8»
Poèmes luxurieux du divin Arétin (Tariffa delle Puttane di Venegia)8»
Correspondance d'Eulalie ou Tableau du Libertinage de Paris (1785), 2 vol.16»
Le Parnasse satyrique du XVIIIe siècle8»
La Galerie des femmes, par J.-E. de Jouy8»
Zoloé et ses deux Acolytes, par le Marquis de Sade8»
De Sodomia, par le P. Sinistrari d'Ameno. Texte latin et traduction française8»
Le Canapé couleur de feu, par Fougeret de Montbron8»
Le Souper des Petits Maîtres8»
Cadenas et Ceintures de chasteté8»
Les Dévotions de Mme de Bethzamooth8»
La Raffaella8»
Contes de Jos. Vasselier8»
Histoire de Mlle Brion8»
La Philosophie des Courtisanes8»
Les Sonnettes8»
Nouvelles de Firenzuola8»
Lucina sine concubitu8»
Point de lendemain8»
Mémoires d'une Femme de chambre8»
Ma Vie de garçon8»
Anthologie érotique d'Amarou8»
La Beauté du Sein des Femmes8»
Tendres Epigrammes de Cydno la Lesbienne8»
Divan d'amour du Chérif Soliman8»

Chroniques Libertines

Recueil des «indiscrétions» les plus suggestives des chroniqueurs, des pamphlétaires, des libellistes, des chansonniers, à travers les siècles.

Les Demoiselles d'amour du Palais-Royal, par H. Fleischmann750
La vie libertine de Mlle Clairon, dite «Frétillon»750
Les Amours de la Reine Margot, par J. Hervez750
Mémoires libertins de la Comtesse Valois de la Mothe (Affaire du Collier)750
Marie-Antoinette libertine, par H. Fleischmann750
Chronique scandaleuse et Chronique arétine au XVIIIe siècle750

Souscription aux six volumes parus de la 1re série, brochés, 36 fr.

L'Histoire romanesque

La Rome des Borgia, par Guillaume Apollinaire750
La Fin de Babylone, par Guillaume Apollinaire750
Les Trois Don Juan, par Guillaume Apollinaire750

Les Secrets du Second Empire

Napoléon III et les Femmes, par H. Fleischmann750
Bâtard d'Empereur, par H. Fleischmann750

La France Galante

Mignons et Courtisanes au XVIe siècle, par Jean Hervez15fr.
La Polygamie sacrée au XVIe siècle15»
Ruffians et Ribaudes, par Jean Hervez850

Chroniques du XVIIIe Siècle

par Jean Hervez

D'après les Mémoires du temps, les Rapports de police, les Libelles, les Pamphlets, les Satires, les Chansons.

I.La Régence galante (épuisé).
II.Les Maîtresses de Louis XV15fr.
III.La Galanterie parisienne sous Louis XV15»
IV.Le Parc aux Cerfs et les Petites Maisons galantes de Paris (épuisé)
V.Les Galanteries à la Cour de Louis XVI15»
VI.Maisons d'amour et Filles de joie15»

Le Catalogue illustré est envoyé franco sur demande

LES MAITRES DE L'AMOUR

Anthologie des Œuvres les plus remarquables (prose et vers) des littératures anciennes et modernes traitant des choses de l'Amour.

PREMIÈRE SÉRIE

L'Œuvre amoureuse de Lucien

Introduction et Notes par B. de Villeneuve10fr.

L'Œuvre du Divin Arétin

Introduction et Notes par Guillaume Apollinaire10fr.

L'Œuvre du Marquis de Sade

Introduction, Essai bibliographique et Notes par Guillaume Apollinaire10fr.

L'Œuvre du Comte de Mirabeau

Introduction, Essai bibliographique et Notes par Guillaume Apollinaire10fr.

L'Œuvre du Chevalier Andrea de Nerciat

Introduction, Essai bibliographique et Notes par Guillaume Apollinaire10fr.

L'Œuvre du Patricien de Venise Giorgio Baffo

Introduction, Essai bibliographique et Notes par Guillaume Apollinaire10fr.

DEUXIÈME SÉRIE

L'œuvre de Nicolas Chorier

Introduction et notes par B. de Villeneuve10fr.

L'œuvre libertine des Poètes du XIXe siècle

Introduction et Notes par Guillaume Apollinaire10fr.

Le Théâtre d'Amour au XVIIIe siècle

Introduction et Notes par B. de Villeneuve10fr.

L'œuvre du Divin Arétin (II)

Introduction, Essai bibliographique et Notes par Guillaume Apollinaire10fr.

Le livre d'Amour de l'Orient (I)

Introduction et Notes par B. de Villeneuve10fr.

L'œuvre des conteurs libertins de l'Italie au XVIIIe siècle

Introduction et Notes par Guillaume Apollinaire10fr.

PROSPECTUS DÉTAILLÉ SUR DEMANDE

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