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Leçons d'histoire,: prononcées à l'École normale; en l'an III de la République Française; Histoire de Samuel, inventeur du sacre des rois; État physique de la Corse.

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SUR UNE NOUVELLE TRADUCTION D'HÉRODOTE.

Paris, 10 août 1819.

IL y a quelques années, Monsieur, il me fut intenté une querelle, dans laquelle, selon les règles de l'art militaire, je passai de la défense à l'attaque, pour faire taire le feu de l'ennemi. Le fond n'était pas de grande importance: un académicien de l'ancien style m'accusait d'avoir pris de travers quelques passages grecs de son Hérodote; il concluait à ce que je fusse déclaré ignare en la langue: l'arrêt m'inquiétait peu; jamais je n'ai prétendu savoir le grec; mais, parce que la forme et l'intention du réquisitoire furent par trop hostiles, je pris cette occasion de donner à mon tour des leçons de logique et de politesse, même de langues française et grecque à un censeur qui faisait métier de gourmander tout le monde: maintenant, il ne s'agit plus des personnes, je n'en veux qu'aux choses. Or, ces choses sont que, malgré tout ce qu'en a dit l'esprit de coterie, cette fameuse traduction française d'Hérodote en sept et en neuf volumes, est un ouvrage radicalement vicieux de fond et de forme, en ce qu'elle fourmille d'altérations du texte, même de contre-sens et de faux matériels, introduits par la préférence que l'auteur donne toujours à ses propres idées et opinions; sans compter que, par défaut de tact et de goût, sous prétexte de franciser le grec, il décolore totalement son original. J'ai démontré la vérité de ces assertions, dans un premier écrit publié en 1808 et retouché en 1809[92]; j'y ai joint de nouvelles preuves dans un travail complet qui a paru en 1814[93]. A cette époque, je formai le vœu qu'une traduction nouvelle plus consciencieuse vînt nous faire mieux connaître le plus consciencieux des voyageurs anciens. Eh bien! Monsieur, voilà que mon souhait s'accomplit: voilà que l'on m'annonce une telle traduction, faite, non par un lettré de profession, mais par un amateur qui, comme moi, se délasse des affaires du présent par l'étude du passé. Un cas singulier veut que cet auteur nouveau, mais nullement novice, en désirant de n'être pas nommé, désire encore que ce soit moi qui mette au jour sa production. Il a fait déposer en mes mains, à titre d'échantillon, le second des neuf livres d'Hérodote, afin que je juge s'il a bien rempli des conditions que j'ai indiquées comme bases de l'art de traduire. J'ai à cœur de répondre à sa confiance et à celle que le public français accorde au successeur d'Hérodote en Égypte: la langue grecque ne m'est point assez connue pour prononcer sur une traduction; je vois bien, en lisant celle-ci, que la coupe des phrases diffère beaucoup de celle de Larcher, et qu'elle se rapproche plutôt du latin de Wesseling et de Schweighauser, dont la fidélité est connue. Je trouve à ce nouvel Hérodote une physionomie plus antique, une narration plus naïve, et un genre de style tel, qu'il me semble lire du grec à travers du français; je me dis que ce style pourrait avoir des tours plus élégants, une distribution de périodes plus conforme à nos habitudes; je sens que l'auteur s'efforce d'approcher du littéral, et d'observer ce grand principe, que l'histoire surtout veut la précision d'un procès-verbal. Cette manière a moins d'éclat; mais le caractère de l'auteur, la marche de ses idées, sont bien mieux sentis. Dans une traduction, comme dans un portrait, le premier de tous les mérites est la ressemblance: que serait Cicéron traduit en phrases de Tacite! Par ce motif, je soutiens que l'Homère de madame Dacier est bien préférable à tous ces Homères en style grandiose et fleuri, où la simplicité, la grossièreté antique disparaît sous de menteurs ornements: autant vaudrait un buste de Socrate, avec le menton rasé et les cheveux à la Louis XIV. En résultat, c'est au public de juger par lui-même: pour cet effet, je ne vois qu'un moyen efficace, qui est de lui soumettre des échantillons. Par eux, nos savants hellénistes pourront apprécier tout l'ouvrage: sur leur prononcé, des libraires connaisseurs dresseront leur spéculation; elle ne sera pas périlleuse, car l'auteur n'entend pas gonfler les deux volumes que comporte le texte, de six ou sept volumes d'appendices étrangers. Sont goût lui donnera la mesure des notes nécessaires, et nous aurons en trois petits volumes, au plus, un véritable Hérodote. Je répondrai aux questions préparatoires jusqu'à ce que l'auteur trouve convenable de conclure lui-même. Je profite donc, Monsieur, de la place que vous m'accordez dans votre estimable Revue, pour publier quelques pages de la traduction nouvelle, en regard avec les mêmes de Larcher. Je prie le lecteur de faire une comparaison attentive en lisant phrase à phrase; de bien peser les différences de tableaux et de coloris, qui se rendent plus sensibles à mesure qu'on les scrute.

Traduction de Larcher.

Cambyses, fils de Cyrus et de Cassandane, fille de Pharnaspes, monta sur le trône après la mort de son père. Cassandane étant morte avant Cyrus, ce prince avait été tellement affligé de sa perte, qu'il avait ordonné à tous ses sujets d'en porter le deuil.

Cambyses regardait les Ioniens et les Eoliens comme esclaves de son père; mais il marcha contre les Égyptiens avec une armée qu'il leva parmi les Grecs de ses états et parmi ses autres sujets....

 

Les Égyptiens se croyaient, avant le règne de Psammitichus, le plus ancien peuple de la terre. Ce prince ayant voulu savoir, à son avénement à la couronne, quelle nation avait le plus de droit à ce titre, ils pensent depuis ce temps-là que les Phrygiens sont plus anciens qu'eux, mais qu'ils le sont plus que toutes les autres nations.

Psammitichus, n'ayant pu découvrir par ses recherches quels étaient les premiers hommes, imagina ce moyen: il prit deux enfants de basse extraction, nouveau-nés, les remit à un berger pour les élever parmi ses troupeaux, lui ordonna d'empêcher...

Traduction nouvelle.

Après la mort de Cyrus, Cambyse, son fils, qu'il avait eu de Cassandane, fille de Pharaspe, succéda à l'empire. Cassandane était morte avant Cyrus; et à sa mort, non-seulement Cyrus avait montré la plus profonde affliction et porté le deuil long-temps, mais il avait encore prescrit à ses sujets de le prendre. Cambyse, dès qu'il fut monté sur le trône, considérant les Ioniens et les Éoliens comme des sujets que son père lui avait légués, pensa à porter ses armes en Égypte, et composa l'armée qu'il mena dans cette expédition des troupes que ses anciens états lui fournirent, et de celles qu'il tira des Grecs nouvellement soumis....

Les Égyptiens, avant le règne de Psammétique, se regardaient comme le premier de tous les peuples par l'antiquité; mais, depuis Psammétique, qui voulut approfondir quelle était réellement la race d'hommes la plus ancienne, les Phrygiens furent reconnus pour l'être, et les Égyptiens ne vinrent plus qu'après eux. Voici comment ce roi, peu satisfait des recherches qu'il avait faites sur cette question, et qui ne lui avaient rien fourni de positif, parvint à la résoudre. Il fit remettre deux enfants nouveau-nés, pris au hasard, entre les mains d'un berger chargé de les élever au pêcher qui que ce fut de prononcer un seul mot en leur présence; de les tenir enfermés dans une cabane dont l'entrée fût interdite à tout le monde; de leur amener à des temps fixes des chèvres pour les nourrir; et, lorsqu'ils auraient pris leur repas, de vaquer à ses autres occupations. En donnant ces ordres, ce prince voulait savoir quel serait le premier mot que prononceraient ces enfants, quand ils auraient cessé de rendre des sons inarticulés. Ce moyen lui réussit. Deux ans après que le berger eut commencé à en prendre soin, comme il ouvrait la porte, et qu'il entrait dans la cabane, ces deux enfans, se traînant vers lui, se mirent à crier becos, en lui tendant les mains. La première fois que le berger les entendit prononcer cette parole, il resta tranquille; mais ayant remarqué que, lorsqu'il entrait pour en prendre soin, ils répétaient souvent le même mot, il en avertit le roi, qui lui ordonna de les lui amener.

