Le crime et la débauche à Paris; Le divorce
C'est donc à l'enfance, à la jeune fille qu'il faut, pour en faire plus tard des femmes, porter tout d'abord protection. Il faut relever celles qui sont tombées, une première fois242, et ne pas les rejeter impitoyablement, comme des damnées, dans un cercle fatal, où elles se meuvent forcément avec cet autre paria, qui les recherche et qui est un repris de justice, à tous deux il faut des juges, s'ils ont commis des délits.
Nous ne sommes plus au temps de Louis XV, alors qu'après de véritables chasses à courre, données à la femme, on embarquait pour le Nouveau-Monde, tant de Manon Lescaut, dont l'abbé Prévost a écrit l'histoire attendrie. Il est donc urgent, après tant d'autres réformes, moins nécessaires, de remettre243 la fille, même dégradée, au rang qu'elle a momentanément perdu, en lui facilitant le retour au travail ou bien à la moralité.
Que les tours se rouvrent pour éviter les infanticides, ils augmentent partout, que l'assistance publique concentre ses immenses ressources uniquement sur les crèches, les asiles, les hôpitaux, où l'œuvre admirable des chirurgiens et médecins ne doit pas être isolée, mais continuée sur les convalescents et les guéris; il y a toujours des rechutes à craindre et à prévenir, sinon à éviter complètement. Par ce tableau sommaire, complet pourtant, de la situation que nous avons envisagée, en face, nous avons appelé l'attention de tous sur une double question, digne de méditation et de remède. Ce n'est ni au loin, ni au dehors que nous devons songer, mais d'abord au mal le plus pressé, le plus voisin:...
Nous avons vanté notre législation Française, si complète dans tous ses Codes, auxquels il n'est pas permis de toucher partiellement et que l'on regarde comme insuffisante, parce qu'elle est irrégulièrement ou mollement appliquée.
De notre organisation judiciaire, enviée de tous les peuples, à cause de l'intégrité, de l'économie, de la rapidité de sa justice244, nous n'avons pas à parler ici, ce n'est ni le temps, ni le lieu245.
Les seules critiques dirigées contre la magistrature, viennent de ce qu'elle a été, sur la demande même de ceux qui s'en plaignent maintenant, en en ayant été les victimes, chargée de juger les délits de presse, précédemment déférés au jury (1848)246.
PIÈCES JUSTIFICATIVES
I
LA TRAITE DES BLANCHES
Tous les petits ménages ont eu plus ou moins affaire aux bureaux de placement, pour avoir des servantes, des nourrices ou des bonnes.
Malgré quelques procédés, plus ou moins ingénieux d'exploitation, il n'y a pas trop à se plaindre, et c'est encore aux bureaux qu'il est préférable de recourir, parce que les parties contractantes prennent, l'une et l'autre, des engagements qu'elles peuvent rompre en se conformant aux usages, sans avoir à compter avec un intermédiaire gracieux. Cet embarras se présente trop souvent, quand on prend un serviteur sur la recommandation d'un ami ou d'une amie qui, le plus souvent, s'est débarrassé.247
Je n'ai pas d'ailleurs, à traiter la question des serviteurs et des domestiques, question insoluble. La Fontaine ayant dit, il y a deux siècles, et n'ayant jamais été démenti:
Les bureaux de placement sont donc des établissements utiles; la plupart se bornent à être les intermédiaires entre l'offre et la demande de service.
Mais on vient d'apprendre une odieuse combinaison internationale qui doit être signalée, espérant que le gouvernement prendra des mesures pour en empêcher le retour.
Il y a quelque temps, le directeur d'un important bureau de Paris offrit à plusieurs jeunes filles, sans place, de très belles situations à Londres.
—Mais nous ne savons pas parler anglais.
—C'est bien pour cela que je vous offre ces places; c'est une condition expresse.
Les jeunes filles, l'une d'elles renonça même à une bonne place, donnèrent chacune dix francs au bureau, réalisèrent toutes leurs économies et partirent pour Londres, à leurs frais, bien entendu.
On doit noter que ces jeunes filles sont de figure très agréable.
Arrivées à Londres, elles se firent conduire aux adresses indiquées.
Amère déception! c'était un bureau de placement qui n'avait pas de places pour elles, et une maison meublée. Et quelle maison! située au-dessus d'un bar (café-restaurant) de dixième ordre.
Ne connaissant ni Londres ni la langue Anglaise, elles durent subir les conditions de la maison et payer 3 shellings (3 fr. 75) par jour, pour être nourries et logées.
Malheureuses filles! Leurs petites ressources s'épuisaient vite et elles entrevoyaient avec terreur le moment où elles tomberaient fatalement dans l'abîme infâme vers lequel les deux bureaux de placement coalisés les poussaient.
Elles avaient été devancées par d'autres pauvres filles Françaises...
Heureusement, un Français de passage à Londres se trouva sur le chemin de ces jeunes filles; il apprit leur histoire; il intervint auprès du comité de secours des Français établis à Londres; il obtint leur rapatriement.
Son œuvre n'est pas finie; il s'occupe en ce moment de trouver des places pour ces jeunes filles; ce n'est pas tout; il faut que la justice soit appelée à se prononcer.
Grâce à leur protecteur, les jeunes filles rapatriées ont obtenu l'assistance judiciaire; elles poursuivent le directeur du bureau de placement.
Qu'elles obtiennent des dommages-intérêts; cela ne fait pas doute; ce n'est pas assez; il faut que ce trafic international, qui ressemble si fort à la traite des blanches, ne puisse pas se renouveler.
A la suite d'un scandale semblable, qui fut découvert de Suisse en Autriche et réciproquement, un bureau officiel de renseignements a été créé dans les deux pays.
Toute personne à qui une place est offerte demande à ce bureau si la place existe réellement.
Pourquoi ne créerait-on pas au Ministère des affaires étrangères un bureau semblable qui, par les ambassades et les consulats, serait à même de renseigner exactement les pauvres gens qui en seraient réduits à s'expatrier.
Pour les femmes surtout c'est une cruelle extrémité; et celles qui veulent rester honnêtes doivent avoir des garanties, quand on les attire hors de leur pays natal.
II
PRÉSERVATION
L'opinion des médecins, d'accord avec celle des moralistes et des familles, serait qu'il faudrait, en cette matière, user en France248 d'une réglementation sévère, réclamée par le Congrès médical (1867), opérer de fréquentes visites, dans les maisons clandestines, ordonner l'inscription d'office des insoumises, prescrire, dans les maisons tolérées, l'usage des lotions chlorurées et phéniquées, prophylactiques utiles.
Sans doute, il peut y avoir quelques erreurs possibles; mais il faut songer qu'à Paris les arrestations d'insoumises s'élevent, par an, de 7,000 à 7,500.
III
ABAISSEMENT DU NIVEAU DES ÉTUDES
Le journal de l'Instruction Publique donne la statistique sommaire, dressée par les soins du Ministre de l'instruction publique, des examens du baccalauréat ès lettres et du baccalauréat ès sciences pendant la session de juillet-août 1880. 6,692 jeunes gens se sont présentés devant les Facultés des Lettres, pour la première partie du baccalauréat ès lettres (examen de rhétorique); 3,423 ont été éliminés après l'épreuve écrite, 426 ont été ajournés après l'épreuve orale et 2,843 ont été admis, ce qui constitue une proportion de 42 %249.
Pour la deuxième partie (examen de philosophie) 4,711 candidats se sont présentés; 2,052 ont été exclus après les épreuves écrites, et 529 après les épreuves orales; 2,310 jeunes gens ont été définitivement admis au grade, ce qui constitue une proportion de 45 %.
3,624 jeunes gens ont subi les épreuves du baccalauréat ès sciences complet; 2,013 ont été éliminés après les épreuves écrites; 260 après les épreuves orales, et 1,317 ont été jugés dignes du grade, ce qui donne une faible proportion de 33 %250.
IV
LES FACTIONNAIRES SUPPRIMÉS ET LES POSTES DU GUET
On a lu dans les journaux d'août 1880:
Conformément aux ordres du général Farre, tous les postes, reconnus inutiles, ont été supprimés à Paris. A huit heures, les officiers ont été informés qu'ils devaient rentrer à la caserne avec leurs hommes, sans attendre d'être relevés par la garde montante.
A dix heures, toutes les sentinelles étaient retirées et les postes évacués251. Il ne reste plus actuellement à Paris, en dehors des piquets de service aux portes des casernes, que deux ou trois points, occupés militairement par la seule garde républicaine, entre autres le poste de Saint-Eustache, à part les gardes d'honneur de l'Élysée, du Sénat, de la Chambre et de l'état-major général.
Après l'enlèvement inattendu et inexpliqué des tambours aux tambours et des cuirasses aux vaillants cuirassiers, il ne restait plus qu'à supprimer les postes, destinés à protéger les monuments publics et les domiciles privés; à quoi servent les garnisons, si considérables, en temps de paix?
A Paris, les postes du guet étaient autrefois placés252:
Place des Carreaux;
Au guichet des diverses prisons;
Dans la cour du Palais;
Au Carrefour du Pont Saint-Michel;
Sur le Quai des Augustins;
Au Carrefour Saint-Cosme;
A Saint-Ives;
A Saint-Honoré;
A la Croix des Carmes;
Au Carrefour Saint-Séverin;
Près l'Église de la Magdeleine;
Aux Planches-Mibray;
A la Croix de Grue;
A l'Hôtel de Sens;
A la Porte Bauldier;
Au Coin Saint-Pol;
A la Traverse Quadier;
A l'Échelle du Temple;
A Saint-Nicolas des Champs;
A Saint-Jacques de l'Hospital;
A la Fontaine Saint-Innocent;
A la pointe Saint-Eustache;
A l'École Saint-Germain;
A la Place aux Chats.
Aujourd'hui, le crime redouble, Parisiens, dormez!
V
LA PRÉFECTURE DE POLICE
On a beaucoup parlé, dans ces derniers temps, de cette grande administration253 dont l'origine se confond presque avec celle de la Ville de Paris. D'après nos historiens, d'après les récents travaux sur le Châtelet de Paris, le Prévôt était, pour ses actives attributions, sous le contrôle du Parlement, le prédécesseur direct et comme l'ancêtre immédiat de nos Préfets de police, qui remontent au commencement de ce siècle.
En janvier 1796, fut créé un ministère de la Police, pour assurer la tranquillité intérieure de la République.
Le 17 février 1800, Bonaparte nommait un préfet de police, chargé de veiller à la sécurité des douze arrondissements de Paris.
Depuis cette époque jusqu'à nos jours, on compte trente-neuf préfets ou ministres de la police; leur administration, avec des règles ou des tendances diverses, a traversé tous les régimes, regardée par les honnêtes gens, comme un palladium nécessaire, comme une protection, dont Girod (de l'Ain) en 1830, comme Caussidière en 1848, réclamèrent le maintien.
Consulté en 1870, par le gouvernement, M. Ducoux répondait à la proposition, alors faite par M. de Kératry, le 19 septembre: «Ce serait une faute énorme, à toutes les époques; mais aujourd'hui, un acte criminel ou insensé, dont aurait à souffrir la mémoire de tous ceux qui y auraient participé.» M. Macé, dont on connaît l'expérience, conclut dans le même sens. Malgré de vives attaques, toujours impuissantes, bien que renouvelées, la Préfecture de police a été maintenue, elle fonctionne, dans les limites tracées par les lois, qui assurent l'ordre et la sécurité dans notre capitale, si souvent inquiétée et troublée par de grands crimes.
La police municipale comprend une légion d'agents, recrutés parmi les anciens soldats, la plupart décorés de la Légion d'honneur, de la médaille militaire ou des médailles de Crimée, du Mexique, de Chine ou d'Italie, répartis, jour et nuit, en uniforme, dans les vingt arrondissements. Il convient d'y ajouter la brigade centrale, l'important et trop peu nombreux service de la sûreté, la surveillance des garnis, des mœurs, des voitures et de la politique, en ce pays, si mobile et ondoyante.
VI
LES MARCHANDES DE FLEURS ET LE VAGABONDAGE
Paris, le 1er septembre.
M. le Préfet de police vient d'adresser aux commissaires
de police de la ville de Paris la circulaire suivante:
Messieurs,
J'appelle votre attention sur les filles de mauvaises mœurs, qui offrent en vente des fleurs aux passants.
Ces offres sont faites, le plus souvent, par de très jeunes filles, même par des enfants et n'ont d'autre but que de dissimuler des provocations honteuses254.
Je vous rappelle, messieurs, que le fait d'offrir sur la voie publique des marchandises aux passants constitue une contravention aux dispositions, trop oubliées de l'article 1er de l'ordonnance de police du 28 décembre 1859, lequel est ainsi conçu:
«Il est défendu de circuler sur la voie publique, en quête d'acheteurs, avec des marchandises ou denrées de quelque nature que ce soit, exposées en vente sur des appareils quelconques ou par tout autre moyen.
