Le panthéon de poche
BANVILLE (TH. DE)—Un écrivain qui sait écrire, un rimeur qui sait rimer, un causeur qui sait causer. C'est déjà assez original, ceci!
Le plus amène des hommes, qui en devient le plus féroce quand on le met sur le chapitre de la stupidité bourgeoise. Dans ces moments-là, Banville porterait avec joie à la ceinture la perruque de Prudhomme, pour faire croire qu'il l'a scalpé.
En un jour de fantaisie, il a, Blondin de la rime, tendu une corde roide entre le mont Hymette et le mont Parnasse, puis a exécuté là-dessus ce tour de force si amusant qui s'appelle les Odes funambulesques.
Un artiste, enfin, qui cisèle avec le même soin, qu'il s'agisse d'un dieu, d'une table ou d'une cuvette.
BARAGUEY-D'HILLIERS—Un octogénaire, grand, sec, jaune, droit comme un I, et manchot.
A eu, vu son grand âge, la chance de regarder nos derniers naufrages du rivage.
Après quoi il a été appelé à juger les pilotes; ce qu'il a fait sans chercher les circonstances atténuantes, vous pouvez l'en croire.
Car s'il ne voit pas ses défauts, ce que j'ignore, je vous réponds qu'il a un fameux microscope pour découvrir ceux des autres.
J'ai entendu dire partout: C'est un homme brave. Je n'ai jamais entendu dire: C'est un brave homme.
Et vous?
BARBEY D'AUREVILLY—Tond avec amour les œuvres de ses confrères, coupe perpétuellement la queue du chien d'Alcibiade, et va-t-en ville promener des toilettes-réclames qui font dire aux moutards:
—Tiens, papa, ce monsieur qu'est déguisé!
Outre le chapeau-tromblon, les manchettes retroussées et la redingote-spencer, a encore imaginé, pour éblouir les badauds, d'écrire avec des encres de différentes couleurs, selon la tonalité du morceau.
Tout cela c'est du truc, ce n'est pas du talent; c'est du savoir-faire, ce n'est pas du savoir.
Comme écrivain, appartient à la tribu des épileptiques de lettres. Chaque article est un accès qui amasse du monde. Mais de ce qu'on s'attroupe, il ne résulte pas qu'on admire.
Personne n'aura donc l'obligeance d'apprendre à ce casseur de phrases que pour trouver l'originalité il faut d'abord ne pas la chercher du tout?
M. Barbey d'Aurevilly est monarchiste et clérical. Vous dire ce qu'il a déjà fait de prosélytes... à la République et à la libre-pensée!! . . . . . . . . . .
BARBIER (AUGUSTE)—A écrit un chef-d'œuvre: les Iambes. A passé le reste de sa vie à sembler dire au public:
—Pardonnez-moi, mon Dieu! je ne savais pas ce que je faisais!
L'Académie a accepté ses excuses... et l'a nommé.
Plus d'espoir!
BARBIER (JULES)—Un charmant garçon qui a failli devenir un charmant poëte.
Il avait quelque chose à dire, il a préféré le chanter. Muse du libretto, contemple ta victime!
Dans cette partie-là, on en arrive à écrire, sans s'en apercevoir:
Sa couleur est blonde et vermeille,
Son parfum est plus doux encore.
(Galatée, acte II.)
Ce qui n'empêche pas M. Jules Barbier d'avoir à son actif quelques œuvres de choix... Plaît-il?... Ah! non pas Jeanne d'Arc... mais les Contes d'Hoffmann, par exemple.
BARNI (JULES) A professé la philosophie avant le coup d'Etat; l'a pratiquée ensuite, pendant vingt ans d'exil.
Représentant de la Somme, il n'a pas encore affronté la tribune, parce que, malheureusement, les députés qui pensent ne sont pas toujours les députés qui parlent,—et vice versâ.
BARNUM—Un homme-symbole!
A trouvé la devise du dix-neuvième siècle:
POUR LA CAISSE, PAR LA GROSSE CAISSE!
BARRIÈRE (THÉODORE)—Des yeux sombres, des cheveux sombres, un teint sombre, un air sombre. On dirait le brouillard de Londres fait homme et se donnant le spleen à lui-même.
Comme auteur dramatique, a passé sa vie à faire l'aller et le retour entre le Capitole et la roche Tarpéienne. Peu s'en faut qu'on ne lui doive les plus mauvaises et les meilleures pièces de ce temps-ci.