Psammitichus les ayant entendus parler lui-même, et s'étant informé chez quels peuples on se servait du mot becos, et ce qu'il signifiait, il apprit que les Phrygiens appelaient ainsi le pain. Les Égyptiens, après de mûres réflexions, cédèrent aux Phrygiens l'antériorité, et les reconnurent pour plus anciens qu'eux.

 

Les prêtres de Vulcain m'apprirent à Memphis, milieu de ses troupeaux royaux, avec l'injonction de ne jamais proférer devant eux une seule parole, et de les laisser constamment seuls dans une habitation séparée. Il devaient leur amener des chèvres à de certains intervalles, les faire téter, et ne plus s'en occuper ensuite. Psammétique, en prescrivant ces diverses précautions, se proposait de connaître, lorsque le temps des vagissements du premier âge serait passé, dans quel langage ces enfants commenceraient à s'exprimer. Les choses s'étant exécutées comme il l'avait ordonné, il arriva qu'après deux ans écoulés, au moment où le berger, qui s'était conformé aux instructions qu'il avait reçues, ouvrait la porte et se préparait à entrer, les deux enfants, tendant les mains vers lui, se mirent à crier ensemble, bekos. Le berger n'y fit d'abord pas beaucoup d'attention; mais, en réitérant ses visites et ses observations, il remarqua que les enfants répétaient toujours le même mot; et il en instruisit le roi, qui ordonna de les amener en sa présence. Psammétique ayant ouï de leur bouche le mot bekos, fit rechercher si cette expression avait un sens dans la langue de quelque peuple, et apprit que les Phrygiens s'en servaient pour dire du pain. Les Égyptiens, après avoir pesé les conséquences de cette expérience, consentirent depuis à regarder les Phrygiens comme d'une race plus ancienne qu'eux.

C'est de cette manière que le fait m'a été rapque ce fait arriva de cette manière; mais les Grecs mêlent à ce récit un grand nombre de circonstances frivoles, et entre autres, que Psammitichus fit nourrir et élever ces enfants par des femmes à qui il avait fait couper la langue. Voilà ce qu'ils me dirent sur la manière dont ces enfants furent nourris.

Pendant mon séjour à Memphis, j'appris encore d'autres choses dans les entretiens que j'eus avec les prêtres de Vulcain; mais, comme les habitants d'Héliopolis passent pour les plus habiles de tous les Égyptiens, je me rendis ensuite en cette ville, ainsi qu'à Thèbes, pour voir si leurs discours s'accorderaient avec ceux des prêtres de Memphis. De tout ce qu'ils m'ont raconté concernant les choses divines, je ne rapporterai que les noms des dieux, étant persuadé que tous les hommes en ont une égale connaissance; et si je dis quelque chose sur la religion, ce ne sera qu'autant que je m'y verrai forcé par la suite de mon discours....

 

porté par les prêtres de Vulcain à Memphis. Les Grecs racontent sur le même sujet beaucoup d'absurdités: entre autres que Psammétique avait donné les enfants à nourrir à des femmes, auxquelles il avait fait couper la langue. Du reste, je n'ai rien su de plus sur ce qui les concerne; mais, dans les entretiens que j'ai eus à Memphis avec les mêmes prêtres de Vulcain, j'ai appris beaucoup d'autres particularités; ensuite je suis allé jusqu'à Thèbes et à Héliopolis, pour vérifier si les rapports que je recueillerais dans ces deux villes s'accorderaient avec ceux qui m'avaient été faits à Memphis. Les habitants d'Héliopolis passent pour les plus instruits de tous les Égyptiens. Mon intention n'est pas cependant de publier tout ce que j'ai appris d'eux sur la religion des Égyptiens, mais seulement de donner les noms de leurs divinités, parce que je pense qu'ils sont connus généralement de tous. Au surplus, je ne parlerai de ces divinités et de la religion que lorsque l'ordre de la narration m'y obligera nécessairement.

VOLNEY.

QUESTIONS

DE STATISTIQUE

A L'USAGE

DES VOYAGEURS.

QUESTIONS

DE STATISTIQUE

A L'USAGE

DES VOYAGEURS.

L'ART de questionner est l'art de s'instruire; mais pour bien questionner, il faut avoir déja une idée des objets vers lesquels tendent les questions: les enfants sont grands questionneurs; et parce qu'ils sont ignorants, leurs questions sont mal assises ou mal dirigées. Dans la société, un homme donne souvent sa mesure par une question bien ou mal faite; dans le monde savant, une classe essentiellement questionneuse est celle des voyageurs; par cette raison leur tâche devient difficile à mesure qu'ils s'élèvent à des connaissances moins vulgaires et plus étendues. Pour avoir éprouvé ces difficultés, quelques-uns d'entre eux se sont créé des méthodes de recherches propres à soulager leur esprit; ils ont composé même des livres de questions sur chaque matière. Le mérite de cette invention semble appartenir à nos voisins du Nord: l'ouvrage de ce genre le plus considérable, est celui du comte Léopold Berschtold, noble de Bohême, l'un des philanthropes les plus recommandables de l'Allemagne, qui en compte beaucoup. L'intention du livre est digne d'estime, mais sa forme a l'inconvénient de fatiguer la mémoire par la multitude des questions et par la répétition des mêmes idées. En méditant ce volume, un ami, un admirateur du comte Berschtold, crut concourir à ses vues d'utilité publique, s'il réduisait ses questions à des éléments plus simples, à un système plus concis. De ce travail est né le tableau resserré que nous présentons ici, qui n'est pas une production nouvelle: il y a bientôt 20 ans qu'il fut dressé par ordre du Gouvernement français, et spécialement du ministère des relations extérieures; à cette époque (1795) où le goût de l'instruction se ranima, des chefs éclairés sentirent d'autant plus le besoin de diriger leurs agents qui résidaient en pays étrangers, que beaucoup de ces agents exerçaient pour la première fois leurs fonctions. L'administration les considéra comme des voyageurs diplomatiques et commerciaux, au moyen desquels elle devait se procurer des informations plus complètes, plus étendues qu'auparavant. Pour diriger leurs recherches, elle sentit la nécessité d'avoir un système de questions bien ordonné. L'opinion publique désignait un livre récent dans lequel se faisait remarquer ce genre de mérite. Le ministre appela l'auteur et le chargea de la rédaction du travail qu'il avait en vue. Les questions suivantes furent composées et bientôt imprimées en un petit format, dont les exemplaires furent bornés à un assez petit nombre. Déja le temps et les événements les ont rendus rares, et parce que quelques personnes en place en ont connu d'heureux résultats, et ont désiré de voir ce modèle plus répandu, l'on s'est déterminé à le réimprimer en un format susceptible d'être joint à la plupart des livres de voyages. On ne doit point répéter ici l'instruction officielle qui servit de préliminaire: néanmoins comme elle contient plusieurs idées qui concourent au développement du sujet, l'on a cru convenable d'en conserver la substance.

«L'administration, y est-il dit, pense que les loisirs, souvent assez longs, dont jouissent ses agents dans les pays étrangers, leur laisseront le temps de vaquer aux recherches qu'indiquent ces questions; elle espère même que ce travail ne sera pas sans attrait pour eux, puisqu'il répandra sur tous les objets qui les environnent un intérêt de curiosité, qui bientôt se changeant en instruction, les attachera de jour en jour davantage: quelquefois par leur position, privés de société, ils en trouveront une aussi utile qu'amusante dans leurs rapports et leurs entretiens avec les artistes et les hommes expérimentés de tout genre qu'ils devront consulter; et plus souvent encore privés de livres, ces questions leur en fourniront un presque fait, puisqu'elles sont une table de chapitres qu'il ne s'agit que de remplir: qui, pour être remplie, ne demande que de fixer leurs regards sur le modèle de tous les livres, sur le spectacle de la nature et sur celui des faits sans cesse présents à leurs yeux; en sorte qu'en les recueillant, ils se procureront un livre d'autant plus piquant, qu'eux-mêmes en seront les auteurs.

