Leçons de cosmographie: à l'usage des lycées et collèges et de tous les établissements d'instruction publique
C'est, en effet, ce qui arrive; une partie du cône d'ombre pure, DBC, est atteinte et détruite par les rayons solaires réfractés qui y apportent de la lumière.
Comme tout se passe de la même manière autour de ST et de la terre, les rayons solaires réfractés, les plus rapprochés de celle-ci, parmi ceux qui sortent de l'atmosphère, forment un cône IBC
(fig. 111) tangent à la terre, et dont l'axe est aussi dirigé suivant ST; ce cône IBC est le véritable cône d'ombre pure de la terre; la nuit est absolue dans son intérieur. Mais ce qui dépasse la surface de IBC, dans le cône DBC, par exemple, est atteint et éclairé par un nombre de rayons solaires réfractés de plus en plus grand, à mesure qu'on s'éloigne du sommet I, ou de la surface IBC; cette partie excédante DIBC du cône d'ombre est littéralement détruite par ces rayons réfractés. La lumière que ceux-ci y apportent croît insensiblement, depuis l'obscurité absolue, à partir de la surface IBC, ou bien du sommet I.
À l'aide du calcul on peut déterminer la distance du sommet I au centre de la terre; cette distance est en moyenne de 42 rayons terrestres. On voit donc que la lune ne peut jamais pénétrer dans l'espace IBC complètement privé de lumière; au moment d'une éclipse totale, cet astre se trouve tout entier dans la partie du cône DBC, où pénètrent les rayons réfractés. Dans une éclipse totale la lune ne perd donc pas complètement sa lumière; elle est faiblement éclairée par les rayons réfractés.
On a observé que cette faible lumière que la lune conserve dans les éclipses totales, présente une teinte rougeâtre très-prononcée. Cet effet est dû à un mode d'action de l'air sur les rayons solaires qui le traversent; il se produit une décomposition de la lumière solaire que nous ne pouvons expliquer ici.
Nous n'avons pas besoin de dire que dans une éclipse partielle l'intensité de l'éclipse est de même diminuée par l'effet des mêmes rayons réfractés.
291. Remarque. On ne peut voir une éclipse de lune que si cet astre et le cône d'ombre de la terre, ou au moins une partie de cette ombre, se trouvent ensemble au-dessus de l'horizon; ce qui ne peut avoir lieu que lorsque le soleil est au-dessous; on ne peut donc voir des éclipses de lune que pendant la nuit. Cependant il peut arriver quelquefois que la réfraction atmosphérique permette d'observer une éclipse un peu après le coucher du soleil, et un peu avant son lever; cela se comprend aisément. (V. le complément, page 228).
292. Éclipses de soleil. Une éclipse de soleil n'a jamais lieu qu'à l'époque d'une conjonction, ou nouvelle lune. La lune se trouvant alors entre le soleil et la terre, cache à certains lieux de celle-ci une partie ou la totalité du disque du soleil. Ce phénomène s'explique de la même manière que les éclipses de lune.
293. Explication des éclipses de soleil, totales, annulaires, partielles. Dans la fig. 114, à laquelle s'applique tout ce que nous avons dit nº 284 relativement à la fig. 108, le corps lumineux S est toujours le soleil, mais le corps opaque est la lune, l, qui, de même que notre globe, a un cône d'ombre DBC, et une pénombre PEHQ, qui l'accompagnent dans sa révolution autour de la terre. À l'époque d'une conjonction ou nouvelle lune, il peut arriver que, la lune se trouvant entre le soleil et la terre, celle-ci soit atteinte en partie par le cône d'ombre et la pénombre lunaire, comme l'indique la fig. 114, ou seulement par la pénombre comme on le voit sur la fig. 115 ci-après 108. (V. la note).
Note 108: (retour) Longueur du cône d'ombre pure de la lune. On détermine la longueur lD du cône d'ombre pure de la lune de la même manière que la longueur de l'ombre de la terre (page 211, en note); il suffit de remplacer le rayon TB de la terre par le rayon lB de la lune dans les formules trouvées. En remplaçant dans ces formules la distance du soleil à la lune par ses valeurs extrêmes, on trouve que la longueur du cône d'ombre pure de la lune varie entre 57r,76 et 59r,76 (r rayon de la terre); on sait que la distance lT, de la terre à la lune, varie entre 55r,95 et 63r,80. Il peut arriver que la longueur de l'ombre étant à son maximum ou près de ce maximum, 59r,76, la distance de la terre soit à peu près au minimum, 55r,95; dans ce cas, si la ligne Sl n'est pas trop écartée de la ligne ST (V. nº 296), le cône d'ombre pure de la lune peut atteindre (fig. 114) et même traverser la terre; il y a alors éclipse totale de lune pour une certaine région de la terre. Les nombres ci-dessus nous apprennent également qu'il arrivera le plus souvent qu'au moment d'une conjonction la longueur lD sera plus petite que la distance lT-r, auquel cas il n'y a nulle part éclipse totale du soleil. On peut calculer le diamètre de la section de l'ombre pure de la lune à la distance minimum de la surface terrestre; on sait ainsi dans quelle étendue de cette surface on peut cesser de voir complètement le soleil à un moment donné. Cette étendue est relativement très-petite.
Éclipse totale. Quand une partie ab de la terre est atteinte par l'ombre pure de la lune, chaque lieu de cette région ab cesse de voir le soleil et d'être éclairé par ses rayons; il y a pour ce lieu éclipse totale du soleil. Chaque lieu M simplement atteint par la pénombre de la lune cesse de voir une certaine partie, GE', du soleil; il n'en reçoit plus de lumière; il y a pour ce lieu éclipse partielle de soleil. En même temps qu'il y a éclipse totale pour les lieux de la région ab, et éclipse partielle pour les lieux tels que M, il n'y a pas d'éclipse de lune pour d'autres lieux, tels que N, situés sur la terre, en dehors de l'ombre et de la pénombre de la lune. Éclipses partielles. Il peut arriver, avons-nous dit, que la terre soit atteinte par la pénombre seule de la lune (fig. 115); alors il n'y a éclipse totale pour aucun lieu de la terre; il y a seulement éclipse partielle pour chaque lieu M, atteint par la pénombre.
Il y a deux espèces d'éclipses partielles de soleil; les éclipses annulaires, et les éclipses partielles proprement dites. L'éclipse est annulaire, quand, au milieu du phénomène, le disque solaire nous présente l'aspect d'un cercle noir entouré d'un anneau ou couronne lumineuse (fig. 116). L'éclipse partielle ordinaire est celle dans laquelle il se forme simplement une échancrure plus ou moins étendue sur un côté du disque solaire (fig. 117).
Il y a éclipse annulaire pour tous les points de la terre qui sont atteints par la seconde nappe du cône d'ombre de la lune, prolongé au delà du sommet D (fig. 115 et 118). La fig. 118 montre que pour chacun de ces points p le disque du soleil se partage en deux zones; la plus avancée, ef, comprenant le centre du disque est cachée par la lune; c'est elle qui fait l'effet d'un cercle noir. Le reste du disque déborde, pour ainsi dire, la lune, et fait l'effet d'un anneau lumineux, entourant le cercle noir. L'éclipse annulaire est centrale, l'anneau est régulier pour les lieux de la terre successivement atteints par le prolongement de l'axe SlD du cône d'ombre; il est moins régulier pour ceux qui sont seulement atteints par les bords de la seconde nappe du cône.
Dans l'éclipse partielle ordinaire, l'échancrure du disque solaire est d'autant plus grande que le lieu de la terre est plus rapproché de la limite de l'ombre pure ou de son prolongement; comme la pénombre dépasse aussi bien la seconde nappe du cône d'ombre que la première, il peut arriver que la terre ne soit atteinte que par cette partie excédante de la pénombre; alors il n'y a pour aucun lieu de la terre ni éclipse totale, ni éclipse annulaire, mais seulement une éclipse partielle pour les lieux atteints par la pénombre. Il peut arriver, encore qu'à l'époque d'une opposition l'ombre pure et la pénombre de la lune n'atteignent ni l'une ni l'autre aucun lieu de la terre (nº 296).
294. Explication des phases d'une éclipse de soleil. Dans le cas d'une éclipse totale pour un lieu a de la terre, fig. 114, ce lieu est d'abord atteint par le côté oriental HQ de la pénombre lunaire; le disque du soleil s'échancre à l'occident (vers B'); l'échancrure augmente à mesure que l'ombre pure approche. Quand le premier côté, DC, de cette ombre atteint le lieu a, le disque solaire est devenu tout à fait invisible. Il reparaît quand le côté occidental DB, du cône d'ombre, étant passé à son tour en a, ce lieu est atteint par la seconde partie PED de la pénombre. A mesure que celle-ci passe en a, l'échancrure du disque solaire diminue du côté occidental et finit par s'anéantir quand la pénombre a fini de passer.
On se rend compte de la même manière des phases d'une éclipse partielle.
On peut encore expliquer les phases (sans figure) comme il suit: Le disque lunaire, dans le mouvement propre de l'astre, atteint en face de nous le disque solaire, et passe progressivement devant lui. Si le mouvement de la lune est dirigé de manière que le centre de son disque doit passer sur le centre du soleil, ou très-près de ce centre, l'éclipse est totale ou annulaire, suivant que, à l'époque du phénomène, le diamètre apparent de la lune est plus grand ou plus petit que celui du soleil 109. Considérons le premier cas: le bord oriental du disque lunaire atteignant, puis dépassant le bord occidental du disque solaire, celui-ci s'échancre progressivement de plus en plus; quand le centre de la lune passe sur le centre du disque solaire, ou très-près, le disque solaire recouvert en entier est devenu invisible. Bientôt la lune continuant son mouvement vers l'orient, le bord occidental du soleil reparaît; l'échancrure du disque diminue de plus en plus et s'anéantit quand la lune quitte le soleil, le laissant à l'ouest.
On s'explique de même les phases d'une éclipse annulaire, ou d'une éclipse partielle ordinaire; cette dernière a lieu quand le centre de la lune passe trop loin de celui du soleil 110.
Note 110: (retour) Dans cette explication nous parlons comme si le soleil était immobile en face de nous; il n'en est pas ainsi. La lune atteint et dépasse le soleil en vertu de l'excès de vitesse de son mouvement propre, qui est 13 fois-1/3 plus rapide que celui du soleil. Tout se passe, en apparence, comme si le soleil était immobile en face de nous, la lune se mouvant de l'ouest à l'est avec une vitesse égale à 12 fois-1/3 la vitesse du mouvement propre apparent du soleil.
295. Les éclipses du soleil n'ont lieu qu'à l'époque de la conjonction ou nouvelle lune.
En effet, pour que l'ombre ou la pénombre de la lune atteignent la terre, il faut évidemment que la lune se trouve entre le soleil et la terre, et que l'axe Sl de l'ombre et de la pénombre lunaires fasse un angle nul pu très-petit avec la ligne ST qui va du soleil à la terre. Or, la fig. 98 nous montre que cette double condition n'est remplie qu'à l'époque de la conjonction.
296. Il n'y a pas d'éclipses de soleil à toutes les conjonctions, par la raison déjà donnée à propos des éclipses de lune; c'est que la lune ne circule pas sur le plan de l'écliptique, mais sur un plan incliné à celui-là d'environ 5° 9'. Il résulte, en effet, de cette circonstance qu'à l'époque de la conjonction, les intersections de ces deux plans avec le cercle de latitude du soleil, qui sont précisément les lignes ST et Sl, font entre elles en général un angle d'une certaine grandeur. On conçoit que cette divergence des deux lignes puisse quelquefois être assez grande pour que l'ombre et la pénombre de la lune, qui entourent leur axe Sl, n'atteignent ni l'une ni l'autre aucun lieu de la terre 111. (V. la note , page 228.)
297. Phénomènes physiques des éclipses totales de soleil 112. Plaçons-nous sur le parcours de l'ombre pure, en un des points où l'éclipse est totale et même centrale. L'éclipse commence; le bord occidental 113 du soleil paraît entamé par la lune; celle-ci avance de plus en plus sur le disque qu'elle échancre et où elle se projette en noir. La clarté du jour diminue peu à peu; les objets environnants prennent une teinte blafarde; mais tant que le soleil n'est pas entièrement masqué, il fait encore jour. Enfin le soleil, réduit à un croissant extrêmement mince, disparaît, et aussitôt les ténèbres succèdent au jour. Les étoiles et les planètes, auparavant, effacées par l'éclat du soleil, deviennent visibles. La température a baissé comme la lumière; une brusque impression de froid se fait sentir, et bientôt une rosée abondante viendra prouver que tous les corps de la surface de la terre ont participé à l'abaissement de la température. Les plantes sensibles à l'action de la lumière se replient, comme pendant la nuit; les animaux éprouvent de l'effroi; les hommes eux-mêmes ne peuvent se soustraire à un sentiment pénible qui rappelle et explique la terreur profonde que ces phénomènes grandioses ont inspirée autrefois. Cependant la nuit n'est pas complète; il se forme autour du disque noir de la lune une auréole de lumière (la couronne) qui répand une faible clarté sur les objets environnants. Cette auréole encore inexpliquée, sur laquelle la lune se dessine comme un grand cercle noir à contours tranchés, a produit souvent un effet extraordinaire sur les spectateurs de ce magnifique phénomène; en 1842, à Pavie, vingt mille habitants battirent des mains à son apparition. Mais l'éclipse totale dure peu; au bout de 5m au plus, un jet de lumière jaillit à l'orient du disque noir de la lune et ramène subitement la clarté du jour. C'est le soleil qui reparaît pour présenter, en ordre inverse, toutes les phases qui ont précédé l'obscurité totale. Ce premier rayon dissipe à la fois les ténèbres et l'espèce d'anxiété à laquelle l'astronome lui-même ne saurait échapper.
Note 113: (retour) C'est toujours par le bord oriental de la lune que commencent les éclipses de soleil ou de lune, car c'est par l'excès de vitesse de la lune sur le soleil, ou sur l'ombre terrestre, que la lune atteint, soit le disque solaire, soit le cône d'ombre pure de la terre; elle les traverse de l'ouest à l'est, et finalement elle les dépasse. En prenant deux disques, dont l'un représentera la lune L et l'autre le soleil ou l'ombre de la terre, S ou O, il suffit de placer L à droite (à l'ouest) de S et de le faire marcher de droite à gauche pour figurer assez bien les phases des éclipses. On verra que la première impression sera faite par le bord oriental de la lune sur le bord occidental du soleil ou de l'ombre, en sorte que l'échancrure aura lieu à peu près au bord occidental du soleil dans les éclipses de soleil, ou au bord oriental de la lune, dans les éclipses de lune.
298. Occultation des étoiles par la lune. Ces phénomènes sont analogues aux éclipses du soleil; seulement une étoile n'a pas de mouvement propre, son diamètre apparent n'a pas d'étendue appréciable, et sa distance à la lune est excessivement grande. L'ombre de la lune relativement à une étoile a sensiblement la forme d'un cylindre parallèle à la ligne qui joint l'étoile au centre de la lune. Ce cylindre, qui se déplace avec la lune, venant à atteindre la terre, passe successivement sur une certaine partie de sa surface et y produit le phénomène de l'occultation. Connaissant le mouvement de la lune et de la terre, les astronomes peuvent suivre la marche du cylindre d'ombre d'une étoile donnée quelconque, et prédire le commencement et la fin de chaque occultation pour un lieu donné de la terre. Nous avons dit, nº 277, que la durée de l'occultation fournie par le calcul est précisément celle qui résulte de l'observation du phénomène.
299. Détermination des longitudes terrestres par les distances lunaires. Le bureau des longitudes de France fait calculer et insérer à l'avance, dans la Connaissance des temps, les distances angulaires qui doivent exister entre le centre de la lune et les étoiles principales qui l'avoisinent, de trois heures en trois heures, pour tous les jours de chaque année. Ces distances sont calculées en supposant l'observateur placé au centre de la terre, et les heures sont données en temps vrai de Paris.
L'observateur qui veut connaître la longitude d'un lieu où il se trouve cherche à déterminer l'heure qu'il est à Paris à un certain moment de la nuit. Pour cela, il mesure la distance angulaire d'une étoile principale au bord du disque de la lune; il en déduit la distance au centre même du disque, à l'aide du diamètre apparent. En corrigeant son observation des effets de la parallaxe et de la réfraction, l'observateur détermine la distance angulaire précise de l'étoile au centre de la lune, pour un observateur placé au centre de la terre. Cette distance angulaire connue, il cherche dans la Connaissance des temps à quelle heure de Paris elle correspond dans les tables: si cette distance ne se trouve pas exactement, elle est comprise entre deux distances angulaires des tables; alors il détermine l'heure de Paris par une proportion. Il possède d'ailleurs un chronomètre réglé sur le temps solaire du lieu où il est. La différence entre l'heure locale et celle de Paris donne la longitude cherchée.
APPENDICE AU CHAPITRE IV.
NOTE I.
Sur les noeuds de l'orbite lunaire.
300.Ligne des noeuds. On appelle ligne des noeuds de la lune l'intersection nn' de l'écliptique et du plan de l'orbite lunaire (fig. 99 ci-après); les noeuds sont les points où la lune, dans son mouvement de révolution, rencontre l'écliptique. Le nœud ascendant, n, est celui où passe la lune quittant l'hémisphère austral pour l'hémisphère boréal; l'autre n', est le nœud descendant.
On s'aperçoit que la lune a passé par un de ses nœuds quand la latitude, d'australe qu'elle était, est devenue boréale, et vice versa. On détermine l'heure du passage de la lune à un nœud, et la longitude de ce point, de la même manière qu'on détermine l'instant précis d'un équinoxe, et l'ascension droite relative du droit équinoxial (nº 135). Si on fait cette opération à un certain nombre de passages consécutifs, on trouve que la longitude de chaque nœud varie continuellement d'un passage à l'autre. En étudiant cette variation on arrive à ce résultat:
301. Rétrogradation des nœuds. La ligne nOn' (fig. 99) des nœuds de la
lune tourne sur l'écliptique d'un mouvement
rétrograde, avec une vitesse angulaire
constante d'environ 3' 10"-2/3 par
jour solaire moyen. Chacun des nœuds
fait ainsi le tour de l'écliptique en
18 ans-2/3 environ. C'est là un mouvement
tout à fait analogue à la rétrogradation
des points équinoxiaux, mais
beaucoup plus rapide.
302. Il résulte de ce mouvement des nœuds que la lune ne décrit pas précisément, sur la sphère céleste, le cercle que nous avons indiqué; elle ne décrit pas même une courbe fermée; puisque, après une révolution sur cette sphère, elle ne revient pas couper l'écliptique au même point. Néanmoins, si on considère un certain nombre de positions consécutives quelconques de la lune sur le globe céleste, elles sont très-sensiblement sur un même grand cercle du globe; incliné de 5° 9' sur l'écliptique. Si on considère plusieurs séries semblables de positions consécutives on trouve des grands cercles qui ne sont pas tous absolument les mêmes, mais qui, se succédant d'une manière continue et régulière, font tous avec l'écliptique le même angle de 5° 9'. Ce n'est donc que par approximation que nous avons dit que la lune décrivait un grand cercle de la sphère céleste. Tenant compte de l'observation précédente et du mouvement de la ligne des nœuds, on approche plus de la vérité en définissant comme il suit le mouvement propre de la lune:
Par deux positions observées, l', l", de la lune (fig. 99), concevons un grand cercle de la sphère céleste, rencontrant l'écliptique suivant la ligne nOn', et faisant avec ce plan un angle de 5° 9'. Puis imaginons, à partir du moment où la lune se projette en l", ce cercle l'Ol" animé d'un mouvement uniforme et continu de révolution autour de l'axe de l'écliptique, tel que l'inclinaison de ce cercle sur l'écliptique restant la même, son diamètre nOn' tourne sur ce plan, dans le sens rétrograde, avec une vitesse constante de 3' 10"-2/3 par jour solaire moyen. La projection de la lune sur la sphère céleste, c'est-à-dire le point où on voit son centre sur cette sphère, ne quitte pas cette circonférence mobile nl'l"... n' et la parcourt d'une manière continue, dans le sens direct, exactement comme le soleil parcourt l'écliptique (nº 116).
La lune parcourt en réalité dans ce plan mobile l'ellipse dont nous avons parlé; c'est à cette ellipse mobile que se rapporte tout ce que nous avons dit de l'orbite lunaire.
303. Ce mouvement de révolution du plan de l'orbite lunaire correspond à un mouvement conique de révolution, uniforme et rétrograde, d'une perpendiculaire au plan de cet orbite, qui, faisant avec une perpendiculaire à l'écliptique un angle constant de 6° 9', tournerait autour de cette ligne avec une vitesse angulaire de 3' 10"-2/3 par jour solaire moyen. Ce mouvement conique, analogue à celui de l'axe de rotation de la terre (précession des équinoxes), s'explique de même; il est dû à l'action de la terre sur le renflement du sphéroïde lunaire. L'analogie est d'ailleurs complète, car ce mouvement est aussi affecté de l'irrégularité que nous avons désigné sous le nom de nutation.
304. Nutation. Il y a aussi pour la lune un mouvement de nutation de
l'axe de son orbite. La perpendiculaire OR au plan de l'orbite lunaire (c'est-à-dire
l'axe de cet orbite), décrit continuellement un cône ORR'R" à base circulaire
(fig. 100); ce cône se meut de lui-même tout d'une pièce, de telle sorte
que son axe Or a précisément le mouvement conique que dans l'approximation
précédente, nous avons attribué à l'axe de l'orbite
lunaire. L'axe OR, dans son mouvement sur
le cône ORR'R", tantôt se rapproche, tantôt s'éloigne
de l'axe ON de l'écliptique; de sorte que
l'angle qu'il fait avec cet axe varie entre 5º et
5° 17' 1/2; or, cet angle mesure l'inclinaison de
l'orbite lunaire sur l'écliptique.
L'inclinaison de l'orbite lunaire sur l'écliptique varie donc entre 5° et 5° 17' 1/2; 5° 9' n'est qu'une valeur moyenne.
De plus le point R de l'axe, OR, de l'orbite lunaire qui décrit le cercle RR'R", étant sur la sphère céleste, tantôt en avant, tantôt en arrière du centre r de cette base, lequel tourne autour de ON avec la vitesse constante de 3' 10" 1/3 par jour, il en résulte que le mouvement de chaque nœud qui est le même que celui de R, n'est pas uniforme; ce nœud oscille de part et d'autre de la position qu'il devrait avoir suivant la loi indiquée nº 301, comme étant celle de son mouvement sur l'écliptique.
305. Mouvement du périgée lunaire. Le périgée lunaire se déplace en tournant autour de la terre dans le plan de l'orbite, de manière à faire une révolution entière dans l'espace de 3232j,57 (un peu moins de 9 ans).
Ainsi l'ellipse que la lune décrit n'est pas fixe dans son plan mobile; comme l'orbite terrestre elle tourne dans ce plan autour de son foyer; il n'y a de différence dans les deux mouvements que dans la vitesse, beaucoup plus grande pour le périgée lunaire que pour l'autre.
