La piraterie dans l'antiquité
[3] Appien, Bell. civ., V, 133-144.
Ainsi périt le dernier fils de Pompée. Dans sa jeunesse, Sextus avait obscurément exercé la piraterie et écumé la mer. Puis, s'étant fait reconnaître, beaucoup de partisans se joignirent à lui, et il porta ouvertement, après la mort de César, la guerre sur la Méditerranée. Il réorganisa la piraterie à son profit, il rassembla une grosse armée et une flotte très considérable, posséda de grandes richesses et domina sur les îles. Maître de la mer, il causa la famine en Italie et força ses adversaires à traiter avec lui. Son plus grand titre de gloire fut d'avoir accueilli les malheureux proscrits des guerres civiles, de les avoir sauvés et de leur avoir procuré la joie de revivre dans leur patrie; mais, soit par incapacité, soit, comme le dit Appien[1], parce que les dieux avaient condamné sa cause, il ne sut pas attaquer l'ennemi, ni profiter d'aucun avantage, se bornant seulement à défendre ce qu'il avait acquis.
[1] Bell. civ., V, 143.
Velleius Paterculus fait le portrait suivant de Sextus: «C'était un jeune homme sans éducation, grossier dans son langage, d'une valeur fougueuse, d'une humeur emportée, d'une intelligence vive et prompte, très différent de son père sous le rapport de la bonne foi, dominé par ses affranchis, esclave de ses esclaves, servorumque servus, envieux du mérite et se mettant à genoux devant la médiocrité. Lorsqu'il se fut rendu maître de la Sicile, il reçut dans son camp les esclaves et les fugitifs, et augmenta de la sorte le nombre de ses légions. Ménas et Ménécratès, affranchis de son père, qu'il avait mis à la tête de ses flottes, infestaient les mers de leurs pirateries, et Sextus appliquait le produit de leurs rapines à son entretien et à celui de son armée, ne rougissant pas de livrer aux brigandages et aux dévastations les mers que les armes du grand Pompée, son père, avaient purgées des pirates[1].»
Sextus n'avait pas été vaincu seul, la piraterie tomba avec lui. Jamais elle n'avait été organisée d'une manière plus redoutable; c'était à elle et à ses chefs expérimentés que Sextus avait dû tous ses succès. La guerre contre Sextus a été considérée par tous les auteurs que nous avons cités si fréquemment comme une guerre contre la piraterie. Pline l'Ancien le dit formellement[2]. C'est surtout à ce titre que de si grands honneurs furent décernés à Octave, après sa victoire, par Rome délivrée de la famine. Le sénat et le peuple, couronnés de fleurs, se portèrent au-devant de lui, et lui firent cortège au temple et jusqu'à sa demeure. On décréta l'ovation, des prières publiques, une statue d'or sur le Forum en costume de triomphateur, et portant sur son piédestal l'inscription ci-après: «Au restaurateur de la paix sur terre et sur mer après de longues dissensions[3].» Octave, de son côté, s'empressa d'accorder à Agrippa la couronne rostrale[4].
Octave acheva d'anéantir la piraterie dans ses guerres de trois années contre les Illyriens, les Japodes, les Liburnes, les Corcyréens, les Pannoniens, les Dalmates et autres peuplades des régions montagneuses des bords de l'Adriatique, semblables à la Cilicie et à l'Isaurie, qui avaient repris leurs courses sur mer et recommencé leurs brigandages comme au temps de la reine Teuta et de Démétrius de Pharos. A la prise de Métulum, courageusement défendue par les Japodes, Octave monta lui-même à l'assaut et reçut trois blessures. Tous ces peuples furent vaincus et soumis. Octave leur enleva tous leurs vaisseaux, afin de les mettre dans l'impossibilité de se livrer de nouveau à la piraterie[5].
[1] Velleius Paterculus, Hist. rom., 73.
[2] Hist. natur., XVI, 3.
[3] Appien, Bell. civ., V, 130.
[4] Pline, Hist. natur., XVI, 3.
[5] Appien, De rebus illyricis, XVI; Florus, Hist. rom. IV, 12.
La piraterie détruite ne joua aucun rôle dans la lutte entre Octave et Antoine qui se termina par la grande victoire navale d'Actium (2 septembre 31 av. J.-C.) qui donna à Octave-Auguste vainqueur l'empire romain.
Le premier soin d'Auguste fut d'assurer son autorité dans le monde romain. Pour maintenir la tranquillité dans les provinces maritimes de l'empire alors si admirablement disposé tout autour de la Méditerranée, pour protéger la navigation contre la piraterie, il fallait des forces navales importantes. Auguste entretint toujours deux flottes: l'une à Misène (Campanie), commandant à la Sicile, à l'Afrique et à l'Espagne; l'autre, forte de 250 vaisseaux, à Ravenne, d'où elle tenait en respect l'Illyrie, la Liburnie, la Dalmatie, l'Épire, la Grèce et l'Asie-Mineure[1]. Tous les vaisseaux de guerre, dit Végèce[2], se construisaient sur le modèle des liburnes, faites principalement avec le cyprès, le pin, le mélèze et le sapin, et dont les pièces étaient reliées avec des clous de cuivre non sujets à la rouille. Quant à la grandeur des bâtiments, les plus petites liburnes avaient un seul rang de rames, les moyennes en avaient deux et les autres trois, quatre et quelquefois cinq. Certains navires étaient peints d'un vert qui imitait la couleur de mer, les matelots et les soldats étaient aussi habillés avec des vêtements de cette couleur pour être moins vus de jour et de nuit lorsqu'ils allaient à la découverte. De plus, des navires stationnaient sur le Danube et dans l'Euxin; des escadres gardaient les côtes de la Gaule; des flottilles composées de petits bâtiments parcouraient les principaux fleuves. Celle du Rhône hivernait à Arles; celle de la Seine à Lutèce. Végèce dit que ces bâtiments croiseurs dont on se servait pour les gardes du Danube et des autres fleuves des frontières étaient d'une perfection inimitable.
[1] Suétone, Vie d'Auguste, 49.
[2] Institutions militaires, V, 1, 3, 4, 7 et 15.
La Méditerranée entière était enfin délivrée de la piraterie, le Romain pouvait alors la contempler avec orgueil et l'appeler mare nostrum. Les discordes civiles étaient étouffées, les guerres extérieures éteintes, le temple de Janus fermé, la force des lois, l'autorité des jugements rétablies, les bras rendus à l'agriculture, le respect à la religion, la sécurité aux citoyens, la confiance à toutes les propriétés. Aussi quel concert d'éloges dans les historiens et de louanges dans les poètes pour celui que quelques-uns appelaient un dieu et que l'empire romain tout entier vénérait comme le Père de la Patrie!
Mais ce qui fut peut-être le plus sensible aux Romains et aux peuples étrangers, ce fut de voir la mer purgée des brigands qui l'avaient écumée pendant des siècles, et de pouvoir en même temps naviguer, trafiquer et recevoir des vivres en abondance. Suétone rapporte, à ce sujet, une anecdote d'un haut intérêt. Un jour qu'Auguste naviguait près de la rade de Pouzzoles, les passagers et les matelots d'un navire d'Alexandrie, qui était à la rade, vinrent le saluer, vêtus de robes blanches et couronnés de fleurs. Ils brûlèrent même devant lui de l'encens, et le comblèrent de louanges et de vœux pour son bonheur, en s'écriant que c'était par lui qu'ils vivaient, à lui qu'ils devaient la liberté de la navigation et tous leurs biens, «per illum se vivere, per illum navigare, libertate atque fortunis per illum frui». Ces acclamations le rendirent si joyeux qu'il fit distribuer à tous ceux de sa suite quarante pièces d'or, en leur faisant promettre sous serment qu'ils n'emploieraient cet argent qu'en achats de marchandises d'Alexandrie[1].
Auguste corrigea aussi une foule d'abus aussi détestables que pernicieux qui étaient nés des habitudes et de la licence des guerres civiles et que la paix même n'avait pu détruire. Ainsi la plupart des voleurs de grands chemins portaient des armes publiquement, sous prétexte de pourvoir à leur défense, et les voyageurs de condition libre ou servile étaient enlevés sur les routes, et enfermés sans distinction dans les ateliers des possesseurs d'esclaves. Il s'était aussi formé, sous le titre de «communautés nouvelles», des associations de malfaiteurs qui commettaient toutes sortes de crimes. Auguste contint tous ces brigands, en plaçant des postes où il en était besoin; il visita les ateliers d'esclaves et dispersa les communautés dont l'organisation lui paraissait contraire à l'ordre public et aux bonnes mœurs[2].
[1] Suétone, Vie d'Auguste, XCVIII.
[2] Idem, XXXII.
Transformation inouïe, le farouche pirate cilicien devint l'heureux et paisible jardinier, Corycium senem, que chante Virgile; la ville de Tarse, en pleine Cilicie, fut, après la disparition de la piraterie, la grande ville savante de l'Orient, l'émule d'Alexandrie. Au siècle d'Auguste, ses écoles encyclopédiques, fréquentées par une studieuse jeunesse indigène, étaient tenues pour supérieures même à celles d'Alexandrie et d'Athènes; elles produisaient en abondance des maîtres habiles, surtout des philosophes, qui allaient porter leur science au dehors, à Rome, et jusque dans la famille des Césars[1]. Tarse fut la patrie du stoïcien Athénodore, précepteur de Tibère, et du grand apôtre saint Paul.
Citerai-je, après tant d'autres, les vers si connus des plus grands poètes de Rome, en l'honneur d'Auguste:
«Grâce à toi, dit Horace[2], le bœuf parcourt en paix les prairies; Cérès et la douce abondance fécondent nos champs; les navires volent sur la mer pacifiée.»
[1] Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et belles-lettres, séance du 7 juillet 1876.
[2] Odes, liv. IV, 5.
Pour Virgile[1], Auguste est un dieu:
«Viens-tu régner sur la mer immense, seul dieu qu'adorent les matelots et qui seras invoqué jusqu'aux rivages de la lointaine Thulé?»
Le peuple romain entier, jouissant de la paix, vivant dans l'abondance, s'écriait par la bouche du plus grand de ses poètes:
«C'est un dieu qui nous a fait ces loisirs: oui, il ne cessera jamais d'être un dieu pour moi.»
[1] Virgile, Géorgiques, I, 29-30.
[2] Id., Bucoliques, I, 6-7.
A l'âge de soixante-seize ans, le grand empereur, qui depuis un demi-siècle gouvernait le monde, rédigea son testament politique. De ce document d'une grandeur saisissante qui nous a été conservé dans les ruines d'un temple d'Ancyre, je détacherai ce qui a trait à l'histoire de la piraterie:
«J'ai rétabli la paix sur la mer, dit Auguste, en la délivrant des pirates qui l'infestaient, et à la suite de cette guerre, j'ai remis à leurs maîtres, pour qu'ils leur fissent subir le supplice mérité, environ trente mille esclaves qui s'étaient enfuis de chez ceux auxquels ils appartenaient et qui avaient porté les armes contre la République...
»Pour honorer ma conduite, on m'a, par un sénatus-consulte, appelé Auguste, et décrété que le chambranle des portes de ma demeure serait décoré de lauriers, et qu'au-dessus de l'entrée serait placée une couronne civique et que, dans la Curia Julia, serait mis un bouclier d'or dont l'inscription attesterait qu'il m'était donné par le Sénat et le peuple romain en souvenir de mon courage, de ma clémence, de ma justice et de ma piété...
»Pendant mon treizième consulat, le Sénat, l'ordre équestre et le peuple me donnèrent le titre de Père de la Patrie, et décidèrent que ce titre serait inscrit dans ma demeure, dans la Curie et le Forum Auguste, sous un quadrige érigé en mon honneur...[1]»
[1] Inscription d'Ancyre; Exploration archéologique de Galatie, par MM. Perrot, Guillaume et Delbet.—Res gestæ divi Augusti ex monumentis Ancyrano et Apolloniensi, par Mommsen;—Examen des historiens d'Auguste, par M. Egger.
CHAPITRE XXV
LA PIRATERIE SOUS L'EMPIRE.
Avec la forte organisation de l'Empire, la piraterie disparaît de la Méditerranée. On ne la retrouve plus avec sa constitution formidable, ses états, ses villes, ses domaines; ce n'est plus désormais un adversaire dangereux et capable d'affamer l'Italie. Si quelques brigandages s'exercent encore parfois sur mer, ce sont des actes isolés; les pirates ne sont plus des ennemis, hostes, mais des voleurs, latrunculi vel prædones, selon les termes du jurisconsulte Ulpien[1].
Tel est le caractère nouveau de la piraterie à partir de l'empire romain. Elle ne se présente plus comme une nécessité de l'existence des antiques populations des bords de la mer, ni comme le produit de la rivalité et de la jalousie commerciale entre peuples voisins, ni comme un des fléaux obligés de la guerre, ni enfin comme une rébellion suprême de tous les vaincus contre le vainqueur; la civilisation a sans cesse progressé, et, dans le repos de l'univers soumis, l'unité de domination produisit des effets salutaires. Rome, grâce à l'empire, avait résolu le plus difficile des problèmes, l'unité dans le genre humain.
«Quelle facilité, dit Bossuet, n'apportait pas à la navigation et au commerce cette merveilleuse union de tous les peuples du monde sous un même empire? La société romaine embrassait tout, et, à la réserve de quelques frontières, inquiétées quelquefois par les voisins, tout le reste de l'univers jouissait d'une paix profonde. Ni la Grèce, ni l'Asie-Mineure, ni la Syrie, ni l'Égypte, ni enfin la plupart des autres provinces n'ont jamais été sans guerre que sous l'Empire romain; et il est aisé d'entendre qu'un commerce si agréable des nations servait à maintenir dans tout le corps de l'Empire la concorde et l'obéissance[2].»
[1] Fragm. 24, Dig. lib. 49, 15.
[2] Discours sur l'histoire universelle, IIIe partie, chap. 6.
La bonne administration des provinces contribua plus que tout le reste à faire disparaître la piraterie. Pourquoi les peuples jadis soumis par les Romains n'auraient-ils pas été pillards, voleurs et pirates, quand l'exemple de tous les crimes leur était donné par les proconsuls républicains? Sous la République, en effet, l'oppression des provinces avait été générale. Il était passé dans l'usage qu'un gouvernement était un moyen de fonder ou de réparer sa fortune, et il le fallait bien, car le gouverneur partait ruiné pour sa résidence: il avait dépensé au moins deux millions pour acheter les suffrages des électeurs, et comme le gouverneur changeait chaque année, que l'on juge de l'état des malheureuses provinces! Elles ne pouvaient plus respirer! «Une indicible misère, dit Mommsen[1], s'étendait du Tigre à l'Euphrate sur toutes les nations.»—«Toutes les cités ont péri, lit-on dans un écrit publié dès l'an 70 av. J.-C.» En Asie-Mineure, les villes étaient dépeuplées, tant les bandits, les pirates et les gouverneurs avaient commis des ravages effrayants. Tous ces maux venaient de ce qu'il n'y avait pas à Rome un pouvoir assez fort pour commander à ses propres agents le respect des lois. Heureusement les choses changèrent, grâce au génie de César et d'Auguste.
[1] Histoire romaine, liv. IV, chap. 11.
Il ne peut entrer dans mon sujet d'exposer le système impérial en vigueur dans les provinces, sur lequel tant de beaux et savants écrits ont été publiés en France et à l'étranger, je dois nécessairement me borner à rechercher sobrement l'influence qu'il a eue au point de vue de la piraterie et de la sécurité publique et privée. Il a détruit l'une et fait naître l'autre. Aussi le gouvernement impérial fut-il bien accueilli dans les provinces. Tacite le proclame au début de ses œuvres immortelles: «Le nouvel ordre de choses plaisait aux provinces qui avaient en défiance le gouvernement du Sénat et du peuple à cause des querelles des grands et de l'avarice des magistrats, et qui attendaient peu de secours des lois, impuissantes contre la force, la brigue et l'argent[1].»
Les provinces étaient de deux sortes, celles de l'empereur et celles du Sénat et du peuple, mais l'empereur avait l'œil aussi bien dans les unes que dans les autres, et partout les gouverneurs veillaient au maintien de l'ordre, à la bonne gestion des affaires, prévenaient, en imposant leur arbitrage ou leur autorité, les guerres particulières, et, sous leur responsabilité, dispersaient les rassemblements séditieux et les bandes de malfaiteurs aussi bien sur mer que sur terre. Sans doute, et c'est le propre de la nature humaine que de n'être pas sans défaut, il y a eu de mauvais gouverneurs sous l'Empire, Tacite en cite plusieurs, mais tous furent accusés et condamnés[2]. Il y en eut de très honnêtes, Pline, Tacite, Thraséas, Othon, Pétrone, ces deux derniers, quoique débauchés, et Vitellius lui-même. L'empereur était très dur pour les magistrats malhonnêtes. Tibère fut un justicier implacable; il était bien aimé par les provinces, parce qu'«il veillait, dit Tacite[3], à ce que de nouvelles charges ne leur fussent pas imposées, et à ce que les anciennes ne fussent pas aggravées par l'avarice et la cruauté des fonctionnaires.» Les historiens rendent la même justice à presque tous les empereurs. Domitien, le plus sanguinaire d'entre eux, «s'appliqua, au dire de Suétone[4], à maintenir dans le devoir les chefs des provinces et les contraignit à être intègres et justes.»—«Adrien, dit le biographe de ce prince[5], visita tout l'Empire! et quand il rencontra des gouverneurs coupables, il les frappa des peines les plus sévères et même du dernier supplice.» On voit dans la correspondance de Pline le Jeune combien Trajan est admirable de sagesse et d'économie, répétant plusieurs fois qu'un gouverneur était le tuteur des villes, le gardien de leur fortune, et que son plus grand devoir était d'examiner sévèrement les comptes. «S'il m'arrive malheur, disait ce grand prince au jurisconsulte Priscus, je te recommande les provinces[6].»