«L'administration a donc lieu de penser que ses agents concourront avec zèle à atteindre le but d'utilité qu'elle a en vue, et qu'elle aime à leur communiquer. Persuadé que toute vérité, surtout en gouvernement, n'est que le résultat d'une longue expérience, c'est-à-dire, de beaucoup de faits bien vus et judicieusement comparés; que ce qu'on nomme principes de gouvernement ne sont que des faits sommaires, que des résumés de faits particuliers; qu'enfin toute bonne théorie n'est que l'exposition d'une bonne pratique, le ministère a désiré de rassembler, sur la science si importante de l'économie publique, un assez grand nombre de faits pour retirer de leur comparaison mûrement méditée, soit des vérités neuves, soit la confirmation des vérités connues, soit enfin la réfutation d'erreurs adoptées; et ces faits seront d'autant plus instructifs, qu'ils procéderont de lieux plus divers, qu'ils seront observés par plus de spectateurs, et qu'ils présenteront plus de rapports ou même de contrastes dans le climat, le sol, les produits naturels et toutes les circonstances physiques et morales.

«C'est dans cette intention qu'ont été dressées les questions ci-jointes. Plus on les analysera, plus on se convaincra qu'elles ne sont pas le fruit d'une vaine curiosité ou d'une perquisition inquiétante, mais que toutes tendent vers des fins d'utilité publique et sociale. Les agents reconnaîtront ce caractère même dans les questions qui d'abord y sembleraient étrangères; par exemple, celles sur les vents, qu'on croirait n'appartenir qu'à une science de physique abstraite, touchent cependant de près l'administration et le commerce; car si, comme on a droit de l'espérer, l'on parvenait à connaître le système général des courants de l'air; si l'on s'assurait que lorsque le vent règne sur une plage, il est le produit ou le correspondant de tel autre vent sur telle autre plage; qu'un même vent pluvieux et fécond sur telle côte de France ou d'Espagne, est sec et stérile sur telle côte opposée d'Amérique et d'Afrique, il naîtrait de ces connaissances une théorie aussi hardie que certaine pour des spéculations d'approvisionnements, de commerce, d'expéditions maritimes. Il en est ainsi des questions sur l'état physique d'un pays, sur la nature de ses productions, sur les aliments de son peuple et sur ses occupations. Dès long-temps des observateurs profonds ont cru reconnaître que tous ces objets avaient une influence puissante sur les habitudes, les mœurs, le caractère des nations, et par suite sur la nature des gouvernements et le genre des lois. Il serait infiniment important d'asseoir sur de telles questions un jugement déterminé dans un sens quelconque; et ce jugement ne peut se prononcer que d'après un examen suffisant des faits. Le résultat, atteignant aux bases fondamentales de toute législation, intéresse toute l'humanité: la nation française aurait bien mérité du genre humain en constatant des vérités d'un ordre si élevé.

«Le ministère en adressant ces questions à ses agents, n'a point entendu les astreindre à donner la solution de toutes par eux-mêmes. Il sent trop bien que plusieurs d'entre elles exigent des expériences et des travaux pour lesquels ils n'ont pas un temps suffisant; il est naturel, et même nécessaire, qu'ils consultent les habitués du pays où ils résident. Mais le ministère désire qu'ils portent une circonspection scrupuleuse à s'adresser aux plus instruits qui, en même temps, joignent à l'exactitude l'amour de la vérité. Il leur recommande cette exactitude dans la spécification des poids, des mesures, des quantités. Le principal mérite des expériences consiste dans la précision; et si l'estime attachée à un travail est un premier encouragement à l'exécuter, ils doivent être persuadés que le gouvernement attache un grand prix à celui dont ils sont chargés; qu'il en connaît les obstacles, les difficultés, et qu'il sait d'avance que telle réponse de deux lignes leur aura coûté souvent un mois de recherches; mais ces deux lignes seront une vérité, et une vérité est un don éternel à l'humanité.

«Le ministère ne les borne pas non plus strictement aux chefs des questions qui sont proposées; ils peuvent en joindre du même genre. Seulement il les invite à ne pas trop les multiplier. Ce n'est pas la quantité qui fait le mérite des observations, c'est la justesse, et la justesse veut beaucoup de temps. Par cette raison, ce ne sont point des mémoires rédigés qu'il leur demande, ce sont des notes; et pour plus de précision et de clarté, il les engage à les accoler en face des questions.»

QUESTIONS

DE STATISTIQUE.

PREMIÈRE SECTION.

ÉTAT PHYSIQUE DU PAYS.

ARTICLE PREMIER.

Situation géographique.

1. QUELLE est la latitude du pays?

2. Quelle est sa longitude?

3. Quelles sont ses limites de toutes parts?

4. Combien de lieues carrées contient sa surface?

ART. II.

Climat, c'est-à-dire, état du ciel.

5. Quel degré marque le thermomètre de Réaumur en chaque mois?

6. Quelle différence marque le thermomètre en un même jour du matin à midi?

7. Quelle est la hauteur du baromètre en chaque mois?

8. Quelles sont ses plus grandes variations?

9. Quels sont les vents régnants en chaque mois?

10. Sont ils généraux et communs à tout le pays, ou divers selon les cantons?

11. Ont-ils des périodes fixes de durée et de retour?

12. Y a-t-il des vents journaliers de mer et de terre; quelle est leur marche?

13. Par où commence chaque vent à se faire sentir, est-ce du côté où il vient, ou du côté où il va?

14. Quelles sont les qualités de chaque vent, c'est-à-dire, quel vent est sec ou pluvieux, chaud ou froid, violent ou modéré?

15. En quel mois pleut-il davantage?

16. Combien de pouces d'eau tombe-t-il par an?

17. Y a-t-il des brouillards; en quelle saison?

18. Y a-t-il des rosées; en quel lieu, en quel temps sont-elles plus fortes?

19. Les pluies tombent-elles doucement ou par ondées?

20. Y a-t-il des neiges; combien durent-elles?

21. Y a-t-il des grêles; en quelle saison?

22. Quels vents amènent les neiges et les grêles?

23. Y a-t-il des tonnerres; en quel temps et par quel vent?

24. De quel côté se dissipent-ils ordinairement?

25. Y a-t-il des ouragans; par quel vent?

26. Y a-t-il des tremblements de terre; en quelle saison; quels sont leurs présages; viennent-ils après les pluies?

27. Y a-t-il des marées; quelles sont leurs hauteurs; quels vents les accompagnent?

28. Y a-t-il des phénomènes particuliers au pays?

29. Le climat a-t-il subi des changements connus: quels sont ces changements?

30. La mer a-t-elle haussé on baissé sur les rivages; de combien sa hausse ou sa baisse, et depuis quel temps?

ART. III.

État du sol.

31. Le terrain consiste-t-il en plaines ou en montagnes; quelle est leur élévation au-dessus du niveau de la mer?

32. Le terrain est-il couvert d'arbres et de forêts, ou est-il nu et découvert?

33. Quels sont les marais, les lacs, les rivières?

34. Peut-on calculer combien il y a de lieues carrées en plaines, en montagnes, en marais, en lacs et rivières?

35. Y a-t-il des volcans allumés ou éteints?

36. Y a-t-il des mines de charbon?

ART. IV.

Produits naturels.

37. Quelle est la qualité du terrain; est-il argileux, calcaire, pierreux, sablonneux, etc.?

38. Quels sont les métaux et leurs mines?

39. Quels sont les sels et les salines?

40. Quelle est la disposition et l'inclinaison des diverses couches de terre considérées dans les puits et dans les cavernes?

41. Quels sont les végétaux les plus répandus, arbres, arbustes, plantes, grains, etc.?

42. Quels sont les animaux les plus communs en quadrupèdes, en volatiles, en poissons, en insectes et reptiles?

43. Quels sont ceux particuliers au pays?

44. Quels sont les poids et grandeurs de ces animaux comparés aux nôtres?

DEUXIÈME SECTION.

ÉTAT POLITIQUE.

ARTICLE PREMIER.

Population.

45. Quelle est la constitution physique des habitants du pays; quelle est leur taille ordinaire; sont-ils maigres ou corpulents?

46. Quelle est la couleur de leur peau et de leurs cheveux?

47. Quelle est leur nourriture; quelle est sa quantité dans un jour?

48. De quelle boisson usent-ils; s'enivrent-ils?

49. Quelles sont leurs occupations; sont-ils laboureurs, ou vignerons, ou pasteurs, ou marins, ou habitants des villes?

50. Quelles sont leurs maladies habituelles ou accidentelles?

51. Quelles sont leurs qualités morales les plus frappantes; sont-ils vifs ou lents, spirituels ou obtus; silencieux, ou parleurs?

52. Quelle est la masse totale de la population?

53. Quelle est celle des villes comparée à celle des campagnes?

54. Les habitants des campagnes vivent-ils en villages, ou dispersés en fermes isolées?

55. Quel est l'état des chemins et routes en été et en hiver?

ART. II.