Il y a encore d'autres irrégularités du mouvement lunaire moins considérables que les précédentes; il nous serait très-difficile d'en rendre compte. La mécanique céleste se fondant sur le principe de la gravitation universelle les explique et les laisse prévoir, de manière que les astronomes peuvent prédire à l'avance les mouvements de la lune avec une très-grande précision.
Note II.
306. Explication de la libration en longitude. Le mouvement de rotation de la lune est uniforme; le mouvement de translation de son centre sur son orbite ne l'est pas; il a lieu conformément aux principes des aires; les aires parcourues par le rayon vecteur Tl sont proportionnelles aux temps employés à les parcourir. L'orbite de la lune étant elliptique (fig. 102), il arrive que des aires égales parcourues ne correspondent pas à des mouvements angulaires égaux du rayon vecteur Tl; cela devient évident si l'on divise, par exemple, chacune des demi-ellipses lLl'', l''l'''L'l en deux aires équivalentes par un rayon vecteur Tl' ou Tl''; les deux angles l'Tl, l'Tl''; correspondant à deux aires équivalentes, diffèrent très-sensiblement l'un de l'autre. Cela posé, suivons la lune à partir du périgée l, durant une révolution synodique, en observant la tache m qui se voit au centre du disque. Quand la lune est arrivée en l', comme le rayon vecteur Tl a décrit une aire égale au quart de l'ellipse, nous sommes au quart de la révolution. La tache m, qui doit décrire uniformément 360° dans une révolution, se trouve en m à 90° de m', qui serait alors sa position si la lune ne tournait pas. Mais le centre du disque est en n sur la ligne Tl'; celle-ci a tourné d'un angle l'Tl plus grand que 90°; le centre a été plus vite que la tache; celle-ci doit nous paraître avoir rétrogradé de l'arc nm; il est bien entendu que cet écart s'est produit progressivement. Quand la lune, au milieu de sa révolution, arrive à l'apogée l", la tache m ayant décrit 180° depuis la première position, doit se trouver en m (distant de m" de 180°). Le point m est précisément le centre du disque. La tache, après être restée en arrière du centre, est donc revenue à ce point; son mouvement de libration est devenu direct. Quand la lune arrive en l''', le rayon vecteur a décrit 3/4 de l'ellipse; la tache qui a décrit les 3/4 de 360°, ou 270° depuis m''', dans le sens m'''nm, est arrivé en m; tandis que le centre du disque est en n sur le rayon vecteur, Tl''', qui n'a pas tourné de 270° depuis le périgée; il s'en faut de l'arc nm; le centre n du disque ayant tourné moins vite que la tache, celle-ci a pris l'avance et nous a paru tourner, par continuation, dans le sens direct. Enfin, la lune étant revenue au périgée l, la tache est revenue au centre; elle a rétrogradé vers ce point. Comme la lune tourne tout d'une pièce dans le même sens, en expliquant la libration de la tache m, nous avons expliqué généralement la libration en longitude.
307. Explication de la libration en latitude. Cette libration a lieu parce que l'axe de rotation de la lune n'est pas perpendiculaire au plan de son orbite, mais fait avec une perpendiculaire à ce plan un angle mlp d'environ 6° 1/2 (nº 268).
Soient lTl' (fig. 103) le grand axe de l'orbite lunaire, mm' une perpendiculaire à l'orbite, pp' l'axe de la lune, T le centre de la terre. La lune occupant la position l, l'observateur, placé en T, verra l'hémisphère mp'm'; il ne verra donc pas le pôle p, qui est de l'autre côté du bord visible, à la distance sphérique mp; tandis qu'il verra au delà du pôle p', à une distance p'm'. Quand la lune, après une demi-révolution, sera arrivée en l', l'axe p'p étant resté parallèle à lui-même, l'observateur verra le pôle p, et les points situés au delà, à la distance sphérique pm, autour de ce point; il ne verra plus que le pôle p', ni aucun des points qu'il voyait précédemment autour de ce point, à la distance p'm'. Il y a donc eu, dans l'intervalle, un mouvement du pôle p qui s'est rapproché du bord supérieur, a reparu, puis s'est avancé à quelque distance de ce bord sur la partie visible du disque, tandis que le pôle p' se rapprochant du bord inférieur, a fini par disparaître de l'autre côté de ce bord. La lune tournant tout d'une pièce dans l'un ou l'autre sens, ceci explique en général la libration en latitude.
308. Explication de la libration diurne. Du centre T de la terre, abstraction faite des autres librations, on voit toujours la même partie de la surface de la lune, ni plus ni moins, quelque position que prenne cet astre. Cela posé, suivons (fig. 104) la lune d'un point A de la surface de la terre, depuis son lever en l jusqu'au méridien en l' puis de là jusqu'à son coucher en l". Quand la lune est au méridien en l', l'observateur A voit précisément la partie de l'astre que l'on aperçoit du centre T. Au lever l, il aperçoit, près du bord occidental, un fuseau ac invisible du centre T, tandis qu'il ne voit pas, près du bord oriental, un fuseau bd, visible de T. Au coucher l', au contraire, l'observateur voit, près du bord oriental, un fuseau d'b' invisible du centre T, et ne voit plus près du bord occidental le fuseau c'a', visible du point T. Or les points de la surface de la lune, invisibles du centre T dans l'une des positions de la lune, sont invisibles du même point dans toute autre position; donc, par l'effet du mouvement diurne, l'observateur A voit d'abord près du bord occidental un fuseau ac, puis au bord oriental un fuseau b'd' qu'il ne verrait pas sans ce mouvement. Comme d'ailleurs tout arrive progressivement, du lever de la lune à son coucher, les taches du fuseau ac, qui auront disparu en l', se rapprochent successivement du bord occidental et disparaissent les unes après les autres, tandis que les taches du fuseau bd reparaissent les unes après les autres au bord oriental, s'avançant progressivement à une petite distance sur le disque. Du méridien au coucher on voit apparaître au bord oriental, et successivement, les lâches du fuseau b'd' qui s'avancent un peu sur le disque; enfin, on voit celles du fuseau a'c', près du bord occidental, s'avancer vers le bord et disparaître successivement. C'est dans l'apparition et la disparition successive de ces fuseaux que consiste la libration diurne.
Chacun des fuseaux ac, b'd', bd, a'c', a environ 1° de large. En effet, l'angle alc par exemple est égal à l'angle AlT, qui est précisément la parallaxe horizontale de la luné, laquelle varie, comme on sait, de 54' à 1°.
Note III.
Complément du chapitre des éclipses.
309.. Prédiction des éclipses de lune. Les anciens, qui étaient loin de connaître les lois du mouvement du la lune aussi bien qu'on les connaît aujourd'hui, étaient cependant parvenus à prédire les éclipses avec une assez grande exactitude; c'est qu'ils avaient remarqué qu'après une certaine période fixe les éclipses de lune se reproduisent dans le même ordre et sensiblement dans les mêmes circonstances. Cette période, connue des Chaldéens sous le nom de saros, se compose de 223 lunaisons formant environ 18 ans 11 jours; elle comprend en général 70 éclipses, dont 41 éclipses de soleil et 29 de lune. Cela admis, il suffit de tenir compte par ordre et par date, d'une manière précise et à partir d'un certain jour, des éclipses de lune qui se produisent dans l'espace de 18 ans 11 jours, pour connaître, à très-peu près:, l'époque et même les circonstances de chacune des éclipses qui se produiront dans la période suivante de 18 ans 11 jours; de même pour une troisième période, et ainsi de suite. C'est ainsi que faisaient les anciens. Maintenant qu'on sait comment et pourquoi les mêmes ellipses se reproduisent ainsi périodiquement, on sait aussi que cette ancienne méthode de prédire les éclipses n'est pas tout à fait exacte, et ne permet de prédire ces phénomènes qu'avec une certaine approximation. Nous l'indiquons néanmoins parce qu'elle est encore de quelque utilité, et qu'elle est d'ailleurs intéressante par le rôle qu'elle a joué bien longtemps.
309 bis. Voici comment on explique la reproduction périodique des éclipses. On démontre aisément, et nous l'expliquons même un peu plus loin (nº 311), que la reproduction d'une éclipse dépend de la position relative, au moment de l'opposition, du soleil et des nœuds de la lune; cela admis, on comprendra aisément, après les explications suivantes, la reproduction périodique des éclipses telle que nous venons de l'indiquer.
On appelle révolution synodique des noeuds de la lune le temps qui s'écoule entre deux rencontres consécutives du soleil et de l'un de ces points. Si les noeuds de la lune étaient fixes sur l'écliptique, la durée de cette révolution serait précisément l'année sidérale (nº 218). Mais à cause du mouvement rétrograde des nœuds (nº 265), en vertu duquel ces points vont constamment à la rencontre du soleil, leur révolution synodique est plus courte et ne dure que 346j,619; 19 de ces révolutions synodiques font 6585j,76, ou 18 ans 11 jours environ; d'un autre côté, 223 lunaisons font 6585j,32. Donc 19 révolutions synodiques de la lune font à peu près 223 lunaisons; c'est lu période chaldéenne. Supposons un instant que l'on ait exactement 18 ans 11 jours = 19 révolutions synodiques des nœuds de la lune = 223 lunaisons; puis, qu'à une certaine époque il y ait éclipse de lune. En ce moment la lune est à l'opposition, et le soleil et les nœuds de la lune occupent certaines positions relatives; après 18 ans et 11 jours, comme il se sera écoulé 223 lunaisons, la lune se trouvera encore à l'opposition; comme il se sera écoulé 19 révolutions synodiques des nœuds, ces points et le soleil seront revenus aux mêmes positions relatives; la même éclipse se reproduira donc exactement. Dans notre hypothèse, la méthode des anciens serait donc parfaitement exacte; si elle ne l'est pas, cela tient aux faibles différences qui existent entre les nombres 6585j,76, 6585j,32 et 18 ans 11 jours; ces différences sont à peine sensibles, et la méthode réussit à très-peu près quand on passe d'une période à la période suivante, ou même à quelques périodes consécutives; mais elles le deviendraient si, à partir d'une première observation réelle des éclipses, on voulait faire un tableau de prédictions pour un grand nombre de périodes suivantes. Il faut donc, au bout d'un certain temps, recommencer le premier travail d'observation.
310. Aujourd'hui les astronomes connaissent parfaitement les lois du mouvement de la lune, et peuvent calculer à l'avance pour un temps quelconque les positions de cet astre relativement au soleil et à la terre; ils le font pour tous les jours de chaque année, et même pour des époques plus rapprochées; les résultats de leurs calculs sont insérés dans la Connaissance des temps de chaque année prochaine. A l'aide de ces tables on peut prédire les éclipses et leurs principales circonstances; le lecteur peut voir dans les ouvrages spéciaux comment on arrive à un pareil résultat.
311. Nous essayerons seulement ici de faire comprendre comment on peut
savoir s'il y aura ou s'il n'y aura pas éclipse de lune à une opposition donnée.
Considérons la terre, son cône d'ombre, et la lune au moment d'une opposition;
imaginons alors une sphère ayant son centre au centre T de la terre,
fig. 112, et pour rayon la distance Tl qui sépare en ce moment les centres des
deux globes. Cette sphère coupe la lune suivant un de ses grands cercles,
cercle l, et le cône d'ombre suivant un cercle, cercle Oc, qu'on appelle le
cercle d'ombre de la lune; ce cercle Oc a son centre O sur l'axe de ce cône,
c'est-à-dire sur les prolongement de la ligne ST qui va du soleil à la terre. La
même sphère coupe le plan
de l'écliptique suivant un
cercle, cercle ON'S, et le
plan de l'orbite lunaire suivant
un autre grand cercle,
cercle N'lN, qui se confond
sensiblement avec cette orbite
elle-même (dans la partie
lN); enfin, le grand cercle
de cette sphère qui passe
par ST et le centre l de la
lune, cercle Ols, n'est autre
que le cercle de latitude
de la lune, puisque, à l'opposition,
ce dernier cercle
doit passer par le soleil; ce
grand cercle Ols (qui est vu
de face), tout en passant par
les centres l et O, de circ. l et cir. Oc, rencontre ces circonférences elles-mêmes
sur la sphère. De cette exposition il résulte qu'à l'époque considérée, lO est la
latitude de la lune, li son demi-diamètre apparent, Oc le demi-diamètre apparent
du cercle d'ombre, TN' la direction de la ligne des nœuds. Rappelons-nous
aussi (page 211) que le diamètre réel du cercle d'ombre est, à la distance
moyenne, 60r, de la lune à la terre, à peu près égal aux 8/11 du diamètre
de la terre, tandis que le diamètre réel de la lune n'est que 3/11 du même
diamètre; ces deux cercles, cercle Oc et cercle li, étant toujours vus à la
même distance, leurs diamètres apparents doivent être dans le même rapport
moyen de 8 à 3.
Les deux circonférences, cir. l et circ. Oc, étant tracées sur la même sphère, tout se passe exactement, quant à leurs situations relatives, comme si elles étaient tracées sur le même plan, les arcs ou distances sphériques Ol, li, Oc, remplaçant exactement la distance des centres et les rayons des circonférences. Nos deux circonférences seront sur la sphère: intérieures, sécantes, tangentes, extérieures, dans des conditions remplies par les arcs lO, li, Oc, parfaitement identiques avec les conditions relatives aux mêmes situations indiquées dans notre Géométrie (2e livre). Dès que cercle l et cercle Oc auront une partie commune, la lune entrera dans le cône, et il y aura éclipse; quand il y aura seulement contact extérieur, ou que les deux cercles seront extérieurs l'un a l'autre, il n'y aura pas d'éclipse. D'après cela, ayant égard à la signification astronomique ci-dessus indiquée de lO, li, Oc, et au IIe livre de Géométrie, nous pouvons établir les propositions suivantes:
1º Il y aura éclipse de lune à une opposition donnée, si pour cette époque on a lO < Oc + li, c'est-à-dire si la latitude de la lune est moindre que la somme des demi-diamètres apparents de la lune et de son cercle d'ombre terrestre.
2º Il n'y aura pas d'éclipse de lune à une opposition donnée si, pour cette époque, on a lO = Oc + li ou lO > Oc + li, c'est-à-dire si la latitude de la lune est égale ou supérieure à la somme des demi-diamètres apparents de la lune et de son cercle d'ombre terrestre.
On peut, dans l'expression des conditions précédentes, introduire, au lieu de la latitude lO, l'arc ON, ou son égal N'S qui mesure la distance angulaire STN' du soleil au second nœud N' de la lune. En effet, le triangle sphérique ONl, rectangle en O, fournit une relation très-simple entre lO, ON, et l'angle aigu ONl (qui n'est autre que l'inclinaison connue de l'orbite lunaire sur l'écliptique; en moyenne 5° 9'; tang lO = sin ON tg. ONl = sin N'S tg. ONl). Supposons que l'on ait remplacé lO par ON et l'inclinaison ONl dans chacune des relations citées tout à l'heure. On connaît la limite inférieure et la limite supérieure du demi-diamètre apparent de la lune; on peut déterminer les mêmes limites du demi-diamètre apparent de son cercle d'ombre terrestre (V. le nº suivant); cela fait, on peut remplacer convenablement ces demi-diamètres par leurs limites dans les égalités ou les inégalités dont nous nous occupons; on arrive ainsi à établir les propositions suivantes:
1º Si à l'époque d'une pleine lune, la distance angulaire du centre du soleil à l'un des nœuds de la lune est plus petite que 9° 31', il y a certainement éclipse. 2º Si à une pareille époque la distance du soleil au nœud le plus voisin surpasse 12° 3', il ne peut y avoir éclipse. 3º Enfin, si la distance du soleil au nœud le plus voisin est comprise entre 9° 31' et 12° 3', l'éclipse est douteuse; l'examen détaillé des circonstances de cette éclipse montrera seulement si elle aura lieu réellement.
Détermination du demi-diamètre du cercle d'ombre. Nous avons supposé connu, dans ce qui précède, le demi-diamètre apparent du cercle d'ombre terrestre de la lune; voici comment on peut le calculer: La fig. 113 représente une section de la sphère (circ. Tl, ou circ. Tc, dont nous venons de faire usage) et une section du cône d'ombre de la lune, par un même plan central conduit par ST; on voit sur cette figure l'arc cc' qui mesure précisément le diamètre apparent du cercle d'ombre; cT est la distance de la lune à la terre 1/2cTc' ou cTD est égal à l'angle BcT, qui est la parallaxe de la lune nº 197), diminué de l'angle cDT (cTD = BcT-cDT); mais l'angle cDT est lui-même égal à l'angle B'TS, demi-diamètre apparent du soleil, diminué de l'angle BB'T, parallaxe du même astre.
2
- cTc' = BcT - cDT = BcT - (B'TS - BB'T)
1
1
- cTc' = BcT + BBT - B'TS.
2 [114]
Le demi-diamètre apparent du cercle d'ombre terrestre de la lune s'obtient en ajoutant la parallaxe du soleil à celle de la lune, et retranchant de la somme le demi-diamètre apparent du soleil. Or ces trois derniers angles sont donnés dans la Connaissance des temps. Le diamètre apparent du cercle d'ombre varie entre 1° 15' 32" et 1° 31' 36". En raison de l'ombre et de la pénombre de l'atmosphère, l'ombre terrestre sur la lune paraît avoir un diamètre un peu plus grand que celui qu'on obtient ainsi; les astronomes augmentent pour cette raison d'un soixantième la valeur calculée.
312. De la fréquence relative des éclipses de lune et de soleil. La période chaldéenne de 18 ans 11 jours, au bout de laquelle la lune reprend la même position relativement au soleil et à ses nœuds, joue le même rôle pour les éclipses du soleil que pour les éclipses de lune quand on considère les premières d'une manière générale, et indépendamment des lieux de la terre pour lesquels elles se produisent. Les éclipses de soleil qui ont eu lieu dans une pareille période se produisent en même nombre et à des époques correspondantes dans la période suivante. Il y a cependant quelques changements à cause des différences entre les valeurs de 223 lunaisons et de 19 révolutions synodiques des nœuds (V. nº 309 bis). L'observation a appris que, dans 18 ans 11 jours, il y a, en moyenne, 70 éclipses, dont 41 de soleil et 29 de lune. Il n'y a jamais plus de 7 éclipses, et moins de 2 dans la même année; quand il n'y en a que deux, ce sont deux éclipses de soleil.
313. Pour comprendre pourquoi il y a plus d'éclipses de soleil que de lune, il suffit de jeter les yeux sûr cône tangent extérieur DB'C' qui enveloppe à la fois la terre et le soleil (fig. 119). Pour qu'il y ait éclipse de lune, il faut que la lune entre dans a partie DBC de ce cône, vers le point a, par exemple; pour qu'il y ait éclipse de soleil, en quelque lieu de la terre, il faut et il suffit que la lune entre vers b dans la partie BCC'B' de ce cône, située entre la terre et le soleil. Or les dimensions transversales du cône étant plus grande vers b que vers a, il doit arriver plus souvent que la lune pénètre dans le cône vers le point b que vers le point a; c'est-à-dire qu'il doit y avoir plus d'éclipses de soleil que de lune.
314. Observons tout de suite qu'il n'est vrai de dire que le nombre des éclipses de soleil, observées durant une certaine période, surpasse le nombre des éclipses de lune, observées dans le même temps, que s'il s'agit de la terre en entier et non d'un lieu déterminé. Quand la totalité ou une portion quelconque de la lune est éclipsée, en cessant d'être éclairée par le soleil, elle devient invisible pour tous les points de l'espace à la fois. Une éclipse de lune est donc visible, et avec les mêmes apparences, de tous les lieux de la terre qui ont cet astre à leur horizon, et même de quelques autres, par l'effet de la réfraction (nº 291); ces lieux composent plus de la moitié de la terre; une éclipse de soleil, au contraire, n'est visible que dans une partie d'hémisphère et quelquefois dans une partie assez restreinte. Cette circonstance fait que le nombre des éclipses de lune visibles en un lieu donné est plus grand que le nombre des éclipses de soleil qu'on y peut observer, malgré la plus grande fréquence de celles-ci quand on ne spécifie aucun lieu de la terre 115.
315. Les éclipses totales de soleil sont excessivement rares en un lieu donné de la terre; on le comprend aisément quand on voit sur la fig. 114 la petitesse de l'ombre pure portée par la lune sur la terre. La partie de la terre atteinte par cette ombre n'est évidemment qu'une très-petite partie de l'espace atteint par la pénombre, d'où le phénomène d'éclipse peut être observé. A Paris il n'y a eu qu'une éclipse totale dans le dix-huitième siècle, en 1724. Il n'y en a pas eu encore dans le dix-neuvième siècle, et il n'y en aura pas d'ici à sa fin. A Londres, on a été 575 ans sans en observer aucune, depuis 1140 jusqu'en 1715; depuis l'éclipse de 1715, on n'en a pas observé d'autre dans cette ville.
316. Prédiction des éclipses de soleil. La période chaldéenne, qui servait aux anciens à prédire les éclipses de lune, ne peut pas servir à prédire les éclipses de soleil. En effet, la prédiction d'une éclipse est relative à un lieu déterminé, ou à une région restreinte de la terre. Or, comme nous l'avons déjà dit, la période chaldéenne, si l'on parvenait à observer toutes les éclipses qui se produisent pendant sa durée, ce que les anciens ne pouvaient pas faire, nous apprendrait tout au plus qu'à telle époque d'une période suivante il doit y avoir une éclipse de soleil, mais sans nous faire connaître ni les lieux de la terre desquels elle serait visible, ni les circonstances de l'éclipse relativement à ces lieux. Or c'est là justement ce qui intéresse dans la prédiction des éclipses.
Il n'y a donc que les travaux des astronomes, dont nous avons parlé nº 310, qui puissent servir à prédire exactement les éclipses de soleil et de lune. Les astronomes déterminent, pour des époques successives et rapprochées, les positions relatives précises du soleil, de la terre et de la lune; ils connaissent donc aussi précisément la position de chacun des cônes d'ombre de la lune et de la terre, et de leur pénombre. Ils peuvent d'après cela, en combinant tous ces éléments, savoir l'instant précis où les conditions nécessaires pour une éclipse seront remplies pour tel ou tel lieu de la terre. Ils peuvent prédire les éclipses, et même les circonstances pour un lieu donné; car les phases dépendent des mêmes éléments. Nous ne pouvons entrer ici dans aucun détail sur les calculs auxquels nous venons de faire allusion. Il nous suffit que le lecteur, édifié sur la cause des éclipses, comprenne la possibilité de les prédire exactement.
CHAPITRE V.
DES PLANÈTES ET LEURS SATELLITES,
ET DES COMÈTES.
317. Le soleil et la lune ne sont pas les seuls corps célestes qui nous paraissent se déplacer au milieu des constellations; il y a encore d'autres astres qui ont un mouvement presque analogue: ce sont les planètes avec leurs satellites, et les comètes. Nous nous occuperons d'abord des planètes.