On a pu dire avec raison que l'empire a été l'âge d'or des provinces. Les inscriptions si nombreuses recueillies par MM. Lebas, Waddington, Renier, Perrot, etc., prouvent l'explosion de reconnaissance que les provinces eurent envers un gouvernement qui les avait dotées de monuments d'utilité publique, de prétoires, de basiliques, de temples admirables, dont les ruines gisent au milieu de régions dévastées et stériles depuis des siècles, attestant hautement qu'il fut un temps où, sous un pouvoir fort et respecté, la paix, le commerce, le travail, la richesse, la civilisation, ont répandu à profusion, dans ces mêmes lieux, leurs bienfaits éclatants.
[1] Annales, I, 2.
[2] Ann., III, 66; XIII, 33; XIV, 18, etc... Suétone, Auguste, 67; Dion Cassius, LIV, 3, LVI, 25.
[3] Ann., IV, 6.
[4] Domitien, 8.
[5] Spartien, Adrien, 13.
[6] Pline, Epist., X, 28, 35, 47, 50, 52, 53, 63, 85.
Par l'effet de cette organisation admirable de l'empire, la piraterie disparut de la Méditerranée, le grand lac romain. Les flottes impériales, entretenues dans cette mer pendant 300 ans et sous 39 empereurs, n'ont point d'histoire. Elles assuraient la sécurité et étaient employées en même temps à la traite des blés, aux transports et en quelques rares occasions.
Caius Caligula faisait servir sa flotte à ses folies. Il ordonna de construire des vaisseaux liburniens à dix rangs de rames; les voiles étaient de différentes couleurs et la poupe garnie de pierreries. On y voyait une grande quantité de bains, de galeries, de salles à manger; une grande variété de vignes et d'arbres fruitiers. C'était sur ces navires somptueux qu'il côtoyait la Campanie, mollement couché en plein jour, et au milieu des danses et des symphonies. Il prétendit surpasser Xerxès en jetant un pont de Baïes aux digues de Pouzzoles, formé de tous les navires qui faisaient les transports des vivres et des marchandises. Rangés sur deux lignes, solidement liés ensemble, affermis par des ancres, recouverts ensuite de planches, de pierres et de terre, ils formèrent une large chaussée, dans le genre de la voie Appienne, et longue de près de 3,600 pas (5 kilomètres). Caligula s'y promena d'abord avec l'appareil d'un triomphateur. Il montait un cheval magnifiquement harnaché et portait une couronne de chêne, un bouclier, un glaive et une chlamyde dorée. Il parut ensuite en habit de cocher et conduisit un char attelé de deux chevaux qui avaient été vainqueurs aux courses. Puis, ayant invité le peuple à venir admirer cette merveille, il fit impitoyablement jeter dans la mer tous ceux qui s'étaient avancés sur le pont[1].
[1] Suétone, Vie de Caligula, 19;—Dion Cassius, LVIII;—Josèphe, XVIII.
Sous le gouvernement de Claude, la marine jouissait d'une certaine considération. L'Italie, alors presque entièrement occupée par les jardins et les palais des grands seigneurs, ne pouvait plus nourrir ses habitants. Le blé lui était apporté par mer, et, comme en hiver la navigation était difficile, il fallait vivre, dans cette saison, des approvisionnements amassés pendant l'été et qui souvent étaient insuffisants. Claude accorda de très grands privilèges aux constructeurs de navires, promit des récompenses aux armateurs, et se chargea des pertes que pourraient leur causer les tempêtes. L'entrée du Tibre était d'un abord défectueux; le port d'Ostie était presque comblé; les navires chargés de marchandises et de vivres jetaient l'ancre à une certaine distance du rivage, et ne pouvaient remonter le fleuve qu'après avoir fait passer sur des barques une partie de leur chargement: ils restaient ainsi exposés à toute l'agitation de la pleine mer.
Claude donna l'ordre de creuser un vaste bassin sur la rive droite du Fiumicino (bras du Tibre) et de l'entourer de quais; il fit aussi construire deux jetées, fort avant dans la mer, et, en face de l'endroit où elles se rapprochaient, laissant entre elles un passage commode, une large chaussée. Afin de mieux asseoir ce môle, sur lequel on éleva un phare semblable à celui d'Alexandrie, pour guider les navigateurs pendant la nuit, on commença par couler un énorme vaisseau qui avait servi à transporter l'obélisque d'Égypte à Rome, et on le couvrit d'une solide maçonnerie[1].
[1] Suétone, Vie de Claude;—Strabon, V;—Pline, XLV.
Tacite signale quelques exploits de brigands et de pirates en Orient sous le règne de Claude. Des tribus de la Cilicie, connues sous le nom de Clites, se révoltèrent, et, conduites par Trosobore, campèrent sur des montagnes escarpées. De là, elles descendaient sur les côtes et jusque dans les villes pour enlever les habitants, les laboureurs et surtout les marchands et les maîtres de navires. La ville d'Anémur fut assiégée par ces brigands, et des cavaliers envoyés de Syrie sous les ordres du préfet Curtius Severus pour la secourir, furent mis en déroute à cause de l'âpreté du terrain qui était favorable à des gens de pied, tandis que la cavalerie n'y pouvait combattre. Enfin, le roi de ce pays, Antiochus, en flattant la multitude, en trompant le chef, parvint à désunir les forces de l'ennemi, et, après avoir fait mourir Trosobore et les principaux de la bande, ramena le reste par la clémence[1].
Néron, qui employait les navires de l'État à transporter d'Alexandrie à Rome de la poussière à l'usage des athlètes, fit exécuter cependant des travaux utiles à la navigation: il embellit le port de Claude et unit le lac Averne au Tibre par un canal sur lequel deux galères pouvaient passer de front[2]. Pline dit aussi que Néron, voulant illustrer son règne par quelque découverte importante, envoya deux centurions, accompagnés d'une suite nombreuse, à la recherche des sources du Nil[3]. Ces explorateurs ne purent remonter le fleuve que jusqu'aux cataractes.
Depuis Néron jusqu'à Trajan, il ne se passa sur la Méditerranée rien de mémorable. Lorsque après la guerre de Syrie, Vespasien revint à Rome, on frappa une médaille au revers de laquelle il était représenté sous la figure de Neptune, ayant le pied droit sur un globe, tenant de la main droite l'extrémité d'une proue de galère et dans la gauche un trident. Cependant il ne s'était illustré par aucune expédition maritime importante; seulement, arrivé à Tarrichée au moment où Titus venait de vaincre le parti opposé aux Romains, il avait fait construire à la hâte quelques navires et avait détruit sur le lac de Génézareth, après un combat acharné, un grand nombre de petits bâtiments sur lesquels s'était réfugié le reste des Juifs. Trajan protégea la navigation et la liberté du commerce. Une très longue étendue des côtes d'Italie était sans port; il en fit construire un fort beau à Centumcellæ (Civita-Vecchia), où il avait une maison de campagne[4], et un autre à Ancône, pour ouvrir une entrée plus facile du côté de la mer Adriatique.
Adrien, successeur de Trajan, fit usage de la marine pour ses grands voyages. Il encouragea le commerce et confirma les lois rhodiennes: «Je suis maître du monde, disait-il, mais la loi nautique des Rhodiens est maîtresse de la mer[5].»
[1] Tacite, Annales, XII, 55.
[2] Suétone, Vie de Néron.
[3] Pline, VI, 35, 6.
[4] Pline le jeune, Lettres, 31.
[5] Fragm. 9, Dig. De lege rhodia de jactu.
La marine romaine ne reparaît dans l'histoire des pays méditerranéens qu'au siège de Byzance (193-195), que Septime Sévère prit d'assaut, pilla et rasa, après un blocus de trois années, pendant lequel 500 navires byzantins firent subir de grandes pertes à la flotte de Sévère.
Quant à la piraterie, il faut venir jusqu'à l'époque de Probus pour trouver une guerre entreprise en Asie-Mineure contre elle ou plutôt contre des brigands, car ils n'osaient pas tenir la mer. Elle fut dirigée par cet empereur en Isaurie, la piratarum officina des anciens. En l'année 279, Lydius, Isaurien accoutumé au brigandage, ayant réuni une troupe de malfaiteurs, courait et pillait la Pamphylie et la Lycie. Les Isauriens, comme aux temps de Servilius et de Pompée, habitaient des cavernes et des châteaux forts perchés sur des rochers d'où ils bravaient la puissance romaine. Ils sortaient de leurs repaires quand il y avait un coup de main à faire sur une caravane ou sur des villes sans défense, et rentraient chargés de butin. Des troupes romaines furent dirigées contre ces voleurs, qui se retirèrent dans Cremna, ville de Lycie, assise sur une hauteur et entourée d'un côté de vallées fort profondes[1]. Lydius fut assiégé dans cette place; il en abattit les maisons, sema du blé pour nourrir ses défenseurs et chassa toutes les bouches inutiles. Mais les Romains les repoussèrent, et Lydius les précipita impitoyablement dans les ravins et les fondrières. Il fit creuser un souterrain qui s'étendait depuis la ville jusqu'au delà du camp des assiégeants, et s'en servit pour introduire dans la place des bestiaux et des vivres. Une femme découvrit le passage aux Romains, qui l'interceptèrent. Lydius n'en perdit pas courage; il se défit de tous ceux qui ne lui étaient pas nécessaires pour la défense des murs, et résolut de s'ensevelir sous les ruines de la ville. Mais un archer habile, qui avait été cruellement traité un jour par le chef barbare, parvint à gagner le camp des Romains. Instruit des mouvements de Lydius qui venait observer les ennemis par une fenêtre du rempart, l'archer l'attendit avec patience et le tua d'un coup de flèche. Les brigands, privés de leur chef, ne soutinrent pas longtemps le siège et se rendirent aux Romains. La place ne fut point démolie et les vainqueurs y établirent une garnison. Les Isauriens qui habitaient les montagnes furent traqués et dispersés. Probus pénétra de gré ou de force dans la plupart des repaires des brigands, en disant qu'il était plus facile de les empêcher d'y entrer que de les en chasser. Il assigna aux vétérans des postes dans des endroits escarpés et imposa à leurs fils le service militaire dès l'âge de dix-huit ans, afin qu'ils ne fissent pas l'apprentissage du vol avant celui de la guerre[2].
[1] Le nom de Cremna vient du grec κρημνός, qui signifie précipice.
[2] Zozime, Hist. rom.;—Flavius Vopiscus, Probus, XVI, XVII.
Malgré toutes ces précautions, on ne parvint pas à déraciner le brigandage de ces montagnes.
Sous l'empereur Gallus, les Isauriens se révoltèrent à cause d'un outrage insigne infligé à leur nation. Des prisonniers isauriens avaient été livrés aux bêtes dans l'amphithéâtre d'Iconium en Psidie: «La faim, a dit Cicéron, ramène les animaux féroces où ils ont trouvé une fois pâture.» Des masses de ces barbares désertèrent donc leurs rocs inaccessibles et vinrent, comme l'ouragan, s'abattre sur les côtes. Cachés dans le fond des ravins ou de creux vallons, ils épiaient l'arrivée des bâtiments de commerce, attendant pour agir que la nuit fût venue. La lune, alors dans le croissant, ne leur prêtait qu'assez de lumière pour observer, sans que leur présence fût trahie. Dès qu'ils supposaient les marins endormis, ils se hissaient des pieds et des mains le long des cables d'ancrage, escaladaient sans bruit les embarcations et prenaient ainsi les équipages à l'improviste. Excités par l'appât du gain, leur férocité n'accordait de quartier à personne, et, le massacre terminé, faisait, sans choisir, main basse sur tout le butin. Ce brigandage, toutefois, n'eut pas un long succès. On finit par découvrir les cadavres de ceux qu'ils avaient tués et dépouillés, et dès lors nul ne voulut relâcher dans ces parages. Les navires évitaient la côte d'Isaurie comme jadis les sinistres rochers de Sciron, et rangeaient de concert le littoral opposé de l'île de Chypre. Cette défiance se prolongeant, les Isauriens quittèrent la plage qui ne leur offrait plus d'occasion de capture, pour se jeter sur le territoire de leurs voisins de Lycaonie. Là, interceptant les routes par de fortes barricades, ils rançonnaient pour vivre tout ce qui passait, habitants ou voyageurs.
Ammien Marcellin[1] donne des détails intéressants sur la guerre que l'armée romaine soutint contre les Isauriens dans ces pays escarpés. Pour la caractériser, en un mot, ce fut une expédition de Kabylie. Les soldats romains furent forcés, pour suivre leurs agiles adversaires, d'escalader des pentes abruptes, en glissant et en s'accrochant aux ronces et aux broussailles des rochers; puis ils voyaient tout à coup, après avoir gagné quelque pic élevé, le terrain leur manquer pour se développer et manœuvrer de pied ferme. Il fallait alors redescendre, au hasard d'être atteints par les quartiers de roche que l'ennemi, présent sur tous les points, faisait rouler sur leurs têtes. On eut recours à une tactique mieux entendue: c'était d'éviter d'en venir aux mains tant que l'ennemi offrirait le combat sur les hauteurs, mais de tomber dessus, comme sur un vil troupeau, dès qu'il se montrerait en rase campagne.
Après beaucoup d'efforts, les Isauriens furent dispersés par les troupes de Nébridius, comte d'Orient, lieutenant de Gallus.
[1] XIV, 2.
CHAPITRE XXVI
LA PIRATERIE ET LES INVASIONS DES BARBARES.
Une phase nouvelle s'ouvre pour l'histoire de la piraterie au troisième siècle de notre ère. Depuis longtemps déjà l'empire souffrait de sa propre grandeur, eo creverit ut jam magnitudine laboret suâ, pour me servir des expressions du grand historien Tite-Live[1]. Cependant, jusqu'à la fin des Antonins, des mains puissantes avaient maintenu l'autorité romaine, fait respecter les frontières, agrandi même les limites de l'empire. Mais, à partir de cette époque, le pouvoir suprême est mis à l'encan; l'anarchie et le despotisme militaires sont à leur comble; on compte jusqu'à trente empereurs à la fois que l'on appelle les trente tyrans. L'empire menacé, attaqué de tous côtés, est gouverné par des chefs asservis aux caprices d'une milice indisciplinée qui, suivant Montesquieu, les rendait impuissants pour faire le bien et ne leur laissait de liberté que pour commettre des crimes.
[1] Préface de l'Histoire romaine.
Au milieu du troisième siècle, l'empire tout entier est envahi. Les Germains et les Franks traversent la Gaule et l'Espagne, et se montrent sur les rivages de la Mauritanie, étonnés de cette nouvelle race d'hommes. Les Alamans, au nombre de 300,000, s'avancent en Italie jusque dans le voisinage de Rome. Les Goths, les Sarmates et les Quades trouvent Valérien en Illyrie, qui les contient, assisté de Claude, d'Aurélie et de Probus. La Scythie vomit ses peuples sur l'Asie-Mineure et sur la Grèce[1]. C'est là que le flot des Barbares est le plus grand. Les Goths, après avoir conquis l'Ukraine, s'établissent sur la côte septentrionale du Pont-Euxin; cette mer ne baignait-elle pas, en effet, au midi, les provinces opulentes et amollies de l'Asie-Mineure, «où l'on trouvait tout ce qui pouvait attirer un conquérant et qui n'avaient rien pour lui résister[2].»
[1] Châteaubriand, Études historiques.
[2] Tableau de l'Empire romain depuis les Antonins jusqu'à Constantin, extrait de l'histoire de Gibbon, par l'abbé Cruice.
Les Barbares apprirent la navigation des peuplades insoumises que Strabon appelle les Achæi, les Zygi et les Héniokhes, qui exerçaient la piraterie depuis un temps immémorial. Ces pirates montaient des embarcations fragiles, étroites et légères, faites pour vingt-cinq hommes, mais pouvant, dans des cas exceptionnels, en porter jusqu'à trente. Ces embarcations étaient appelées camares (camaræ). Quand la mer était agitée, et à mesure que la vague s'élevait, on ajoutait des planches jusqu'à ce que les deux bords, se rejoignant par en haut, les couvrissent comme un toit. Les camares roulaient ainsi à travers les flots; les deux extrémités se terminaient en proue, et comme la chiourme changeait de main à volonté, on pouvait prendre terre indistinctement et sans péril par l'un et l'autre bout. Les pirates formaient avec leurs camares de véritables escadres et tenaient perpétuellement la mer, soit pour faire main basse sur les vaisseaux de transport, soit pour attaquer quelque province ou quelque ville du littoral. Les populations du Bosphore favorisaient elles-mêmes leurs déprédations en leur prêtant non seulement des abris pour leurs embarcations, mais encore des comptoirs, des entrepôts pour leur butin. Au retour de leurs courses, les pirates n'ayant ni ports, ni mouillages, portaient leurs camares à dos d'hommes au fond des bois. Ils donnaient souvent, en pays étranger, la chasse aux habitants pour se procurer des esclaves, et faisaient payer d'énormes rançons aux malheureux captifs qui voulaient se racheter[1].
[1] Strabon, XI;—Tacite, Hist., III, 47.