Formule:
Talent, 50 grammes;
Névrose, 50 grammes.
Le malheur, c'est que le mélange fermente trop facilement.
Rude et misanthropique d'aspect, M. Barrière cache, au dire de ses amis, le meilleur des cœurs sous cette enveloppe hérissée.
Comme la châtaigne, alors! Pour arriver jusqu'au fruit, il faut toujours risquer de se piquer les doigts. C'est dommage.
BARTHÉLEMY-SAINT-HILAIRE—Un exemple de l'urbanité et de la justice des partis.
Il est savant, on l'a traité comme un cuistre; il est désintéressé, on l'a traité comme un intrigant; il est modeste, on l'a traité comme un effronté; il est bon, on l'a traité comme un fauve.
Tout cela parce que républicain, il est resté fidèle à la République, ami à l'amitié.
C'est ça qui donne une crâne idée de la conscience française!
BARTHOLDI—Ils sont deux ou trois au plus qui entendent quelque chose à la sculpture monumentale.
Fait partie des deux ou trois, comme le prouvera une fois de plus le lion colossal qu'il exécute pour Belfort.
Bien rugi, ciseau!
BATBIE—A Palaiseau (Seine-et-Oise), il est une girouette, fort célèbre parmi les indigènes, qui représente un éléphant.
Chaque fois que je vois M. Batbie, je pense à cette girouette-là en fredonnant:
C'est par le tribun qu'on commence;
Par le ministre qu'on finit.
A asticoté jadis le lion populaire; ne pense plus qu'à le museler. Mais vouloir et pouvoir sont deux.
Tout en M. Batbie a des proportions colossales. Tout, y compris l'ambition et la prétention.
Jurisconsulte distingué, il ne bronche pas sur le droit. A montré dans sa carrière plus d'hésitation sur le devoir.
Inventeur du gouvernement de combat, il a succombé tout de suite dans le combat du gouvernement.
Comme quoi une expiation peut tenir dans une antithèse.
BAUDRILLART—Chevé avait inventé la musique en chiffres. L'économie politique, dont M. Baudrillart est un des plus solennels représentants, m'a toujours paru être, elle, la cacophonie en chiffres.
Pauvres additions! Les mettent-ils assez à la torture pour les forcer à dire ce qu'ils veulent!
J'ai regardé une fois M. Baudrillart exécuter, et je n'ai plus jamais eu envie de m'occuper de ses hautes œuvres.
BAUDRY (PAUL)—Brun, nerveux, âpre à la besogne. Vit pour le travail avec amour, vit par lui avec largesse.
Se tient en dehors des coteries, ce qui fait que la réclame se soucie plus rarement de lui.
Que lui importe? N'a-t-il pas, au foyer du nouvel Opéra, fait une œuvre avec cette adresse: Postérité restante?
BAZAINE—Le condamné s'interpose devant le coupable.
On passerait donc en laissant chacun méditer sur cette banqueroute de l'honneur, si M. Bazaine ne semblait prendre son fumier pour un piédestal.
BÉCHARD (FRÉDÉRIC)—Un homme d'esprit.
M. Janicot a trouvé sans doute que cela faisait tache à Gazette de France, et M. Béchard a été remercié.
A sa place, je dirais: délivré.
BELLY—Du bataillon des orientalistes.
—Comment s'y prennent-ils pour faire ces effets de soleil? demandait Prudhomme.
—Ils peignent avec de la lumière en tubes, lui a-t-on répondu.
Prudhomme s'est déclaré satisfait; mais le public trouve que les orientalistes devraient descendre de leur chameau avant de l'avoir fourbu.
BELMONTET—Le grognard de la poésie. A mis à la Muse une culotte de peau et un plumet de lancier polonais.
Excellent homme au demeurant, qui ne s'aperçoit pas qu'en enroulant ses vers autour de la Colonne il en fait un mirliton.
BELOT (ADOLPHE)—A débuté par César Girodot. On dit que cela fait vivre, les testaments. A preuve... A écrit des œuvres de mérite; mais, dans ces derniers temps, a mis soudain (on ne sait pourquoi) de la poudre de cantharides dans son encre.
Fera bien de se défier de ces succès commerciaux. Quand on peut dire: J'ai quelque chose là! en se frappant le front; on ne doit pas se contenter de le dire en se frappant la poche.