Les planètes nous offrent à très-peu près le même aspect que les étoiles fixes; ce qui les en distingue principalement, c'est leur mobilité.
Pour reconnaître si un astre que l'on observe, et qui ressemble à une étoile, est une planète, il suffit de se rendre compte d'une manière précise de la position que cet astre occupe par rapport aux étoiles voisines; puis quelques jours après on voit si cette position est restée la même, ou bien si elle a varié d'une manière sensible; dans ce dernier cas, l'astre est une planète.
Les étoiles sont en général marquées sur les cartes célestes; les planètes, vu leur mobilité, n'y sont pas indiquées. Si donc on aperçoit dans le ciel un astre qui ressemble à une étoile et qui n'est pas marqué sur les cartes, il est très-probable que cet astre est une planète; c'est alors le cas d'employer le précédent moyen de vérification.
Nous dirons de plus qu'observées au télescope les principales planètes nous offrent des diamètres apparents sensibles, qui augmentent avec la puissance de l'instrument, tandis que les étoiles, observées de même, nous font toujours l'effet de simples points lumineux. Cette différence tient évidement à ce que les planètes sont infiniment plus rapprochées de nous que les étoiles.
PLANÈTES PRINCIPALES; LEURS DISTANCES MOYENNES AU SOLEIL.
318. On distingue huit planètes principales, y compris la terre; qui est une véritable planète (V. nº 322). Voici les noms de ces planètes et leurs distances moyennes au soleil. Nous indiquons les planètes dans l'ordre croissant de ces distances, que nous exprimons en rayons moyens de l'orbite terrestre (c'est-à-dire la distance moyenne de la terre au soleil étant prise pour unité).
Outres ces huit planètes, on en connaît un certain nombre d'autres plus petites dont nous parlerons plus tard.
PLANÈTES SIGNES DISTANCES PLANÈTES SIGNES DISTANCES
moyennes moyennes
au soleil au soleil
Mercure ? 0,387 Jupiter ? 5,203
Vénus ? 0,723 Saturne ? 9,539
La Terre ? 1,000 Uranus ? 19,182
Mars ? 1,524 Neptune ? 30,04
La terre à part, les anciens connaissaient cinq planètes, savoir: Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne; ces planètes, visibles à l'œil nu, ont été connues de toute antiquité. Uranus a été découverte en 1781 par Williams Herschell; Neptune, annoncée par M. Leverrier le 1er juin 1846, fut aperçue le 23 septembre suivant par M. Galle, astronome prussien.
Les petites planètes ont toutes été découvertes depuis l'an 1800; le plus grand nombre d'entre elles l'ont été depuis quelques années.
319. Mouvements des planètes vus de la terre. On peut évidemment étudier le mouvement propre de chaque planète, de la même manière qu'on a étudié le mouvement apparent du soleil et celui de la lune. Il suffit d'observer chaque jour l'ascension-droite et la déclinaison de cette planète, d'en déduire sa longitude et sa latitude, et de se servir de ces angles pour figurer sur un globe céleste les positions apparentes successives de l'astre sur la sphère céleste. Ce travail constate d'abord l'existence du mouvement propre de la planète; il nous fait connaître de plus les particularités suivantes:
La courbe qui décrit la position apparente d'une planète sur un globe céleste dont le centre représente la terre, ne ressemble pas à celles que l'on obtient pour le soleil et pour la lune; cette courbe est sinueuse et revient sur elle-même, allant tantôt de l'ouest à l'est (sens direct), revenant de l'est à l'ouest (sens rétrograde), puis retournant vers l'est. Si on observe une planète durant une longue suite de jours, et que sa marche sur la sphère céleste soit d'abord directe, c'est-à-dire que sa longitude augmente, on voit, au bout d'un certain temps, ce mouvement en longitude se ralentir, puis s'arrêter pendant quelques jours; on dit alors qu'il y a station. Après cela il y a rétrogradation; le mouvement, de direct qu'il était, devient rétrograde; la longitude de la planète diminue; elle précède chaque jour au méridien les étoiles qu'elle y accompagnait la veille; cela dure un certain temps; puis le mouvement rétrograde se ralentit à son tour, et s'arrête. Après cette nouvelle station le mouvement redevient direct, la planète se dirige de nouveau vers l'est, et ainsi de suite; ces alternatives de mouvement direct, station, rétrogradation, se reproduisent indéfiniment dans le même ordre. Néanmoins les accroissements de la longitude, c'est-à-dire la somme des mouvements directs de l'ouest à l'est, l'emportant sur la somme des chemins de sens contraire, la planète finit par faire le tour de la sphère céleste. On comprend, d'après cela, la forme irrégulière de la courbe dessinée sur le globe céleste dont nous avons parlé d'abord. Cette courbe tantôt s'élève vers le nord de l'écliptique, tantôt descend au sud, c'est-à-dire que la latitude de la planète varie comme la longitude; mais la latitude ne varie que dans des limites généralement peu étendues.
Les planètes principales s'écartent très-peu de l'écliptique; pour aucune d'elles la latitude boréale ou australe, dans ses variations, ne dépasse 8°, c'est-à-dire que ces planètes ne quittent pas la zone céleste que nous connaissons sous le nom de zodiaque (n° 123). Deux de ces planètes, Mercure et Vénus (V. plus loin les planètes inférieures), en se mouvant ainsi le long de l'écliptique, semblent accompagner le soleil dans son mouvement de translation. Chacune d'elles allant et venant, tantôt à l'ouest, tantôt à l'est du soleil, ne s'en écarte jamais au delà de certaines limites. Les trois autres planètes, tout en s'écartant peu de l'écliptique au nord et au sud, et allant tantôt vers l'ouest, tantôt vers l'est, ne se maintiennent pas ainsi dans le voisinage du soleil; la différence entre la longitude de chacune d'elles et la longitude du soleil passe par tous les états de grandeur de 0° à 360°.
Ces irrégularités, ces apparences singulières des mouvements des planètes ont longtemps embarrassé les astronomes; on en a donné diverses explications. Ce n'est qu'en rapportant ces mouvements au soleil, au lieu de les rapporter à la terre, qu'on est parvenu à les expliquer d'une manière tout à fait satisfaisante.
320. Mouvements des planètes vus du soleil. On sait maintenant que cette complication du mouvement des planètes n'est qu'apparente, qu'elle est due uniquement à ce que la terre est éloignée du centre de ces mouvements. Chaque planète, en effet, décrit autour du soleil une courbe plane à peu près circulaire (une ellipse très- peu allongée dont cet astre occupe un foyer). Si l'observateur était placé au centre du soleil, il verrait chaque planète tourner autour de lui, toujours dans le même sens, d'occident en orient, à peu près comme il voit la lune se mouvoir autour de la terre. La distance de la terre au soleil, centre des mouvements planétaires, explique d'une manière tout à fait suffisante, comme nous le verrons bientôt, les apparences que ces mouvements présentent à l'observateur terrestre. Il nous faut d'abord faire connaître d'une manière précise les lois générales des mouvements planétaires.
LOIS DE KÉPLER.
321. Toutes les planètes sont soumises dans leurs mouvements à trois lois générales, qui portent le nom de Képler qui les a découvertes. En voici l'énoncé:
Première loi. Chaque planète se meut autour du soleil dans une orbite plane, et le rayon vecteur (ligne idéale qui va du centre du soleil au centre de la planète) décrit des aires égales en temps égaux.
Deuxième loi. La courbe décrite par chaque planète autour du soleil est une ellipse dont le soleil occupe un foyer.
Troisième loi. Les carrés des temps des révolutions de deux planètes quelconques autour du soleil sont entre eux comme les cubes de leurs moyennes distances au soleil.
Ces lois ont été découvertes par l'observation. C'est en étudiant spécialement le mouvement de Mars qui décrit une ellipse plus allongée que les autres, c'est en comparant un nombre considérable d'observations faites sur cet astre par Tycho-Brahé et par lui-même, que Képler est arrivé à trouver les deux premières lois, lesquelles ont été ensuite vérifiées pour les autres planètes et pour la terre elle-même. Toutes les circonstances du mouvement de ces corps par rapport au soleil se trouvent être des conséquences de ces lois. La comparaison des distances moyennes des planètes au soleil avec les durées de leurs révolutions sidérales a fait découvrir la troisième loi. Ces travaux de Képler ont duré dix-sept ans 116.
Note 116: (retour) Nous ne pouvons exposer ici d'une manière précise les méthodes d'observation employées par les astronomes pour étudier le mouvement d'une planète quelconque, de Mars par exemple, par rapport au soleil. L'observateur est sur la terre; on conçoit qu'il peut déterminer d'une manière précise, comme il a été dit pour le soleil et la lune, une série de positions successives de la planète par rapport au centre de la terre; il connaît aux mêmes époques la position précise du soleil par rapport à ce même centre. Avec ces éléments il détermine la série des positions correspondantes de la planète par rapport au soleil. C'est le rapprochement de ces dernières positions qui peut conduire l'astronome à la connaissance de la loi suivant laquelle elles se succèdent, c'est-à-dire à la loi du mouvement de la planète par rapport au soleil.
322. La terre est une planète. Nous avons déjà eu l'occasion d'énoncer les deux premières lois de Képler à propos du mouvement apparent du soleil par rapport à la terre. Nous avons dit plus tard que ce mouvement de translation du soleil n'est qu'une apparence due à un mouvement réel tout à fait identique de la terre autour du soleil. Ainsi donc le mouvement de translation de la terre autour du soleil a lieu suivant les deux premières lois de Képler. La troisième loi établit une liaison entre les mouvements des diverses planètes comparés les uns aux autres; or, si on compare le mouvement de la terre autour du soleil à celui d'une planète quelconque, on trouve que cette troisième loi est vérifiée par ces deux mouvements. Cette triple coïncidence ne permet pas de douter que la terre ne soit une planète, tournant comme les autres autour du soleil.
PRINCIPE DE LA GRAVITATION UNIVERSELLE.
323. L'examen attentif des lois de Képler a conduit Newton à la connaissance des causes qui agissent sur les planètes et les font se mouvoir suivant ces lois générales. C'est à Newton qu'on doit la découverte de ce principe fondamental qui régit tout le monde solaire:
Principe de la gravitation universelle. Deux points matériels placés comme on voudra dans l'espace gravitent l'un vers l'autre, c'est-à-dire tendent à se rapprocher comme s'ils s'attiraient mutuellement. Les forces qui se développent ainsi entre les deux corps sont égales entre elles, et agissent en sens contraires, suivant la ligne droite qui joint les deux corps, avec une intensité proportionnelle à leurs masses, et inversement proportionnelle au carré de la distance qui les sépare.
Le soleil et les planètes, et en général tous les corps célestes, ne sont pas de simples points, mais des grands corps à peu près sphériques. En admettant que leurs molécules s'attirent mutuellement les unes les autres, Newton est encore parvenu à démontrer cette proposition:
Si les corps qui attirent ont la forme sphérique, l'attraction est exactement la même que si la masse de chacun était ramassée à son centre, chaque sphère attirant ainsi comme un seul point matériel qui aurait une masse égale à la sienne.
L'attraction que le soleil, d'après ce principe, exerce sur chaque planète, combinée avec une vitesse initiale de projection imprimée à cette planète, doit la faire tourner autour du soleil; les lois de ce mouvement, déduites de l'analyse mathématique de ces causes, sont précisément celles que Képler a découvertes par l'observation.
324. Un grand nombre de mouvements qu'on observe dans l'univers sont conformes au principe de la gravitation universelle. Ainsi suivant ce principe, la lune, soumise à l'attraction prépondérante de la terre, doit tourner autour de celle-ci comme les planètes autour du soleil; c'est en effet ce qui a lieu; son mouvement est conforme aux lois de Képler.
Différents globes analogues à la lune tournent suivant les mêmes lois autour de quelques-unes des planètes principales; ce sont les satellites de ces planètes, dont nous parlerons plus tard.
Enfin dans diverses régions de l'espace indéfini, à des distances immenses, on remarque des étoiles tournant autour d'autres étoiles (étoiles doubles); ceux de ces mouvements qu'on a pu suffisamment étudier, ont lieu suivant les lois de Képler, c'est-à-dire conformément au principe de la gravitation.
325. Plus près de nous, nous voyons les corps abandonnés à eux-mêmes dans le voisinage de la terre, tomber à sa surface en se dirigeant vers le centre, paraissant attirés par notre globe exactement comme il a été dit à propos de l'attraction des corps sphériques. La chute des corps sur la terre est donc un effet de la gravitation universelle. Le nom de pesanteur donné à la force qui fait ainsi tomber les corps n'est qu'un synonyme du mot de gravitation.
326. Le lecteur a maintenant une idée générale assez précise de la nature des mouvements planétaires; nous ne pouvons guère aller plus loin sur ce sujet. Nous entrerons cependant dans quelques détails au sujet des planètes principales, que nous considérerons bientôt en particulier, l'une après l'autre.
327. Les plans dans lesquels ces planètes circulent autour du soleil sont très-peu inclinés sur l'écliptique. Voici d'ailleurs ces inclinaisons (d'après M. Faye).
Inclinaison de l'orbite de Mercure, 7° 10' 13"; de Vénus, 3° 23' 31"; de Mars, 1° 51' 6"; de Jupiter, 1° 18' 42"; de Saturne, 2° 29' 30"; d'Uranus, 0° 46' 29"; de Neptune, 1° 47'.
D'après cela, pour plus de simplicité dans l'étude des principales circonstances du mouvement de chaque planète, nous ferons abstraction de la faible inclinaison de son orbite sur l'écliptique, et nous supposerons que la planète tourne autour du soleil, sur ce dernier plan, en même temps que la terre 117. De plus, comme les orbites des principales planètes sont à peu près circulaires, nous les considérerons comme des cercles ayant le soleil pour centre. On se fait aisément ainsi une idée à peu près exacte du mouvement des planètes par rapport à la terre et au soleil.
Note 117: (retour) Cela revient à remplacer chaque orbite par sa projection sur le plan de l'écliptique, et à considérer le mouvement de la planète projetée sur cette orbite. La projection de la planète ayant même longitude que la planète elle-même, on arrive ainsi à des résultats exacts quand ces résultats ne dépendent pas de la latitude.
D'ailleurs, en rétablissant ensuite l'inclinaison de chaque orbite, et tenant compte de sa forme réelle, ceux qui le voudront arriveront, de l'approximation qu'ils auront obtenue avec nous, à connaître exactement les faits étudiés, plus aisément que s'ils avaient voulu arriver tout de suite à ce dernier résultat.
328. Cela posé, terminons les généralités par la définition de quelques termes astronomiques.
On distingue les planètes en planètes inférieures, et en planètes supérieures (on dit quelquefois aussi planètes intérieures et planètes extérieures). Les premières sont celles qui sont plus rapprochées que nous du soleil; il n'y en a que deux: Mercure et Venus. Toutes les autres planètes connues sont supérieures, c'est-à-dire plus éloignées que nous du soleil.
329. Les orbites de Mercure et de Vénus ont donc chacune par rapport à celle de la terre la position qu'indique la figure 122 (circ SP). L'orbite d'une planète supérieure entoure l'orbite de la terre comme l'indique la figure 123.
Comme on le voit, une planète inférieure circule, pour ainsi dire, à l'intérieur de l'orbite terrestre (d'où le nom de planète intérieure qu'on lui donne quelquefois). Une planète supérieure circule à l'extérieur de l'orbite terrestre (d'où le nom de planètes extérieures au lieu de planètes supérieures).
330. Une planète est dite en conjonction quand sa longitude céleste et celle du soleil (par rapport à la terre) sont les mêmes. La planète est alors sur le même cercle de latitude que le soleil. (Voyez les positions T, P, S, et T, S, P', fig. 122, et les positions T, S, P', fig. 123.)
331. Une planète est dite en opposition quand sa position céleste et celle du soleil diffèrent de 180°. La planète est alors sur le prolongement du cercle de latitude du soleil. (V. les positions P, T, S, fig. 123.) 118.
Note 118: (retour) Il s'agit dans ces définitions de la longitude comptée par rapport à la terre, à la manière ordinaire, nº 211.Ainsi que nous l'avons déjà dit, quand les astronomes veulent se faire une idée nette de l'ensemble des positions successives d'une planète, comparées les unes aux autres, et non plus comparées à celle de la terre, ils rapportent directement au soleil ces positions successives, en faisant usage d'un système de coordonnées célestes différentes de celles que nous avons considérées jusqu'ici. Regardant le soleil comme le centre de l'écliptique céleste, ils supposent l'observateur examinant de ce point de vue le mouvement des planètes sur leurs orbites; ils font de ce point le centre de nouvelles coordonnées angulaires, qu'ils appellent, à cause de cela, longitudes et latitudes héliocentriques. Choisissant pour origine des nouvelles longitudes un point de l'écliptique, ils joignent ce point au centre du soleil.
Cela posé, on appelle longitude héliocentrique d'une planète, ou d'une étoile, l'arc d'écliptique compris entre l'origine adoptée et la projection sur l'écliptique du rayon vecteur qui va du centre du soleil à la planète, cet arc étant compté à partir de l'origine dans le sens du mouvement direct, de l'ouest à l'est.
Il résulte de là que le mouvement d'une planète en longitude héliocentrique est justement son mouvement angulaire autour du soleil, quand on la fait circuler sur son orbite projetée.
On appelle latitude héliocentrique d'un astre l'angle que fait le rayon vecteur, qui va du soleil à cet astre, avec la projection de ce même rayon sur l'écliptique. La latitude héliocentrique d'une planète est toujours très-petite; car elle varie depuis 0° jusqu'à l'inclinaison de l'orbite (nº 327) C'est justement de cette petite latitude que nous faisons abstraction quand nous faisons circuler la planète sur son orbite projetée.
Une planète est dite en conjonction par rapport à une étoile quand les deux astres ont la même longitude héliocentrique; en opposition, quand leurs longitudes diffèrent de 180°; en quadrature, quand elles diffèrent de 90° ou de 270°.
On nomme révolution sidérale d'un astre le temps qui s'écoule entre deux de ses conjonctions consécutives avec une même étoile.
Pour distinguer la longitude et la latitude, considérées par rapport à la terre (celles que nous avons considérées jusqu'ici), on les appelle longitude et latitude géocentriques.
332. A l'époque de la conjonction, le soleil et la planète sont du même côté de la terre (V. les positions indiquées tout à l'heure). A l'opposition, la planète et le soleil sont de différents côtés de la terre (V. la fig. 123). A l'opposition une planète est donc plus éloignée du soleil que la terre.
333. Il résulte de là qu'une planète inférieure ne peut jamais se trouver en opposition. Mais elle a deux conjonctions: une conjonction inférieure, quand la planète se trouve entre le soleil et la terre (positions T, P, S, fig. 122); une conjonction supérieure quand la planète est de l'autre côté du soleil par rapport à la terre (positions T, S, P', même figure).
334. La distance angulaire entre une planète et le soleil, vus de la terre, s'appelle élongation.
335. On appelle nœuds d'une planète les points où son orbite coupe le plan de l'écliptique.
Les nœuds d'une planète sont des points tout à fait analogues aux nœuds de la lune; on distingue le nœud ascendant, par où passé la planète quittant l'hémisphère austral pour l'hémisphère boréal, et le nœud descendant. Les nœuds d'une planète ont, comme ceux de la lune, un mouvement lent de révolution sur l'écliptique; on reconnaît qu'une planète est à l'un de ces nœuds quand la latitude céleste de cet astre est nulle. Le moment de ce passage se détermine donc de la même manière que les équinoxes (nº 135).
336. On appelle révolution périodique d'une planète le temps qui s'écoule entre deux retours consécutifs de la planète au même nœud. Pendant cette révolution, la planète fait le tour de son orbite.
337. On nomme révolution sidérale d'une planète le temps qui s'écoule entre deux retours consécutifs de cet astre au cercle de latitude d'une étoile, ce cercle de latitude ayant pour centre le soleil, et non la terre.
La révolution sidérale diffère de la révolution périodique à cause du mouvement du nœud sur l'écliptique. (Ceci est analogue à la précession des équinoxes).
338. On appelle révolution synodique d'une planète le temps qui s'écoule entre deux conjonctions de même nom, ou deux oppositions de cette planète, son mouvement étant vu de la terre.
PLANÈTES INFÉRIEURES.
339. On appelle planètes inférieures, ou intérieures, avons-nous dit, les planètes qui sont plus rapprochées que nous du soleil, ou, ce qui revient au même, les planètes dont les orbites sont intérieures à l'orbite de la terre (fig. 122).
Nous avons remarqué (nº 333) qu'une planète inférieure ne peut se trouver en opposition, parce qu'une planète en opposition est plus éloignée du soleil que la terre.
Il n'y a que deux planètes inférieures: Mercure et Vénus. Nous allons nous en occuper particulièrement.
MOUVEMENT APPARENT D'UNE PLANÈTE INFÉRIEURE (vue de la terre);
SES DIGRESSIONS ORIENTALES ET OCCIDENTALES.
340. Pour plus de précision dans la description de ces mouvements, au lieu de dire la planète, en général, nous parlerons de Vénus. Tout ce que nous dirons ici de Vénus est vrai pour Mercure; il n'y a qu'à changer le nom dans l'exposition.
(V. la fig. 124 ci-après; la planète se meut sur son orbite PP'P"P, à partir de la conjonction inférieure P; l'observateur terrestre occupe la position relative T). Vénus, à l'époque de la conjonction inférieure, n'est pas visible; située pour nous précisément dans la direction du soleil, elle se perd dans les rayons de cet astre, qu'elle accompagne tout le jour au-dessus de l'horizon, et la nuit au-dessous: Quelque temps après on aperçoit cette planète, le matin, à l'orient, un peu avant le lever du soleil. Les jours suivants, dans les mêmes circonstances, c'est-à-dire un peu avant le lever du soleil, on l'aperçoit de plus en plus élevée au-dessus de l'horizon; elle nous paraît donc s'écarter de plus en plus du soleil vers l'ouest 119. Au bout d'un certain temps, cet écart cesse de croître; la planète nous paraît stationnaire par rapport au soleil. Quelques jours après, elle paraît se rapprocher de cet astre; car le matin, quand le soleil se lève, elle est de moins en moins élevée au-dessus de l'horizon.
Le lever de la planète se rapprochant ainsi de celui du soleil, les deux astres finissent par se rejoindre; la planète se perd de nouveau dans les rayons du soleil, et nous cessons de la voir pendant quelques jours. C'est l'époque d'une conjonction, et c'est évidemment la conjonction supérieure. Quelques jours après, l'astre reparaît, mais cette fois le soir, à l'occident, un peu après le coucher du soleil. Les jours suivants, dans les mêmes circonstances, c'est-à-dire un peu après le coucher du soleil, nous le voyons de plus en plus élevé au-dessus de l'horizon; son coucher retarde de plus en plus sur celui du soleil; la planète nous paraît donc s'écarter du soleil, mais cette fois vers l'est 120. Au bout d'un certain temps, la planète semble de nouveau stationnaire par rapport au soleil; puis, après quelques jours de station, nous paraît revenir vers lui; car de jour en jour nous la voyons de moins en moins élevée au-dessus de l'horizon quand le soleil se couche. Enfin elle arrive à se coucher en même temps que cet astre, et alors nous cessons de la voir: il y a alors une nouvelle conjonction, et c'est évidemment la conjonction inférieure. A partir de là, les apparences que nous venons de décrire se reproduisent indéfiniment, et dans le même ordre.