Agriculture.

N. B. Les méthodes d'agriculture étant diverses suivant les cantons, la manière de les bien connaître est d'analyser à fond deux ou trois villages d'espèce diverse; par exemple, un village en plaine, un autre en montagne, un village vigneron et un autre laboureur, et dans chaque village, d'analyser complètement une ferme.

56. Dans un village donné quel est le nombre des habitants, hommes, femmes, vieillards, enfants?

57. Quelles sont leurs occupations respectives?

58. Quelle est la quantité de terrain cultivé par le village?

59. Quelles sont les mesures de longueur et de capacité comparées aux nôtres?

60. Quel est le prix des comestibles comparé à celui de la main-d'œuvre?

61. Les laboureurs sont-ils propriétaires ou fermiers; paient-ils en argent ou en denrées?

62. Quelle est la durée des baux; quelles sont leurs clauses principales?

63. Combien y a-t-il de corps de ferme ou d'héritages dépendants du village?

64. Combien de terrain contiennent-ils du fort au faible?

65. Quels sont les mieux cultivés des grands ou petits corps de ferme?

66. Les terres d'une même ferme sont-elles réunies ou éparses?

67. Les terrains sont-ils enclos; comment le sont-ils?

68. Y a-t-il des terrains vagues et communs; que rendent-ils?

69. Y a-t-il droit de parcours sur les propriétés particulières? (Étant proposée une ferme pour être détaillée,)

70. Quels sont les logements, le nombre de ses habitants, la quantité de ses terres et de ses animaux?

71. Quelle est la distribution des terres pour les ensemencements?

72. Combien d'années consécutives ensemence-t-on ou laisse-t-on reposer un terrain?

73. Quels grains y sème-t-on chaque année, et quelle quantité par arpent?

74. En quel temps sème-t-on et moissonne-t-on?

75. Quels sont tous les frais et toutes les façons de culture d'un arpent, comparés à son produit en nature?

76. Quelle est la quantité des pâturages naturels ou artificiels?

77. Quelle quantité de terrain faut-il pour nourrir un animal de chaque espèce, bœuf, mulet, cheval, chameau, vache ou mouton; que consomment-ils dans un seul jour?

78. Avec quels animaux laboure-t-on; comment sont-ils attelés?

79. Quels sont les instruments de labourage?

80. Quel est le prix de ferme comparé au prix de vente ou d'estimation de fonds?

81. A quel intérêt se prête l'argent?

82. Quelle est la nourriture de la famille cultivante; à combien peut-on l'évaluer par an? quel est son mobilier?

83. Quel est le poids de la toison d'un mouton et celui de sa chair?

84. Quel bénéfice estime-t-on retirer d'un mouton ainsi que d'une vache?

85. Quels sont les engrais dont on use?

86. Quel est l'emploi du temps de la famille dans les veillées; quelle est son industrie?

87. Quelle différence remarquable observe-t-on entre les mœurs et le tempérament d'un village vigneron ou d'un village cultivateur; d'un village de plaine ou d'un montagnard?

88. Quelle est la culture de la vigne?

89. Quelles sont les façons du vin; comment le conserve-t-on; quelle est sa qualité; quelle est l'espèce de raisin; quel est le produit d'un arpent de vigne; quel est le prix d'une mesure déterminée de vin?

90. Quels sont les arbres que l'on cultive, oliviers, mûriers, châtaigniers, etc.; quelles sont les méthodes particulières de ces cultures; quel est le produit moyen de chaque arbre; quel serait le produit d'un arpent planté de cet arbre?

91. Quelles sont les autres cultures du pays, soit en coton, indigo, café, sucre, tabac, etc.; quelles en sont les méthodes?

92. Quelles cultures nouvelles et utiles pourrait-on introduire?

ART. III.

Industrie.

93. Quels sont les arts les plus pratiqués dans le pays?

94. Quels sont les plus lucratifs?

95. Quelles sont les méthodes remarquables dans chaque art par leur économie et par leurs bons effets?

96. Quelles sont les fabriques et les manufactures le plus en vigueur?

97. Quelles sont celles que l'on pourrait introduire?

98. Y a-t-il des mines; de quelle espèce sont-elles; comment exploite-t-on surtout celles de fer?

ART. IV.

Commerce.

99. Quels sont les objets d'importation, et quels sont ceux d'exportation?

100. Quelle est leur balance respective?

101. Comment se font les transports de terre; a-t-on des chariots; comment sont-ils faits; combien portent-ils?

102. Quel poids porte un cheval, un chameau, un mulet, un âne, etc.?

103. Quel est le prix des transports?

104. Quelle est la navigation intérieure ou extérieure?

105. Quelles sont les rivières navigables; y a-t-il des canaux; pourrait-on en faire?

106. Quel est l'état de la côte en général; est-elle haute ou basse; la mer la ronge-t-elle ou la quitte-t-elle?

107. Quels sont les ports, les havres et les anses?

108. La sortie des grains est-elle permise, est-elle désirée?

109. Quel est l'intérêt commercial de l'argent?

ART. V.

Gouvernement et Administration.

110. Quelle est la forme du gouvernement?

111. Quelle est la distribution des pouvoirs administratif, civil et judiciaire?

112. Quels sont les impôts?

113. Comment s'asseyent-ils, se répartissent-ils, se perçoivent-ils?

114. Quels sont les frais de perception?

115. En quelles proportions sont-ils établis relativement au revenu des contribuables?

116. Quelle est la somme des impôts d'un village, comparée à celle de son revenu?

117. Y a-t-il un code de lois civiles clair et précis, ou seulement des coutumes et des usages?

118. Y a-t-il beaucoup de procès?

119. Pour quel genre de contestation y en a-t-il davantage, soit dans les villes, soit dans les campagnes?

120. Comment les propriétés sont-elles constatées; les titres sont-ils en langue vulgaire et bien lisibles?

121. Y a-t-il beaucoup de gens de loi?

122. Les parties plaident-elles en personne?

123. Par qui les juges sont-ils nommés et payés; sont-ils à vie?

124. Quel est l'ordre des successions et des héritages?

125. Y a-t-il des droits d'aînesse, des substitutions, des testaments?

126. Les enfants partagent-ils par égalité, n'importe quel bien; qu'en résulte-t-il pour les biens de campagne?

127. Y a-t-il des biens de main-morte, des legs à l'église, des fondations?

128. Quelle est l'autorité des parents sur leurs enfants, des époux sur leurs femmes?

129. Les femmes ont-elles beaucoup de luxe; en quoi consiste-t-il?

130. Quelle est l'éducation des enfants; quels livres enseigne-t-on?

131. Y a-t-il des imprimeries, des papiers-nouvelles, des bibliothèques?

132. Les citoyens se rassemblent-ils pour des conversations et des lectures?

133. Y a-t-il une grande circulation de personnes et de choses dans le pays?

134. Y a-t-il des établissements de postes aux chevaux et aux lettres?

135. Quels sont, en un mot, les établissements, de n'importe que genre, particuliers au pays, qui par leur utilité, soient dignes de l'observation?

 

FIN.


TABLE DES MATIÈRES

CONTENUES DANS CE VOLUME.

LEÇONS D'HISTOIRE.

Avertissement de l'auteur

pag. III

Première séance (1er pluviôse).—Programme.—Objet, plan et distribution de l'étude de l'histoire.

1

Seconde séance.—Le sens littéral du mot histoire est recherche, enquête (de faits).—Modestie des historiens anciens.—Témérité des historiens modernes.—L'historien qui écrit sur témoignages, prend le rôle de juge, et reste témoin intermédiaire pour ses lecteurs.—Extrême difficulté de constater l'état précis d'un fait; de la part du spectateur, difficulté de le bien voir; de la part du narrateur, difficulté de le bien peindre.—Nombreuses causes d'erreur provenant d'illusion, de préoccupation, de négligence, d'oubli, de partialité, etc.

6

Troisième séance.—Continuation du même sujet.—Quatre classes principales d'historiens avec des degrés d'autorité divers: 1º historiens acteurs; 2º historiens témoins; 3º historiens auditeurs de témoins; 4º historiens sur ouï-dire ou traditions.—Altération inévitable des récits passés de bouche en bouche.—Absurdité des traditions des temps reculés, commune à tous les peuples.—Elle prend sa source dans la nature de l'entendement humain.—Caractère de l'histoire toujours relatif au degré d'ignorance ou de civilisation d'un peuple—Caractère de l'histoire chez les anciens et chez les peuples sans imprimerie.—Effets de l'imprimerie sur l'histoire.—Changement qu'elle a produit dans les historiens modernes.—Disposition d'esprit la plus convenable à bien lire l'histoire.—Ridicule de douter de tout, moins dangereux que de ne douter de rien.—Être sobre de croyance.