«Sont réputés quêtes d'acheteurs, le stationnement sur la voie publique, quelque courte qu'en soit la durée, l'offre de vente et la vente.»
Je charge M. le chef de la police municipale de donner des instructions aux agents placés sous ses ordres pour qu'ils conduisent les contrevenants dans vos bureaux où vous statuerez à leur égard, conformément à l'ordonnance précitée.
Mais vous ne vous bornerez pas à constater la contravention de simple police, Vous chercherez si elle n'a pas été accompagnée de faits constituant l'outrage public à la pudeur, vous examinerez aussi la situation du contrevenant au point de vue du domicile et des moyens d'existence, afin de relever, s'il y a lieu, le délit de vagabondage et de me mettre à même d'ordonner les mesures administratives qui y sont applicables.
Enfin, quand vous serez en présence de filles mineures, vous rechercherez, avec le plus grand soin, si elles sont exploitées et poussées à leur honteux métier, soit par leurs parents, soit par des souteneurs, et vous m'adresserez, avec vos procès-verbaux, tous les renseignements de nature à me permettre de déférer ces derniers à la justice, pour excitation de mineures à la débauche.
Le Préfet de police: Andrieux.
Si les prescriptions de cette circulaire permettent d'atteindre et de faire condamner un certain nombre de vagabonds, elles présentent deux inconvénients sérieux. Le premier est d'englober, dans une répression arbitraire, toute une catégorie très intéressante de petits vendeurs ambulants, à qui leur commerce permet précisément d'échapper au vagabondage. Le second est de distraire le service de la sûreté et de la police municipale de l'importante et si nécessaire surveillance des malfaiteurs.
La circulaire permettra d'arrêter beaucoup d'enfants, qui essaient de faire quelque chose, mais nous ne voyons pas quelles mesures elle édicte contre ceux qui sont bien résolus à ne jamais travailler et à ne vivre que de la prostitution. La police des mœurs doit cependant connaître ces individus. Si elle les connaît, qu'en fait-elle? Nous ne supposons pas qu'elle les utilise. Et, si elle ne les connaît pas, qu'elle les recherche activement, ils sont une menace et un danger permanent.
VII
PREMIER TROTTOIR
Il est intéressant de reproduire, pour servir à l'histoire de la prostitution, le journal dont suit le spécimen:
Le Procureur (Journal des Alphonses). Paris (1880).
Bien que la mère doive en défendre aussi soigneusement que possible la lecture à sa fille, le Procureur est un journal essentiellement moral.
Faire cesser le scandale quotidien que, chaque nuit, et même déjà chaque après-midi, présentent les cafés, promenades, jardins, avenues, boulevards et rues de Paris, encombrées de créatures, folles de leur corps, venant s'offrir aux hommes, sans même souvent s'inquiéter de regarder s'ils sont accompagnés de leur femme ou de leur fille, tel est le but louable que nous nous proposons, et pour lequel nous avons la délicatesse de ne pas demander une subvention que, certes, le gouvernement serait fort empêché de trouver des motifs plausibles de nous refuser.
Nous en convenons, pour certains rapprochements, nos colonnes ne pourront jamais suppléer à celles Rambuteau. Mais néanmoins, elles peuvent rendre de grands, d'immenses services, en enregistrant, moyennant une très légère rétribution, les demandes et les offres de nos clients et clientes, et en leur donnant les uns sur les autres tous les renseignements que notre délicatesse et notre tact, si hautement appréciés dans le monde, nous permettront de divulguer.
Quelques journaux ont déjà entrepris de remplir cette belle tâche. Mais ils veulent la mener de front avec d'autres, ce qui ne leur permet pas de parvenir à réaliser les conditions d'économie, précision, célérité et les commodités de toute sorte auxquelles nous atteindrons, consacrant à ce but utile et humanitaire tout notre temps et tous nos efforts.....
VIII
LES DUELS
Les duels fleurissent dans les années, qui suivent les guerres. On se bat pour un rien, pour le plaisir. L'épidémie de duels qui s'est abattue sur Paris, il y a quelque temps, a éveillé l'attention de M. le Préfet de police. Un travail très important vient d'être entrepris à cet sujet, sur son ordre.
Une statistique détaillée des rencontres, qui ont eu lieu depuis le 1er janvier dernier, et dont les parquets n'ont pas été saisis, a été commencée ces jours-ci (1880).
On est arrivé au chiffre respectable de quatre duels par semaine, soit cent quarante à peu près, depuis le commencement de l'année; beaucoup de bruit, peu de sang et à la frontière255.
L'écrivain Fiévée disait:
—Quand je parle de quelqu'un, je le fais toujours comme si je lui parlais.
Et le général Mollière posait cet axiome militaire:
—On ne doit jamais toucher un homme qu'avec du fer ou avec du plomb!
IX
LES DRAMES DU VITRIOL
Les journaux de Toulouse rapportent que mercredi soir, vers huit heures et demie, la demoiselle Hortense Fabre s'introduisait dans le café Josse, rue du Canard, nº 11, où se trouvaient plusieurs consommateurs, sur lesquels elle a lancé un liquide corrosif que l'on croit être du vitriol. Les sieurs Gélis, Mothes, menuisiers, et Jean-Joseph, voiturier, ont été assez grièvement atteints. Hortense Fabre prétend avoir eu avec ledit voiturier des relations intimes, dont la naissance d'un enfant aurait été le résultat, l'éternelle histoire que tout le monde sait: abandon de l'amant, désespoir de la jeune fille, et puis enfin dénouement ordinaire: vengeance au vitriol. Hortense Fabre a été mise à la disposition du procureur de la République256.
X
LES MORTS SUBITES ET MYSTÉRIEUSES
Vidocq, dans ses Mémoires, raconte qu'il eut, un jour, à enlever le cadavre d'un homme, tombé mort chez une femme mariée, qu'il importait de ne pas compromettre.
Léon Gozlan et Sardou ont, avec art, exploité cette curieuse et sombre donnée, dans une nouvelle et au théâtre.
Citons ici miss (Annah) Neison, 22 ans, artiste dramatique, venue le 20 août 1880 de Londres pour contracter, à Paris, un engagement théâtral. Descendue à l'hôtel Continental, elle sort, pour se promener, en voiture, au bois de Boulogne, y boit, vers trois heures, une tasse de lait. Prise de douleurs abdominales, vainement combattues par les médecins de Neuilly appelés, la mort survient dans la nuit du samedi au dimanche (22 août 1880), le commissaire de police appelé envoie le cadavre à la Morgue, où l'autopsie, pratiquée par les docteurs Brouardel et Descouts démontre que la cause réelle de la mort était une hémorragie, survenue à la suite d'une grossesse extra-utérine, de trois mois au plus.
Toute présomption de crime ayant été effacée, on mit en liberté des Anglais, qui avaient assisté miss Neison, et n'avaient pu expliquer la cause d'une mort, accompagnée de circonstances étranges et d'abord suspectes257.
XI
L'ENFANCE COUPABLE ET LES ENFANTS ABANDONNÉS
A PARIS (1880)
La Société générale de protection pour l'enfance abandonnée ou coupable, dont le promoteur est M. Georges Bonjean, a tenu, 47, rue de Lille, sa première séance depuis l'autorisation ministérielle. On a constitué un Comité de direction composé de dix membres du Conseil, pouvant se réunir très fréquemment. Ce Comité sera chargé d'élaborer immédiatement le règlement intérieur de la Société. M. Bonjean a fait part au Conseil des diverses offres qui lui sont parvenues, soit pour la fondation de colonies particulières dans des établissements agricoles, soit pour l'acceptation des pupilles de la Société, sous sa surveillance et dans des conditions exceptionnellement favorables. Il a été décidé que pour assurer une surveillance efficace et intelligente des enfants recueillis, assistés ou patronnés, la Société s'occuperait de former, tout de suite, un personnel de surveillants. Le Conseil a reconnu à l'unanimité que les efforts devaient tendre à fonder dans un très bref délai une maison sociale, qui fût comme le type de celles qu'on veut créer. A l'unanimité également, il a été décidé que, pour faire une expérience éclatante du principe de l'œuvre, les enfants simplement abandonnés et les enfants déjà coupables, c'est-à-dire pour être plus exact déjà détenus y seraient recueillis indistinctement et sur un pied d'égalité parfaite. Une seule réserve a été faite et accueillie par tout le monde: il va sans dire que le Conseil entend choisir entre les jeunes détenus et ne point s'exposer à placer, auprès de malheureux, qui n'ont point failli, des enfants déjà pervertis.
Le 28 juin 1793, la Convention rendait un décret ainsi conçu: «La nation se charge de l'éducation physique et morale des enfants abandonnés.» Mais elle n'avait en vue que les orphelins ou du moins ceux dont les pères et mères étaient inconnus. Il en fut de même du décret du 19 janvier 1811 qui institua les tours, et de la Constitution de 1848 qui inscrivit, dans ses principes essentiels, le droit à l'assistance des enfants abandonnés. Rien n'a été fait pour les enfants moralement abandonnés, c'est-à-dire ceux que leurs parents, retenus par un labeur quotidien, dans les usines ou dans les ateliers, laissent livrés à eux-mêmes, sans ressources, sans surveillance, sans éducation, et qui grandissent dans la misère et dans l'oisiveté, mères de tous les vices; rien n'a été fait pour les enfants que leurs parents repoussent, et rejettent, à tous les hasards, à tous les dangers d'une vie de vagabondage sur les voies publiques. Ceux-là, les agents de police les arrêtent quand ils les trouvent par les rues, les conduisent au Dépôt, puis on les livre à la justice, qui n'a d'autre alternative que de les faire enfermer, dans des maisons de correction ou de les rendre à leurs parents, c'est-à-dire de les remettre, dans le milieu funeste où, par l'insouciance et la mauvaise conduite de ceux à qui ils doivent le jour, ils ont contracté de funestes habitudes et où ils s'enracinent, de plus en plus, dans le mal. Veut-on savoir à quel chiffre s'élève annuellement, à Paris, le nombre d'enfants arrêtés dans ces conditions? En 1878 il y en a eu 2,056; en 1879, on en comptait 1,672; la moyenne dépasse 1,500. Si nous y joignons les abandonnés de la France entière, c'est au moins 4 ou 6,000 qui, chaque année, sont traduits devant les tribunaux258 correctionnels et vont grossir la population des maisons de correction259.
XII
LE TRAVAIL DES FEMMES
Dans la grande question de l'organisation du travail, des relations entre le capital et le travail, le point le plus délicat est celui qui concerne les femmes.
Moins bien payées que les hommes, ayant plus à lutter contre la concurrence des établissements pénitentiaires ou des communautés religieuses, isolées pour la plupart, les femmes se trouvent, sous le rapport social, dans une situation d'infériorité que les économistes ont vainement cherché jusqu'à présent à faire disparaître.
Mais si, d'une manière générale, la femme ouvrière est insuffisamment payée, si elle ne jouit pas des avantages que trouvent les hommes dans les associations mutuelles que possèdent tous ou presque tous les corps d'états, il est quelques maisons exemplaires ou les ouvrières sont traitées comme de véritables coopératrices et considérées mieux et plus que comme des «abatteuses d'ouvrage.» A la séance publique annuelle de la Société d'encouragement au bien, une des nombreuses récompenses était ainsi motivée: M. Jolifié (Édouard-Hippolyte), cinquante ans, fabricant de broderies, et madame Jolifié, née Louis (Lucile-Augustine), quarante ans, à Paris, se dévouent, depuis vingt ans, au soulagement des ouvriers. M. Jolifié commença à apporter des améliorations dans son industrie en 1866, en installant, à grands frais, une machine à vapeur qui, au point de vue du soulagement de ses employés, obtint un résultat inespéré.
Le confortable et l'hygiène ont toujours été leur constante occupation, s'attacher les ouvriers au prix des plus grands sacrifices, leur faciliter le travail, leur donner l'exemple de la conduite et du devoir accompli, telle fut toujours la base de l'organisation de cette maison.
Les apprenties qu'ils occupent résident chez leurs parents et l'on exige d'elles une conduite, une tenue irréprochables.
Elles reçoivent pendant les quatre premiers mois de 15 à 30 francs. Devenues ouvrières, elles gagnent 3 francs par jour au minimum.
Des fourneaux sont à la disposition des ouvriers pour cuire ou chauffer leurs aliments, ce qui est pour eux une grande économie. La devise de la maison est: Ordre et travail.
Par ces moyens, M. et madame Jolifié se voient entourés d'ouvriers laborieux et dévoués, qui apprécient ce qu'on fait pour eux et acquièrent, par leur assiduité et leur économie, l'assurance d'un avenir exempt de gêne.
En contribuant à la fortune du patron, ils s'enrichissent eux-mêmes.