A l'instar de ces peuplades indépendantes, les Goths et les Scythes s'empressèrent de construire des camares pour exercer la piraterie et dévaster toutes les villes qu'ils rencontreraient dans leur aventureuse et audacieuse navigation. Ils attaquèrent d'abord Pytiunte, la dernière limite des provinces romaines, ville pourvue d'un bon port et défendue par une forte muraille. Successianus les repoussa et fut nommé, en récompense, préfet du prétoire par Valérien. Les Barbares profitèrent du départ de ce général pour renouveler leur attaque contre Pytiunte et s'en emparer. De là, ils naviguent vers Trébizonde, la surprennent, font main basse sur des richesses inestimables, enchaînent les citoyens captifs aux rames de leurs vaisseaux, et retournent triomphants dans leurs bois.
D'autres Goths ou d'autres Scythes, jaloux des richesses que leurs voisins avaient amassées, équipent des navires pour commettre de semblables brigandages, et se servent pour ouvriers d'une quantité de prisonniers et d'autres gens que la misère avait réunis autour d'eux. Ils partent des bouches du Tanaïs et voguent le long du rivage occidental du Pont-Euxin, en même temps qu'une armée de terre marche de concert avec la flotte. Ils franchissent le Bosphore, abordent en Asie, prennent Chalcédoine, où ils trouvent de l'argent, des armes et des approvisionnements en abondance. Ils entrent ensuite dans Nicomédie, où les appelait le tyran Chrysogonas; de là, ils vont saccager les villes de Pruse, Apamée, Cios, et se dirigent vers Cyzique. Un heureux accident retarda la ruine de cette cité. La saison était pluvieuse, et les eaux du lac Apolloniate, réservoir de toutes les sources du mont Olympe, s'élevaient à une hauteur extraordinaire. La petite rivière de Rhyndacus, qui en sort, devint tout à coup un torrent large et rapide qui arrêta la marche des Barbares. Ils retournèrent alors sur leurs pas avec une longue suite de chariots chargés des dépouilles de la Bithynie, brûlèrent Nicomédie et Nicée avant de s'embarquer, et rentrèrent dans leur pays.
Dans une nouvelle incursion, la Grèce entière fut parcourue et pillée par les Barbares; Athènes, Argos, Corinthe, Sparte, Cyzique, les îles de l'Archipel, le grand temple de Diane à Éphèse, tout fut brûlé ou rasé (263).
Jusqu'alors le nombre des Barbares qui s'étaient embarqués pour ces expéditions ne s'était pas élevé à plus de 15,000; leur flotte, en effet, se composait de 500 bâtiments pouvant contenir chacun vingt-cinq à trente hommes. Mais, enhardis par le succès et par l'impunité, les Barbares-pirates construisirent une flotte de 2,000[1] ou même de 6,000[2] navires pour transporter une armée de 320,000 hommes. Ils s'embarquèrent à l'embouchure du fleuve Tyras (Dniester) et tentèrent, mais inutilement, de s'emparer de Tomi et de Marianopolis. Ayant repris la mer, ils entrèrent dans le Bosphore, où la rapidité du courant et l'impéritie de leurs pilotes leur firent perdre un nombre considérable de vaisseaux. Ils opérèrent des descentes sur différents points des côtes de l'Asie et de l'Europe; mais le pays ouvert avait été déjà dévasté, et lorsqu'ils se présentèrent devant les villes fortifiées, ils furent repoussés honteusement. Un esprit de découragement et de division s'éleva dans la flotte. Quelques chefs dirigèrent leur course vers les îles de Crète et de Chypre; mais les principaux, suivant une route directe, débarquèrent près du mont Athos et assaillirent l'importante ville de Thessalonique, capitale de la Macédoine.
[1] Trebellius Pollion, Claude.
[2] Zozime.
Un empereur vaillant, Claude II, se hâta d'accourir au secours des provinces. Il força les Barbares à lever le siège, les poursuivit et remporta sur eux une grande victoire près de Naïssus (Nissa en Servie). Il s'empara des vaisseaux ennemis qui revenaient chargés de butin et les brûla. «Nous avons détruit 320,000 Goths, écrivait Claude, et coulé à fond 2,000 navires. Les fleuves sont chargés de boucliers, tous les rivages couverts d'épées et de lances. Les champs sont cachés sous les ossements; aucun chemin n'est libre; l'immense bagage de l'ennemi a été abandonné. Nous avons pris tant de femmes, que l'on a pu en donner deux et même trois à nos soldats victorieux[1].» Claude reçut le surnom glorieux de Gothique (270).
[1] Trebellius Pollion, Claude;—Zonare, XII, 26.
L'invasion des Barbares fut contenue par les successeurs de Claude, Aurélien et Probus, capitaines expérimentés.
L'historien Zozime rapporte que Probus, voulant repeupler la Macédoine, la Thrace et le Pont, y transporta un grand nombre de prisonniers franks, burgondes et vandales qui formèrent des colonies. Il espérait se servir utilement de ces intrépides guerriers, après les avoir éloignés de leur patrie, en les disséminant dans les armées et dans les provinces. Mais les Franks trompèrent son attente. Exilés dans le Pont, ils se réunirent, s'emparèrent de quelques navires, traversèrent le Bosphore, entrèrent dans la mer Égée, ravagèrent les côtes, abordèrent ensuite en Sicile et pillèrent Syracuse. De là, ils se dirigèrent vers l'Afrique, mais une escadre romaine les atteignit en vue de Carthage et leur livra un combat dans lequel ils perdirent la moitié de leurs vaisseaux. Cet échec ne découragea pas ces hardis navigateurs; ils franchirent les colonnes d'Hercule, longèrent les côtes de l'Espagne, puis celles de la Gaule, faisant souvent des descentes pour enlever des vivres, arrivèrent heureusement à l'embouchure du Rhin et revirent enfin leur patrie.
Sous Dioclétien, la piraterie des Frisons et des Saxons fut combattue mais non détruite sur les côtes de la Bretagne; quant au bassin de la Méditerranée, il resta calme. L'empereur avait du reste fixé sa résidence à Nicomédie pour mieux surveiller l'Orient. Après l'abdication de Dioclétien (305), Galérius et Constance Chlore prirent le titre d'augustes, Maximien et Sévère furent nommés césars. Mais Constantin ayant presque aussitôt succédé à son père, les Romains, irrités de l'abandon où les laissaient les nouveaux empereurs, élevèrent au trône Maxence, qui se donna pour collègue Maximien, de sorte que l'empire eut six maîtres à la fois. La guerre civile éclata. En 313, il n'y eut plus que deux empereurs en présence, Licinius en Orient et Constantin en Occident. Ce dernier marcha contre son rival, le battit d'abord à Cybalis, puis à Mardie, et le força d'abandonner ses possessions d'Europe (314). Les hostilités recommencèrent en 323. Licinius, à la tête de 170,000 soldats aguerris, vint camper sous Andrinople et attendit Constantin. Il fut vaincu et se réfugia dans Byzance. Les flottes des deux empereurs en vinrent aux prises à l'entrée de l'Hellespont. Une horrible tempête qui assaillit l'excellente flotte de Licinius, composée de vaisseaux égyptiens, ioniens, phéniciens, cypriotes, cariens et africains, aida au triomphe de Constantin. Licinius s'enfuit de Byzance, gagna Chalcédoine, où il réunit ses meilleures troupes. Constantin débarqua les siennes au promontoire sacré et défit encore complètement son rival, près de Chrysopolis. Le vainqueur rentra dans Byzance après cette lutte acharnée. Il y établit le siège de l'empire, éleva sur son emplacement admirable la grande ville de Constantinople qui repoussa pendant plus de dix siècles les attaques des Barbares et devint le plus grand centre de commerce du monde. Les provinces d'Orient durent leur salut à la création de Constantinople. Le Bosphore et l'Hellespont étaient les deux entrées de la ville, et le prince qui était maître de ces passages importants pouvait toujours les fermer aux navires ennemis et les ouvrir à ceux du commerce. Aussi, les Barbares qui, dans le siècle précédent, avaient conduit leurs flottes jusqu'au centre de la Méditerranée, désespérant de forcer cette barrière infranchissable, renoncèrent à la piraterie et demandèrent à être incorporés dans les armées impériales.
Les empereurs grecs, héritiers du grand Constantin, veillèrent autant qu'il fut en leur pouvoir à ce que la nuée des Barbares qui entouraient l'empire restât dans l'ignorance de la science navale; ils frappèrent de mort ceux qui tentèrent d'enseigner à ces voisins redoutables la fabrication des vaisseaux[1].
La piraterie fut ainsi contenue pendant longtemps. Le christianisme enfin qui répandait de jour en jour, à partir de Constantin, ses bienfaits sur le monde, ne fut pas non plus sans influence parmi les nations qui l'accueillirent et qui ne tardèrent pas à renoncer à leurs anciennes habitudes de brigandage, à s'épurer, à s'adoucir et à se moraliser par l'effet des divines doctrines du Christ. C'est du christianisme, en un mot, que naquit le droit des gens.
[1] Cod. tit. de pœnis; Const. 25, Basiliques, liv. 9, tit. 47, de pœnis. «His qui conficiendi naves incognitam ante peritiam barbaris tradiderint capitale judicium decernimus.»
CHAPITRE XXVII
LA PIRATERIE ET LA LÉGISLATION MARITIME DANS L'ANTIQUITÉ.
Toute piraterie, suivant la remarque judicieuse de M. Pardessus[1], suppose l'existence d'un commerce maritime aux dépens duquel elle s'exerce. Le commerce avait donc besoin d'une protection. C'est pour la lui donner que des guerres furent entreprises contre les pirates par tous les États qui eurent successivement la prépondérance maritime ou l'empire de la mer dans la Méditerranée. Mais, à l'origine, il n'existait pas de navires armés en guerre, et, même à des époques postérieures, il arriva souvent qu'aucun peuple ne faisait la police sur les eaux. Rome, après avoir détruit Carthage, avait complètement négligé la marine et laissé la mer au pouvoir des flibustiers. Qui protégeait alors la navigation, et comment les navires marchands pouvaient-ils transporter en sécurité les produits de l'agriculture et du négoce? Le premier moyen de défense fut peut-être celui dont les Grecs surtout paraissent avoir retenu l'usage, puisque Cicéron emploie un mot grec pour le désigner: όμοπλοία[2]. C'est ce que nous appelons «voyage de conserve» quand plusieurs navires se réunissent pour naviguer ensemble et s'assurer en quelque sorte mutuellement contre les périls communs de la navigation, comme on se réunit en caravane pour se défendre contre les Bédouins, ces pirates du désert.
J'ai beaucoup insisté pour démontrer que, pendant une grande partie des temps anciens, la piraterie ne fut pas considérée comme criminelle et qu'elle fut, au contraire, un métier tout comme un autre. Les mêmes actes qualifiés plus tard de crimes et punis comme tels, grâce au progrès de la civilisation et de la morale, passaient pour licites quand les différentes nations se les permettaient vis-à-vis d'étrangers dont elles rapportaient les dépouilles comme un légitime butin de guerre. Combien n'ai-je pas cité de peuples qui ne vivaient que de rapines et de brigandages sur terre et sur mer? Ce ne fut, en réalité, que sous l'empire romain, que les pirates cessèrent d'être regardés comme de «justes ennemis», et qu'ils furent traités comme des «brigands et des voleurs». «Hostes sunt, dit Ulpien[3] qui vivait sous Alexandre Sévère, quibus bellum publice populus romanus decrevit, vel ipsi populo romano. Cæteri latrunculi vel prædones appellantur.»
[1] Collection des lois maritimes, t. I, p. 69.
[2] Epist. ad Atticum, XVI, 1.
[3] Fragm. 24, Dig. lib. 49, tit. 15.
Parmi les peuples de l'antiquité qui firent aux pirates les guerres les plus acharnées, les Rhodiens se distinguèrent entre tous par leurs lois nautiques. Le haut rang que les Rhodiens ont occupé parmi les nations commerciales est attesté par Tite-Live, par Polybe, par Strabon, par Florus, etc., qui vantent la sagesse de leur législation. Cicéron lui a rendu hommage dans son discours pour la loi Manilia: «Rhodiorum usque ad nostram memoriam disciplina navalis et gloria remansit.»
Le droit maritime des Rhodiens reproduisait, en les complétant, les dispositions des lois de Tyr. Il passa en partie dans la loi romaine. Une question vivement débattue et sur laquelle les opinions les plus contraires se sont produites, a été celle de savoir si le recueil ou compilation aujourd'hui connu sous le nom de lois rhodiennes, publié pour la première fois par Schard, en 1591, et inséré par Lœwenklau, en 1596, dans une collection d'ouvrages sur le droit gréco-romain, jus græco-latinum, sous la rubrique: Loi maritime des Rhodiens, Νόμος Ροδίων ναυτικος, doit être considéré comme contenant le texte des véritables lois de Rhodes. Jacques Godefroy, Mornac, Vinnius, Gianonne, Valin ont accepté et vanté ce recueil comme authentique[1]. François Baudoin, Antoine Augustin, Bynkershœck, Heineccius, Gravina croient, au contraire, y reconnaître les signes manifestes d'un récit trompeur et d'une composition fabriquée à plaisir par un juriste ignorant, ou peut-être par un pauvre grec affamé: «Jus illud rhodium quod nescio quis Græculus esuriens finxit,» dit Bynkershœck[2]. Cujas a exprimé, au sujet de ces lois rhodiennes, l'opinion que ce n'étaient pas les anciennes lois de cette île célèbre, mais des lois d'une date plus récente, recentiorum leges. M. de Pastoret, dans sa remarquable Dissertation, couronnée en 1784, par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, partage cet avis: «Il paraît assez prouvé, dit-il, que les lois des Rhodiens, telles qu'elles ont été faites, ne sont pas parvenues jusqu'à nous[3].»
[1] «Pretiosum fragmentum,» dit Mornac; «in qua legum navalium collectione,» dit Vinnius, «multa sané sunt egregia et scitu utilissima.» Pardessus, loc. cit., i, 26.
[2] Dissertatio ad legem rhodiam, de jactu.
[3] De l'influence des lois maritimes des Rhodiens sur la marine des Grecs et des Romains.
On peut contester à cette compilation les deux caractères d'antiquité et d'autorité législative, mais elle ne doit pas cependant être rejetée d'une manière absolue, comme un assemblage incohérent et sans valeur. M. Pardessus me semble être tout à fait dans le vrai, en disant que cette série de chapitres, sans appartenir à la législation positive, ni en faire partie, s'y rattachait comme un livre de pratique se rattache à la loi dont il offre les développements ou le supplément usuel[1]. Penser avec Meyer et Boucher que les Rhodiens n'ont point eu de lois maritimes écrites, mais seulement des coutumes successivement accrues et corrigées par les décisions des juges, c'est s'insurger contre des autorités parfaitement dignes de foi. Le Digeste emploie expressément le mot loi: De lege rhodia, lege rhodia cavetur, lege rhodia judicetur. Dans un fragment inséré au Digeste, le jurisconsulte Volucius Mæcianus rapporte un rescrit qu'il attribue à l'empereur Antonin: «Requête d'Eudémon de Nicomédie à l'empereur Antonin.—Ayant fait naufrage sur les côtes d'Italie, nous avons vu nos effets enlevés par les agents du fisc qui résident aux îles Cyclades.»—Antonin répondit: «Je suis maître du monde, mais la loi est maîtresse de la mer. Que la loi maritime des Rhodiens soit observée en tout ce qui n'est pas contraire aux nôtres, ainsi l'a décidé autrefois l'empereur Auguste[2].»
En présence de textes aussi importants, il n'est pas permis de supposer que les jurisconsultes et les législateurs romains n'ont désigné que des usages vagues et incertains ou de simples coutumes manquant de ce caractère d'authenticité et de précision qui n'appartiennent qu'aux actes du pouvoir législatif.
[1] Loc. cit.; c'est aussi l'opinion de M. Cauchy, Droit maritime international, ouvrage couronné par l'Académie des sciences morales et politiques.
[2] Frag. 9, Digeste, de lege rhodia, de jactu.
Les bonnes lois navales deviennent universelles, celles des Rhodiens, dans l'antiquité, ont été, selon l'expression de l'empereur Antonin, maîtresses de la mer. Les Us et coutumes des Barcelonnais, dans le XIe siècle, les Jugements d'Oléron, dans le XIIIe siècle, et les Ordonnances de Wisby, au XVe, ne furent que les institutions maritimes des Rhodiens, transmises d'âge en âge, plus ou moins modifiées suivant l'état de la navigation et les progrès des peuples.
Les lois rhodiennes contenaient certainement des règlements sur la police des gens de mer et sur la répression des vols et des baratteries. A mesure que le commerce se répandit et que les idées de justice, d'humanité et de droit se développèrent chez les nations, on songea à purger les mers de la piraterie dont le propre, comme on l'a remarqué souvent, est de croître en force et en audace si on la laisse s'exercer impunément. Aussi la répression de ce brigandage dut-elle marcher de pair avec les progrès de la civilisation et du droit. Les nations les plus renommées pour la justice de leurs lois nautiques furent celles qui s'employèrent avec le plus de zèle à extirper cette plaie de la navigation. Les lois de Rhodes firent la force et la prospérité de cette île. C'est certainement dans ces lois qu'a été puisé le principe inscrit au Digeste que le pirate était un brigand et qu'il ne pouvait acquérir par la prescription la propriété de l'objet par lui volé[1].
