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Le panthéon de poche

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GABRIELLI (comte)—Une serinette armoriée.

GAGNE—Regardez-le passer.

La barbe blanche est imposante, l'œil noir est plein de feu, la démarche est majestueuse et quasi pontificale.

On dirait que c'est un des sept sages de la Grèce, tandis que c'est un des cent mille toqués de la France. Figurez-vous qu'il rêve de voir notre pays uni! Est-ce assez de l'archidéraison, mon Dieu!

GALIMARD—Une des têtes de Turc de la blague contemporaine. Et Dieu sait si les rapins ont cherché des poux à cette tête-là!

Comme valeur artistique, Prudhomme ayant dans le temps lavé les pinceaux de Raphaël.

GALLI-MARIÉ—Une originalité.

Ce qui fait que, même quand elle aura perdu sa voix, il lui restera celle des gens de goût.

GAMBETTA—Un grand homme!...

—Un scélérat!...

C'est entre ces deux extrêmes qu'oscille perpétuellement l'opinion de ce bon peuple français, à propos de tout personnage politique en évidence.

Inutile de dire que Gambetta n'a mérité ni les excès de l'adulation, ni les indignités de la calomnie.

Il y a là une éloquence qui, quand elle n'est pas possédée, possède les autres.

Ils lui reprochent de n'avoir pas terminé la guerre et ils ne se reprochent pas de l'avoir commencée.

Ils l'appellent (quel atticisme) dictateur borgne.

Mais, si ce borgne a régné, c'est ta faute, Empire des aveugles.

GANAL—Successeur de son père.

Que j'aime à voir autour de cette table...

Oùs qu'il embaum' nos détritus...ses,

Bocaux, flacons, corps et fœtus...ses

Que c'est comme un bouquet de fleurs!!

GANESCO—Où sont les paletots fourrés d'antan? Où les redingotes à revers de velours? Où le sourire radieux qui abordait tout écrivain avec ces mots stéréotypés:—Eh bien! cher maître!...

Beaux jours, velours, sourire et fourrures sont passés. Reviendront-ils? Dans tous les cas, en souvenir de ces opulentes étrangetés, je demande à ce qu'on grave sur sa tombe:

Il fut mamamouchi de lettres!

GARIBALDI—Don Quichotte poussé au sublime.

Mais, hélas! Ce vaillantissime n'est plus aujourd'hui que ce que je me permettrai d'appeler un rhumatisme héroïculaire.

GARNIER (CHARLES)—Physiquement, ses traits contournés et l'énorme tignasse qui les exhausse me donnent cette impression:

—Un bonnet à poil surmontant un marron sculpté.

Pour son coup d'essai, on lui a demandé un coup de maître. Il a répondu par l'Opéra que vous savez, lequel a inspiré ce quatrain à un poëte anonyme:

En voyant les splendeurs de l'Opéra nouveau

Où des maîtres si bien il a suivi les traces,

Chacun se dit: S'il a tant le culte du beau,

Il ne doit pas souvent regarder dans les glaces.

GARNIER-PAGÈS—La science médicale a toujours chanté sur un air connu:

Quand les poumons vont par deux
Pour respirer ça vaut mieux!

M. Garnier-Pagès a trouvé moyen de changer tout cela et de vivre parfaitement avec un poumon dépareillé.

Mais, dame! aussi il a adopté le régime des longs cheveux et des immenses faux-cols qui ont étonné tout le monde et qu'il définit ainsi: Un paravent portatif.

La bonté, la loyauté et la conviction mêmes.

Les apparences d'un roseau. Mais il a prouvé au 31 octobre, par son courage impassible, que ce roseau a une tige d'acier.

GATAYES—L'alter ego d'Alphonse Karr.

C'est la seule fois que ce bête de rôle de confident ait été joué avec esprit.

GAVARDIE—Je crie, donc je suis.

GAVARRET—L'étrange tête crépue, par ma foi!

Le teint est jaunâtre, les cheveux grisâtres, l'œil noirâtre. Tout en demi-tons.

Bon physicien et membre-né de toutes les commissions d'hygiène.

Ses amis ne parlent que de son savoir; ses ennemis que de son savoir-faire. Je ne vois pas pourquoi l'un exclurait l'autre, au fait!

GAVINI—Député de la Corse.

Aux jeux peu innocents de la politique, il persiste à vouloir faire rimer Sedan avec gloire, et invasion avec prospérité.

GEFFROY—Un artiste hors ligne, qui n'avait que le défaut de porter toujours un crêpe à son talent.

Mais malgré cet abus de la mélancolie, comme il vous pénétrait dans un rôle, ce glaçon, taillé en pointe!

GEOFFROY—Est-ce bien un acteur?

Moi, il me semble que c'est un monsieur qui vient chaque soir passer deux heures sur les planches, et qui là se joue lui-même.

GEROME—Son nom fait prime sur le marché de la peinture. Mais, en matière d'art, l'éloquence des chiffres n'est qu'une radoteuse.

Après avoir débuté par des œuvres de maître, M. Gérôme s'est avisé de se faire porcelainier à l'huile.

Cette touche mince, luisante, devrait aller à Sèvres décorer des services de table. C'est là qu'on pourrait doublement dire qu'elle est dans son assiette.

GEVAERT —Fort estimable compositeur belge qui a un moment exporté chez nous avec succès.

Mais, je l'avoue, je ne comprends pas, lorsque nos musiciens meurent de faim, que, sauf le cas de génie, on éprouve le besoin de faire aux étrangers les honneurs de nos maigres scènes lyriques.