341. Mouvement de la planète sur la sphère céleste. En étudiant ce mouvement par rapport au soleil d'une manière plus précise et avec des instruments, à partir de la conjonction inférieure, on constate ce qui suit. La longitude de la planète, d'abord égale à celle du soleil, devient bientôt plus petite; la différence des deux longitudes augmente dans ce sens pendant un certain nombre de jours; la planète s'éloigne donc du soleil vers l'ouest. Au bout d'un certain temps, cet écart angulaire des deux astres cesse de croître; il conserve la même valeur pendant quelques jours; la planète paraît stationnaire par rapport au soleil. Les jours suivants elle revient vers cet astre; car la différence des longitudes diminue de plus en plus, et finit par s'annuler: la planète a rejoint le cercle de latitude du soleil; il y a donc une nouvelle conjonction, et ce doit être la conjonction supérieure. Aussitôt après, les longitudes recommencent à différer; mais cette fois la longitude de la planète est la plus grande; la différence augmente de plus en plus dans ce sens: la planète nous paraît donc s'écarter du soleil vers l'est. Après un certain temps, cet écarte cesse de croître; il reste le même pendant quelques jours; la planète est stationnaire par rapport au soleil. Puis l'écart diminue, et finit par s'annuler; les longitudes redeviennent égales. La planète se rapprochant du soleil, vers l'ouest, a fini par le rejoindre; il y a une nouvelle conjonction; c'est évidemment la conjonction inférieure. Puis tout recommence de même.
342. Définitions. Ces mouvements apparents de va-et-vient de la planète, tantôt à l'ouest du soleil, tantôt à l'est, sont ce qu'on appelle des digressions.
Une planète inférieure s'éloignant du soleil vers l'ouest fait une digression occidentale; quand elle s'en éloigne vers l'est, la digression est orientale.
Plus précisément, la digression occidentale d'une planète inférieur est l'écart de cette planète à l'ouest du soleil, parvenu à son maximum. La digression orientale est l'écart de la planète à l'est du soleil, parvenu à son maximum.
Dans son état variable, entre 0° et son maximum, la distance angulaire entre la planète et le soleil se nomme élongation.
Les digressions de Mercure ne dépassent jamais 28°; celles deVénus 48°.
343. Explication du mouvement apparent d'une planète inférieure. Figurons-nous les orbites de la planète et de la terre (cercle SP et cercle ST, fig. 124); les mouvements du ces deux corps ont lieu dans le sens indiqué par la flèche 121. La terre, plus éloignée du soleil que la planète, met plus de temps que celle-ci à faire le tour de son orbite (3e loi de Képler). La vitesse circulaire moyenne de la planète est donc plus grande que celle de la terre. Dès lors, pour étudier les positions relatives de la terre et de la planète, nous pouvons considérer la terre comme immobile en T (fig. 124), tandis que la planète circule sur son orbite avec une vitesse précisément égale à l'excès de sa vitesse réelle sur la vitesse de la terre. Eu égard à la symétrie des orbites, le mouvement angulaire de la planète, par rapport au soleil, vu de la terre, sera précisément le même dans cette hypothèse que celui qui a lieu réellement. Rappelons-nous donc, d'après cela, que l'observateur est supposé immobile en T 122.
Note 122: (retour) Pour bien comprendre ce que nous disons ici, à propos du mouvement apparent de la planète par rapport à l'observateur terrestre et au soleil, il suffit de considérer un instant le mouvement simultané de la terre T et de la planète P autour du soleil S sur la fig. 124 bis. A la conjonction inférieure, la terreest en T et la planète en P. Quelque temps après, la terre étant arrivée en T1 la planète est en p1; comme la planète a tourné plus vite que la terre autour du soleil, elle n'est plus en ligne droite avec la terre et le soleil; l'observateur placé en T1 voit la planète et le soleil sous un angle ST1p1, que nous appelons la distance angulaire du soleil et de la planète, ou plus simplement l'élongation. Dans l'intervalle que nous considérons, cette distance angulaire a varié de 0° à sa valeur actuelle ST1p1; les longitudes des astres S et P, d'abord égales entre elles et à ?p, sont devenues différentes (?s-?p1 = p1s). Cette distance angulaire varie durant le mouvement simultané de la terre et de la planète; on pourrait l'étudier en considérant sur cette figure 124 bis une série de positions simultanées de ces deux corps, et faisant la même construction que nous avons faite pour T1 et p1; nous aurions une série d'angles, tels que ST1p1, à comparer les uns aux autres. Pour les comparer plus aisément, nous les avons transportés de manière qu'ils aient tous un côté commun ST (fig. 124) et nous avons considéré à partir de là les divers écarts du second côté Sp1; nous n'avons pas fait autre chose dans le texte.
Pendant que la planète, à partir de la conjonction inférieure, va de P en P', l'écart angulaire de cet astre et du soleil vus de la terre T, se forme et croît de 0° à STP'.
La projection de la planète sur la sphère céleste (sa position apparente), allant de p en p', s'écarte vers l'ouest de celle du soleil, qui, dans notre hypothèse, est fixe en p. C'est pourquoi la planète nous paraît s'écarter d'abord du soleil vers l'ouest. Cet écart de la projection de la planète, qui est la différence des longitudes des deux astres, croît de 0° à pp'. La figure montre que l'écart entre le soleil et la planète doit croître d'abord avec une certaine rapidité, puis plus lentement à mesure que la planète se rapproche de la position P'. Les points de l'orbite, voisins de P', étant à très-peu près sur la direction de la tangente TP', se projettent à très-peu près en p'; pendant que la planète occupe ces positions voisines de P', un peu avant et un peu après son arrivée en ce point, la projection de cet astre sur la sphère doit nous paraître stationnaire (en p') par rapport à celle du soleil, c'est-à-dire que la différence des longitudes des deux astres doit rester la même. Le mouvement de la planète vers l'ouest est arrêté; il y a station. Un peu plus tard, la planète ayant dépassé sensiblement le point P', en allant de P' à P", la distance angulaire des deux astres diminue de STP' à 0; la projection de l'astre se meut vers l'est, de p' en p, la différence des longitudes diminue de pp' à 0; la planète doit donc nous paraître se rapprocher du soleil vers l'est; elle le rejoint à la conjonction supérieure en P". Après cette conjonction, la planète passe à l'est du soleil et s'en écarte continuellement, en allant de P" en P1; les longitudes des deux astres redeviennent différentes, mais la planète étant passée à l'est du soleil, sa longitude est plus grande; la différence croît de 0° à pp1. L'écart angulaire des deux astres croit d'abord avec rapidité, puis se ralentit pour cesser de croître quand la planète est tout près de P1. Arrivée en cet endroit, la planète semble de nouveau stationnaire par rapport au soleil, comme en P'. Quand elle a dépassé ce point, tandis qu'elle va de P1 à P, l'écart angulaire des deux astres diminue avec une rapidité de plus en plus grande, la différence des longitudes décroît de pp1 à 0°. La planète est de nouveau en conjonction inférieure; puis tout recommence delà même manière. Ainsi se trouvent expliquées toutes les circonstances du mouvement apparent.
344. Vénus. Détails particuliers. Cette planète n'est autre que l'astre brillant connu de tout le monde sous le nom d'étoile du soir (Vesper), et d'étoile du matin ou étoile du berger (Lucifer). A une certaine époque on la voit, près de l'horizon, à l'orient, un peu avant le lever du soleil; c'est alors l'étoile du berger; plus tard, l'astre cesse de nous apparaître pendant quelques jours, puis nous le revoyons, mais le soir, au coucher du soleil, quelquefois même auparavant: c'est alors l'étoile du soir (Vesper). Il a fallu que l'astronomie fit des progrès pour qu'on pût reconnaître un seul et même astre dans l'étoile du soir et l'étoile du berger.
Digressions de Vénus. Nous venons de les décrire au nº 340; V. ce paragraphe.
Nous avons dit, nº 342, que Vénus ne s'écarte jamais de plus de 48° soit à l'est, soit à l'ouest du soleil.
345. Phases de Vénus. Aux diverses époques de sa révolution synodique (338), Vénus se présente à nous sous des aspects différents tout à fait analogues aux phases de la lune; aussi les a-t-on nommés phases de Vénus (V. fig. 125) 123. Ces phases sont très-caractérisées; à la conjonction supérieure, nous voyons la planète sous la forme d'un petit cercle lumineux parfaitement arrondi; c'est qu'alors la partie éclairée par le soleil est entièrement tournée du côté de la terre, fig. 124. A la conjonction inférieure, au contraire, placée entre le soleil et la terre, la planète tourne de notre côté sa partie obscure, et disparaît entièrement, à moins qu'on ne la voie, ce qui arrive très-rarement, se projeter sur le disque solaire sous la forme d'un petit-cercle noir (nº 349). Entre les deux conjonctions, elle nous présente un croissant très-sensible dont la convexité regarde toujours le soleil, et qui va continuellement en augmentant jusq'au demi-cercle, à la quadrature (position P', fig. 124), puis du demi-cercle au cercle entier, en P"; et vice versa, de P' en P1 et en P 124.
Note 123: (retour) On reconnaît qu'il doit en être ainsi en considérant, sur la fig. 124, l'hémisphère de la planète éclairée par le soleil et l'hémisphère visible de la terre T, comme on l'a fait pour la lune, fig. 98. Seulement le corps éclairant est ici dans l'intérieur de l'orbite et l'observateur T en dehors.
346. Vénus est quelquefois tellement brillante, qu'on la voit en plein jour à l'œil nu; mais ce phénomène n'arrive pas au moment où l'astre nous présente un disque parfaitement arrondi, parce qu'il est alors trop loin de nous, et se trouve d'ailleurs à peu près sur la même ligne que le soleil. A mesure que l'astre se rapproche de la terre, le fuseau brillant diminue quant à l'écartement angulaire des deux cercles qui le limitent, mais le diamètre apparent augmente rapidement; on conçoit qu'il puisse exister une distance intermédiaire entre les deux conjonctions, où la partie du disque à la fois visible et éclairée soit la plus grande; alors, c'est-à-dire vers la quadrature, l'astre brille de son plus vif éclat.
347. Remarque. La distance de Vénus à la terre T varie considérablement depuis son minimum à la conjonction inférieure (position P, fig. 124), jusqu'à son maximum, à la conjonction supérieure en P", où elle est cinq ou six fois plus grande qu'en P. De là résultent des variations également considérables dans le diamètre apparent de l'astre. La planète nous paraît d'autant plus grande que son croissant est plus étroit. Les variations de la grandeur apparente de l'astre, dans ses phases successives, sont représentées proportionnellement sur la fig. 125 ci-après.
Diamètre apparent de Vénus. Minimum 9",6; à la distance moyenne 18",8; maximum 61",2; à la distance du soleil à la terre 16",9. C'est cette dernière valeur que l'on compare au diamètre apparent de la terre vue du soleil (double de la parallaxe solaire) qui est 17",14. On conclut de là que le rayon de Vénus vaut à peu près 0,98 de celui de la terre.
348. L'observation de certaines taches que l'on aperçoit sur le disque de Vénus, montre que cette planète tourne sur elle-même, comme la terre, d'occident en orient. Elle fait un tour entier en 23h 21m 19s. La durée du jour est donc à peu près la même à la surface de Vénus que sur la terre. L'année y est de 225 jours environ (révolution périodique). Les saisons y sont beaucoup plus tranchées que sur la terre, c'est-à-dire que les variations de la température y sont beaucoup plus considérables; il en est de même des variations des durées des jours et des nuits 125.
Vénus présente d'ailleurs de grandes analogies avec la terre. Nous venons de voir que la durée du jour est à peu près le même sur les deux planètes; elles ont d'ailleurs à peu près le même rayon; le même volume, la même masse et la même densité moyenne. (Le rayon de Vénus égale 0,985 r. terrestre; volume de Vénus = 0,957 volume de la terre.) On n'a pas pu vérifier si Vénus était aplatie vers les pôles comme la terre.
Vénus est environnée d'une atmosphère analogue à la nôtre 126. On a reconnu qu'il existait à la surface de cette planète des montagnes beaucoup plus hautes que celles de la terre. La hauteur de quelques montagnes de Vénus atteint la 144e partie du rayon de la planète, tandis que pour la terre cette plus grande hauteur ne dépasse pas 1/740 du rayon.
349. Passages de Vénus sur le soleil. Si Vénus circulait sur l'écliptique à l'intérieur de l'orbite terrestre, comme nous l'avons supposé, nous pourrions observer à chaque conjonction inférieure en P (fig. 124), un phénomène curieux. L'astre se projetterait sur le disque solaire dans la direction TS; comme le diamètre de Vénus, bien qu'alors à son maximum, n'est cependant que de 1' environ, tandis que celui du soleil est environ 32', le disque solaire ne serait pas éclipsé comme il le serait par la lune en pareille circonstance; mais la planète se projetterait au centre de ce disque sous la forme d'un petit cercle noir de 1' de diamètre. De plus, pendant que l'astre, dans son mouvement de translation, passerait devant le soleil, ce petit cercle noir nous semblerait se mouvoir sur le disque, de gauche à droite 127, suivant un diamètre. Ce phénomène durerait un certain temps; car pendant sa durée la longitude de Vénus varierait de 32' environ.
Comme Vénus ne circule pas en réalité sur l'écliptique, mais sur un plan incliné à celui-là d'environ 3° 25' 31", le phénomène que nous venons de décrire n'a pas lieu à toutes les conjonctions inférieures; il s'en faut de beaucoup; il arrive cependant quelquefois.
Quand la planète, à la conjonction inférieure, arrive sur le cercle de latitude du soleil, la ligne TS et la ligne TV (qui va de la terre à Vénus), au lieu de coïncider comme nous l'avons supposé, font un angle qui varie de 0° à 3° 23' 31". Quand cet angle, qui mesure alors la latitude de Vénus, est nul, c'est-à-dire quand la lune, à la conjonction inférieure, arrive à l'un de ses nœuds sur l'écliptique, les circonstances étant à très-peu près celles que nous avons supposées tout à l'heure, le phénomène en question a lieu: Vénus passe sur le soleil et décrit à très-peu près un diamètre du disque solaire: c'est ce qu'on appelle un passage central; il dure plus de 7 heures. Quand, à l'époque de la conjonction, l'angle VTS (latitude de Vénus), sans être nul, est moindre que le demi-diamètre apparent du soleil, il est évident que la planète doit passer sur le soleil; mais alors le petit cercle noir, au lieu d'un diamètre du disque, parcourt une corde plus ou moins éloignée du centre. Enfin quand la latitude de Vénus à la conjonction inférieure est plus grande que le demi-diamètre apparent du soleil, il n'y a pas de passage. Tout cela se comprend aisément.
Ces passages de Vénus sur le soleil se reproduisent périodiquement; on en calcule les époques comme celles des éclipses de soleil et de lune. Ces passages sont rares; les derniers ont eu lieu en 1761 et 1769. Après un passage il s'écoule 8 ans avant qu'il s'en présente un second; puis le troisième ne revient qu'après 113-½ ± 8 ans, et ainsi qu'il suit: 8 ans, 121 ans-½, 8, 105ans-½ etc... 128. Les deux passages prochains auront lieu le 8 décembre 1874 et le 6 décembre 1882. Le phénomène a lieu en décembre ou en juin, époques auxquelles les longitudes du soleil sont 255° ou 75°, c'est-à-dire celles des nœuds de la planète.
Note 128: (retour) Si les nœuds de Vénus étaient fixes sur l'écliptique, cet astre ayant passé une fois sur le soleil, y passerait ensuite tous les 8 ans; car 8 fois 365 jours = 5 fois 584 jours ou 5 fois la durée de la révolution synodique de Vénus; de sorte que si Vénus se trouve à l'un des noeuds au moment d'une conjonction inférieure, elle s'y retrouverait 8 ans après, à la 5e conjonction suivante. Mais les nœuds de Vénus ne sont pas fixes; de là l'irrégularité de la période des passages.
Tout ce que nous venons de dire à propos des passages de Vénus sur le soleil, à cela près des nombres indiqués, s'applique évidemment à Mercure (nº 350), qui passe aussi sur le soleil.
(V. à la fin du chapitre la détermination de la parallaxe du soleil par l'observation d'un passage de Vénus.)
350. Mercure. Cet astre a beaucoup d'analogie avec Vénus; seulement, il est beaucoup plus petit, plus loin de nous, plus rapproché du soleil, dont il s'écarte beaucoup moins dans ses disgressions (nº 342). Engagé dans les rayons solaires, il est difficile à distinguer à la vue simple dans nos climats; cependant quelque-fois, avec de bons yeux, on le découvre le soir un peu après le coucher du soleil, et d'autres fois le matin avant le lever de cet astre.
Le diamètre apparent de Mercure varie de 5" à 12"; sa distance moyenne au soleil est 0,3871 ou environ les 2/5 de celle de la terre au même astre. Ses plus grandes élongations (342) varient de 16° 12' à 28° 48', et la durée de sa révolution synodique de 106 à 130 jours. Sa révolution sidérale dure 87 jours 23 heures 15m 44s. Son orbite est une ellipse assez allongée, l'excentricité surpasse le 5e de la distance moyenne ci-dessus; nous avons dit que cette orbite est inclinée de 7° sur l'écliptique.
Ce que nous avons dit des digressions, nº 340 et 341, s'applique en entier à Mercure.
Cette planète a aussi ses phases, qui, bien que moins apparentes que celles de Vénus, prouvent qu'elle est opaque et ne brille que par la lumière solaire. Elle a des passages comme Vénus; ils sont même plus fréquents que ceux-ci, mais ne présentent pas le même intérêt; la trop grande proximité de Mercure et du soleil ne permet pas de tirer parti de ces passages pour déterminer la parallaxe du soleil.
Le rayon de Mercure = 2/5, et son volume un 16e environ, du rayon et du volume de la terre. La chaleur et la lumière y sont sept fois plus intenses qu'à la surface de notre globe. Le vif éclat dont brille cette planète par suite de son peu de distance au soleil n'a pas permis d'y apercevoir aucune tache; mais, par l'observation suivie des variations des cornes de ses phases, on est parvenu à reconnaître qu'elle tourne sur elle-même en 24 heures 5m 28s, autour d'un axe constamment parallèle à lui-même. Le plan de l'équateur de Mercure fait un angle très-grand avec celui de l'orbite, et par suite la variation des températures, autrement dit des saisons, doit y être très-considérable. Plusieurs astronomes attribuent à Mercure des montagnes très-élevées et une atmosphère très-dense. Cependant des observations très-délicates de passages de la planète sur le soleil n'ont révélé a Herschell père aucune trace de l'existence de montagnes à la surface de cet astre.
PLANÈTES SUPÉRIEURES.
MARS, JUPITER, SATURNE, URANUS, NEPTUNE:
351. Nous avons appelé planètes supérieures ou extérieures celles qui sont plus éloignées du Soleil que la terre; on les nomme quelquefois extérieures parce que leur mouvement autour du soleil a lieu à l'extérieur de l'orbite de la terre. L'orbite de la planète (P), et l'orbite de la terre (T) ont à peu près les positions relatives indiquées par la fig. 126, ci-dessous.
Les principales planètes extérieures sont: Mars, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune, dont nous allons nous occuper particulièrement.
352. Mouvement apparent (c'est-à-dire vu de la terre) d'une planète supérieure. Progressions ou mouvement direct, stations, rétrogradations. Une planète supérieure étant plus éloignée du soleil que la terre, se trouve alternativement en opposition (en P, fig. 123 ou fig. 126 ci-après) et en conjonction en P' (fig. 123). Suivons-la à partir de l'opposition, c'est-à-dire à partir de l'époque où elle passe au méridien à minuit 129. Elle se trouve alors toute la nuit au dessus de l'horizon. A partir de l'opposition, la planète se déplace dans le ciel, vers l'occident; son mouvement est rétrograde 130; son passage au méridien a lieu avant minuit et se rapproche de plus en plus de 6 heures du soir 131. Au bout d'un certain temps, le mouvement rétrograde se ralentit, puis s'arrête; durant quelques jours la planète nous paraît stationnaire au milieu des étoiles 132; elle passe au méridien à 6 heures du soir 133. Après cette station, la planète se remet en mouvement, mais cette fois vers l'est; son mouvement est devenu direct 134; son passage au méridien continue à se rapprocher de celui du soleil; quand on peut l'apercevoir le soir vers 6 heures, par exemple, on la voit au couchant de moins en moins élevée au-dessus de l'horizon 135. En se rapprochant ainsi du soleil (en longitude), elle finit par se perdre dans ses rayons, et devient invisible pendant un certain nombre de jours; elle se trouve alors en conjonction, passe au méridien avec le soleil, se lève et se couche en même temps que lui 136. Au bout de quelques jours, la planète reparaît, mais du côté de l'orient, le matin, un peu avant le lever du soleil. Puis sou lever précède de plus en plus le lever du soleil; quand celui-ci parait, la planète est de plus en plus élevée au-dessus de l'horizon; en même temps, elle continue à se déplacer dans le ciel, toujours dans le sens direct, c'est-à-dire vers l'est 137. Au bout d'un certain temps, ce mouvement direct se ralentit et finit par s'arrêter; la planète fait une seconde station de quelques jours parmi les étoiles; à cette époque, elle passe au méridien à 6 heures du matin 138. Après cette seconde station, le mouvement reprend, mais vers l'ouest; il est devenu rétrograde 139; en même temps, le passage de la planète au méridien se rapproche de minuit 140; le séjour de l'astre au-dessus de l'horizon durant la nuit devient de plus en plus long, et enfin l'astre arrive à passer au méridien à minuit, c'est-à-dire se retrouve de nouveau en opposition. A partir de là, les mêmes apparences que nous avons décrites se reproduisent dans le même ordre.
Note 130: (retour)Ce mouvement rétrograde est mis en évidence par la figure 126. Nous avons supposé, en construisant cette figure, la planète P immobile sur son orbite, et la terre en mouvement sur la sienne, mais seulement animée d'une vitesse circulaire (ou angulaire) égale à l'excès de sa vitesse réelle sur celle de la planète (V. la 2e note, p. 248). Eu égard à la symétrie des orbites, les positions apparentes de trois corps pour l'observateur terrestre, sont absolument les mêmes que dans la réalité durant la révolution synodique de l'astre (d'une opposition à la suivante). Ceci admis, on voit qu'après l'opposition, la terre allant de T en T', la projection de la planète sur la sphère céleste se déplace vers l'ouest de p en p'; le mouvement apparent est donc rétrograde.