Il existait une singulière disposition dans la loi grecque: lorsqu'un citoyen d'une ville grecque éprouvait un déni de justice dans une autre ville, il pouvait être autorisé par son gouvernement à exercer des représailles, c'est-à-dire à saisir la propriété d'un des concitoyens de son débiteur. Ces représailles s'exerçaient généralement sur mer. Qu'on juge combien d'actes de piraterie devaient se cacher sous le couvert de ce droit[2]! La loi romaine ne nous a transmis aucune trace d'une semblable disposition. Cette loi plaçait les vols commis par les pirates au nombre des cas de force majeure qui fournissaient à un armateur une légitime exception contre la demande des choses qui lui avaient été confiées, et, parmi les sacrifices faits pour le salut commun, les sommes ou valeurs données pour racheter le navire que les corsaires avaient pris[3]. Enfin, en cas de reprises sur les pirates, on suivait, relativement au droit de revendication par le propriétaire dépouillé, des principes semblables à ceux qui régissent les sociétés modernes[4].
[1] Lib. XLIX, tit. 15.
[2] Démosthène, Plaidoyers civils; Androclès contre Lacrite.
[3] Dig., lib. IV, tit. IX, Nautæ; lib. XIV, tit. II, De lege rhodia de jactu.
[4] Inst., lib. 2, t. 6, § 2 et suiv., L. unic., C. de usucap. transform.
Il existait de nombreuses actions dues à la sollicitude du législateur et du magistrat, et établies dans l'intérêt de la navigation et du commerce. Les vols commis, soit à bord, soit dans le chargement et le déchargement des navires, étaient sévèrement punis[1].
Non seulement les pirates, mais les peuples qui habitaient les rivages de la mer, ne se faisaient pas faute de s'emparer des effets des malheureux naufragés. C'est plutôt une supplication que la revendication d'un droit qui sort de la bouche d'un personnage de la tragédie grecque:
Le préteur traduisit en loi positive ce cri de l'humanité: «Si quelqu'un, dit-il, enlève à mauvaise intention un objet quelconque d'un navire en détresse ou naufragé, ou cause en cas pareil quelque dommage, je le condamnerai à rendre le quadruple, si la poursuite a lieu dans l'année, et à la simple restitution, si la poursuite n'a lieu que plus tard[2].»
[1] Fragm. 88, tit. 2. lib. 47, Dig., De furtis.
[2] Fragm. 1, tit 9, lib. 47, Dig., De incendio, ruina.
Indépendamment de cette action, la loi criminelle prononçait des peines corporelles les plus sévères, le fouet ou les verges, l'exil, les travaux forcés dans les mines, contre ceux qui, au lieu de porter secours aux naufragés, les auraient pillés dans leur détresse[1]. Elle voulait qu'on traitât comme assassins ceux qui auraient empêché le sauvetage des passagers, dans le but détestable de s'approprier leurs dépouilles[2].
L'antique maxime res sacra miser fut enfin appliquée aux naufragés.
Les empereurs veillèrent avec soin sur les actes des agents du fisc qui, dans certaines localités, faisaient main basse sur les effets des naufragés. J'ai cité, à cet égard, la requête d'Eudémon de Nicomédie à l'empereur Antonin. Constantin fit aussi une déclaration généreuse dont voici les termes: «Que mon fisc n'intervienne pas pour empêcher les objets naufragés de retourner à leurs maîtres légitimes. Quel droit aurait-il donc de tirer profit d'une circonstance calamiteuse[3]?»
Dans l'intérêt de la navigation, le législateur obligea les maîtres de navires à prendre dans des passes difficiles des pilotes spéciaux ayant acquis par la pratique une connaissance exacte et sûre des lieux. Sa sollicitude s'étendit à la police des gens de mer, et veilla à ce qu'une discipline rigoureuse fût observée à bord des navires de commerce comme à bord des vaisseaux de l'État. Il plaça sous la protection de la loi, les familles des marins ou naviculaires victimes de leur dévoûment. Enfin, la création des douanes organisées à Athènes comme à Rome, eut lieu dans un double but: celui de percevoir des droits imposés au profit du trésor public, et celui d'assurer l'exécution des lois qui, dans un intérêt général, prohibaient, soit l'importation, soit l'exportation de certaines denrées ou marchandises. Les règlements sur les douanes étaient observés avec une grande rigueur. Nous lisons, en effet, une sentence du jurisconsulte Paul, contemporain d'Alexandre Sévère, ainsi conçue: «Si le propriétaire d'un navire a chargé ou fait charger à bord quelque objet de contrebande, le navire sera confisqué; si le chargement a eu lieu en l'absence du propriétaire, par le fait du patron ou d'un matelot, ceux-ci seront punis de mort et les marchandises confisquées, mais le navire sera rendu à son propriétaire[4].»
[1] Édit. d'Antonin.
[2] Ulpien, Fragm. 3, § 8, Dig., De incendio, ruina, naufragio.
[3] Fiscus meus sese non interponat, quod enim jus habet fiscus in aliena captivitate ut de re tam luctuosa compendium sectetur.
[4] Fragm. 11, § 2, Dig., lib. 39, tit. 4.
A côté de si sages réformes et de si grandes mesures de protection survivaient cependant des actes traités de criminels quand ils étaient commis par des aventuriers sans patrie et sans loi, et considérés comme licites quand des nationaux se les permettaient vis-à-vis d'étrangers dont ils rapportaient les dépouilles dans leur patrie, comme un légitime butin. Ainsi le droit de prise s'exerçait non seulement pendant la guerre, mais même pendant la paix, à l'égard des peuples qui n'avaient avec Rome ni pacte d'alliance, ni lien d'hospitalité ou d'amitié. C'est ce que dit Pomponius: «Si cum gente aliqua neque amicitiam, neque hospitium, neque fœdus amicitiæ causa factum habemus, hi hostes quidem non sunt, quod autem ex nostro ad eos pervenit illorum fit, et liber homo noster ab eis captus servus fit et eorum: idemque est si ab illis aliquid ad nos perverniat[1].» Ces lois inhumaines qui sanctionnaient dans une trop large mesure la piraterie elle-même, ont fait dire à Grotius que dans ces temps la corruption des mœurs avait éteint chez les hommes «le sentiment de l'humanité qui les rend sociables par nature[2]». Cependant, hâtons-nous d'ajouter que le grand jurisconsulte Ulpien posa en principe, à propos du droit de prise, que la translation de propriété n'avait pas lieu au profit du capteur, s'il n'était qu'un pirate et non un légitime ennemi; c'est pourquoi, disait-il, le citoyen enlevé par les brigands n'a pas besoin d'être déclaré libre à sa rentrée, car il n'a jamais cessé de l'être aux yeux de la loi[3].
C'était un immense progrès; à l'époque grecque il était loin d'en être ainsi. Une loi athénienne organisait la course pour enlever les hommes libres à l'ennemi[4]. C'était aussi une loi dans l'antiquité que l'homme libre devenait esclave de celui qui l'avait racheté jusqu'à ce qu'il eut remboursé sa rançon. Nous voyons dans le plaidoyer d'Apollodore contre Nicostrate, attribué à Démosthène, que Nicostrate s'étant mis en mer à la poursuite de trois esclaves fugitifs, tomba entre les mains des pirates, fut vendu à Égine, y subit un sort affreux et fût resté en servitude s'il n'avait trouvé le moyen de rembourser les 26 mines (23.831 fr. 60) que son acquéreur avait payées aux pirates. Une inscription d'Amorgos[5], de la fin du troisième siècle av. J.-C., rapporte un fait commun dans la vie des peuples anciens: «Des pirates ayant envahi le pays pendant la nuit et pris des jeunes filles, des femmes et d'autres, au nombre de plus de trente, Hégésippe et Antipappos qui eux-mêmes se trouvaient parmi les prisonniers, décidèrent le chef des pirates à rendre les hommes libres; quelques-uns des affranchis et des esclaves s'offrirent eux-mêmes en garantie et montrèrent un zèle extrême pour empêcher qu'aucun des citoyens ou citoyennes ne fût distribué comme partie du butin, ou vendu, et ne souffrit rien qui fût indigne de sa condition.» En récompense de cette action honorable, on leur vota une couronne; l'inscription est le décret même du peuple en leur faveur.
[1] Fragm. 5, § 2, Dig. lib. 49, tit. 15.
[2] «Sensum naturalis sociatatis quæ est inter homines, mores exsurdaverant.» Lib. 3, c. 9 § 18.
[3] Fragm., 19, § 2; 24, Dig., lib. 49, tit. 15.
[4] Petit, Lois attiques, VII, 17.
[5] Bœckh, Corp. inscript., suppl. nº 2263.
CHAPITRE XXVIII
LA PIRATERIE ET LA TRAITE DES ESCLAVES.
La traite des esclaves fut un des objets principaux de la piraterie. Le trafic des esclaves dans l'antiquité païenne était un besoin non seulement de la barbarie, mais de la civilisation elle-même, et devenait par conséquent l'une des excitations les plus puissantes à l'exercice de la piraterie publique ou privée.
Les prisonniers de guerre forment le fond de l'esclavage, et c'est par la guerre que le nombre des esclaves s'est élevé à un chiffre énorme dans l'antiquité. Les bas-reliefs égyptiens et assyriens représentent de longs défilés de captifs personnifiant les populations conquises et ayant des traits différents les uns des autres qui ont servi à déterminer les types de plusieurs peuples modernes. L'histoire nous apprend qu'après certaines conquêtes, c'était par milliers, par millions même, que le vainqueur comptait ses esclaves.
Le commerce des esclaves se faisait à la suite des armées, dans les camps et dans les pays étrangers. Il remonte à l'époque la plus ancienne de l'histoire: On voit des reproductions évidentes de cet usage sur les monuments d'Égypte. Aux différents âges où la piraterie domina sur la Méditerranée, les places publiques de l'Asie, de l'Afrique, de la Grèce et de l'Italie, regorgèrent de cette marchandise humaine. Les Grecs qui tombaient entre les mains des pirates étaient vendus au loin et perdaient leur liberté jusqu'au jour où ils pouvaient se racheter par une forte rançon. Platon et Diogène éprouvèrent ce malheur; les amis du premier donnèrent mille drachmes pour le racheter; le second resta dans les fers et apprit aux fils de son maître à être vertueux et libres[1]. Il en fut de même à l'époque romaine, et j'ai dit que de grands personnages de Rome étaient tombés au pouvoir des pirates qui les employaient aux plus rudes travaux. Sous la république, on vit les chevaliers qui prenaient à fermage l'impôt des provinces y pratiquer l'usure, vendre comme esclaves les débiteurs insolvables et exercer la piraterie pour se procurer de la marchandise humaine. Souvent ces chevaliers, et même les gouverneurs républicains, ne respectaient pas la personne du citoyen romain.
[1] Diog. Lært., in Plat., lib. 3, 20; 6, 29.
En Grèce et en Italie, le nombre des esclaves dépassait de beaucoup celui des citoyens. La traite des esclaves était pratiquée sur une grande échelle par les pirates. Tout le monde voulait des esclaves; le plus pauvre citoyen en avait plusieurs; Horace qui n'était pas riche en possédait trois. L'esclave lui-même n'aspirait à la liberté que pour en posséder à son tour: «Quand je serai libre, dit Gripus[1], j'achèterai une terre, une maison à la ville, des esclaves, j'équiperai de grands navires pour le négoce.»
Chaque riche avait plus de mille esclaves. Le prix des esclaves était très élevé, surtout quand c'étaient des esclaves artistes ou littérateurs; ces derniers se vendaient couramment 25,000 francs, quelquefois plus. Que l'on juge par là de l'ardeur que les pirates devaient mettre à se procurer cette précieuse marchandise. Les riches favorisaient même la piraterie et encourageaient la concurrence afin d'avoir les esclaves à des prix moins élevés. Au dire de Plutarque[2], des chevaliers, les plus grands noms de Rome, équipaient des vaisseaux corsaires et se joignaient aux pirates. Ce fut grâce à l'appui qu'elle trouva ainsi dans Rome que la piraterie put se développer au point de devenir une puissance formidable. Ainsi que le fait très bien remarquer M. Wallon, dans son bel ouvrage, l'Histoire de l'esclavage, le besoin d'esclaves stimulait la piraterie qui, transformée en traite des blancs, était devenue la profession commerciale la plus lucrative et la plus répandue dans l'antiquité.
[1] Plaute, Rudens, v. 917-918.
[2] Vie de Pompée.
C'étaient surtout les petits royaumes asiatiques que visitait le pirate marchand d'esclaves, appelé par les Grecs άνδραποδοκάπηλος (andrapodocapèle), et par les Romains leno, ou encore mango. Il y avait une raison à cela: l'esclave syrien était estimé pour sa force; l'asiatique, l'ionien surtout, l'était pour sa beauté; l'alexandrin était le type accompli du chanteur et de l'esclave dépravé. Les auteurs comiques et satiriques abondent en précieux renseignements sur les diverses qualités des esclaves. Les courtisanes qui jouent un si grand rôle dans la vie antique, étaient l'objet d'un commerce étendu, et les pirates en étaient les grands pourvoyeurs. Les femmes libres elles-mêmes étaient enlevées; j'ai cité de nombreux exemples de ces enlèvements rapportés par les historiens, et que de fois la scène a représenté les aventures de ces malheureuses, ravies à leurs parents, ce qui fait supposer que ces sortes de rapts étaient très communes. A Athènes, on désignait sous le nom d' άνδραποδισταί (andrapodistai), la classe des malfaiteurs qui s'emparaient des personnes libres et les vendaient comme esclaves. Ces ventes étaient si répandues qu'une loi, attribuée à Lycurgue, avait établi que nul ne pourrait traiter avec un marchand d'esclaves sans se faire représenter un certificat constatant que la personne vendue avait déjà servi chez un autre maître nominativement désigné[1].
[1] Dictionnaire des antiquités grecques et romaines: Andrapodismou graphé.
Les marchés d'esclaves les plus célèbres à l'époque grecque étaient à Corinthe, à Égine, à Cypre, en Crète, à Éphèse, et surtout à Chio. A l'époque romaine, la grande échelle de Délos était devenue le grand centre commercial de la traite. C'était là que les corsaires crétois et ciliciens vendaient et livraient leur marchandise aux spéculateurs d'Italie. Entre le lever et le coucher du soleil on vit une fois débarquer et mettre aux enchères dix mille malheureux. Les lenones et les mangones exposaient ordinairement tout nus les esclaves à vendre, portant sur leur tête une couronne et au cou un écriteau sur lequel leurs bonnes et leurs mauvaises qualités étaient détaillées. Si le leno avait fait une fausse déclaration, il était obligé de dédommager l'acheteur de la perte que celui-ci pouvait faire, et même, dans certains cas, de reprendre l'esclave. Ceux que le marchand ne voulait pas garantir étaient mis en vente avec une sorte de bonnet (pileus) sur la tête, afin que l'acheteur fût bien averti. Les esclaves venus des pays situés au delà des mers portaient à leurs pieds des marques tracées avec de la craie, et leurs oreilles étaient percées. C'était à Pouzzoles que les pirates débarquaient de préférence leur marchandise, en étalant un luxe insolent. Un de ces pirates marchands d'esclaves est appelé par Horace «roi de Cappadoce!» Il n'y avait sorte de ruses qui ne fussent employées par ces traitants pour dissimuler les défauts de leurs esclaves ou pour exagérer leurs perfections; ils savaient donner aux membres plus de poli, de rondeur et d'éclat.
Les pirates avaient un marché national en Cilicie, à Sidé. Là se trouvait le grand entrepôt des prises faites sur les villes maritimes du continent, et ces prises consistaient principalement en créatures humaines. Sidé fut pendant de longues années le principal marché aux esclaves du monde romain. On y avait établi des bazars où les prisonniers étaient vendus aux enchères. Après la destruction de la piraterie, Sidé n'en continua pas moins le même commerce[1], elle devint le port le plus considérable de la région, et ses habitants, en grande partie des aventuriers prêts à tout entreprendre, acquirent d'immenses richesses. Au Xe siècle, elle conservait encore sa mauvaise réputation. Constantin Porphyrogénète la nommait l'officine des pirates, piratarum officina.
[1] Strabon, XIV.
CHAPITRE XXIX
LA PIRATERIE ET LA LITTÉRATURE.—LE THÉATRE ET LES ÉCOLES DE
DÉCLAMATION.
Les historiens grecs et romains auxquels j'ai fait de si nombreux emprunts pour le développement de la partie historique de la piraterie ne sont pas les seuls à consulter sur cette matière, il faut aussi interroger les œuvres purement littéraires, si l'on veut avoir une idée complète de la piraterie dans l'antiquité. Le théâtre, la comédie surtout, reflet des mœurs, abonde en aperçus précieux et en documents curieux sur la piraterie. C'est dans les œuvres des grands auteurs comiques que je trouverai, jetés çà et là, une foule de traits caractéristiques et une multitude de renseignements concernant la vie et les mœurs des pirates, marchands d'esclaves. Combien la moisson serait plus abondante si la comédie grecque n'avait pas disparu! A défaut des œuvres des poètes comiques de la Grèce reste le théâtre de Plaute et de Térence, imitateurs d'Épicharme, de Ménandre, de Philémon, de Diphile, d'Alexis, et les scènes qu'il contient sur la piraterie tiennent à la fois de la Grèce et de Rome, comme du reste les personnages et les mœurs.
En dehors de l'histoire, le théâtre suffirait pour nous apprendre que la piraterie était en pleine vigueur dans le monde ancien. En effet, il n'est presque pas de pièce où l'intrigue ne roule sur des enlèvements de jeunes filles et de jeunes gens. Je n'ai qu'à citer par exemple le sujet de la pièce du Pœnulus, le petit Carthaginois, imitée de Ménandre, pour le prouver. Dans le prologue, Plaute expose qu'il y avait à Carthage deux pères auxquels on enleva à l'un son fils âgé de sept ans, et à l'autre ses deux filles en bas âge avec leur nourrice. Le garçon fut transporté à Calydon et vendu à un vieillard qui l'adopta et le fit son héritier; quant aux deux jeunes filles, elles furent achetées, argent comptant, avec leur nourrice, par un marchand d'esclaves, le plus exécrable des hommes, si toutefois un leno est un homme,