Il me semble voir les gens du radeau de la Méduse invitant du monde à dîner.

GIRARDIN (ÉMILE DE)—Une vaste bibliothèque exclusivement composée de volumes dépareillés.

Son esprit, remuant sur place, a fourré, en guise de crochets, des points d'interrogation dans bien des serrures, mais sans parvenir à ouvrir la porte d'aucune grande idée. Journalisme, finances, théâtres, minéralogie, il a touché à tout, sans profit... pour le public.

Sa grande fortune dément le proverbe: «Pierre qui roule n'amasse pas de mousse.» Mais le proverbe n'a pas dit: Pierre qui roule... les autres.

Vous connaissez ces phares qui tournent en changeant de couleur? C'est l'emblème de ce versatile publiciste. Seulement le phare Girardin a la spécialité de conduire au naufrage au lieu de mener au port.

GLAIS-BIZOIN—Rien de l'Apollon du Belvédère dans ce petit vieillard racorni que quelqu'un avait surnommé la Momie pétulante.

Mais cet excentrique a tant de fois dit la vérité en riant et même en faisant rire... à ses dépens!...

—Il a une araignée dans le plafond, dit l'argot moderne.

Moi, j'aime assez les araignées, quand elles empoignent bravement les mouches venimeuses.

GONCOURT (Frères de)—Un charmant duo qui a été cruellement interrompu par un De profundis.

GONDINET—Enfoncé papa Buffon avec votre: le style, c'est l'homme.

Gondinet a l'aspect aussi triste que ses fantaisies sont gaies. Excelle à raffiner le comique. Une marotte à manche ciselé.

GONZALÈS—Je parie que vous me guettez en souriant d'avance; je parie que vous vous attendez que j'y aille à mon tour du notre sympathique confrère de rigueur...

Eh bien, non! Je m'insurge contre un cliché dont l'abus finit par devenir trop agaçant.

Il y a bien, que diable! quelque autre façon de dire que Gonzalès est un des rares privilégiés qui n'aient pas pour ennemis les neuf dixièmes de leurs collègues en littérature.

Représente la Société des gens de lettres avec une précision dont se glorifierait un notaire, et écrit des romans avec une fantaisie qui ferait rougir le même officier ministériel.

Une de ses meilleures œuvres, c'est sa fille, qui peint comme un homme de talent tout en restant gracieuse comme une jolie femme.

GOSSELIN—Chirurgien attaché au Val-de-Grâce.

Coupe les jambes avec tant de bonhomie, désarticule avec tant de rondeur, que cela donne presque envie de se faire inciser quelque chose pour s'amuser. Son sourire de Roger Bontemps fait croire qu'une opération est une partie de plaisir... pour lui.

GOT—Eh bien, oui! c'est le comble de la science théâtrale, c'est la perfection réglementaire et le triomphe du procédé.

Mais pourquoi toutes ces qualités incontestables ne m'ont-elles jamais empoigné comme certains défauts qui me choquaient tout en charmant?

C'est que ces défauts étaient originaux et que les qualités de M. Got sont apprises. A eu grand tort de se fourvoyer parfois dans les rugissements dramatiques.

Fauve qui peut!

GOUNOD—Ce front dénudé, cet œil ascétique, ce visage amplement barbu, donneraient envie de dire le moine Gounod pour faire pendant à l'abbé Liszt.

A écrit un chef-d'œuvre, Faust, et après...

La musique de Gounod a des caresses exquises, mais sans virilité; c'est de la passion qui ne descend jamais plus bas que le cerveau. J'y vois l'amour s'épuisant en prologues sans dénoûment.

Je me trompe sans doute; mais, pour moi, Gounod a écrit le poëme des impuissants.

GOUPIL—Est entrepreneur d'artisses, comme d'autres sont entrepreneurs de bâtisses.

GRAMONT (duc de)—Le commissaire des morts de nos désastres. C'est lui qui a pris la tête du convoi.

Sa vanité, peu repentante, semblerait toute disposée à nous organiser un nouveau deuil, pour le plaisir de recoiffer le chapeau à cornes et de reparader avec la canne noire à pomme d'ivoire.

GRANDGUILLOT—La plus belle barbe de la presse contemporaine. Une barbe que les événements ont, hélas! défrisée.

GRÉVIN—L'aspect d'un bourgeois, l'esprit d'un raffiné, un brin de ventre au corps, des ailes au crayon. Une flamme qui se cache exprès sous les cendres pour dérouter les imbéciles.

A su trouver un filon à lui dans la grande mine parisienne, tant exploitée déjà.

Ne vous y trompez pas: ce n'est pas Gavarni Deux; c'est Grévin Premier.

GRÉVY—Un impassible, qui s'est bien malheureusement avisé d'avoir des nerfs une seule fois en sa vie: le jour où il a donné sa démission de président de l'Assemblée.

Cette faute à part, il est un des porte-respect de la démocratie.

GUDIN—Un Tortoni du pinceau, voué à la spécialité des mers vanille et pistache.

GUEYMARD (Madame)—Sa voix? Un velours que les années n'ont pu miroiter.

GUYON (Mademoiselle)—Terrible exemple d'inhumation anticipée. A été enterrée toute vive dans les catacombes de la Comédie-Française.

Ah! qu'elle a dû regretter souvent d'avoir, apostate du boulevard, renié la croix... de ma mère!


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