BENEDETTI—Ex-ambassadeur au service de la France et au profit de la Prusse.
Un aveugle s'établissant gardien de sémaphore.
Comme ce serait drôle, si la tempête ensuite ne dévorait pas tant de victimes!
Il m'en coûte de dire ses vérités à un homme tombé, mais il nous en a encore coûté bien davantage pour ne pas les lui avoir dites quand il était debout.
BENOIST-D'AZY—Le doyen d'âge de l'Assemblée de Versailles.
Mais, comme on ne devient pas célèbre à l'ancienneté, inutile que j'insiste.
BERCHÈRE—Autre chamelier de la peinture, à qui je conseille également de changer un peu de monture.
BERTALL—Que voulez-vous? Ça s'use la pointe d'un crayon...
BERTHELIER—Le bon goût dans la charge.
Aussi est-il la coqueluche des salons, pour lesquels il a inventé les tréteaux en palissandre.
BERTHET (ÉLIE)—Une de nos dernières lunettes d'or. Les siennes chevauchent sur un nez en pointe qui lui fraye l'air à dix centimètres en avant.
Je l'appellerais le père Coupe-Toujours du feuilleton, si cela n'avait l'air de traiter sa littérature de galette.
Il a ses fidèles, et, en somme, il n'est pas donné à tout le monde de remorquer derrière soi pendant trente ans une suite... au prochain numéro.
BERTHOUD (HENRI)—Un bienveillant, ce qui est rarissime dans les lettres. Un érudit, ce qui n'y est pas très-fréquent non plus. A écrit sous le pseudonyme de Sam, avant que ce nom fût galvaudé par l'oncle de M. Sardou. Excelle à mettre la science à la portée des petits; besogne malaisée, qui me rappelle toujours le papa à quatre pattes pour faire monter les bambins sur son dos.
Un vulgarisateur, en un mot, c'est-à-dire un de ces hommes qui se grandissent en se baissant.
BETHMONT—Visage long et mélancolique. Une élégie à barbe. L'impartialité faite homme. Sa politique pourrait prendre pour devise: A la juste balance.
C'est une singularité dans le monde parlementaire, où tout se pèse à faux poids.
BEUST (DE)—Le clair de lune d'un grand ministre.
BIDA—Un peintre au crayon. Il y a tant de peintres qui ne sont que des lithographes à l'huile!
BISMARCK (DE)—L'aigle prussienne n'a qu'une tête; lui, qu'une serre: de Moltke.
Un historien l'appelait l'autre jour le grand ressort de l'unité allemande. Ce nom m'a rappelé nos pendules.
Une tête de proie sur un cou qui semble avoir trouvé le mouvement perpétuel.
Si j'étais son compatriote, je l'admirerais peut-être autant que je le hais, étant son ennemi. Et, saperlotte! ce n'est pas peu dire.
BLANC (LOUIS)—Jeux de la physionomie et du hasard: Renan, que l'Univers appelle l'antechrist, a une tête de sacristain. Louis Blanc, un philosophe de la politique, a, lui aussi, l'air d'être d'autel, comme dit M. Dumas fils.
Le premier peut-être qui soit parvenu à métamorphoser l'actualité en histoire. Comme orateur, son éloquence est une nappe d'eau limpide coulant sur un lit, si uni qu'on finirait par y souhaiter quelques rocailles.
C'est égal, quand on voit tant de talent dans un corps si exigu, on en arrive à se demander si le contenant ne peut pas être plus petit que le contenu.
BLANC (CHARLES)—Frère du précédent, pour parler le langage des dictionnaires.
A été destitué par le 24 mai.
Il connaissait pourtant les Beaux-Arts, celui-là; oui, mais il connaissait aussi M. Thiers!
BLANCHE (Docteur).
Encore un cerveau d'cassé,
V'là l' docteur Blanch' qui passe!
(Air connu.)
Fait le total des additions où la mémoire dit:
—Je pose zéro et je ne retiens plus rien.
Dirige la maison de Paris où l'on reçoit l'accueil le plus douchant.
BLAVET—Un piocheur qui sait faire tout ce qui concerne son état.
Pousse l'ardeur au travail jusqu'à être père de neuf ou dix enfants.
BLOCH (Mademoiselle)—Avec un nom pareil, on est tenu d'être taillée dans le plus pur marbre.
C'est le cas de la belle Rosine. Galatée perfectionnée, elle n'est pas seulement une statue faite femme, mais une statue faite artiste.