Une médaille d'honneur collective est accordée à M. et madame Jolifié, qui ont voulu associer leurs ouvrières à cette distinction honorifique. Le 5 juillet 1880, c'était fête dans leur établissement, rue des Fontaines-du-Temple. Le vaste atelier avait été transformé en salle de concert, orné de guirlandes, de feuillage et de fleurs, décoré avec les plus belles pièces de broderies, dont quelques-unes sont de véritables œuvres d'art.
M. Honoré Arnoul, secrétaire général de la Société d'encouragement au bien, présidait la réunion composée de deux cents personnes, y compris les cent ouvrières de la fabrique. C'était une fête de famille où M. Honoré Arnoul a prononcé un discours, dont un passage résume un plaidoyer en faveur des femmes:
«Quand le salaire des femmes sera ce qu'il doit être, quand cette aiguille, si peu prisée, pourra, dans la laine et la soie, gagner, avec certitude, ce qui est juste et équitable, on verra moins de fautes contre les mœurs. L'argent des riches désœuvrés et libertins perdra de sa puissance corruptive, et la fille encore pure marchera d'un pas plus hardi et plus ferme sur les bords de l'abîme fascinateur.»
XIII
EXÉCUTION D'UN PARRICIDE
Le parricide Jules Isaac Huart, condamné à mort par la cour d'assises de la Charente, a été exécuté. Le 27 février 1880, à Cognac, Huart avait lâchement et de la manière la plus féroce assassiné sa bonne vieille mère. Au moment même où il se disposait à la frapper, il l'assurait qu'il n'était venu chez elle que pour l'embrasser. Quand le directeur de la prison est entré dans la cellule du condamné, pour lui apprendre que l'heure était venue, Huart n'a manifesté aucune émotion. Après une demi-minute d'immobilité, il s'est mis sur son séant et s'est disposé à s'habiller. Ceux qui assistaient à son lever étaient plus émus que lui. Resté seul avec M. l'abbé Renaud, vicaire de Saint-Martial, il a causé un quart d'heure avec le digne prêtre; puis un gardien est venu lui offrir des biscuits et un peu d'eau-de-vie qu'il a pris. Un instant après, il a demandé une cigarette. Sur l'invitation de M. l'abbé Renaud d'assister à la messe, Huart a répondu par un signe négatif. Au greffe, il prit encore deux verres de vin et mangea un biscuit. On lui donne lecture des divers arrêts qui le concernent. Il n'écoute pas, et quand on a fini, il demande un nouveau verre de vin et des biscuits. Le parricide a été conduit à l'échafaud, en chemise, la tête couverte d'un voile noir et les pieds nus. Il avait environ vingt mètres à parcourir. Huart les a parcourus, sans défaillance, un bras appuyé sur celui de l'abbé Renaud, l'autre sur celui de l'exécuteur. Huart est très pâle, mais il continue à faire bonne contenance. Les apprêts sont faits en un clin d'œil, la bascule tombe, le couperet s'abat... et un long frémissement agite la foule qui se sépare lentement, vivement impressionnée par ce spectacle terrible.
Le corps du supplicié a été conduit à l'hôpital où l'opération du pesage de la masse encéphalique a été aussitôt faite par MM. les docteurs Fournier et Nadaud, médecins de l'hôpital, assistés de M. le docteur Bonger.
La face de Huart ne présentait aucune contraction; la section, faite par le couperet, était très nette.
Le poids de cerveau et du cervelet atteint 1380
grammes se décomposant comme suit:
Lobe droit du cerveau 600 grammes.
Lobe gauche 600 grammes.
Cervelle 180 grammes.
La masse encéphalique de Huart est à 2 grammes près, semblable à celle de Menesclou, qui a donné un poids de 1,382 grammes.
Aucun vice de conformation n'existait sur la boîte osseuse.
XIV
GRACE ACCORDÉE A UN EMPOISONNEUR
Aujourd'hui, mercredi 5 septembre 1880, a eu lieu au Palais de Justice (salle des appels correctionnels), l'entérinement des lettres de grâce de Baude, l'empoisonneur de Saint-Denis, et d'Oblin, l'assassin de Courbevoie, dont la peine de mort vient d'être commuée par M. le président de la République, en celle des travaux forcés à perpétuité.
Baude avait, pour se venger de son patron, jeté de l'arsenic à pleines mains, dans le pain servi à une centaine de clients, dont heureusement aucun n'a jusqu'ici succombé.
En montant sur le trône, nos rois de France prêtaient (la main étendue sur les Saints-Évangiles) serment de ne jamais faire grâce aux empoisonneurs.
XV
LA RÉORGANISATION DE LA MORGUE
M. le préfet de la Seine, d'accord avec M. le procureur de la République et sur ses indications, avait saisi, il a quelque temps, le conseil général d'un projet de réorganisation de la Morgue, point central des recherches et des expertises judiciaires.
Ce projet consiste à assurer:
La conservation presqu'indéfinie des corps;
La recherche des poisons de toute nature et notamment des poisons volatils;
L'enseignement médico-légal, organisé sur le lieu même où se font les expertises judiciaires.
M. le docteur Brouardel avait reçu la mission d'étudier, dans les principales villes de l'Europe, les laboratoires et les méthodes d'expertises médico-légales.
Dans quelques jours, le conseil général, qui a adopté déjà les conclusions du remarquable rapport du savant professeur, s'occupera de la question pratique.
Ce qui importe avant tout, écrit le médecin-légiste, c'est la conservation des corps. Il faut que l'on puisse les exposer assez longtemps, pour que leur identité soit reconnue. Mais ce n'est pas tout; alors même que l'on a atteint ce but, il peut être utile à la justice d'arrêter longtemps encore la décomposition. Quand un crime a été commis, les marques des violences sont souvent les seuls caractères, qui permettent de saisir les moyens employés pour l'accomplir. Actuellement la crainte de laisser envahir le cadavre par la putréfaction, oblige à pratiquer l'autopsie immédiatement. On pourrait, au contraire, si l'on possédait des moyens de conservation suffisants, reproduire avant l'autopsie, l'aspect des lésions extérieures par le dessin ou même par la peinture et graver ainsi définitivement des stigmates, dont la meilleure description ne donnera jamais qu'une idée vague. Les conclusions de l'autopsie peuvent d'ailleurs être discutées, soit par l'accusation, soit par la défense, et les exhumations répétées, que l'on fait actuellement sont le plus souvent rendues infructueuses par l'état de décomposition du cadavre.
Mais les intérêts de la justice ne sont pas seuls compromis par la décomposition rapide des corps, il faut pouvoir établir «l'état civil» des huit cents personnes, qui sont apportées, chaque année, en moyenne, à la Morgue, à la suite de crimes, de suicides ou de simples accidents, et le temps borné de l'exposition actuelle le permet trop rarement.
XVI
L'AUTOPSIE DE MENESCLOU
L'autopsie de Menesclou a été pratiquée sous la direction de MM. les docteurs Dassay et Sappey. Elle a démontré que l'assassin avait dû être doué d'une force peu commune et que son cerveau, dont le lobe droit était beaucoup plus gros que le gauche, ne pesait pas moins de 1,382 grammes. Les docteurs ont encore pratiqué une autre opération, celle de la transfusion du sang d'un jeune chien, sous la peau de la face; mais soit qu'il se fût écoulé un temps trop long entre le moment de la décollation et celui où a pu être tentée l'expérience, soit aussi tout autre motif, le résultat n'a pas répondu à l'attente des expérimentateurs. Cependant on a remarqué une légère coloration de la peau, ainsi que quelques mouvements des lèvres.
La même expérience, renouvelée sur le tronc, n'a produit aucun effet. Les restes de Menesclou ont été en outre l'objet de diverses recherches d'histologie qui seront ultérieurement mises au jour. Les poumons du supplicié étaient atteints de tubercules. Menesclou était donc phtisique à un degré assez avancé. La taille de Menesclou était de 1 mètre 73. On avait attribué à Menesclou des habitudes contre nature; après vérification des organes examinés, il a été reconnu par M. Dassay, que cette accusation était mal fondée. La famille de Menesclou ignorait encore à midi que le condamné avait été guillotiné, le matin.
XVII
UN RÉGICIDE GLORIFIÉ
Sur une curieuse gravure du temps, possédée par M. F. Febvre, sociétaire de la Comédie-Française, dans son hospitalière Villa Fritz, à Champs, on lit: L'histoire au vray de la Victoire, obtenue par Frère Jacques Clément, Religieux de l'Ordre Saint-Dominique lequel tua, d'un cousteau, Henri de Valois les jours d'Aoust, au bourg St-Cloud, luy présentant une lettre, et le désespoir de d'Espernon, sur la mort du dit Henry de Valois, son maistre.
En un autre coin de la gravure sont inscrits ces
vers:
XVIII
EXÉCUTION A NEW-YORK
Le Messager franco-américain, qui se publie à New-York (août 1880), porte:
Maintenant que Chastine Cox et Pietro Balbo ont payé leur dette à la justice humaine, il sera utile de savoir ce que fera cette même justice des meurtriers, exceptionnellement nombreux, en ce moment, qui attendent ses décisions aux Tombs. On en compte en ce moment dix dans cette prison, et sur ce nombre cinq ont assassiné leur femme. C'est d'abord Augustus Leighton, quarante-quatre ans, d'apparence distinguée et d'humeur joviale. Il avait épousé Mary Deane et s'était séparé volontairement ensuite de son épouse. Malgré cela, il était resté jaloux et comme Mary avait un amant, Leighton lui rendit visite, le 13 juin dernier et l'entourant tendrement de ses bras, lui coupa la gorge.
Vient ensuite Benjamin Davis, le véritable type du nègre et de la brute. Nellie Crawfort, sa femme, menait une existence interlope, dont le misérable profitait. Trouvant qu'elle ne lui donnait pas assez d'argent, il la saisit, la jeta à terre et la tua à coups de botte.
La cellule 41 est occupée par Onnifrio Mangano, c'est encore un Italien et lui aussi a tué sa femme, dans un accès de jalousie.
Deux autres assassins habitent la cellule 15, Charles Powers, qui a tué sa femme dans des circonstances atroces. Catherine Powers venait d'accoucher, lorsque son infâme mari rentra ivre, dans la misérable cave qu'elle occupait. Elle l'appela à son aide et le bandit lui répondit, par des coups de poing et de bâton. Le lendemain, la pauvre mère et son enfant mouraient à l'hôpital.
Thomas Weldon rentre, le 21 juin; les voisins entendent Julia, sa femme, crier bientôt: «Tom, ne me tuez pas.» La brute était ivre et la tue à coups de tisonnier.
Puis viennent ensuite Richard Caulfiel, qui a assassiné, le 29 juin, son camarade Balcock d'un coup de hache; Henri Riley, le charretier meurtrier d'un enfant, qui jouait sur sa voiture; Michael O'Neil, excellent père qui a pris la caisse dans laquelle son bébé dormait sur le toit de la maison et l'a précipitée dans la rue; Frederik Munzberg, qui a assassiné il y a quelques jours le malheureux peintre Xavier Lindhauer; enfin, George Apps, le meurtrier de John Collins.
Comme on le voit, la peine de mort étant aujourd'hui érigée en principe absolu, dans l'État de New-York, il y a de l'ouvrage en réserve, pour le bourreau261.
XIX
DÉPENSE D'UN MÉNAGE PARISIEN (1698)
D'APRÈS MADAME DE MAINTENON
Versailles, novembre 1698.
Lettre de madame de Maintenon à madame d'Aubigné262.
Je vous promets un laquais fort grand; les petits ne sont bons à rien. S'il vous déplaît, chassez-le, si son successeur a le même malheur, chassez-le aussi jusqu'à ce que vous en aie trouvé un bon. J'en ai deux très inutiles, que je vous prêterai. Il vous faut un bon feu, de la gelée et peu de train. Quatre chevaux vous suffiront. Je vous écris tout ce qui me vient dans la tête—non pour vous gêner, mais pour vous instruire.—Vous croirez bien que je connais Paris mieux que vous.
Dans ce même esprit, voici, ma chère sœur, un projet de dépense tel que je l'exécuterais, si j'étais hors de la cour263.
Vous êtes donc deux personnes, monsieur et madame;
3 femmes;
4 laquais;
2 cochers;
1 valet de chambre.
| Quinze livres de viande, à 5 sols la livre | 3 livres | 15 sols. |
| Deux pièces de rôti | 2 | 10 |
| Du pain | 1 | 10 |
| Du vin | 2 | 10 |
| Le bois | 2 | » |
| Le fruit | 1 | 10 |
| La bougie | » | 10 |
| La chandelle | » | 8 |
| —— | —— | |
| 14 livres | 13 sols. |
Je compte 4 sols de vin pour vos quatre laquais et vos deux cochers. C'est ce que madame de Montespan donne aux siens. Si vous avez de vin en cave, il ne vous coûterait pas trois sols. J'en mets 6 pour votre valet de chambre et 20 pour vous deux, qui n'en buvez pas pour trois.