Note 131: (retour) Si, durant ce mouvement de la terre, de T à T', on joint chacune de ses positions à S aussi bien qu'à P, et si on prolonge la ligne TS jusqu'à l'écliptique ?p'p... en s, on verra la projection p de la planète et la projection du soleil se rapprocher continuellement; la différence en longitude de ces deux astres diminuant de 180° à 90°, leurs passages au méridien se rapprochent. (Il faut se rappeler que les longitudes se comptent à partir du point ?, dans le sens ?p'p.)
Note 132: (retour) En suivant le mouvement de la projection p de la planète, tandis que la terre va de T en T', on voit bien que le mouvement rétrograde de cette projection, d'abord assez rapide aux environs de l'opposition, doit se ralentir quand la terre approche de la position T'; car aux environs de T', les lignes projetantes tendent de plus en plus à se confondre; les points voisins de T', un peu avant et un peu après, sont sensiblement sur la direction de la tangente T'P; quand la terre passe par ces positions, la projection de la planète ne s'écarte pas de p'; l'astre nous paraît arrêté en ce point du ciel.
Note 135: (retour) Si, durant ce mouvement de la terre de T' en T", on joint quelques positions de la terre au soleil et à la planète, en prolongeant les lignes, si on veut, jusqu'à l'écliptique, on voit l'angle des deux lignes, TS, TP, diminuer de 90° à 0; cet angle est la différence des longitudes des deux astres; ceci explique comment leurs passages au méridien se rapprochent l'un de l'autre.
353. Mars. Cette planète est la première des planètes supérieures dans l'ordre des distances croissantes au soleil; moins brillante que Vénus, elle se reconnaît à sa couleur d'un rouge ocreux très-prononcé: diamètre apparent de 4 à 18"; distance de la terre de 0R,52 à 1R,52.
Nous désignerons dans ce qui va suivre par R le rayon mobile de l'orbite terrestre, et par r le rayon de la terre. L'orbite de Mars est une ellipse très-allongée: demi-axe moyen, 1R,523; excentricité, 0,14 de cet axe; révolution sidérale, 687j.
Mars est très-brillant dans les oppositions; quand il se rapproche du soleil, son éclat diminue, et aux environs de la conjonction il n'est visible qu'au télescope. Les phases de cet astre sont moins sensibles que celles de Vénus et de Mercure; il nous présente un ovale plus ou moins allongé. Plus un astre s'éloigne du soleil, moins ses phases sont sensibles. Les phases encore appréciables pour Mars ne le sont plus pour les autres planètes supérieures. Les taches découvertes à la surface de Mars ont permis de constater que cet astre tourne sur lui-même en 24h 39' 22" autour d'un axe incliné de 61° 18' sur le plan de son orbite. Il en résulte que la succession des saisons doit y être sensiblement la même que sur la terre dont l'axe de rotation est incliné sur l'orbite de 67°-½ environ. La forme de Mars est celle d'un sphéroïde aplati; l'axe polaire est à l'axe équatorial dans le rapport de 187 à 194.
Le rayon moyen de Mars égale 0,52 de celui de la terre, et par conséquent son volume est égal à 0,14 environ de celui de notre globe. La chaleur et la lumière n'y sont que les 4/9 de ce qu'elles sont sur la terre.
On distingue aux pôles de rotation de Mars des taches brillantes que l'on suppose formées par des amas de neige et de glace; ce qui s'accorde en effet avec les changements observés dans les grandeurs absolues de ces taches. Enfin, diverses observations de changements sensibles survenus dans différentes bandes au milieu des taches permanentes de Mars accusent à la surface de cette planète une atmosphère d'une densité considérable.
354. Jupiter. C'est la planète la plus importante de notre système, tant par son éclat qui surpasse quelquefois celui de Vénus, et par son volume à peu près égal à 1500 fois celui de la terre, que par l'utilité que nous tirons de ses quatre lunes ou satellites.
Sa distance de la terre varie entre 3R,98 et 6R,42; la moyenne est de 5R,20. A la distance moyenne, son diamètre apparent est de 37"; il serait de 3' 17", si nous voyions Jupiter à la distance du soleil.
Pour un habitant de Jupiter, la terre n'aurait que 4" de diamètre et le soleil 6'; le disque solaire lui paraîtrait 27 fois plus petit qu'à nous; la chaleur et la lumière y sont 27 fois moindres qu'à la surface de la terre.
L'orbite de Jupiter est inclinée sur l'écliptique de 1° 18' 54". La durée de sa révolution sidérale est de 11ans 315j 12h. Les phases de Jupiter sont à peu près insensibles à cause de sa trop grande distance du soleil.
Rotation. Les taches observées à la surface de Jupiter ont permis de constater qu'il tourne sur lui-même en 9h 55m 40s, autour d'un axe presque perpendiculaire au plan de son orbite (86° 54'); d'où il résulte que les variations des jours et des nuits, et celles de la température, doivent y être très-peu considérables.
Atmosphère et bandes. Le disque de Jupiter présente des bandes ou zones parallèles à son équateur; on les attribue à l'existence de vents réguliers analogues à nos vents alisés, dont l'effet principal est de disposer, de réunir les vapeurs équatoriales en bandes parallèles; ce qui suppose Jupiter entouré d'une atmosphère considérable.
Aplatissement. On a aussi constaté que l'aplatissement de Jupiter est beaucoup plus grand que celui de la terre; cet aplatissement est d'environ 1/16, tandis que celui de la terre n'est que de 1/300 environ.
355. Satellites de Jupiter. On nomme satellites des planètes secondaires qui circulent autour d'une planète principale et accompagnent celle-ci dans sa révolution autour du soleil. La lune, par exemple, est le satellite de la terre. Mercure, Vénus, Mars n'ont point de satellites; Jupiter en a 4. Nous verrons que Saturne en a 7 et Uranus 6; Neptune au moins 1.
Invisibles à l'œil nu, les satellites de Jupiter, inconnus aux anciens astronomes, ont été découverts par Galilée en 1618, peu après l'invention des lunettes. En observant Jupiter avec un télescope, on aperçoit ces satellites sous la forme de petits points brillants qui se déplacent assez rapidement, par rapport à la planète, tantôt à l'orient, tantôt à l'occident de celle-ci, allant et venant, sensiblement sur une ligne droite dirigée à peu près suivant l'écliptique. (En réalité, ces satellites tournent autour de la planète comme celle-ci autour du soleil; mais leurs orbites sont dans des plans qui coïncident presque avec l'équateur du Jupiter, et, par suite, nous font l'effet de lignes droites le long desquelles les satellites semblent osciller). Voici, en considérant les satellites dans l'ordre de leurs distances moyennes à Jupiter (fig. 129), quelques nombres tournis par l'observation.
DURÉES DISTANCES MOYENNES INCLINAISONS
SATELLITES. de leurs au centre de Jupiter des orbites
révolutions en rayons sur l'équateur
synodiques. de cette planète. de Jupiter.
1er satellite 1,77 6,05 0° 0' 0?
2° Id. 3,55 9,62 0° 21' 49?,2
3e Id. 7,15 15,35 0° 12' 20?
4e Id. 16,69 27,00 2°
De même que la lune, les satellites de Jupiter font un tour entier sur eux-mêmes dans le même temps qu'ils emploient à effectuer une révolution autour de la planète.
356. Éclipses des satellites de Jupiter. En appliquant à Jupiter le raisonnement géométrique du nº 284, on conclut que cette planète doit projeter derrière elle, par rapport au soleil, un cône, d'ombre pure, beaucoup plus large et plus long que celui de la terre, puisque le rayon de Jupiter est à peu près 11 fois celui de notre globe, et sa distance au soleil, 5 fois plus considérable. (V. la fig. 130 ci-après). Il en résulte que les satellites de Jupiter, quand ils passent derrière la planète, sont éclipsés par elle exactement comme la lune est éclipsée par la terre. On les voit aussi, par intervalles, se projeter sur le disque de la planète et en éclipser de petites parties.
La longueur de l'axe du cône d'ombre de Jupiter est égale à 47 fois le rayon de l'orbite du satellite le plus éloigné, c'est-à-dire du 4e. Aussi tous les satellites s'éclipsent-ils à chacune de leurs révolutions, excepté le 4e qui, à cause de l'inclinaison de son orbite sur celle de Jupiter, n'est pas toutes les fois atteint par le cône d'ombre.
357. Détermination des longitudes, géographiques par l'observation des éclipses des satellites de Jupiter.
Les éclipses des satellites de Jupiter étant visibles de tous les lieux de la terre qui ont la planète au-dessus de leur horizon, et se répétant souvent, peuvent servir à la détermination des longitudes terrestres. L'heure d'une éclipse est indiquée en temps de Paris dans la Connaissance des temps, que possède l'observateur; il détermine l'heure qu'il est au moment de l'éclipse à l'endroit où il est. La différence de l'heure locale et de l'heure de Paris fait connaître la longitude du lieu par rapport au méridien de Paris nº 69).
Il faut des lunettes puissantes pour observer nettement, avec précision, les éclipses des satellites de Jupiter. La méthode des distances lunaires, expliquée nº 298, est plus commode, plus praticable pour les marins, et donne des résultats plus exacts.
358. Vitesse de la lumière. L'observation des éclipses des satellites de Jupiter a encore servi à Roëmer, astronome suédois, pour déterminer la vitesse avec laquelle la lumière traverse l'espace. Voici comment on peut arriver à trouver cette vitesse.
Considérons le premier satellite, qui pénètre dans le cône d'ombre
à chacune de ses révolutions, au moment où il sort de ce cône
en s (fig. 430). A partir de cette émersion dont on a noté l'heure,
cet astre fait une révolution
autour de Jupiter
(dans le sens indiqué
par la flèche), à la fin
de laquelle il s'éclipse
de nouveau en s', puis
sort du cône en s. On
note l'heure de cette
nouvelle émersion; il
s'est écoulé entre les
deux émersions 42h 28m
48s; ce temps doit être
la durée de la révolution
qui vient d'avoir
lieu (nous le supposerons). La durée d'une révolution du satellite
est toujours la même (lois de Képler); il devrait donc toujours
s'écouler le même temps entre deux observations d'émersions consécutives.
Il n'en est pas ainsi; si on observe une série de ces
éclipses dans un certain ordre, par exemple, à partir d'une position
T' de la terre, voisine de l'opposition de Jupiter, on remarque
que l'intervalle de deux éclipses consécutives croît à mesure que la
terre s'éloigne de la planète, en s'avançant vers l'endroit où elle
sera à la conjonction suivante (en T?). Puis, de la conjonction à
l'opposition, la terre se rapprochant de Jupiter, l'intervalle des
éclipses diminue avec la distance de la terre à la planète. Cet
accroissement peu sensible, quand on compare deux intervalles
consécutifs, devient manifeste quand on considère deux éclipses
séparées par un assez grand nombre de ces intervalles.
Une éclipse observée actuellement est, par exemple, la centième après celle qui a été observée de la position, T', de la terre; il devrait s'être écoulé 100 fois 42h 28m 48s depuis l'émersion observée de T'. Il n'en est pas ainsi: l'intervalle trouvé entre ces deux émersions a une valeur sensiblement plus grande que celle-là. En résumé si on considère, en opérant comme nous venons de le dire, l'intervalle compris entre une émersion qui a été observée à une époque aussi voisine que possible de l'opposition, en T, et une autre aussi voisine que possible de la conjonction, en T? 141, on trouve que cet intervalle surpasse d'environ 16m 36s la valeur qu'il devrait avoir, qui est le produit de 42h 28m 36s par le nombre des éclipses qui ont eu lieu entre les deux observations, extrêmes dont nous parlons. Si au contraire oh procède de même de la conjonction, en T?, à l'opposition, en T, l'intervalle remarqué est plus faible qu'il ne devrait l'être de la même quantité, de 16m 36s environ.
Note 141: (retour) Nous disons, aussi voisin que possible de l'opposition, parce qu'il est évident qu'à l'époque de l'opposition, la terre étant en T, l'observateur ne voit pas le cône d'ombre de Jupiter, qui lui est caché par la planète; il ne peut alors voir le satellite au moment d'une émersion. Nous disons de même, aussi voisine que possible de la conjonction, parce qu'à l'époque de la conjonction, quand la terre est en T?, Jupiter et son cône d'ombre sont cachés à l'observateur derrière le soleil S. Maintenant, comme le retard des émersions varie proportionnellement avec la distance, on a pu, connaissant ce retard pour une portion notable du chemin fait par la terre, connaître celui qui a lieu de l'opposition, (en T) à la conjonction en T?.
Évidemment il n'en serait pas ainsi si nous revoyions chaque fois le satellite à l'instant précis où il sort du cône d'ombre; l'intervalle entre deux émersions consécutives, se confondant absolument avec la durée d'une révolution de l'astre autour de Jupiter, ne varierait pas plus que cette durée. Mais si la lumière réfléchie par le satellite, vers la terre, au moment de l'émersion, et qui nous le fait voir, ne nous parvient pas instantanément, mais emploie un certain temps à parcourir la distance qui nous sépare de l'astre, l'intervalle entre deux éclipses doit croître ou décroître avec la distance de la terre à Jupiter, et l'accroissement du temps doit être proportionnel à l'augmentation de cette distance; c'est ce qui a lieu en effet 142.
Note 142: (retour) Admettons que la lumière ne se transmette pas à nous instantanément, mais parcoure l'espace avec une certaine vitesse de grandeur finie. A une certaine époque, une émersion du satellite de Jupiter a lieu à 1h du matin, par exemple; il faut alors a minutes à la lumière pour nous arriver de la planète; nous ne verrons l'astre sorti du cône d'ombre qu'à 1h + a(m). Nous observons plus tard une autre émersion: c'est la centième éclipse, je suppose, après la première observée. Le moment précis de la dernière émersion est séparé du moment où a eu lieu la première par la durée de cent révolutions du satellite, c'est-à-dire par un intervalle de 100 fois 42h 28m 48s; ce qui nous conduit, par exemple, à 3h du matin du jour de la dernière observation. Si la terre était restée à la même distance de Jupiter, la lumière réfléchie par le satellite mettant toujours a minutes à nous parvenir, le phénomène d'émersion serait observé par nous à 3h + a minutes du matin. L'intervalle entre les deux époques d'observation serait précisément le même qu'entre les époques réelles des deux émersions, c'est-à-dire 42h 28m 48s × 100. De sorte que nous n'apprendrions rien sur la vitesse de la lumière. Mais si la terre s'est éloignée de Jupiter de telle sorte qu'il faille à la lumière b minutes pour parcourir ce surcroît de chemin, c'est-à-dire en tout (a + b) minutes pour nous arriver de Jupiter, la dernière émersion ne doit être observée qu'à 3h + (a + b) minutes du matin; de sorte que l'intervalle entre les deux observations est 100 fois (42h 28m 48s) + b minutes. Il doit donc y avoir une différence de b minutes entre l'intervalle des éclipses, donné par l'observation, et la durée totale des révolutions de l'astre qui ont eu lieu entre les deux émersions observées.
L'intervalle de deux éclipses qui ont lieu l'une à l'époque d'une opposition, quand la terre est en T, l'autre à l'époque de la conjonction, quand la terre est en T?, étant plus grand de 16m 36s qu'il ne devrait être si la lumière réfléchie par le satellite nous arrivait instantanément, on conclut de là que 16m 36s composent le temps employé, par la lumière qui nous vient du satellite, à parcourir en plus, lors de la dernière émersion, la distance TT? qui sépare ces deux positions de la terre, c'est-à-dire à parcourir le grand axe de l'orbite terrestre, ou 76000000 lieues (de 4 kilomètres). La lumière, parcourant 76000000 lieues en 16m 36s, parcourt environ 77000 lieues par seconde.
La distance TS de la terre au soleil est la moitié de TT?; la lumière emploie donc la moitié du 16m 36s, c'est-à-dire 8m 18s à nous venir du soleil.
Conclusion. La lumière parcourt environ 77000 lieues de 4 kilomètres par seconde. Celle du soleil nous arrive en 8m 18s.
L'étoile la plus rapprochée étant à une distance de la terre qui surpasse 206265 fois le rayon de l'orbite terrestre, on en conclut que sa lumière met à nous parvenir plus de 8m 18s × 206265; ce qui fait plus de 3 ans. Une étoile cessant d'exister nous la verrions encore 3 ans après. Et nous ne parlons ici que des étoiles les plus rapprochées de la terre (V. nº 51).
359. Saturne, qui vient immédiatement après Jupiter dans l'ordre des distances au soleil, le suit aussi dans l'ordre des grandeurs décroissantes; c'est un globe 730 fois plus gros que la terre. (Le rayon de Saturne = 9r,022). Malgré cette grosseur, il ne nous envoie qu'une lumière pâle et comme plombée; cela tient probablement à sa grande distance du soleil, qui est d'environ 360 millions de lieues. Saturne circule sur une orbite inclinée sur l'écliptique de 2° 1/2 environ; sa révolution sidérale dure 10759 jours. Il tourne sur lui-même autour d'un axe central incliné de 72° environ sur le plan de l'écliptique; il fait un tour entier en 10h 1/2 environ. Son aplatissement est de 1/10 environ. La chaleur et la lumière qui y arrivent du soleil y sont environ 80 fois moindres que sur la terre.
Saturne offre cinq bandes sombres, parallèles à son équateur, à peu près semblables à celles de Jupiter; plus larges, mais moins bien marquées.
Cette planète se montre à l'œil nu comme une étoile brillante. Son éclat est cependant bien inférieur à celui de Jupiter; il présente une teinte terne et comme plombée.
360. Anneau de Saturne (fig. 127). Saturne est entouré d'une espèce d'anneau, large et mince, à peu près plan, sans adhérence avec la planète, qu'il entoure par le milieu. Cet anneau, que Galilée découvrit peu après l'invention des lunettes, s'offre à nous sous la forme d'une ellipse qui s'élargit peu à peu, puis se rétrécit considérablement, et finit par disparaître, pour reparaître quelque temps après. La partie antérieure de l'anneau se projette sur la planète; la partie postérieure nous est cachée par celle-ci; tandis que les deux parties latérales débordent des deux côtés de manière à former ce qu'on nomme les anses de Saturne.
Les divers aspects que nous offre successivement cet anneau sont dus aux diverses positions relatives qu'occupent Saturne, le soleil et la terre. Le plan de l'anneau se transporte parallèlement à lui-même avec la planète en mouvement sur son orbite; l'obliquité de ce plan, par rapport à la ligne qui va de la terre à la planète, varie donc d'une époque à une autre. Quand le plan prolongé de l'anneau laisse d'un même côté le soleil et la terre, nous voyons la face éclairée de l'anneau sous forme d'une partie d'ellipse plus ou moins rétrécie, suivant que nous la voyons plus ou moins obliquement.
Si le plan passe par le soleil, en le laissant toujours entre lui et nous, nous avons devant nous la tranche de l'anneau; on n'en voit alors, et avec de fortes lunettes, que les deux anses, faisant l'effet de deux lignes droites lumineuses des deux côtés du disque de Saturne. Enfin, si le plan prolongé de l'anneau passe entre la terre et le soleil (ce qui arrive à peu près tous les 15 ans), la face obscure de cet anneau étant tournée vers nous, nous ne le voyons plus, et Saturne nous offre alors l'apparence d'un globe isolé comme les autres planètes.
C'est en 1848 que l'anneau a disparu pour la dernière fois; maintenant il nous montre sa face australe, qui a eu sa plus grande largeur en 1855. Il disparaîtra de nouveau en 1863; puis on verra sa face boréale sous des angles divers.
Dimensions de l'anneau. On a pu, dans des circonstances favorables, mesurer l'angle sous lequel on voit la largeur de l'anneau, et les distances de ses bords intérieur et extérieur au bord de la planète. En combinant ces éléments avec la distance de Saturne et l'inclinaison des diamètres réels, on est arrivé au résultat suivant, relativement aux dimensions de l'anneau (d'après M. Faye):
Rayon équatorial de Saturne = 64000 kilom. ou 16000 lieues. Rayon intérieur de l'anneau = 94000 kilom. ou 23500 lieues. Rayon extérieur de l'anneau = 142000 kilom. ou 35500 lieues [143]
Ainsi la largeur de l'anneau est de 12000 lieues, à peu près les 3/4 du rayon équatorial de la planète. L'anneau laisse un espace vide de 30000 kilomètres ou 7500 lieues entre Saturne et lui; on peut apercevoir des étoiles à travers ce vide. Quant à l'épaisseur de l'anneau, on ne la connaît pas; mais on suppose qu'elle ne dépasse pas 30 lieues.
Subdivision de l'anneau. En observant l'anneau de Saturne avec des instruments puissants, on a reconnu que cet anneau n'est pas simple; il se compose de plusieurs anneaux concentriques dont les lignes de séparation sont visibles, principalement vers les anses. On a même aperçu tout récemment un anneau obscur, situé à l'intérieur des autres, comme on le voit sur la figure. Ces anneaux tournent ensemble dans leur plan, qui coïncide à peu près avec l'équateur de la planète, achevant une révolution dans 10h 1/2 environ, c'est-à-dire qu'ils tournent avec la même vitesse que la planète elle-même.
Satellites de Saturne. Saturne a 7 satellites; mais ceux-ci ne nous sont pas si utiles que ceux de Jupiter; ils sont si petits et si éloignés de nous qu'il faut pour les voir des télescopes d'une grande puissance. Le premier, c'est-à-dire le plus rapproché de la planète, met 22h 37m 1/2 à exécuter sa révolution autour de celle-ci, tandis que le dernier emploie 7j 7h 53m. Ce dernier est le seul sur lequel on ait pu constater qu'il tourne sur lui-même dans le même temps qu'il emploie à tourner autour de la planète.
361. Uranus, relégué à l'extrémité de notre système planétaire, n'a que l'apparence d'une étoile de 6° ou 7° grandeur, rarement visible à l'œil nu. Cette planète a été découverte par Herschell en 1781. Sa distance au soleil est 19 fois plus grande que celle de la terre; son diamètre apparent est d'environ 4?; à la distance du soleil, il serait de 75?; le rayon d'Uranus = 4r,34. Le plan de son orbite est incliné sur l'écliptique de 0° 46' 1/2. La durée de sa révolution sidérale est d'environ 84 ans. La lumière du soleil, qui nous arrive en 8m 18s, met près de 2h 3/4 à arriver à Uranus. L'intensité de la lumière et celle de la chaleur doivent y être 400 fois moindres que sur la terre; le soleil ne doit être vu de cette planète que comme une étoile de 1re grandeur.
Uranus a six satellites découverts par Herschell; ils se meuvent autour de la planète dans des orbites presque circulaires et perpendiculaires au plan de l'écliptique; ce qui porte à croire que l'équateur de la planète a la même inclinaison.