Dans la fameuse pièce des Ménechmes, le chef-d'œuvre de Plaute, un des chefs-d'œuvre aussi de notre poète comique Regnard, il s'agit encore d'enlèvement. Dans le Câble (rudens), imité de Diphile, Palæstra, fille de Démonès de Cyrène, est tombée toute jeune entre les mains d'un pirate qui l'a vendue au trafiquant Labrax. Il en est de même dans le Curculio (le Charançon), dans le Persan et autres comédies de Plaute où des personnes, enlevées et considérées comme esclaves, recouvrent plus tard leur qualité de citoyennes libres, après mille intrigues imaginées par le poète.
Plaute, qui vivait à une époque où la piraterie était maîtresse de la Méditerranée, composa même une comédie intitulée les Pirates ou l'Aveugle, Prædones vel cœcus. La perte de cette œuvre nous est particulièrement sensible; que de détails intéressants elle nous eut donnés sur la piraterie! Il n'en reste que quelques vers; l'un d'eux résume en lui seul l'histoire de la piraterie:
«Voilà comme sont les pirates, ils n'épargnent personne!» D'ingénieux interprètes, M. Naudet, entre autres, ont donné par conjecture l'analyse de cette pièce qu'ils ont refaite à la manière de Cuvier. D'après eux, la comédie des Pirates était sans doute une pièce de circonstance, du moins en partie. Plaute excitait ou flattait la haine des Romains contre Carthage. On mettait en scène des pirates africains. Les spectateurs romains admiraient les richesses d'une demeure ou d'une ville près de laquelle les flibustiers avaient débarqué. On s'apprêtait au combat; peut-être l'invasion arrivait-elle au milieu d'une fête. Les brigands triomphaient. Ils se vantaient de leurs violences,
«Je suis perdu, s'écrie un des personnages, en entendant parler un de ces pirates, c'est un Africain!»
Ils menaçaient les vaincus de la torture pour les contraindre à dire où leurs richesses étaient cachées:
Dans toutes les comédies de Plaute et de Térence, imitées ou non des poètes comiques grecs, on retrouve toujours un personnage indispensable, le marchand d'esclaves, le leno. Ces poètes sont très durs pour ces misérables voleurs et vendeurs d'esclaves; ils en parlaient du reste en connaissance de cause, Plaute était esclave, et Térence avait été enlevé par des pirates. Il n'est pas étonnant dès lors de trouver dans leurs œuvres une science profonde des ruses et des spéculations du leno, des misères et des mœurs de l'esclave. Dans Plaute surtout, le caractère des esclaves, leurs fourberies, et aussi leurs souffrances, sont reproduites avec une vérité et une énergie admirables. A l'époque où les poètes comiques grecs et latins mettaient sur la scène des marchands d'esclaves, c'était, je l'ai déjà dit, au moment de la plus grande puissance des pirates; aussi, le leno est-il, à proprement parler, un pirate, et non pas exclusivement un marchand. En effet, ce sont généralement des étrangers que le leno amène sur le marché, et la plupart de ces étrangers des deux sexes ont été ravis à leurs parents et à leur patrie. Le leno est un misérable, un être sans honneur, les poètes ne lui ménagent pas les injures. Dans la comédie du Persan, de Plaute, Toxile apostrophe le leno Dordalus en ces termes: «Ah! te voici ... être impur, infâme, sans foi ni loi, fléau du peuple, vautour de l'argent d'autrui, insatiable, méchant, insolent, voleur, ravisseur effronté! Trois cents vers ne suffiraient pas pour exprimer tes infamies[1]!»
Dans un grand nombre de vers le leno est ainsi injurié.
Dans les Adelphes de Térence, Sannion paie d'impudence:
«Marchand d'esclaves, c'est vrai, je l'avoue; je suis la ruine des jeunes gens, un voleur, un fléau public[2]», et le poète nous fait voir ce leno se dirigeant avec une riche cargaison de femmes et d'opulentes marchandises vers l'île de Cypre, consacrée à Vénus, et centre d'un grand commerce de courtisanes.
[1] Acte III, sc. III, v. 403-408.
[2] Acte II, sc. I, v. 189-190.
C'est ainsi que l'on trouve dans le théâtre antique mille traits ayant rapport à la piraterie et au danger de la navigation.
Un voyage était le grand souci de l'époque, j'ai dit que pour se mettre en mer on préférait la saison d'hiver et les temps orageux, on aimait mieux exposer sa vie que sa liberté. Un des personnages de Plaute ne peut s'empêcher de dire comiquement, et le trait est bien vrai, du moins en ce qui concerne le vaisseau: «Celui qui veut se préparer beaucoup d'embarras n'a qu'à se donner deux choses, un vaisseau et une femme!»
[1] Pœnulus, acte I, sc. II, v. 210-211.
Non seulement la piraterie fournissait des sujets de comédies au théâtre, elle avait encore du retentissement dans les écoles de déclamation. L'histoire de la déclamation romaine est très intéressante, j'en dirai quelques mots avant d'indiquer les sujets que l'enseignement de cet art a empruntés à la piraterie.
Les Romains entendaient par le mot declamatio un exercice d'éloquence. L'enseignement de la déclamation apporté par des rhéteurs grecs à Rome ne s'y établit d'une manière définitive qu'après la mort du vieux Caton. On se rappelle, en effet, ce qui arriva au sujet de la mission de Diogène, de Critolaüs et de Carnéades, les trois délégués d'Athènes pour la négociation diplomatique de l'occupation d'Oropos. Ces habiles rhéteurs, en attendant la décision du Sénat, réunissaient autour d'eux l'élite de la jeunesse romaine et la charmaient par leur science philosophique, par leur éloquence, et par les grâces de leur esprit. Les pères excitaient leurs enfants à s'appliquer aux lettres grecques et à rechercher la société de ces hommes admirables. Seul, le sévère censeur fut effrayé des séductions exercées par les envoyés d'Athènes sur ses concitoyens. Craignant que la jeunesse ne préférât la gloire de bien à dire à celle de bien faire et de se distinguer dans la carrière des armes, il demanda énergiquement au Sénat l'expulsion de ces rhéteurs, otiosi, inepti, loquaces, qui démontraient le matin l'utilité, le soir l'inutilité de la vertu, et savaient si bien, disait-il, faire du juste l'injuste et de l'injuste le juste. Mais Caton mort (149 av. J.-C.), les rhéteurs affluèrent, ouvrirent des écoles qui obtinrent la plus grande faveur de la part du public, et l'héllénisme se répandit désormais victorieusement sur l'Italie.
[1] Horace, Épit. II, 1.
L'empire opéra un grand changement à Rome: la vie publique n'exista plus, les citoyens cessèrent de s'occuper des affaires de l'État. On fut désoccupé, suivant l'expression de madame de Sévigné. On se jeta dans l'étude des belles-lettres, ce qui faisait gémir Horace: «Ignorants ou habiles nous écrivons tous», disait-il, et Sénèque s'écriait: «Nous souffrons de l'intempérance de la littérature, litterarum intemperantia laboramus.» Le forum devint désert, l'empereur, selon les termes de Tacite, ayant pacifié l'éloquence comme tout le reste. Elle fut donc réduite à ne plus vivre que par elle-même; on déclama pour le plaisir de déclamer, et l'empire fut la plus belle époque de la déclamation. Les écoles des rhéteurs, placées sous la surveillance du préteur, regorgeaient d'élèves. Les jeunes gens étaient d'abord exercés au genre démonstratif, ils prononçaient des laudationes ou panégyriques dans lesquels on louait les dieux, les grands hommes, les qualités de l'âme, les villes, etc... Les matières d'amplifications étaient dictées avec les formules de lieux communs, sur lesquels Cicéron a écrit un curieux traité, les Topiques, imité d'Aristote. Puis venaient dans le genre délibératif ce que l'on appelait les suasoriæ. Il y avait enfin les controverses, controversiæ, dans le genre judiciaire. C'est de ce dernier dont je vais parler, car on y retrouve la piraterie.
Les jeunes gens soutenaient des thèses affirmatives et négatives devant un auditoire nombreux et composé de leurs parents, de leurs amis et des gens du grand monde. Les sujets sur lesquels roulaient les controverses n'étaient pas très variés, il en résultait une sorte de concours où plusieurs orateurs parlaient dans le même sens et cherchaient à surpasser leurs rivaux en habileté, en imagination ou en esprit. Sénèque le Rhéteur et Quintilien fournissent chacun un volume de ces controverses.
Les controverses classiques par excellence étaient empruntées à la piraterie. Je n'entrerai pas dans l'examen de chacune de ces déclamations, très fastidieuses généralement, je me bornerai à signaler qu'un grand nombre de déclamations sont brodées sur le canevas suivant: Des jeunes gens «enlevés par des pirates» écrivent à leurs pères de les racheter; la rançon payée, ces jeunes gens, revenus dans leur patrie, refusent de nourrir leurs parents. La loi ordonnait d'enchaîner tout enfant qui ne nourrissait pas ses parents. Devait-on leur faire application de cette loi? Souvent la discussion devenait vive parce qu'on supposait que l'enfant ingrat avait eu «l'insigne honneur de tuer un tyran», action qui le mettait au-dessus des lois et lui attirait la bienveillance des juges-déclamateurs. Le tyrannicide était l'homme à la mode dans les écoles de déclamation. Juvénal nous apprend que la classe nombreuse du rhéteur Vectius immolait en chœur dans ses compositions les farouches tyrans[1]. La plupart du temps on supposait aussi que le meurtrier était le plus proche parent du tyran, et l'on discutait s'il devait être puni ou récompensé.
[1] Satire VII;—Boissier, L'Opposition sous les Césars, et à son cours.
Parmi toutes ces déclamations il en est une beaucoup plus intéressante que les autres, celle de la Fille du chef de pirates, Archipiratæ filia, dont voici le sujet: Un jeune Romain enlevé par les pirates écrit à son père de le racheter, mais le père reste inflexible. La fille du chef des pirates s'éprend d'amour pour le captif et lui fait promettre de l'épouser si elle parvient à le délivrer. Les deux amants s'échappent, et le jeune homme, fidèle à son serment, épouse sa libératrice. Aucun enfant n'étant né de cette union, le père du jeune Romain veut contraindre son fils à répudier sa femme ou à la vendre. Sur le refus de celui-ci, le père le désavoue et le déshérite. Était-il fondé à le faire en droit?—Telle est la proposition de cette controverse[1] exceptionnellement intéressante, attrayante même par les développements que lui donnaient des orateurs jeunes et pleins d'imagination.
[1] Sénèque le Rhéteur.
Les uns montraient, en effet, le captif couvert de haillons, enchaîné et gisant au fond d'un horrible cachot. Puis, ils faisaient apparaître la jeune fille, douce, sensible, aimante, née probablement de quelque captive, car elle n'avait rien des mœurs des pirates, nihil in illa deprehendi poterat piraticum; elle supplie son père, se jette à ses genoux en l'implorant en faveur du malheureux prisonnier dont les souffrances lui arrachent des larmes. La fille du pirate parvient enfin à délivrer le captif, les deux amants prennent la fuite et arrivent à Rome. Là, ils trouvent un père inflexible qui veut les séparer. «Partons, leur fait-on dire, puisque nous ne pouvons partager le même bonheur, nous partagerons du moins la même infortune.»
D'autres soutenaient que la jeune fille n'avait pas agi sous l'impression de la pitié pour les souffrances du captif, mais sous l'empire seulement de la volupté; d'autres, qu'elle avait suivi le Romain, non par amour, mais par haine envers son père, un chef de pirates. «Il faut se défier, disait un déclamateur, de cette fille audacieuse, née et élevée au milieu des pirates, et impie envers son père.» L'un des orateurs essayait d'ébranler la fidélité de l'époux en s'écriant: «Quel est ce tumulte, l'incendie nous entoure, les paysans fuient épouvantés, ô jeune homme, voici ton beau-père!»
Quand on en venait aux voix, les jeunes auditeurs se prononçaient tous en faveur des amants.
Je suis entré dans quelques développements sur cette déclamation, il me semble qu'elle contient les germes du roman dans l'antiquité, et c'est la piraterie qui en a fourni le sujet. Mlle de Scudéri s'en est inspirée dans son roman de Clélie. Cette controverse lui a donné l'idée de dépeindre la Méditerranée sillonnée par les pirates et de décrire un brillant combat entre son héros Aronce et un corsaire qui emportait sur son brigantin des Romains enchaînés parmi lesquels se trouvaient Clelius et la fameuse Clélie, sa fille. C'est un des meilleurs passages de ce roman. Mlle de Scudéri a traité l'épisode des pirates d'une manière en tous points conforme aux données de l'histoire.
La controverse de l'Archipiratæ filia est un souvenir perpétué dans les écoles de déclamation de certaines aventures romanesques qui se produisirent au moment où la piraterie était maîtresse de la mer. L'amour, en effet, ne pouvait-il pas naître dans le cœur des filles des pirates quand elles voyaient parmi les captifs de jeunes Romains, de haute aristocratie et de belles manières, surtout quand ce captif était un Clodius ou un César? Et de même ne peut-on pas supposer avec quelque raison que de jeunes Romaines furent séduites aussi par la vie aventureuse, la brillante audace et les immenses richesses de certains corsaires, possédant, au dire de Plutarque[1], des navires dorés, des rames d'argent, des voiles de soie éclatante, et parcourant les mers, mollement étendus sur des tapis de pourpre de l'Orient, pendant que de joyeux concerts retentissaient sur le pont de leurs somptueuses galères. Combien de fois la jeune fille ne dut-elle pas profiter du bénéfice de la loi qui lui donnait le droit d'épouser son ravisseur, si elle n'exigeait pas sa mort?
[1] Vie de Pompée.
On voit par l'esquisse rapide que je viens de tracer, que la piraterie occupait singulièrement les esprits dans l'antiquité puisqu'on la retrouve même dans les œuvres littéraires. C'était à un tel point que l'on discutait en philosophie[1] si les navigateurs, au retour d'un voyage au long cours, et témoins du départ d'autres voyageurs, ne devaient pas s'empresser de les avertir non seulement des tempêtes et des écueils, mais encore des pirates qu'ils pourraient rencontrer. Cet empressement était la conséquence de la bienveillance naturelle qu'on ressent pour ceux qui vont à leur tour s'exposer aux dangers auxquels on vient d'échapper.
[1] Cicéron, Pro Murena, II; Quintilien, V, 11.
FIN.
TABLE ALPHABÉTIQUE.
- Abdère, ville de Thrace, 89.
 - Absyrtos, frère de Médée, 23.
 - Achéens, ppl. de la Grèce, 82, 157, 161, 168, 185.
 - Achille, fils de Pélée, 27.
 - Actium, ville d'Épire, 202.
 - Adana, ville de Cilicie, 212.
 - Adrien, empereur, 253, 258.
 - Ænaria (île d'Ischia), 128.
 - Ætès, roi de Colchos, père de
 - Médée, 13, 23.
 - Agathocle, 129, 130.
 - Agrippa, 232-237, 241.
 - Agron, roi d'Illyrie, 154.
 - Agylla, ville d'Étrurie, 154.
 - Ahenobarbus (D.), 224.
 - Alalia, ville de Corse, 87, 88.
 - Alamans (les), 266.
 - Alcibiade, 110.
 - Alexandre le Grand, 118, 121.
 - Alexandre, tyran de Phères, 116.
 - Alexandrie, ville d'Égypte, 120, 179.
 - Amanus (le mont), en Cilicie, 215.
 - Amasis, roi d'Égypte, 53, 59, 71.
 - Amazone (tribus de l'), 15.
 - Amérique (tribus de l'), 11.
 - Amilcar, 127.
 - Amorgos, île de la mer Égée, 286.
 - Amphipolis, 116.
 - Amphothère, amiral, 118.
 - Amycos, 24.
 - Anaxilaos, de Rhegium, 127.
 - Ancône, ville d'Italie, 258.
 - Ancyre (inscription d'), 246, 247.
 - Andrinople, ville de Thrace, 273.
 - Anemur, ville de Cilicie, 256.
 - Anicius, préteur, 163, 164.
 - Annibal, 205.
 - Antigone, roi de Macédoine, 165.
 - Antiochus le Grand, 169.
 - Antium et les Antiates (Italie), 142, 143.
 - Antoine (M.), triumvir, 225, 227, 228, 231, 237, 238.
 - Antonin, empereur, 279.
 - Antonius (M.), père du triumvir, 196, 205.
 - Apamée, ville de Bithynie, 269.
 - Apollodore, 286.
 - Apolloniate (lac), 269.
 - Apollonie, ville d'Illyrie, 159.
 - Apollophanès, 235, 236.
 - Appius Claudius, 147.
 - Apuans, ppl. de Ligurie, 138.
 - Aquilius, consul, 174, 175.
 - Arabion, 222.
 - Arcananiens, ppl. de la Grèce, 153, 157.
 - Archagathus, 130.
 - Archélaos, 219, 220.
 - Ardiæens (les), 159.
 - Argo (le navire), 21-24, 43.
 - Argonautes (les), 21-24.
 - Argos, ville de l'Argolide, 12, 202, 270.
 - Ariadne, 18.
 - Ariobarzane, roi de Cappadoce, 180.
 - Arion, 20.
 - Aristide, 101.
 - Aristagoras de Milet, 92.
 - Aristophilide, roi des Tarentins, 90, 91.
 - Aruntius, 226.
 - Assyriens (les), 84.
 - Athènes et les Athéniens, 64-77, 92, 93, 100-105, 107-114, 178, 193, 270.
 - Athénodore, 202.
 - Atintaniens, ppl. de l'Épire, 159, 162.
 - Atossa, femme de Darius, 90.
 - Attalia, ville de Pamphylie, 189.
 - Attilius, lieutenant de Pompée, 208.
 - Atys, roi de Lydie, 80.
 - Auguste, voir Octave.
 - Aulus Posthumius, consul, 158-161.
 - Aurélien, 271.
 - Australie (tribus de l'), 11, 15.
 