Un poëte lui a décoché récemment ce madrigal:
Quand on entend son chant mélodieux
Les yeux sont jaloux de l'oreille.
Mais quand on voit sa beauté sans pareille,
L'oreille est jalouse des yeux.
BLUM (ERNEST)—Une gamme littéraire. A fait avec succès du petit journal, de la revue, de la Bourse, de la politique, du drame...
Et des jaloux, cela va sans dire.
BOCHER—Le factotum de la famille d'Orléans. Attend depuis 1848 la restauration de la royauté de Juillet.
Drôle d'occupation que de tenir toujours l'étrier à un cavalier qui ne monte jamais en selle!
BOISSIER—Nous comptons un confiseur et un académicien de ce nom.
J'ai eu le bon esprit de ne jamais goûter qu'aux produits du premier.
Vous aussi, pas vrai?
BONAPARTE (JÉRÔME)—César-Polichinelle, surnommé aussi Bruno le fileur, à cause de ses exploits guerriers.
Une ambition qui a toutes les audaces, un tempérament qui a toutes les défaillances. Inventeur d'un plat inédit: le salmis d'aigle au pétrole. N'a trouvé encore que M. Portalis qui ait voulu y goûter.
Serait, à l'instar d'Ugolin, tout prêt à dévorer le prince impérial pour lui conserver un cousin.
Pourquoi diable demande-t-il à être rétabli sur les cadres de l'armée, puisque quand il est de nom général en activité, il est toujours de fait général en retraite?
BARODET—Qui se douterait, à voir ses placides lunettes, qu'il fut un moment l'incarnation du spectre rouge?
Prudhomme-Banco!
BELOCCA (Mademoiselle)—Jolie tête, dit-il, mais de cervelle...
Mademoiselle Belocca, qu'on a voulu nous faire passer pour une grande artiste, nous paraît avoir mangé sa célébrité en herbe.
Il serait bientôt temps qu'on cessât aux Italiens de vouloir toujours nous faire l'étoile forcée.
BERNHARDT (Mademoiselle SARAH)—De la passion, du charme, un tempérament de comédienne enfin, auquel seulement souvent l'étude fait parfois un peu défaut.
Les grincheux se plaignent que son talent ait des inégalités et que son corsage n'en ait pas.
BONHEUR (ROSA)—Moi, j'admire toujours comme une exception une femme qui peint autre chose que sa figure.
Il est vrai que presque toutes celles qui ont du talent ressemblent à des hommes.
Après avoir été apothéosée, Rosa Bonheur est dédaignée et n'a plus qu'un succès d'exportation. On l'avait placée trop haut; on la met trop bas. C'est dans le caractère national.
BONVIN—Autre pinceau, bien viril, celui-là.
Fait sur des sujets vulgaires des tableaux distingués.
Un réel,—qui n'est pas un réaliste.
BOTTESINI—Le Paganini de la contrebasse.
Aussi long que le manche de son instrument, les cheveux en saule pleureur, mélancoliquement ardent, quand il se met à jouer, on dirait de loin un géant qui se collète avec une armoire.
Grand musicien d'ailleurs; un archet qui pense.
BOUCHARDAT—Un des inventeurs de l'hygiène.
Cette science bien appliquée ayant pour but de rendre inutile tout le reste de la médecine, les autres docteurs regardent le père Bouchardat (sic) comme un ennemi qui vient leur ôter le pain de la bouche.
Celui-ci, avec son nez de fouine et son visage haut en couleur, ne s'effarouche pas. Sa bonhomie va toujours tout droit. Rageur pourtant à l'occasion, mais se calme tout de suite... peut-être en se rappelant à lui-même que la colère n'est pas hygiénique.
BOUDET—Un des trois cents ministres qui font la chaîne depuis trente ans avec le portefeuille de l'intérieur.
Solennel et médiocre, dogmatique et pompeux. Les radis creux ne sont-ils pas toujours ceux qui s'enflent le plus?
BOUFFÉ—Un témoin qui dépose contre le présent au profit du passé.
Un des derniers acteurs qui aient su jouer un personnage au lieu de jouer toujours leur personnalité.
Il avait des ficelles? C'est possible, mais il attachait.
BOUGEART (ALFRED)—Un bénédictin de la démocratie. Un philosophe qui pratique.
A écrit des Pensées à faire dire: Grand La Rochefoucauld vit encore!