Les satellites d'Uranus sont encore plus difficiles à voir que ceux de Saturne; deux seulement, le 2e et le 4e, ont été observés avec précision. Par une exception unique le mouvement de ces satellites paraît rétrograde, c'est-à-dire a lieu de l'orient vers l'occident.
362. Neptune. Cette planète, découverte par M. Leverrier, en 1846 (V. plus loin, nº 363), n'est pas visible à l'œil nu; vue dans une lunette d'un faible grossissement, elle fait l'effet d'une étoile de 8e grandeur. Avec un grossissement plus fort, elle offre des dimensions sensibles, et se montre sous la forme d'un disque circulaire. Son diamètre apparent n'est que de 2?,7. À la distance du soleil, ce diamètre apparent serait de 8?; d'où on conclut que le rayon de Neptune = 4r,72 (r étant le rayon de la terre). Cette planète est 30 fois plus éloignée du soleil que la terre (à 1100 millions de lieues à peu près). La chaleur et la lumière n'y doivent être qu'environ la millième partie de ce qu'elles sont à la surface de la terre.
363. Circonstances de la découverte de Neptune. Perturbations des mouvements planétaires. Si les planètes n'étaient soumises qu'à l'attraction du soleil, leurs mouvements seraient absolument conformes aux lois de Kepler; elles décriraient exactement des ellipses autour du centre du soleil, comme foyer. Mais, conformément au principe de gravitation, les planètes s'attirent mutuellement. Le mouvement de chacun de ces astres ainsi attirés non-seulement par le soleil, mais par les autres planètes, est un peu plus compliqué que nous ne l'avons dit 144. La masse du soleil étant très-grande par rapport à celle des planètes, son action est prépondérante; de sorte que le mouvement de la planète diffère très-peu du mouvement elliptique que le soleil seul lui imprimerait. Les modifications du mouvement elliptique, causées par les actions mutuelles que les planètes exercent les unes sur les autres, sont ce qu'on appelle les perturbations des mouvements planétaires.
Note 144: (retour) De même la lune n'est pas seulement attirée par la terre, elle l'est encore par les autres corps célestes faisant partie de notre système planétaire, notamment par le soleil; l'attraction de la terre est prépondérante; cependant l'attraction du soleil est assez forte pour altérer le mouvement elliptique de la lune; cette attraction est la cause de la perturbation que nous avons indiquée sous le nom de nutation de l'axe de la lune.
Lors donc que les astronomes veulent connaître avec précision les positions successives des planètes par rapport au soleil et à la terre, c'est-à-dire déterminer exactement le mouvement relatif de ces astres, ils sont obligés d'avoir égard à cette action mutuelle des planètes les unes sur les autres. Ils sont ainsi parvenus à rendre compte, avec une très-grande précision, des mouvements des planètes, tels qu'on les observe réellement.
Ce résultat, obtenu d'abord pour les planètes anciennement connues, ne l'a pas été pour Uranus aussitôt après sa découverte. En appliquant au mouvement de cette planète les méthodes qui avaient réussi pour les autres, afin de déterminer les perturbations que devaient lui faire éprouver Saturne et Jupiter (les seules planètes connues qui pouvaient avoir sur elle une action appréciable), on a trouvé constamment, pendant quarante ans, le calcul en désaccord croissant avec les observations. Comme on était sur qu'aucune erreur ne s'était glissée dans ces calculs, il fallait admettre que ce désaccord était dû à une action perturbatrice inconnue. M. Bouvard songea le premier à attribuer cette action à une planète encore inconnue; mais comment trouver cette planète? M. Leverrier y parvint en renversant le problème ordinaire, qui consiste à déterminer les perturbations du mouvement d'une planète dues à l'attraction d'une autre planète de masse et de position connues. Il se mit à calculer quelles devaient être la masse et la position d'une planète inconnue pour que son action sur Uranus, combinée avec les autres influences déjà connues, produisît exactement les perturbations observées du mouvement de cette planète. Il parvint à résoudre ce difficile problème. Le 31 août 1846, il annonça à l'Académie des Sciences que la planète cherchée devait se trouver par 326° 32' de longitude héliocentrique, au milieu des étoiles de la XXIe heure. Moins d'un mois après, M. Galle, directeur de l'Observatoire de Berlin, trouva la planète à la place que lui avait assignée le géomètre français; il n'y avait pas un degré de différence entre le résultat du calcul et celui de l'observation. C'est là certainement un résultat admirable, glorieux pour celui qui l'a trouvé, et qui atteste à la fois l'exactitude des méthodes astronomiques et la vérité du principe de la gravitation universelle.
364. Loi de Bode. Il existe entre les distances des principales planètes au soleil une loi assez remarquable qui permet de retenir assez aisément ces distances dans leur ordre. Voici en quoi consiste cette loi qui porte le nom de l'astronome Bode, qui l'a publiée en 1778.
Écrivons la suite des nombres:
0 3 6 12 24 48 96
dans laquelle chaque nombre, à partir du troisième, est double du précédent. A chacun de ces nombres ajoutons 4; nous obtiendrons une nouvelle série qui est la suite de Bode:
4 7 10 16 28 52 100.
Ces derniers nombres sont sensiblement proportionnels aux distances au soleil des planètes anciennement connues. En effet, si au lieu de représenter par 1 la distance de la terre au soleil, nous la représentons par 10, nous aurons, en multipliant conséquemment par 10 les six premières distances du tableau de la page 236, le résultat suivant:
Mercure. Vénus. La Terre. Mars. ... Jupiter. Saturne. 3,9 7,2 10 15,2 ... 52 95,4
Ces nombres sont à peu près ceux, de la suite de Bode, à l'exception du dernier, pour lequel il y a une différence plus sensible, moins négligeable. On remarquera de plus que le terme 28 de la série de Bode n'a pas de correspondant parmi les distances indiquées.
Quand Herschell, en 1781, découvrit Uranus, on continua la suite de Bode. Le 8e terme de cette suite est 200. Or la distance d'Uranus au soleil est 191,8, celle de la terre étant 10; ce nombre se rapproche encore assez de son correspondant 200 pour qu'on regarde la loi comme continuant à s'appliquer.
Plus tard, on essaya la même vérification pour Neptune; le 9e terme de la suite de Bode est 396; or la distance de Neptune au soleil est 304 quand celle de la terre est 10. La différence est ici trop grande, et on ne peut pas dire que la loi s'applique jusqu'à Neptune.
Cette loi de Bode ne se rapporte à aucun fait pratique; elle doit être considérée comme un moyen simple d'aider la mémoire à retenir les distances en question.
Quoi qu'il en soit, elle s'applique d'une manière assez satisfaisante jusqu'à Uranus, sauf une lacune qu'on remarque jusque-là dans la correspondance; au nombre 28 de la suite de Bode ne correspond aucune distance de planète au soleil. Cette lacune a été comblée par la découverte des petites planètes dont nous allons parler. Pour en finir avec la série de Bode, nous dirons que la moyenne des distances au soleil de ces petites planètes qui se placent toutes sous ce rapport entre Mars et Jupiter, est 26, ce qui n'est pas trop éloigné du terme 28 de cette série.
PETITES PLANÈTES.
365. On a découvert depuis le commencement de ce siècle un assez grand nombre de planètes, toutes situées dans la même région du ciel, entre Mars et Jupiter. On les désigne sous le nom de petites planètes, parce qu'elles sont beaucoup plus petites que les huit dont nous nous sommes occupé jusqu'à présent; Elles ont l'apparence des étoiles de 8e ou de 9e grandeur, et par conséquent sont invisibles à l'œil nu; aussi leur a-t-on encore donné le nom de planètes télescopiques.
Découverte par:
Cérès, M. Piazzi, à Palerme, 1er janv. 1801.
Pallas, Olbers, à Brême, 28 mars 1802.
Junon, Harding, à Gœttingue, 1er sept. 1804.
Vesta, Olbers, à Brême, 29 mars 1807.
Astrée, Hencke, à Driessen, 8 déc. 1845.
Hébé, Hencke, à Driessen, 1er juill. 1847.
Iris, Hind, à Londres, 13 août 1847.
Flore, Hind, à Londres, 18 oct. 1847.
Métis, Grahan, à Maskré (Irlande), 26 avril 1848.
Hygie, de Gasparis, à Naples, 14 avril 1849.
Parthénope, de Gasparis, à Naples, 11 mai 1850.
Victoria, Hind, à Londres, 13 sept. 1850.
Égérie, de Gasparis, à Naples, 29 juill. 1851.
Irène, Hind, à Londres, 19 mai 1851.
Eunomia, de Gasparis, à Naples, 29 juill. 1851.
Psyché, de Gasparis, à Naples, 17 mars 1852.
Thétis, Luther, (près Dusseldorf), 17 avril 1852.
Melpomène, Hind, à Londres, 24 juin 1852.
Fortuna, Hind, à Londres, 22 août 1852.
Massalia, { de Gasparis, à Naples, 19 sept. 1852.
{ Chacornac, à Marseille, 20 sept. 1852.
Lutétia, Goldsmith, à Paris, 15 nov. 1852.
Calliope, Hind, à Londres, 16 nov. 1852.
Thalie, Hind, à Londres, 15 déc. 1852.
Phocéa, Chacornac, à Marseille, 6 avril 1853.
Thémis, de Gasparis, à Naples, 6 avril 1853.
Proserpine, Luther, (près Dusseldorf), 5 mai 1853.
Euterpe, Hind, à Londres, 8 nov. 1853.
Amphitrite, Albert Marth, à Londres, 4 févr. 1854.
Bellone, Luther, à Blick, près Dusseldorf.
Urania, Hind, à Londres, 22 juill. 1854.
Euphrosine, Ferguson, à Washington, 1er sept. 1854.
Pomone, Goldsmith, à Paris, 28 oct. 1854.
Polymnie, Chacornac, à Paris, 28 oct. 1854.
A ces planètes il faut ajouter dans l'ordre des découvertes: Circé, Leucothoé, Atalunte, Fides, découvertes en 1855 par MM. Luther et Chacornac; Léda, Lætitia, Harmonia, Daphné, Isis, découvertes en 1856; Ariane, Nysa, Eugénie, Hestia,....., Aglaïa, Boris, Palès, Virginie, Nemausa, découvertes en 1857; Europa, Calypso, Alexandra,....., découvertes en 1858.
Comme on le voit, le plus grand nombre de ces petites planètes ont été découvertes dans ces dernières années. M. Lescarbaut, médecin à Orgères, en Normandie, en a encore découvert récemment une nouvelle très-rapprochée du soleil.
Nous n'entrerons pas dans de plus grands détails au sujet de ces planètes. Nous indiquons les éléments astronomiques d'un certain nombre d'entre elles dans un tableau placé à la fin de ce chapitre. V. pour les autres le dernier Annuaire du bureau des longitudes.
366. Système planétaire. Concordance des mouvements des planètes. Les planètes qui tournent autour du soleil forment avec cet astre un système complet qui doit être particulièrement distingué dans l'espace, surtout par nous dont le globe fait partie de ce système. Les planètes se meuvent toutes autour du soleil, en restant à peu près dans un même plan passant par le centre de cet astre; excepté quelques petites planètes dont les orbites font des angles assez grands avec le plan de l'écliptique (V. le tableau ci-après). Tous ces mouvements des planètes autour du soleil s'effectuent dans le même sens, d'Occident en Orient. Les planètes principales sont accompagnées de satellites, qui, à l'exception de ceux d'Uranus, se meuvent aussi dans des plans assez peu inclinés à l'écliptique, et dans le même sens que les planètes autour du soleil, c'est-à-dire d'Occident en Orient. Le soleil tourne sur lui-même dans le même sens, autour d'un axe qui est presque perpendiculaire au plan de l'écliptique. Enfin les planètes dont on a pu constater le mouvement de rotation, tournent aussi d'Occident en Orient. La lune tourne dans le même sens autour de la terre.
Voilà un concours de circonstances très-remarquable que nous nous contenterons de signaler au lecteur sans indiquer les inductions qu'on en tire; cela nous mènerait trop loin.
Nous faisons suivre tous ces détails sur les planètes et leurs satellites de tableaux renfermant les éléments du système solaire; on y trouvera réunis tous les nombres disséminés dans ce chapitre. Ces tableaux sont empruntés à l'ouvrage de M. Faye.
Planètes.
NOMS. S RÉVOLUTION SIDÉRALE DISTANCE EXCENTRICITÉ, INCLINAISON
I ------------------- moyenne la distance de l'orbite
G Nombre En jours du soleil. moyenne sur le plan
N rond moyens. étant 1. de
E d'années. l'écliptique.
Mercure ? » 87,969 0,38710 0,20562 7° 0' 13"
Vénus ? » 224,701 0,72333 0,00682 3 23 31
La Terre ? 1 365,256 1,00000 0,01678 » » »
Mars ? 2 686,980 1,52369 0,09325 1 51 6
Petites planètes.
Jupiter ? 12 4332,485 5,20277 0,04822 1 18 42
Saturne ? 29 10759,220 9,53885 0,05603 2 29 30
Uranus ? 84 30686,821 19,18239 0,04660 0 46 29
Neptune ? 165 60127 30,04 0,009 1 47
Petites planètes situées entre Mars et Jupiter.
Flore 3 1193 2,202 0,157 5° 53'
Melpomène 3 1270 2,296 0,216 10 11
Victoria 4 1303 2,335 0,218 8 23
Euterpe 4 1317 2,348 0,171 1 36
Vesta 4 1326 2,362 0,089 7 8
Massilia 4 1338 2,376 0,134 0 41
Iris 4 1346 2,385 0,232 5 28
Métis 4 1347 2,387 0,183 5 36
Phocéa 4 1350 2,391 0,246 21 43
Hébé 4 1380 2,425 0,202 14 47
Fortuna 4 1397 2,446 0,156 1 33
Parthénope 4 1399 2,448 0,098 4 37
Thétis 4 1442 2,498 0,137 5 36
Amphitrite 4 1500 2,564 0,080 6 6
Astrée 4 1511 2,577 0,189 5 19
Irène 4 1515 2,582 0,170 9 6
Égérie 4 1516 2,582 0,086 16 33
Lutetia 4 1542 2,612 0,115 3 5
Thalie 4 1571 2,645 0,240 10 13
Eunomie 4 1576 2,651 0,189 11 44
Proserpine 4 1578 2,653 0,086 3 36
Junon 4 1593 2,669 0,256 13 3
Cérès 5 1681 2,767 0,076 10 37
Pallas 5 1686 2,723 0,239 34 37
Bellone 5 1724 2,814 0,175 10 5
Calliope 5 1815 2,912 0,104 13 45
Psyché 5 1828 2,926 0,136 3 4
Hygie 6 2043 3,151 0,101 3 47
Thémis 6 2047 3,160 0,123 0 50
Satellites.
NOMS. DURÉE DISTANCE, MASSE,
de le rayon celle
la révolution. de la planète de la planète
(jours) étant 1. étant 1.
Satellite {
{ la Lune. 27,32166 60,2729 0,01234
de la Terre. {
{ 1er 1,7691 6,0485 0,000017
Satellites { 2e 3,5512 9,6235 0,000023
de Jupiter. { 3e 7,1546 15,3502 0,000088
{ 4e 6,6888 26,9983 0,000043
{ 1er 0,943 3,35
{ 2e 1,370 4,30
{ 3e 1,888 5,28
Satellites { 4e 2,739 6,82
de Saturne. { 5e 4,517 9,52
{ 6e 15,945 22,08
{ 7e 22,945 27,78
{ 8e 79,330 64,36
{ 1er 5,893 13,12
{ 2e 8,707 17,02
Satellites[145] { 3e 10,961 19,85
d'Uranus. { 4e 13,456 22,75
{ 5e 38,075 45,51
{ 6e 107,694 91,01
Satellite {
{ 1er 5,880 8,9
de Neptune. {
Éléments physiques du système solaire.
NOMS DURÉE APLATISSEMENT DIAMÈTRE VOLUME MASSE
de la ---------------------------
rotation Ceux de la terre étant pris
en temps pour unités.
moyen.
j. h. m. s.
-------------------------------------------------------------------------
Soleil 25 12 « « insensible 112 1415000 359600
Mercure 24 5 « insensible 0,39 1/17 1/81
Vénus 23 21 21 insensible 0,98 1 1
Terre 23 56 4 1/299 1 1 1
Mars 23 37 22 « 0,52 1/7 1/8
Vesta « « « insensible 0,004 1/17700 «
Pallas « « « « 0,0084 1/1660 «
Jupiter 9 55 26 1/16 11,64 1491 342
Saturne 10 29 17 1/10 9,02 772 103
Uranus « « « 1/9 4,34 87 87
Neptune « « « « 4,8 77 77
Lune La durée de insensible 0,2724 1/50 1/81
rotation est
égale à celle
Satellites de la révolution
de Jupiter autour de la
1er planète « 0,31 1/32 1/170
2º centrale « 0,21 1/47 1/128
3º « 0,45 1/11 1/33
4º « 0,39 1/17 1/70
2º partie
NOMS DENSITÉ MOYENNE PESANTEUR INTENSITÉ
rapportée à celle à la de la lumiere et
--------------------- surface de la chaleur
de la terre de l'eau solaire
--------------------------------------------------------------------
Soleil 0,26 1,4 29 «
Mercure 1,23 6,8 1/2 6,7
Vénus 0,91 5,1 1 1,9
Terre 1 5,5 1 1
Mars 0,97 5,4 1/2 0,4
Vesta « « « 0,2
Pallas « « « 0,2
Jupiter 0,23 1,3 2 1/2 0,04
Saturne 0,13 0,7 1 0,01
Uranus 0,17 0,9 1/3 0,003
Neptune 0,32 1,8 1 1/3 0,001
Lune 0,62 3,4 1/6 1
Satellites
de Jupiter
1er 0,20 1,1 1/15 0,04
2º 0,37 2,0 1/10 0,04
3º 0,23 1,3 1/7 0,04
4º 0,25 1,4 1/19 0,04
DES COMÈTES.
367. Les comètes sont des astres qui, de même que les planètes, ont un mouvement propre au milieu des constellations. Ce mouvement propre des comètes s'étudie comme les autres, et si on le rapporte au soleil, on trouve qu'il est soumis aux lois de Képler comme celui des planètes.
368. Cependant les comètes se distinguent des planètes sous plusieurs rapports: d'abord par l'aspect qui n'est pas le même (V. nº 370), puis par les circonstances de leurs mouvements. Tandis que les orbites des planètes sont des ellipses presque circulaires, celles des comètes sont des ellipses excessivement allongées, dégénérant presque en paraboles (fig. 132), dont le soleil occupe un foyer. Tandis que les plans des orbites planétaires sont en général peu inclinés sur le plan de l'écliptique, celles des comètes admettent toutes les inclinaisons possibles. Enfin, tandis que les mouvements de toutes les planètes sont directs, les mouvements de la moitié à peu près des comètes observées sont rétrogrades.
369. Vu l'extrême allongement des orbites des comètes, ces astres s'en vont à de très-grandes distances du soleil, et par conséquent de notre globe. C'est pourquoi nous les perdons de vue dans la plus grande partie de leur révolution, nous ne les voyons que lorsqu'elles sont le plus rapprochées du soleil. Comme à cette distance minimum leur vitesse angulaire est la plus grande (en vertu de la loi des aires), elles passent assez rapidement à portée de notre vue, et en général nous ne les voyons pas longtemps comparativement aux planètes.
370. Aspect des comètes; noyau, chevelure, queue. Une comète,
consiste habituellement en un
point plus ou moins brillant,
environné d'une nébulosité qui
s'étend sous forme de traînée
lumineuse dans une direction
particulière (fig. 131). Le point
brillant est le noyau de la comète;
la traînée lumineuse qui
accompagne ce noyau, de l'autre
côté de la comète par rapport
au soleil, se nomme la
queue; la nébulosité qui environne
la comète, abstraction
faite de la queue, se nomme la chevelure. On donne aussi le
nom de tête de la comète à l'ensemble du noyau et de la chevelure.
Les comètes ne se présentent pas toutes sous la forme que nous venons d'indiquer; il y en a qui n'ont pas de queue, et qui alors ressemblent à des planètes; il y en a qui ont l'apparence de nébulosités, sans noyaux. Il y en a qui ont un noyau et une chevelure sans queue; enfin on en a vu qui avaient au contraire plusieurs queues disposées en éventail.
371. Les queues des comètes prennent les formes les plus variées; les unes sont droites, d'autres sont recourbées; les unes ont partout la même largeur, d'autres s'épanouissent en éventail. On a vu des comètes ayant plusieurs queues divergentes partant toutes du noyau. Ces queues atteignent parfois des longueurs immenses; la queue de la comète de 1680 couvrit une étendue du ciel d'environ 70°, et Newton a calculé qu'elle avait à peu près 17500000 myriamètres de longueur. La queue de la comète de 1779 en avait 6237000, et celle de la fameuse comète de 1811 plus de 14000000. La queue suit ordinairement le prolongement du rayon qui va du soleil à la comète; quelquefois elle dévie de cette direction.
372. Petitesse de la masse des comètes. La densité dès comètes (leur masse sous l'unité de volume) est excessivement faible; leur matière est disséminée à un point dont aucune substance terrestre ne peut donner l'idée. La plus légère fumée, un brouillard sont incomparablement plus denses; car ils affaiblissent et éteignent toujours en partie les rayons de la lumière qui les traversent; quelques centaines ou quelques milliers de mètres d'épaisseur transforment la brume la plus légère en un voile opaque. Mais une comète dont le volume énorme est plutôt comparable à celui du soleil qu'à ceux des planètes, laisse passer la lumière; on voit briller les étoiles, comme à l'ordinaire, à travers des épaisseurs de matière cométaire de plusieurs milliers de lieues. La masse des comètes sous l'unité de volume est donc excessivement faible, comme nous l'avons dit tout d'abord. On voit par là combien peu les effets mécaniques du choc d'une comète contre la terre ou toute autre planète sont à craindre. La comète de 1770, qui passa auprès de Jupiter et au milieu de ses satellites, n'exerça aucun effet appréciable; mais il paraît que l'effet de ce voisinage sur la comète a été fort sensible; elle a été grandement détournée de son orbite. On aurait dû, d'après Lexell, la revoir 5 ans après, et depuis on ne l'a plus revue. Ce fait prouve bien la petitesse relative de la masse des comètes.
Néanmoins, la matière des comètes existe; elle obéit aux lois de la gravitation; elle est plus dense dans la partie qu'on appelle noyau; aussi c'est le centre du noyau qu'on considère comme le point principal; c'est le point dont on étudie le mouvement.
373. Nature des orbites. Nous avons dit que les orbites des comètes peuvent être sensiblement considérées comme des paraboles dont le centre du soleil serait le foyer commun (fig. 132). Si une comète revient, son orbite ne doit plus être considérée comme dégénérant en parabole (nº 374).