- Bacchus, 17-20.
 - Baléares (les îles), 170-172.
 - Bellinus, préteur, 205.
 - Bérénice, 219.
 - Bias de Priène, 85.
 - Bithynie, contrée de l'Asie-Mineure, 180.
 - Brindes, Brindusium (Italie), 155, 209.
 - Brutus, 221, 224.
 - Bruttius Sura, préteur, 178.
 - Buto (oracle de Latone à), 55.
 - Byzance (ville de), 93, 117, 258, 273.
 
- Cadmus, 37, 38.
 - Caïète, 205.
 - Caius Caligula, 254, 255.
 - Calaurie (île de), 202.
 - Calvisius Sabinus, 229-231.
 - Cambyse, 59, 80.
 - Cappadoce, contrée de l'Asie-Mineure, 180.
 - Capri (île de), 137.
 - Cariens, ppl. de la Carie, 29, 38, 42, 55, 85, 89, 193.
 - Carina, 222.
 - Caristyens, ppl. de l'Eubée, 100.
 - Carnéades, 301.
 - Carthage, Carthaginois, 88, 89, 121-132, 145-150.
 - Cassandre, 130.
 - Cassius, 221, 224.
 - Castor et Pollux, 22, 24.
 - Caton l'Ancien, 301.
 - Caton le Jeune, 215, 216, 218, 219.
 - Cauniens (les), ppl. de l'Asie-Mineure, 89.
 - Centumcellæ, ville d'Italie, 258.
 - Cephallénie, île de la mer Ionienne, 154.
 - César, 185-187, 194, 204, 208, 220, 222.
 - Chalcédoine, ville de Bithynie, 269, 273.
 - Charidémos, 116.
 - Chéronée, v. de Béotie, 178.
 - Chio ou Chios (île de la mer Égée), 87, 94, 117, 176, 179, 293.
 - Chrysogonas, 269.
 - Chrysopolis, ville de Bithynie, 273.
 - Chrysor, 6.
 - Chypre ou Cypre (île de), 102, 217-219, 293.
 - Cicéron, 215, 216, 302.
 - Cilicie, contrée de l'Asie-Mineure, 183-191, 210-216.
 - Cimon, 99, 100-103.
 - Cinna, lieutenant de Pompée, 209.
 - Claros, 202.
 - Claude, empereur, 255-257.
 - Claude II le Gothique, 271.
 - Cléemporus, 156.
 - Cléobule, 86.
 - Cléopâtre, 220, 227.
 - Clites (les), tribus de la Cilicie, 256, 257.
 - Clodius, 204, 211, 217, 218.
 - Cnidiens (les), 89.
 - Cnosse, ville de Crète, 198.
 - Colæos de Samos, 60, 61.
 - Colchide, contrée du Pont-Euxin, 13, 21, 23, 33.
 - Colophon, ville d'Ionie, 179.
 - Comæna, 220.
 - Commoris, forteresse de Cilicie, 215.
 - Confédérations (origine des), 11.
 - Constantin le Grand, 272-274, 283.
 - Coracésium, ville de Cilicie, 210, 211.
 - Corcyre, 52, 54, 104, 105, 30, 154, 157-161, 241.
 - Corinthe et Corinthiens, 50, 52, 54, 63, 270, 293.
 - Cornélius (P.), 143.
 - Cornificius, 234.
 - Corse (île de), voir Cyrnos.
 - C. et L. Coruncanius, 155, 156.
 - Corycus, ville de Lycie, 189, 213.
 - Cos (île de), 175.
 - Crassus (L.), préteur, 176.
 - Cremna, ville de Lycie, 259.
 - Crésus, 85, 86.
 - Crète (île de), et Crétois, 41, 43, 84, 179, 183, 191-199, 293.
 - Critolaüs, 301.
 - Crotone, ville d'Italie, 90, 205.
 - Ctésium, port de Scyros, 100.
 - Cumes, ville d'Italie, 128, 230.
 - Curtius Severus, 257.
 - Cybalis, 273.
 - Cydonie, ville de la Crète, 197, 198.
 - Cyrène, ville d'Afrique, 179, 183.
 - Cyrnos (la Corse), 87, 128, 149, 172, 229.
 - Cyrus, 86, 87.
 - Cythère (île de la mer Ionienne), 81, 84.
 - Cyzique, île et v. dans la Propontide, 23, 238, 269, 270.
 
