La chambre obscure
[1] Voir cette citation dans l'introduction.
[2] Je ne doute pas qu'il ne se trouve des gens qui se plaindront de ce qu'il n'y a pas assez, d'accents circonflexes et de commas dans mon livre. J'avais songé à placer ici comme conclusion toute une page de ces signes, afin qu'on pût les distribuer sur les diverses pages à son gré; mais j'ai réfléchi, et en dernière analyse j'ai craint que cela ne fût trop joli.
DEUXIÈME ÉDITION
Voilà ce que j'écrivais il y a six mois. Un seul mot encore.
On m'a reproché qu'il n'était pas bien d'avoir transformé l'ami auquel j'ai dédié mon livre, en un véritable patient, à propos de fautes d'impression. On s'est beaucoup ingénié à désigner les originaux des personnages que j'ai mis en scène, et que vu à ma grande satisfaction que dans chaque ville, que j'y sois jamais allé ou non, on m'a su nommer six ou sept personnes qu'on affirmait très-formellement avoir posé pour tel ou tel de mes portraits. Je ne croyais vraiment pas que, dans ce bas monde, tant de nurks et de stastok exhibassent leurs aimables qualités, et suis étonné du zèle obligeant qu'on met à les montrer du doigt. Toutefois, je ne puis interdire ce plaisir au bon public, ni m'en formaliser; mais je prends la liberté de rappeler les paroles de l'anonyme dans son livre toujours inédit, et de déclarer en conscience que ma Chambre obscure est toujours placée sans intention malicieuse, et que je ne la tourne ni la retourne, et ne lui imprime jamais le moindre mouvement avec le dessein de la pointer d'une façon indiscrète. Que je n'aie encore pu l'installer au sommet du Godesberg, ni sur le dôme de Milan, j'en suis particulièrement fâché pour ceux qui aiment les choses grandioses et étrangères; mais il est évident pour moi que le plus grand nombre s'est montré satisfait de mes petits tableaux, de mes tableaux hollandais. Il faut savoir que, grâce aux vivants et aux morts, nous connaissons si bien les étrangers, que ç'a été une chose pleine de charmes que de remarquer dans nous-mêmes nos propres changements.
Je saisis cette occasion pour m'excuser auprès d'un vieil ami que je connais depuis neuf ans, de l'accusation relative au Mouchoir bigarré de la page 4. Il a déclaré qu'il n'en avait jamais possédé un, et je soulage ma conscience en signalant ici sa rectification. Les acclamations des mères hollandaises pour l'éloge de leurs enfants, du professeur Vrolyk, à propos d'Une Ménagerie (bien que ce dernier morceau ne paraisse pas le meilleur), et surtout votre approbation, sont des augures favorables qui ne peuvent être que flatteurs pour moi.
Me demandez-vous maintenant si j'ai le dessein de parler encore au public dans ce genre d'écrire? Je réponds qu'après avoir reçu autant d'encouragements que je pouvais espérer d'en recevoir, il y aurait étrangeté et aussi véritable ingratitude à abandonner ce genre; attendez-vous donc avec le temps à de nouvelles représentations de la Chambre obscure, et toi, mon ami, accepte pour la seconde fois la dédicace de ce volume.
ANNEXE À LA TROISIÈME ÉDITION POUR FAIRE SUITE AUX PIÈGES PRÉCÉDENTES.
Près de douze ans se sont écoulés, et les nouvelles représentations promises n'ont pas eu lieu. Il y avait bien déjà, à l'époque de la promesse, quelques esquisses de prêtes; mais le jeu de la Camera obscura, par lequel elles devaient s'accroître de façon à atteindre aux proportions d'un volume, a été interrompu. Le temps d'incipere ludum était là d'une manière pressante. Je pouvais désormais mieux employer mon instrument.
Certains de mes amis assuraient que je n'avais eu depuis que peu ou rien: d'autres pensaient que l'instrument m'avait encore rendu de bons services. Si ce dernier fait est réel, il m'est permis de répéter l'adage: Non lusisse pudet.
Cependant un puissant intérêt a engagé les éditeurs à publier une nouvelle édition du petit livre d'Hildebrand, et ils exprimèrent le désir (le mot reste naturellement sur leur compte), de l'enrichir de ce qu'ils savaient être enfermé depuis longtemps en portefeuille. L'auteur devait-il refuser? C'eût été vraiment le lusisse pudet.
Je ne sais si les pièces publiées à cette occasion valent plus ou moins que les autres. Mais cela m'étonnerait, parce qu'elles sont toutes des produits d'un même esprit et d'un même temps. Il y a beaucoup de choses dans le volume complet que je t'offre maintenant pour la troisième fois, que je sentirais, considérerais et exposerais autrement. Beaucoup de choses ont perdu le mérite de l'à-propos. Mais je le donne tel qu'il est et pour ce qu'il est. Il faut juger les écrits d'après leur date; c'est toujours une excellente maxime. Si en ce moment je trouvais l'occasion d'employer la même forme d'écrire, je croirais être obligé à donner quelque chose de plus intéressant et de plus spirituel, et surtout qui atteste une plus profonde connaissance des hommes et une contemplation plus féconde de la vie. Si j'y étais impuissant, je devrais dire que j'ai vécu une douzaine d'années inutilement.
Mon digne ami, depuis que je t'ai dédié pour la première et la deuxième fois la plus grande de partie ces morceaux insignifiants, il s'est fait passablement de vide en nous et hors de nous. La vie est maintenant pour nous une chose claire; nous pouvons bien dire qu'elle nous est connue, et nous sommes fixés de différentes manières sur ce qu'elle a de sérieux et sur nous-mêmes. Il s'est éveillé des inquiétudes en nous, et il s'est fait sombre là-haut. Des larmes ont coulé dont notre joyeuse jeunesse, malgré toute la vivacité de son imagination, n'avait pas d'idée. Heureux si nous avons appris à connaître des joies et aussi des consolations dont la force et le bonheur n'avaient pas rempli nos jeunes cœurs! Ce sont elles: et les mêmes que notre joyeuse jeunesse nous a données, elle les a à sa disposition et elle les donne à qui en a besoin. Remercions Celui qui nous a donné un cœur pour tout sentir, un cœur auquel rien d'humain n'est étranger, et qui ne reste pas non plus sans émotion en présence des choses divines. Aussi dans ce temps de jeunesse de notre esprit que ce volume nous rappelle, nous restons de temps en temps muet, mis en contact avec le grand, avec le sublime. Le temps est venu d'y donner tout à fait notre cœur et de voir sous leur vraie lumière toutes choses, et avant tout, nous-mêmes. Non, la question n'est plus de jouer, mais bien de redevenir enfants. Et celui-là seulement est un enfant, dans lequel la force, la sagesse et la joie qui sont propres à l'homme se retrouvent!
FIN.
TABLE DES MATIÈRES.
Épilogue et dédicace à un ami
Deuxième édition
Annexé à la troisième édition pour faire suite aux pièces précédentes.