Je mets une livre de chandelle, par jour, quoiqu'il n'en faille qu'une demi-livre.
Je mets 10 sols en bougie; il y en a six à la livre, qui coûte 1 livre 10 sols et qui dure trois jours.
Je mets deux livres pour le bois. Cependant, vous n'en brûlerez que trois mois de l'année; car il ne faut que deux feux.
Je mets une livre 10 sols pour le fruit. Le sucre ne coûte que 11 sols la livre, et il n'en faut qu'un quarteron264 pour une compote.
Je mets deux pièces de rôti; on en épargne une, quand monsieur ou madame soupe ou dîne en ville. Mais aussi j'ai oublié une volaille bouillie pour le potage; nous entendons le ménage. Vous pouvez fort bien, sans passer 25 livres, avoir une entrée, tantôt de saucisses, tantôt de langue de mouton ou de fraise de veau, le gigot bourgeois, la pyramide éternelle et la compote, que vous aimez tant! Cela posé, et que j'apprends à la cour, ma chère enfant, votre dépense ne doit pas passer 100 livres par semaine, c'est 400 par mois. Posons 500, afin que les bagatelles, que j'oublie ne se plaignent point que je leur fais une injustice.
500 livres par mois, font pour votre dépense de bouche | 6,000 livres. |
| Pour vos habits | 1,000 |
| Pour loyer de maison | 1,000 |
| Pour gages et habits des gens | 1,000 |
Pour les habits, l'opéra et les magnificences de monsieur | 3,000 |
Tout cela n'est-il pas honnête? Et le reste de vos revenus ne peut-il suffire à certains extraordinaires, qu'on ne peut prévoir ou éluder, comme quelques grands repas, l'entretien de deux carrosses, l'acquit de quelques petites dettes?
Cent pistoles (mille livres) suffiront pour vos habits. Vous avez une année d'avance, et je vous en donnerai.
Bonsoir, en voilà assez pour un jour. Si de tout ce que je vous ai dit, un mot peut vous être utile, je n'aurai nul regret à ma peine. Et du moins, je vous aurai appris à ne pas dédaigner le ménage; en lisant ce projet, peut-être me trouverez-vous naïve. Essayez-en, et l'on vous trouvera magnifique.
Adieu, mon enfant, aimez-moi comme je vous aime.
XX
ATTAQUES NOCTURNES AUX ÉTATS-UNIS
On s'est plaint à diverses époques, à Paris, à Londres, des attaques nocturnes: voici ce qui se passe, dans les rues de New-York, en plein midi, en 1880, et doit nous consoler et nous fortifier, dans la résignation.
Le mercredi 8 septembre, quelques instants après midi, le nommé James Mooney, mécanicien de son état, demeurant 125 Ouest 24e rue, se rendait tranquillement chez lui, lorsque deux individus l'ont assailli à l'improviste, par derrière, et l'ont renversé sur le pavé. Mooney a tenté de leur résister, mais il n'a réussi qu'à se faire meurtrir la tête et le corps de coups de pied, après quoi l'un des bandits a retourné ses poches et a pris le peu d'argent qu'elles contenaient. Cela se passait au coin de la 6e avenue et de la 24e rue, sous les veux d'une cinquantaine de personnes. Quelques hommes résolus se sont élancés sur les deux audacieux coquins, mais ceux-ci ont aussitôt tiré un revolver et ont menacé de tuer quiconque s'approcherait d'eux. A la vue des revolvers le rassemblement s'est dispersé, en toute hâte, et les deux bandits se sont éloignés tranquillement, sans se presser, personne n'osant les molester.
La police a fini pourtant par les arrêter.
La loi de Lynch est toujours en honneur, en Amérique, et personne ne songe à en médire, quand on croit qu'elle ne fait que devancer l'application de la loi régulière; mais souvent elle est inspirée par d'autres sentiments que ceux de la justice, comme dans le cas suivant:
Un nommé Thomas Mac Donald, âgé de vingt-huit ans, fermier, demeurant près de Commercial-Point, à quelques milles de Columbus (Ohio), a été enlevé de sa maison et pendu à un arbre d'un bosquet voisin, par des hommes restés inconnus. Mac Donald était venu du Kentucky, il y a quelques années et avait épousé la fille d'un riche cultivateur de la localité.
Il s'était fait détester de ses voisins, par son caractère querelleur et vindicatif. Samedi dernier, il s'est pris de querelle avec l'un d'eux, nommé Thomas Beaver, et a été fort maltraité. Les villageois ont ensuite décidé de se débarrasser de lui, et pour cela ils n'ont rien trouvé de mieux que de le pendre.
Quant aux exécutions régulières, il y en a toutes les semaines. Cette semaine, deux nègres, Williere Powell et Achille Thomas, âgés de dix-neuf et vingt-trois ans, ont été pendus devant la Court House de la paroisse Saint-James (Louisiane), en présence de trois mille spectateurs. Il avaient été condamnés comme meurtriers d'un nommé Théogène Gaudet. Tous deux ont parlé du haut de l'échafaud, un quart d'heure environ. Ils ont reconnu leur culpabilité et exprimé l'espoir de recevoir le pardon de Dieu. La mort produite par strangulation pour chacun d'eux, n'est survenue qu'après vingt-six minutes de pendaison.
Décidément, nous n'avons pas tant à envier à la libre Amérique, en France, on ne tue plus que les honnêtes gens, livrés au bon plaisir des malfaiteurs.
XXI
MEURTRE D'UN DENTISTE
(Francisco, 1er juillet 1880).
A Oakland, le docteur Alfred Lefèvre265, dentiste établi en cette ville, a été blessé mortellement de deux coups de revolver, par un des principaux employés de la London and San Francisco Bank, M. Édouard Schrœder, lequel était venu à Oakland pour accomplir son funeste projet. La victime n'a survécu que peu d'instants à sa blessure; la balle lui ayant perforé les intestins.
Le docteur Alfred Lefèvre était l'un des plus populaires et des plus habiles dentistes d'Oakland, où il résidait depuis dix-sept ans et où il avait toujours joui d'une excellente réputation, aussi bien comme homme privé que comme praticien émérite. Il était âgé de quarante-sept ans et natif de France. Il laisse une veuve et quatre enfants, dont l'aîné n'a pas encore onze ans et le plus jeune quatorze mois.
Edward F. Schrœder, l'assassin du docteur Lefèvre, est un jeune homme de trente-deux ans, occupant une fort jolie position à la Banque de Londres, à San Francisco. Il a toujours mené une conduite exemplaire et s'est acquis l'estime générale. Sa jeune femme, âgée d'environ vingt-cinq ans, est la fille du Rév. docteur Stebbins, de San Francisco. Il l'avait épousée clandestinement et à l'insu de son père, qui s'en était montré scandalisé. Mais depuis lors, l'accord s'était fait dans la famille qui vivait en bonne intelligence.
Quant aux causes réelles qui ont motivé la tragédie, elles ne sont pas encore bien établies, et il règne à ce sujet quelques doutes, que n'a pas éclaircis l'enquête. Il est néanmoins certain que madame Schrœder, qui habitait Oakland, avait souvent rendu visite au docteur Lefèvre, dans le but de se faire nettoyer ou arracher des dents.
Elle rapporte que, lors de sa dernière visite, c'est-à-dire samedi dernier, elle aurait été soumise par le dentiste à l'influence du chloroforme, et qu'en cet état le docteur Lefèvre l'aurait outragée. Lundi, dans l'après-midi, elle était allée au-devant de son mari, arrivant de San Francisco, et l'avait informé de ce qui lui était arrivé. Le mari, voulant venger l'honneur de sa femme outragée, serait allé immédiatement trouver le docteur pour le tuer.
D'après une autre version, celle de Mary Agnew, qui a depuis fort longtemps été employée, par le docteur Lefèvre, en qualité d'assistante, pendant les opérations, il paraît établi que jamais le docteur n'a administré le chloroforme à l'une de ses clientes, sans qu'une tierce personne fût présente; que d'ailleurs les portes étaient toujours grandes ouvertes, afin que tout le monde pût aller et venir, et que266, par conséquent, il était littéralement impossible qu'il se passât rien d'illicite.
Maintenant les docteurs experts appelés en témoignage ont émis l'opinion que l'emploi des agents anesthésiques sur des patients, pouvaient leur causer certaines hallucinations, qui leur faisaient croire à l'accomplissement de faits, qui n'existaient que dans leur imagination, et ils en concluent que l'accusation, formulée par madame Schrœder contre le docteur Lefèvre, pourrait bien être purement imaginaire.
Quoi qu'il en soit, le jury du coroner, en rendant son verdict, a déclaré que le défunt Alfred Lefèvre, âgé de quarante-sept ans, et natif de France, était mort le 26 juillet, dans son office, au coin des rues Huitième et Broadway, à Oakland, par suite d'une hémorragie interne, causée par une blessure d'arme à feu dans la région de l'abdomen, et que cette blessure lui avait été infligée, par un nommé Edward F. Schrœder, coupable du crime de meurtre.
Les débats qui auront lieu au cours du procès détermineront sans doute le cas qu'on doit faire de certaines versions contradictoires. En attendant, et comme pour ajouter encore au mystère, qui semble entourer cette tragique affaire, on rapporte que madame Schrœder a disparu du domicile de son père, où elle s'était réfugiée avec ses enfants, et l'on ajoute qu'elle aurait dit à la prison de ville en quittant son mari qui l'engageait à prendre soin des enfants: «Adieu! car vous ne me reverrez plus vivante!»
XXII
EXÉCUTION DANS LES PRISONS ET CORDES DE PENDUS
On se rappelle que lors du ministère de M. Dufaure, un projet fut élaboré concernant la façon dont seraient réglées, à l'avenir, les exécutions capitales267.
Aux termes de ce projet, on voulait éviter de rendre publiques ces exécutions, tout en leur maintenant la publicité exigée par la loi. Nous croyons savoir que les Chambres auront à en délibérer, dans le cours de la présente session. Cette mesure est bien inutile; il importe de maintenir au supplice, sa publicité, son exemple et de mettre, autour de l'échafaud, un important cordon de troupes, comme pour les exécutions militaires. On ne croira pas, en France, à la réalité de l'exécution, qui n'aura pas eu lieu en public.
Dans une pendaison de cinq Allemands (faisant partie d'une bande d'assassins), qui vient d'avoir lieu (août 1880) aux État-Unis, la foule se précipita de force dans l'une des cours de la prison, où le supplice venait d'avoir lieu, et là, elle piétina les corps, encore chauds, des condamnés, pour leur arracher et se partager les cordes des pendus, sur les corps desquels des industriels mirent des affiches, pour réclames.
Le même fait s'est récemment produit à l'Opéra de Paris, où un machiniste s'était pendu, sous la scène. Quand le commissaire de police du IXe arrondissement, M. Daudet, vint, pour constater le suicide, on ne put lui représenter un seul morceau de la corde, tous les rats l'avaient coupée et partagée, pour se porter bonheur, dans leur carrière si agitée.
XXIII
LE SUICIDE
«Nous sortons de cette vie par trois portes: l'une immense, aux proportions colossales, par laquelle passe une foule de plus en plus compacte, c'est la porte des maladies; la seconde, de moindre grandeur, et qui semble se rétrécir graduellement, c'est la porte de la vieillesse; la troisième, sombre, d'apparence sinistre, toute maculée de sang, c'est la porte des morts violentes, accidents, meurtres, duels et suicides.»
Ces lignes, extraites d'un livre curieux et rare, l'Ordre divin, par le révérend Sussmilch, ont été écrites en 1740, et, de nos jours, elles ont acquis un caractère frappant de vérité.
En effet, si la mortalité par les maladies peut avoir quelque peu diminué, la mortalité, par les accidents et surtout par les suicides, s'augmente, dans des proportions extraordinaires. La rapidité d'accroissement du nombre des morts volontaires dans les divers États européens est aujourd'hui telle que les gouvernements se sont émus et ont prescrit des enquêtes, dont les résultats ne sont pas encore connus très complètement, quant aux causes déterminantes de la mort volontaire, mais ont été dénombrés, avec une grande exactitude, par pays et par époques.
Un statisticien Italien, le professeur Morselli, a relevé les résultats déjà constatés, car il établit ces points principaux: 1º Que le suicide s'accroît, à peu d'exceptions près, dans tous les pays européens; 2º Que la proportion d'accroissement du nombre des suicides est plus rapide que la proportion d'accroissement de la population. Il s'ensuivrait donc que le nombre des morts volontaires augmente, avec les progrès de la civilisation matérielle et avec l'affaiblissement des idées religieuses.