374. Comètes périodiques. Il y a, en effet; des comètes qui reviennent en vue de la terre; ces comètes, qui ont été ainsi vues plusieurs fois, se nomment périodiques; car leurs retours ont lieu à des intervalles égaux qu'on peut déterminer par le calcul et vérifier par une observation subséquente, quand une fois on a soupçonné la périodicité.
Nous disons soupçonné; car on ne reconnaît pas qu'une comète est de celles qui ont déjà été vues à sa forme et à son apparence; celles-ci sont trop vagues pour qu'on puisse se décider d'après elles 146. À chaque comète nouvelle les astronomes s'empressent de calculer les éléments de l'orbite, et de les comparer à ceux des comètes antérieures. S'il se trouve qu'une de celles-ci a suivi le même chemin, les deux comètes ne font très-probablement qu'un seul et même astre. En effet, eu égard à l'immensité des espaces dans lesquels se meuvent les comètes autour du soleil, il est peu probable que deux comètes suivent exactement le même chemin. D'ailleurs avec tous les éléments que l'on possède, y compris l'intervalle des deux apparitions que l'on compare, on peut prédire une nouvelle apparition pour une époque précise, et si cette prédiction se vérifie, on classe la comète au nombre des comètes périodiques. Les orbites des comètes périodiques doivent être des ellipses.
Note 146: (retour) L'aspect d'une comète est tout à fait variable; à quelques jours d'intervalle seulement, une comète est toute différente de ce qu'elle était d'abord; il est donc absolument impossible de tirer la moindre induction plausible de ce que deux comètes observées à des époques différentes ont on n'ont pas le même aspect.
375. Comète de Halley. Halley, astronome anglais du XVIIe siècle, calcula d'après les méthodes de Newton les orbites d'un grand nombre de comètes dont on avait conservé les observations. Il fut frappé des analogies qui existaient entre des comètes observées en 1531, 1607 et 1682. L'intervalle de ces observations successives étant 75 ou 76 ans, il se hasarda à prédire une nouvelle apparition pour la fin de 1758 ou le commencement de l'année 1759; l'événement vérifia sa prédiction. Cette comète, dite de Halley, devait reparaître vers 1834 ou 1835; on l'a revue en effet en 1835; c'est donc décidément une comète périodique.
376. Comète d'Enke. C'est une comète périodique qui revient tous les 3 ans 1/2 environ, tous les 1200 jours: aussi l'appelle-t-on la comète des 1200 jours. Elle fut découverte par M. Pons, à Marseille, en 1818. M. Enke fut celui qui en calcula tous les éléments et en constata la périodicité.
377. Comète de Biéla. La troisième planète périodique fut découverte le 27 février 1826, à Johannisberg, par M. Biéla, capitaine autrichien. La durée de sa révolution est de 6 ans 3/4; elle a été observée en 1846 et en 1852.
Son dédoublement. La comète de Biéla, qui n'a pas de noyau, a présenté un singulier phénomène à son apparition en 1846: elle s'est dédoublée. C'est-à-dire qu'on a vu deux comètes semblables, très-voisines l'une de l'autre, sans communication apparente, et décrivant sensiblement l'orbite assignée à la planète primitive. Le dédoublement a persisté à l'apparition de 1852; on en ignore la cause.
L'orbite de la comète de Biéla coupe le plan de l'écliptique à peu près à la distance qui nous sépare du soleil. Si la terre s'était trouvée en 1832 au point de rencontre des deux orbites, en même temps que la comète, il y aurait eu collision; mais la terre était alors assez éloignée de ce point. Depuis cette époque les perturbations du mouvement de la comète ont fait disparaître toutes chances de rencontre.
À ce sujet nous remarquerons que la masse des comètes est tellement faible, qu'une pareille collision n'est pas à craindre. Si la terre rencontrait une comète, elle la traverserait probablement sans s'en apercevoir, du moins quant aux effets mécaniques (nº 372).
378. Comète de Faye. La quatrième comète périodique a été observée par M. Faye, à Paris, le 22 novembre 1843. La durée de sa révolution est à peu près 7 ans 1/2.
Dans ces derniers temps on a trouvé plusieurs autres comètes pour lesquelles les mêmes circonstances (la forme des orbites) font soupçonner la périodicité. Mais ces comètes ne devront être classées définitivement parmi les comètes périodiques que lorsqu'on les aura vues revenir au moins une fois à leur périhélie après avoir fait une révolution complète autour du soleil.
PHÉNOMÈNE DES MARÉES.
379. Description du phénomène. Flux et reflux; haute et basse mer. Abstraction faite des ondulations accidentelles plus ou moins fortes que l'action des vents produit à sa surface, la mer n'est jamais complètement immobile; animée d'un mouvement continu et périodique, elle s'élève et s'abaisse alternativement; la durée d'une de ces oscillations est de 12 heures 1/2 environ. Pendant la première moitié de cette oscillation, la mer monte continuellement à partir d'une certaine hauteur minimum; en montant elle s'avance vers ses rivages qu'elle tend à envahir, refoulant l'eau des fleuves à leurs embouchures; c'est le flux ou le flot. Parvenue à une certaine hauteur maximum, la mer cesse de monter; on dit alors qu'elle est haute ou pleine. À partir de là, elle se met à descendre durant 6 heures 1/4; en descendant, elle se retire des rivages jusqu'à une assez grande distance; c'est le reflux. Arrivée ainsi à un certain niveau minimum, la mer cesse de descendre; on dit alors qu'elle est basse. Puis elle recommence à monter.
Période des marées. Nous avons indiqué approximativement la période des marées; pour être plus exact, nous dirons: la période des marées, c'est-à-dire l'intervalle de deux hautes mers consécutives est de 12h 25m 44s. Le moment de la basse mer divise cette durée en deux parties inégales; à Brest, par exemple, la mer met 16 minutes de plus à monter qu'à descendre; au Havre, la différence est de 2h 8m. La double période des marées, comprenant deux hautes mers et deux basses mers, est précisément égale au temps qui sépare deux retours consécutifs de la lune au méridien supérieur.
380. Variations de la hauteur des marées. L'amplitude de ces oscillations de la mer varie avec les époques pour le même lieu, et sa valeur moyenne change quand on passe d'un lieu à un autre. La hauteur de la pleine mer varie chaque jour en un lieu donné; elle est la plus grande à l'époque des syzygies, et la plus petite à l'époque des quadratures. Mais la plus grande hauteur n'a pas lieu précisément au moment d'une syzygie; elle n'a lieu qu'environ 36 heures après; c'est aussi 36 heures après une quadrature que se produit la marée la plus basse.
Plus la mer s'élève lorsqu'elle est pleine, plus elle descend dans la basse mer qui suit. On nomme marée totale la demi-somme de deux pleines mers consécutives au-dessus de la basse mer intermédiaire; La marée totale atteint en moyenne, à Brest, 6mèt.,2490 dans les syzygies, et 3m,0990 seulement dans les quadratures.
La grandeur de la marée totale varie avec la distance de la lune à la terre; elle augmente quand la lune se rapproche, diminue quand la lune s'éloigne. La variation de la distance de la lune à la terre au-dessus et au-dessous de sa valeur moyenne est, comme on l'a vu, d'environ 1/15 de cette valeur moyenne; la variation correspondante de la marée totale, dans les syzygies, est d'environ 3/26 de sa valeur moyenne. En valeur absolue, cette variation est à Brest d'environ 0m,883; de sorte que l'effet du changement de distance de la lune sur les marées totales est dans ce port de 1m,766.
La variation de la distance du soleil à la terre exerce aussi une certaine influence sur la hauteur des marées; mais elle est bien moins sensible. Toutes choses égalés d'ailleurs, il résulte de cette variation que les marées des syzygies sont plus grandes, et celles des quadratures plus petites en hiver qu'en été. (On sait qu'en hiver le soleil est plus près de nous qu'en été).
Les déclinaisons du soleil et de la lune ont aussi de l'influence sur les marées. Les marées des syzygies sont d'autant plus fortes, et celles des quadratures d'autant plus faibles, que la lune et le soleil sont plus voisins de l'équateur. A Brest, la hauteur de la marée totale, aux équinoxes, est plus forte qu'aux solstices, de 0m,75 environ; la marée totale des quadratures est plus petite de la même quantité dans les mêmes circonstances.
381. Établissement du port. Aux équinoxes, quand la lune, nouvelle ou pleine, se trouve à sa moyenne distance de la terre, la pleine mer n'arrive pas précisément au moment du passage de l'astre au méridien; elle suit le moment du midi vrai ou de minuit d'un intervalle de temps qui varie d'un port à un autre, mais qui est constant pour le même port. Le retard de la pleine mer des syzygies sur le midi vrai ou le minuit, à l'époque des équinoxes, en un lieu donné, est ce qu'on nomme l'établissement du port. L'établissement du port sert à déterminer les heures des marées relativement aux phases de la lune.
Nous indiquons dans le tableau suivant la valeur de l'établissement pour un certain nombre de ports de l'Océan et de la Manche. Nous y joignons l'indication de la hauteur moyenne des marées des syzygies pour chaque port, afin qu'on voie comment cette hauteur varie avec la disposition des lieux et la configuration des côtes.
NOMS DES PORTS. ÉTABLISSEMENT HAUTEUR
du port. moyenne
de la marée
aux syzygies.
Bayonne (embouchure de l'Adour) 3h 30m 2m,80
Royan (embouchure de la Gironde) 4 1 4,70
Saint-Nazaire (embouchure de la Loire) 3 45 5,36
Lorient 3 30 4,48
Brest 3 45 6,25
Saint-Malo 6 0 11,36
Granville 6 30 12,10
Cherbourg 7 45 1,64
Le Havre (embouchure de la Seine) 9 15 1,14
Dieppe 10 30 1,80
Boulogne 10 40 7,92
Calais 11 45 6,24
Dunkerque 11 45 5,36
382. Retard journalier des marées. Nous avons dit que la double période du phénomène des marées, correspondant à une révolution diurne de la lune, est de 24h 50m 28s (temps solaire moyen). Il résulte de là que l'heure de la pleine mer doit retarder chaque jour de 50m 28s. Ce n'est là qu'une moyenne; ce retard journalier de la pleine mer varie avec les phases de la lune; il est de 39m seulement aux syzygies, et de 75m vers les quadratures.
Influence de l'étendue de la mer. Les marées ne sont sensibles et considérables que dans les vastes mers, comme les deux océans et les golfes qu'ils forment. Mais dans les petites mers, intérieures ou à peu près intérieures, comme la mer Noire et la mer Caspienne, il n'y a pas de marées. Dans la Méditerranée elle-même, les marées sont fort peu sensibles.
383. Causes des marées. Ce sont les actions combinées de la lune et du soleil sur les eaux de la mer qui produisent le phénomène des marées. L'action de la lune est prépondérante; c'est ce qui fait qu'il y a une liaison intime entre les circonstances du phénomène des marées et celles du mouvement de la lune autour de la terre. Nous allons entrer dans quelques développements sur ces causes des marées.
384. Causes du phénomène des marées. Pour nous rendre compte
de ces causes, nous pouvons sans inconvénient considérer la terre
comme un noyau solide sphérique entièrement recouvert par les
eaux de la mer. Celles-ci obéissant à la seule attraction du noyau
solide, c'est-à-dire à la pesanteur terrestre, doivent se disposer
autour de ce noyau de manière que leur surface soit exactement
sphérique.
Tenons compte maintenant de l'attraction de la lune. Soient T et L les centres de la terre et de la lune. La figure représente une section du noyau solide et de son enveloppe liquide par un plan mené par la droite TL. En vertu du principe de la gravitation universelle (nº 323), la lune attire toutes les molécules du noyau solide comme si la masse était ramassée au centre, c'est-à-dire avec une intensité fm/d² (f est l'attraction de l'unité de massé à l'unité de distance, m la masse de la molécule, et la distance TL). La molécule solide a se meut comme si elle était attirée par cette force fm/d². La molécule liquide A, qui est libre, est attirée par cette force fm/(d-r)², qui correspond à sa distance LA = d — r du centre de la lune. Cette force fm / (d-r)² plus grande que fm / d² peut être considérée comme la somme de deux forces fm / d², fm / (d-r)²-fm / d² agissant toutes deux dans le sens AL. La force fm / d² agissant à la fois sur la molécule solide a et sur la molécule liquide A les fait se mouvoir avec la même vitesse, et s'il n'y avait que cette force, les molécules a et A se mouvant avec la même vitesse conserveraient leurs positions relatives. L'eau A ne s'écarterait pas du fond a. Mais il faut tenir compte de l'autre force fm / (d-r)²-fm / d² qui, n'agissant que sur A, tend à l'écarter du noyau solide dans le sens AL. Mais cette molécule A est en même temps sollicitée dans le sens contraire AT par la pesanteur qui est plus grande que la force fm / (d-r)²-fm / d². Celle-ci a donc pour effet de diminuer la pesanteur de sa propre valeur.
Si nous considérons de même toutes les molécules liquides de l'arc AC et de l'arc AC', nous arriverons pour chacun à la même conclusion. L'effet de l'attraction lunaire se réduit à une diminution de l'effet de la pesanteur terrestre sur là molécule. Mais cette diminution de la pesanteur est de plus en plus petite à mesure qu'on s'avance de A vers C ou de A vers C'; car ces molécules sont de plus en plus éloignées de la lune, dont l'action est moindre, et l'attraction de la lune au lieu d'être directement opposée à la pesanteur, fait avec la direction de celle-ci des angles de plus en plus grands. En résumé, l'effet de l'attraction lunaire sur les molécules du demi-cercle liquide, est de diminuer inégalement les effets de la pesanteur. Celle-ci agit sur ces molécules avec une intensité qui va en diminuant de A vers C et de A vers C'.
La même chose se passe sur la demi-circonférence CBC'. La molécule b du noyau solide tend à se mouvoir vers la lune comme si elle était sollicitée par une force égale à fm / d². La molécule liquide B est sollicitée dans le même sens par une attraction égale à
fm ------ (d + r)²
plus petite que
fm -- d².
Mais cette attraction peut être considérée comme la différence de deux forces, l'une égale à
fm -- d²
agissant dans le sens BL, l'autre égale à
fm fm -- - -------- d² (d + r)²
qui agit en sens contraire. La force
fm -- d²
qui agit à la fois sur les molécules b et B dans ce même sens leur imprime des vitesses égales et ne peut changer la distance qui les sépare. Cette distance ne peut donc être altérée que par la seconde force
fm fm -- - -------- d² (d + r)²
qui agit dans le sens de TB prolongée, c'est-à-dire en sens contraire de la pesanteur. Cette force tend donc à diminuer l'action de la pesanteur sur la molécule liquide B. Si on considère de même successivement les molécules du quadrant BC et celles du quadrant BC', on arrive à la même conclusion. L'attraction de la lune sur ces molécules a pour effet de diminuer l'effet de la pesanteur; mais elle diminue la pesanteur de quantités de plus en plus petites à mesure que l'on s'avance de B vers C ou de B vers C', par les raisons indiquées à propos des quadrants liquides AC et AC'.
En définitive l'anneau liquide ACBC' est composé de molécules sollicitées par la pesanteur (force centrale) diminuée par des forces contraires (forces centrifuges), qui vont en diminuant de A vers C et vers C', de B vers C et vers C'. Cet anneau liquide peut être comparé à un anneau d'acier qu'on fait tourner autour d'un axe pour démontrer par expérience les effets de la force centrifuge. Les molécules de cet anneau sont aussi sollicitées par des forces centrifuges inégales qui diminuent de l'équateur vers chaque pôle (extrémité de l'axe). Les deux anneaux sont exactement dans les mêmes conditions. Or l'anneau d'acier s'allonge vers les points où la force centrifuge est la plus grande, et s'aplatit vers les points où cette force est nulle. L'anneau liquide doit donc s'allonger vers A et vers B et s'aplatir vers C et vers C'. Mais en A et en B l'anneau s'allonge, l'eau s'éloigne du noyau solide, c'est-à-dire du fond; elle monte, il y a marée haute. En C et en C' où l'anneau s'aplatit, la surface de l'eau se rapproche du noyau solide, c'est-à-dire du fond, la mer baisse; elle descend, il y a basse mer.
Si la lune restait en place, l'effet serait permanent; la mer serait toujours haute en A et en B, basse en C et C', moyenne au point intermédiaire. Mais la lune fait le tour de la terre en C et en C' dans 24h-1/2. De là les variations de niveau. La marée se déplace progressivement; le flot suit la marche de la lune.
385. Valeur de la force qui soulève la mer. Nous avons vu que la force qui fait monter la mer en A est
fm fm -------- - -- (d - r)² d². Or fm fm fm[d² - (d - r)²] fm(2dr - r²) -------- - -- = ----------------- = ------------ (d - r)² d². d²(d - r)² d²(d - r)²
on sait qu'en moyenne d = 60r ou r = 1/60 d; on peut donc, sans trop grande erreur, négliger r² vis-à-vis de 2dr au numérateur, et r vis-à-vis de d au dénominateur (d'autant plus que les effets de cette modification se compensent en partie); en agissant ainsi on trouve, par approximation, que la force en question a pour expression
2fmdr 2fmr ----- = ---- d4 d³.
De même en B, nous avons la force
fm fm fm[(d + r)² - d²] fm(2dr + r²) --- - -------- = ----------------- = ------------- d² (d + r)² d²(d + r)² d²(d + r)²
qui, d'après les mêmes considérations, peut être exprimée très-approximativement par le même nombre
2fmr ----. d³
La force qui soulève la mer en A et en B est proportionnelle à la masse m de la lune; et varie en raison inverse du cube de la distance de cet astre à la terre.
386. Effets de la rotation de la terre sur elle-même et du mouvement de translation de la lune autour de la terre.
Nous avons supposé la terre et la lune immobiles dans une de leurs positions relatives. Si cette hypothèse était vraie, la surface des eaux prendrait d'une manière permanente la forme elliptique que nous venons d'indiquer, et se maintiendrait en équilibre dans cette position. Mais, comme on le sait, la terre tourne sur elle-même en 24 heures dans le sens de la flèche (latérale), et la lune tourne dans le même sens autour de la terre en 27 jours 1/2. De là un certain mouvement résultant de la lune par rapport à la terre; tout se passe exactement comme si la lune partant de la position L (fig. 133) tournait d'occident en orient (dans le sens de la flèche) autour du centre T de la terre, faisant une révolution en 24h 50m 28s. Nous pouvons, pour plus de simplicité, supposer que la déclinaison de la lune étant nulle, celle-ci tourne autour de la terre, sur le plan de l'équateur, qui serait par exemple le plan de la figure 133. En considérant cet astre dans chacune de ces positions successives, on voit que le grand axe de l'ellipse liquide doit toujours être dirigé suivant LT; ce grand axe et par suite l'ellipse elle-même tourneront donc avec la lune. Par suite, quand cet astre, au bout de 6h 12m 37s, ayant tourné de 90°, se trouvera au méridien de C sur la direction TG prolongée, ce sera en C et en D que l'ellipse sera allongée, tandis qu'elle sera aplatie en A et en B. Il y aura marée haute en C et en D, et marée basse en A et en B. Comme tout cela est arrivé progressivement, la mer a monté pendant ces 6h 12m 37s en C et en D, tandis qu'elle descendait en A et en B.
De plus, dans cet intervalle, la pleine mer a eu lieu successivement pour tous les lieux situés entre A et C, ou entre B et D, quand la lune a passé au méridien supérieur des uns et au méridien inférieur des autres. Après un nouvel intervalle de 6h 12m 37s la lune arrive au méridien supérieur de B qui est le méridien inférieur de A; il y a de nouveau haute mer en B et en A, et basse mer en C et en D: la mer a monté aux premiers lieux et baissé dans les derniers; la pleine mer a eu lieu dans l'intervalle successivement pour les lieux situés entre C et B et entre D et A. Dans les 6h 12m 37s suivantes, la lune se rend du méridien de B au méridien de D; on voit ce qui arrive; puis de même quand la lune va du méridien de D au méridien de A. Ceci explique comment l'intervalle de deux hautes mers consécutives, en chaque lieu de la terre, est précisément de 12h 25m 14s; en même temps se trouve expliquée l'ascension progressive des eaux de la mer, de la basse mer à la haute mer.
387. Action du soleil sur les eaux de la mer. Nous avons supposé que la lune agissait seule de l'extérieur sur les eaux de la mer; mais évidemment le soleil, qui se trouve vis-à-vis de la terre dans des conditions analogues à celles que nous venons de considérer quant à la lune, doit attirer les eaux de la mer et produire sur leur masse un effet tout à fait analogue à celui que produit la lune. Nos explications des nº 384 et 385 s'appliquent de point en point au soleil; il suffit de remplacer la masse m de la lune et la distance d = TL par la masse M du soleil et la distance D = ST de ce dernier astre à la terre. Le soleil, se trouvant au méridien d'un lieu A, tendra à y soulever la mer avec une force que l'on peut évaluer très-approximativement à 2fmr/D³. En considérant spécialement le soleil vis-à-vis de la terre, nous trouvons donc qu'il doit y avoir une marée solaire de même qu'il y a une marée lunaire. Il faut de même avoir égard au changement des positions du soleil par rapport à la terre.
388. Si on compare la force avec laquelle la lune, se trouvant au méridien d'un lieu, y soulève les eaux, à la force analogue pour le soleil, on trouve le rapport:
2fmr 2fMr m M m D³ ---- : ---- = - : -- = -- : -- d³ D³ d³ D³ M d³ D³/d³.
Or la masse de la terre étant prise pour unité, on a vu que la masse
M = 355000 (nº 201) et m = 1/81 (nº 265); d'ailleurs D = 400 d,
d'où
D/d = 400. Donc le rapport ci-dessus des forces que nous
comparons est approximativement égal à
1 ----------- x 400³; environ 2,05. 355000 x 81
Ainsi la marée lunaire est environ le double de la marée solaire.
389. Actions combinées des deux astres; effets résultants.--On explique en mécanique comment le mouvement total d'un système soumis à deux forces est la résultante des mouvements partiels que ces forces considérées l'une après l'autre lui impriment respectivement; donc les deux flux partiels, produits par la lune et le soleil, se combinent sans se troubler, et c'est de cette combinaison que résulte le flux réel qu'on observe dans les ports.
Mais comme les périodes des deux phénomènes ne sont pas les mêmes, l'instant de la marée solaire n'est pas toujours le même que celui de la marée lunaire. Si, à une certaine époque, les deux astres passant ensemble au méridien, les deux marées coïncident, la marée lunaire suivante retardera sur la marée solaire de l'excès du demi-jour lunaire sur le demi-jour solaire, c'est-à-dire de 25m 14s. Les retards iront en s'accumulant, au bout de 7j 1/4 environ, ils seront de 6h 1/4 à peu près, et la pleine mer lunaire coïncidera avec la basse mer solaire, et vice versa; ce sont ces différences qui produisent les variations des hauteurs de marées, suivant les phases de la lune. Ainsi, quand à la conjonction le soleil et la lune passent ensemble au méridien du lieu A (fig. 133), leurs actions s'ajoutent puisqu'elles ont lieu dans le même sens; c'est ce qui produit les grandes marées des syzygies 147.