18

Quatrième séance.—Résumé du sujet précédent.—Quelle utilité peut-on retirer de l'histoire?—Division de cette utilité en trois genres: 1º utilité des bons exemples, trop compensée par les mauvais; 2º transmission des objets d'arts et de sciences; 3º résultats politiques des effets des lois, et de la nature des gouvernements sur le sort des peuples.......—L'histoire ne convient qu'à très-peu de personnes sous ce dernier rapport; elle ne convient à la jeunesse, et à la plupart des classes de la société, que sous le premier.—Les romans bien faits sont préférables.

43

Cinquième séance.—De l'art de lire l'histoire; cet art n'est point à la portée des enfants: l'histoire, sans enseignement, leur est plus dangereuse qu'utile.—De l'art d'enseigner l'histoire.—Vues de l'auteur sur un cours d'études de l'histoire.—De l'art d'écrire l'histoire.—Examen des préceptes de Lucien et de Mably.

66

Sixième séance.—Continuation du même sujet.—Distinction de quatre méthodes de composer l'histoire: 1º par ordre de temps (les annales et chroniques); 2º par ordre dramatique ou systématique; 3º par ordre de matières; 4º par ordre analytique ou philosophique.—Développement de ces diverses méthodes; supériorité de la dernière: ses rapports avec la politique et la législation.—Elle n'admet que des faits constatés, et ne peut convenir qu'aux temps modernes.—Les temps anciens ne seront jamais que probables: nécessité d'en refaire l'histoire sous ce rapport.—Plan d'une société littéraire pour recueillir dans toute l'Europe les monuments anciens.—Combien de préjugés seraient détruits, si l'on connaissait leur origine.—Influence des livres historiques sur la conduite des gouvernements, sur le sort des peuples.—Effet des livres juifs sur l'Europe.—Effet des livres grecs et romains introduits dans l'éducation.—Conclusion.

93
HISTOIRE DE SAMUEL,
INVENTEUR DU SACRE DES ROIS.

Préface de l'éditeur.

139

  § 1er. Préliminaires du voyageur.—Motifs accidentels de cette dissertation.

141

  § II. Histoire de Samuel, calculée sur les mœurs du temps et sur les probabilités naturelles.—Dispositions morales et politiques des Hébreux au temps de Samuel.

152

  § III. Enfance de Samuel.—Circonstances de son éducation.—Son caractère en devient le résultat.

158

  § IV. Caractère essentiel du prêtre en tout pays; origine et motifs des corporations sacerdotales chez toute nation.

163

  § V. Manœuvres secrètes en faveur de Samuel.—Quel a pu en être l'auteur?

167

  § VI. Nouvelle servitude des Hébreux.—Samuel dans sa retraite prépare leur insurrection et devient suffète ou juge.—Superstition du temps.

175

  § VII. Le peuple rejette les enfants de Samuel et le force de nommer un roi.—Samuel exerce la profession de devin

183

  § VIII. Qu'était-ce que les prophètes et la confrérie des prophètes chez les anciens Juifs?

192

  § IX. Suite de la conduite astucieuse de Samuel.—Première installation de Saül à Maspha.—Sa victoire à Iabès.—Deuxième installation.—Motifs de Samuel.

201

  § X. Brouillerie et rupture de Samuel avec Saül.—Ses motifs probables.

214

  § XI. Destitution du roi Saül par le prêtre Samuel.

221

  § XII. Samuel, de sa seule autorité, et sans aucune participation du peuple, oint le berger David et le sacre roi en exclusion de Saül

228

  § XIII. Origine de l'onction (à l'huile ou à la graisse)

237

Conclusions de l'éditeur.—Questions de droit public sur la cérémonie de l'onction royale

248

NOTES

256

Nouveaux éclaircissements sur les prophètes mentionnés au § VIII, page 192

270

ÉTAT PHYSIQUE DE LA CORSE

281

PRÉCIS DE L'ÉTAT DE LA CORSE

315

PREMIÈRE LETTRE A M. LE COMTE LANJUINAIS, sur l'antiquité de l'alphabet phénicien

329

SECONDE LETTRE A M. LE COMTE LANJUINAIS, sur l'antiquité de l'alphabet phénicien; contenant diverses questions historiques, proposées comme problèmes à résoudre

345

LETTRE A M. LE DIRECTEUR DE LA REVUE, sur une nouvelle traduction d'Hérodote

363

QUESTIONS DE STATISTIQUE, à l'usage des voyageurs

377

Idem.————PREMIÈRE SECTION.—État physique du pays

385

——DEUXIÈME SECTION.—État politique

388

FIN DE LA TABLE.

ISLE DE CORSE

PORT ET TERRITOIRE D'AJACCIO.

ETAGE SOUS LA SALLE PLAN DE LA SALLE COUPE LATÉRALE

NOTES:

[1] Les professeurs de cette école, devenue célèbre en peu de mois, étaient:

      MM.
Lagrange}Mathématiques.
Laplace
HauyPhysique.
MongeGéométrie descriptive.
DaubentonHistoire naturelle.
BertholletChimie.
ThouinAgriculture.
Buache}Géographie.
Mentelle
VolneyHistoire.
Bernardin-de-St.-Pierre    Morale.
SicardGrammaire.
GaratAnalyse de l'entendement.
LaharpeLittérature.

[2] Le lecteur observera que les professeurs de l'École Normale s'étaient imposé la loi de faire leurs leçons sur de simples notes, à la manière des orateurs. Ces leçons, recueillies à l'instant par des écrivains aussi prompts que la parole, étaient légèrement révisées, et de suite envoyées à l'impression; mes trois premières sont dans ce cas, et je n'eus que 15 jours pour m'y préparer.

[3] Ce fut la séance d'ouverture, dans laquelle furent lus tous les programmes.

[4] Par exemple, analysez le principe fondamental des mouvements actuels de l'Europe: Tous les hommes naissent égaux en droits; qu'est-ce que cette maxime, sinon le fait collectif et sommaire déduit d'une multitude de faits particuliers, d'après lesquels, ayant examiné et compare un à un la totalité, ou du moins une immense multitude d'individus, et les ayant trouvés munis d'organes et de facultés semblables, l'on en a conclu, comme dans une addition, le fait total, qu'ils naissent tous égaux en droits..... Reste à bien définir qu'est-ce qu'un droit; et cette définition est plus épineuse qu'on ne le pense généralement.

[5] Hérodote, liv. 4, § XLII, traduct. de Larcher.

[6] Suétone, Vie de César, § LIV.

[7] La liberté, et non la licence.

[8] Voyez le 1er chapitre du Qoran, verset 1er et suivants.

[9] Voyez le début des Confessions de J.-J. Rousseau; il n'est peut-être aucun livre où tant d'orgueil ait été rassemblé dans aussi peu de lignes que dans les dix premières.

[10] Il y a cette différence caractéristique entre Rousseau et Voltaire considérés comme chefs d'opinions, que si vous attaquez Voltaire devant ses partisans, ils le défendent sans chaleur, par raisonnement et par plaisanterie, et vous regardent tout au plus comme un homme de mauvais goût. Mais si vous attaquez Rousseau devant les siens, vous leur causez une espèce d'horreur religieuse, et ils vous considèrent comme un scélérat. Ayant moi-même dans ma jeunesse éprouvé ces impressions, lorsque j'en ai recherché la cause, il m'a paru que Voltaire, parlant à l'esprit plutôt qu'au cœur, à la pensée plutôt qu'au sentiment, n'échauffait l'ame d'aucune passion; et parce qu'il s'occupait plutôt de combattre l'opinion d'autrui que d'établir la sienne, il produisait l'habitude du doute plutôt que celle de l'affirmation, ce qui mène à la tolérance. Rousseau, au contraire, s'adresse au cœur plutôt qu'à l'esprit, aux affections plutôt qu'au raisonnement; il exalte l'amour de la vertu et de la vérité (sans les définir), par l'amour des femmes, si capable de faire illusion; et parce qu'il a une forte persuasion de sa droiture, il suspecte en autrui d'abord l'opinion, et puis l'intention: situation d'esprit d'où résulte immédiatement l'aversion quand on est faible, et l'intolérance persécutrice lorsque l'on est fort. Il est remarquable que parmi les hommes qui, dans ces derniers temps, ont le plus déployé ce dernier caractère, le grand nombre était ou se disait disciples et admirateurs de J.-J. Rousseau.