En comparant les chiffres des suicides, obtenus pour les trente dernières années du siècle, on constate que le nombre moyen annuel des suicides est passé de 1845 à 1875:
De 212 à 347 pour la Suède; de 138 à 129 pour la Norvège; de 306 à 448 pour le Danemark; de 1,642 à 3,343 pour la Prusse; de 235 à 362 pour la Belgique; de 340 à 706 pour la Saxe royale; de 809 à 2,472 pour l'Autriche; de 2,951 à 5,256 pour la France268.
On ne connaît pas les chiffres de l'Angleterre et de l'Italie, pour la période de 1865 à 1875; mais de 1025 suicides annuels qu'elle comptait vers 1850, l'Angleterre est passée au chiffre de 1544, pour la période de 1871 à 1875. L'Italie comptait, pendant la période de 1860 à 1865, une moyenne annuelle de 718 suicides; ce chiffre est passé à 923 pour la période de 1871-1875. En Hollande, on n'a pas de chiffres antérieurs à la période de 1865-1877; ce pays comptait à cette époque 94 suicides contre 146 dans la dernière série d'années. Notons enfin, pour qui voudrait comparer les nombres des suicides, en France et en Allemagne, que la proportion d'accroissement a été beaucoup plus forte, dans l'ensemble des contrées, groupées sous la qualification d'empire Allemand, que dans notre pays. Ce nombre, qui, en 1845, était de 2751, s'est élevé au chiffre de 5389 pendant la période dernière de 1871 à 1875.
Sauf dans les pays Scandinaves, où l'épidémie du suicide paraît s'être amoindrie, on constate que partout il y a progression et dans quelques pays les aggravations sont énormes. Ainsi, de 1845 à 1875, le fléau du suicide a doublé en Prusse, en Bavière, en Saxe, a triplé en Autriche et dans le duché de Bade; il a augmenté de 80 pour cent en France, d'environ 60 pour cent en Angleterre, en Danemark, en Belgique. Les contrées où la proportion d'accroissement est vraiment effrayante sont: le canton de Neuchâtel, où cette proportion a quadruplé; celui de Genève, où elle a triplé.
Bien que les nombres cités plus haut soient le résultat de relèvements, faits avec soin sur des documents officiels, il n'en est pas moins vrai que l'exactitude des déclarations n'est pas la même pour tous les pays.
Il existe, en effet, un très grand nombre de localités où le décès, par suicide, échappe aux constatations judiciaires, par suite à la statistique. Si une telle constatation est facile, dans les contrées de populations agglomérées, elle est plus difficile, dans les pays où les habitants se trouvent disséminés sur de grands espaces, où les familles peuvent plus aisément dissimuler les causes véritables du décès.
Par conséquent, si nous connaissons, d'une manière précise, le chiffre des décès par suicide, dans les grands pays comme la France et l'Angleterre, il n'en est pas de même pour l'Allemagne, l'Autriche, la Russie, l'Italie, où nombre d'habitants n'ont que peu de relations avec les centres administratifs.
A quelles causes faut-il attribuer cette maladie du suicide, un genre de folie, suivant beaucoup de médecins, qui doit avoir pour origine une lésion au cerveau?
M. Morselli divise ces causes ou influences en quatre grandes divisions: la division des influences cosmiques ou naturelles; la division démographique, la division sociale et la division individuelle, cette dernière embrassant, comme subdivisions, le sexe, l'état civil, la profession, la condition sociale, le tempérament mental, etc.
Les influences dites cosmiques, c'est-à-dire de climat, de saison, de jour et d'heure, ne donnent que des résultats négatifs. Toutefois, on a constaté une simultanéité entre l'accroissement du nombre des suicides et l'élévation de la température.
Les influences ethnographiques et démographiques ne paraissent pas devoir nous arrêter, car on ne découvre pas aisément quels sont les rapports qui peuvent exister entre les mœurs et les usages du pays et la fréquence des suicides. Notons toutefois que l'influence de race paraît se manifester surtout pour les peuples Germains, puisque dans tous les États Allemands, qu'ils fassent partie de l'Empire Allemand ou de l'agglomération Autrichienne, le nombre des suicides qu'ils comptent, est constamment le plus élevé.
Les influences sociales ne se font sentir bien clairement que pour le culte. On remarque que le suicide est plus fréquent chez les protestants que chez les catholiques et surtout les juifs. La densité de la population reste sans importance sur le chiffre des suicides, mais c'est un fait bien connu, que l'on se suicide beaucoup plus fréquemment et beaucoup plus facilement, dans les villes que dans les campagnes.
Les influences individuelles, biopsychologiques sont celles que l'on a essayé le plus souvent de déterminer, d'une manière précise. Trois points seulement sont établis sans réplique, c'est que le nombre des femmes qui se tuent est de trois à quatre fois moins élevé que celui des hommes; que le suicide fait moins de victimes, parmi les personnes, engagées dans les liens du mariage, que parmi celles qui vivent isolées, principalement en ce qui concerne les hommes. On constate, en effet, que le nombre des morts volontaires est beaucoup plus élevé parmi les célibataires que chez les veufs, et plus élevé également chez les veufs que chez les hommes mariés.
Enfin le suicide s'accroît avec l'âge jusqu'à la limite extrême de la vie, le nombre de personnes suicidées est plus grand parmi les vieillards que parmi les personnes, dans la jeunesse ou dans la force de l'âge.
Quant aux motifs de suicides, il est difficile de les établir d'une manière bien précise, les statistiques officielles ne donnant, à cet égard, aucun renseignement sur lequel on puisse baser une opinion. La cause de cette lacune réside surtout dans ce fait que les familles, si elles déclarent le suicide d'un parent, n'indiquent pas toujours les causes de sa funeste résolution.
Notons aussi que pour un grand nombre de suicides, quand l'individu se tue secrètement ou loin de sa demeure, la cause de sa mort reste absolument inconnue. On peut toutefois énumérer comme causes principales de suicide: la perte de la fortune, le désir d'échapper à une action judiciaire, celui de ne plus être à charge à une famille, les déceptions de cœur269, la monomanie, les maladies incurables et douloureuses, etc.
Un curieux enseignement ressort des documents statistiques que l'on possède en France: les motifs qui poussent la femme au suicide sont habituellement plus généreux, plus élevés, plus empreints de cette grande morale, qui rend bien des philosophes indulgents pour le suicide.
Quant aux modes de suicide, ils varient peu, suivant les pays, partout les désespérés ont recours à la pendaison, au pistolet, à l'arme blanche, au poison, à l'asphyxie par immersion ou le charbon. Les femmes ont rarement recours aux armes blanches ou à feu, mais presque toujours se donnent la mort, par les deux derniers modes indiqués.
La manie du suicide est-elle guérissable? A cette question manque la réponse, puisqu'aux philosophes qui réclament, pour la combattre, une instruction forte et étendue, une éducation morale bien suivie, on répond que le suicide est aussi commun dans les classes élevées de la société que parmi les classes inférieures. Seules, les personnes dont les convictions religieuses sont sincères, à quelque culte qu'elles appartiennent, ne présentent que des cas fort rares de suicides; quels que soient leurs chagrins, leurs déceptions et leurs souffrances, elles se conforment au précepte religieux, qui interdit à l'être humain de chercher à devancer l'heure finale de sa vie.
XXIV
CONSTAT DES SUICIDES EN AMÉRIQUE
États-Unis (New-York, 9 septembre 1880). Voici quelques menus faits, dont la signification concorde bien avec le caractère spécial aux mœurs Américaines. Commençons par le monde judiciaire. Un coroner, nommé Herman, a expédié, dans une seule audience, quatorze enquêtes de cas de suicides, qui avaient été laissées en retard, pour une cause ou pour une autre, et dont les «sujets» étaient enterrés depuis un mois ou deux. Le jury a refusé, malgré les adjurations du coroner, de considérer comme sérieuses ces formalités, qui ne pouvaient plus avoir aucune raison d'être, sauf de justifier le payement des honoraires légaux.
Dès le commencement de la séance, les jurés ont demandé à voir les corps, attendu qu'en cas de suicide l'enquête doit être tenue «sur le corps.» Le coroner a répondu que la loi exigeant la vue du corps est tombée en désuétude, et le jury s'est prêté complaisamment à jouer le rôle jusqu'au bout, mais non sans quelques taquineries, destinées à rappeler au coroner que la fournée d'enquêtes tardives par lui entreprise, était purement et simplement une farce lugubre. Dans le premier cas, qui était celui d'un homme qui s'est tué avec un pistolet, on a proposé un verdict censurant les armuriers, qui vendent des pistolets, avec lesquels les acheteurs se suicident ensuite, et l'on a finalement rendu un verdict de «mort causée par une maladie des reins, accélérée par un coup de pistolet, dans la tête.» Le deuxième sujet s'était pendu. Un juge a demandé de censurer toutes personnes, vendant aux gens des cordes, dont ils abusent pour se pendre. Pour les autres cas, le jury, ne voulant pas éterniser la séance, s'est borné à proclamer que le défunt «s'est suicidé de ses propres mains.»
XXV
LE SYSTÈME PÉNITENTIAIRE EN FRANCE
Le nouveau conseil aura lieu de s'occuper de la loi récente, prescrivant pour les condamnés, l'établissement du système pénitentiaire, l'organisation de notre système cellulaire devient une question d'actualité, que nous allons étudier brièvement.
Le service pénitentiaire est placé sous l'autorité du ministre de l'intérieur (sauf en ce qui concerne les prisons affectées aux militaires et marins, dont le service ressortit au ministère de la guerre et de la marine).
En outre, depuis la suppression des bagnes, qui a eu lieu sous l'Empire, en 1854, les lieux d'outremer, affectés à la transportation, dépendent du ministère de la marine.
Les condamnés à plus d'un an de prison subissent leur peine dans une maison centrale.
Voici, du reste, le dénombrement statistique des prisons et des établissements pénitentiaires sur lesquels s'étendra la juridiction du nouveau conseil supérieur des prisons.
Il existe actuellement, tant en France qu'en Algérie, 15 établissements pénitentiaires affectés aux hommes.
Ces établissements sont, pour la France: Albertville, Aniane, Beaulieu, Clairvaux, Embrun, Eysses, Fontevrault, Gaillon, Loos, Melun, Nîmes, Poissy, Riom.
Pour l'Algérie: Lambessa, l'Harrach.
Il faut ajouter à ces quinze établissements les trois pénitenciers agricoles de la Corse, qui sont: Casabianda, Castelluccio et Chiavari.
Cela fait en tout dix-huit maisons centrales, maisons de détention ou pénitenciers agricoles.
Il existe en outre pour les condamnés, pour faits insurrectionnels 2 maisons de détention (Belle-Isle et Thouars) et une maison centrale de correction spéciale à Landerneau. Les établissements pénitentiaires affectés aux femmes, sont au nombre de 7, dont 6 pour la France et 1 pour l'Algérie.
Ce sont en France: Auberive, Cadillac, Clermont, Doullens, Montpellier et Rennes.
En Algérie: Le Lazaret.
En dehors des maisons centrales, maisons de détention et pénitenciers agricoles, il existe en France 38 établissements d'éducation correctionnelle affectés aux garçons.
Ce sont: les Douaires, Saint-Bernard, Saint-Hilaire, Saint-Maurice, le val d'Yèvre, Dijon, Lyon, Nantes, Rouen, Villeneuve-sur-Lot, Armentières, Autreville, Bar-sur-Aube, Beaurecueil, Citeaux, Courcelles, Fontgombault, Fontillet, La Trappe Jommelières, Labarde, La Loge, Langonnet, Le Luc, Mettray, Moiselles, Naumoncel, Oullins, Saint-Éloi, Sainte-Foy, Saint-Ilan, Saint-Urbain, Société de patronage de la Seine, Tesson, Vailhanquez, Voigny.
En Algérie, il n'existe qu'un seul établissement d'éducation correctionnelle, affecté aux garçons: c'est M'zéra.
Les établissements d'éducation correctionnelle, affectés aux filles, sont au nombre de vingt-cinq. Savoir: Nevers, Saint-Lazare, Sainte-Marthe, Amiens, Angers, Bavilliers, Bordeaux, Bourges, Diaconesses, Dôle, Israélites, la Madeleine, le Mans, Limoges, Lyon, Méplier-Blanzy, Montpellier, Rouen, Sainte-Anne-d'Auray, Saint-Omer, Sens, Société de patronage de la Seine, Tours, Varenne-les-Nevers et Villepreux.
On ne compte en Algérie aucun établissement d'éducation correctionnelle affecté aux filles.
Ajoutons qu'il existe en outre des maisons d'arrêt, de justice et de correction dans tous les départements, et des dépôts de sûreté dans tous les chefs-lieux de canton.
Enfin il y a à l'île Saint-Martin de Ré un dépôt, pour les condamnés aux travaux forcés, avant leur transférement dans les colonies de déportation et de transportation.