BOUGUEREAU—On connaissait la peinture sur bois, sur ivoire, etc.
M. Bouguereau semble avoir inventé la peinture sur veilleuse. Tous les personnages de ses tableaux ont l'air d'être de la porcelaine éclairée à l'intérieur.
Il n'y a que le peintre qui ne s'éclaire pas.... sur ses défauts.
BOUILLAUD—Un habile, ce docteur! En prenant pour spécialité les maladies de cœur, il était sûr de ne jamais manquer de besogne. Le cœur est si malade à notre époque!
BOULEY—Un vétérinaire qui soigne les bêtes de façon à faire joliment envie aux gens.
BOURBAKI—De ceux qui ont fait dire: Gloria victis!
Je regrette seulement que ce vaillant soit mêlé à la politique, que cette brave épée trempe sa pointe dans l'encrier aux suppressions.
BOURBEAU—Surnommé Un éclair de bonheur.
Au banquet du pouvoir, infortuné convive,
J'apparus un jour....
S'il a été une apparition, il ne sera jamais un revenant.
BRÉBANT—Un excellent et charmant garçon, qui nourrit la littérature et s'en nourrit.
En effet, son toupet poivre et sel est un panache qu'on est sûr de retrouver toujours sur le chemin des premières représentations.
La tenue et la gravité d'un homme d'Etat. Est-ce parce qu'il est habitué à voir poser la question de cabinet?
BRESSANT—On disait jadis:
—L'élégant Bressant! le beau Bressant! l'irrésistible Bressant!...
Un feu d'artifice éteint.
BRETON—Ils sont deux frères, comme les Corneille.... Peintres tous les deux.
Thomas, c'est Emile; Pierre, c'est Jules, un rude talent, qui a le défaut d'être parfois un talent rude.
BRINDEAU—Un des entêtés qui ont depuis quelque temps créé au théâtre un nouvel emploi: les vieux premiers.
BRION—Un modeste qui pratique la devise du sage:
—Montre tes œuvres et cache ta vie.
Pousse même peut-être un peu les choses à l'excès et devient légèrement sauvage au fond de son atelier du quartier Saint-Jacques.
A toutes les qualités que le travail peut donner.
Avec une étincelle en plus, serait devenu un grand peintre, au lieu de rester un bon peintre.
BRISSE (baron)—Le ventriloque de la littérature, puisqu'il ne parle jamais que du ventre.
Ecrit comme une vraie cuisinière.... Pour tout autre ce serait un reproche. Pour lui, c'est un compliment.
BROGLIE (DE)—La parodie de M. Guizot dont il a pris la morgue, sans avoir pu prendre ce qui la justifiait.
Est-ce pour flatter l'orléanisme qu'il s'est donné cette voix de coq étranglé?
Son bulletin de notes portera dans l'histoire:
ÉLOQUENCE: Médiocre.
STYLE: Médiocre.
POLITIQUE: Mauvaise.
Avec cela est parvenu à cumuler un instant la réputation d'orateur, les palmes d'Académie et le portefeuille de ministre.
Mais aussi quel patatras, au jour de la chute!..
BROHAN (AUGUSTINE)—La dernière des soubrettes et le dernier rire qui, à ma connaissance, n'ait pas été une grimace.
BROHAN (MADELEINE)—Quelle beauté radieuse c'était!
C'était... O imparfait humain! O indicatif des dates!
BUFFET—Lèvres pincées, caractère idem. Figure à reflet pâle qu'éclaire de biais un regard qui n'est pas d'ensemble.
Caractère à la fois pointu et glacial. De l'acide frappé. Dictateur; beaucoup même.
Quant à sa politique, je ne puis en rien dire, ne sachant si celle de demain ressemblera à celle d'aujourd'hui.
BULOZ—Surnommé le Hérisson littéraire à cause de l'aménité de ses relations.
Il y a encore une autre analogie. Comme le hérisson, il fait sa pelote.
Tout cela n'empêche pas qu'il fallait être quelqu'un pour persuader au peuple français qu'il est capable de digérer une autre espèce de revues que les revues à panaches.
Son recueil a réuni tant de célébrités, que c'est comme un bouquet de fleurs.
M. Buloz a été le lien sans lequel le bouquet se serait effondré.
Quand on a fondé une semblable propriété, où tout le monde voudrait entrer, on a un peu le droit de mettre des tessons sur son mur. Seulement, M. Buloz en met trop.