[11] Fraternité ou la mort, c'est-à-dire, pense comme moi ou je te tue; ce qui est littéralement la profession de foi d'un mahométan.

[12] L'on sait que Rousseau est mort dans cet état, rendu évident par ses derniers écrits.

[13] L'amphithéâtre de chimie au jardin des Plantes donnant sur la rue de Seine.

[14] Ce sujet est si important, que le lecteur ne trouvera pas mauvais que j'insère ici les résultats de mes observations sur les différentes salles où je me suis trouvé.

L'objet principal, même unique d'une salle délibérante, est que les discutants se parlent avec aisance, s'entendent avec clarté; décoration, construction, règles de l'art, tout doit être subordonné à ce point final. Pour l'obtenir, il faut:

1º Que les délibérants soient rapprochés les uns des autres, dans le plus petit espace conciliable avec la salubrité et la commodité; sans cette condition, ceux qui ont des voix faibles sont dépouillés de fait de leur droit de voter, et il s'établit une aristocratie de poumons, qui n'est pas l'une des moins dangereuses;

2º Que les délibérants siégent dans l'ordre le plus propre à mettre en évidence tous leurs mouvemens; car, sans respect public, il n'y a point de dignité individuelle; ces deux premières conditions établissent la forme circulaire et amphithéâtrale;

3º Que les rangs des délibérants forment une masse continue, sans division matérielle qui en fasse des quartiers distincts; car ces divisions matérielles favorisent et même fomentent des divisions morales de parti et de faction;

4º Que le parquet de la salle soit interdit à toute autre personne qu'aux secrétaires et aux huissiers; rien ne trouble plus la délibération, que d'aller et venir dans ce parquet;

5º Que les issues d'entrée et de sortie soient nombreuses, indépendantes les unes des autres, de manière que la salle puisse s'évacuer ou se remplir rapidement et sans confusion;

6º Que l'auditoire soit placé de manière à ne gêner en rien les délibérants.

Comme cette dernière condition pourrait sembler un problème, voici le plan que j'ai calculé sur ces diverses données, et qu'il n'appartient qu'à des architectes de rectifier dans l'exécution.

Je trace une salle en fer à cheval, ou formant un peu plus que le demi-cercle; je lui donne une aire suffisante à placer cinq cents délibérants au plus; car des assemblées plus nombreuses sont des cohues, et peut-être trois cents sont-ils un nombre préférable. J'élève cinq ou six rangs de gradins en amphithéâtre dont le rayon est de trente-six à quarante pieds au plus: dans chacun de ces rangs, je pratique une foule d'issues dites vomitoires, pour entrer et sortir. Autour du parquet, règne une balustrade qui l'interdit au dernier gradin. A l'un des bouts du demi-cercle, et hors des rangs, est le siége du président; derrière lui, hors du cercle, est un appartement à son usage, par où il entre et sort: devant lui sont les secrétaires; à l'autre bout en face, aussi hors des rangs, est la tribune de lecture, destinée seulement à lire les lois et les rapports; chaque membre devant parler sans quitter sa place: cette tribune et le siége du président n l'amphithéâtre. Au-dessus des rangs, en retraite dans le mur, sont des tribunes où siégent les preneurs de notes, dits journalistes, qui, dans un gouvernement républicain me paraissant des magistrats très-influants, sont élus partie par le peuple, partie par le gouvernement: enfin, j'admets quelques tribunes grillées pour les ambassadeurs et pour divers magistrats.

La voûte de cette salle est non pas ronde, mais aplatie et calculée pour des effets suffisants d'audition: nombre de châssis y sont pratiqués pour rafraîchir l'air de la salle, et pour y jeter de la lumière. Aucune fenêtre latérale, aucune colonne ne rompt l'unité de l'enceinte. S'il y a trop d'écho, l'on tend des draperies. Le long des murs sont des thermomètres pour mesurer et tenir à un même degré la chaleur des poêles souterrains en hiver, et des conduits d'air en été; cette partie est sous l'inspection de trois médecins; car la santé des délibérants est un des éléments des bonnes lois.

Jusqu'ici l'on ne voit point d'auditoire, et cependant j'en veux un avec la condition commode de le faire plus ou moins nombreux, selon qu'on le voudra: pour cet effet j'adapte à l'ouverture du demi-cercle ci-dessus, un autre demi-cercle plus petit, ou plus grand, ou égal, qui représente une salle de spectacle sans galeries. Les délibérants se trouvent à son égard comme dans un théâtre élevé qui domine d'assez haut le parterre. Ces deux salles sont séparées par un passage et une balustrade, presque comme l'orchestre, pour s'opposer, au besoin, à tout mouvement. L'on entre par ce passage pour se présenter à la barre située entre le président et la tribune de lecture: enfin, une cloison latérale mobile vient, dans les cas de délibération secrète, isoler en un clin d'œil les délibérants, sans déplacer la masse des spectateurs. Il y a tout lieue se regardent pas, mais sont un peu tournés vis-à-vis le fond de croire qu'un tel édifice ne coûterait pas 100,000 francs, parce qu'il exclut toute espèce de luxe; mais dût-il coûter le double, sa construction est la chose la plus praticable, même dans nos circonstances; car sans toucher au trésor public, une souscription de 12 à 15 fr. par mois, de la part de chaque membre des Conseils, remplirait l'objet qu'ils désirent également, sans être une charge onéreuse sur leur traitement.

[15] Ainsi encore les détails des négociations, de qui dépendent les grands événements de la paix et de la guerre, sont de tous les faits historiques les plus instructifs, puisque l'on y voit à nu tout le jeu des intrigues et des passions; et ces faits seront toujours les moins connus, parce qu'il n'est peut-être aucun de leurs agents qui osât en rendre un compte exact, pour son propre honneur ou son intérêt.

[16] Et en général, toute l'histoire n'est-elle pas les faits tels que les a vus le narrateur, et n'est-ce pas le cas d'appliquer ce mot de Fontenelle: L'histoire est le roman de l'esprit humain, et les romans sont l'histoire du cœur?

[17] Lorsque j'écrivais ceci, en ventôse de l'an 3, je venais de traverser la France depuis Nice, et j'avais vu très-fréquemment les enfants lanternant les chats, guillotinant les volailles et imitant les tribunaux révolutionnaires.

[18] Ces paroles manquent dans l'édition in-12, qui est pleine de fautes.

[19] Avant thermidor de l'an 2.

[20] Les prêtres l'ont si bien senti, que, par une contradiction digne de leur système, ils ont toujours interdit à la jeunesse, et en général au peuple, la lecture des Bibles pleines de récits grossiers et atroces, et pourtant dictés par le Saint-Esprit.

[21] C'est le gouz oriental, dont le g représente notre r grasseyé.

[22] Wednesday chez les Anglais.

[23] Voyez le Common Sense, par Thomas Payne.

[24] C'est-à-dire directrice et conductrice, qui sont les sens du mot norma.

[25] Voyez l'Histoire de 1793.

[26] La totalité des pays désignés sous le nom de Grèce contient environ 3,850 lieues carrées; de ce nombre 1,100 composent la Macédoine qui, selon Strabon, contenait, au temps d'Alexandre, c'est-à-dire au plus haut degré de prospérité, 1,000,000 de têtes; c'est un peu moins de 1,000 ames par lieue carrée, et cette proportion est en effet celle des pays les plus peuplés: je l'applique à toute la Grèce, afin de n'avoir pas de contestation avec les adorateurs de l'antiquité; elle est d'ailleurs le cas le plus favorable des portions de la Grèce moderne; car, d'après des recherches faites avec beaucoup de soin et d'intelligence, par Félix, consul de Salonique, la Macédoine actuelle n'a que 700,000 ames, ce qui donne en moins trois dixièmes; la Morée n'en a que 300,000 pour 700 lieues carrées; l'Attique 20,000, et toute la Grèce réunie pas 2,000,000, ce qui ne donne que 500 ames par lieue carrée, et ce terme est plus fort que l'Espagne.