XXVI
UN LYPÉMANIAQUE
En 1849, Bertrand, le vampire du cimetière Montparnasse, y déterrait les cadavres, la nuit, les dépeçait avec son sabre et ses dents, sans les violer ni les voler; il était âgé270 de vingt-cinq ans et demi, sergent au 74e de ligne. Le docteur aliéniste Marchal (de Calvi) vint déclarer que, pour lui, Bertrand, était un lypémaniaque, un homme absolument irresponsable de ses actes271. Voici comment Bertrand, dans une note, expliquait lui-même les horribles tentations, auxquelles il succombait: Ce n'est que le 23 ou le 25 février 1847, qu'une espèce de fureur s'est emparée de moi et m'a porté à accomplir les faits pour lesquels je suis arrêté. Étant allé un jour me promener à la campagne, avec un de mes camarades, nous passâmes devant un cimetière; la curiosité nous y fit entrer. Une personne avait été enterrée la veille; les fossoyeurs, surpris par la pluie, n'avaient pas entièrement rempli la fosse et avaient, de plus, laissé les outils sur le terrain. A cette vue, de noires idées me vinrent; j'eus comme un violent mal de tête, mon cœur battait avec force; je ne me possédais plus. A peine débarrassé de mon camarade, je retourne au cimetière; je m'empare d'une pelle et je me mets à creuser la fosse. Bertrand raconte ainsi lui-même,—dans un mémoire adressé au médecin,—les diverses exhumations et profanations, auxquelles il s'est livré, et il ajoute: Nous étions au camp d'Ivry. Pendant la nuit, les sentinelles étaient très rapprochées et leur consigne était sévère; mais rien ne pouvait m'arrêter. Je sortais du camp, toutes les nuits, pour aller au cimetière de Montparnasse, où je me livrais à de grands excès. La première victime de ma fureur fut une jeune fille, dont je dispersai les membres après l'avoir mutilée. La seconde fois, je déterrai une vieille femme et un enfant, que je traitai de la même manière que mes autres victimes. Tout le reste se passa dans le cimetière où sont enterrés les suicidés et les personnes mortes aux hôpitaux. Il est à remarquer que je n'ai jamais pu mutiler un homme; je n'y touchais presque jamais, tandis que je coupais une femme en morceaux, avec un plaisir extrême. Je ne sais à quoi attribuer cela?
XXVII
LES CHAMPS-ÉLYSÉES ET LE BOIS DE VINCENNES
On n'ose plus trop parler de l'aventure du bois de Vincennes et de l'historiette, digne de certaines pages de Tallemant des Réaux, qui a conduit, devant des juges civils, un ancien capitaine de l'armée et un artilleur de la garnison. C'est un joli scandale. Il amène aussitôt sur les lèvres des citations d'une étrange latinité et fait penser au pasteur Corydon. Triste pastorale et lugubre matière à plaisanteries. On a peut-être un peu trop abusé d'une certaine excuse, en plus d'un crime272, l'excuse pathologique. En bien des cas, en effet, la maladie est une circonstance par trop atténuante. Mais, si jamais lésion cérébrale dut être recherchée, c'est, évidemment ici; il doit y avoir là je ne sais quel trouble malsain, pathologique, un capitaine amené avec le canonnier, ce Chouard en uniforme, devant un aliéniste, n'eût pas fini sur les bancs d'un tribunal. Le médecin eût peut-être été dur pour la raison et l'état sanitaire de cet homme, mais il eût évidemment sauvé son honneur. Voilà une affreuse chute: il paraît que ce soldat fut un brave. Il avait vaillamment gagné l'épaulette, qu'il laissa pour se faire pianiste. Premier symptôme morbide, ce qui ne serait peut-être pas très flatteur pour les pianistes, mais ce qui est fort exact. Le capitaine concertant devint un moment à la mode, on l'applaudit à la salle Hertz, il donna des concerts suivis. L'Illustration publia son portrait, absolument comme s'il se fût agi d'un nouvel académicien, d'un premier ministre, nouvellement arrivé au pouvoir ou du petit prodige Jacques Inaudi, plus fort que Barême. Qui diable eût jamais pu s'imaginer que le capitaine finirait par une telle aventure, par une idylle à la Virgile, d'une antiquité douteuse? En y songeant, la pitié s'en mêle et on en vient à se dire: «Ne parlons point d'un tel sujet. Cela est trop répugnant et trop mélancolique!»
Des philosophes, ont même poussé l'émotion jusqu'à conseiller au capitaine d'en finir bel et bien et tôt par un coup de pistolet, dans la cervelle. Ce sont là des choses qu'on exécute, mais qu'on ne conseille point, surtout du fond d'un cabinet de rédaction. Le malheureux sait sans doute aussi bien que vous ce qui lui reste à faire! Mais à ce dénouement qui s'appelle le suicide et qui implique l'idée de remords et de châtiment, ne vaudrait-il pas mieux le cabanon à perpétuité, qui serait du moins une explication et une excuse? Sterne et Balzac, qui croyaient à l'influence des noms, eussent remarqué que l'y grec figurait dans chacun des noms de ces imitateurs d'une forme de l'amour Grec. Voulez-vous que je vous dise? Il ne faut pas croire aux noms, et le détraquement du cervelet, en matière littéraire, aura quelque peu agi sur cet homme. Le bizarre, l'excentrique, le paroxysme (avec un y grec) menacent d'envahir toutes choses, et il n'y a plus guère à compter sur rien. Pas plus tard qu'hier, un journal me tombe sous les yeux, dont le titre enrubanné et tendrement élégant pouvait bien faire espérer, je pense, une littérature un peu douce et reposante: le Troubadour, après Alphonse et Nana! Les contrastes toujours.
XXVIII
SIGNES D'IDENTITÉ
L'identité des malfaiteurs se constate par des photographies, par des signalements, par les tatouages, pratiqués dans les bagnes et les prisons, stigmates ineffaçables. On dit que les signes certains de l'identité sont: l'écriture, le visage, les pieds et la parole. D'après le docteur Delaunay, la voix est plus aiguë chez les animaux inférieurs que chez les supérieurs, chez les oiseaux que chez les mammifères. Les anciens devaient avoir la voix aiguë, car sur les statues Grecques et Romaines n'apparaît pas la pomme d'Adam, qui est d'autant plus prononcée que la voix est plus basse et qu'ils regardaient comme une difformité. Les peuples primitifs de l'Europe devaient être des ténors, leurs descendants sont des barytons, nos petits-fils auront des voix de basse-taille. Les races inférieures (Nègres, Mongols) ont la voix plus haute que les races blanches supérieures. On est ténor à seize ans, baryton à vingt-cinq ans, basse à trente-cinq; les faibles et les petits ont la voix plus haute que les forts et les grands. Les blonds ont la voix plus aiguë que les bruns, les blondes ont la voix flûtée. Les soprani et les ténors sont blonds, les contralto et les basses sont bruns; les premiers sont minces et grêles, les basses gros et ventrus. Les ténors sont des départements Pyrénéens, les basses du Nord; la voix est plus aiguë, le matin que le soir,—aussi la musique de matines est-elle plus élevée que celle des vêpres—la voix est plus haute l'été que l'hiver273.
XXIX
LES RÉCIDIVISTES
Une délibération prise par le conseil municipal de Verneuil, propose que «tout homme ou femme condamné pour la troisième fois, y compris les condamnations antérieures pour délit de vagabondage ou de vol, soit expatrié à vie dans une colonie pénitentiaire, agricole d'outre-mer.»
De leur côté, les francs-maçons de la loge «le Travail et la Persévérante amitié» adressent aux députés une pétition, dans le même sens; ils ajoutent «qu'après un certain temps de séjour à la colonie, le condamné, dont la conduite serait satisfaisante et honnête, pourrait avoir les moyens de se réhabiliter; dans ce cas, il lui serait fait don d'une fraction du sol, dont il deviendrait le propriétaire.»
Cette pétition se signe chez le vénérable de la Loge, M. Garnier, 82, boulevard des Batignolles.
Le nombre des signatures sera tel que la Chambre ne pourra se dispenser de s'en occuper. On aura peut-être un moyen d'action contre les prostituées274, si audacieuses, qui considèrent le nombre de leurs condamnations comme des chevrons d'honneur, gagnés au service et que la perspective d'un voyage aux pays d'outre-mer rendrait sans doute moins effrontées ou corrigerait275.
XXX
LES ACTRICES, LEURS DÉPENSES ET TOILETTES
Un écrivain déplore les exagérations de mise en scène, auxquelles certains directeurs se laissent entraîner depuis plusieurs années. Il conclut, du luxe des décors et des accessoires que les actrices, se montrant au milieu de ces magnificences, ont été obligées elles-mêmes de renoncer à «la sainte mousseline» et de faire la fortune des couturières célèbres. Les artistes femmes, sauf de très rares exceptions, ne vivent plus de leur état. Il n'y a pas de pièce aujourd'hui, qui n'exige d'une comédienne qu'elle change de robe à chaque acte. Et quelles robes! Il n'est pas un de ces costumes, qui ne vaille de huit à quinze cents francs; quelques-uns coûtent davantage.
On peut dire qu'en moyenne toute création revient, à toute comédienne, sur un théâtre de genre, à 3 ou 4000 fr. Or, elle est considérée comme ayant de beaux appointements, quand on lui donne 7 à 800 fr. par mois.
On voit tout de suite la conséquence. Les directeurs cherchent, non les meilleures comédiennes, mais les plus richement entretenues...
Il m'arrive souvent dans mon cabinet, des jeunes filles piquées de la tarentule du théâtre, qui me demandent conseil sur les moyens d'y pénétrer. La première question que je leur adresse est celle-ci:
—Avez-vous de la fortune?
Elles me répondent généralement que c'est au contraire pour gagner beaucoup d'argent, en même temps qu'un peu de gloire, qu'elles prétendent entrer dans l'art dramatique.
—Eh bien! mon enfant, il faut en faire votre deuil. On n'est pas payée, on paye, pour être comédienne. On ne gagne d'argent dans cette profession qu'en y ajoutant un autre métier, qui en est l'annexe. Le tout est de savoir si vous vous résignez d'avance à cette nécessité.
Aucune ne veut me croire. Toutes me citent des noms; quelques-unes sont des exceptions brillantes. Les autres... Pour les autres, hélas! il y a le revers de la médaille, et tout ce qui reluit n'est pas or. Avec un talent hors ligne, une grande réputation et une incontestable honnêteté, telle que l'on envie n'a réussi qu'à réaliser dix ou vingt mille francs de dettes, qu'il lui faudra bien payer, un jour. Et comment? Son directeur, lui, n'entre pas dans les considérations de morale. Il lui distribue un rôle qui exige 4,000 fr. de toilette. C'est à elle de se les procurer.
Ces costumes, elle ne saurait s'en passer, car à côté d'elle paraîtra une comparse, une grue, à qui le velours, les plumes et les diamants ne coûtent rien, et par qui elle ne peut se laisser écraser. Il y a entre toutes ces dames une émulation de magnificence où le talent, réduit à ses seules ressources, serait inévitablement vaincu.
Est-ce que la convention dont je parlais tout à l'heure n'eût pas été bonne à conserver? Le théâtre est devenu, peu à peu, la proie des filles entretenues, et le mal va empirant tous les jours.
On n'obtiendra de réforme sur ce point que si elle est déjà accomplie, dans le reste de la mise en scène. Quand les fauteuils sont recouverts de vrai lampas, quand les rideaux sont de brocatelle, quand les meubles sont de palissandre ou d'ébène, quand les tapis viennent de Smyrne, quand tous les accessoires donnent à l'imagination l'idée de la richesse somptueuse, est-il possible que la femme, ce meuble vivant, apparaisse vêtue d'une simple mousseline?
Si les directeurs pouvaient s'entendre sur la mise en scène, la diminution de leurs dépenses aurait pour résultat la possibilité d'abaisser le prix des places et de conserver la vertu des débutantes276.
XXXI
LE MOUVEMENT DE LA POPULATION EN FRANCE (1878)
Le tableau du mouvement de la population de la France, pour la dernière année, dont on a les résultats authentiques, c'est-à-dire pour l'année 1878, constate que nous n'avons pas fait un pas en avant.
Loin de là, puisque la population de la France n'a réalisé qu'un gain de 98,175 habitants, produit par la soustraction du nombre de décès, faite du nombre des naissances de l'année. Il est né, en 1878, 444,316 enfants du sexe masculin et 424,983 enfants du sexe féminin issus de mariages, et, en outre, 35,032 garçons et 32,880 filles issus d'unions illégitimes, soit en tout 937,211 enfants des deux sexes, sans compter 43,251 enfants mort-nés. Les décès ont été au nombre de 839,036: 432,867 pour les hommes et 406,169 pour les femmes.
Dans 61 départements il y a eu un excédent de 119,315 naissances, et dans les 26 autres un excédent de 21,140 décès. D'où se dégage l'excédent général de 98,175 habitants nouveaux.