Lorsque, au contraire, à une quadrature, les deux astres passent au méridien du lieu A, à 6 heures de distance, l'un d'eux y passant tend à y déterminer une élévation de la mer, tandis que l'autre qui est, en ce moment, à 90° de distance en avant ou en arrière, tend à produire une dépression au même lieu; les deux actions se contrarient le plus possible l'une l'autre; la résultante est la marée des quadratures, qui est par conséquent la plus faible de toutes.
Entre une quadrature et une syzygie, la hauteur de la marée doit varier progressivement du minimum qui correspond à la première au minimum qui correspond à l'autre; le contraire a lieu d'une syzygie à une quadrature.
Comme d'ailleurs c'est l'attraction lunaire qui est la plus grande (nº 388), c'est elle qui règle principalement la marée résultante, la marée effective. C'est ce qui fait que dans un temps donné on observe autant de marées qu'il y a de passages de la lune, tant au méridien supérieur du lieu qu'à son méridien inférieur.
390. Retard des marées Si, comme nous l'avons supposé, la mer recouvrait partout la terre à une égale profondeur, si elle n'éprouvait aucun obstacle dans ses mouvements, chaque marée partielle aurait lieu au moment où l'astre qui la produit a sa plus grande action, c'est-à-dire quand il passe au méridien du lieu considéré; la marée résultante (la marée effective) aurait lieu précisément au moment indiqué par la théorie de la combinaison des deux actions. Par exemple, aux syzygies, la haute mer aurait lieu au moment même où le soleil et la lune parviennent ensemble au méridien. Mais comme la mer n'enveloppe pas la terre de toutes parts, que sa profondeur est loin d'être partout la même, qu'elle est gênée dans ses mouvements, les choses ne se passent pas ainsi. L'action de la lune ou du soleil s'exerce principalement avec une action prépondérante au milieu de l'Océan, là où les eaux sont à peu près dans les conditions que nous avons supposées dans notre explication. Le mouvement que cette action détermine, les ondes qui se produisent en conséquence à la surface des eaux, se propagent de proche en proche, et le mouvement finit par se faire sentir sur les côtes; mais il faut pour cela un temps assez long; l'expérience et la théorie montrent qu'il ne faut pas moins de 36 heures. Ainsi, par exemple, la haute mer d'une syzygie n'a lieu sur les côtes qu'environ un jour et demi après le moment où les actions associées des deux astres ont commencé à imprimer aux eaux de l'Océan le mouvement ondulatoire qui se manifeste à nous par cette marée, c'est-à-dire un jour et demi après le moment même de la conjonction. La même chose a lieu pour toutes les marées.
391. Établissement du port. Ce que nous venons de dire s'applique à toute l'étendue des côtes de l'Océan. S'il n'y avait pas d'autre cause de retard, l'heure de la marée serait la même pour tous les ports de France situés sur cette mer. Mais il y a encore le retard connu sous le nom d'établissement du port, dont nous avons parlé nº 381. Ce retard, constant pour chaque port, mais différent en général d'un port à l'autre, dépend de la configuration des côtes et de la situation du port relativement aux côtes de l'Océan sur lesquelles le flot arrive d'abord.
Lorsque la mer devient haute à l'ouest de la France, dans les environs de Brest, le flot de la pleine mer s'avance peu à peu dans la Manche; cette petite mer se trouvant brusquement resserrée par la presqu'île de Cotentin, le flot monte contre la barrière qui s'oppose à sa marche, et il en résulte des marées extrêmement grandes sur les côtes de la baie de Cancale, et notamment à Granville. De là le flot continue à s'avancer, et la pleine mer a lieu successivement à Cherbourg, au Havre, à Dieppe, à Calais, etc.
L'établissement du port est d'autant plus grand pour l'un de ces ports que celui-ci est plus éloigné du point de départ du flot dont nous décrivons la marche progressive. Cette progression est sensible sur le tableau de la page 284.
Ce que nous venons de dire de la Manche, considéré comme un golfe où les eaux de l'Océan pénètrent assez largement, s'applique aux ports qui sont au fond d'une baie ou d'une rade, ou bien à une certaine distance de l'embouchure d'une rivière, dont le lit est plus ou moins resserré. Le flot, arrivé à l'entrée de la baie ou à l'embouchure de la rivière, met un certain temps à arriver successivement à une distance plus ou moins grande. De là, par exemple, la différence des heures de la haute mer à Saint-Nazaire, Paimbœuf et Nantes, sur la Loire; à Royan et Bordeaux, sur la Gironde.
392. Pour terminer, nous observerons que les différences entre les hauteurs moyennes de la marée dans les différents ports sont dues à la configuration des côtes, aux obstacles qu'éprouvent les ondes pour se développer librement. (V., par exemple, ce qui arrive pour les marées de la baie de Cancale.)
393. Nous avons encore dit qu'il n'y a pas de marée dans la mer Noire ni dans la mer Caspienne; que celles qui ont lieu dans la Méditerranée sont à peine sensibles. Cela tient à ce que ces mers sont pour ainsi dire isolées et trop petites. Nous avons vu que le phénomène des marées est un effet de la différence des attractions exercées par la lune et le soleil sur les diverses parties de la surface des eaux; cette différence des attractions résulte elle-même de la différence des distances à la lune des points de la surface liquide. Pour que l'effet en question, c'est-à-dire la marée, soit sensible sur une mer isolée, il faut évidemment que la différence des distances relatives aux divers points de cette mer soit assez considérable, c'est-à-dire que cette mer soit grande.
Note.
Détermination de la parallaxe du soleil par l'observation d'un passage
de Vénus sur cet astre.
394. Les passages de Vénus sur le soleil offrent le moyen le plus exact que nous connaissions de mesurer la parallaxe du soleil, par suite la distance de cet astre à la terre (nº 200), et enfin les dimensions de notre système planétaire. Les passages de 1761 et de 1769, surtout le dernier, ont été observés avec soin par des astronomes de diverses nations. Ce sont ces observations qui ont fourni la valeur moyenne, 8",57, que nous avons indiquée, nº 199, pour la parallaxe horizontale du soleil. Nous allons donner un aperçu de la marche qui a été suivie, et dont la première idée est due à Halley.
Au moment d'un passage, Vénus se trouve deux fois et demie plus rapprochée de la terre que du soleil,
VS = 2-1/2VT, ou VS/VT = 2-1/2. (fig. 128)
Il en résulte, comme le montre la figure, que deux observateurs, placés en deux endroits de la terre, A et B, suffisamment éloignés l'un de l'autre, voient Vénus, V, décrire deux cordes, sensiblement différentes du disque solaire (MN, PQ); à un même instant, par exemple, ces observateurs voient respectivement la planète se projeter en deux points différents, V, V". Supposons, pour fixer les idées, que les lieux d'observation, A et B, soient situés aux extrémités d'un diamètre de la terre, et faisons abstraction du mouvement de rotation de celle-ci. Chaque observateur peut mesurer la corde qu'il voit décrire à l'ombre de la planète sur le disque solaire (le mouvement angulaire de la planète étant parfaitement connu, le temps du passage fait connaître l'espace parcouru sur le disque). Les deux cordes étant connues, on trouve aisément leur distance V'V". Connaissant cette distance V'V", on détermine l'angle sous lequel elle serait vue de la terre 148. On a trouvé 43" à peu près pour la valeur de cet angle. (La distance V'V", est très-exagérée dans notre figure; en réalité elle est vue de la terre sous un angle de 43" environ, tandis que le diamètre du disque est vu sous un angle de 32'.)
Note 148: (retour) On sait le temps qu'il faut à Vénus, à l'époque de la conjonction inférieure, pour faire vis-à-vis de la terre un chemin angulaire égal au demi-diamètre apparent du soleil: En comparant à ce temps la durée du passage de Vénus pour chaque observateur, on a le rapport qui existe entre la corde qu'il voit décrire à l'ombre et le diamètre du disque solaire. Imaginons qu'on construise un cercle représentant ce disque; on pourra y représenter proportionnellement les deux cordes MN, PQ, à l'aide de leurs rapports au diamètre. La distance de ces deux cordes sur la figure étant comparée au diamètre du cercle, on aurait le rapport de la distance angulaire des points V, V", vus de la terre, au diamètre apparent du soleil; d'où on déduit cette distance angulaire (43"). Comme cette distance vaut précisément 5 fois la parallaxe du soleil (V. le texte), on connaîtrait cette parallaxe. En faisant des calculs correspondant à ces constructions, les astronomes sont arrivés à un résultat plus précis.
Cela posé, observons que les triangles semblables VV'V", AVB donnent:
V'V"/AB ou V'V"/2r = VV'/AV = VS/VT.
Or, nous savons que VS/VT = 2 1/2 = 5/2,
donc V'V"/2r = 5/2 ou V'V"/r = 5.
On conclut de là que l'angle de 43" sous lequel la droite V'V" est vue d'une distance égale à celle qui sépare la terre du soleil est égal à 5 fois l'angle sous lequel le rayon r de la terre serait vu de la même distance. Mais ce dernier angle n'est autre chose que la parallaxe du soleil; donc la parallaxe du soleil est égale au 5e de la valeur connue 43"; P = 43"/5, à peu près.
APPENDICE.
EXPLICATION DES ALTERNATIVES DE JOUR ET DE NUIT, DES INÉGALITÉS DES JOURS
ET DES NUITS, ETC., DANS L'HYPOTHÈSE DU MOUVEMENT RÉEL DE LA TERRE.
395. La réalité du double mouvement de la terre devient encore plus évidente quand on explique dans cette hypothèse tous les faits, tous les phénomènes dont nous nous sommes occupé dans ce chapitre; les autres raisons que nous avons de croire à ce mouvement ont alors toute leur valeur (nº 223). Nous ne pouvons entreprendre ici cette explication détaillée; cela nous mènerait trop loin; nous expliquerons seulement les phénomènes qui nous ont principalement occupé.
Nous avons établi que le mouvement diurne du soleil et son mouvement apparent de translation sur une orbite elliptique, peuvent fort bien n'être que des apparences dues à la rotation de la terre et à son mouvement annuel de translation. Nous allons montrer que les alternatives du jour et de la nuit, leurs durées variables et inégales, aussi bien que les variations de la température, s'expliquent parfaitement dans l'hypothèse d'un mouvement réel de la terre tel que nous venons de l'indiquer.
396. 1º Alternatives de jour et de nuit. La rotation diurne de la terre autour d'un axe central PP', en face du soleil supposé fixe, explique parfaitement les alternatives de jour et de nuit, telles qu'elles se produisent en chaque lieu de la terre.
Cette proposition est mise en évidence par l'expérience suivante. Prenons un globe opaque et une bougie allumée; maintenons la bougie en place, et faisons tourner le globe autour d'un de ses diamètres comme axe; un point quelconque marqué sur le globe est, en général, éclairé durant une partie de la révolution, et reste dans l'obscurité durant l'autre partie. On peut répéter cette expérience en donnant successivement à l'axe de rotation du globe, par rapport au point éclairant S, l'une des trois positions qu'indiquent les figures 83, 84, 85 ci-après.
On retrouve ainsi toutes les circonstances qui peuvent se présenter relativement à l'alternative du jour et de la nuit en un lieu de la terre.
Ceux qui tiennent à une plus grande précision peuvent lire ce qui suit.
397. Pour justifier la proposition précédente, il suffit de jeter les yeux sur l'une quelconque des figures 83, 84, 85 ci-après, représentant chacune une des positions que la terre, dans son mouvement annuel, occupe successivement vis-à-vis du soleil S.
Dans la première position (fig. 83), le soleil est dans le plan E'E de l'équateur terrestre, et la ligne TS qui joint le centre de la terre à celui du soleil est perpendiculaire à l'axe PP' de rotation de la terre. P est le pôle boréal de la terre; P' le pôle austral.
Dans la deuxième position de la terre (fig. 84), le soleil S est manifestement au-dessus de l'équateur E'E, du côté du pôle boréal P; sa déclinaison Es est boréale; l'angle PTS de l'axe PP' et de la ligne TS, du côté du pôle boréal P, est aigu.
Dans la troisième position (fig. 85), le soleil est sous l'équateur EE', du côté du pôle austral P'; la déclinaison Es est australe; l'angle PTS est obtus.
Ce sont évidemment les seuls cas qui peuvent se présenter en général. Quelle que soit la position de la terre en un jour donné, on peut concevoir un grand cercle, B'I'BI, perpendiculaire à la ligne TS, au point T, et que l'on regarde comme fixe ainsi que TS et PP' durant une révolution diurne de la terre, c'est-à-dire pendant le jour considéré. Il est clair qu'il fera jour pour un lieu M de la terre quand ce lieu, par l'effet de la rotation diurne, viendra en avant de ce cercle fixe, B'I'BI, par rapport au soleil S, et qu'il fera nuit pour ce lieu quand il passera derrière ce cercle B'I'BI. On appelle ce cercle B'I'BI cercle d'illumination. Or chaque lieu M de la terre décrit dans l'espace de vingt-quatre heures un cercle entier tel que ABA'B' perpendiculaire à l'axe PP': pendant que le lieu M décrit l'arc antérieur B'AB, dans le sens indiqué par ces lettres, il est éclairé par le soleil, il y fait jour; pendant qu'il parcourt l'arc postérieur BA'B', il est dans l'obscurité, il y fait nuit. Le mouvement de rotation de la terre explique donc parfaitement les alternatives de jour et de nuit 149.
Note 149: (retour) On peut remarquer, dans la seconde position de la terre, une zone boréale, IPN, dont chaque point est éclairé durant toute la révolution actuelle de la terre; chacun de ces lieux jouit pour cette position de la terre d'un jour de plus de vingt-quatre heures. Sur la zone terrestre I'P'N', au contraire, il y a pour cette position de la terre une nuit de plus de vingt-quatre heures. Remarque analogue pour la troisième position. Mais cette remarque doit être reportée au paragraphe suivant.
2º Les variations périodiques qu'éprouvent les durées des jours et des nuits en un même lieu de la terre s'expliquent très-bien par le mouvement annuel de translation de la terre autour du soleil S, relativement fixe.
Pour fixer les idées, considérons un point M de l'hémisphère boréal.
En jetant les yeux sur les figures 83, 84, 85, on verra facilement que les variations dans la durée des jours et des nuit pour ce lieu quelconque M de la terre, sont dues aux variations de la hauteur du soleil, au-dessus ou au-dessous de l'équateur terrestre; autrement dit, aux variations de la déclinaison du soleil résultant du mouvement de translation de la terre sur son orbite elliptique.
Dans chacun, le cercle PAEP'E'A', que l'on voit de face, est l'intersection de la terre, supposée sphérique, par le plan qui passe par le centre, S, du soleil et l'axe de rotation PP', considéré dans l'une de ses positions successives; s étant l'intersection de la ligne TS avec cette circonférence, l'arc sE est la D du soleil, boréale dans la fig. 84, australe dans la fig. 85, et nulle dans la fig. 83.
1er cas général. Considérons d'abord cette dernière, le soleil étant dans le plan de l'équateur, le cercle d'illumination BII'B' coupe le plan SPP' suivant l'axe PP' lui-même; il résulte de là que chaque parallèle diurne, B'ABA', ayant son centre C sur le cercle d'illumination, est divisé par celui-ci en deux parties égales B'AB, BA'B'. A l'époque où le soleil est dans le plan de l'équateur quand la déclinaison est nulle, c'est-à-dire à chaque équinoxe, la durée du jour égale celle de la nuit pour tous les lieux de la terre.
2e cas général (fig. 84). Le soleil est au-dessus de l'équateur du côté du pôle boréal P; la déclinaison sE est boréale. La figure montre immédiatement que, dans ce cas, pour tout lieu M de l'hémisphère boréal, la durée du jour surpasse celle de la nuit, et que cet excès du jour sur la nuit augmente ou diminue avec la ligne CK, par suite avec l'angle ITP = sTE = Déclinaison. Ainsi, quand la déclinaison du soleil est boréale, le jour dure plus que la nuit pour tout lieu de l'hémisphère boréal, et d'autant plus que cette déclinaison boréale est plus grande.
Le contraire a évidemment lieu à la même époque pour chaque lieu m de l'hémisphère terrestre austral.
3e cas général (fig. 85). Le soleil est au-dessous de l'équateur DE'; sa déclinaison Es est australe.
La figure montre qu'alors le jour dure moins que la nuit pour chaque lieu M de l'hémisphère boréal, et dure d'autant moins que CK est plus grand, ou bien que l'angle ITP, qui mesure la déclinaison australe Es du soleil, est plus grand.
Ainsi, quand la déclinaison du soleil est australe, le jour dure moins que la nuit sur l'hémisphère boréal, et d'autant moins que cette déclinaison australe est plus grande.
Or ces conclusions sont identiquement celles que nous avons déduites de la considération du mouvement annuel apparent du soleil.
Il reste maintenant à montrer comment le mouvement de translation de la terre, dans son orbite elliptique dont le soleil occupe constamment un des foyers, fait varier la déclinaison du soleil.
Pour cela, il est bon de remarquer: 1º (fig. 84) que l'angle PTS de la ligne ST avec le segment TP de la ligne des pôles, qui va au pôle boréal, est aigu quand la déclinaison, sE, du soleil est boréale; et réciproquement; que, de plus, la déclinaison, sE, est alors le complément de l'angle PTS; 2º (fig. 83) que si la déclinaison est nulle, PTS = 90°. et enfin (fig. 85) que la déclinaison Es, étant australe, l'angle PTS est obtus, et réciproquement; la déclinaison, Es, étant alors égale à PTS--90°.
Étudier les variations de la D revient donc à étudier celles de l'angle PTS.
Soit T1T2T3T4 (fig. 87) l'orbite de la terre dont le soleil S occupe un foyer; elle est tracée dans le plan de l'écliptique céleste, Soit SN l'axe de l'écliptique, et SO la direction fixe à laquelle l'axe PP' de la terre, mobile avec celle-ci, doit rester sensiblement parallèle durant tout le mouvement annuel de la terre (l'angle NSO = 23° 28') 150; soient T2T4 l'intersection du plan NSO avec celui de l'écliptique auquel il est perpendiculaire, et T1T3 une perpendiculaire à T2T4, menée sur l'écliptique; T1T3 est perpendiculaire au plan NSO, et par suite aux deux lignes fixes SN et SO. Supposons que la terre, T, se meuve sur l'ellipse dans le sens T1T2T3T4 à partir de T1. Dans la 1re position T1 l'angle OST1 étant droit, son supplément PT1S l'est aussi; le soleil est dans un plan perpendiculaire à l'axe PP', c'est-à-dire dans le plan de l'équateur; alors D = 0, et le jour égale la nuit pour toute la terre; c'est l'époque d'un équinoxe, celui du printemps, comme nous allons le voir. En effet, la terre continuant à se mouvoir sur l'arc d'ellipse T1T2, le rayon vecteur ST se meut sur le quadrant T1TT2; or la géométrie montre qu'alors, partant de la valeur OST1 = 90° pour aller à la valeur OST2 = 90° + NSO = 90° + 23°28', l'angle OST, toujours obtus, augmente continuellement 151; il en résulte que son supplément PTS, toujours aigu, diminue continuellement de PT1S = 90 à PTS2 = 90° — (23° 28') = 66° 32'. Il en résulte que la déclinaison sE = 90° — PTS (fig. 84), constamment boréale, va en augmentant de 0 à 23° 28', maximum qu'elle atteint quand la terre arrive en T2.
Note 150: (retour) La direction de l'axe de rotation de la terre n'est pas constante; mais le changement de direction que nous avons indiqué nº 231 est si lent, que nous pouvons, sans inconvénient sensible quand nous suivons la terre dans une de ses révolutions autour du soleil, considérer la direction de cet axe comme ne variant pas durant cette révolution.
Note 151: (retour)
Soit SO (fig. 86) une ligne oblique au plan MN, ayant pour projection sur ce plan, ST4; menons, dans le plan, T1T3 perpendiculaire à T2T4. Comme le plan projetant OST4 est perpendiculaire au plan MN, T1T3 est perpendiculaire au plan OST4 et par suite à SO; OST1 est droit ainsi que OST3. Nous voulons comparer entre eux les angles que fait SO avec les lignes qui passent par son pied dans le plan MN. Le plus petit de ces angles est par hypothèse OST4; supposons-le égal à 90° — 23° 28' = 66° 32'. Considérons les diverses lignes ST qui s'éloignent de ST4 dans l'angle droit T4ST1; du point O abaissons OD perpendiculaire à MN, et du point D une perpendiculaire DI à chacune de ces lignes ST. Si on mène OI, chaque ligne OI sera perpendiculaire à ST. Cela posé, à mesure que la ligne ST s'éloignera de ST4 vers ST, dans l'angle T4TT1, l'angle DSI du triangle rectangle DSI, à hypothénuse fixe SD, augmentant, son complément SDI diminue; d'où il résulte que le côté SI diminue continuellement de SD à O. En même temps dans chaque triangle OIS, à hypoténuse constante OS, rectangle en I, le côté SI diminuant, le côté OI augmente et avec lui l'angle aigu opposé OSI ou OST; donc de la position ST4 à ST1 (ou à ST3, ce qui revient au même) ces angles OST augmentent de 66° 32' à 90°; et vice versa, de ST1 à ST4 ou de ST3 à ST4, ces angles OST diminuent de 90° à 66° 32'. Par suite, les angles OST pour les lignes situées dans l'angle T2ST3 ou T1ST2 étant les suppléments de ceux que nous venons de considérer, on peut dire que de la position ST1 à la position ST2 les angles OST, toujours obtus, augmentent de 90° à 90° + 23° 28'; de la position ST2 à la position ST3, ces angles toujours obtus diminuent de 90° + 23° 28' à 90°.
Durant le mouvement de la terre sur l'arc T1TT2 le soleil doit donc nous paraître s'élever de plus en plus au-dessus de l'équateur du côté du pôle boréal 152, jusqu'à ce que sa D, toujours boréale, atteigne un maximum de 23° 28'. La saison qui s'écoule alors est donc le printemps; durant cette saison, le jour, constamment plus long que la nuit pour les habitants de l'hémisphère boréal, doit augmenter continuellement avec la D du soleil jusqu'à un maximum qu'il atteint alors que la terre arrive en T2. Cette dernière position de la terre est donc celle qui correspond au solstice d'été. La terre continuant à se mouvoir sur l'arc T23, le rayon vecteur se mouvant dans le quadrant T2ST3, l'angle OST, toujours obtus, diminue depuis la valeur OST2 = 90° + 23° 28' jusqu'à OST3 = 90°; son supplément PTS, toujours aigu, augmente depuis son minimum 90° — 23° 28' = 66° 32' jusqu'à 90°. La déclinaison sE (fig. 84) du soleil, toujours boréale, diminue depuis 23° 28' jusqu'à 0°, valeur qu'elle atteint quand la terre arrive on T3, où l'angle PT3S = 90°.