- Dalmates (les), 241.
 - Darius, 77, 80, 89-97.
 - Darius Codoman, 118.
 - Décius Jubellus, 145, 146.
 - Décius Mus, 143.
 - Délos, île de la mer Égée, 29, 76, 202, 293.
 - Démagoras, 177.
 - Démétrius de Pharos, 155, 159, 161-163.
 - Démocédès, 90, 91.
 - Démocharès, 230, 235.
 - Démosthène, 112, 117.
 - Denys l'Ancien, 128, 154.
 - Denys le Phocéen, 94.
 - Didyme, 202.
 - Dimale, 162.
 - Dioclétien, 272.
 - Diodote Tryphon, 211.
 - Diogène, 290.
 - Diogène le Rhéteur, 301.
 - Dionides, 119.
 - Dionysos (Bacchus), 17-20.
 - Dolabella (C.), 189.
 - Dolopes, ppl. de l'île de Scyros, 100.
 - Domitien, 253.
 - Dorimaque, 166-168.
 - Duilius, 149, 236.
 - Dymé, ville d'Achaïe, 212.
 
- Éacès, 57.
 - Égéloque, amiral, 119.
 - Égine (île d'), 69-77, 104, 286, 293.
 - Égypte, Égyptiens, 37, 56, 57, 84, 219, 220.
 - Éleuthera, forteresse de la Crète, 198.
 - Émilius (L.), 162, 163.
 - Éphèse, ville de l'Ionie (Asie-Mineure), 175, 270, 293.
 - Épidamne, ville d'Illyrie, 52, 156-160.
 - Épidaure, ville de l'Argolide, 73, 202.
 - Épiphanie, ville de Cilicie, 212.
 - Épirotes, ppl. de l'Épire, 153.
 - Érana, forteresse de Cilicie, 215.
 - Érétrie, ville de l'Eubée, 92, 95.
 - Ésope, 86.
 - Étolie, Étoliens, 161, 165-169.
 - Étrurie, Étrusques, 127, 128, 133-138.
 - Eudémon, 279.
 - Eumée, 25, 27.
 - Europe (enlèvement d'), 13, 20, 31.
 - Eurydice, 20.
 - Eurymédon, fleuve de la Pamphylie, 102.
 