Depuis 1871, nous avions eu successivement un excédent définitif de 172,936 naissances en 1872, de 101,776 en 1873, de 172,943 en 1874, de 105,913 en 1875, de 132,608 en 1876 et de 142,662 en 1877. Le chiffre de 1878 sera le plus faible de toute la série. Or les mariages se ralentissent277, et là est l'une des causes, et la principale évidemment, du ralentissement de la population, chez nous, tandis que les autres nations croissent et multiplient, suivant les préceptes de l'Évangile.
XXXII
LE DÉPÔT DE LA PRÉFECTURE DE POLICE
Tous les individus déposés dans les violons, qui ne sont pas relâchés après l'interrogatoire, que leur font subir les commissaires de police chez lesquels ils sont amenés, sont conduits au Dépôt, bureau de la permanence, et remis à deux inspecteurs principaux de la police municipale, auxquels on remet également le procès-verbal du commissaire de police et l'ordre, délivré par lui de faire conduire la personne arrêtée au Dépôt.
Il y a au Dépôt de la préfecture deux quartiers, comprenant en tout 209 cellules, dont 50 environ sont absorbées par divers services, en sorte qu'on ne dispose que de 83 cellules pour les hommes et de 76 pour les femmes. Quant aux enfants, ils sont en commun, le jour comme la nuit.
La population journalière du Dépôt, s'élevant en moyenne à plus de 500 individus, il est donc impossible de donner une cellule à chacun d'eux. Les cellules sont réservées d'abord à ceux que, dans l'intérêt de la justice ou dans leur propre intérêt, il est bon d'isoler: les cellules restantes sont données à ceux qui les demandent, dans l'ordre de leur arrivée au Dépôt.
Les prisonniers, auxquels une cellule n'a pu être accordée, sont enfermés dans deux grandes salles communes, sous la garde d'agents spéciaux. L'une des salles, la plus petite, connue sous le nom de salle des habits noirs, est destinée à ceux dont la mise est sinon convenable, au moins non encore délabrée. On met tous les autres dans la grande salle, la salle des blouses.
Cette grande salle commune, où se trouvent enfermés et quelquefois entassés des hommes, descendus au dernier degré de la corruption, constitue le lieu le plus horrible qu'on puisse voir.
La surveillance y est difficile: elle s'exerce du haut d'un balcon, qui domine la salle, car placés au milieu des détenus, les surveillants risqueraient d'y être fortement maltraités, d'autant plus que dans les prisons de la Seine, où sont les malfaiteurs dangereux, les gardes ne sont munis d'aucune arme pour se défendre.
Il s'agit aujourd'hui d'obvier aux graves inconvénients de cette situation.
D'après le mémoire présenté au conseil général par le préfet de la Seine, le quartier des hommes s'augmenterait de la presque totalité du quartier actuel des femmes, qui serait transféré, dans les bâtiments sud de la préfecture de police. La nouvelle installation du quartier des femmes aurait pour résultat de doter ce quartier, ainsi que celui des hommes, d'une vaste salle de bains et de les mettre en communication directe, avec le petit parquet.
Le quartier des hommes comprendrait alors 193 cellules, 5 salles communes, 2 dortoirs pour les vieillards et les enfants; le quartier des femmes comprendrait 92 cellules, 3 salles communes: soit en tout pour ces 2 quartiers, 285 cellules. Le bâtiment affecté aux détenus pour contravention, et principalement aux cochers, devant disparaître, on affecterait à cette catégorie spéciale de détenus le local, actuellement occupé par le dispensaire, qui passerait à la caserne de la Cité avec les autres services de la préfecture de police. Le local dit des cochers comprendrait un grand dortoir, pouvant contenir environ 60 lits, un réfectoire et un préau communs278.
XXXIII
LISTE DES FEMMES SAVANTES DE FRANCE (1880)
Liste des femmes qui sont, en France, pourvues de grades universitaires.
Voici ce relevé intéressant:
Docteurs en médecine (5).—Mademoiselle Marie Verneuil (Faculté de Paris, 1870).—Mademoiselle Andreline Domergue (Montpellier, 1875).—Madame Madeleine Brès, née Gobelin (Paris, 1875)—Madame Ribard (Paris, 1876), exerçant à Nantes.—Mademoiselle Anna Dahms, du Nord (Paris, 1877).
Licenciées ès sciences (2).—Mademoiselle Emma Chenu (Paris, 1868), auteur d'ouvrages pédagogiques.—Mademoiselle Lye (Paris, 1878).
Bachelières ès sciences et ès lettres (2).—Mademoiselle Benoist, de Fontenay le Comte (Poitiers, 1867 et 1875).—Mademoiselle Amélie de Barrau de Muratel (Toulouse, 1876).
Bachelières ès sciences (7).—Mademoiselle Perez, de Bordeaux (Bordeaux, 1871).—Mademoiselle Cornebois, de Constantine (Aix, 1872).—Mademoiselle M. Hugonin, de Lambin, Isère (Paris, 1873).—Mademoiselle E. Guenot de Bouillandy, Oise (Paris, 1873).—Mademoiselle Émilie Desportes, d'Orléans (Paris, 1877).—Mademoiselle Leblois, de Strasbourg (Toulouse, 1878).—Mademoiselle Joséphine Sénéchal (1879).
Bachelières ès lettres (20).—Mademoiselle J. Renguer de la Lime, d'Alger (Aix, 1866).—Mademoiselle C. Siber, de Vienne (Lyon, 1866).—Mademoiselle Berthe Mandel, de Rouen (Paris, 1868).—Mademoiselle C. Bulat, de Rouchère (Paris, 1870).—Mademoiselle Marie Florent (Douai, 1871).—Mademoiselle Bontemps, de Paris (Paris, 1871).-Mademoiselle Alexis, fille d'un conseiller général de Marseille (Aix, 1872).—Mademoiselle Regnault, de Marseille (Aix, 1872).—Mademoiselle Pugnault, (Lyon, 1872).—Mademoiselle Marie-Élise-Sophie Paturel (Paris, 1874).—Mademoiselle Oton, de Toul (Nancy, 1875).—Mademoiselle Yémeniz, petite-fille du savant bibliophile Lyonnais (Lyon, 1877).—Mademoiselle Marie-Zélie Boulard, institutrice à Toulon (Aix, 1877).—Mademoiselle Lahille, de Toulouse (Toulouse, 1878).—Mademoiselle Gidel, de Paris (Paris, 1878).—Mademoiselle Henriette Guisse, Paris (Paris, 1878).—Mademoiselle Justine Iryll, de Deleygne (Aix, 1878).—Mademoiselle Louise Audiat, de Saintes (Poitiers, 1878).
XXXIV
FERMETURE DES PORTES DU PALAIS DE JUSTICE
DÉSORDRE DES VAGABONDS ET DES COIFFEURS
3 septembre 1674.—M. M. de Lamoignon et les propriétaires des bâtiments de la nouvelle entrée du Palais font fermer de portes à barreaux de fer les entrées, donnant sur la rue de Harlay et sur le quai de l'Horloge.
Louis Béranger est nommé portier de la première porte et Estienne Guérin portier de la seconde.
17 mars 1678.—Une ordonnance signée de la Reynie rendue sur la Remontrance du Procureur du Roy, interdit aux gens sans aveu de s'attrouper et se tenir, dans les salles neuves, proche le Palais, d'y jouer, fumer, à peine de punition exemplaire.
17 décembre 1692.—Ordonnance de la Reynie portant que les deux portes de l'Enclos du Palais, l'une du côté de la place Dauphine, l'autre du côté du quai de l'Horloge, seront fermées, à huit heures en hyver et à dix heures, en été.
20 mars 1692.—Le concierge du Palais, François Capot reçoit par chacun an, cinq cents livres, pour ses gages, salaire et logement, laquelle somme sera imposée sur toutes les maisons desdites cours neuves du Palais.
15 may 1711.—Ordonnance signée Pellet, lieutenant général de police concernant les coiffeuses, qui se sont établis dans les salles du Palais et y causent du désordre, elles devront justifier d'une permission.
Les audiences, les galeries, les Cours, la grande salle étaient placées sous la juridiction spéciale d'un Bailliage279, d'une justice locale. Paris est, disait un historien, plein de boutiques en plusieurs endroits où l'on trouve tout ce qu'on a envie d'acheter, mais le palais est comme l'extrait, le centre de toutes les boutiques de belles nippes. Les clameurs des filles, femmes, hommes, pour attirer les passants, durent sans cesse. La Frenoi, ce fameux mercier entre autres boutiques, en a une au Palais. Il a été quelque temps en si grande renommée à Paris, que rien n'a passé pour joli et galant, dans l'esprit des petits maîtres, et des personnages du sexe, s'il n'était pas sorti de la boutique de la Frénoi (Le séjour de Paris ou Instructions fidèles pour les voyageurs de condition.) On y trouvait aussi des marchands d'étoffes, des libraires, des armuriers, des parfumeurs, des marchands de fleurs artificielles, des cordonniers, des opticiens, des luthiers, des marchands de porcelaines de Saxe, de chimie, des sculpteurs et imagiers, modistes dont les boutiques étaient non seulement établies dans les galeries280, mais encore adossées aux piliers de la grande salle. Le soin d'attirer les clients, même chez les libraires, était surtout dévolu aux femmes. Des marchandes, aussi jolies que des Romaines, aussi pétulantes que des Vénitiennes, aussi polies et aussi éveillées que des Florentines, disait le cardinal Bentivoglio, se tiennent dans ces boutiques et y attirent les chalands281, par le moyen d'un sourire ou l'éloquence d'un regard. Aussi le Palais est-il fréquenté par les jeunes seigneurs de la Cour, avec une espèce de frénésie, et il n'est pas rare d'y rencontrer, pêle-mêle, les plus grands seigneurs, les plus riches bourgeois et même trop souvent hélas! quelques dignitaires de l'église... déguisés.
NOTES:
1 Pièce justificative XXIX.
2 Alfred Delvau: La langue verte. Lorédan Larchey, l'érudit chercheur: Dictionnaire d'argot.
3 Pièces justificatives XI, XIII, XXI, XXVI.
4 Lecour. La prostitution à Paris et à Londres.
5 Pénalités anciennes (Plon, éditeur à Paris). Les mémoires de Canler et de Vidocq.
6 Pièce justificative XXVII.
7 Pièces justificatives I, VII.
8 Affaire Vert, fabricant de jouets, condamné avec ses jeunes victimes (Gazette des tribunaux du 23 septembre 1880). C'est à ce recueil, dont les tables sont dressées avec tant de soin chaque année, par Me Lesage, avocat, que nous renvoyons pour les citations de tous les procès faites au cours de ce livre.
9 Pièce justificative IX.
10 Voir la remarquable thèse, pour le doctorat, sur le Divorce, 1880, par M. Emilien Combier, avocat à Paris, fils de l'éminent président du tribunal de Laon, mon ancien et regretté substitut (1852-1856).
11 L'Égale de l'homme, par Émile de Girardin. Paris, 18 septembre 1880.
12 Dès 1863, nous avions proposé de confier à un juge unique, assisté d'un substitut et d'un greffier, avec réserve du droit d'appel, la connaissance des délits flagrants et avoués, rupture de ban, vagabondage, mendicité (Formulaire des magistrats).
13 Le Châtelet de Paris. Didier, éditeur.—Maxime Du Camp, Paris et ses organes.—Le Parlement de Paris. Cosse, éditeur.—Les métiers de Paris. Leroux, éditeur.—Le guet de Paris, par M. Tasson, lieutenant de la garde républicaine. Léautey, éditeur.—La fin de la gendarmerie. V. Palmé, éditeur. Paris, 1880. Pièces justificatives XXIV.
14 Les archers et arbalétriers de France, remarquable et savante étude, due à M. Delaunay, avoué à Corbeil, 1880.
15 Supposez, par un effort de votre pensée, qu'un jour la France, et pendant vingt-quatre heures seulement, les administrations soient toutes fermées, le pays marche moins bien, mais il marche toujours; le lendemain c'est la justice qui est suspendue, le pays marche encore; d'autres jours les écoles sont closes, l'industrie est arrêtée, le pays marche encore. Mais supposez que pendant quelques heures seulement le gendarme s'endorme, c'en est fait de vos biens, de vos droits, de vos familles, de vos existences: La société ne marche plus.
Général Ambert.
16 Ces attributions, nouvellement organisées sur de nouvelles bases, se rapprochent du rôle de la préfecture de police et de la sûreté générale à Paris, en tenant compte de la différence des nationalités et de la législation.
17 Pendant que nous désorganisons toutes nos institutions, les Anglais, peuple essentiellement pratique, profitent, pour protéger les citoyens, de leurs vieilles lois, si tutélaires, si énergiques. Cependant, et pour les ramener au bien, M. Flowers, juge du tribunal de police de Bow-street, a offert aux voleurs de Londres un thé avec fourchette et couteau. (Décembre 1880).
