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Le Journal de la Belle Meunière: Le Général Boulanger et son amie; souvenirs vécus

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NOTE:

[1] Si je veux battre ma bourrique, Je trouverai bien toujours une trique.


lettre 1

Bruxelles, 79 rue Montoyer.

Jeudi 9 juillet.—

Ma bonne meunière,

C'est moi qui réponds aujourd'hui à votre lettre d'il y a un mois et à celle que nous recevons aujourd'hui. Madame de B—- en effet quoique allant beaucoup mieux, est toujours alitée et ne pourrait pas écrire sans fatigue. Elle a été fortement éprouvée; mais les soins qui lui sont donnés par un médecin que j'ai fait venir de Paris permettent de prédire pour bientôt la convalescence. La toux a presque disparu, les transpirations également. Quand elle aura repris un peu d'appétit, les forces reviendront.—

Elle me charge de vous dire de sa part milles et milles choses affectueuses; nous pensons à vous et nous parlons souvent de vous.

écrivez-nous; donnez-nous de vos nouvelles. Vous êtes maintenant en pleine saison et il faut espérer que les beaux temps une fois arrivés, les baigneurs ne vous manqueront pas—

Vous ne nous dites rien de la santé de votre mère et de votre sœur; nous espérons donc qu'elles vont bien.—

Au revoir, ma bonne meunière. Tous les deux nous vous envoyons nos souvenirs les plus affectueux,

Gal B.


lettre 2

Bruxelles, 79 rue Montoyer.

Samedi 1er août.

C'est bien vrai ma pauvre bonne meunière, elle n'est plus, cette créature adorable qui m'a donné les seules années de bonheur que j'ai eues dans ma vie. Elle est partie, me laissant seul, tout seul; et au moment même où l'amélioration produite par un traitement nouveau de Paris me faisait croire qu'elle était sauvée.—

Heureusement la chère créature tant aimée ne s'est pas sentie mourir. Elle s'est éteinte sans aucune souffrance, faisant encore des projets la veille de sa mort. Je dis heureusement; car elle eût été trop attristée si elle avait compris que nous allions être séparés; pas pour longtemps, je l'espère.—

Sa famille voulait avoir son corps. J'ai refusé, et je le garde, je la garderai envers et contre tous.—Ma seule consolation est d'aller toutes les après-midis au cimetière la voir et causer avec elle. J'ai placé moi-même dans son cercueil le charmant bouquet de petites marguerites que vous et votre sœur lui avez envoyé. Merci en son nom.

Je lui fais en ce moment construire un caveau, où elle reposera en paix au milieu des fleurs quelle aimait tant, et où elle m'attendra...—

Car, vous qui l'avez connue, vous devez comprendre, n'est-ce pas, qu'on ne peut survivre à la perte de cet ange de beauté, de grâce, de douceur et de bonté. Je sais que je ne m'appartiens pas, que j'appartiens à mon pays aussi j'irai jusqu'au bout de mes forces; mais après, si je pars, personne n'aura rien à me reprocher. D'ailleurs je ne vis plus que matériellement; je suis sur corps sans âme.—

écrivez-moi de temps en temps, ma bonne meunière Parlez-moi d'elle, cela me fera du bien. Et pensez souvent à moi, qui ai été le plus heureux des hommes, et qui en suis aujourd'hui le plus malheureux.—

J'espère que vous allez bien, ainsi que votre mère et votre sœur; et, pour moi et pour ma pauvre petite morte tant aimée, je vous embrasse de plus profond de mon cœur,

Gal Boulanger

écrivez-moi toujours à la même adresse.—

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