- Gabinia (loi), 207, 208.
 - Gabinius (Aulus), 207, 208, 219, 220.
 - Gallus, 261, 262.
 - Gellius, lieutenant de Pompée, 208.
 - Gélon de Syracuse, 127.
 - Genthius, roi d'Illyrie, 163, 164.
 - Gépides (les), 266.
 - Germains (les), 266.
 - Géryon, 31.
 - Gillus, 91.
 - Glaucus, 18.
 - Goths (les), 266-268, 271.
 
- Halonèse, île de la mer Égée, 118.
 - Harpagus, 87, 89.
 - Hégémonie (l'), 11.
 - Hélène, 13.
 - Héniokhes (les), 267.
 - Héracléon, 204.
 - Hercule, 22, 30.
 - Hermione, ville du Péloponèse, 202.
 - Hérules (les), 266.
 - Hiéron Ier, 127.
 - Hiéron II, 132, 146.
 - Himère, ville de Sicile, 127.
 - Histiée de Milet, 91, 93.
 - Hyéla, ville d'Œnotrie, 88.
 - Hylas, 23.
 
- Iapygiens, ppl. de l'Italie, 130.
 - Iconium, ville de Lycaonie, 190, 261.
 - Illyrie, Illyriens, 115, 153-164, 241.
 - Imbros, île de la mer Égée, 14, 81.
 - Ingaunes, ppl. de Ligurie, 138.
 - Intémèles, ppl. de Ligurie, 138.
 - Io (enlèvement d'), 12, 13.
 - Ionie, Ioniens (Asie-Mineure), 92, 93, 174.
 - Isaura, ville d'Isaurie, 190.
 - Isaurie, Isauriens (Asie-Mineure), 190, 191, 259, 261.
 - Isidorus, 202.
 - Issa, île de l'Adriatique, 154, 155.
 - Istrie, 161.
 
- Kambé, ville d'Afrique, 84.
 - Khrysaor, 31.
 - Klephtes (les), 165-169.
 - Kragos et Antikragos, forteresses des pirates, 210.
 
- Laconie, contrée du Péloponèse, 81.
 - Laodicée, ville de Phrygie. (Asie-Mineure), 175, 216.
 - Lasthénés, 196-198.
 - Lélèges, ppl. d'Asie-Mineure, 38, 42, 193.
 - Lemnos, île de la mer Égée, Lemniens, 14, 23, 81, 202.
 - Lentulus, lieutenant de Pompée, 208.
 - Lépidus, 225, 231, 234, 235.
 - Lesbos, île de la mer Égée, Lesbiens, 59, 94, 176.
 - Leucadie, île de la mer Ionienne, 154.
 - Liburniens, ppl. des côtes de l'Adriatique, 153, 241.
 - Libyens (les), 81.
 - Licinius, 273.
 - Ligures, ppl. de l'Italie, 138, 141.
 - Lipari, îles voisines de la Sicile, 130, 204.
 - Lissus, ville d'Illyrie, 160, 161.
 - Lolius, lieutenant de Pompée, 209.
 - Lucullus, 178-180, 201, 202.
 - Lycie, contrée de l'Asie-Mineure, Lyciens, 82, 89, 183, 191, 259, 263.
 - Lyctos, forteresse de la Crète, 198.
 - Lydie, contrée de l'Asie-Mineure, Lydiens, 80, 81, 85, 174.
 - Lydius, 259, 260.
 
- Macédoine (la), 115.
 - Magon, 121, 122.
 - Malée (golfe de), au sud de la Laconie, 185.
 - Mallus, ville de la Cilicie, 212.
 - Malte (île de), 84.
 - Mamertins (les), 130, 131, 145-147.
 - Marcellus, lieutenant de Pompée, 208.
 - Mardie, 273.
 - Mardonius, 95.
 - Marianopolis, 270.
 - Marius, 181.
 - Massalia (Marseille), 88, 139, 222.
 - Maxence, 272.
 - Maximien, 272.
 - Médée, 13, 23.
 - Mégariens (les), voisins de l'Attique, 65, 69.
 - Melkarth, 30, 31.
 - Mélos, île de la mer Égée, 84, 109, 110.
 - Ménas, 227, 240.
 - Ménécratès, 224, 230, 240.
 - Ménéphtah, 82.
 - Ménodorus, 224, 229-234.
 - Mercure, 59.
 - Messala, 234.
 - Messéniens, ppl. du Péloponèse, 166-168.
 - Messine, ville de Sicile, 130, 131, 230.
 - Métellus Balearicus, 171-172.
 - Métellus (Q.) Créticus, 197-199.
 - Métellus Nepos, lieutenant de Pompée, 209.
 - Métulum, ville de Liburnie, 241.
 - Micylion, 229.
 - Milet, Milésiens (Asie-Mineure), 55, 56, 59, 94, 186, 238.
 - Minos, roi de Crète, 29, 42, 43, 50, 193.
 - Misène, port et promontoire en Campanie, 205, 225, 242.
 - Mithras, 203.
 - Mithridate, roi de Pont, 173-179, 182.
 - Mitylène, ville de l'île de Lesbos, 237.
 - Munychie, un des ports d'Athènes, 99.
 - Murcus, 224.
 - Muréna, 189.
 - Myles, ville de Sicile, 234, 236.
 - Mysie, contrée de l'Asie-Mineure, 23, 174.
 
- Nabuchodonosor II, 85.
 - Naucratis, port sur la branche Canopique du Nil, 71, 72.
 - Nauloque, 236.
 - Naxos, île de la mer Égée, 94, 101.
 - Néa, île près de Lemnos, 202.
 - Nébridius, 262.
 - Néko, 32, 89.
 - Néron, empereur, 257.
 - Néron (C.), proscrit, 226.
 - Néron (T.) lieutenant de Pompée, 208.
 - Nestor, 27.
 - Nicée, ville de Bithynie, 238, 269.
 - Nicias, 29, 109.
 - Nicodrome, 76, 77.
 - Nicomède, roi de Bithynie, 180.
 - Nicomédie, 238, 269, 272.
 - Nicostrate, 286.
 - Nuceria, ville de la Campanie, 143.
 - Nystrie, ville de la côte illyrique, 160.
 
- Oasis (Égypte), 54.
 - Octave Auguste, 223-247.
 - Octavius (L.), 198, 199.
 - Œnotrie, contrée de l'Italie, 88.
 - Olympus, ville de Lycie, 189.
 - Ombrie, contrée de l'Italie, 81.
 - Ophir (région d'), 33.
 - Oppius, 174, 175.
 - Orchomène, 178.
 - Orétès, 59.
 - Oroanda, ville d'Isaurie, 190.
 - Oropos (occupation d'), 301.
 - Orphée, 20, 22, 38.
 - Osoüs, 6.
 - Ostie, port à l'embouchure du Tibre, 142, 205, 255, 256.
 
- Pamphylie, contrée de l'Asie-Mineure, 183, 191, 259.
 - Panarès, 196-198.
 - Pannoniens (les), 241.
 - Paphlagonie, contrée de l'Asie-Mineure, 179.
 - Paris, 13.
 - Paxos, île de la mer Ionienne, 157.
 - Pélasges (les), 13, 14, 42, 81, 133.
 - Péluse, ville d'Égypte, 32, 83, 89.
 - Péoniens, ppl. de la Macédoine, 115.
 - Pergame, ville de Mysie, 186.
 - Perpenna, 163, 164.
 - Périandre de Corinthe, 54.
 - Persée, roi de Macédoine, 163, 164.
 - Pétillius, 163, 164.
 - Peucétiens, ppl. de la Calabre, 130.
 - Phalère, un des ports d'Athènes, 99.
 - Pharmacuse, île de la mer Égée, 185.
 - Pharos, île de l'Adriatique, 163.
 - Phasélis, ville de Lycie, 189, 190.
 - Phénice, ville de l'Épire, 155.
 - Phénicie, les Phéniciens, 12, 27, 29-39, 41, 89, 94.
 - Phigalée, ville du Péloponèse, 166.
 - Philadelphe, affranchi d'Octave, 229.
 - Philippe II, roi de Macédoine, père d'Alexandre, 115-118.
 - Philippe, roi de Macédoine, 163.
 - Philisti (les), 82.
 - Philocharis, 144.
 - Phocéens (les), ppl. de l'Ionie, 86-88, 122, 123.
 - Phrygie, contrée de l'Asie-Mineure, 174.
 - Pindenissum, ville de la Cilicie, 215.
 - Pineus, roi d'Illyrie, 163.
 - Pirée (le), un des ports d'Athènes, 99.
 - Pisistrate, 65-69.
 - Pison, lieutenant de Pompée, 209.
 - Pittacus de Mitylène, 85.
 - Platon, 290.
 - Plaute, 298.
 - Plotius, lieutenant de Pompée, 208.
 - Pollion (Asinius), 222.
 - Polycrate de Samos, 53-59.
 - Pompée le Grand, 198, 199, 208-214.
 - Pompée (Sextus), 221-240.
 - Pompéiopolis, ville de Cilicie, 212.
 - Pomponius, lieutenant de Pompée, 208.
 - Posthumius, ambassadeur romain, 144, 145.
 - Posthumius (Aulus), consul, 158-161.
 - Posthumius, le pirate, 142, 143.
 - Pouzzoles, ville de Campanie, 243, 255, 294.
 - Probus, 259, 271.
 - Proculéius, 235.
 - Pruse, ville de Bithynie, 269.
 - Psamétik Ier, roi d'Égypte, 55, 60.
 - Psamétik III, roi d'Égypte, 89.
 - Ptolémée Aulétès, roi d'Égypte, 219, 220.
 - Ptolémée, roi de Chypre, 217, 218.
 - Pydna, ville de Macédoine, 116.
 - Pyrgamion, 204.
 - Pyrrhus, roi d'Épire, 131, 132, 145, 205.
 - Pytiunte, 268.
 
- Quades (les), 266.
 
- Ramsès II (Sésostris), 82.
 - Ramsès III, 81, 82.
 - Ravenne, ville d'Italie, 242.
 - Rhadamanthe, 43.
 - Rhegium, ville de Calabre, 88, 145, 146.
 - Rhodes (île de), les Rhodiens, 44, 45, 84, 117, 176, 178, 195, 277-280.
 - Rome, les Romains, 123, 126, 131, 145-151, 153-164.
 
- Sabines (enlèvement des), 15.
 - Salamine, île du golfe Saronique, 65-69, 127.
 - Salvidiénus, 223.
 - Samos, île des côtes de l'Asie-Mineure, les Samiens, 53-61, 71, 89, 94, 176, 202.
 - Samothrace, île de la mer Égée, 81, 176, 202.
 - Sardaigne (île de), 83, 149, 172, 224, 225.
 - Sardes, ville de Lydie, 86, 92.
 - Sarmates (les), 266.
 - Saturninus, 226.
 - Sciathos, île du golfe Thermaïque, 178.
 - Scipion l' Africain, 150, 151.
 - Sciron, éphore à Messène, 167.
 - Scodra, ville d'Illyrie, 153, 163.
 - Scylla (écueil de), 230.
 - Scylax, 89.
 - Scyros, île de la mer Égée, 14, 27, 100.
 - Scythie, les Scythes, 91, 266-269.
 - Séleucus, 202.
 - Septime Sévère, 258.
 - Sepyra, forteresse de Cilicie, 215.
 - Sertorius, 181, 183, 207.
 - Servilius (P.) Isauricus, 189-191.
 - Séti Ier, roi d'Égypte, 81.
 - Sextilius, préteur, 205.
 - Shakalash (les), 82.
 - Shardanes (les), 81, 83.
 - Sicile (île de), 84, 149, 222, 224, 225, 234, 272.
 - Sidé, ville de Cilicie, 294.
 - Sidon, ville de Phénicie, les Sidoniens, 30, 84.
 - Silanus, 226.
 - Sinope, ville de Paphlagonie, 202.
 - Siphnos, une des Cyclades, 195.
 - Smyrne, ville de Lydie, 81.
 - Soli, ville de Cilicie, 34, 212.
 - Solon, 65-69, 86.
 - Sorrente (le cap de), 137.
 - Spartacus, 181.
 - Spinther (Lentulus), 197.
 - Strymon, fleuve de Macédoine, 116.
 - Successianus, 268.
 - Sylla, 178-182, 185.
 - Syloson, 89.
 - Syracuse, ville de Sicile, 204, 272.
 
- Talos, 24.
 - Tarente, ville d'Italie, 90, 131, 144, 145, 213, 229.
 - Tarse, ville de Cilicie, 245.
 - Tartessus, ville d'Espagne, 60.
 - Tauroménium, ville de Sicile, 234.
 - Taurus (mont), 29, 190, 210.
 - Tcherkesses, ppl. du Caucase, 14.
 - Ténare, 202.
 - Ténédos, île de la mer Égée, 176.
 - Téos, ville de Lydie, 89, 116.
 - Térence, poète comique, 298.
 - Teucriens (les), 82.
 - Teuta, reine d'Illyrie, 154-163.
 - Thalès de Milet, 86.
 - Thasos, île de la mer Égée, 84, 102, 118.
 - Thémistocle, 99, 101, 102.
 - Théoris (la galère), 76.
 - Théron d'Agrigente, 127.
 - Thésée, 43, 64, 100, 193.
 - Thessalonique, ville de Macédoine, 271.
 - Thoas, 23.
 - Thrace (la), 89, 91, 92, 115.
 - Tibère, 252, 253.
 - Timoléon, 128, 143.
 - Titius, 236, 239.
 - Tomi, ville de la Basse-Mysie, 270.
 - Toth-Hermès, 35.
 - Traités d'alliance, 123-126, 131.
 - Trajan, empereur, 258.
 - Trébizonde, ville sur le Pont-Euxin, 268.
 - Triérarques, 111-112.
 - Triton, 17.
 - Trosobore, 256, 257.
 - Tyndaris, ville de Sicile, 234.
 - Tyr, ville de Phénicie, 13, 30, 37, 84, 85.
 - Tyrrhéniens, Tyrséniens, 18, 19, 20, 81, 82, 83, 88, 133, 134.
 - Tyrsénos, 81.