[27] Maintenant que j'ai vu les sauvages d'Amérique, je persiste de plus en plus dans cette comparaison, et je trouve que le premier livre de Thucydide, et tout ce qu'il dit des mœurs des Lacédémoniens, conviennent tellement aux cinq nations, que j'appellerais volontiers les Spartiates, les Iroquois de l'ancien monde.

[28] Lorsque je songe que l'église dite Sainte-Geneviève, aujourd'hui le Panthéon, a coûté plus de 30 millions; que Saint-Sulpice, et vingt autres églises dans Paris en ont coûté depuis cinq jusqu'à dix; qu'il n'est pas de ville de 10,000 ames en France qui n'ait pour 1,000,000 en construction d'églises, pas de paroisse qui n'en ait pour 60 à 80,000 francs, je suis porté à croire que la France a employé dix milliards à entasser de petits monceaux de pierres sans utilité; c'est-à-dire, quatre ans de son revenu actuel, et plus du double de son revenu au temps des constructions: et voilà la sagesse des peuples et des gouvernements!

[29] Il existait chez l'ancien intendant des bâtiments (d'Angivilliers), un volume manuscrit superbement relié, qui était le registre des frais de la construction de Versailles, et dont le résumé au dernier feuillet, était de 1,400,000,000 de livres tournois: mais l'argent était à 16 francs le marc, il est de nos jours à 52 francs.

[30] Par la main de Charlotte Corday: cependant il est vrai que chez les Juifs l'assassinat des tyrans fut inspiré et protégé par l'Esprit saint; que chez les chrétiens il a été enseigné et recommandé par saint Thomas d'Aquin, et par les jésuites, qui l'ont pratiqué sur des princes qui n'étaient pas tyrans... Aujourd'hui, que deux empereurs effrayés de cette doctrine en d'autres mains veulent rétablir l'ordre des jésuites, il pourra se faire, s'ils y réussissent, qu'ils aient un jour plus de peine à se débarrasser de ces bons pères, que n'en ont eu les rois de France, d'Espagne et de Portugal; car ils n'auront plus à leur secours Voltaire, Helvétius, d'Alembert, et tant d'autres philosophes anti-fanatiques, haïs maintenant par les rois, quoique Frédéric II fût de leur nombre.

[31] L'auteur, après dix mois de détention (jusqu'au 6 fructidor an 2), se trouvait exilé de Paris, par le décret contre les détenus, lorsqu'il reçut à Nice, au mois de frimaire, sa nomination inopinée à l'une des places de professeur, et l'invitation du comité d'instruction publique de venir sur-le-champ la remplir.

[32] En ce moment tout Paris, grace à l'art de M. Prévost, voit ou peut voir Jérusalem aussi bien que notre voyageur: l'illusion du Panorama est complète, mais elle détruit celles de l'imagination; chacun se dit: Quoi! c'est là Jérusalem! Les réflexions de notre auteur n'en seront que mieux appréciées. Il est fâcheux que la vérité du tableau de M. Prévost soit gâtée par une notice triviale, pleine d'erreurs populaires et de contes de pèlerins.

[33] Au temps d'Alexandre, la ville de Tyr, selon les Grecs, avait 46,000 habitants, entassés dans des maisons à quatre étages, construction rare chez les anciens.

[34] Courtier.

[35] Dans l'Itinéraire à Jérusalem, tome II, le poétique auteur cite, page 129, le village de Saint-Jérémie comme étant la patrie du prophète de ce nom, et il reconnaît que cette tradition est fausse, puisque la Bible établit Anatot.

Page 123, selon les habitants, tous les monuments du pays seraient dus à sainte Hélène, et il convient que cela n'est pas vrai....., etc. L'auteur eût pu en citer bien d'autres exemples, mais ce n'était ni son intention ni son but.

[36] La circoncision.

[37] C'était aussi le nom des deux consuls de Kartage, dont le peuple, né phénicien, parlait un langage tout-à-fait analogue à l'hébreu.

[38] Samuel ou Rois, liv. I, chap. I.

[39] Ce nom est le même que l'arabe Ali, lettre pour lettre. Le latin a introduit l'h pour exprimer l'ain.

[40] Le texte emploie ce mot, quoiqu'il n'y eût point encore de temple comme celui de Salomon: c'était ou ce dut être un bâtiment provisoire, assez simple, comme le furent les premiers temples chez les anciens.

[41] Beaucoup d'ouvrages critiques et philosophiques ont été composés sur l'origine, le droit, le mérite ou l'abus de la royauté; sur les vexations, les vices, les scandales des rois: n'est-il pas singulier que l'on en ait si peu composé de tels sur l'origine, le droit, l'abus de la prêtrise, sur les vices, les scandales des prêtres? Pourquoi cela, quand le sujet est si riche?—Parce qu'en tout pays, la plupart des écrivains ont été de la caste des prêtres.

[43] Les Hébreux s'étaient éclairés par quelques progrès de civilisation.—Voyez une note relative, à la fin de cette histoire.

[44] L'auteur des Paralipomènes (présumé être le prêtre Ezdras) nous dit positivement, liv. 1, chap. 29, v. 29: «Toutes les actions du roi David, tant les premières que les dernières, sont écrites dans le livre du prophète Samuel, dans celui du prophète Nathan et dans celui du prophète Gad

[45] De nos jours, c'est encore le même usage chez les Druzes et leurs voisins du Kasraouan. Des hommes se placent le soir sur les hauteurs, et se transmettent de l'un à l'autre un cri, qui, en moins de deux heures, est répandu dans tout le pays.

[46] L'ancien et indélébile usage de ces pays, l'usage de tous les peuples arabes, est, comme l'on sait, de ne jamais se présenter devant quelqu'un sans lui offrir un cadeau quelconque: ici le quart de sicle est connu pour avoir pesé 21 grains d'argent fin, valant un peu moins de 5 sous de France; mais à cette époque, l'argent plus rare pouvait valoir dix fois plus qu'aujourd'hui; ce quart a pu représenter en denrées 40 de nos sous.

[47] Païens, pagani, gens du village, paysans.

[48] Et les illuminés de l'Allemagne et du Nord, l'auteur les oublie-t-il? Voyez la note nº 3, à la fin de cette histoire.

[49] Tout récemment M. Clavier, dans son livre des Oracles.

[50] L'épaule et le bras étaient l'emblème et même l'expression de la force active et du pouvoir.

[51] Le mot hébreu habl signifie positivement un câble; un cordon, une chaîne.

[52] Et nous autres Français, ne le voyons-nous pas aujourd'hui dans les prédications des comédiens missionnaires qui parcourent les villes et les campagnes de nos provinces du Midi, où ils exploitent la sottise populaire avec tous les raffinements d'escamotage et de pantomime qu'a inventés l'Italie? Nos pères, dans le siècle dernier, ne l'ont-ils pas vu dans les scènes extravagantes, devenues si célèbres, des miracles opérés au faubourg Saint-Marcel par les sectateurs du diacre Pâris, etc.?

[53] Ce mot est équivoque; est-ce des prophètes, est-ce de Kis et de Saül dont on demande cela? Si c'est de Kis et de Saül, cela voudra dire: sont-ils lévites? Si c'est des prophètes, cela voudra dire, qu'eux-mêmes n'y avaient pas plus de droit par naissance que Saül, et que la confrérie était formée de gens de toutes classes. Ce dernier sens nous paraît le véritable; autrement cette phrase ne serait que la répétition de la précédente.

[54] Comme les rois de France de la première race.

[55] Composé du radical scafat, il a jugé, il a rendu sentence.

[56] Dans l'hébreu, il n'y a pas deux mots divers pour esclave et serviteur, c'est toujours abd.

[57] Il ne faut pas s'y méprendre: c'est ici la véritable royauté patriarcale des anciens temps; chez les peuples de race arabe, le père de famille a toujours eu et a encore le droit de vie et de mort dans sa maison; ses enfants, ses femmes sont à sa discrétion. Voyez comme Abraham se dispose à égorger son fils sans aucun obstacle humain, et comme il force tout son monde, plus de 300 mâles, esclaves ou libres, à se faire la douloureuse amputation du prépuce. On ne remarque point assez que le despotisme oriental a ses bases dans le despotisme domestique qui tire son origine de l'état sauvage primitif.

[58] L'historien Justin remarque qu'à une époque qui dut être 11 ou 1,200 ans avant notre ère, les Philistins s'étaient emparés de Sidon, et que ce fut à cette occasion que des émigrés de cette ville bâtirent la ville de Tyr.