18 Comptes de Justice criminelle en France et en Algérie.
19 On voit qu'il est impossible de trouver une application plus réservée, et qu'il n'y a lieu, ni à Paris, ni dans les départements où il est ignoré, d'abroger l'article 10 du Code d'instruction criminelle.
20 Voici le texte du projet tel qu'il a été voté par la Chambre haute, sur la répression des crimes commis dans les prisons (Décembre 1880):
Lorsque, à raison d'un crime commis dans une prison par un détenu, la peine des travaux forcés à temps ou à perpétuité est appliquée, la Cour d'assises ordonnera que cette peine sera subie, dans la prison même où le crime a été commis, à moins d'impossibilité, pendant la durée qu'elle déterminera, et qui ne pourra être inférieure au temps de réclusion ou d'emprisonnement que le détenu avait à subir au moment du crime.
L'impossibilité prévue par le paragraphe précédent sera constatée par le ministre de l'intérieur, sur l'avis de la commission de surveillance de la prison. Dans ce cas, la peine sera subie dans une maison centrale.
La Cour d'assises pourra ordonner, en outre, que le condamné sera resserré plus étroitement, enfermé seul et soumis, pendant un temps qui n'excédera pas un an, à l'emprisonnement cellulaire.
21 Voir le rapport de M. le garde des Sceaux, ministre de la justice, en tête du dernier compte de Justice criminelle.
22 M. l'avocat général Petiton.—Audience de rentrée à la Cour de cassation.—Discours sur les récidives (1880).
23 L'abus des circonstances atténuantes est révélé par ce chiffre, qu'en 1878, sur 4498 libérés, 2155 ont obtenu le bénéfice des circonstances atténuantes.
24 Voir les beaux travaux sur la justice anglaise, publiés par M. G. Picot, ancien directeur des affaires criminelles, et les études de M. de Franqueville sur les Institutions anglaises.
25 Loi du 20 mai 1863, votée en un jour, le dernier de la session. (Formulaire des magistrats.—Préface.)
26 Affaire de madame Lafarge où Raspail fut mandé pour contredire les décisives analyses d'Orfila; voir les travaux de J. Barse sur les Recherches de l'arsenic par l'appareil de Marsh. Procès de Lapommeraye et de Danval.
27 Voir l'affaire de l'accusé Foulloy, assassin de M. Joubert, arrêté à Strasbourg, amené devant les assises de la Seine, pour y répondre du crime de meurtre et de vol sur son patron, alors que l'extradition avait été accordée, pour le premier crime seulement; l'affaire est revenue le 29 octobre 1880 et suivie d'une sentence de mort.
28 L'extradition en Angleterre, par M. Vincent Howard.
29 Des voyageurs, extrêmement spirituels, ont écrit aux journaux qu'ils avaient franchi la frontière, en jetant à la gendarmerie et aux autres agents ébahis cette réponse préméditée: Feu Pritchard et sa famille!—Rien de sérieux, toujours la charge.
30 A Londres les attaques nocturnes cessèrent, dès qu'il fut publié que leurs auteurs seraient, en dehors d'autres pénalités, frappés de la queue de chat, aux lanières plombées.
31 La cour d'assises d'Eure-et-Loir a eu à juger un assassin qui, après une condamnation capitale, avait été l'objet de commutations successives, qu'il avait reconnues en commettant un nouveau crime, aussitôt sa libération.
32 Voir plus haut, page 14, le projet de loi adopté, avec modification par le Sénat, portant que le crime, commis dans une prison par un détenu, peut y recevoir son exécution perpétuelle ou à temps, à moins d'impossibilité.—Le condamné pourra être resserré étroitement et laissé seul!
33 Afin d'augmenter les chances d'impunité, on veut effacer les sages et tutélaires dispositions de l'article 336 du Code d'instruction criminelle. Tout dans l'intérêt des malfaiteurs, est le projet de suppression du résumé. (Chambre des députés, 30 novembre 1880.)
34 Voir les fondations dues à l'initiative privée, et notamment celle que vient d'inaugurer à Orgeville, M. Georges Bon-jean, pour l'enfance abandonnée.
35 Rapport sur l'instruction primaire et l'instruction secondaire, due à la plume si savante, si compétente de M. O. Gréard, vice-recteur de l'Académie de Paris.
36 Histoire de la médecine légale, d'après les arrêts criminels. Paris, 1880.
37 Honoré de Balzac.
38 Lecour, La prostitution à Paris et à Londres.
39 Voltaire croyait que cette affection, à laquelle succomba le galant François 1er, était découverte seulement avec l'Amérique. (Voir les beaux travaux de Ricord, ce vénéré maître dont l'esprit est resté jeune, comme son visage, reproduit par le sculpteur Doublemard.)
40 Pénalités anciennes, page 63. Plon, éditeur.
41 Le Châtelet de Paris. Didier, éditeur. Métiers de Paris. Leroux, éditeur.
42 Registre du Châtelet, Archives nationales. Delamare, 21,625. Fr. Bibliot. nat.
43 Sous un portrait d'Isabeau de Bavière, femme de Charles VI, on lit sous une gravure, conservée au musée de Melun:
44 Code ou nouveau règlement sur la prostitution dans la ville de Paris. (Londres, 1775, in-12.)
45 Registre aux délibérations de la ville de Péronne.
46 Sentence du lieutenant criminel (16 septembre 1724), confirmée par arrêt du Parlement du 25 du même mois.
47 Voir arrêts conformes du Parlement du 6 septembre 1668, déclarant le commissaire au Châtelet follement intimé par les appelants.
48 Déclaration de Louis XIV, à Marly, 26 juillet 1714, arrêt du Parlement de Paris, 9 décembre 1712.—Sentence du Châtelet de Paris, 6 juillet 1763.—Procès de la femme Stranzac (rue de Suresnes, février 1873).
49 Histoire de la médecine légale, d'après les arrêts criminels. Charpentier, éditeur, 1880, pages 130 et suiv.
50 Bibliothèque nationale de Paris (département des manuscrits, suppl. français, 7645, 10,969, 10,970.
51 Voir Les comptes de notre justice criminelle, établis avec grand soin. Imprimerie nationale, 1826-1878.
52 Aujourd'hui, depuis le remplacement de M. A. Gigot, une commission composée du Préfet ou de son délégué, de M. le chef du bureau des mœurs et du commissaire délégué, statue sur ces détentions.
53 Delamare, Bibliot. nation. Ve carton, Fr. 2165, manuscrits.
54 Tableau historique des ruses, subtilités des femmes où sont représentées leurs mœurs, humeurs, tyrannies, cruautés, le tout confirmé par histoires, arrivées en France de nostre temps, par L. S. R. (Rollet-Boutonné, 1623, in-8º.—La police de Paris, dévoilée par Manuel.—La police de Paris sous Louis XIV, par Pierre Clément (de l'Institut).
55 Ambroise Tardieu, Attentats aux mœurs.—Lecour, de la Prostitution.—Cahier et doléances d'un ami des mœurs, requête présentée à Bailly (Sylvain), maire de Paris, par Florentine de Launay, contre les marchandes de modes et autres grisettes, commerçant sur le pavé de Paris. 1790, in-8º.
56 Histoire de la médecine légale, d'après les arrêts criminels, page 123 et suiv. Charpentier éditeur, 1880.—Éclaircissements sur le roy des ribauds, par Longuemare. Paris, 1718, in-12.
57 Le Châtelet de Paris.
58 Cette mise en scène se reproduit de nos jours dans toutes les affaires suivies contre des pédérastes en chambre. Voir Lecour, De la prostitution à Paris et à Londres.—Tardieu, Attentats aux mœurs.—Du Camp, Paris et ses organes.—Docteur Martineau, médecin de l'Ourcine. Déformations observées chez les prostituées.
59 Histoire des galeries du Palais-Royal, par Lefeuve.
60 L'individu coupable de viol était, quel que fut l'âge de la victime, condamné à être pendu.—(Beaumanoir, chapitre XXX.) Bouteillier (livre Ier, titre XXIX) les coupables doivent être traînés jusques à la justice et pendus, tant qu'ils soient morts et étranglés.—Dans les registres criminels du Châtelet et dans le registre de Saint-Martin-des-Champs, publié par l'érudit M. Tanon, directeur des grâces au ministère de la justice (Willem, éditeur, Paris 1877), on lit le supplice suprême, prononcé pour viol, contre Oudot Guigue et aussi contre Jehannin Agnes, tailleur, qui avait abusé de ses deux apprenties, Perrette et Souplice, âgées de douze ans, par force, les avait jetées à terre, puis efforcées, percé leur nature tout oultre, et fist de l'iaue chauffer pour laver leur nature.—(Sentence du 21 janvier 1337, exécutée par Pons Duboys.)
61 Bibliot. nationale (manuscrits). Supp. Fr. 10,969.
62 Rapport sur le magnétisme, présenté à l'Académie de médecine par M. le docteur Husson, l'excellent et affectueux praticien de l'Hôtel-Dieu et du lycée Louis le Grand.
63 Voir les beaux et remarquables travaux, suivis par M. le professeur Charcot en sa clinique, et à l'hôpital Lariboisière, par M. le docteur Proust (de l'Académie de médecine). La cour d'assises de Rouen a condamné, pour viol, un dentiste qui avait, en l'endormant, par l'apposition d'une bague sur le front, abusé de sa victime, la mère présente et regardant par la fenêtre!
64 Voir la législation sur les attentats aux mœurs, autrefois réprimés par la loi Raptores au Digeste.—De raptu virginum au Code.—Loi Julia de adulteriis.—Novelle 117, de his qui luxuriantur contra naturam.—Caroli magni capitularia.—Muyart de Vouglans. Lois criminelles.—Jousse. Lois criminelles et la Loi du 19-22 juillet 1791, titre II.
65 Sous la rubrique Attentats aux mœurs, art. 330 et suivants du Code pénal, les crimes et délits de cette nature sont prévus et réprimés.
66 Les ouvrages de M. Faustin-Hélie, aujourd'hui président du conseil d'État, sont écrits dans un esprit plutôt libéral qu'autoritaire.
67 Mémoires de Canler.—Ambroise Tardieu, Médecine légale.—Assises de la Seine: Pascal, lancier, accusé d'assassinat sur un bourgeois.
68 Les débauches de la rue du quartier de la Madrague, jugées à Marseille, en septembre 1880, y ont révélé une association, qui attirait les jeunes filles pour les livrer aux libertins. On disait aux victimes: Vous gagnez par votre rude travail 1 fr. 50 cent, par jour, vous obtiendrez 50 fr. par nuit. Les prévenus étaient une femme et un cocher, qui racolait les voyageurs, pour les conduire et accueillir en ce repaire. Dans les villes industrielles, les jeunes filles, dont le salaire est en moyenne de 1 fr. 75 cent, par jour, se livrent au désordre après la fermeture des ateliers, le soir, elles font, disent-elles, un cinquième quart (Jules Simon, l'Ouvrière). Voir la préface de la Dame aux camélias. La prostitution en Europe, par Rabutaux.
69 A rapprocher de l'Art d'élever les lapins et de s'en faire 3,000 livres de rente.—Histoire des barrières de Paris, par Delvau.
Les courtisanes italiennes, un peu trop vantées, les Fossita, les Blazifiora, la belle Imperia, enterrée avec pompe, du temps de Léon X, dans l'église Saint-Georges, avaient, à leur suite, des condottiere, des sbires à leur solde.—Le velours, la soie des pourpoints recouvraient et poétisaient ces hontes; à notre époque, résolument naturaliste, l'étalage de la vendeuse d'amour en plein boulevard, dans les gares, aux stations du chemin de fer de Ceinture, la procession errante des ombres faméliques sur les boulevards, les maigres théories des bouquetières, offrant leurs fleurs déjà fanées, attristent profondément. Derrière elles, dans l'ombre, guette la horde des ribauds, des souteneurs, des tard venus, des fils de joie déguenillés, etc.
70 Voir: Lettre de M. Yves Guyot sur la Police des mœurs du 31 mars 1879.—Actes du congrès de Genève, 17-22 septembre 1877.—De la prostitution, par Parent-Duchatelet, annoté par Tribuchet et Poirat-Duval.—Lecour, La prostitution à Paris et à Londres.—La prostitution dans les grandes villes, par le docteur Jeannel.—Les ouvriers en Europe, par M. Le Play, conseiller d'État (1867).—Le monde des coquins, par Moreau.—Christophe, Les mœurs de Paris.
71 Titre d'une comédie, donnée par Victorien Sardou. (1880.)
72 Montesquieu. Esprit des Lois XXVI.
73 Sermon. Deuxième dimanche après l'Épiphanie.
74 Problèmes de la vie. (Pièces justificatives XXIX.)
75 Dans les familles riches, les unions sont presque toujours limitées à un ou deux enfants, souvent stériles pour des causes du domaine de la médecine ou de la chirurgie, croyons-nous. En Normandie, pays où l'on calcule tout, les mariages sont improductifs.