[59] Lorsque Saül retourne de la maison de Samuel chez son père, il est dit qu'il doit trouver sur sa route un corps-de-garde philistin, et la ligne de cette route est tout-à-fait dans l'intérieur du pays.

[60] Mot impropre: on ne fait jamais ici mention de cavaliers, tout est piéton.

[61] Le manuscrit alexandrin porte seulement dix mille de l'un, dix mille de l'autre, ce qui est le seul raisonnable.

[62] Voyez la note 4, à la fin de cette histoire.

[63] Ce mot est remarquable: votre Dieu! il y avait donc chez les Hébreux d'autres dieux accrédités et vivant au pair du dieu Jehowh.

[64] Tous les textes et anciens interprètes sont d'accord sur ce point: la Vulgate latine dit: In frusta concidit; le grec dit: Jugulavit; le syriaque et l'arabe portent: Coupa en morceaux. Le seul anglais Walton, auteur de la Polyglotte, a pris sur lui de traduire par fit couper, le mot hébreu qui ne pourrait avoir ce sens que par une forme arabe qui n'a pas lieu en hébreu: Samuel coupa de ses propres mains.

[65] Meuble du pays, encore à ce jour où le verre est si commun: il était très-rare alors.

[66] Shalam bouâk.... la paix sur votre arrivée.

[67] Voyez la note nº 5, à la fin de cette histoire.

[68] Voyez la note nº 3, à la fin de cette histoire.

[69] Le texte n'est pas clair à ce sujet, le mot hébreu shamn, signifiant toute matière grasse, onctueuse, huileuse; et le mot samn, dans l'arabe, restant affecté au beurre fondu.

[70] Voyez la note nº 6, à la fin de cette histoire.

[71] Qu'est-ce que croire? je le demande au plus habile métaphysicien; n'est-ce pas voir comme existant ce qu'on nous dit exister? Mais ce tableau que l'on voit ou que l'on se figure voir, peut n'exister que dans notre cerveau: par exemple, d'anciens savants ont cru que le ciel était une voûte de cristal: il est clair que ce cristal, que cette voûte n'existaient que dans leur cerveau où ils la voyaient, et non dans le firmament. Toute la question des croyances est là. Voir dans son cerveau: cela ne dérange rien dans la nature. Josué ou son historien a-t-il vu autrement le soleil s'arrêter? Répondez-moi, biblistes.


(Note de l'éditeur.)

[72] C'est encore par ce mécanisme, que l'on voit souvent dans la vieillesse reparaître les impressions de l'enfance, qui avaient dormi pendant tout l'âge mûr. Par exemple, le physicien Brisson, élevé dans le patois poitevin, l'avait perdu de vue dans sa très-longue résidence à Paris..... Devenu vieux, il eut une attaque d'apoplexie, qui, en lui laissant d'ailleurs ses facultés physiques, effaça toutes ses idées et connaissances acquises par l'étude, même le souvenir de la langue française: mais les impressions premières du patois de l'enfance reparurent et continuèrent jusqu'à sa mort, arrivée quelques mois après. Dans l'âge mûr, notre raison tendue, repousse avec mépris les loups-garous et les esprits-revenants. Dans la vieillesse, nos nerfs retombés dans l'état de végétation purement animale, reprennent les terreurs de l'enfance: que d'exemples dans ce fameux siècle de Louis XIV, riche en arts d'imagination, pauvre en sciences exactes et physiques!


(Note de l'éditeur.)

[73] Liv. II de Samuel ou des Rois, chap. v.

[74] Un volume in-8º, publié en 1809, à Paris, par Joseph-Eugène Beauvoisins, chef d'escadron, et juge militaire au tribunal spécial de Naples.

[75] On trouvera, dans le tableau suivant, les principaux sommets de cette chaîne avec leurs positions géographiques, leurs hauteurs au-dessus du niveau de la mer, et leurs distances du rivage le plus près.

Noms des sommets. Latitude. Longitude
prise
du méridien
de Paris.
Hauteur
au-dessus
du niveau
de la mer.
Distance
du rivagex
le plus
près.
Indication du
rivage.
  °   '   "     °   '   " to. to.  
Monte-Stello au cap Corse 42 47 21 7 04 26 710 2500 Est.
Monte-Asto 42 34 56 6 51 57 719 6300 Nord.
Monte-Grosso 42 30 08 6 34 41 954 6400 Ouest.
Monte-Paglia-Orba 42 20 34 6 32 08 1360 8800 Ouest.
Monte-Rotondo 42 13 00 6 42 55 1418 15700 Ouest.
Monte-Renoso 42 03 37 6 47 30 1158 13300 Est.
Punta la Cappella 41 59 49 6 52 29 1051 8600 Est.
Monte-l'Inardine du Coscione 41 51 01 6 51 58 1055 8100 Est.
Punta della Calva 41 43 16 6 53 01 803 6400 Est.
Punta d'Ovace, sommet le plus élevé des montagnes de Cagna 41 34 59 6 44 26 766 6000 Sud.
Monte-Sant'Angelo de Casinca 42 27 52 7 03 53 573 5300 Est.
Monte-San-Pietro 42 23 51 6 59 »  851 8700 Est.

[76] C'est cette double question d'action et de réaction réciproque que l'auteur se proposait d'examiner dans les chapitres qui devaient suivre celui qu'on vient de lire;—la mort l'a surpris au milieu de son travail; et c'est d'autant plus à regretter, que nous sommes encore à attendre un bon ouvrage sur la Corse.

M. de Volney écrivait peu; il se contentait de prendre quelques notes en forme d'argument et comme pour se prémunir contre les infidélités de sa mémoire.—Un ouvrage était tout entier dans sa tête avant qu'il en jetât les premières lignes sur le papier; et lors qu'il commençait à écrire, il le faisait avec tant d'ordre et de suite, qu'on aurait cru qu'il copiait.—Il était rare qu'il changeât quelque chose à cette rédaction unique, qu'il se contentait de faire recopier par son secrétaire.

Nous sommes réduits à déplorer cette force de tête et cette facilité de rédaction, puisqu'elles nous privent de plusieurs ouvrages entièrement terminés, que M. de Volney se disposait à écrire, lorsqu'il fut enlevé, en peu de jours, à ses amis et à ses concitoyens.


(Note des éditeurs.)

[77] Je n'ai pu me procurer cet article que par approximation.

[78] Id.

[79] Id.

[80] Oui, Paoli a encore en ce moment des gardes, et est généralement traité d'excellence.


Note de l'auteur. Mars 1793.

[81] Les sociétés populaires de Marseille et de Toulon, qui ont dénoncé Paoli, doivent bien remarquer cette circonstance, afin de ne pas prendre le change sur les auteurs des troubles de la Corse.


(Note de l'auteur. Mars 1793.)

[82] Voyez le livre de Dupuis, table des matières, au mot Cadmus, où sont les renvois appropriés à chacun des deux formats, l'in-4º. et l'in-8º.

[83] Nos poètes ne célèbrent-ils pas encore le belier, qui est hors de signe depuis plus de 2,200 ans?

[84] Le ſ représente la lettre schin.

[85] Voyez Dupuis, tome III, in-4º, page 40.

[86] Ici, comme en tant d'autres passages, aucune traduction n'a été fidèle.

[87] Voyez Hérod., lib. II.

[88] Voyez Dupuis, in-4º, tome. 3, page 40.

[89] Il a plu à nos modernes faiseurs de planisphères de placer le taureau et le belier tête contre tête. Le fait est précisément l'opposé chez les anciens qui placent ces deux figures dos à dos. Cependant, comme aucun de leurs atlas n'a été fait plus de 400 ans avant notre ère, j'ai des raisons de croire que jadis la tête du belier fut où ils ont placé sa queue.

[90] Geogr., lib. I, page 41 et 42; édition de Casaubon.

[91] Ce que les Allemands appellent langue semitique, quoique Kanàan et Kush en fassent partie.

[92] Voyez Supplément à l'Hérodote de Larcher; 80 pages, in-8º, 1808. Chronologie d'Hérodote. 1 vol. in-8º, 1809.

[93] Voyez Recherches nouvelles sur l'Histoire ancienne; 2 vol. in-8º. Le second volume se compose de ce qui avait déja paru, en 1808 et 1809, sous le titre ci-dessus. Seulement, j'ai écarté quelques personnalités.


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